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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LYON, INSTITUT DES DROITS DE L’ HOMME DE LYON Année 2010-2011 Master professionnel, master recherche, Philosophie des droits de l’homme FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DES DROITS DE L HOMME MODERNITE ET DROITS DE L HOMME Cours de Paul Moreau, Introduction : les droits de l’homme ont-ils une valeur absolue ? Droits de l’homme et humanisme ; DH et dignité de l’homme ;DH et justice ; les DH contre les violences; le consensus universel sur les DH ;; les différentes générations de DH ; une nouvelle morale, une nouvelle religion (nouveau Décalogue) ; deux problèmes graves : triomphalisme éthique : les droits de l’homme ont réponse à tout ; les DH comme philosophie du droit dominante. le catholicisme et les DH : une adhésion réservée ?

Philosophie Des Droits de l'Homme

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Philosophie Des Droits de l'Homme

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LYON,INSTITUT DES DROITS DE L’ HOMME DE LYON

Année 2010-2011

Master professionnel, master recherche,

Philosophie des droits de l’homme

FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DES DROITS DE L HOMME

MODERNITE ET DROITS DE L HOMME

Cours de Paul Moreau,

Introduction   : les droits de l’homme ont-ils une valeur absolue   ? Droits de l’homme et humanisme ; DH et dignité de l’homme ;DH et justice ; les DH

contre les violences; le consensus universel sur les DH ;; les différentes générations de DH ; une nouvelle morale, une nouvelle religion (nouveau Décalogue) ; deux problèmes graves : triomphalisme éthique : les droits de l’homme ont réponse à tout ; les DH comme philosophie du droit dominante. le catholicisme et les DH : une adhésion réservée ?

I Les droits de l’homme comme expression de la dignité de l’hommeLes homme naissent libres et égaux en droits ; La double dimension de la personne :

abstraite, concrète. Le souci du bien concret des personnes : les droits de la seconde et de la troisième génération. Inégalité factuelle, égalité de droits, inégalité statutaire. Signification de l’approche scientifique. La dignité comme valeur absolue. La distinction entre les personnes et les choses ( Kant). La personne comme totalité. Mourir dans la dignité. Dimension corporelle de la personne. Indisponibilité du corps humain et de ses parties. La question de la prostitution. Anthropologie chrétienne de la sexualité.  Dimension métaphysique des DH. Le statut de l’embryon.  L’idée de procréation. La personne comme mystère. Scientisme et positivisme. Origine biblique de l’idée de dignité. La supériorité sur le monde et les communautés politiques

II Critique du subjectivisme juridique   ; Insuffisance des droits de l’homme Le subjectivisme juridique. Droits libertés . Les besoins. Groupes identitaires. La

famille. La nature. Prolifération des droits et conflit entre les droits . Nomophilie. Le problème de la discrimination. Une nouvelle religion. Mise en cause des communautés. Mise en cause de la conscience. Disqualification de la morale . Conflits entre les droits. .Les DH corpus juridique ou moral ?. Critique des DH par E Burke, S. Weil. Contrat et institution

III Repenser le droit et la politique comme arts spécifiques au service du bien de l’hommeTrois façon de considérer le droit : équilibre, art, chose incorporelle. Entre les

personnes et les choses des êtres au statut ontologique particulier. La nature et le droit . Remarque méthodologique. Justice commutative et justice distributive . L’enfant et l’adulte : un triple relation. Le droit dans sa particularité La loi et le droit . Remarque méthodologique . Justice commutative et justice distributive  . Perspectives éducatives . Autres pb posés par les droits de l’enfant . Le droit dans sa particularité. Le souci des communautés politiques concrètes (H Arendt). Les déontologies des métiers. Le sens du droit positif. La volonté politique et la loi. L’essence du politique. La justice et la force. Les Etats et leurs frontières. Limites du droit international. Morale et droit. Eloge du droit interne. La question du droit d’ingérence. Le problème de la justice pénale internationale. Perspectives éducatives. Le sens de la démocratie. La famille dans la charte européenne des droits fondamentaux. Le sens de l’institution. Deux sujets d’étonnement. L’autorité du peuple souverain. Justice et charité

IV Origine de l’individualisme juridiqueLa conception classique du droit naturel. La cosmologie antique et médiévale. Une

nouvelle conception du droit naturel . La doctrine biblique de la création. La capacité de résister contre le monde. La lex divina. Le nominalisme comme rejet des communautés (M. Villey). La révolution. cosmologique de la renaissance . Un espace et un temps homogène. L’espace comme pure étendue à l’origine de l’idée de mondialisation. La fin des communautés. Tout est commensurable. La disqualification des frontières. La révolution industrielle selon Marx. Critique par Marx des DH. Un nouvel humanisme : Pascal et le roseau pensant. Les théories du contrat social comme aspect du constructivisme juridique. L’illusion universaliste

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Bibliographie

I PHILOSOPHES CLASSIQUES

PLATON, La République, Gorgias, Le Politique, Protagoras, CritonARISTOTE , La politique, Ethique à NicomaqueAUGUSTIN SAINT La cité de Dieu( 427-427)BODIN Jean, Les six lires de la République, 1576GROTIUS , Du droit de la guerre et de la paix, 1625 HOBBES, Du citoyen ou les fondements du politique, 1642PUFENDORF , Du droit de la nature et des gens, 1672SPINOZA, Traité politique, 1677MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, 1748ROUSSEAU, Du contrat social ou principes du droit politique, 1762BURKE, Edmund, Réflexions sur la révolution de France, 1790,KANT Emmanuel, La Doctrine du droit, 1797HEGEL , Principes de la philosophie du droit, 1820TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, 1835MARX Karl, La question juive, 1844MARITAIN Jacques, Les droits de l’homme et la loi naturelle, 1947WEIL Simone, L’Enracinement, Ecrits de LondresARENDT, Hannah, La crise de la culture, Gallimard, 1972, Essai sur la révolution, Gallimard, 1967, L’impérialisme, Fayard, 1982

Ii PHILOSOPHES CONTEMPORAINSBINOCHE Bertrand, Critique des droits de l’homme, PUF 1989CHABOT Jean Luc , La doctrine sociale de l’Eglise, Que sais-je, PUFCLAIR, André, Droit, communauté, humanité, Cerf, 2000DELSOL Chantal , Eloge de la singularité, La Table Ronde, 2000, La grande méprise, justice internationale, gouvernement mondial, guerre juste, La Table Ronde, 2004DUMONT Louis, Essai sur l’individualisme, Seul, 1983GAUCHET, Marcel, Le désenchantement du monde, Gallimard, 1985ELIADE Mircéa Le sacré et le profane, coll. Folio GallimardKOJEVE Alexandre, Esquisse d’une phénoménologie du droit, Gallimard, 1982KOYRE Alexandre, Du monde clos à l’univers infini, coll. Tel, GallimardRAWLS John Théorie de la justice, Seuil, 1987RICOEUR Paul, le juste, Ed. Esprit, 1995, Le juste 2, Esprit , 2001REVAULT D’ALLONNE ,Myriam, Le Dépérissent de la politique, Aubier, 1999SCHMITT  Carl, Théologie politique, Gallimard, WALZER Michael, Pluralisme et démocratie, Ed. Esprit, 1997, Sphères de justice, Seuil, 1998

III JURISTES

ATIAS, Christian, Epistémologie du droit, Coll . Que sais-jeBATIFFOL Henri, La philosophie du droit, Coll. Que sais-jeCARBONNIER Jean, Flexible droit, LGDG ,1992, Droit et passion du droit sous la Vème République, Flammarion, 1996GARAPON Antoine, Bien juger ; essai sur le rituel judiciaire , Odile Jacob, 1997HAURIOU  Maurice, Aux sources du droit, Bibliothèque de philosophie politique et juridique, Caen, 1986 ROUBIER Paul, Théorie générale du droit, Sirey, 1951

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VILLEY Michel, Le droit et les droits de l’homme, PUF, 1983, Philosophie du droit, Dalloz, 1986, Critique de la pensée juridique moderne, Dalloz, 1976

III AUTRESGOLDMANN Alain, Les sources bibliques des droits de l’homme, Edition Shmuel Trigano, Ed in Press, Paris 2000De BENOIT Alain Au-delà des droits de l’homme ; défendre les libertés, Ed Kisis Paris 2004PONTON Lionel Philosophie et droits de l’homme, de Kant à Lévinas Vrin 1990MOURGEON Jacques Les droits de l’homme PUF 1990

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INTRODUCTION

SalutationPrésentation de PMIntérêt de PM pour ce cours donné pour la 8 ème année et dont j’ai pu donner des extraits ou des variantes en plusieurs pays

Colombie Pologne, Ukraine, Roumanie, MadagascarLiban

* Etudiants de deuxième cycle, M 2, donc de niveau avancé* Qui ont le sens de l’engagement et pour moi la philosophie n’a vraiment de

sens qu’en relation avec l’action* Etudiants provenant de divers horizons, spécialement des étudiants venus de

divers pays du monde entier

Présentation du cours

Droits de l’homme et humanisme ; Droits de l’homme et justice ; Droits de l’homme et dignité ;

S’impose l’idée selon laquelle le bien de l’homme, le respect de la dignité passe nécessairement par les droits de l’homme

Les droits de l’homme contre les violences ; ex la ColombieUn corpus de plus en plus abondant cf Les différentes générations de droits de

l’hommeLa prétention de répondre à toutes les questions éthique que se posent les

hommesUne philosophie du droit dominante: le droit est la mise en forme des droits ;

le subjectivisme juridiqueUne nouvelle morale, voire une nouvelle religionTriomphalisme éthique ? Les DH ont réponse à toutLe Christianisme et les droits de l’homme, opposition ou hésitation ; un

ralliement tardif ; pourquoi ?

Remarques de méthode

Ce cours se présente comme approche critique qui pourra surprendre et déconcerter plusieurs d’entre vous (Cf. Conférence de rentrée de JL Chabot)

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Spécialement ceux qui parmi sont en master pro et se préparent à des activités professionnelles, politiques, juridiques ou associatives dans le domaine des DH (comme magistrats, diplomates, membres d’ONG etc

En effet vous être disposés à vous engager au service des DH ; beaucoup parmi vous , même très jeunes, je m’en doute à partir de ce que je

sais des étudiants des promotions précédentes, vous êtes déjà engagés dans la vie associative ;

Vous cherchez l’efficacité en acquérant des moyens divers ; donc des connaissances en vue de l’action

L’approche philosophique pourra vous déconcerter parce que elle a pour premier effet

de mettre à distance de l’action, Spécialement en interrogeant sur les fondements de l’action ;

ce qui parait évident peut alors apparaître comme incertain

Ainsi à partir de ces 5 questions

1) Les DH peuvent ils apparaître comme s’imposant par eux-mêmes ? Ne faut il pas les rapporter à un principe plus haut  qui est le principe de la dignité ?

