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Christian, P.. Histoire de la magie, du monde surnaturel et de la fatalité à travers les temps et les peuples. s.d.. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Paul Christian (Pseud. Jean Baptiste Pitois) - Histoire de la Magie.pdf

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  • Christian, P.. Histoire de la magie, du monde surnaturel et de la fatalit travers les temps et les peuples. s.d..

    1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.

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  • LA MAGIE

    DU MONDE SURNATUREL

    t~T DE LA FATALtTR

    A TRAVERS.LES TEMPS ET LES PEUPLES

    t\C)f;\nt)().tOT))HCA!nH.H!Mt\)STmtHnHt.')SST[ttJCT)Sf)tHHO);H)'tt)HS

  • HISTOIRE

    LA MAGIE

    DIl.

  • 'M'ry),t~
  • ` PRAMBULE

    La Magie, ou'plutt le Magisme.'si l'on daigne remonter ases sources antiques, ne peut plusse confondre avec les super-stitions qui calomnient sa mmoire. C'est la premire'doctrinereligieuse, morale et politique de l'humanit.Son nom vulgaire vient du grec MAIOY(Mage)et MAlEtA(Ma-

    gie), altration des termes ~y, ~/cy/

  • PXEAMBULE.yi

    fini, contempl des hauteurs de l'me, dans l'aurore du gniedes nations. C'est une intuition des splendeurs u)tramondainesvers lesquelles nous attire sans cesse, comme un aimant divin,malgr nos dfaiUances et nos chutes, l'immortelle conscienced'un ternel avenir.

    Une telle tude ouvre, et l, d'immenses profondeurs 'oula raison se perd dans les b)ouisscmcnts de l'extase.' Nousn'irons point tenter le vol d'Icare au-dessus de ces abmes. L'aMagie active et pratique va nous livrer, sans quitter la terre,les secrets de la puissance qu'elle a si longtemps exerce parmiles hommes, surtout par le prestige des arts divinatoires, des

    'oracles, et de la presque infaillible Astrologie.Ce'livre est le fruit des recherches qui m'ont souvent charm,

    et j'espre qu'il-obtiendra du public la bienveillance qui s'atta-che,. depuis trente.ans, tout ce que j'cris. Quelques espritsdistingus lvent en ce moment, par l'union de la fortune, del'intelligence et des arts; un monument triomphal aux inven-tions modernes (1). Je viens btir dans son ombre une humblecabane, avec quelques pierres du pass. L'admiration ira toutdroit an monument; mais, au retour, elle ne mprisera pointla cabane.

    H y a, en effet, dans toute vie, certaines heures o l'me serecueiHe, hors des bruits de la terre, pour se demander d'oelle vient et ou elle va. L'attrait des choses caches, qui sourit. tons les ges l'esprance, la crainte, l'ambition, l'amour, leregret, la douleur, spectres voiis du Destin, qui se dressent,tour tour, au seuil de chaque journe en un mot, tout cequi effleure ou fait vibrer l'imagination et le coeur, voque au-tour de nous les mirages d'un monde surnaturel o nous. cher-chons instinctivement lumire, assistance ou refuge..Les re-ligions le dcrivent sous des formes diffrentes, et l'emplissentde merveilles, se!on )e caractre des pays, des poques et desraces mais sa ralit absotue nous chappe, comme l'essencede Dieu mme, derrire l'ombre-paisse .dont se revtent lesdogmes. Cette patrie inconnue, d'o descendent et o rcmon-

    ()) LesjV?)'fe)7/Mf/cla science,descriptionpopulairedesdcouvertesmodernesparLouisFiguier,4 vol.in-

  • PREAMBULE. VII

    tent nos rves, a-t-elle une existence? Il.suffit, ce. me.semble,d'ouvrir les yeux, pour n'oser le nier. L'astronomie, sublimevoyageuse qui, de jour en jour, s'avance plus loin dans lescieux, constate sans cesse que l'immensit de l'espace, peupled innombrables merveilles, ne contient rien d'invisible queproportionnellement nos moyens de. vision. Centuplons, tt.ou tard, les puissances de l'optique, et nous commencerons alire l'histoire de Dieu, Bible vivante dont chaque toile est unelettre, chaque constellation une phrase, chaque-phnomneune page, chaque cycle solaire un volume. Nous verrons la viese mouvoir dans ces orbes tincelants qui fleuronnent le dia-dme de l'Eternit, et nous trouverons peut-tre un .secret pourcommuniquer avec eux.'Mais ces astres sont-ils trnes ou foyers d'intelligences suli-

    rieures notre nature?. Existe-t-il, entre ces crations etnous, certains liens providentiels?. En d'autres termes, lestres qui tes habitent, ou quelques-uns de ces tres, peuvent-ilsexercer sur le prsent et l'avenir de l'homme une influencequelconque, tutlaire ou dangereuse, et atteste par l'exp-rience?. Et, si les faits surabondent au profit d'une, telle.affirmation, leur tmoignage repose-t-il sur de suffisantesautorits ?.autorits?.

    Ce problme n'est pas sans gravit, ni sans grandeur. Dequelque manire qu'il se rsolve, la majest du Tout-Puissantn'en sera point amoindrie. Je n'aperois rien de contraire la

    plus saine logique dans la supposition que les lois de l'ordreuniversel sont appliques, autour de nous et en nous, commele croyaient les Mages,par des ministres plus ou moins nom-breux et diversement actifs, de la Sagesse absolue. Il serait,sans doute, intressant pour l'Humanit de porter enfin, aveccertitude, un jugement dfinitif sur la valeur des traditionstransmises, a cet gard, par les croyances de la plus hauteantiquit.Je n'ai pas craint de m'aventurer dans ce labyrinthe ou il

    est si facile de s'garer ds les premiers pas. Nous avanceronsavec prudence. Je citerai soigneusement les sources lointaineso j'ai puis, tous les dbris, confondus aujourd'hui, de l'an-

  • Vm : PRMBULM:;

    tiquit' savante et du moyen ge'rudit.'J raco.nte 'sans partipris, laissant pleine carrire la libre .apprciation des lec~turs. Les uns verront ici. unescience dont ils voudront peut-tre agrandir la perspective je leur indique la route. D'autresne chercheront qu'un amusement, et. j n'ai pas la prtentionde leur offrir davantage.' Toutefois, aux'graves penseurs quicreusent le fond de toutes, choses, comme aux'esprits moins:srieux qui s'arrtent aux surfaces, je dmande.une attentionquelque peu soutenue, pour qu'itsne laissent point chapper lelil d'Ariane travers les mandres de l'Astrobgi et les sen-tiers entre-croiss sur lesquels se joue la Fortune, dans le mou-vement perptuel de t'Horoscope.

    Ressusciter l'antique Horoscope, aux approches du ving-tieme sicle moderne, c'est peut-tre une grande tmrit;mais elle trouve sa justification" dans. la doctrine mme des,Mages. Heureux,)) disait Hermes-Thoth, heureux qui saittire les signes'des temps: celui-l peut viter beaucoup d'in-fortune, ou du moins se prparer en amortir le choc. L'artmystrieux des prtres d'Isis n'admettait point une aveugle fa-talit, mais, en face des preuves si diverses dont se composetoutc.vie, il armait l'homme d'une efficace volont .pour com-'battre et vaincre, ou d'une' sage rsignation pour souffrir.L'histoire de tous les temps est pleine d'incontestables prdic-tions. Si c n'est point assez pour commander la foi, c'est troppour nous permettre un orgueilleux ddain. Quelles que soientd'ailieursies protestations des esprits forts, la vraie, la hauteMagie; devant laquelle s'inclinrent tous les trnes de l'ancienmonde, ne cessera de possder, au-dessus des rvolutions hu-maines, le plus vaste et le'seul imprissable empire, celui dela curiosit.

    P. CHRISTIAN. w

  • HISTOIRE

    DE LA MAGIE

    MVREPREMIERLES PORTES DU MONDE SURNATUREL

    J'achevais, en 1839, avec Chartes Nodier/de l'Acadmiefranaise, un livre consacr aux souvenirs du vieux Paris (1),ce trne de tant de grands hommes et d'une si haute histoire,qui s'miette aujourd'hui, pierre pierre, sous le marteau dsdmolisseurs, et dont il ne restera bientt qu'une lgende.Profond penseur, merveilleux antiquaire, Chartes Nodier

    n'avait pas seulement l'amour des livres, il en levait le respect la hauteur d'une religion. Le mot n'est point risque. Si l'-

    glise est la maison de Dieu, la librairie est le tempte de l'esprithumain, le tabernacle du Verbe crit.'C'est le reliquaire des

    penseurs qui, de sicle en sicle, ont agrandi le monde c'estl'armoriai d'une noblesse qui ~) t'infini pour anctre et pourpostrit.

    ()) Paris /iM

  • HtSTOlKEDELAMAGiE.C)

    Que) que soit le rang de l'homme dans toute socit, il nela sert, ou ne lui p)at, et, n'y maintient sa place que par les

    qualits dont l'imprgnent les livres. Les livres sont ses pre-miers matres, et souvent ses derniers amis. Le sacerdoce, ta

    justice, l'arme, l'histoire, la diplomatie, les sciences, les arts,l'industrie, les mtiers ont, leurs bibliothques. L'ouvrier quisait lire peut s'lever, par l'intelligence, au niveau du plusgrand citoyen. Le riche inoccupe illustre ses loisirs en cou-vrant d'or tes ditions monumentales, et les souverains eux-mmes sont tributaires du livre qui va mesurer leur mmoire..Ah me disait Nodier, qui avait vu tant d'orages, gardons

    bien ce culte de l'esprit a travers cette vie dont chaque len-demain se lve sur des ruines! Aimons les anciens livres, cesimmortels gardiens des poques de grande foi, de science pro-fonde et de passions fires aimons-les, pour nous fortifier auseuil des temps nouveaux.

    Un soir, dans la maison de Sully, qu'habitait Nodier, nous

    causions, a huis clos, de cette fauve Italienne qui, bien quenice d'un pape, fut le dmon de la France. Et nous lisions ce

    qui suit dans les Mmoires du temps Le 24 aot ~5~2,seigneurs et archers ensemble, toute sorte de gens et peuple,mts parmi eux et sous leur ombre, saccageaient les maisonsSet tuaient les personnes. Paris semblait une ville conquise. Les

    corps dtranchs tombaient des fentres, les portes taient bou-ches de tas d'agonisants, les rues pleines de cadavres qu'ontranait la Seine. La colre, le sang et la mort couraient entelle horreur, que Leurs Majests, qui en taient les auteurs, nese pouvaient garder de-peur dans le Louvre.

    Cette date, c'est la Saint-Barthlmy.Ces lugubres majests se nommaient Catherine de Mdicis,

    veuve de Henri Il, et Chartes IX, son fils.L'auteur des Mmoires que je viens de citer, c'est Gaspard

    de Saulx-Tavannes, marchal de France, un courtisan, un

    complice. Eh,

  • LIVRE PREMFt. ;{

    la mort de son mari, cinq enfants sur les bras, et devant elledeux familles, les Bourbons et les Gnises. qui pensaient en-vahir la couronne ?. Fallait-il point qu'elle jout d'trangespersonnages pour tromper les uns et les autres, et garder,comme elle a fait, ses enfants, qui ont successivement rgnpar la sage conduite d'une femme si avise ?. Voil Cathe-rine juge par Henri IV, si j'en crois les '~7e/MOM'Mde ClaudeGroulard, prsident au Parlement de Normandie, grand ma-

    gistrat qui refusa, par vertu, la dignit de garde des sceaux.Ce roi de France et de Navarre, dont Voltaire, le roi du para-

    doxe, a dit qu'il fut de ses sujets le vainqueur et le pre, pou-vait-il juger si benotement la sanglante reine du xvf" sicle?

