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Perturbateurs endocriniens, concepts et re ´alite ´ Endocrine disruptors, concepts and reality L. Multigner 1, *, P. Kadhel 2 1 Inserm U625, campus de Beaulieu, universite ´ Rennes-1, 35042 Rennes cedex, France 2 Service de gyne ´cologie-obste ´trique, CHU de la Guadeloupe, 97110 Pointe-a ` -Pitre, Guadeloupe, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction Depuis la fin du xx e sie `cle, on assiste a ` un inte ´re ˆt croissant pour les substances chimiques portant le qualificatif de perturbateurs endocriniens. Cet inte ´re ˆt s’est de ´veloppe ´ en paralle `le avec la prise de conscience des effets potentielle- ment de ´le ´te `res des activite ´s humaines sur l’environnement et la sante ´. L’augmentation, suspecte ´e ou confirme ´e, de l’incidence de certaines pathologies chez l’espe `ce humaine au cours des dernie `res de ´cennies est impute ´e, a ` tort ou a ` raison, a ` la disse ´mination dans l’environnement ge ´ne ´ral ou professionnel de substances ayant des proprie ´te ´s hormonales. Summary The term ‘‘endocrine disruptor’’ is now commonly used in general and scientific language. It refers to chemical substances, of human or natural origin, able to cause harmful effects in humans or animals through their hormonal properties. However, the exact definition of an endocrine disruptor remains a subject of ongoing discussion. Hormonal communication systems are involved in numerous phy- siological processes. Many chemical substances can interfere with such processes. In addition, endocrine systems are multiple. Thus, the potential health consequences are diverse. To date, with few exceptions, the deleterious consequences of exposure to endocrine disruptors on human health have not been proven. The science of endocrine disruption has particularly broad and undefined borders. This science is rapidly evolving and is thus subject to a number of uncertainties. However, in strictly scientific terms, it provides an opportunity to improve our knowledge on endocrine systems and their pathologies. In societal terms, it provides an opportunity to question the activities of man and the harmful effects on the health and fate of mankind and the environment. ß 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Endocrine disruptors, Hormonal system Re ´sume ´ Depuis quelques anne ´ es, l’expression « perturbateur endocrinien » fait partie du langage commun scientifique et populaire. Cette expression fait re ´fe ´rence aux substances chimiques, d’origine anthropique ou naturelle, susceptibles de ge ´ne ´rer des effets nocifs sur la sante ´ humaine et animale par le biais de leurs proprie ´te ´s hormonales. Mais la de ´finition me ˆme des perturbateurs endocri- niens fait encore l’objet de discussions. De tre ` s nombreux processus physiologiques font intervenir des syste `mes de communication hormonale. Les substances chimiques pouvant interfe ´rer avec ces syste `mes sont tre `s diverses. Les syste `mes endocriniens sont multi- ples. De ce fait, les conse ´quences sanitaires potentielles peuvent e ˆtre tre `s varie ´es. A ` ce jour et a ` quelques rares exceptions, les conse ´quences de ´le ´te `res des expositions aux perturbateurs endocri- niens sur la sante ´ humaine n’ont pas e ´te ´ prouve ´es. La science qui s’est de ´veloppe ´e autour des perturbateurs endocriniens pre ´sente des contours particulie `rement larges et flous. Cette science en pleine e ´volution est donc soumise a ` de nombreuses incertitudes, Cependant, sur le plan strictement scientifique, c’est une opportu- nite ´ d’accroıˆtre les connaissances du fonctionnement des syste `mes endocriniens et de leurs pathologies. Sur un plan socie ´tal, c’est l’occasion de s’interroger sur les activite ´s de l’homme et sur ses conse ´quences ne ´fastes sur sa sante ´, son devenir et son environne- ment. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Mots cle ´s : Perturbateurs endocriniens, Syste `me hormonal * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]. Rec ¸u le : 5 aou ˆt 2008 Accepte ´ le : 1 septembre 2008 Environnement 710 1775-8785/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. 10.1016/j.admp.2008.09.004 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2008;69:710-717

Perturbateurs endocriniens, concepts et réalité

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Perturbateurs endocriniens, concepts etrealite

Endocrine disruptors, concepts and reality

L. Multigner1,*, P. Kadhel2

1 Inserm U625, campus de Beaulieu, universite Rennes-1, 35042 Rennes cedex, France2 Service de gynecologie-obstetrique, CHU de la Guadeloupe, 97110 Pointe-a-Pitre,Guadeloupe, France

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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Recu le :5 aout 2008Accepte le :1 septembre 2008

Environnement

SummaryThe term ‘‘endocrine disruptor’’ is now commonly used in general

and scientific language. It refers to chemical substances, of human

or natural origin, able to cause harmful effects in humans or animals

through their hormonal properties. However, the exact definition of

an endocrine disruptor remains a subject of ongoing discussion.