2) D’où vient le principe de dignité qui est à la base des DH ? de la nature, de la raison , d’une révélation religieuse ?

3) Les D<H sont ils les seuls ou les meilleurs moyens de travailler au respect de la dignité de la personne ?

4) Le DH ne peuvent-ils pas quelquefois desservir le bien de l’homme et le respect de sa dignité

5) N’y a –il pas d’autres moyens que les DH de travailler au bien de l’homme et au respect de la dignité de la personne ?

Donc la philosophie peut éloigner de l’action, comme d’ailleurs toute approche théorique (en tant qu’elle se distingue de l’approche pratique) de la réalité ;

C’est en général le propre de toute approche spéculative, telle qu’on peut déjà la trouver dans les sciences

Par exemple en venant suivre des cours ici à l’IDHL, vous n’êtes pas sur le terrain ; vous avez choisi de mettre une distance avec le terrain. ; certes ces études ont été choisies par vous notamment dans le cadre d’un projet et certains parmi vous savent très bien où ils iront où du moins veulent aller au terme de cette année d’étude ;

Mais il ne faut pas exclure le caractère aventureux de cette formation, c'est-à-dire que vous devez accepter de vous laisser surprendre, voire transformer ,

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De telle sorte qu’au bout de cette formation vous ne soyez plus tout à fait comme avant

Bref vous devez accepter de vous laisser interroger et remettre en question, y compris par rapport à ce que vous considérez aujourd’hui comme évident et aussi ce que vous avez de plus cher .

Une autre remarque ; j’ai remarqué dans les évaluations des années précédentes que beaucoup me reprochent que j’évoque trop souvent dans le cours, le christianisme 

Alors là mettons d’emblée les choses au point

* D’une part j’aurai souvent, comme l’occasion de mettre en évidence que l’origine des DH est à chercher dans cet évènement qui transformera durablement la culture de l’humanité, à savoir la révélation biblique ; Nous serons ici dans l’ordre de l’histoire des faits de culture (et donc en dehors de la foi religieuse)

Ensuite ou montrera que bien des éléments de notre culture laïque sont d’origine chrétienne ; je prends trois exemples concernant des principes indiscutables

* l’égalité et la liberté de l’homme et de la femme, spécialement dans le mariage ;

* le principe cher au droit français de l’indisponibilité du corps humain, qui se traduit notamment par le caractère illicite de la vente des organes

* L’idée de dignité comme valeur absolue, d’où vient en droit français le refus de l’euthanasie

Je ferai voir que bien des questions éthiques contemporaines, qui sont nouvelles et suscitent des discussions, peuvent trouver des éléments de solution dans une anthropologie héritée du christianisme ; ex sur les manipulations génétiques ; le problème du statut de l’embryon

de la gestation pour le copte d’autrui

Un autre pb : celui de l’évolution du droit de la famille : le problème du mariage homosexuel

La critique m’a été faite par quelques uns des étudiants de mettre en question cette évidence : le mariage doit être ouvert aux personnes homosexuelles au nom de ces droits de l’homme fondamentaux que sont l’égalité et la liberté

Pour le philosophe , rien ne va se soi ; rien ne doit échapper à l’investigation critique

Et puis il n’est pas interdit, dans une université catholique de présenter et faire valoir le point de vue de l’Eglise

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Et puis il n’y a pas de vérité qui soit liée nécessairement à la nouveauté (néophilie contre misonéisme)

CF. aussi la critique du sociologisme juridique

Quoiqu’il en soit mes propos demeureront toujours philosophiques , c’est à dire conduits par la raison ; c'est-à-dire ouverts au débat et à la contestation ;

L’essentiel est encore ici qu’il puisse y avoir débat ; Et si vous devez vous forger votre propre philosophie, ou plus modestement

vos propres idées, le meilleur moyen est que ce soit en réponse à celle des autres

Enfin une dernière remarque : la philosophie surprend par son caractère paradoxal (paradoxe= ce qui est contraire à l’opinion)

On a souvent comme pensée dominante un ensemble d’opinions c’est à dire d’idées que l’on tient pour évidentes et incontestables ; et ce que l’on prend pour ses idées personnelles n’est souvent que l’opinion ; et bien, l’opinion doit être mise à l’épreuve

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Chapitre Premier

LES DROITS DE L HOMME COMME EXPRESSION DE LA DIGNITE DE L’ HOMME

IntroductionOn s’accorde volontiers aujourd’hui à reconnaître qu’un droit, une politique

tiennent leur plus ou moins grande légitimité de leur relation au corpus des droits de l’homme.

Ce corpus, procède de quelques principes simples : l’égalité en droit et en dignité de tous les hommes, le respect inconditionnel qui leur est du, l’idéal de fraternité universelle.

Ces principes, considérés comme évidents, on n’accepte guère de les voir mis en question, de sorte qu’apparaît à leur égard une forme de vénération quasiment religieuse. Reste que ces principes sont malheureusement bien souvent transgressés dans la pratique, ce qui provoque une compréhensible indignation, mais aussi la tentation de verser dans l’exorcisme et l’incantation.

Plus gravement ces principes peuvent être aussi contestés dans leur légitimité théorique (cf des doctrines antihumanistes comme le nazisme). Face à quoi l’on se contente souvent de s’indigner et de condamner moralement une telle mise en question, mais alors sans être capable de pouvoir argumenter en faveur d’un fondement.

C’est que les militants des droits de l’homme veulent être efficaces ; ils négligent souvent comme inutile le questionnement philosophique. Peut être aussi éprouvent-ils aussi comme une crainte de voir ébranlée la solidité de ces droits.

Mais face au danger de voir contestée leur légitimité, et plutôt que de se voiler la face devant ce qui pourrait bien apparaître comme leur irréductible fragilité, il convient, avec courage et lucidité, de se demander

*quel est le statut philosophique des droits de l’homme, * à quel degré d’intelligibilité appartiennent les principes sur lesquels ils se

fondent, * à quelle condition leur affirmation est possible.

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Plus précisément, lorsque l’égalité est présentée comme fondée sur la naissance, que faut-il entendre par ce terme ? L’histoire et la sociologie ne montrent-elles pas à l’évidence que la naissance détermine une indéniable inégalité factuelle ?

Il faut ici dénoncer la tendance généreuse, mais peu réaliste, à vouloir substituer, à la notion d’inégalité, considérée comme politiquement incorrecte, celle de différence.

Faudra-t-il alors affirmer que l’on vise ainsi, en deçà de la factualité, une nature ? Mais est-ce avec le concept de nature que l’on peut correctement fonder l’égalité  ? Ne faut il pas alors considérer que les droits de l’homme, dans leur aspect paradoxal, présentent un caractère surnaturel, ou, ce qui revient au même, métaphysique ?

***

Les hommes naissent libres et égaux en droits et en dignité

Fonder l’égalité, c’est pour le discours des droits de l’homme l’inscrire en cet évènement qui précède toute existence particulière et contingente, à savoir la naissance.

Or, si la naissance est bien un évènement empirique qui prend place dans la nature et l’histoire, lesquelles déterminent des inégalités, ne faut-il pas la comprendre, en deçà de toute nature, de toute histoire,  comme ce par quoi l’homme procède d’une origine absolue ?

Cf [lat. Confer => qui se refere a] plus loin dimension métaphysique

Signification de l’approche scientifique

A vouloir fonder par la science le principe d’égalité et de dignité, on s’expose à ce que les principes soient eux-mêmes menacés par une tentative d’établir scientifiquement une morale inégalitaire, comme on l’a vu naguère avec les prétentions de la sociobiologie.

Si en effet la science décrit, explique, voir comprend, elle ne peut être donneuse de normes ;

ce sur quoi porte la science, ce sont les faits et non les valeurs.

Quant au droit, il lui appartient d’abord, à propos de l’embryon, de donner des réponses pratiques, lorsque, dans les procès et donc les cas litigieux, il lui faut départager entre les plaideurs, et, à partir de la jurisprudence, préciser un cadre légal.

La distinction entre fait et valeur permet alors d’éviter ce double écueil : au nom du principe (l’égalité) ignorer les faits (l’inégalité) ; au nom des faits (l’inégalité) refuser les principes (l’égalité).

Certes la science a toute son importance pour l’éthique (ainsi que pour la politique) On peut alors repenser la signification de l’approche scientifique : il lui appartient de décrire, expliquer, en vue de permettre à l’exigence éthique de

connaître ce sur quoi elle doit faire porter son action pour le changer 

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: c’est ainsi que, au-delà du formalisme et de l’abstraction de la première génération des droits de l’homme, la deuxième, celle des droits sociaux, s’appuie, dans une perspective réaliste et concrète, sur une sociologie et une économie indispensables

C’est ainsi que, pour certains commentateurs (Par exemple Jean Lacroix), la matérialisme historique de Marx est, au départ, à comprendre comme relevant,

non pas d’une philosophie niant le rôle de l’esprit, mais d’un choix méthodologique : l’action politique doit être servie par

une véritable science du politique et l’économie : l’efficacité suppose une bonne connaissance de la réalité à laquelle on a affaire.

La double dimension de la personne   : abstraite, concrète

Dimension concrète

Origine du concept de personne persona en latin = le masque du comédien qui offre comme un porte voix1 et permet au

spectateur de reconnaître un type humain un rôle, un caractère, Avare, ingénu etcla différence entre homme femme un statut social : maître serviteur, l’âge : jeune vieux

cf le personnage de théâtre et par là le rôle, la fonction sociale

On insiste ici sur la dimension concrète de l’homme ; il existe plusieurs façons d’être humain ; plusieurs personnes et ceci en fonction de la nature (sexe, âge) ou de l’histoire (richesse pauvreté)

Ensuite on parlera des personnes pour désigner les humains au-delà de leurs différences d’où la dimension abstraite de la personne

Aujourd’hui on pense les personnes abstraction faite de leur sexe, âge, nationalité, race place dans la société

Au delà des différences mais aussi des inégalités de fait liées à la nature et à l’histoire

Rappel : nature et histoire sont facteurs d’inégalitésLa nature détermine des inégalités entre malades et bien portants,

L’histoire entre pauvres et riches

1 Per sonare : sonner à travers ; est-ce un simple jeu de mot que l’on peut reconstituer après coup depuis un mot d’origine étrusque ?