    Pourquoi point ?. Sous la paternit d'Henri IV, les prisonsregorgeaient de pauvres gens incarcrs pour l'impt du sel. Ils y pourrissaient tellement, qu'on en avait tir jusqu' cent

    vingt cadavres pour une seule fois. Sa Majest, disent lesRegistres du F~/eme/~c~~oMeM,)) fut supplie d'avoir pitide son peuple. Mais, sachant qu'il venait grand trsor de cettetaxe, le roi voulut qu'elle fut maintenue en sa rigueur, ettourna le reste en rise. oAu surplus, de quoi se plaignait-on au meilleur des rois?

    = Mesconseillers, disait Henri, et mes officiers-en fontbien d'autres! )) L'aveu est plaisant. Si vous doutiez'de cette

    navet, lisez le ~Mn

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.

    Ducale, consult d loin sur ces royales terreurs, rpondit

    Catherine par cette nigme M&~H~-GerMMM!vous verra mou-rir. )) L'obscurit mme de l'oracle y ajoutait du prestige.

  • LIVRE PREMIER. 3

    avec le titre d'historiographe. L'eMuo~~e~, faux ou vrai, finit

    par le couteau de Ravaillac Ruggiri l'avait-il prvu?.

    Auger Ferrier, comme tous les mdecins de l'antiquit et du

    moyen ge, croyait aux influences astrales sur la destine. Il

    Auger Ferrier.

    savait calculer, sur une table des phases lunaires, tantt la

    crise fatale et tantt la convalescence. L'effet suivait si souvent

    les pronostics du docteur, que sa rputation de sorcier lui va-

    lait plus que ses remdes. Cette vogue l'avait mis en got d'ap-

    profondir la thorie de l'horoscope. 11 s'y montra si vaillant, si

    sur de lui-mme, et surtout si bien servi par l'vnement, que

    Toulouse, sa ville natale, devint pour lui une scne trop troite.

    Emmen Rome parle cardinal Bertrand, il tonna Pie IV,

  • 'HISTOmE DE LA .MAGIE.fi

    ut) Mdicis, et, a son retour en France, les lettres de::ce: papelui procurrent l'accueil de Catherine, qui en ht son mdecindevant le vulgaire, et son-prophete.dans l'intimit. Fidle asa.bienfaitrice, il ne la quitta que pour mourir, en 1589, quel-ques mois avant elle.

    Lorsque Catherine eut disparu dans le crpuscule des Va-lois, d'ou allait bondir le dominicain Jacques Clment, l'htelde la ~gx'Me,comme on l'appelait, fut acquis par Charles deBourbon, comte de Soissons, et garda ce nouveau titre jusqu'en1763, poque ou il'fut jet bas pour faire place a la Halle aubl. La colonne augurale de Catherine est seule reste debout,muet tmoin, trois fois sculaire, des pouvantements de cettemchante femme.

    nI

    Voil de l'histoire avre mais, me disait Nodier, ce quepeu d'couteurs accueilleraient aujourd'hui, sans hausser les

    paules, c'est l'accomplissement de la prdiction faite Cathe-rine par matre Luc Gauric. Il parat cependant que le prtrequi assista la vieille reine dans les affres de l'agonie se nommaitNicolas de &Ge?'?/!aM, vque de Nazareth. Catherine, enl'entendant nommer, crut voir la Mort se dresser derrire lui,et cette suprme terreur l'touNa.

    Venant de vous, rpondis-je mon aimable causeur, l'a-necdote a son prix; mais ne serait-ce pas un de ces petits contes

    faits, aprs coup, comme les mots prts a tant d'hommesfameux,

    C'est possible, et je vous abandonne volontiers mon Saint-Germain pour ce qu'il vaut. Mais puisque nous sommes sur le

    chapitre des choses singulires, tenez, en voici unequi semble

    porter avec elle son cachet de certitude.Et, ces mots, l'excellent Nodier tirait discrtement d'une vi-

    trine consacre aux rarets de sa bibliothque un petit volume

    in-24, d'environ cent feuiHets sur peau de vlin, relis en ivoire

  • LIVR.E PREMIEH. '7

    .bruni, avec coins et fermail, d'or sur. lesquels taient iincmentcisels le chiffre de Catherine et celui d'Henri H, n.C.et un Hentrelacs sous la couronne royale.

    Je parierais, poursuivit-il, que je tiens le brviaire dontse servait, sur sa colonne, la grande Mdicis. Il a du passer parbeaucoup de mains pour arriver jusqu' moi; c'est une pavedes rvolutions. Les chiffres gravs sur la reliure ne laissent

    point douter que cet exemplaire n'ait appartenu a Catherine, J'avoue que je ne pus toucher sans frmir cette relique d'une

    femme qui avait t si fatale. Mme semblait que le spectredeCatherine allait sortir de terre pour me l'arracher. Hien n'estfaible comme un esprit fort, sous les vibrations de l'imprvu.Il y a telle ide dont l'clair peut exalter au sommet des mondes,la plus chtivc nature; j'en sais'telle autre qui peut foudroyerle plus solide cerveau. La prsence d'un milieu doux et bien-veillant me servit sans doute de paratonnerre. Cachant de monmieux cette rapide motion, j'ouvris le petit livre de Catherine,dont Nodier, avec l'accent passionn de l'heureux bibliophile,me signalait la date, 15G3, et l'diteur, Jean de Tournes, lyon-nais, le clbre imprimeur du roi.Le titre tait /M

  • HISTOIRE DU LA MAGIE.8

    labeurs, humblement destine au service de Vostre Ma-

    jest~).))'Ainsi, de par cette lettre publique, la reine mre tait une

    adepte, une protectrice dclare des sciences occultes, passionde tous les sicles. Elle avait donc un manuel officiel de divi-nation, rdig pour elle-mme par un homme a son serviceet, sans nul doute, fort. vers en ces tranges matires. Mais

    pourquoi l'oeuvre de Ferrier se trouvait-elle imprime ? Pour-

    quoi le Louvre et la Vilie taient ils admis scruter les secrtes

    pratiques d'une reine si fameuse par sa dissimulation ?Quant cela, dit Nodier, les prcautions taient prises, et ellestaient fort simples.: Le grimoire de Ferrier demeurait ind-chiffrable sans certaine clef que l'auteur ne livrait point au

    public. Il suffisait, en ce temps-l, d'tre mystrieux pour im-

    poser, mme de grands esprits, une sorte de respect doubl de

    superstition. Catherine le savait. Rpute magicienne, ou peus'en faut, par le tmoignage de Ferrier, elle ne refusait pasce moyen de faire reculer la haine en lui opposant, commeune tte de Mduse, la menace de prvisions surnaturelles.Le Trait ~e~My~eM~ a~o~o~~M~ renouvelait l'nigme du

    Sphinx, et les OEdipestaient rares. Gentilshommes ou grandesdames, gens de robe, d'pe ou de finance, allchs par l'in-connu, venaient sans doute consulter le mdecin favori sur lafivre de leurs amours, ou sur les plaies de leur ambition.Matre Ferrier devait parler assez pour se montrer habile, etse taire propos pour garder son prestige il devait, je le sup-pose, exceller dans l'art de fuir devant les secrets pour lesmieux attirer. Catherine se servait de lui comme d'un hame-

    on, pour pcher ses ennemis dans. !'eau trouble des dange-reuses confidences. C'tait peut-tre l toute sa magie ceci soitdit sans dnigrer les vraies sciences occultes.

    (1) La'Bib)iothque'imperia)e'de Paris possde un exemptaire de ce petit livreextrmement rare. Moins luxueux que n'tait ce)ui de Ch. Nodier, il est retie entredeux simples ptanchettes de chne, et inscrit au catalogue sous les lettres et chin'resV 2413 A.

  • LIVRE PREMIER. H

    Vous y croycx donc? m'criai-je.Je crois, poursuivit Nodier, qu'i) ne tant pas plus nier

    qu'affirme)' ce qui chappe aux petites rgles de nos petits rai-sonnements. Les sciences occultes datent de trop loin, elles ont

    trop passionne l'Humanit pour tre vides de sens. Je nem'en suis occup qu'au point de vue des ditions rares, desmanuscrits enlumins et des curieuses gravures sur bois quinous en gardent la mmoire. Mais c'est peut-tre un monde aretrouver, dont le Christophe Colomb se lvera tt ou tard.Nous vivons une poque d'aspirations multiformes qui veutfaire en tout la lumire ses hardis pionniers cherchent partoutdu travail voil une route dfricher sous les dcombres du

    temps. La folie-est au bout, peut-tre, ou la suprme sagessela chance est prilleuse, mais le triomphe aurait son prix.Pour moi, dans mon droit de libre penseur, et sans vouloir

    choquer des incrdulits respectables, j'Imagine que, si l'homme

    peut rappeler dans le miroir du souvenir les fugitives imagesdu pass, il peut aussi, soit par un progrs de son tre, soit parla rsurrection d'une science clipse, crer ou, ressaisir quoi-que moyen d'clairer l'aueM!?', seconde face du Janus ternel.Qu'en dites-vous ?.

    Nodier souriait cil metendant la mainLa rponse ne pouvait s'improviser.

    Ht

    Uncette mme anne 1839, M. le comte de Salvandy, mi-nistre de l'instruction pubtique, faisait runir, a Paris, des mil-tiers d'anciens livres qui, depuis 1790, date de la suppressiondes monastres, existaient en double emploi dans presquetoutes les bibliothques departementa)es, ou les avait amoncetsia Hvolution franaise. Charge de mettre en ordre ces richesseslittraires, que la haute pense du bienveiltant ministre desti-nait a devenir le fondement de nouveUes bibliothques, je m'at-

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.40

    tachai ce travail avec une ferveur justifie par les intres-

    santes dcouvertes dont chaque jour gratinait ma jeune activit.

    La premire, et, sans contredit, la plus prcieuse, fut r~o-

    /e/6'~a~Me de Ptolme de Pluse, commente et dveloppe

    Junctin de Florence.

    par Jnnctin de Florence, docteur en thologie, et aumnier de

    Franois de Valois, dernier frre de Henri 111.

    Ptolme, contemporain du berceau de l're chrtienne, fut

    un des derniers docteurs de la clbre cole d'Alexandrie. Son

    uvre, crite en grec, et divise en quatre parties, expose toute

    la doctrine de la haute Magie gyptienne, d'aprs les traditions

    (rHerms et des sanctuaires si fameux de Thbes et de Mem-

    phis, dont l'origine se perd dans la nuit des temps.

  • LIVRE PREM1E]).' IL

    Junctin/'son commentateur, y annexe, page a page, avecune prodigieuse rudition, toutes ls concordances doctrinales

    qu'il a pu glaner dans ses recherches sur l'~4~0HMMC!echal-

    daque, sur )a Ti~M~/e des Hbreux, et sur les 77M~e~arabes,grecs ou )atins. H fait plus il met en action l'engrenage si

    complique de cette encyclopdie des sciences fatidiques et,pour dmontrer la puissance de ses tranges thormes, il mul-

    tiplie les exemples d'horoscope.: Ll en prend les sujets partout,parmi les empereurs, les papes,:les. rois, les cardinaux, les

    voques, les guerriers en renom, les notables citoyens des prin-cipales villes de France, d'Allemagne, et.'d'Itatie. Les rglesantiques sont poses d'un cte, les applications modernes s'-chelonnent de l'autre. Suivez, d'exemple:en exemple, ce prtredu dogme chrtien, ce matre en sainte et orthodoxe thologie(6ac?'CB

  • HISTOIRE DE IjA MAGIE.~2

    les .vieux mages comme tes prcurseurs des Aptres, et sesamis les.Gnovfains devaient communier avec lui dans lecult& secret..de''la. religion -primitive, puisque tes.livres de

    scie'nce occult qu'il leur:'lgua sont, eu 'maint' endroit, souli-

    gns'et:annots,'soit':paTlui, soit par eux.,)Lfditi6n de Junctin est ddie a Marghard; voque de'Spircet'conseiller du Saint-Empire romain: Elle fut imprime avecprivilge de Rodolphe H,: empereur d'Allemagne. Doublpr'euve.d la grande estime dont jouissait l'auteur, de.son.mi~nehee:. comme savant, et de l'admiration qui .accueillit~ son

    o&u.vredans. ls'rgions.du trne et ,du pontificat. 11 fut,.sansdoute, aussi recherch~par.~l'avide attention de la reine'Cathe-

    cin ;;peut-tre dut-il sa faveur..le: titr d'aumnier.de: r'hri-tier de la couronne, de ce Franois d.Valois,.comte d'Alenon,puis; duc d'Anjou, .qui mourut de'debauchc trente ans: Maisni-'la grave histoire ni la.chroniquc.scandaleuse~du temps~ncle montrent ml. aux .corruptions de cette .cour. ~Uvcu't.ctm.urut solitaire, .dans Lunique amour d'un amend a.par.t,peupl des chastes visions qui caressent le gnie.entre: terre etciel;~.Ma.:deuxime dcouverte fut le: ?~a!petit in-12 vtu de parchemin fort dlabr depuis 1632. C'es~.