Hormonal communication systems are involved in numerous phy-

siological processes. Many chemical substances can interfere with

such processes. In addition, endocrine systems are multiple. Thus,

the potential health consequences are diverse. To date, with few

exceptions, the deleterious consequences of exposure to endocrine

disruptors on human health have not been proven. The science of

endocrine disruption has particularly broad and undefined borders.

This science is rapidly evolving and is thus subject to a number of

uncertainties. However, in strictly scientific terms, it provides an

opportunity to improve our knowledge on endocrine systems and

their pathologies. In societal terms, it provides an opportunity to

question the activities of man and the harmful effects on the health

and fate of mankind and the environment.

� 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Endocrine disruptors, Hormonal system

Mots cles : Perturbateurs endocriniens, Systeme hormonal

Introduction

Depuis la fin du xxe siecle, on assiste a un interet croissantpour les substances chimiques portant le qualificatif deperturbateurs endocriniens. Cet interet s’est developpe en

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected].

7101775-8785/$ - see front matter � 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.10.1016/j.admp.2008.09.004 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2008;6

parallele avec la prise de conscience des effets potentielle-ment deleteres des activites humaines sur l’environnementet la sante. L’augmentation, suspectee ou confirmee,de l’incidence de certaines pathologies chez l’especehumaine au cours des dernieres decennies est imputee, atort ou a raison, a la dissemination dans l’environnementgeneral ou professionnel de substances ayant des proprieteshormonales.

ResumeDepuis quelques annees, l’expression « perturbateur endocrinien »

fait partie du langage commun scientifique et populaire. Cette

expression fait reference aux substances chimiques, d’origine

anthropique ou naturelle, susceptibles de generer des effets nocifs

sur la sante humaine et animale par le biais de leurs proprietes

hormonales. Mais la definition meme des perturbateurs endocri-

niens fait encore l’objet de discussions. De tres nombreux processus

physiologiques font intervenir des systemes de communication

hormonale. Les substances chimiques pouvant interferer avec ces

systemes sont tres diverses. Les systemes endocriniens sont multi-

ples. De ce fait, les consequences sanitaires potentielles peuvent

etre tres variees. A ce jour et a quelques rares exceptions, les

consequences deleteres des expositions aux perturbateurs endocri-

niens sur la sante humaine n’ont pas ete prouvees. La science qui

s’est developpee autour des perturbateurs endocriniens presente

des contours particulierement larges et flous. Cette science en

pleine evolution est donc soumise a de nombreuses incertitudes,

Cependant, sur le plan strictement scientifique, c’est une opportu-

nite d’accroıtre les connaissances du fonctionnement des systemes

endocriniens et de leurs pathologies. Sur un plan societal, c’est

l’occasion de s’interroger sur les activites de l’homme et sur ses

consequences nefastes sur sa sante, son devenir et son environne-

ment.

� 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

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Perturbateurs endocriniens, concepts et realite

La communication chimique hormonale, dont l’existence estconnue avec certitude depuis le debut du xxe siecle, joue unrole cle, dans le regne animal, dans l’homeostasie de nom-breuses fonctions physiologiques. Cette communication hor-monale, classiquement definie comme un message a longuedistance entre organes et acheminee par la circulation san-guine, s’est complexifiee en y incorporant les systemes decommunication cellulaires a plus faible distance, paracrine etautocrine, avec lesquels elle interagit. La litterature scienti-fique abordant le potentiel de perturbation de ce systeme decommunication par des xenobiotiques est actuellement tresnombreuse. Pres d’un quart de ces publications sont desarticles de revues, ce pourcentage s’elevant a 50 % si on neconsidere que les publications restreintes a l’Homme. Celamontre bien qu’on est face a un domaine qui s’interroge plussur lui-meme que, peut etre, il n’apporte de reponses.L’objectif de la presente revue n’est pas de faire la synthesesur l’etat de la connaissance des perturbateurs endocriniens,mais plutot de souligner certains aspects permettant unecomprehension critique de cette problematique et de sondevenir. Pour qui souhaite approfondir ces aspects, toutcomme disposer de donnees detaillees, certaines revues,du fait de leur exhaustivite ou de leur esprit critique, peuventetre consultees [1–8].

Historique

L’expression « perturbateur endocrinien » est apparue for-mellement aux Etats-Unis en 1991 lors d’un colloque organisedans l’Etat du Wisconsin [9]. Des scientifiques americainsattiraient l’attention sur le fait qu’un grand nombre desubstances chimiques naturelles ou produites par l’hommeet disseminees dans l’environnement possedent la capacitede perturber le systeme endocrinien de nombreuses especesanimales, y compris l’espece humaine. Que savions-nousalors a ce sujet ?Des etudes experimentales in vivo ont montre comment dessubstances chimiques anthropiques ou naturelles pouvaientalterer des fonctions physiologiques tres dependantes d’uneregulation hormonale. Ainsi, a titre d’exemple, l’administra-tion de DDT ou de chlordecone, deux insecticides organo-chlores, a des oiseaux (coqs, faisans, canards ou cailles)entraıne chez les males la modification des caracteressexuels secondaires et l’atrophie des testicules. Chez lesfemelles, l’exposition a ces substances entraıne des hyper-plasies ou hypertrophies des oviductes. De tels effets ont eteegalement rapportes chez des mammiferes de laboratoire(rat et souris), comme par exemple l’effet stimulant du