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Malheureusement, nous avons tendance à enfermer les être humains dans leurs déterminations , les états, les situations

(les fameuse étiquettes) c’est une femme, un sourd un aveugle un noir, un handicapé, un homosexuels, une prostituée etc

Contre cette tentation il convient de veiller à policer son langage : ne dites pas un handicapé mais

une personne handicapée Ou mieux une personne en situation de handicap

Tension entre les deux dimensionsLe refus de la dimension abstraite et la volonté de privilégier la dimension

concrète cf Joseph de Maistre)

« Il n’y a point d’homme dans le monde. J’ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes ; Je sais même grâce à Montesquieu qu l’on peut être persan ; mai quand à l’homme, je déclare ne l’avoir jamais rencontré de ma vie ; s’il existe, c’est bien à mon insu » »

Joseph de Maistre, Œuvres I p 78 Vitte Lyon 1884 (cité par A Finkielkraut La défaite de la pensée)

NB Il faut tenir les deux dimensions, sans quoi il y a injustice

Ainsi en éducation ou en matière de santé*ne tenir compte, au nom de l’égalité des personnes, que de la dimension

abstraite, c’est ne pas prendre en compte les besoins spécifiques de l’enfant, du malade ; c’est donc ne pas agir comme un bon professionnel

* inversement ne tenir compte que de la situation spécifique c’est, dans une approche hyper technique, telle qu’elle guette le professionnel, négliger la dimension personnelle ; ex l’appendicite de la chambre 13 et non pas Monsieur ou Madame Untel

Le souci du bien concret des personnes   : les droits de la seconde et troisième générations

Respecter les personnes, en avoir le souci, avoir le souci de la justice ne peut se réduire à considérer la dimension abstraite au nom de laquelle on affirme l’égalitéIl faut prendre en compte les situations concrètes ; en particuliers les souffrances, les besoins. La justice exige que l’on agisse de façon appropriées, adaptée

On pourrait parler de justice réparatrice

A partir de la critique faite par Marx d’une inégalité abstraite, on a l’origine des droits de la seconde génération, dites des droits économiques et sociaux, qui prend en compte

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* les besoins fondamentaux des hommes, ceux qui sont communs à tous* les besoins propres à telle ou telle catégorie d’homme par ex

les malades, les personnes âgées ; les enfants etc

Cf aujourd’hui la notion de discrimination positive

Le souci de la justice doit prendre en copte ces deux dimensions, spécialement dans les métiers qui ont affaire à l’humain (éducation, travail social, santé)

Inégalité factuelle, égalité de droits, inégalité statutaire

Trois affirmation non contradictoires ; en fait trois point de vue différentsInégalité factuelle : cf. ci-dessus à propos de la dimension concrète de la personne (ex

personnes saine et personnes malades)Egalité de droit : égalité entre les personnes, abstraction faite de leur état ; cf. ci-dessous

égalité métaphysiqueInégalité statutaire ; cf. la justice distributive selon Aristote ; ex le respect particulier du

au magistrat devant lequel on se lève au début de l’audience ; cf. aussi les véhicules prioritaires

Tel est, comme on l’a déjà dit, le sens de la justice qui requiert à la fois le souci de respecter des principes transcendants, spécialement celui de l’égale dignité des hommes, et, dans son désir d’efficacité, de prendre en compte les situations concrètes, en tant qu’elles sont marquées par l’inégalité.

La doctrine des droits de l’homme, qui habituellement présente les principes sur lesquels ils se fondent comme inscrits dans la nature, n’est donc vraiment intelligible qu’à la condition d’être comprise comme relevant d’une exigence éthique et qui en fait voir le caractère proprement métaphysique.

La dignité comme valeur absolue

Deux sortes de valeursConditionnelle ou Relative : du latin refero : rapporter à

Relatum=; dépendant de

Inconditionnelle ou Absolue : du latin absolvo , détacher de Absolutum= détaché de ; indépendant de

Relatif = conditionnelAbsolu= inconditionnel

De quoi dépend une valeur relative ? Réponse : de l’intérêt que l’on accorde à une chose ; des gratifications qu’elle peut apporter

Inversement la valeur absolue est indépendante de tout intérêt, de toute gratification

La valeur de la personne doit être considérée comme absolue, inconditionnelle

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D’où l’impératif moral selon Kant

« Agis toujours de telle sorte que tu considères l’humanité en toi et en la personne d’autrui jamais simplement comme un moyen mais toujours en même temps comme une fin »

In Fondement de la métaphysique des mœurs

Distinction entre MOYEN: ce qui a une valeur relative et qui est le prix FIN ce qui a une valeur absolue : la dignité

La formule de Kant est d’une grande prudenceIl n’est pas immoral que les personnes puissent être considérées comme des

moyens, dans le monde économique ; l’entreprise en particulier (cf le salaire qui est variable selon la compétence) ; cf aussi dans l’école l’enseignant plus ou moins apprécié de ses étudiants

Ce qui est immoral c’est de

réduire la personne au statut de moyen, à n’avoir qu’une valeur relative, qui peut bien tendre vers Zéro  ; par

exemple quand la personne est malade, handicapée, mourante

C’est le respect qui s’oppose au mépris (le mépris n’est que le dernier échelon dans la réduction de la valeur au prix ; on peut mépriser celui que l’on na adorédont on a fait grand cas

NB Dans la famille aussi on peut réduire autrui au statut de moyen ; s’il n’est pas immoral d’attendre d’un conjoint du bonheur, ce qui est immoral c’est de le laisser tomber s’il n’apporte plus ce bonheur, ou du moins s’il faut lui donner plus qu’on ne reçoit de lui ou encore si l’on rencontre quelqu’un qui semble devoir nous rendre plus heureux

Idem par rapport à l’enfant ou encore ses parents vieillissants

A contrario le sens de la fidélité et de l’engagement dans le mariageCf la formule populaire : pour le meilleur et pour le pire

(–Pour E Sullerot on se met aujourd’hui en couple pour le meilleur et sans le pire))

La distinction entre les personnes et les chosesDécoule de ce qui précède : la chose est ce qui n’a de valeur que relative,

conditionnelle, qui peut être utilisée, c’est à dire considérée comme un simple moyen ; la personne est ce dont la valeur est absolue

La personne comme totalitéLa personne, pas plus que sa dignité, ne se divise  ; elle ne connaît pas de plus ou de

moins ; on n’est pas plus ou moins une personneCe concept

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* n’appartient pas au registre de la science (biologie, sociologie, droit) ; *il est proprement métaphysique (éthico métaphysique)

Il existe donc une dimension ontologique radicale de la personne à penser en deçà de tout ce que la science peut saisir en terme de plus ou de moins et qui donc se quantifie

Application   : le statut de l’embryon

On peut ici réfléchir aux impasses auxquelles conduit aujourd’hui la prétention de demander à la science ce qu’il en est du statut de l’embryon : est-il ou non une personne ?

Sur le statut ontologique de l’embryon (personne ou pas) se pose une question proprement métaphysique dont la solution décisive ne peut évidemment relever de

la biologie comme science

Reste que ce qui est certain c’est que l’embryon humain est a fortiori, comme le foie humain, un « être humain » ; donc du point de vue ontologique à situer quelque part entre la personne et la chose

Complément   : mourir dans la dignité

Le débat autour de la fin de vie et le problème de l’euthanasieLa position de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) :

la dignité est liée au bon état du corps, du psychisme à l’autonomie et L’indignité est liée à la dégradation du corps par le fait du handicap, de la

vieillesse (état grabataire, de dépendance)

Critique : Qu’une personne puisse effectivement éprouver le sentiment que sa vie est indigne parce que ses capacités sont gravement diminuées et qu’elle est sous la dépendance d’autrui pour les besoins les plus quotidiens (perte d’autonomie) ; et considérer que sa vie ne mérite plus d’être vécue, on peut le comprendre, cela est infiniment respectable

Mais il faut faire les restrictions suivantes : Une chose est la parole de la personne souffrante, autre chose est le

discours théorique qui revient à reconnaître que la dignité connaît des variations ; certes le discours de l’ADMD porte bien sur la mort dans la dignité ; mais alors il s’agite de mourir avant que le dignité ne soit affectée ; en fait ce qui est mis en avant c’est la liberté de la personne qui demande à mourir face à une dignité qui se dégrade, va se dégrader, s’est gravement dégradée

Accéder à la demande de la personne souffrante qui demande qu’on l’aide à mettre fin à sa vie, c’est accréditer cette idée selon laquelle la dignité connaît du plus ou du moins

Au contraire là où la personne affirme que sa vie ne mérite plus d’être vécue peut s’imposer l’exigence de témoigner (exigence pour la famille, pour le personnel soignant ; témoigner de quoi ?

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« : pour moi, pour nous tu as autant de valeur que lorsque tu étais en bonne santé ; je te le montre par le fait que je reste auprès de toi »

Il s’agit évidemment ici non pas d’une argumentation mais d’un témoignage, et encore qui ne passe pas par les mots, mais la conduite, en l’occurrence la simple présence…aimante

C’est la philosophie des soins palliatifs

NB euthanasie : de eu thanatos : bonne martEuthanasier : de eu-thanateuein, le fait de faire mourir bien, ; Thanateuein c’est faire mourir, ce qui n’est pas rien et qui peut laisser penser que , même pour de bonnes raison, c’est un meurtreOn peut cependant concevoir l’expression de façon moins dure : donner une bonne mortMais alors qu’est ce que la bonne mort ?

Une mort sans souffrance ?Une mort inconsciente ?dans le dénuement ?ou bien une mort avant et dans laquelle on est entouré par l’amour des siens,  ?

Dimension corporelle de la personne

Conception à distinguer de celle de caractère platonicien ou cartésien qui séparent l’âme et le corps, selon laquelle l’essence de l’homme c’est son âme (conception au demeurant qui n’est pas dénuée de grandeur et aussi d’intérêt philosophique : cf en particulier les enjeux éthiques présentés dans l’Alcibiade de Platon

Partons d’un principe du droit français (jusqu’à quand sera-t-il reconnu comme légitime ?)