    (!) JniiiFirmiciMaternijunioris~Siculi,vn'ichri, adMavortimnLoHia~um~7n-

  • LK
  • LIVRE PREMIER. 43

    tout. ce qui restait, des CM?'MA'!grand instinct du pouvoir absolu qui, parmi des entreprisescolossales et des ennemis acharns, soutint Richelieu sur leshauteurs toujours sereines d'une infrangible volont.Je me trompe. ]t y avait, dans le conseil priv du despote

    ministre; un autre homme, moins solide peut-tre,.en thorie

    que n'tait Ganarel, mais plus audacieux en pratique j'ai djcit Morin de Villefranche. Ce n'tait, au dbut, qu'un mde-cin sans malades, mais non sans intrigua. Rvant de minesd'or caches en je ne sais quel coin de la Hongrie, il les cher-chait depuis trop longtemps aux frais de Claude Dormi, vquede Boulogne, et Dormi, dcourag, fermait sa bourse, lorsque,dans une.auberge allemande, apparut Morin un certain Da-vidson, cossais, qui cherchait fortune d'autre faon, avec aussi

    ())~)M~ f/!MM

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.i4

    peu de russite. Ces deux esprits en dtresse s'lectrisrent

    leur point de contact Troquons nos mauvaises chances,

    proposa F Ecossais; enseignez-moi fart de gurir, et je vous

    donnerai, en change, ]a clef des prophtes. Cette clef, c'tait

    MorindeViUefranchc.

    l'Astrologie. Le march, tout bizarre qu'il nous semble, lut

    accept, et, des deux parts, tenu fidlement.

    Revenu Paris, Morin battait monnaie au moyen d'horos-

    copes qui se glissrent, peu peu, de l'antichambre au Bou-

    doir. Le hasard, cette providence des gens qui savent le prendreaux cheveux, lui ouvrit tout coup les voies d'un essor ines-

    pr. Le roi Louis XIII tant tomb malade en passant Lyon,deux devins de bas tage s'avisrent de faire circuler dans le

  • LiVhE PRMIEtt. )5

    publie la prdiction de sa fif) prochaine: cette inipertinenceprouvait assez leur sottise. Or, soit que Morin ft en ralit

    plus vers dans l'art occulte, dont l'cossais Davidson lui avaitcommunique les arcanes, soit qu'il et une plus fine intuitionde ses intrts, il adressa a la reine mre, Marie de Mdicis, un

    horoscope tout contraire, qui affirmait le prochain rtablisse-ment du monarque-et.en marquait.le. jour. L'vnement luidonna raison, et ses ~rivaux furent jets aux galres. Ds lors,Morin se vit la mode.'Bientt des.grands.seigneurs et.des

    prlats, les ducs de Luxembourg et de Luynes, les marchauxde Lesdiguircs et de Montmorency, les cardinaux de Brultcet de La Rochefoucauld, le-secrtaire d'tat BoulbHlier de

    Chavigny, le garde des sceaux MariHac, Louis Tronson, secr-taire du roi, s'inscrivirent parmi ses meilleurs clients. Des-cartes lui-mme ne crut point abaisser la philosophie'.en ]e con-sultant. Ces illustres personnages qui, assurment;ne furent

    point des compres, en firent tant de bruit la'cour et laville, que Richelieu ne put se dispenser d'y prter quelqueattention.. 4attention..

    La politique'franaise.tait~gh, en ce temps-l, par l'am-bition de Gustave-Adolphe, roi de Sude, et par les armes deWalstein, gnralissime ~dela'mison d'Autriche. Morin prditpour chacunl'ann de. )eur mort violente, qui'ne fut paslongtemps attendue Gustave'.prit, en .1632, a ta bataitte deLutzen, et Walstein fut poignard, en 1634, par ordre de i'em-

    pereur, qui le souponnait de viser il la couronne de Bohme.La confiance de Richelieu n'hsita plus Morin se rendait n-cessaire. On raconte qu'un jour, vers 1642, le jeune Cinq-Mars,grand-cuyer et~M;o?< du roi, arriva chez le premier ministreen riant aux ctats, son horoscope a la main

  • HISTOIRE DE LA MAGIE16

    spiratiou risque avec .l'Espagne. Ils y laissrent leur tte, et lecardina),' qui s'en allait au tombeau, lgua le matre en Magiea son successeur Mazarin, comme un prcieux outil de gouver-nement. Morin survcut jusqu'en J656, pensionnaire de lacour et du ministre, choy par ceux-ci, redout de ceux-l, ets'imposant tous. Avant sa mort, la. reine de Pologne,'MariedeGonzague, dont l'cossais Davidson tait devenu le mdecin,avait accept. la ddicace des uvres du dernier astrologuefranais; et les fit imprimer ses frais (J)..

    rv

    Ne nous arrtons que pour sourire, je )e veux bien, devant lacrdulit italienne des deux Mdicis et de Marie de Gonxague.L'am. de la femme est un prisme o se viennent rflchir.enune ..heure plus de merveilles que n'en saurait imaginer en unsicle une lgion de potes. Laissons cette reine des rves sesfantaisies diamanteescomme l'charpe des nuits; ne demandonspoint la sensitive le secret de son frmissement. Rejetons en-core, comme au-dessous de notre sagesse, le rapide engouementd'une pliade de grands seigneurs dsuvrs pour deslucu-brations qui ne nous paraissent aujourd'hui que frivoles etstriles, sinon mme insenses. Je respecte chez autrui la libertde penser, tout autant que je la tiens pour moi-mme inviolableet sacre; mais je fais une rserve qui ne h)esse personne lavoici.

    Quand on voit, par les yeux de l'histoire, le cardinal de Ri-chelieu descendre des tudes si singulires, et en admettreles adeptes dans sa familiarit dont il tait si avare; quand onvoit cet inflexible esprit, dont Balzac ou Suily disait que Dieu

    ()) ~o/o~f; G

  • LVBE PREMIER. )7

    2

    ne lui avait point donn de bornes, Hs'arrter, maigre sa froideraison et son immense orgueil, devant le spectre de la Fatalit,je crois que les sciences occultes, trop ddaignes de nos jours,se relvent la hauteur d'un tel disciple. Mais allons plusloin Richelieu n'est point l'unique patron qu'elles puissentrevendiquer.

    Ouvrons, par exemple, les Prfaces de saint Jrme, placespar ordre de Sixte V et de Clment VIII en tte de la Bible. Pythagore et Platon, dit saint Jrme, ces matres du

    gnie grec, visitrent en plerins du savoir et en humbles dis-

    ciples le collge sacerdotal des devins de~Memphis(~l'Astrologie au rang des hautes sciences, en la distinguant de

    l'astronomie, qui n'en estque l'instrument. Et si le pape Sixte V,le crateur de la Bibliothque vaticane, le restaurateur des mo-numents gyptiens transports:! Home par les Csars, ne crai-

    (i) Taceode philosophis,astronomis,astrologis,quorumscientiamortalibusutilissimaest,et in trs partesscinditur,ToBoYjj.a,T~[ie9oBo'

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.t88

    gnit point, d'annexer a la Bible ces passages du docte Jrme,c'est peut-tre un tacite hommage rendu l'rudit Jnnctin, quiavait su prdire, par le calcul des cercles hermtiques, l'av-nement des paps Jules Il, Lon X, Clment VII, Paul !)t,Jules III, Paul IV et Pie V.

    Htons-nous d'ajouter, pour ne pas tendre outre mesurecet aperu gnral, que Ptolme de Pluse, Ferrier, Junctin,Gaffarel et Morin ne me convirent point seuls a ressaisir le filconducteur des sciences occultes. Ma curiosit, d'abord un peuvague et capricieuse, devint un besoin rflchi d'tudier, quandje me vis prcd, dans ce ]abyrinthe maill de sductions,par une foule de personnages dont la mmoire est demeurehistorique.

    Citons brivement, pour l'antiquit Manthon, grand prtredu Soleil les philosophes Plotin, Jamblique, Porphyre, Pro-clus, Artmidore de Daldys.Pour l're chrtienne d'un ct, les rabbins'de Jude et les

    tolbas arabes de l'autre, des papes, des princes, des vques,des docteurs.

    Parmi les papes Lon III, Sylvestre !I, Honorius Ht, Ur-bain V.Parmi les princes: Alphonse X, roi d'Espagne; Charles V,

    roi de France; Rodolphe II. empereur d'Allemagne.Parmi les prlats saint Denys l'Aropagite, voque d'A-

    thnes; saint Csaire, vque d'Arles; saint Malachie, arche-

    vque d'Armagh Synsius, vque de Ptolmas; Nicphore,patriarche de Cons~tantinople Albert le Grand, de l'ordre de

    Saint-Dominique, matre du Sacr-Palais Jean de Muller, ou

    ~p~!

  • LIVRE PREMIER. 19

    Trithme;Joachim de Clico, abb cistercien de Corazxo;)esjsuites Athanasc Kircher, Guillaume Poste!, Torreblanca de

    Vitlalpande; Marsile Ficin, chanoine de Florence; Pierre

    Bungo, chanoine de Bergame; Pedro Cirvllo, chanoine de-Salamanque Jrme Cardan, mdecin du cardinal saintCharles Borrome Adrien Sicler, mdecin de Camille de Neuf-ville, archevque de Lyon, etc., etc.Ces noms, que je sme au courant de la plume, attestent que

    l'Eglise, en hritant du monde'antique, n'avait rien rpudides grands travaux accomplis ou tents par l'esprit humain.L'abb Lebeuf, en ses savantes Z)~e~/a~o?M sur l'histoire

    ecclsiastique de Paris, rapporte que le collge de Matre-Gervais, fond en 1370 par Charles V, avait pour objet d'en-

    seigner l'astrologie dans ses rapports avec la mdecine, et quele papeUrbain V, la prire du roi, confirma par une bulleles privilges de cet institut. Matre Cervais s'tait produit avecclat; sa mmoire est honore dans une histoire de Louis XI,crite en 1610 par Pierre de Matthieu, conseiller et historio-

    graphe d'Henri IV.

    L'glise protgeait donc ls sciences occultes,.dans la me-sure de ce'qu'elles ont conserv de respectable et d'intressant;elle les cultivait dans le silence des clotres, dans le cabinetdes thologiens; elle rangeait leurs doctrines, sans les y con-

    fondre, parmi les monuments de son propre labeur; elle lesconsidrait comme une lointaine tradition des clarts que Dieua fait luire aux regards de quelques hommes, sur les forces ca-ches qui rgissent par d'immuables lois l'conomie de l'uni-vers Toute science, disait-elle, vient de Dieu, qui nousa tout donn toute science est donc thologique et divine. La foi chrtienne la plus rigide, d'accord avec la raison deslibres penseurs, n'a jamais fltri -.etcondamn que ces charla-tans sinistres et misrables, sorciers de tout aloi, ncroman-

    ciens, fabricants de secrets poisons, jeteurs de sorts, ou ven-

    deurs.d'amulettes, qui prtendaient abriter sous le titre profande Magie )er industrie absurde et souvent criminelle.