methoxychlore (pesticide organochlore) sur la croissanceuterine. Des etudes in vitro ont par ailleurs montre queces substances etaient capables de se fixer a des recepteurshormonaux, en particulier le recepteur aux estrogenes, lais-sant ainsi suspecter que cette interaction soit a l’origine destroubles observes.Des observations realisees aupres de la faune sauvage,certaines vers les annees 1950 telles que la diminution dusucces de reproduction de diverses especes aviennes (sternesdu littoral hollandais ou pelicans bruns aux Etats-Unis) ou lamasculinisation des femelles de gasteropodes marins, ontete attribuees aux proprietes hormonales de substancespolluant les ecosystemes (pesticides organochlores, peintu-res antisalissures a base de tributyletain). Des pollutionsindustrielles localisees, par exemple le deversementd’effluents d’usines a papier dans des rivieres, ont entraınela masculinisation de certaines especes de poissons. Leseffluants contenaient du stigmasterol, un steroıde vegetalqui se transforme grace a l’action de mycobacteries presen-tes dans l’environnement en un puissant androgene,l’androstene dione.L’observation de la faune domestique, quant a elle, a ete al’origine de constations similaires, a la difference pres qu’ils’agissait de l’apparition de troubles causes par l’exposition ades substances naturelles. Ainsi, la consommation de plantesriches en estrogenes vegetaux (luzerne, trefle des pres) estconnue pour etre a l’origine de troubles de la fertilite dubetail. La consommation de maıs contamine par la zearale-none, une mycotoxine dont ont montrera ulterieurement sesproprietes estrogeniques, a ete associee a des troubles de lafertilite chez les bovins et les porcins.Finalement, des evenements dramatiques chez l’especehumaine ont ete observes. Le plus connu est celui consecutifa l’exposition de femmes enceintes au distilbene (DES), unestrogene de synthese. Le DES a ete employe a partir de 1949pour prevenir les fausses couches (sans que pour autant sonefficacite n’ait jamais ete prouvee). Administre a des dosespharmacologiques, le DES a ete a l’origine, chez les filles desmeres traitees, d’adenocarcinomes a cellules claires du vaginet d’anomalies morphologiques uterines responsables detroubles graves de la fertilite. Le DES est devenu par la suitel’une des molecules phares des perturbateurs endocriniens.L’exposition professionnelle au DES ou au DAS (un derive duDES employe dans l’industrie optique) a ete associee, chez desouvriers de sexe masculin fabriquant ces molecules, a lasurvenue d’elargissement mammaire et d’impuissance. Aumilieu des annees 1970, l’exposition des ouvriers fabriquantle chlordecone, un insecticide a proprietes estrogeniques, agenere des troubles neurocomportementaux et de la fertilite.

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Tableau ILes perturbateurs endocriniens et leurs principaux synonymes.

XenohormonesXenoestrogenesXenoandrogenesHormones environnementalesEstrogenes environnementauxAndrogenes environnementauxAgents hormonomimetiquesAnalogues hormonauxModulateurs endocriniensImposteurs endocriniensImposteurs hormonauxInterrupteurs hormonauxHormones synthetiquesToxiques hormonauxXenobiotiques hormonauxToxiques endocrinesAgents endocrinotoxiques

Ces observations et experimentations sont en grande partiea l’origine de la sensibilisation de la communaute scienti-fique aux risques que peuvent entraıner l’emploi et la dis-semination dans l’environnement des substances chimiquesdotees de proprietes hormonales. Mais c’est a partir du debutdes annees 1990 avec la publication de nouveaux travaux, enparticulier ceux suggerant que l’exposition humaine a cessubstances pourrait etre a l’origine de graves troubles de lafertilite masculine, que cette problematique recut un echoimportant aupres de l’opinion publique et des autoritessanitaires. C’est ainsi qu’a debute une nouvelle science, celledes perturbateurs endocriniens, situee a l’interface de nom-breuses autres disciplines. Initialement, l’accent aura ete missur les substances chimiques ayant un impact sur les hor-mones sexuelles (estrogenes et androgenes) et sur lesfonctions qu’elles regulent, principalement celles de repro-duction. Bien que cet aspect reste d’actualite, la problema-tique s’est depuis etendue aux autres hormones,steroıdiennes et non steroıdiennes, et a d’autres fonctionsendocriniennes. On comprend donc que le theme des per-turbateurs endocriniens est devenu un vaste champ d’inves-tigation, couvrant potentiellement l’ensemble des organeset fonctions des organismes vivants, car rares sont les pro-cessus physiologiques qui ne sont pas soumis a un processusde signalisation ou de regulation hormonale. Cette diversitea rendu les contours de la science des perturbateurs endo-criniens relativement flous. Comme toute nouvelle disci-pline, elle a du developper des concepts, des approchesmethodologiques et des outils adaptes. Cependant, cesdivers aspects n’ont pas abouti a des conclusions unanimes.Des difficultes subsistent sur la definition des perturbateursendocriniens, des incertitudes sur les consequences qu’ilspeuvent entraıner et des deficiences sur les moyens de lesidentifier.