Indisponibilité du corps humain et de ses parties

Le corps ne peut être vendu : le corps vivant d’abord évidemment : D’où le rejet de l’esclavage (qui subsiste encore de nos jours) (il est vrai que dans le rejet de l’esclavage c’est la vente de la personne qui est refusée) ; et donc le refus de la vente du corps et conséquence du refus de vendre la personne ; mais attention il pourrait être tentant de prétendre louer le corps d’une personne sans que cette personne ne soit affectée comme personne ; cf ci-dessous la question de la prostitution

Cf le cas d’école « le lancer de nains » Le Conseil d’Etat donne raison à la ville d’Aix en Provence, dans une décision de 1995 en confirmant le caractère illicite de cette pratique parce que contraire à l’ordre public :la loi limite le principe de liberté à quoi on voudrait ramener le principe de dignitéRéférence Bernard Edelmann La personne en danger, PUF, 1999, p 511

NB un premier arrêté avait été pris contre le lancer de nain cpar la commune de Morsang sur Orge

A noter que le corps mort (le cadavre) ne peut être non plus objet de transactions financières

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Entre les personnes et les choses des êtres au statut ontologique particulier

Mais il y a plus subtil : sans être sujets de droit, peuvent et doivent être aussi objets pour le droit, et donc recevoir

éventuellement un statut juridique, * des êtres qui ne sont ni des personnes ni de simples choses, et par conséquent ni simplement sujets ou objets :

*c’est le cas des membres, organes ou fluides du corps humain : bras, foie ou sang ;

Le principe d’indisponibilité du corps s’applique aussi aux parties du corps (organes , membres , fluides) ; elles ne peuvent être vendues, du moins en droit français ;

on a là des « êtres » qui certes ne sont pas des personnes, mais qui pour autant ne sont pas des choses et qui doivent se voir reconnaître un statut ontologique spécial et qui comme l’embryon doit bien être considéré comme

« être humain »

Application dans le domaine de la sexualité : le corps ne peut être un moyen

il en va de même pour le cadavre.

Le statut juridique ne peut pas ne pas être pensé ici comme significatif d’un statut ontologique spécial ,

quelque part entre la personne et la chose, ce qui apparaît comme une façon pertinente de nous faire sortir du

dualisme juridico-ontologique. (séparation entre sujets de droits et objets de droit)

Tel est le fondement philosophique de ce principe cher au droit français ; celui de l’indisponibilité du corps humain, lequel résiste de façon intempestive contre la tendance galopante à la marchandisation, elle même liée au principe de liberté ; on notera que si l’on peut douter du caractère personnel de l’embryon ou du fœtus, je précise humain, on ne peut nier que l’on ait affaire à un être humain

La question de la prostitution

Introduisons la question de la sexualité par le cas de la prostitution

Que penser du contrat entre le client et la personne prostituée ? en droit français (CF Guy Raymond, Ombres et lumières sur la famille Bayard Edition 1999, p102-103) un tel contrat est illicite au nom du principe de l’indisponibilité du corps :

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mais pourquoi ?on dira en effet que dans la prostitution le corps n’est pas vendu ; il est seulement

loué ; on ne vend que ses charmes ; et ne vend-on pas sa force de travail ? et ne loue-t-on pas ses bras ;

on pourrait donc dire que l’on vend ses charmes et pour cela que l’on ne fait que louer son corps, plus précisément son sexe ;

et pourtant on dit que la personne prostituée se vend ; pourquoi ?Il faut ici essayer de comprendre :

d’abord le corps n’est pas du domaine de l’avoir ; on ne peut donc ni le vendre ni même le louer ;

Il faut ici, pour comprendre, recourir à une démarche de type phénoménologique (méthode qui vise à découvrir le sens dans l’observation de la réalité dans ses aspects les plus concrets)

La relation sexuelle, du fait de son caractère objectivement intime, ne peut pas ne pas affecter la personne prostituée  en profondeur, dans l’intimité de son être

D’ailleurs on n’entre que très rarement librement en prostitution et de puissantes inhibitions doivent être levées ,

souvent par la violence : le viol (souvent collectif) et ensuite l’alcool et différentes drogues ;

C’est que la personne prostituée voit son corps souillé ; d’où après le rapport la nécessité d’ une toilette, dont le but est manifestement plus qu’hygiénique : c’est, au sens que donne à ce terme l’anthologique religieuse, une lustration, une purification dont le but est d’effacer une souillure qui affecte a personne au plus profond de son être

Le corps selon l’anthropologie chrétienne

Ce n’est pas seulement dans la prostitution que l’on peut, d’un point de vue éthique, mettre en cause le caractère illégitime de certaines formes de relation sexuelles

Il faut ici évoquer ce qui est à la racine de l’interdit de la prostitution et en général du principe de l’indisponibilité du corps , spécialement dans la sexualité ; à savoir

L’anthropologie chrétienne du corps et de la sexualité

CF Xavier Lacroix « Le christianisme méprise-t-il le corps » in L’avenir c’   est l’autre   ; Dix conférences sur la famille, Cerf, 2000

Dégageons l’intuition centrale de cette conception de la sexualité :

la relation sexuelle est une relation de corps à corps à corps tellement intime qu’elle ne saurait pas ne pas être en même temps relation intime entre les personnes elles mêmes , c'est-à-dire dans

la totalité de leur être

D’où deux conséquences1) Une relation sexuelle qui prétend ne pas être relation intime et totale entre les personnes

est comme un mensonge XL cite ici Jean Paul II dans Familiaris Consortio 1981 § 11

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« La sexualité par laquelle l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre n’est pas quelque chose de purement biologique, mais concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus intime. Elle ne se réalise de façon vraiment humaine que si elle est partie intégrante de l’amour dans lequel l’homme et la femme s’engagent entièrement l’un vis à vie de l’autre jusqu’à la mort. La donation physique serait un mensonge si elle n’était le signe et le fruit d’une donation personnelle totale »

cf aussi le philosophe libanais René Habachi cité par X. Lacroix : « on ne pénètre réellement un être qu’en épousant l’axe central de sa vocation humaine »

2) Inversement pas de relation intime et totale entre des personnes qui ne passe par la relation sexuelle ; c’est le sens du mariage ; il se veut relation intime et totale entre les personnes ; alors il ne peut être valide si l’un des conjoints se refuse à la relation sexuelle ; c’est le sens donné par le droit canonique à la copula carnis ; le mariage n’est valide qu’à la condition d’être ratum (du latin reor qui veut dire échanger des consentements) et consumatum

NB Comment ne pas voir aussi que , tout en insistant sur l’exigence de totalité, c’est le Christianisme qui dégage comme condition essentielle du mariage les exigences de liberté et d’égalité entre les époux

Liberté : refus des mariages forcésEgalité : refus de la polygamie : la pointe de l’argument est dégagée par Kant ( La

Doctrine du droit   ) en ces termes

il ne peut y avoir égalité et réciprocité entre une épouse qui se donne en totalité et un époux qui ne se donne qu’en partie

Non, le Christianisme ne méprise pas le corps ; bien au contraire ; il considère que le corps n’est pas du domaine de l’avoir on ne peut considérer le corps comme une chose que l’on vend ou

même que l’on prête certaines façons d’utiliser le corps ne peuvent pas ne pas affecter la

personne tout entière jusque dans son intimité le corps ne peut être utilisé comme moyen sans que la personne ne le

soit aussi par le corps nous sommes engagés en totalité Nous ne pouvons être engagés en totalité sans l’être en même temps

par le corps

Dimension métaphysique des DH

Affirmer l’égalité à la naissance, c’est penser la naissance en dehors du temps, Temps de la nature

Temps de l’histoireAu-delà = meta de la nature = phusis

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c’est plus précisément la penser au-delà de la catégorie, tant biologique qu’historique, de la génération, qui passe par les familles, les cultures, les différents groupes sociaux ; c’est à cette condition seulement que l’idée d’égalité conduit à celle de fraternité.

Mais alors l’égalité dans la fraternité ne peut se comprendre qu’à la condition de penser pour tous les hommes une même origine, qui est au-delà de toute temporalité, et que le Christianisme identifie comme paternité

. L’idée de procréation

Terme encore en usage en droit, biologie, mais qui pourrait bientôt être considéré comme politiquement incorrect et supprimé en tant que « puant » la métaphysique et la théologie (cf. le positivisme d’AC) pour être remplacé par reproduction ou pire fabrication :

Ne dit on pas dans le langage courant que l’on fait des enfants ? A noter dans ce cas que l’on peut bien justifier la revendication d’un droit à l’enfant ; l’enfant devient alors objet de droit parmi d’autres

Noter alors que si l’on veut bien comprendre l’idée de fécondité, il faut considérer que la vie ne peut être produite, qu’elle ne peut être que reçue ; c’est ainsi qu’il faut comprendre les échecs biologiquement inexplicables de certains essais de PMA

A cet égard cf cette boutade de Françoise Dolto dont nous avons fêté en 2008 le centième anniversaire de la naissance:

« vous voulez faire des enfants ; les enfants ne se laissent pas faire »

Alors que signifie procréation ?Non pas création pour

MaisProcessus par lequel une création a lieuAction pour, en faveur de la création

Considérer la naissance d’un être humain, en tant que personne, comme irréductible à la dimension temporelle de la génération, c’est alors la penser du point de vue de l’éternité, comme création C’est à cette condition seulement que peuvent et doivent être relativisées les médiations de la terre ou du sang, de la famille ou de la race.

Y a-t-il alors une contradiction à affirmer, à propos de la naissance, qu’elle détermine à la fois l’égalité et l’inégalité? 

Non ; il suffit pour cela de distinguer deux façons de considérer la naissance ;

On peut suivre ici la distinction kantienne, qui est très précieuse dans sa simplicité, entre ces deux points de vue que sont le phénoménal et le nouménal. .

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* Du point de vue phénoménal, ce qui revient chez Kant à celui de l’espace et du temps, la naissance détermine des inégalités ; et c’est ce que peut et doit sans complaisance décrire, expliquer la science.

* Mais alors l’égalité dans la naissance ne s’affirme, au delà de toute nature, de toute temporalité, que d’un point de vue nouménal ; elle est alors totale, absolue, sans restriction ; c’est ainsi que l’on n’est pas plus ou moins une personne.