  • mSTOIRE DE LA MAGIE.20

    Sachons donc, entre les deux flambeaux de' la raison et dela foi, distinguer la vraie Magie, cette vierge orientale qui al'infini pour voile et l'ternit pour couronne, d'avec l'abjecteSorcellefie, qui trane ses haillons dans le chaos:despoquesbarbares oudes civilisations corrompues. Allons ensemble, sans-crainte de faire ombre au progrs, contempler cette chaste Isisdont-nul mortel n'a dnou-Ja ceinture,.etqu.i attire les curs

    purs, par l'aimant de..sa beaut, sur des deg~s toujours pluslevs d'intelligence, d pouvbh- et d'amour, vers le souverainBien qu'entrevoyaient l~s~Mages et que chacun de nous doit

    poursuivre, au del du temps, dans l'immortaitt~le sess~spi-rations.

    .`v

    s

    La Magie tire son nom du mot chalden Ma~M~, quisignifie saqesse, en ajoutant cette expression 'le'sens gnra)i-sateurque nous prtons au terme ~7o~o~e. Les Mages, on

    adeptes de la Magie, osons dire les prtr~de la sagesse antique,taient des phil~soph&s~veus a'l'tude de l'univers, cette

    s~ht~e dont tecer~re est partout, disaient~-ls, &6nt Ta.

  • LIVRE PREMIER 2)

    jugement, la volont.La sensation affirme la vie; la con-naissance distingue les.formes de cette vie; le jugement les

    compare; la volont agit sur elles, et subit ou enchane leursractions.

    Le monde divin, qui embrasse les deux autres, est la sourceternelle d'o mane toute vie, dans l'ordre physique et dansl'ordre intellectuel, quilibrs par l'intelligence souveraine 'etparla sagesse absolue.Mais les Mages s'abstenaient d'expliquer Dieu. Ils le nom-

    maient l'p~6/e, et ils avaient grav, au fronton de leurstemples, cette inscription qui leur a survcu

    Je suis tout ce qui. est, tout ce qui a t, tout ce qui sera,et nul ne peut soulever mon voite. ))

    Ils essayaient, toutefois, de faire sentir la prsence divine, endisant Dieu se communique il nous par la perception du vrai,par la conscience du bien, et par la volont cratrice. Il estdonc toute Vrit, toute .K~!Cc, tout/Ta~MOMM,s'panouissantdans le triple sens que nous pouvons concevoir, mais non me-surer, de hauteur, largeur et profondeur infinies. Il est, au delde toute/ralit, Perfection; au del de toute raison, Provi-~eMce; au del de toute justice, ~4?/!OM~; au del de toute

    intelligence, LMMM'e?'e;au del de toute science, My~e?'c. Hest parce ~M' est, et rien ne peut tre qu'en lui, par lui, et

    pour lui.C'est.ainsi.que. la fameuse parole de saint Paul': a. 7?!Deo

    vivimus, MMue~MM~et ~MMM~, fut devance de. trois mille ans.Au-dessous de l'immutabilit divine, les Mages reconnais-

    saient que ,tout, change, .se.transfigure,.avance et s'amliore.Une providence parfaite pouvait-etle moins faire que de disposerses uvres en vue d'un progrs perptuel, se droulant l'in-fini, dans le temps et l'espace, par le dveloppement successifdes tres et des mondes? Ce progrs, c'est l'ascension de l'Hu-manit.vers un idal relati f de..perfectionnement, de bonheuret.de saintet, dont la ~a/~e,

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.22

    apporte a chaque station de ce plerinage ternel le contingentde ses mrites, ou celui de ses fautes. L'expiation l'y attend,comme la rcompense mais alors Dieu punit et ne se vengepoint. Pre suprme, il ne peut vouloir qu'une seule craturesortie de son sein le maudisse jamais dans d'irrparablesdouleurs, et c'est l'ange de l'esprance qui vient prsenter aupcheur la coupe du repentir, pour qu'il l'emplisse de seslarmes..

    Si, au contraire, l'tre initi par la mort un nouveau cyctede progrs est trouv digne du rang d'lu, il peut devenir unmessie, pour l'enseignement des lois sacres sur les mondesinfrieurs. Plus tard, en montant toujours vers de plus su-blimes vertus, fut-il arriv ce nombre innarrable de per-fections qui resplendit dans la sphre des hommes-dieux,l'/MP~e aura sans cesse en rserve pour lui des trsors deplus haute gloire, de science plus splendide, de pouvoirs plusmerveilleux, chelonns, au del de toute conception, sur lesroutes indescriptibles d'ascensions plus divines.

    Cette thorie des Mages a-t-elle pour fondement une rvla-tion positive, ou n'est-elle qu'un mirage des rveries orientales?`lNous en constatons l'existence, mais l'origine prcise nouschappe. Il y eut des Mages dans l'Inde, la Perse, la Chalde,l'gypte mais quels furent les plus anciens et, parmi ces an-ciens, quel fut l'initiateur du dogme primitif? Nous n'avons,en fait d'histoire des civilisations vanouies, que des dbrispars et profondmcnts altrs. Nanmoins, ce qui subsiste en-core des Vdas, gense de l'Inde, des livres Zend, thologie desPerses, et des crits de Thoth ou de ~/aMe//MM,pour l'Egypte,semble prouver que les peuples les plus reculs dans la nuit destemps professaient la doctrine de l'unit de Dieu, et celle desmigrations de l'me humaine dans les astres. On y lit, en pro-pres termes, que cette me immortelle, en quittant son enve-loppe terrestre, va habiter, pour y subir d'autres preuves, lesmondes de rcompense ou d'expiation auxquels appartiennentses uvres. Chez les Celtes-Gantois nos anctres, venus d

  • LIVRE PREMIER. 23

    l'Asie, le sacerdoce druidique avait transmis l'Occident-lesmmes croyances, et nous devons regretter, avec Jules Csar,qu'une des lois fondamentales de l'ancienne Gaule ait t de nejamais rien crire ni sur l'histoire ni sur la religion. Les tradi-tions orales qui nous sont parvenues sont d'un haut prix, d-faut de monuments plus certains; mais, en traversant les gn-rations, elles se dfigurent plus ou moins, comme ces mdaillesfrustes dont l'archologie essaye de deviner l'poque, sans pou-voir rtablir en son intgrit leur exergue ronge par la rouilledes ges. Ces lacunes qui, parfois, arrtent court les plus pa-tients efforts de l'esprit de recherche et de reconstruction, mais

    que des dcouvertes imprvues. inespres, combleront peut-tre un jour, m'e feront pardonner les ttonnements auxquelsme condamne l'obscurit des sources dont je dfriche l'avenue.Au del d'une tude si aride, la patience du lecteur n'aurapas t strile, si le ct pratique de la Magie cleste, car ilfaut nier la Magie :ey?!o/e, se dgage enfin des limbes de. lathorie.

    Nous venons d'entrevoir l'ide gnrale que les Mages se fai-saient de la Divinit suprme et de son action sur l'Humanit.Je ne la juge point je l'expose, telle qu'elle m'apparat, danssa radieuse et calme simplicit, au-dessus du strile conflit desdiscussions mtaphysiques. J'avoue, pour ma part, que cette

    thosophie ne blesse point ma raison c'est ici une affaire desentiment, et presque de sensation.Transportons-nous, en effet, par la pense, sur une monta-

    gne, l'heure o le parfum d't qu'exhalent de loin. nosplaines, nos valles et nos bois, monte avec le dernier murmurede toutes choses, dans l'immensit de. l'azur assombri. L'orbesolaire a disparu sous un fleuve de rubis, d'meraudes, de

    saphirs, de topazes et d'or en fusion, dont les derniers bouil-lonnements s'teignent l'horizon. Voici la nuit, oui, pour lecur troit qui ne pressent rien au del des joies ou des tris-tesses que peut contenir sa journe. L'esclave d'une misre sor-dide ou d'un labeur ingrat, d'un gnie qui avorte ou d'un or-

  • HISTOIRE DE- LA MAGIE.24

    gueit impuissant, d'une ambition meurtrie ou d'une-grandeurblase, ne demande la piti de la nature qu'un peu de repos,.avant de reprendre son joug. C'est le lot de la foute.

    .Mais pour l'.ctre aimant d'une vie suprieure, a mesure quel'ombre. d'en .bas gagne et submerge les sommets, l'aube,del'Infini s'entr'ouvre et s'claire. Ces myriades d'toiles, vivantes

    pierreries de la couronne de-Dieu, ne semblent-elles point ruis-seler, de cercle en.cercle, dans les profondeurs thres d'unemer sans limite et sans fond?. Eh bien, si, repoussant du piedle rivage du temps, nous pouvions nous plonger dans les flotsde cette vie.Inconnue s'il nous tait donn d'en suivre le'cou-rant pendant des .sicles de sicles, avec la vitesse de'la lu-mire aprs avoir franchi d'un trait cette immensit,.et voyantdtendue s'ajouter sans cesse l'tendue, les crations nais-santes aux crations vieillies, les abmes de t'avenir aux abmesdu pass, qui donc voudrait croire que l'auteur de ces-mer-veilles, Celui de. qui nous tenons un insatiable besoin de toutconnaitre, ne nous garde, pour ternelle preuve de sa toute-puissance, que l'ternelte nuit du tombeau?.

    Cette protestation si hardie de l'me humaine contre,la pos-sibilit d'un.anantissement se rsume en trois mots: Thologiedes./~oM

  • LtVRK P.REMIEtt. 25

    te Thaborde la, contemplation; 'c'est' te.Calvaire o la' foi,rachte les biasphmesd l'athe.Il est donc-vraisemblabte que les montagnes, les coltines,

    les hauts lieux en gnral, furent tes'premicrs autets de la plusancienne des religions, et tes premires coles des ides trans-cendantes. Les Mages de l'Inde qui, suivant une tradition re-cueillie par plusieurs Pres de l'glise chrtienne, descendaientde ta race de Seth, fils d'Adam, 'nous en prsentent le tmoi-gnage. Hritiers fidles des rvlations gensiaques, ils avaient

    emport aux confins des rgions voisines de l'aurore unemyst-rieuse tradition, prdisant qu'un astre nouveau hriHerait dansles deux quand le Rparateurpromis au pre des hommes ap-paratrait sur la terre. Isols de la corruption qui avait envahile monde avant et aprs le dluge, ils ne formaient aucunealliance trangre, et passaient leur vie, de gnration en'g-nration, dans l'attente du prodige annonc a leurs anctres~Douxc d'entre eux taient choisis pour observer sans cessel'tat~du ciel, et y chercher le signe prcurseur de l'universellerdemption. Leurs fonctions, transmises de pre en fils, con-stituaient une sorte de sacerdoce'en'attendant. l'accomplisse-ment de l'oracle dont:ils gardaient le dpt. Etablis au piedd'une.hauteur qui portait, on ne sait plus pourquoi/le nom dmontagne :de :ta Victoire, ils entretenaient sans cesse troisobservateurs: sur sa cime. Chaque anne, aprs l'poque desmoissons, ces trois Mages taient, relevs de leur poste partrois autres; leur temps se partageait, sur la montagne; entrela prire et l'tude des champs clestes; les habitants de largion infrieure fournissaient teurs'besoins matriels, pourque rien ne pt troubler.leur sainte application.Qui dirai leurs travaux solitaires, leurs mystrieuses visions

    et tes resplendissements de leur pense?. Qui oserait affirmer

    qu'au del de notre monde physique ils n'ont.pas eu quelquervlation du monde surnaturel qui nous presse de toutesparts? Peut-tre ont-ils devin que tous ces astres; qui flottentcomme des.itcs sur l'ocan de l'ternit, sont peupls d'Huma-

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.26

    nits suprieures ou infrieures la ntre, et qu'ils portentdes sries progressives d'tres pensants, depuis les intelligencesd'en bas, peine sorties des langes de la matire, jusqu'auxdivines puissances auxquelles il est permis de contempler leCrateur dans sa gloire et de comprendre toute la sublimit deses oeuvres.Cette ide fut celle des meilleurs philosophes de l'antiquit.