Definition

L’expression « perturbateur endocrinien », bien que declineesous de nombreux synonymes (Tableau I), reste la plus usiteepour decrire les substances exogenes possedant des proprie-tes hormonales. Mais le nom perturbateur est imprecis etl’adjectif endocrinien recouvre une realite particulierementetendue. En 1996, lors d’un atelier europeen qui a eu lieu aWeybridge, il a ete propose de definir un perturbateurendocrinien comme « une substance exogene qui entraınedes effets deleteres sur un organisme vivant ou sa descen-dance resultant de changements dans la fonction endocrine ».Cette definition presente deux aspects importants. D’une

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part, une substance ne peut etre definie comme un pertur-bateur endocrinien que si la preuve de sa capacite a genererun effet nocif sur la sante a ete apportee. D’autre part, la(les)modification(s) de la fonction endocrine doivent precederl’apparition de l’effet nocif. Etant donne que peu de sub-stances repondent a ces deux criteres, cette definition a eteelargie, incluant celle des perturbateurs endocriniens poten-tiels, en precisant alors qu’il s’agissait de « substances quipossedent des proprietes qui pourraient conduire a une per-turbation endocrinienne ». Cette formule introduit pour lapremiere fois l’expression perturbation endocrinienne,laquelle apparaıt implicitement comme etant l’effet desperturbateurs endocriniens. Cependant, il n’est pas precisesi cet effet est nocif ou pas. L’International Programme onChemical Safety (IPCS) a donc propose ulterieurement unelegere modification, en precisant qu’un perturbateur endo-crinien est « une substance exogene ou un melange qui alterela(les) fonction(s) du systeme endocrinien et, par voie deconsequence, cause un effet nocif sur la sante chez un orga-nisme intact, sa descendance ou des sous-populations », etqu’un perturbateur endocrinien potentiel est une substanceexogene ou un melange qui possede des proprietes qui pour-raient conduire a une perturbation endocrinienne chez unorganisme intact, sa descendance ou des sous-populations.L’avantage de ces definitions reside dans le fait qu’ellespeuvent s’appliquer a toutes les composantes du systemeendocrinien et non pas uniquement aux hormones steroı-diennes. En revanche, elles laissent une grande marged’imprecision concernant les notions d’alteration des fonc-tions endocrines et d’effets nocifs.En 1997, un atelier de travail sponsorise par l’Agence deprotection de l’environnement des Etats-Unis a propose de

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Tableau IIPathologies susceptibles d’etre la consequence d’expositions ades perturbateurs endocriniens.

Infertilite masculineInfertilite feminineFausses couchesPrematuriteModification des parametres anthropometriques a la naissanceModifications du sex-ratioEndometrioseAnomalies du developpement de l’appareil genitalPseudohermaphroditismeThelarchePuberte precoceDysfonctions erectilesAtteintes du neurodeveloppementTroubles immunitairesPathologies thyroıdiennesCancer du testiculeCancer du seinCancer de la prostateObesiteDiabete de type II

Chez l’espece humaine.

definir un perturbateur endocrinien comme « une substanceexogene qui interfere avec la production, la secretion, letransport, le metabolisme, la liaison, l’action ou l’eliminationdes hormones naturelles responsables de la maintenance del’homeostasie et la regulation des processus dedeveloppement ». Cette definition ne discerne pas les sub-stances qui produiraient un effet nocif de celles qui pro-duiraient une perturbation, transitoire et reversible, del’equilibre physiologique endocrinien. En effet, que dired’evenements inoffensifs, tels qu’un changement de tempe-rature ambiante, de la consommation d’un aliment, del’exposition a la lumiere diurne ou d’un stress capabled’induire des modifications des taux circulants d’hormonesthyroıdiennes, de l’insuline, de la melatonine ou du cortisol ?Par analogie, rien n’empeche que des substances chimiquespuissent generer de tels effets sans pour autant entraınerdes consequences nocives. Par ailleurs, cette definition intro-duit un autre angle de vision qui permet de considerer lesperturbateurs endocriniens comme des substances parta-geant un mecanisme commun d’interaction avec l’une descomposantes du systeme endocrinien. Actuellement, onconsidere de maniere assez unanime qu’une perturbationendocrinienne n’est pas un effet toxique en soi, mais unmecanisme d’action entraınant un effet et, sous certainesconditions, un effet nocif.