La personne comme mystère

Cf cette expression chez Gabriel Marcel : mystère à distinguer de problème (du grec pro-ballô= jeter devant soi, mettre à distance) , qui est

question pour la science ; le terme revient à objet (même étymologie d’après le latin)

Le mystère est une question qui ne peut être résolue par la science ; et cependant la philosophie considère

qu’elle peut être posée par la raison ; que c’est une question légitime (ex sur la vie, la mort, le bonheur, la souffrance, la

dignité, l’existence de Dieu, etcEt si la raison ne peut apporter de réponse, s’il n’y pas de connaissance possible dans ce

domaine comme on connaît la nature, la raison est néanmoins capable de penser ; cf la célèbre distinction kantienne entre connaître et penser

On peut ainsi justifier, au-delà de la connaissance de la nature qui revient à la physique (sciences physiques)

la métaphysique et pourquoi pas des réponses qui viendraient de la religion

On notera deux façons de disqualifier religion (théologie) et métaphysique

Scientisme et positivisme

Scientisme : conception selon laquelle la science pourra tôt ou tard répondre à toutes les questions

que se pose l’homme par exemple :qu’est-ce que le mal ? Ou bien conception selon laquelle le discours de la science offre une vérité absolue, porte

sur la réalité en soi ; ainsi le déterminisme et même le matérialisme pourra apparaître comme vérité sur la réalité, ce qui entraîne en particulier le refus de la liberté et aussi plus radicalement de toute dimension spirituelle en l’homme

(variante : scientisme pratique : conception selon laquelle les techniques issues de la science pourront permettre de résoudre toutes les questions pratiques que les hommes se posent ; Ex :comment être heureux

Positivisme : Conception selon laquelle seules les questions auxquelles la science peut répondre sont

dignes d’intérêt, spécialement pour la raison ;

Or une approche critique de la science (à la façon de Kant) fait apparaître que * La science ne répond qu’aux questions qu’elle peut poser

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* la science ne pose que les questions auxquelles elle peut répondre

Et ces questions sont précisément des problèmes ; il faut donc affirmer qu’il y a des questions qui ne sont pas des problèmes, et qui cependant intéressent la raison, laquelle peut cherche dés réponses dans la philosophie et aussi la religion

Origine biblique de l’idée de dignité cf ci-dessous chapitre IV Rappel méthodologique : on est ici dans l’ordre de l’histoire de la religion comme fait de culture et non pas dans celui de la foi religieuse

L’idée de création : L’homme est directement créé par Dieu ; il ne dépend pas dans son être des autres êtres :

le monde ; les animaux les végétaux ; de la nature ou du cosmos en généralCertes il partage avec les autres êtres la dimension matérielle, en particulier biologique,

mais il faut considérer en lui une dimension ontologique radicale ; la dimension personnelle, qui ne peut lui venir du monde ; l’homme est à l’ image de Dieu

De la même façon et par voie de conséquence ce à quoi il doit obéir ce n’est pas au monde, mais à la volonté de Dieu dont il tient directement le sens de sa vie

Complément : dépendant tous d’un même père les hommes sont frères ; fraternité universelle : Paul aux Corinthiens 2 :

« Il n’y a plus ni juif ni grec, ni homme libre ni esclave, ni homme ni femme…. »

La supériorité sur le monde et les communautés politiques

De l’inspiration biblique découle aussi la conception de L’homme contre l’Etat La capacité de résister contre le monde

Non seulement l’homme ne tient pas le sens de sa vie du monde, plus encore il est en droit de résister contre lui

Cf MVilley Philosophie du Droit, T1 p 12O  c’est l’origine de la conception des DH opposables à ceux de l’Etat

« Les païens ont pu dénoncer dans le judéo christianisme une force de dissolution de la  communauté civile. Avec l’Evangile une partie essentielle de l’individu échappe à l’emprise de la cité. Saint Augustin l’a montré dans la Cite de Dieu : chaque chrétien n’est lié à l’Empire que de façon précaire, incertaine, parce qu’il ressent beaucoup plus son appartenance à la Cité supra terrestre et intemporelle, inorganique »

M. Villey poursuit : pour Saint Thomas d’Aquin*le chrétien dans sa vie spirituelle cesse d’être partie de l’organisation

politique* il est une fin supérieure aux fins temporelle de l’Etat : sa personne

transcende l’Etat

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Et M. Villey conclut : c’est le germe des libertés opposables à l’Etat et des futurs droits de l’homme

On peut ainsi comprendre le sens de l’opposition de l’Eglise par rapport au divorce des rois pour cause de stérilité (supposée) de la femme : la femme est une personne, c'est-à-dire une fin en soi et non pas d’abord un moyen de fournir une succession à la famille royale donc à l’Etat

Sur l’idée de résistance CF la Rose Blanche : Hans et Sophie SchollHans et Sophie Scholl ; Lettres et carnets, Talandier, 2008

CF aussi la dissidence en Ex URSS avec Soljenitsyne

Conclusion de la première partie

L’engagement moral et politique en faveur de l’égalité entre les hommes n’implique heureusement pas de théorie philosophique préalable. Et d’ailleurs il convient de se réjouir de ce que les principes généraux des droits de l'homme soient l’objet d’un réel consensus dans la culture contemporaine.

Mais face aux prétentions de ce qu’on pourrait appeler un humanisme

triomphant, et les assauts possibles de l’ antihumanisme

il faut reconnaître, avec le caractère paradoxal et intempestif des exigences des droits de l’homme,

leur irréductible fragilité.

Loin d’être en face d’une évidence qui devrait être l’objet d’une affirmation dogmatique, ce que nous découvrons dans l’exigence de respecter l’égale dignité de tous les hommes est proprement mystérieux, de sorte qu’ agir en faveur des droits de l’homme ne peut être la simple application d’une vérité découverte par la raison spéculative

. Il convient en effet d’être réaliste : nous sommes en face d’une exigence morale qu’il serait difficile de considérer comme s’inscrivant simplement dans la nature, fût-elle celle de l’homme. Les droits de l’homme, en tant qu’ils concourent au respect de la dignité de la personne, relèvent d’un autre point de vue.

S’il y a une vérité elle dépend de notre engagement, de notre capacité de témoigner

ce qui requiert bien ici comme une foi, une foi morale.

Retour au début du chapitre

23

C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’article premier de la « Déclaration universelle des droits de l’homme »: tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. De la naissance, il est ici question d’un point de vue, non pas naturel, encore moins historique, mais proprement métaphysique ;

Cela signifie que si la naissance est un événement qui a lieu dans le temps et qui est comme tel marqué par l’inégalité, l’égalité suppose que la raison puisse penser, pour tous les hommes, en dehors du temps, une commune origine d’où ils puissent tenir l’essentiel de leur être, à savoir la dignité ; cette essence commune a même permis de parler entre eux de fraternité.

Nommer, au lieu même de cette origine, un père, relève alors proprement d’un autre discours, qui est celui de la foi religieuse.

Transition

Au-delà de la question du fondement des droits de l’homme se pose alors une autre question qui porte sur leur application et qui concerne la philosophie juridique et politique : on peut se demander, avec Burke, si, « métaphysiquement vrais  », les droits de l’homme ne seraient pas « moralement et politiquement faux » 2. Est-il en effet souhaitable que le droit et la politique s’alignent directement, ponctuellement, minutieusement sur les droits de l’homme ?

Mais il y a plus : ne risquerait-on pas ainsi, oublieux du caractère essentiellement éthique, prophétique, et finalement critique des droits de l’homme, de refuser l’histoire et ses lenteurs, et de croire imminente la réalisation d’une communauté éthique ou d’un royaume de Dieu sur terre ?

Ces questions seront examinées dans le chapitre III

En attendant et pour préparer ce chapitre III qui sera consacré à mettre en évidence la caractère incontournable des médiations juridiques et politiques, il nous faut faire voir en quoi la doctrine des DH peut être insuffisante par rapport au but qui est la dignité de l’homme ; et même peut être contre productive

2 Edmont BURKE , Réflexions sur la révolution de France, Hachette, Collection pluriel, 1989, p 78

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Chapitre II

CRITIQUE DU SUBJECTIVISME JURIDIQUEInsuffisance des Droits de l’homme

Introduction

On ne saurait douter du fait que le but fondamental de toute société est de viser

le bien des personnes.

C’est ce que reconnaissent heureusement tous les humanistes

et en particulier tous ceux qui sont engagés au service de la défense et de la promotion des droits de l’homme.

Se pose alors la question de savoir

par quels moyens ce but doit être poursuivi.   ?

. La philosophie ne se contente jamais d’évidences ; Elle ne cesse de s’interroger et de chercher,

tel le géologue avec son marteau selon Nietzsche, ce qui se tient à des niveaux inférieurs pour en éprouver sans préjugé la solidité,

quitte à ce que cette interrogation puisse affecter peu ou prou l’action.

Il s’agit ici de s’interroger sur les moyens que sont les droits de l’homme par rapport au but poursuivi, et dégagés dans le chapitre I à savoir, le bien de la personne et sa dignité

Il faut donc constater que de nos jours, les droits de l’homme se présentent comme moyens incontournables de réaliser le bien et travailler au respect de sa dignité ;

à tel point que sont devenus quasiment synonymes, comme on le voit souvent dans les rubriques de la presse les deux expressions :

*bien (ou dignité) de la personne *et droits de l’homme.

Cette équivalence est loin d’aller de soi,

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Il n’est pas évident que le bien de la personne et le respect de sa dignité passent nécessairement par la défense de ses droits

Plus généralement du point de vue de la philosophie du droit,

il n’est pas évident que le droit ne doive être que la mise en forme des droits des sujets,

Une telle affirmation reviendrait au SUBJECTIVISME. JURIDIQUE

Question : 1) Le subjectivisme juridique qui marque la doctrine des droits de l’homme ne risque-t-il pas en effet de conduire à ce que soit quelquefois manqué et même perverti le but recherché, à savoir le bien ou la dignité de l’homme ?

2) Va-t-il en effet de soi que la défense et la promotion du bien des personnes passe nécessairement par celle de leurs droits ?

Application – exempleCette question se pose avec une particulière acuité pour les enfants :

le bien des enfants passe-t-il nécessairement par la défense de leurs droits ?

Du point de vue strictement juridique, on se demandera si le droit des mineurs (droit au singulier ; au sens objectif, c’est à dire du droit concernant les mineurs) ne doit être que la mise en forme des droits des mineurs (droits au pluriel, c’est à dire droits subjectif)

. Ces questions s’imposent face à un texte fondateur comme la CIDE de 1989 (« Convention internationale pour les droits de l’enfant »), dans laquelle prévaut manifestement le subjectivisme juridique.