    Elle ressuscite aujourd'hui sous la plume d'un astronome p-ntrant et hardi (1), dont la thse, brillamment soutenue, fait,en ce moment mme, de nombreux proslytes. H y a, )) dit-il, en mathmatiques, une thorie nomme la y/teorxedes limites.Elle dmontre qu'il y a certaines grandeurs vers lesquelles on

    peut marcher sans cesse, sans jamais arriver jusqu' elles on

    peut en approcher indfiniment, d'une quantit moindre quetoute quantit donne mais quant les atteindre, jamais. Celui

    qui, s'tant initi la nature des nombres, essayerait de pesercette thorie, d'en approfondir le sens intime, et de l'appliquer l'ensemble de l'univers~ verrait soudain se dresser devant luiun amphithtre dont les degrs seraient sans fin. Cet amphi-thtre, ce serait la hirarchie des mondes. La/M

  • LIVRE PREMIER. 27

    tabiement conduit cette conclusion que les divines hypo-stases, ternellement inactives jusqu'au jour de la crationterrestre, n'ont manifest l'effusion de leur puissance infinie

    que pour crer un grain de poussire anime. Mais, conclut le penseur que je viens de citer, si nous

    considrons les astres comme des stations du ciel et commeles futures rgions de notre immortalit,'du haut des sommetsternels o nous a ports cette contemplation, la vanit deschoses terrestres nous apparat dans son tat rel. Le Crateurgrandit au sein de sa 'majest profonde, mesure que nosconceptions se dveloppent et s'lvent. Nous voyons tous lestres de l'univers lis entre eux par la loi d'M~e et de soli-darit, tant matrielle que spirituelle, qui est une des premireslois de la nature. Nous sentons alors que rien ne nous est

    tranger dans le monde, qu'une parent universelle nousunit a toutes les cratures. Non, l'univers n'est pas une per-spective inutile d'apparences mensongres, et quand des nuitssublimes allument l'orient leurs merveilleuses clarts; ceslointaines toiles, que poursuivent nos rves, dans les man-dres sacrs de l'Infini, ce sont les Humanits, nos surs, quipassent! ri

    Telles furent, peut-tre, les visions qui charmrent les

    Mages indiens sur le mont de la Victoire, pendant les siclesd'attente qui les sparaient de l'Homme-Dieu; et lorsqu'enfinl'astre promis apparut sur l'horizon de leur observatoire, dansla nuit messianique, ils durent le reconnatre des signesqui ne laissaient aucun doute dans leur esprit. Suivant une

    croyance rapporte par phrem de Syrie, un doux visage'depetit enfant se dessinait sur une croix de lumire, au centre del'toile mystrieuse. Ne nous htons pas trop, incrdules ou

    sceptiques, d juger apocryphe ce dtail trange. La croixtait, pour les Mages, un symbole de l'infini en tendue, sousson quadruple aspect de hauteur, largeur et profondeur. Ilsdisaient de cette figure qu'elle est la MyHa~M~de Dieu, et, soit

    qu'ils l'aient rehment distingue dans les cicux au moment

  • HtSTOmE DE LA MAGIE.!~8

    de l'apparition ste!Iaire, soit qu'elle n'ait t pour eux qu'unemanire d'exprimer le mystre des temps nouveaux, nouspouvons la considrer comme un des suprmes hiroglyphesde la doctrine philosophique et religieuse des premiers gesdu monde.

    Lorsqu'ils arrivrent la grotte de Bethlcm, dit phremle Syrien, ils ne craignirent point de s'tre tromps. La scienceocculte qui les avait amens illumina, peut-tre, a leurs yeuxcette solitude indigente, et; au del des formes terrestres, ilsentrevirent un moment les splendeurs du Verbe incarn. Ils

    apportaient au berceau de l'Ent'ant-Dieu trois prsents symbo-liques de l'encens, hommage offert sa divinit; de lamyrrhe, parfum qui conserve les corps, honneur rendu ason imprissable humanit et de l'or, signe de la royautqu'ils dcouvraient en son avenir. Et alors, continue phrem,l'entretien suivant s'changea entre la- vierge Marie et ces-dputs de l'Orient.

    Que faites vous, leur disait-elle, nobles trangers?Quelle main vous a conduits des palais de l'aurore jusqu'cette misrab!e retraite? Pourquoi ces riches prsents sont-ils

    dposs aux pieds d'un enfant inconnu, le plus pauvre desderniers ns d'Isral?.

    Soyez bnie, rpondirent les Mages, Vierge qui avezdonn le jour cet enfant, car nous voyons en lui le roide l'avenir.

    .'Hlas, reprit la Mre divine, quel roi fut jamais con-damn n'avoir pour berceau qu'un peu de paille oublie pardes chameliers de Syrie? Ou seraient le trne et la couronnede cet enfant? Dites moi donc a quels signes vous devinez sa.grandeur?.

    -Et les Mages rpliqurent Nous en .sommes'srs,l'me de cet entant vient des cieux Sous cette frle enve-loppe repose le fils de l'Ancien des jours. Il a voulu natrepauvre, avec la faiblesse des nonveau-ns, parce qu'il vientici-bas pour consoler les pauvres et affranchir les opprims.

  • UVRE PREMIER. 2U

    Mais, un jour, tous les puissants de la terre'iuclineront ses

    pieds l'orgueil du diadme et confesseront sa divinit.

    -Seigneurs, reprit Marie, dites-moi qui vous rvle cesgrandes choses? Les anges du Trs-Haut vous ont-ils apparusur les montagnes lointaines d'o le soleil commence sacourse?` ~

    Mre admirable, lui rpondirent les saints voyageurs,nous avons vu luire dans les cieux une toile qu'aucun regardhumain n'avait encore aperue, et nous avons ou une voix quia rempli notre me d'allgresse. Nous avons obi a cette voix,tl'toile nous a trac la route qu'il fallait suivre les M

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.HO

    VI

    L'tnde, qui fut connue si tard des autres nations, et qui n'apoint d'histoire antrieure aux expditions d'Alexandre, con-servait dans les coles secrtes de ses Mages une thojgieprimitive d'une grande puret. Le .S~

  • LIVRE PREMIER. 31.

    rcnt une pouse, nomme Parachatti, dont il eut trois fils,7~o'~MM,~MAMOMet Siva. Il accorda au premier lapuissance decrer, au second celle de conserver, et au troisime le droit dedtruire. Brahma cra l'homme et la femme du limon de laterre, et les plaa dans le C~

  • mSTORE HELAMAG!E.sent en deux camps; les uns, jaloux de la prdominance desfils ans de l'Eternel, se rvoltent contre lui, sous la conduitede leur chefMoixaxor. Les autres demeurent obissants, com-battentles rebelles, les chassent du ciel, et les prcipitent dansl'Ondra, enfer des Indiens. C'est alors que les hommes furenttcrs, pourobtenir par leurs vertus la place perdue par les gniescoupables, ou pour partager leur chtiment s'ils ont imit leur

    prvarication.Ces lgendes du ~Aa~/a-~e~-paraissent antrieures au dogme

    chrtien sur la chute des anges, sur la cration de l'hommedans le Paradis terrestre et sur le dluge. Est-ce a dire que noscroyances sont originaires de l'Inde et nous sont venues par unevoie de transmission dont. l'poque s'est efface de la mmoirehumaine? c'est un problme dont la clef semble a jamaisperdue. Quoi qu'il en soit, on trouve dans la plus anciennethologie indienne la Trinit (Vy~oM?'~) formellement expri-me, car si le peuple idoltre adorait Brahma, Wishnou etSiva, comme trois dieux spars, les prtres savants convenaient

    que ces trois noms ne signifiaient que trois attributs du Dieu

    suprme; que ce Dieu se nomme /i'MM quand on le consi-dre comme crateur dans l'exercice de sa toute-puissanceH~M/i?!0! quand on adore'en lui la honte providentielle, et

    Siva, quand il exerce sa justice contre les crimes des hommes.La mme thologie professe que Wishnou, seconde personnede' la triade divine, s'est incarn plusieurs fois, pour venirsauverles hommes. Le baptme est encore pratiqu dans l'Inde,par immersion dans les fleuves sacrs, et on lui attribue,_commeparmi nous, le pouvoir d'effacer les souillures de l'me.

    Chaque anne, le sacrifice d'un agneau est accompagn d'une

    prire dans laquelle on dit a haute voix Quand sera-ce queparatra la'rdemption des pchs du monde?. Ce sacrifice,nomm Ekiam, ne rappelle-t-il point l'Agneau pascal ? Il estsi important, si solennel, que les prtres, vous a l'abstinencede toute'chair, en sont dlis cette poque, et doivent con-sommer leur part de l'hostie. I) existe une offrande de riz qui

  • LIVRE PREMIER.. 3:}

    3

    se distribue a chaque runion,-dans ies temples, entre les as-sistants, et qui se nomme P~a/ao~~ (divine grce)~ terme assezanalogue, au mot grec que nous traduisons.par celui d'Eucha-ristie. Enfin, dernier. trait de/ressemblance parmi tous ceuxque nous pourrions citer, la confession fait partie des rites In-diens, tales fidles qui offrnt le sacrifice annuel de l'agneaudoivent-le faire.prcder, d'.un aveu public.des fautes les plushumiliantes, comme cela se pratiquait, chez les chrtiens, an

    temps de la primitive Eglise..Ces rapprochements sont singuliers, mais exacts (1): Ne. tes

    discutons.point; ne recherchons point si les dogmes indiens.purent tre connus des Mages de .l'Egypte,, auxquels'Mose,lev par eux, emprunta probablement quelques traits de sa.Gense, propos du Paradis terrestre et du dluge ni si lescrateurs des premiers rites'chrtiens puisrent la mmesource les lments du culte nouveau. La dignit du christia-nisme n'est point en question,.et d'ailleurs il faudrait conclureerr faveur de son vidente, supriorit.

    En effet, la tradition chrtienne,.dgage de l'obscure mta-

    physique de Platon sur l'essence trinitaire, et de,la lgende-mo-saque, du. serpent tentateur (videmment indieuhe)..(2), nous

    prsnte.Ie premier couple humain cr par un Dieu uniquedans un tat d'innocence.et de perfection qui lui donnait'l'em-

    pire sur toutes les choses de la terre. Sa.destineprimitive, re-mise en, ses mains, devait Teleyer, avec toute sa postrit, a unbonheur sans mlange et sans fin, par. l'Immortel.progrs de

    ()) Onles trouvedansles~M:ON'&!rf/ela Socitanglaisef/e Cf:/CKn;dansunelettreadresse.ausavantHuet,voqued'Avranches,parle P. Bouchet,de laCompagniede Jsus,et dansles picesjustificativesinsrespar-Chateaubriand!tla suiteduC

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.,34

    son intelligence dans la science des merveilles divines. Uneseule condition lui fut pose, c'tait l'obissance, vertu filiale,acte d gratitude et d'amour envers son Pre cleste, mais actelibre afin qu'il ft mritoire c'est par sa libert que l'hommeest l'image de Dieu.