Quels effets sanitaires attribuer auxperturbateurs endocriniens ?

L’elargissement du concept des perturbateurs endocriniens al’ensemble des organes et fonctions regules par le systemeendocrinien est a l’origine des questionnements sur leursimplications potentielles dans de nombreuses pathologies(Tableau II). Dans un premier temps, ce sont les aspectstouchant la fonction de reproduction, et les atteintes quien decoulent, qui ont ete evoques dans la litterature. Chezl’espece humaine, l’implication de quelques perturbateursendocriniens dans la survenue de troubles de la reproductiona ete clairement demontree (DES) ou est suspectee (chlor-decone). Cependant, ces troubles se sont produit a desniveaux eleves d’exposition (pharmacologiques pour le casdu DES, professionnelles, voire accidentelles, pour le cas duchlordecone).A partir de 1992, diverses publications ont fait etat d’uneatteinte de la reproduction masculine telle qu’une eventuelledegradation seculaire de la qualite du sperme (diminution dunombre moyen de spermatozoıdes par ejaculat) ou l’aug-mentation de l’incidence du cancer des testicules et des

anomalies congenitales de l’appareil reproducteur masculin.Deux auteurs, Sharpe et Skakkebaek, ont alors emis l’hypo-these que l’exposition a des substances de type perturbateurendocrinien, a des moments critiques du developpementintra-uterin, pourrait porter atteinte au processus de diffe-renciation des gonades et entraıner des consequences acourt terme (anomalies congenitales de l’appareil reproduc-teur) ou a plus long terme (cancer du testicule, spermato-genese deficiente a l’age adulte) rassemblees sousl’appellation de dysgenesie testiculaire [10]. Pour qu’un telprocessus puisse expliquer, ou contribuer a expliquer, lesevolutions seculaires precedemment mentionnees, il fautfaire l’hypothese d’un effet deletere des perturbateurs endo-criniens a des niveaux d’exposition environnementale (etnon pas seulement a des niveaux d’exposition pharmacolo-gique ou professionnelle).En 2008, 16 ans apres la meta-analyse de Carlsen et al.suggerant l’existence d’un declin seculaire de la qualite dusperme chez l’espece humaine, qu’en est-il au juste [11] ? Denombreux travaux ont ete publies, tentant de verifier, aupresde diverses populations, la realite de ce declin. Force est deconstater (Tableau III) que le nombre des publications refu-tant l’absence d’un declin est tout aussi important que cellesqui tendent a montrer une degradation des parametres dusperme. Ces etudes ont ete realisees retrospectivement apartir de donnees obtenues chez des populations d’hommespeu representatives de la population generale : consultants

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Tableau IIIEtudes suggerant l’existence d’un declin seculaire des parametres du sperme.

Annee de publication Auteurs Pays References1974 Nelson CM et Bunge RG Etats-Unis Fertil Steril, 25, 503–71978 Smith KD et al. Etats-Unis Andrologia, 10, 362–81981 Leto S and Frensilli FJ Etats-Unis Fertil Steril, 36, 766–701983 Bostofte E et al. Danemark Int J Fertil, 28, 91–51984 Osser S et al. Suede Arch Androl, 12, 113–61986 Menkveld R et al. Afrique du Sud Arch Androl, 17, 143–41986 Osegbe D et al. Nigeria Eur Urol, 12, 164–81989 Bendvold E. Norvege Int J Fertil, 34, 401–41991 Bendvold E. Norvege Arch Androl, 26, 189–941995 Auger J et al. France N Engl J Med, 332, 281–51996 Van Waeleghem K et al. Belgique Human Reprod, 11, 325–91996 Irvine S et al. Ecosse BMJ, 312, 467–711996 De Mouzon J et al. France BMJ, 313, 431996 Adamopoulos DA et al. Grece Human Reprod, 11, 1936–411996 Vierula M et al. Finlande Int J Androl, 19, 11–71996 Menchini-Fabris F et al. Italie Andrologia, 28, 3041997 Zheng Y et al. Danemark Int J Epidemiol, 26, 1289–971998 Younglai E et al. Canada Fertil Steril, 70, 76–801998 Bonde J et al. Danemark Scand J Work Environ Health, 24, 407–131999 Ulstein M et al. Norvege Acta Obstet Gynecol Scand, 78, 332–51999 Bilotta P et al. Italie Minerva Ginecol, 51, 223–311999 Gyllenborg J et al. Danemark Int J Androl, 22, 28–362003 Vicari E et al. Italie Arch Ital Urol Androl, 75, 28–342005 Lackner J et al. Autriche Fertil Steril, 84, 1657–612005 Oborna I et al. Tchecoslovaquie Ceska Gynekol, 70, 104–72007 Spripada S et al. Ecosse J Androl, 28, 313–9