Le subjectivisme juridique

DéfinitionConception du droit selon laquelle le droit est mise en forme des droits, on peut préciser des individus (mais en fait pas seulement comme on le verra par la suite) ;

Remarque : Le subjectivisme juridique (cf. la désinence isme) pousse à l’extrême la prise en compte de la dimension subjective du droit (cf. collectivisme, communautarisme, nationalisme, etc)

Il convient alors de décrire les droits de l’homme comme étant caractéristiques du subjectivisme juridique et ceci en revenant sur les différentes générations de DH

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Droits libertésAvec les droits de l’homme, le bien de l’homme se présente d’abord comme

celui de l’individu, pensé en dehors de toute communauté ; Il s’agit en fait des droits libertés

C’est le droit comme permission, pouvoir, licence

Cf. Hobbes : le jus omnium in omnia (droit de tous à touts choses)

conception du droit dont les enfants ont manifestement très vite conscience

A la limite c’est le droit d’user et même d’abuser, tel qu’il est lié au droit de propriété

Il est vrai que les DDHC de la fin du XVIII ème siècle précisent que les droits des uns sont limités par ceux des autres

Ex 1789 art 4   : «   La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas aux

droits d’autrui   : ainsi l’exercice de droit naturels de chaque homme n’a de borne que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits (…)   »  

1793 art 6 :   «   La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout

ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui   »

NB Noter le vieux problème de l’articulation entre droits et devoirs ; on regrette aujourd’hui que l’on revendique ses droits plus que l’on n’accepte ses devoirs ; ceci dit on peut bien considérer que l’insistance sur le devoir appartient aussi à la dimension subjective du droit : le sujet des obligations est aussi sujet de droit

Reste que le subjectivisme juridique se manifeste bien d’abord par la revendication des droits

Sur la critique des droits de l’homme comme simple pouvoir d’user voir d’abuser au détriment du souci de l’autre et plus encore de la collectivité cf la critique célèbre de Marx dans La Question Juive ce texte terrible, mais lucide :

« Aucun des prétendus droits de l’homme ne dépasse (…) l’homme égoïste, (…) c'est-à-dire l’individu séparé de la communauté, replié sur lui même, uniquement préoccupé par son intérêt personnel et obéissant à son arbitraire privé. (…). La société apparaît comme un cadre extérieur à l’individu, comme une limitation de son indépendance originelle »

Collection 10/18, p. 39

D’abord homme, en fait individu, ensuite citoyen : et Marx de préciser : le citoyen est au service de l’homme égoïste ;

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N’est ce pas ainsi que nous concevons encore aujourd’hui le plus souvent la démocratie, en particulier lorsque nous élisons des représentants ?

Sur Marx cf. ci dessous p

l’individu se trouve ainsi le seul sujet de droit ; je précise : le droit est fait pour les individus, pour qu’ils puissent jouir de leurs droits ; l’individu est au centre du droit

Rappel : C’est au nom des droits qu’il s’agit de protéger l’individu contre les communautés, dont l’Etat, la famille, qui, jusqu’alors, déterminaient sa conduite; tel est le sens des droits de la première génération, celle des droits politiques ou du citoyen.

Les besoins

Dans la deuxième génération des droits de l’homme, dite des droits sociaux et économiques, la dimension subjective du droit se confirme ; on précise alors les droits subjectifs selon les besoins :

travailler, habiter, être en bonne santé etc. ;

il faut alors préciser, détailler toujours plus les besoins de l’homme pour les convertir en

droits : droit au travail, à la santé, au logement, etc

Or il n’est pas évident que les besoins doivent nécessairement être convertis en droits

Sur la mise en question de la tentation de confondre besoins et droits, ou de vouloir convertir les besoins en droits,

cf Simone Weil, Ecrits de Londres, Gallimard, 1980 et l’Enracinement, Collection Folio, Gallimard, 1999, p 18 à

30 :

les besoins sont complexescomme on le voit dans les couple suivants où ils cohabitent, à la fois

liés et en tension obéissance et libertérespect de la vérité et liberté d’expressionintimité et vie sociale sécurité et risqueégalité et hiérarchie;

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vouloir convertir les besoins en droits c’est les isoler, en faire des quantités discrètes, c'est-à-dire séparées, hétérogènes et qui sont exposées à entrer en conflit les unes contre les autres

C’est prétendre ramener le complexe au simple ; résoudre le complexe par le simple

C’et précisément le sens de la critique des DH par Burke

Cf ce paradoxe (boutade) de Burke : « Les contraintes font partie au même titre que les libertés, des droits de l’homme » (Réflexions sur la Révolution française collection pluriel, p 78 ;

Cette formule peut s’appliquer à l’éducation ou même à la vie politique Burke prend au mot les défenseurs des DH ; si les besoins se convertissent en

droits, alors il faut aussi compter parmi les droits des besoins qui ne sont pas considérés comme tels

Alors on peut penser que par là Burke veut mettre en évidence le caractère excessif de la doctrine des DH

A propos de Burke on peut rappeler que selon M Villey il revient à l’inspiration aristotélicienne, celle de la justice comme juste milieu

(Cf. Critique de la pensée juridique Dalloz 1976, Chap VI « La philosophie du droit de Burke »

NB 1) Autre réserve sur les droits besoins ; tous les besoins ne sauraient être pris pour des droits, spécialement lorsque se trouvent en jeu les droits d’autrui ou des exigences éthiques supérieures ; ainsi à propos de l’avortement ; il peut être un besoin réel dans une situation de détresse, peut-on parler pour autant d’un droit à l’avortement ?

2) Une autre critique peut être conduite : par rapport à la prétention de convertir les désirs en droits

Ex le désir d’enfant, il est infiniment respectable, surtout lorsqu’il se manifeste par une souffrance ; et pour autant convient-il de le convertir en droit à l’enfant?

NB Par ailleurs les prétendus besoins, pour reprendre la distinction célèbre d’Epicure, correspondent souvent à des désirs non nécessaires, non naturels , et donc parfaitement artificiels (par exemple le droit à accéder aux services du Club Méditerranée) ; à la limite on peut parler de droits caprices

Groupes identitaires

A partir de là, les droits de l’homme se précisent et se particularisent selon les besoins propres à certaines catégories et groupes identitaires (différentes façons d’être homme) :

Les femmes les enfants,

les travailleurs,

29

les malades, les handicapés, les immigrés les réfugiés etc. ;

ces groupes identitaires, dont les intérêts sont présentés comme juxtaposés et finalement facilement en opposition , sont déterminés en quelque sorte par « coupes » opérées à travers la société et les communautés.

C’est ainsi par exemple que, avec la dimension subjective du droit, sont distingués dans la famille

les droits des enfants, ceux des femmes, ceux des pères 

ceux des grands parents;

de la même façon, dans l’entreprise, sont distingués les droits des travailleurs et ceux des propriétaires détenteurs du capital

On voit bien alors comment, à partir de là, a pu s’imposer la notion de lutte des classes qui bat en brèche la conception traditionnelle des sociétés organiques, en fait des communautés dans lesquelles les intérêts des différents membres sont naturellement liés en un bien commun, même si c’est au prix de la différence ou même de l’inégalité, dans ce qu’il est convenu d’appeler une hiérarchie.

NB Il est évidemment intéressant de distinguer les besoins spécifiques de telle ou telle catégorie plus ou moins permanente ; à vrai dire tous les hommes dans leur vie peuvent être malades handicapés, immigrés , prisonniers etc 

Il faut alors remarquer que, à partir de cette logique subjectiviste du droit que l’on voit s’emballer, une quatrième génération de droits peut être repérée : sont pensés comme sujets de droit des êtres (réalités) humains non personnels :

des institutions, des communautés. La famille par exempleDes minorités culturelles ou religieusesDroits des peuples à disposer d’eux mêmes

L’exemple de la famille

En ce qui concerne les communautés, le meilleur exemple est celui de la famille comme on le voit dans la « Charte pontificale des droits de la famille  » élaborée par le Saint Siège en 1983 .

Il faut ici remarquer qu’en 1994, année internationale de la famille, le Saint Siège avait voulu transformer l’essai de 1983 (charte des droits de la famille) en se faisant le champion de la rédaction d’une déclaration internationale des droits de la famille ; ce projet a échoué, et ceci pour une raison principale :

On a dit qu l’on ne pouvait parler de la famille ; cette raison s’est déclinée sous deux formes révélant un double point de vue nominaliste

30

*la prise en compte de la diversité des formes de vie familiale fait qu’il n’y a pas la famille mais des familles ; comment alors énoncer les mêmes droits pour des familles différentes ? ce ne pourraient être les mêmes droits ; il faudrait alors spécifier les droits propres aux différentes familles

* une famille n’est jamais que réunion transitoire et précaire d’individus qui sont seuls des sujets de droits ; d’où le refus de penser la famille comme un être de droit et d’abord comme un être spécifique qui transcenderait les membres de la famille, dont les enfants. Ceci peut aller jusqu’à la disqualification de l’idée de politique familiale, c'est-à-dire dont la famille serait bénéficiaire ; au profit par exemple d’une politique de l’enfance, c'est-à-dire dont les enfants seraient les bénéficiaires

On peut parler d’une critique nominaliste de la famille

Les droits de la nature

La logique subjectiviste est alors poussée à l’extrême lorsque l’on en vient à considérer comme sujets de droit des êtres non humains : les animaux et plus radicalement la nature. On sort alors complètement de l’humanisme juridique

Cf la critique des droits de la nature chez

Luc FERRY, Le nouvel ordre écologique ; l’arbre, l’animal, l’homme, Grasset, 1992

NB les défenseurs des droits des animaux dénoncent le spécisme (terme forgé selon le modèle de sexisme ou de racisme) : tendance pour une espèce à se considérer comme supérieure aux autres ; si donc les hommes ont des droits, ils ne sont pas les seuls êtres de droit ; les animaux aussi ont des droits ;

On voit à quel égalitarisme peut conduire le subjectivisme juridique tel qu’il se manifeste dans la doctrine des droits de l’homme !