    L'Adam biblique (ou l'Adirno indien), sduit par l'orgueil,abusa de cette libert sacre. Au lieu d'tre, aux pieds de son

    Crateur, l'enfant docile qui espre, attend, reoit tout de la

    sagesse paternelle, dans la mesure de ses besoins et de ses

    forces, il osa toucher le seuil des mystres dont l'approche luitait interdite sous peine de mourir. Le rsultat de sa dsobis-sance lui tait annonc il en brava la menace, et cette fautefut punie par toutes nos misres. Dieu ne devait, Dieu ne pou-vait.empcher l'usage ou l'abus de la libert dont il avait cou-ronn les facults humaines. Sa justice absolue dcerna le ch-timent a la faute mais en mmetemps son infinie bont promitun sauveur au repentir. Voila la tradition qui, au-dessus detoutes les formes mythiques, ouvre l'histoire gnrale de l'Hu-manit. Elle seule peut clairer le mystre de la solidarit quinous enchane la chute du premier homme. Pourquoi nospenchants vicieux, combattus par la conscience ?. Pourquoinos chagrins, nos douleurs, nos infirmits?. Pourquoi lesafflictions du juste et les triomphes du mchant?. Quand nousvoyons chaque jour, au milieu de nos socits, le reflet du crime

    commis par un pre ternir l'honneur de ses fils vertueux quandnous voyons des familles, des races entires, maudites ou dis-

    perses cause du souvenir de la faute d'un seul membre;quand, ct de cette gnration du mal moral, nous assistonsa la transmission du mal physique, et que nous voyons des en-

    fants, innocents de tout vice, natre avec les stigmates des hon-teuses maladies contractes par leurs pres, ne demandons pluspourquoi l'Humanit serait solidaire de la faute du premierhomme. La loi est applique partout, dans toutes les sphres deta vie donc elle exist. La nier, ce serait nier l'vidence, nierDieu mme, et; sans Dieu, d'ou venons-nous, et ouallons-nous?.

  • DVRE PREMIER. ,35

    d'o natraient nos sympathies et nos antipathies instinctives

    pour les sentiments gnreux ou contre les actionscriminelles?.

    que nous importeraient les vertus on les vices placs six milleans dans le pass, ou six mille ans dans l'avenir?. Et cepen-dant tout cela nous touche, nous meut, nous passionne, commeun immense intrt de famille dont les voix les plus lointainesont un cho cach dans notre cur. Il faut donc confesser, avecle gnie de Pascal, et la chute de l'homme primitif et toutesses consquences, car le nud de notre condition, dit Pas-cal, prend ses retours et ses replis dans cet abme, de sorte

    que l'homme est plus inconcevable sans ce mystre que ce

    mystre n'est inconcevable sans' l'homme. H est impossiblequ'une fable absurde ait pu devenir la tradition de l'univers. )'

    Lorsque Adam, descendu dans les rgions ou il devait souf-frir, s'arrta pour mesurer la premire distance qu'il avait

    parcourue sur le chemin de l'expiation, il regarda autour delui avec terreur. La tempte roulait sur ses traces. Les cratu-res qui lui avaient obi fuyaient maintenant son approche; il nerestait ses cts que sa compagne en pleurs. Les ronces de lamaldiction se tranaient sur le champ de la vie les fleurs

    penches sur leurs tiges, les feuilles jaunissant sur les arbres

    annonaient dj la mort, et le sol jonch de leurs dbris futle premier lit de douleur o le premier homme tomb regrettaDieu. Des destines-heureuses qu'il avait vues commencer ilne lui restait qu'un songe. Des splendeurs de son tre il n'a-vait gard qu'un pouvoir, celui de lever les yeux au ciel, etde crier mon Dieu' l'heurede chaque pril acte defoi perptuel que nous enseigne la sounrance, mlancoliquesouvenir de la patrie perdue, involontaire hommage que l'im-

    pi lui-mme profre, dans toutes les langues, quand la foudreclate ses pieds.

    Dieu avait retir du monde sa prsence visible les astrestendaient devant sa face un voile de flamme assombrie. Mais,tandis que le Mal ouvrait le spulcre du monde, la promessede grce avait retenti jusqu'au del des sicles. Au fond des

  • mSTOf~EDELA MAGIE.3tj

    larmes verses par la premire femme sur le premier-n de sesdouleurs, Adam vit briller un sourire et bnit l'ternel, car lesourire d'Eve prophtisait l'avnement de Marie, et l'enfante-ment virginal qui devait tre le signe de la nouvelle alliancede l'homme avec Dieu.

    Mais, pour remonter vers les sommets divins, il fallait quel'Humanit descendt jusqu'au fond de l'abme, avant de gravird'preuve en preuve le versant oppos. Bientt la race adami-

    que ouvrit la porte du crime par la main de son premier-n,et le premier meurtre, arm par.l'envie, rougit la terre du

    sang- de l'innocence. Dieu marqua d'un signe le front du fra-tricide, pour le vouer l'effroi de tous les temps il le fit errantdans te'monde, afin que la mmoire de son forfait ft gravepar ses remords sur tous les rivages. Can, dont le nom signi-fie avarice et MS!~M

  • LIVRE PREMIER 37

    bien l'homme perd aisment la mmoire du malheur, il en

    multiplia =ls souvenirs autour de sa demeure. Le soleil n'a

    plus pour trne au matin, et pour lit au soir, que l'lmenthumide ou il semble s'teindre tous les jours ainsi qu'au tempsdu dluge. Souventles nuages du ciel imitent das vagues amon-celes, des sables ou des cueils blanchissants. Sur lai terre,ls rochers laissent tomber des cataractes. La lumire de lalune, ls pales vapeurs du soir couvrent quelquefois les vallesdes apparences d'une nappe d'eau. Il nat, dans les lieux arides,des arbres dont les branches affaisses pendent pesamment surla terre, comme si elles sortaient encore toutes trempes dusein des ondes. Deux fois par jour, la mer reoit ordre de selever, de nouveau d son lit, et d'envahir ses grves. Les antresds montagnes conservent. de sourds bourdonnements et desvoix lugubres la cime des bois prsente l'image d'une mer

    roulante, et l'Ocan semble avoir laiss ses bruits dans la pro-fondeur des forets.

    vu

    La dure de la vie, avant cette catastrophe, atteignait dix si-cles. A sa suite, la Mort, arme de tous les flaux qui 'l'acti-vent, se montra, de bonne heure et se nt imprvue elle ne

    compta plus avec les nouvelles gnrations, mesure que celles-.ci reprenaient le chemin du Mal. Un meurtre isol avait creusla premire tombe en Orient; la guerre l'tendit jusqu'auxlimites du sol habit. Des que l'homme eut respir la vapeurdes batailles, il se fit un art de la destruction et y .chercha sa

    gloire. Sur la furie de ses passions descendirent les tnbres de

    l'esprit. En pratiquant la violence, on crut en trouver dans lesanimaux devenus froces le modle et l'excuse. La peur adorala force,, l'ignorance divinisa les inventeurs, la faiblesse du

    cur dressa des .autels a l'orgueil.de l'esprit. Toutes. les infir-

    mits de l'me, toutesjes souillures du corps furent les dieux

  • HISTOIRE DE-LA MAGIE.38

    des nations. La libert prostitue engendra l'esclavage. Dieun'eut plus besoin de chtier le monde sa justice n'avait qu' lelivrer lui-mme, mais il ne permit point que la vrit pri-mitive dispart tout entire dans ce nouveau naufrage. Commeau temps du dluge, une seule famille tait reste le type desmurs patriarcales. Son chef Abraham, simple pasteur, quittala Chalde, sa patrie, par une divine inspiration, pour devenirle pre d'un peuple nouveau, l'anctre de l'Homme-Dieu quidevait, au temps marqu, renouveler la face de la terre, etdont les Mages du mont de la Victoire attendaient, de sicle ensicle, le signe prcurseur.

    Mais, autour du petit sanctuaire de ces Mages, le culte gros-sier de la matire avait envahi les plus lointains espaces. Leslgendes pseudo-sacres de Brahma, de Wishnou et de Siva s'-taient revtues des formes les plus monstrueuses que puisseimaginer la dmence d'un peuple abruti. Comme sous un soleiltorride provigne, de toutes parts, en gigantesque ramure la sve

    qui sous les climats temprs anime peine des arbrisseaux d-

    biles, de mme l'exubrante fcondit des plaines orientales mon-trant, sans cesse et partout, la Mort associe la Vie, et la Na-ture occupe a se dvorer elle-mme, inspirait l'idoltrieindienne la colossale personnification des forces qui dtruisentdans leur lutte ternelle avec les forces qui crent. De l cette

    fanatique adoration du ~a/incarn dans Iibali, desse du meur-tre, et qui a perptu jusqu' nos jours la secte d'trangleurssacrs rpandue, sous le nom de Thuggs, depuis le cap Como-rin jusqu'aux monts Hymmalaa. De l cet autre genre de fro-cit religieuse qui, sous le nom de ~K~M, livre encore les veuvesau bcher, pour enrichir de leurs dpouilles l'insatiable aviditde la caste sacerdotale.

    Les Thuggs, prtres secrets de Khali, forment de tempsimmmorial une association partout ramifie, qui a ses tradi'

    tions, ses lois rputes sacres, ses signes occultes de recon-

    naissance, et qui chappe toute efficace rpression, en raisonmme de 1 immenseespace qu'elle parcourt sans cesse en tous

  • LIVRE PREMIER. 39

    sens. L'tranger qui les redoute croit se prserver de leuratteinte en se joignant quelque petite caravane, et il arrive

    souvent que cette caravane sra-prcismcnt toute ~comps~dThuggs.' Lorsque les autorits du pays ~parviennent'a'saisirquelques-uns de ces redoutables illumines,, ceux-ci acceptent lesupplice-qui les attend; sans chercher ~s'Y;soustra.ircpar au-~

    cune dngation:. Unde leurs chefs, nommeDourga, tombe aupouvoir des:AngIais, il y a une vingtaine d''anncs,taccus demeurtre:sur. un commerant qui se rendait dans le~paysd'Ode,donna lui-mme, avec un imperturbable sang-froid, les'dtailsdu guet-apens qu'il lui avait prpare eh toute sret de cn-~science. Nos frres, Hdit-il aux jn~es, avaient appris quel'tranger, dont vous ~parlez devait partir avec une escorte-decinquante hommes. Nous formmes tout simplement une

    troupe trois fois plus nombreuse, pouraHer l'attendre dans desjungles, qu'il devait traverser, et o: s'levait prcisment uneimage de.la desse Khali. Comme i! nous est interdit par nus

    prtres.d'engager un combat, parce que.nos sarinces'ne sontagrables Khali qu'autant que les victimes sont surprises parla mort, nous'fmes bon accucil aux voyageurs, en leur offrantde cheminer .ensemble, pour nous prserver mutuellement -detout pril. Ils: acceptrent sans dfiance nous~h-'ayions doncplus qu' choisir l'heure propice. Deux d'ntr.nus s~attache-rent : chaque tranger, sous le prtexte d-cOnverser/et de lui

    rendre tous les petits services qui s'changent en route. Aprestrois jours de compagnie, nous tions des amis il .n'y avait

    plus de temps perdre. Je leur lis agrer de lever notre campdeux heures :avant l'aurore~ pourviter d marcher pendant la

    grande chateur~ Nous partmes au moment convenu, chaquetranger, marchant entre deux Thuggs; La nuit n'tait pas'tota fait obscure la faveur du crpuscule toile, je donnai le

    signal nos frres. Aussitt, des deux Thuggs qui gardaientchaque victime, l'un lui jeta au cou son lacet nud coulant,tandis que l'autre le saisissait par les jambes pour le renverser.Ce mouvement fut excut dans chaque groupe avec la rapidit

  • ~HISTOIRE DU LA MAGIE.~0

    de l'clair. Nous tranmes les cadavres dans. le lit d'une ri-vire voisine, puis nous nous dispersmes. Un seul hommenous a chappe: mais la desse Khali a les veux ouverts surlui': sa destine s'accomplira tt ou tard. Quant moi, j'taisautrefois une perle, au fond 'de 1 Ocan aujourd'hui je suiscaptif. La pauvre perl est enchane on la percera d'un troupour la suspendre a un fil, et elle flottera misrablement entreciel et terre. Ainsi l'a voulu la grande Khali, pour me punir dene lui avoir pas offert le nombre de cadavres qui lui apparte-nait. 0 desse noire, tes promesses ne sont jamais vaines, toidont le nom favori est ~oM?t-~T/

  • LIVRE PREMIEH. 41

    mme le sjour de l'immortel bonheur. Tu purifies la famillede ton pre et de ta mre. Si tu refuses de.te sariner pour destres si chers, tu seras frappe d'ignominie en ce monde, et d'un

    long supplice dans l'autre vie. Ton me ressuscitera dans le

    corps d'un animal immonde, et toutes ses transmigrations fu-tures te feront renatre pour-lit honte et la maldiction. )) w

    Tel n'est point le langage de la religion de Brahma aucun

    passage des livres sacrs de l'Inde ne prescrit ou conseille cetteimmolation de la femme;

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.42

    atroces angoisses qu'elle venait dfier. Deschrtiens, qu'avaitattirs ce sacrifice, s'approchrent d'elle, et lui demandrentavec compassion si elle allait mourir de son propre gr. Oui, )' rpondit-eHe avec une sorte de fiert qui les confon-dit. Les chants des brahmes ctatrcnt avec un enthousiasmeconvulsif, pour touffer ce commencement d'entretien. Le cor-

    tge fit trois.fois le tour du bcher aprs quoi, la veuve montalentement, mais sans flchir, les chelons qui devaient la con-duire au sommet de sa tombe dvorante. Un brahrne, s'appro-chant alors, lui prsenta une torche, afin qu'elle embrast.eHe-mme les quatre coins du bcher.