Etudes ne suggerant pas l’existence d’un declin seculaire des parametres du spermeAnnee de publication Auteurs Pays References1992 Wittmaack F and Shapiro S Etats-Unis Wis Med J, 91, 477–91993 Suominen J et Vierula M Finlande BMJ, 306, 15791994 Bromwich P et al. Angleterre BMJ, 309, 19–221995 Olsen GW et al. Etats-Unis Fertile Steril, 63, 887–931996 Bujan L et al. France BMJ, 312, 471–21996 Vierula M et al. Finlande Int J Androl, 19, 11–71996 Fisch H et Goluboff E Etats-Unis Fertil Steril, 65, 1009–141996 Paulsen CA et al. Etats-Unis Fertil Steril, 65, 1015–201997 Handelsman D Australie Human Reprod, 12, 2701–51997 Berling S et Wolner-Hanssen P Suede Human Reprod, 12, 1002–51997 Becker S et Berhane K Etats-Unis Fertil Steril, 67, 1103–81997 Rasmussen P et al. Danemark Fertil Steril, 68, 1059–641997 Benshushan A et al. Israel J Assist Reprod Genet, 14, 347–531998 Emanuel E et al. Etats-Unis Urology, 51, 86–81999 Andolz P et al. Espagne Human Reprod, 14, 731–51999 Zorn B et al. Slovenie Int J Androl, 22, 178–83

2000 Acacio BD et al. Etats-Unis Fertil Steril, 73, 595–72000 Seo JT et al. Coree Int J Androl, 23, 194–82001 Itoh N et al. Japon J Androl, 22, 40–42002 Zverina J et al. Tchecoslovaquie Sb Lek, 103, 35–472002 Costello MF et al. Australie J Assist Reprod Genet, 19, 284–902003 Marimuthu P et al. Inde Asian J Androl, 5, 221–52006 Pal PC et al. Inde Andrologia, 38, 20–5

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Perturbateurs endocriniens, concepts et realite

pour infecondite du couple ou donneurs volontaires desperme. De ce fait, les conclusions de ces etudes sontsoumises a caution [12]. Si on s’interroge sur les consequen-ces eventuelles d’une degradation seculaire des parametresdu sperme, en supposant qu’elle existe, la reponse attendueserait celle d’une augmentation de l’infertilite dans la popu-lation. Bien que le nombre de couples consultant pourinfertilite ait augmente au cours des dernieres decennies,il est impossible de distinguer la contribution d’une even-tuelle degradation seculaire du sperme de celle de l’accessi-bilite grandissante aux soins, facilitee en grande partie par ledeveloppement spectaculaire des techniques de procreationmedicalement assistee.Si la realite d’une augmentation de l’incidence du cancer dutesticule dans de nombreux pays ne fait aucun doute, on nepeut ignorer le fait qu’une telle augmentation a ete signaleedes les annees 1920 dans des regions comme l’Angleterre oule Pays de Galles. De plus, l’incidence de ce cancer estheterogene, tant au niveau geographique (par exemple,importante au nord et au centre de l’Europe et faible ausud de l’Europe) qu’ethnique (par exemple, importante chezles Blancs caucasiens et tres faible chez les Noirs americainsou les Asiatiques). Cette heterogeneite, tout commel’epoque ou l’augmentation de l’incidence a ete initialementconstatee, s’accommode mal d’une simple hypothese reliee al’exposition a des perturbateurs endocriniens censes etrerepandus dans l’environnement au cours de la secondemoitie du xxe siecle. Par ailleurs, on manque toujours d’etu-des epidemiologiques convaincantes associant la survenuede ce cancer a des expositions a des substances de typeperturbateur endocrinien. Mais, etant donne que l’hypotheseest celle d’une exposition ayant eu lieu au cours de lagrossesse, les etudes retrospectives ne permettent pasd’objectiver avec precision la nature des expositions a cetteoccasion. Pour ce qui est des etudes prospectives, il seranecessaire d’attendre encore quelques annees.Beaucoup a ete dit concernant l’augmentation des anoma-lies congenitales de l’appareil reproducteur masculin. Maiselles restent difficiles a objectiver. La plus frequente d’entreelles, le testicule non descendu ou cryptorchidie, n’est pascolligee dans la plupart des registres de malformations. Laraison est que l’estimation est faussee a la naissance du faitque, pour certains garcons nes a terme, et encore plus pourceux nes avant le terme, la descente testiculaire le long ducanal inguinal vers le scrotum se poursuit spontanementdans les mois qui suivent l’accouchement. Une estimationcorrecte de l’incidence d’une telle anomalie ne peut donc etrefaite que plusieurs mois apres l’accouchement, excluantainsi cette information de celles collectees par les registres