Prolifération des droits, conflits entre les droits

Prolifération :Les droits sont de plus en plus nombreux ; toute question pratique, tout besoin

nouveau, tout désir nouveau (voire tel fantasme nouveau) donne lieu à l’invention de nouveaux droits, comme si c’était par les droits uniquement que l’on pouvait viser le bien de l’homme et la justice à laquelle il aspire 

D’où la dispersion de l’action : il faut tenir compte d’objectifs innombrables, l’action politique est ainsi incapable de penser les problèmes dans une perspective

d’unité cohérence,de durée, spécialement dans un souci de prévision

Mais il y plus grave non seulement on observe un émiettement entre les droits, mais plus encore un inévitable conflit entre eux

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conflit entre les droits* Conflit entre les droits besoins :

ex droit à la liberté et droit à la sécuritéDroit à la propriété et droit au logement

* Conflit entre droits de certaines catégories d’hommes et d’autresEx droit des propriétaire et droit des locataires ; droits

des enfants et droits des parents, ou encore entre droit des mères et droits des pères

* Conflit entre les droits des individus et les droits de communautésEx : droits des personnes de la famille (enfant,

femmes…) et droits de la famille ; ou encore entre droits des citoyens et droits de l’Etat (dont la sécurité)

* Conflit entre les hommes et la natureEx, à la limite de la caricature : droits des chasseurs

versus droits des animaux ; droits des pêcheurs versus droits des poissons

Une telle situation aggrave les difficultés de la tâche du politique et du législateur, sommés de donner raison tantôt aux uns, tantôt aux autres ; par ailleurs la vie sociale se présente comme le champ d’un affrontement perpétuel (cf. ci dessus l’idée de lutte des classes) ; on est loin de la formule d’Aristote : l’homme est par nature un animal politique

Nomophilie

Cette tendance à penser le droit depuis les droits se confirme dans cette tendance qu’on peut appeler nomophilie ou panlégisme, c'est-à-dire la prétention de déterminer dans le détail par des lois de plus en plus précises et minutieuses ce qu’il faut faire pour respecter le bien de l’homme à partir de ses droits.

NB Pour la critique de cette tendance, voir chez Michel Villey la distinction entre le droit (dimension immanente) et la loi (dimension transcendante)

Le problème de la discrimination

La place grandissante de la loi se voit de nos jours dans les lois contre la discrimination,

où l’on voit l’exigence éthique de non discrimination (cf. l’Evangile :

accueillez les étrangers ; aimez vos ennemis) se convertir en droit à la non discrimination

le droit à la non discrimination engendrer un délit de discrimination ;

là où s’imposait un devoir large, laissant éventuellement la place à l’effusion du coeur, à la gratuité, au don sans contrepartie (CF. l’Evangile : accueillez les pauvres , les malades, les étrangers ; ou même aimez vos ennemis ; voir ci dessous le développement sur justice et charité), voici que l’obligation juridique

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détermine des devoir stricts,de façon quasi inquisitoriale ; cf. le rôle de la HALDE (haut autorité pour la lutte contre les discriminations et l’exclusion)

. Cf Jean Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Vème République,

Flammarion, 1996, p 120 ; la distinction entre devoirs stricts et devoir larges est précisée par KANT dans la Doctrine du droit

Une nouvelle religion   ; un nouveau catéchisme

A force de vouloir préciser dans le détail, c’est à dire depuis des droits de plus en plus minutieux, la façon d’agir en faveurs des personnes, on revient en quelque sorte à ce avec quoi les Lumières avaient voulu rompre, à savoir les catéchismes moraux des religions traditionnelles  ;

dans une conception religieuse de la morale on prétend définir minutieusement le bien et par là on tend à exclure toute discussion ;

on a volontiers recours à la censure. Sur la dénonciation du caractère religieux des droits de l’homme et de leur

propension à devenir comme une religion d’Etat , cf là encre Jean Carbonnier, ibidem p 120

Semblable à une religion d’Etat ou à une religion à prétention universelle, la doctrine des droits de l’homme impose une sorte de centralisme juridique qui se manifeste à deux niveaux :

* d’une part le droit commun, celui de l’Etat, tend à disqualifier celui des communautés concrètes, en tant qu’elles peuvent être porteuses d’une sagesse comme celle des déontologies professionnelles ;

*d’autre part le droit international, spécialement celui que l’on dit des droits de l’homme, tend à s’imposer sans discussion au droit des Etats, alors appelé, comme de façon péjorative, droit interne.

Mise en cause des communautés

C’est ainsi que se trouvent mises en cause plusieurs instances par lesquelles le bien de l’homme était habituellement assuré :

tout d’abord les communautés comme la famille, les professions, les institutionsles religions

auxquelles se trouvent déniées toute sagesse, toute prudence, toute déontologie.

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NB 1 à ce propos cf. la conception du suicide selon Durkheim : on observe plus de suicides dans les pays protestants que catholiques ; c’est que le protestantisme se méfie des communautés qui peuvent s’interposer entre le croyant et Dieu ; chez les catholiques, la communauté est incontournable (cf. l’adage : hors de l’Eglise point de salut ); à la limite la communauté peut suppléer une foi chancelante , voire absente ; la morale de la communauté peut suppléer une conscience défaillante

NB2 Les communautés doivent être considérées comme différentes et complémentaires, même si quelquefois leurs intérêts peuvent être en tension voire en opposition :

Le philosophe lyonnais Jean LACROIX, grand admirateur du droit en lequel il a d’abord été diplômé, insiste sur le fait qu’il existe différents niveaux de juridicité ou de normativité cf Force et faiblesse de la famille, 1957, p 148 ;

On retrouvera ultérieurement cette idée chez Michael WALZER, Spheres of Justice. A Defense of Pluralism and Equality, Basic Books, 1983

et aussi chez Luc BOLTANSKI et Laurent THEVENOT, De la justification : les économies de la grandeur, Gallimard, 1991 ;

cf le commentaire donné de ces deux derniers ouvrages par Paul RICOEUR, le Juste I, Edition Esprit, 1995.

J Lacroix considère que c’est à l’Etat en dernier ressort d’arbitrer pour reconnaître aux communautés la place qui leur revient

Mise en cause des mœurs

Les mœurs comme morale commune ; traditionnelle, quotidienne

qui fait que chacun sait bien ordinairement comment il doit vivre ; ex dans la famille l’usage des sanctions

Cf. aussi la coutume (voir son éloge chez Burke)

Horace

Quid leges sine moribus ?

Que seraient les lois sans les moeurs ?A quoi bon les lois si l’on ne pouvait d’abord compter sur les mœurs

Avec la multiplication des lois tout se passe comme si le monde social, celui de l’environnement immédiat, était devenu proprement inhumain

Cf une certaine disqualification de la famille dans la Convention internationale pour les droits de l’enfant

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Mise en cause des déontologies des métiers

Etymologiquement réflexion sur ce qu’il faut faire ; précisément d’après l’usage, dans l’exercice d’un métier, face à telle ou telle situation dans laquelle se trouve placé l’être humain, comme enfant, élève, personne âgée, personne malade, handicapée, prisonnier, immigré, réfugié, manifestant etc

Qui mieux que le professionnel (en corps) est en mesure de savoir ce qu’il faut faire face à telle situation concrète ; la déontologie implique la connaissance d’une « matière », d’une réalité concrète, connaissance perçue à travers l’action qui met en contact avec la réalité

Mise en cause de la conscience

Plus fondamentalement ce sur quoi il ne semble plus possible de compter, c’est sur la conscience et la capacité de discernement, de jugement des hommes, en particulier comme citoyens. 

CF. Tacite

Corruptissima republica plurimae leges

A République très corrompue, pléthore de lois

Ce qui peut s’interpréter de deux façons On mesure la corruption de la république au nombre de lois posées Plus il y a de lois, plus la république est corrompue (la pléthorede

lois est cause de la corruption de la R)

Mise en cause de l’éthique

Ethique : dimension de l’engagementDe la décisionDu risqueDe la responsabilitéDu tragique (cf. Paul Ricoeur)

Les DH, corpus juridique ou moral   ?

Moral si l’on considère la simplicité et le petit nombre des principes qui tournent autour de l’idée de

dignité, tels qu’on l’observe dans les textes fondateurs dont la Déclaration de 1948Le caractère universel( et éternel) des principes

Ces principes peuvent être alors considérés comme méta-juridiques ou appartenant au droit naturel

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Juridique si l’on considère la prétention des DH à se constituer comme nouveau droit, en l’occurrence

international qui s’impose à la législation des EtatsLesquels les traduisent en une pluralité de lois écrites de plus en plus

nombreuses et visant à régler minutieusement le monde social jusque dans ses aspects les plus quotidiens

Et de telle sorte que la transgression des lois ainsi mises en place est passible de sanctions

CF. ci dessous la disqualification de la charité

Critique des DH par E Burke

Les lois civiles doivent tenir compte de l’opacité de la réalité sociale; c’est ainsi, remarque Edmund Burke que les droits de l’homme sont comme des rayons lumineux qui ne peuvent pénétrer dans une matières trop opaque

Sur la Révolution de France, Hachette, 1989, p 78 ;

dans la même page Burke dit des droits de l’homme que, s’ils sont métaphysiquement vrais ils sont moralement et pratiquement faux ;

sur la nécessité pour la loi elle même de s’adapter à la réalité sociale, cf aussi Aristote   : la loi civile, telle la règle de plomb de Lesbos, à la différence de la règle de fer, qui est rigide, doit s’adapter à la réalité (Ethique à Nicomaque, Livre V, 14, 1137 b, 30)

Autre texte : éloge de la coutume, de la prudence de Anglais ; « critique de la raison nue »

Eloge de la coutume : Vetustas pro lege habetur (l’ancienneté est reçue comme loi)

Sur BurkeLéo Strauss Droit naturel et histoire Flammarion, coll Champs, p 254

et suiv Michel Villey Critique de la pense juridique moderne Dalloz 1976 p

127 et suiv

Transition

La doctrine des droits de l’homme, comme dimension du subjectivisme juridique, qui revient à vouloir penser le droit comme la simple mise en forme des droits, conduit manifestement à des impasses et peut se présenter, à l’égard du bien de la personne humaine, comme contre-productive : les droits peuvent en effet faire obstacle au bien de l’homme.

Du point de vue de la science et de la pratique du droit, ou pourrait alors dire que cette théorie, comme au XVI ème siècle celle, géocentriste, de la cosmologie des

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Alexandrins, devient de plus en plus lourde et compliquée et qu’elle risque ainsi de ne plus répondre à cette exigence propre à toute théorie, qui est, selon le point de vue célèbre du mathématicien Henri Poincaré, la commodité.