    Elle vit d'abord d'un il ferme la flamme courir en serpen-tant travers les branches sches, mais quand -la chaleur s'-leva, quand elle ressentit les premires atteintes de la douleur,elle fit un violent effort pour se jeter hors du cercle infernal.'Les brahmes abattirent aussitt sur sa tte la toiture du b-cher mais l'nergie du dsespoir lui prtant une force surhu-maine, elle parvint faire unbond hors des flammes et s'lanavers la rivire. Les brahmes l'y poursuivirent malgr lesefforts-des chrtiens trop peu nombreux, ils la ramenrent aubcher qui ptillait de toutes parts et dont la masse offraitdj l'aspect d'une fournaise. Une espce de lutte dura quel-ques instants entre cette malheureuse et ses bourreaux la po-pulace indienne poussait des hurlements les chrtiens sedbattaient encore pour sauver la victime, au risque de priravec elle, lorsqu'enfin trois brahmes robustes, l'enlevant du solauquel ses mains s'accrochaient, la firent vofer au milieu dubrasier. Elle s'y tordit'encore pendant une minute, avec descris dchirants, jusqu' ce que les brahmes eurent fait croulerles ~poutres embrases.

    Une autre jeune femme, de quinze ans peine, nommeHoumatia, avait refus le sacrifice de sa vie. Comme la loi re-

    ligieuse ne pouvait l'y contraindre, les brahmes eurent recours la ruse pour s'emparer.de leur proie. Uu mois aprs la mortdu mari, et pendant l'absence du pre d'Houma)ia, son oncle et

  • LIVRE PREMIER.

    d'autres parents vinrent rendre visite la jeune:veuve. Us fei-

    gnirent.de la fliciter de n'avoir point consenti mourir dans lafleur de sa jeunesse Son poux, disaient-ils, n'tait-il pasun

    personnage universellement vnr pour sa saintet, et: pou-vait-on penser qu'il et besoin, pour aller au ciel, du sacrificeoffert par une femme qui entrait peine dans la vie?. Hou-malia les crut, et ne refusa point de se rendre avec eux dansun vaste domaine de campagne que possdait son oncle, et oun doux asile tait promis son veuvage...Or, voici ce qui attendait l'infortune. Par les soins'du per-

    fide oncle, un bcher avait t secrtement prpar au bordd'un ruisseau, avec tous les rites dn culte de la mort. Hou-malia reconnut .trop tard le pige tendu sa crdulit. On

    essaya d'abord de la sduire par tout le prestige de la mytho-logie indienne; mais comme sa jeunesse protestait avec uneinvincible horreur contre l'ide de la souffrance et de la des-

    truction, les monstres qui l'obsdaient, dmasquant tout

    coup l'hypocrisie de leur cruaut, lui annoncrent qu'e!)e-nesortirait pas vivante de leurs mains. H faut renoncer a peindrele dsespoir de cette pauvre crature qu'aucun secours humainne pouvait arracher son sort. Entoure d'tres qui se ser-raient contre elle pour qu'elle ne vt plus rien au del d'uneinfernale fascination, elle fut traine au bcher, dans un tatvoisin de. l'anantissement.Ses tyrans la croyaient dompte par la terreur; elle n'tait

    qu'engourdie par un vertige. Quand on l'tendit sur le bcher,.elle paraissait insensible toutes les choses extrieures. On sehta de mettre le feu, dans l'esprance que l'uvre de tn-'brsne durerait qu'unmoment. Mais, a peine la Hamme eut-

    el)e jailli, qu'Houmalia, revenant au sentiment de sa situation,'nt un bond de tigresse pour s'tancer hors du cercle fata).L'oncle et les autres parents la ressaisirent aussitt, lui lirentles pieds et les mains, et la rejetrent dans la flamme. La mal-heureuse HoumaHa se~roulait avec d'horribles convulsionscomme pour protester contre le crime des brahmes, et pour

  • HISTOIRE'DE LA MAGIE.44

    laisser un peu de temps leur piti, le ciel avait permis que lafrte victime ft'un moment plus forte que la torture. Le feudvorait ses liens sans dvorer sa.vie; l'instinct de la conserva-tion lui prta 'un nouvel [an de dsespoir. Elle se rua encoreune fois hors du foyer, et, :chancelant, tout en feu, elle courutau ruisseau voisin pour y teindre ses douleurs. Ses parents l'ypoursuivirent, la roulrent dans un drap de soie, comme une

    momie, la lirent avec une grosse corde d'corce humide, et,comme le bcher tait son suprme degr d'incandescence,ils l'y replongrent en la chargeant de tisons enflamms. Parun prodige inexplicable elle criait encore, et bondissait danscette fournaise. A la fin, un brahnie, pouvante lui-mme decette puissance de vie sans exemple, lui dcocha une flche quitermina son agonie.

    Aprs des scnes si rvoltantes, on ne peut plus s'intresserau spectacle des menues superstitions indiennes. Laissons lesFakirs s'enfermer, plis en deux, dans des caves exposes unsoleil ardent, ou se coucher sur des planches hrisses de

    pointes; dtournons-nous avec dgot de ces fous qui s'enter-rent vifs jusqu' la ceinture, pour attendre la mort, ou qui vontla chercher sous les chars de,Sivah et de Khali, leurs idoleshomicides. Rejetons dans leur obscurit des fables absurdesautant que cruelles. L'unique chose qu'il importe de constater,c'est que l'on rencontre encore, dans.l'tnde, quelques docteurs,hritiers des doctrines de la Magie (sagesse antique), et qui,dans des coles sacres, enseignent a leurs disciples que lesidoles actuelles ne sont que-des figures incomprises, sous les-

    quelles se voile 'la hirarchie ds forces de la Nature, forcessoumises un souverain Etre qui est l'unique auteur de touteschoses.

    VI 11

    Si nous passons la Perse, qui tint longtemps une grandeplace dans l'histoire du vieil Orient, les Magesnous apparaissent

  • LLVXE PKEM~n.

    encore comme les patriarches tointains d'uti monde perdu danslanuitdesges.Le culte du Soleil ou du Feu, considr, sous le nom de

    Mithra, comme principe de la vie universelle, forme ici la base.d'une mythologie primitive qui a disparu devant la conqutemusulmane, mais non sans laisser des traces de son esprit con-

    templatif. Le Koran ne pouvait abattre d'un seul coup l'an-cienne religion nationale, fille des sicles; les vieux mythesd'0~??!MZ(/,gnie dut Bien, et d'r~MK, gnie du Mal, tousdeux pres d'une innombrable arme-d'anges ou ministres1ssubalternes,' s'amalgamrent avec le mlange de judasme etde christianisme dont Mahomet avait compos son systme re-

    ligieux.Dieu, disent les modernes thosophes de la Perse, cra d'a-

    bord le Soleil et la Lune, pour clairer l'espace pendant qu'i)formerait la terre.-Quand cette uvre fut acheve, il ordonna l'ange Gabriel de frotter de son aile la face de la Lune, et cetastre teint ne transmit plus que le reflet qu'il reoit du Soleil.Dieu a cr aussi 180 sources de feu l'Orient, et autant -l'Occident. Le Soleil, sortant chaque matin d'une source orien-tale, va se plonger, chaque soir, l'opposite, jusqu' ce qu'ilait parcouru successivement toutes ces sources, dont chacuneest .garde par un esprit cleste. Au-dessous dn firmamentDieu a suspendu une mer dont jamais une goutte ne tombe surla terre. Les orbes du Soleil et de la Lune, de Saturne, de Ju-piter, de .Mars, de Vnus et de. Mercure, nagent sur cette eaucleste o les roulent des anges conducteurs quand la lumire

    disparat nos yeux, c'est qu'un ange noir dploie ses ailesimmenses entre le Ciel et la Terre. Il en sera ainsi jusqu' ceque le nombre des lus prdestins par Dieu soit complet~Alors l'ange du jugement sonnera de la trompette, et tous lesmorts sortiront du tombeau pour recevoir la rcompense on lechtiment rservs leurs uvres. De la terre au ciel s'lanceun pont invisible sur lequel doivent passer tous les morts.Quand ils franchissent ce pont ~/

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.46

    actions sont peses par l'ange Israfii, gardien du Livre des Sorts:Dieu fait misricorde qui il veut. Les rprouvs tombent dansun gouffre sans fond,.et les lus voient s'ouvrir. devant eux unjardin de dlices, plac dans le septime ciel, au-dessous dutrne de Dieu.. L se trouve l'arbre du bonheur, qui offre unrameau charg de fruits aux lvres de chaque fidle. Cet arbreest si touffu, que le plus rapide cavalier ne pourrait en cent anstraverser son ombrage. Les rivires du jardin sacr jaillissent deses racines; leur eau, plus blanche que le lait, plus parfume quel'ambre,,donne l'oubli de toutes les douleurs: Chaque lu re-oit dans ce paradis une demeure spare il y possde soixante-douze femmes cres du musc le plus pur, et doues d'uneternelle virginit. Des jeunes garons plus radieux que l'aurorelui prsentent, chaque jour, trois cents plats d'or, contenant tousdes mets diffrents, car l'apptit des bienheureux convives duTrs-Haut est. centupl, et tout ce qu'ils mangent se dissout

    en parfum qui embaume.le paradis. Mais ce ne sont l que les

    rcompenses vulgaires destines au commun des lus. Quantaux jouissances de ceux qui partagent un plus haut degr lafaveur de Dieu; il faut, disent les docteurs, renoncer les d-crire;.la plus ineffable sera de contempler face face sa beaut

    suprme; dans.une extase ternelle.A l'cart de cette thorie sensuelle se rangent les 6'M, qui

    prtendent conserver dans son intgrit l'antique doctrine desMages. Mprisant les voluptueux musulmans, qui le leur ren-dent avec usure, ils n'offrent point aux yeux le scandale desFakirs de l'Inde, mais ils pratiquent des abstinences dontl'excs engendre l'hallucination. Leur titre de ~/?~ signifieM/M de laine,et symbolise leur renoncement aux plus inno-centes satisfactions de la vie matrielle. Beaucoup d'entre euxse. disent dous du privilge de communiquer intimement avecDieu. Suivant leur thologie, le suprme Crateur est rpanducomme un fluide dans toutes ses uvres. Les manations de sadivine essence sont; comme les rayons du Soleil, continuel-)ement lances et rabsorbes. C'est cette rabsorption en

  • UVKE PREMIEH 47

    Dieu, principe immatriel de notre tre, que doivent tendretous nos efforts. La vie universelle qui fconde la nature n'est

    point l'uvre de Dieu, elle est une portion de son tre infusedans toute chose. La rabsorption constitue donc l'anantisse-ment de la personnaiit humaine dans sa source divine. Le

    suprme bonheur. des Sphis consiste dans une insensibilittotale que ni les magnificences de la cration ni les splendeursdu monde intellectuel ne peuvent plus .mouvoir, et l'on par-vient par quatre degrs cette apothose de l'abrutissement.