de malformations a la naissance. Et ici encore, les raresetudes epidemiologiques menees a ce jour sur le role desexpositions prenatales a des substances de type perturba-teur endocrinien (par exemple, le DDT et son metabolite leDDE) dans la survenue d’anomalies congenitales de l’appareilreproducteur masculin se sont averees negatives.En depit de nombreux travaux menes a ce jour, et comme lesoulignait recemment Sharpe, « il n’existe pas de preuvecomme quoi l’exposition des humains a des polluants chimi-ques environnementaux puisse induire une dysgenesie testi-culaire. Cependant, les mecanismes qui pourraient donner lieua de telles troubles sont etablis [13] ». Cette phrase reflete bienla situation autour des perturbateurs endocriniens : uneproblematique riche en concepts mais pauvre en preuves.Ces notions sont a souligner, alors qu’il est commun d’enten-dre dire que les effets nocifs sur la sante humaine desperturbateurs endocriniens sont une evidence. Mais celane doit pas faire flechir les recherches, d’autant que denouvelles interrogations se sont portees sur des systemeshormonaux autres que les steroıdes sexuels et sur despathologies autres que celles de la reproduction, commepar exemple l’obesite ou le diabete de type II. Ces patholo-gies, nul n’en doute, sont la resultante de dysfonctionne-ments impliquant directement ou indirectement dessystemes de regulations hormonales. Quelques etudes epi-demiologiques recentes tendent a montrer des associationsentre les expositions a des substances chimiques qualifieesde perturbateurs endocriniens et la prevalence du diabete detype II. Mais est-ce que pour autant les proprietes hormo-nales de ces substances sont suffisantes, tant sur le planqualitatif que sur le plan quantitatif, pour etre a l’origine decette pathologie ? Que de questions qui n’ont pas encore dereponses !

Classification et reglementation

Il est apparu rapidement necessaire de pouvoir identifier lessubstances chimiques qui sont ou ne sont pas des perturba-teurs endocriniens et les candidats sont nombreux (TableauIV). La litterature scientifique, les autorites sanitaires, desassociations de defense de l’environnement, et meme lesmedias, font parfois etat de substances considerees commeetant des perturbateurs endocriniens sans qu’aucun critereraisonnable et/ou valide n’ait ete employe. On assiste ega-lement au foisonnement de diverses listes de perturbateursendocriniens confirmes ou potentiels. L’heterogeneite ducontenu de ces listes souligne l’absence notable de proce-dures validees et unanimement admises par la communaute

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L. Multigner, P. Kadhel Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2008;69:710-717

Tableau IVPrincipales sources des perturbateurs endocriniens confirmesou potentiels.

Produits pharmaceutiquesDES, ethynil–estradiol, ketokonazole. . .

Produits dentairesBisphenol A. . .

Produits veterinairesDES, trenbolone. . .

Produits de combustionDioxines, furannes, HAP. . .

Produits a usage industriel ou domestiquesPhtalates, bisphenol A, styrene. . .Polybromodiphenyl ethers, polychlorobiphenyles,

organoetains. . .Alkylphenols, parabens. . .Arsenic, cadmium. . .

Produits phytosanitairesOrganochlores (DDT, chlordecone. . .)Vinchlozoline, linuron. . .

PhytoestrogenesIsoflavones. . .

MycotoxinesZearalenone. . .

scientifique. Parfois, des erreurs grossieres sont commises.C’est le cas, par exemple, du dibromochloropropane, unpesticide a l’origine d’une infertilite masculine, qui est regu-lierement considere comme etant un perturbateur endocri-nien. Hors cette molecule ne possede pas de proprieteshormonales connues. Elle exerce ses effets deleteres parune toxicite directe sur les spermatogonies, ce qui conduita une atrophie des tubules seminiferes puis des cellules deLeydig responsables de la secretion de testosterone. Celaaffecte, en retour, la secretion des hormones gonadotropes.Les modifications hormonales sont donc secondaires al’action du toxique mais en aucun cas a l’origine des troublesde la fertilite. Cet exemple illustre l’assimilation, un peu troprapide, qui est faite entre les substances toxiques pour lareproduction et les perturbateurs endocriniens [14]. La diffi-culte a classer un perturbateur endocrinien en tant que telreside dans la combinaison de deux facteurs : l’imprecisiondes definitions que nous avons evoquee et l’absence deprocedures standardisees d’evaluation qualitative et quan-titative. Neanmoins, on dispose de quelques outils qui per-mettent, s’ils sont bien employes, d’identifier une potentiellesubstance comme perturbateur endocrinien.Pour un certain nombre de substances, on dispose d’infor-mations fondees sur leurs capacites a se fixer a des recep-teurs hormonaux, a induire une proliferation cellulaireconnue pour dependre d’une activation hormonale ou aactiver la transcription d’un gene rapporteur. Dans la plupart

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des cas, il s’agit de procedures in vitro (par exemple, l’utilisa-tion de levures ou de cellules en culture exprimant unrecepteur hormonal donne). Cependant, il existe une tellevariete de modeles cellulaires, souvent heterogenes et diver-gents, quant a leur reponse quantitative ou qualitative a unesubstance donnee, qu’il n’a pas ete possible a ce jourd’identifier un modele valide et definitivement admis parla communaute scientifique. Les essais in vitro ne permet-tent pas toujours d’evaluer avec justesse la fonctionnalite(reponse physiologique) de l’interaction perturbateur endo-crinien–recepteur. De plus, la faible affinite avec laquellehabituellement les substances se fixent aux recepteurscomparee a celle de l’hormone de reference pose plus dequestions qu’elle n’apporte de reponses concernant la per-tinence de ces modeles in vitro. En depit de ces limitations, etmeme s’ils ne peuvent en aucun cas predire les effets dansun organisme entier, les tests de detection in vitro consti-tuent une etape preliminaire et indispensable a l’evaluationd’un candidat perturbateur endocrinien.L’utilisation de modeles in vivo chez l’animal de laboratoirerepresente de nos jours la meilleure approche pour caracte-riser un perturbateur endocrinien. Les protocoles actuelle-ment valides pour evaluer la toxicite des substanceschimiques chez l’animal de laboratoire permettent d’identi-fier certains effets toxiques mais ne permettent pas, le plussouvent, d’identifier les mecanismes impliques. Ce n’est pasparce qu’une substance, consideree par ailleurs commeperturbateur endocrinien, est a l’origine d’un effet nocif chezl’animal de laboratoire que cette nocivite repose forcementsur un mecanisme de perturbation endocrinienne. La lignedirectrice no 407 de l’OCDE relative aux essais de toxiciteorale a doses repetees pendant 28 jours sur les rongeurs a eteadaptee dans le but de detecter « eventuellement des effetsde perturbation endocrinienne » en incluant le suivi du cycleestral, le dosage des hormones thyroıdiennes et la dissectiondetaillee des organes genitaux et de la thyroıde. Afin d’eva-luer les effets agonistes ou antagonistes des estrogenes, ondispose d’une procedure validee chez le rat, le test utero-trophique (ligne directrice no 440 de l’OCDE), et d’un pro-tocole, en cours de validation par l’OCDE, chez le poisson(test d’induction a la vitellogenine). La mise au point de testsin vivo valides et adaptes a d’autres systemes hormonauxapparaıt evidemment necessaire mais on en est encore loin.Finalement, les etudes epidemiologiques apparaissentcomme une approche complementaire, permettant d’appre-cier la realite des effets nocifs des perturbateurs endocri-niens et d’evaluer l’intensite du risque. Pour qu’elles puissentapporter des elements constructifs, ces etudes doiventrepondre a des criteres stricts tels que se premunir des biais

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de selection au moment du choix des populations d’etudes,disposer de larges effectifs permettant une puissance suffi-sante lors de l’interpretation des resultats, la prise en comptedes facteurs de confusion et la mesure objective et adapteedans le temps des expositions et des effets. Dans l’attente dela mise au point de tests d’activite biologique specifiques etsensibles d’une activite hormonale donnee imputable a unxenobiotique et facilement applicables a des matrices bio-logiques obtenues en grand nombre, la determination desconcentrations ponderales des substances d’etudes (ou deleurs metabolites) dans ces memes matrices reste indispen-sable. De plus, les mesures des expositions devront tenircompte des cinetiques de metabolisation et d’eliminationdes substances incriminees, en distinguant leur caracterepersistant ou non dans l’organisme.

Conclusion

Au-dela des aspects que nous venons d’evoquer, la proble-matique des perturbateurs souleve de nombreuses autresquestions non encore resolues. Parmi elles, sur un planscientifique, on s’interroge sur la synergie (additive, multi-plicative, antagoniste) qui pourrait resulter d’expositionssimultanees a de multiples substances chimiques presentantdes activites hormonales variees et/ou suspectees d’agir pardes mecanismes divergents au niveau cellulaire. Pour illus-trer ce propos, le DDT, qui presente des proprietes estroge-niques, serait associe a une diminution de la fertilitefeminine, alors que le DDE, son principal metabolite, estdote de proprietes antiandrogenes et serait associe a unefertilite accrue. On s’interroge egalement sur la nature desrelations doses–effets et la possibilite de relations nonmonotoniques (courbes en U, par exemple). D’aucuns evo-quent qu’a de faibles doses, ces substances pourraiententraıner des effets non observables a des niveaux d’exposi-tion plus eleves. Si cela est vrai, on se trouverait face auparadoxe ou les populations exposees professionnellement,et donc par definition a des niveaux eleves d’exposition,seraient a risque plus faible que la population generale. Surle plan societal, les institutions d’evaluation du risquecommencent a considerer tres serieusement la problema-tique de ces substances. Cependant, en l’absenced’outils fiables d’evaluation quantitative et qualitative des

perturbateurs endocriniens, il est difficile d’adopter despolitiques de prevention et de gestion des risques efficaceset proportionnees a la nature du danger eventuel. Sur tousces plans, la thematique des perturbateurs endocriniensrepresente un challenge auquel la communaute scientifiqueet les autorites sanitaires ont a faire face.

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