    Le premier se nomme Humanit. A cette classe appartiennentles disciples q.ui pratiquent exactement, avec un esprit de simpleobissance, les prceptes et les rites du culte auquel ils appar-tiennent par leur naissance et leur nationalit. Les Sphis con-sidrent cette obissance machinale comme le lien qui retientles hommes dans l'ordre de la justice..

    Le deuxime degr s'intitule sentier de /a/M/ec

  • HISTOH~EDE LAMAG1H.48

    parent Dieu la Hamme, et nos mes au charbon, et, envertu

    de'ubiquit du Dieu-/?~~MC, toute ame-cA~M: s'embrase ason contact et devient flamme son tour.

    Un grand nombre de Sphis enseignent que l'univers est

    incr, et, par consquent, indestructible..Quelques-uns s'at-tribuent le pouvoir de ressusciter' les morts.Une vie so).itairc,asctique, macre par de longs jeunes, tes dispose l'extase,prcurseur de' l'anantissement moral dans lequel' ils placentleur triste conception d l'ternelle flicit.A ct de la secte des Sphis on trouve un autre reste, ga-

    lement fort. altr, de l'antique Astrologie qui avait fleuri sousles Mages. Le voyageur Chardin nous raconte que le roi dePerse Schah-Abbas dpensait, par anne, une somme quiva-lant quatre millions de notre monnaie pour l'entretien..dsastrologues de sa cour..L chef de cette compagnie, Mirza-

    Chn, exerait une haute influence sur les moindres actions du

    monarque. A une poque plus rapproche de nous, en 1800,sir John Malcolm, ambassadeur de la Grande-Bretagne, arri-vant Thran, capitale du pays, rencontra deux devins royaux,chargs de noter exactement l'instant prcis ou il franchiraitla porte de la ville. L'un d'eux prit la bride'd son cheval pouren rgler l'allure l'antre tenait une montre. Grce a leurs soinsminutieux l'entre du diplomate anglais eut lieu, dit-on, sousune ~/7/

  • UVRR PttEMIEK. 4'J'

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    je ne manquerai point d'en faite parvenir~ le't'muignage aton roi, pour IcdsiDusiounerde la fo)te confiance qu'il t'ac-corde.))

    Le devin haussa les paules devant cette petite menace, etvoici, selon le.i'cit de Malcolm, en quels termes il justifia sonart Si tu es prserv du sort que j'entrevois dans les signesclestes, c'est que, pendant la navigation, une crainte salutairedes jugements de Dieu aura lev ton me, sur les ailes de la

    prire, jusqu'au trne de sa providence. Or comme, soit qu'unmalheur te frappe, soit qu'il se dtourne, les lois de l'universne seraient pas plus dranges par'ton salut que par ta perte,il se peut que la tempte ne sorte point de la main du Tout-Puissant, et que tu arrives sain et sauf au terme du voyage. Le

    prophte Jsus, tant un jour assis, avec quelques-uns de ses

    disciples, la porte de Jrusa)em, vit passer un bcheron quisortait de la ville en chantant pour aller son travail. Voila,))dit Jsus, un homme qui ne chanterait point s'il savait que,ce soir, il ne sera plus en vie. Le soirarriva; Jsus tait encoreassis a la mmeplace, et le bcheron, qui n'avait point entenduses paroles, repassa par le mme chemin, sa cogne sur l'paule,et en chantant commele matin. Les disciples du prophte mur-muraient entre eux contre le'ma!tre, et allaient l'abandonner.

    Jsus, pntrant leur pense, leur dit avec douceur Cet homme devait mourir; mais il a rencontr, dans la fort, un pauvre anam, et lui a donn la moiti de son pain en r- compense de cette bonne action Dieu lui a conserv la vie. Faites approcher cet homme, et ouvrez le faix de rame qu'il porte sur son dos. )) Les disciples obirent, et un serpent futtrouv cach dans la charge du bcheron ainsi fut vrifie la

    parole du divin Jsus. Va donc en paix, homme du Couchant,et n'accuse plus de fausset les signes crits dans les cieux parla main del'Eterne).)) Malcolm a nglig de nous apprendre s'il profita de cette sin-

    gulire leon pour son avancement spirituel; mais il faut en

    prendre acte pour reconnatre que les adeptes de la haute Magie,

  • ]))STO!KEDR LA MAGJE.50

    parmi lesquels se comptent les astrologues anciens et modernes,ne considrent comme soumis a la fatalit que les hommes quise dtournent de Dieu et se livrent eux-mmes au courant deschoses.

    Le fatalisme est, au contraire, le point fondamental de la

    religion de Mahomet, dont le nom mme, T~M:, signifie

  • LIVRE PREMIER. 51

    contre t'innuencc du ?MaMU~M

  • HISTOIRE DE LA MAGIE.52

    Asie. Souvenons-nous qu'elle donna au monde, en sa fameusecole d'Alexandrie, la plus fconde et la plus vaste universitqu'ait jamais cre l'esprit humain. Sous le rgne de PtolmePhiladelphe, AlexaudrietaitdevenueunesecondeAthnes. Toutce que l'Europe, l'Afrique et l'Orient possdaient d'hommesdistingus semblait y avoir reflu: On sait qu'au septime si-cle de notre re la bibliothque d'Alexandrie, surnomme laMe~'edes Livres, fut incendie par les Arabes mais les copistesavaient heureusement multipli les crits des plus doctes pen-seurs, et l'on doit ces obscurs ouvriers du progrs le salut dequelques prcieuss traditions qui renouent la chane destemps philosophiques.

    Terre jamais clbre, et toujours mystrieuse, l'Egypteest une valle, creuse au cur de l'ancien monde, entre lesextrmits de l'Afrique et de l'Asie. Elle communique avec

    l'Europe orientale par la Mditerrane, port des trois conti-nents. H est permis de dire que cette situation gographiquesemblait prdestiner l'Egypte devenir le berceau d'une hautecivilisation, dont ses colonies iraient au loin rpandre la gloireet propager les bienfaits.

    Considr en lui-mme, le sol de cette rgion n'est qu'unebande de terre vgtale qui suit, du midi au nord, chaque rivedu Nil, entre deux dserts. Ce fleuve, l'un des plus grands quisoient connus, et dont la source n'a pas encore t srieuse-ment indique, entre dans la valle d'Egypte par la cascaded'lphantine. A droite s'tendent des sables, puis la chanedes monts Arabiques, et, au del, la mer Rouge. Sur la gau-che rgne le dsert Libyque, maill de quelques oasis, etborn par une autre chane de montagnes.

    Ces deuxlignes montueuses sont de mdiocre lvation; incul-tes et nes. Elles encaissent d'abord la valle, au midi, asseztroitement pour ne laisser qu'une berge que couvrent chaqueanne les grandes eaux. Plus loin, la valle s'largit de plusen plus le Nil, dgag de l'treinte du granit, se dilate sur unespace de i,000 J,200 mtres, et roule ses eaux profondes

  • LIVRE PitEMIE):. 53

    sur (tes grves bordes de cultures c'est ce qu'on appelle haute

    Egypte.La chane des monts Arabiques finit brusquement, prs du

    Caire, sur la rive droite du fleuve. La chane Libyque se pro-longe davantage, et, la hauteur, du Caire, elle projette, sur la

    rive .gauche, uneespce d'peron qui forme le plateau de rochesur lequel sont riges les fameuses Pyramides puis elle va,par une pente douce, se perdre au nord-ouest, dans les sablesnous sommes dans l'Egypte moyenne.La basse Egypte, incline vers la Mditerrane, dessine un

    vaste triangle, assez semblable au delta grec (~) qui lui prteson nom. Cette plaine contient plusieurs lacs d'eau sale, etles branches qui divisent le Nil prs de son embouchure y tra-cent des zones marcageuses. Ds le milieu du printemps, lesrcoltes fauches ne laissent plus voir dans le Delta qu'uneterre poudreuse et crevasse. A l'quinoxe d'automne, la plainese couvre d'une, immense nappe d'eau rougetre, du sein de

    laquelle sortent des palmiers, des villages, et des digues troi-

    tes qui servent de communication. Aprs la retraite des eaux,ce n'est que fange; mais, quand l'hiver arrive, le spectacled'une nature dsole se transfigure comme par enchantement.Le sol se couvre d'une merveilleuse verdure, la basse Egypteest change en une prairie charge de fleurs et d'pis. Le ciel,d'une transparence blouissante, s'embrase des rayons d'unsoleil qui verse partout les effluves de la vie.La haute Egypte, ancienne Thbade, tale, perte de vue,

    encore plus de richesses, par les accidents de terrain qui enfont valoir la diversit. Moissons dores de froment, d'orge, de

    mas champs de fves et de doura plaines de trfle, forts decannes a sucre plantations d'indigo, de lin, de ssame, decoton, toutes les prodigalits d'une luxuriante nature se dis-

    putent le moindre pli du sol. Sur la rive gauche du Nil, le

    Fayoum tale jusqu'au pied des montagnesLihyqucs ses champsde ross qui fournissent le parfum le plus aim de l'Orient. On

    y trouve a profusion le lotus, plante sacre des mystres, qui

  • HISTOIRE DE-LA MAGIE.;)Ik

    panouit, la surface des eaux, aprs l'Inondation annuelle, sesfleurs tantt blanches, tantt roses ou bleu cleste on y ad-mire le nopal pineux, aux feuilles paisses et d'un vert som-

    bre, qui sert crer des haies vives, aussi hautes et impn-trables que des murs. L'olivier et la vigne, a peu prs disparusdu reste de l'Egypte, se sont rfugis dans le Fayoum. Maisce. qui prte un grandiose indescriptible la rgion thba-

    que, c'est la multitude de ruines sculaires, voiles d'une reli-

    gieuse mlancolie, que l'on dcouvre encore, de tous cts,comme les tmoins survivants d'une histoire vanouie depuistrente sicles.Ceux qui ignorent jusqu' quel point l'on peut mnager

    l'espace prennent pour fable les rcits des anciens sur le nom-bre des villes gyptiennes. Leur richesse ne semble pas moins

    incroyable. Il n'y en avait pas une qui ne ft peuple de tem-

    ples admirables et de splendides palais, dans lesquels d'im-menses galeries talaient des sculptures et des peintures quela Grce est venue prendre pour modles. Thbes, surtout,enaait par sa grandeur et son luxe toutes les villes du vieuxmonde. Ses cent portes ont t chantes par Homre, et l'on adit qu'elle pouvait faire sortir ensemble dix mille guerriers parchacune de ces portes. Qu'il y ait, si l'on veut, de l'exagrationdans ce calcul, toujours est-il certain que ses habitants devaienttre innombrables. Les Grecs et les Romains l'ont clbrecomme une merveille, et cependant ils n'en avaient vu que lesruines.Le Fayoum, appendice de la valle du i\i), galait en dve-

    loppement la surface du Delta. C'est l que, 1,700 ans avantnotre re, le roi Mris avait creus un lac de 60 lieues car-res, pour recevoir le surcrot des eaux du fleuve pendant lesannes d'excessif dbordement. Quand survenait une anne de

    trop mdiocre inondation, des cluses lchaient la rserve deseaux, et des conduits mnags la dirigeaient sur les pointsque le bienfaisant Hmon n'avait pu atteindre. Au milieu du )acs'levaient deux pyramides hautes de 600 pieds, dont 200 plon-

  • LIVREPREMIER. 55geaient sous les eaux. Les statues de Mris et de son pousecouronnaient le sommet de chaque pyramide. Ces uvres gi-gantesques n'taient pourtant que les tombeaux de leurs au-teurs. Non loin de l s'tendait une autre merveille, qu'on ap-pelait le Labyrinthe, du nom de Labarys, un autre roi, quil'avait fonde. C'tait une chane de douze palais disposs r-gulirement pour symboliser