Il convient alors, pour le bien de la personne, d’envisager de procéder à une véritable révolution copernicienne : non plus penser le droit depuis les individus mais depuis une perspective proprement politique ayant pour but l’idée d’ordre social

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Chapitre III

REPENSER LE DROIT ET LA POLITIQUEComme méditions incontournables

Etant entendu que le droit, comme toute dimension de la culture, doit bien être au service de l’homme, il convient, en deçà de la conception d’un strict humanisme juridique, de le repenser, dans une perspective immanente,

comme souci de l’équilibre, de l’harmonie, de l’ordre.

Le droit aura alors comme objet, non pas les droits de sujets, mais la réalité sociale dans son ensemble qu’il convient d’ordonner.

Trois façon de considérer le droit

On peut alors penser trois façons de considérer le droit.

Je suivrai ici la philosophie du droit de Michel Villey, spécialement dans son ouvrage Le droit et les droits de l’homme, Presses Universitaires de France, 1983.

1) D’abord le droit est lui-même l’équilibre comme forme du juste, tel que, selon les Anciens, la nature en offre le modèle. Equilibre, harmonie, qui peut être mise en cause ;

Considérer ici ce que peut être un droit de la chasse en deçà des droits des chasseurs, a fortiori des droits des animaux ; on pourrait aller jusqu’à dire que le souci de la variété des essences végétales dans une forêt relève d’une approche juridique ; à cet égard le droit peut aussi porter sur les choses

2) Ensuite comme un art, celui de la juste répartition pour le législateur et pour le juge celui de déceler en quoi il y a déséquilibre et de restaurer

l’équilibre perdu ; il lui revient de déterminer ce qui revient à chacun, non pas selon ses droits, mais selon l’exigence d’équilibre et d’abord de juste répartition ;

La vertu de justice est ici la prudence Cf l’idée de jurisprudence dans sa signification première : une décision sage qui mérite d’apparaître comme modèle à suivre dans des

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circonstance analogues mais toujours différentes (et non pas selon la signification procédurière et légaliste qui précisément rompt avec la vertu de prudence en tant qu’elle s’en tient à la lettre)

Sur le juste milieu (la justice comme juste milieu)Référence ARISTOTE Ethique à Nicomaque L II Cha 5à9Sur la démarche dialectique chez Aristote Cf. M. Villey à propos de Burke Critique de la pensée juridique moderne 136-137

NB L’art politique peut être considéré comme art du juste par excellence, par exemple organiser la voirie et réglementer dans la ville la circulation des hommes et des choses selon les différents moyens de transport.

Cf la conception du droit naturel antique, telle que la présentent Leo Strauss (Droit naturel et histoire, Flammarion, 1986), et Michel Villey ( Le droit et les droits de l’homme, Gallimard, 1983).

3) Enfin le droit (au pluriel les droits, jura en latin) est une chose incorporelle, en fait une relation, et cependant bien réelle du point de vue ontologique,

Cette conception des droits est donnée, selon Michel Villey, chez le jurisconsulte romain Gaius (Le droit et les droits de l’homme, ibidem, p 77-78).

Ce peut être

a) une relation entre les hommes d’abord,

. Comme exemple de relation entre les hommes, on peut évoquer dans la famille

 la paternité (ou filiation), la fraternité, la conjugalité ;

Ce sont des relations objectivement différentes qui s’imposent aux personnes en deçà de la liberté; c’est ainsi que la prohibition de l’inceste exclut le mariage entre frère et sœur : avec la Prohibition de l’inceste, on voit bien que les volontés ne peuvent disposer à leur guise du mariage qui n’est alors pas un simple dispositif (encore moins un droit) dont on puisse user à son gré : il y a incompatibilité entre relation entre frère et sœur et relation conjugale

NB Dans le même ordre d‘idée une relation homosexuelle est objectivement différente d’une relation hétérosexuelle et jusqu’à nouvel ordre la première ne peut prendre place dans le mariage, ; on dira que dans le droit français il y a incompatibilité entre relation homosexuelle et relation conjugale

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b) Entre les hommes et les choses Comme exemple de la relation objective entre une personne et une chose, on peut évoquer le droit de propriété. CF. ci-dessous la réflexion sur la Querelle de la pauvreté

De même l’hereditas (qui fait que l’on est héritier) ne se caractérise pas seulement par l’acquisition d’un « actif » qui rend plus riche et permet d’envisager des dépenses , elle peut se caractériser par un passif, avec en particulier l’obligation de rembourser des dettes

c) Mais aussi entre les choses elles mêmes :

tel est le sens du droit de passage (jus eundi) : avant d’être droit subjectif, c'est-à-dire pouvoir ou permission, il est relation objective entre ces deux choses que sont deux propriétés (terrains , champs) ; c’est d’abord la propriété par laquelle il faut passer qui est affecté par ce droit, en quoi on comprendra qu’il puisse être aussi nommé servitude ; la raison de ce droit étant qu’il n’est pas juste qu’un terrain (champ) enclavé ne puisse pas être utilisée, pour être bâti et habité ou cultivé.

NB 1) A noter que cette relation subsiste dans le changement de propriétaire ; le nouveau propriétaire (de l’une ou l’autre propriété) acquiert le jus eundi qui est bien relation objective entre les choses ; pour le propriétaire à l’encontre de qui il y a servitude, le jus eundi se présente comme un devoir ! Reste que l’on peut bien dire que la servitude, envers du jus eundi, est un droit

NB 2) Sur le refus dans le droit d’être lié à la chose par des devoirs cf. la Querelle de la Pauvreté : Michel Bastitt, Colloque Aix en Provence Droit, nature histoire Presse de l’Université d’Aix Marseille,1985; pp 65 et suivantes

 Les spirituels, en l’occurrence  les franciscains représentés par Guillaume d’Occam, au nom du droit du ciel (jus poli) considèrent que l’on peut jouir d’une chose sans en être propriétaire, c'est-à-dire sans y être attaché, en particulier par le devoir d’entretien ; le jus proprietatis est selon eux fondé par un autre droit, le jus fori (droit de la cité) , qui a sa source dans la volonté des hommes et qui peut être donc refusé au nom du vœu de pauvreté , selon lequel on est lié au jus poli ;

Pour les adversaires des Franciscains, les conventuels, en somme le parti du pape, on ne peut jouir d’une chose, sans être en même temps lié à elle par un devoir, spécialement d’entretien ; autrement dit en en étant propriétaire, on est objectivement dans une relation à la chose ; l’action est en quelque sorte déterminée par le rapport à la chose ; on remarquera donc que le droit de propriété n’est pas seulement pouvoir de jouir, mais devoir d’entretenir  

La nature et le droit

De la même façon si l’on doit considérer comme légitime le souci de la nature, il ne convient pas pour autant d’en faire un sujet de droit ; il est parfaitement possible de penser un droit de la nature, c'est-à-dire qui porte sur la nature , parfaitement distinct d’un droit dont la nature serait sujet ;

On peut ainsi parler d’un droit de la chasse  qui ne se réduit ni aux droits des chasseurs ni aux droits du gibier, d’un droit de la pêche qui ne se réduit ni aux droit

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des pécheurs ni aux droits des poissons !; idem pour un droit de la montagne ou encore un droit de l’environnement

On voit ainsi que le droit objectif n’est pas la mise en forme des droits subjectifs

c’est ainsi que l’écologie, comme souci d’un équilibre entre les espèces animales et aussi entre les espèces végétales, peut apparaître comme portée par un souci juridique , en vue d’une justice qui est équilibre

par exemple dans la plantation des arbres d’une forêt, peut être pensée comme relevant d’un souci juridique (équilibre entre feuillus et conifères) ;

il y aurait évidemment perversion de la pensée écologique si, affirmant les droits des êtres de la nature, elle les considérait comme supérieurs à ceux de l’homme, ce qui, bien évidemment conduirait à un antihumanisme de principe.

Remarque méthodologique sur l’humanisme juridique

Que penser de l’expression d’humanisme juridique ; considérons la avec Michel Villey dans une perspective critique,

certes, le droit est bien fait pour l’homme ; l’homme et destinataire du droit comme de la morale

la question est de savoir, si comme science et technique, et pour le bien de l’homme il ne doit pas être pensé à une certaine distance de l’homme.

Comparaison : si la médecine a bien évidemment le souci de l’homme et de sa santé , elle se donne les médiations scientifiques de la biologie, de la pathologie et les moyens techniques qui en découlent (cf A Schweitzer)

La question peut alors ainsi se poser : Penser le droit directement selon les droits de l’homme et en somme dans une perspective morale, n’est-ce pas s‘interdire de se donner une véritable science du droit et les moyens techniques qui en découlent ?

Comparaison : si la médecine doit bien être humaniste, elle doit cependant se donner des sciences : anatomie, biologie, embryologie, etc et des techniques, chirurgicales par exemple, qui requièrent de prendre en compte ce qu’il y a chez l’homme (le patient) de proprement naturel

Avec la mise en cause du subjectivisme juridique, il faudrait, si nous suivons M Villey, renoncer alors à un humanisme juridique strict :

si le droit doit bien, in fine, être ordonné au bien de l’homme, en tant qu’art et même science, il doit bien aussi s’en détacher.

Reste que, comme toute science, tout art, le droit doit bien être, in fine, considéré comme ayant pour destinataire la personne. Il faut bien affirmer que, si la personne humaine n’est pas au centre du droit, elle n’en reste pas moins destinataire, mais par la médiation d’un droit qui est objectif  et aussi positif.

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Justice commutative et justice distributive

Selon l’exigence d’équilibre on remettra aussi en question, dans la relation entre les hommes, le principe d’une égalité abstraite, tel qu’il apparaît dans les contrats, d’après la seule logique de la justice commutative ;

Au-delà de la justice commutative doit être pensée une justice distributive selon laquelle le bien, tant des individus que d’une communauté,  peut requérir une certaine inégalité.

C’est ainsi, dit Aristote, qu’il convient de reconnaître au magistrat une place particulière dans la société. C’est ainsi qu’aujourd’hui, dans le tribunal (cour d’assises par exemple) le public se lève lorsque entrent les membres d la cour (parmi lesquels d’ailleurs les jurés qui sont au départ des citoyens ordinaires)

On dira aujourd’hui qu’il est légitime que, dans la circulation en ville, certains véhicules, comme ceux de la police ou des pompiers, soient reconnus comme prioritaires. Il en va de même en éducation : entre l’enfant et le maître, une hiérarchie, ou inégalité statutaire, est nécessaire.

La distinction entre ces deux formes de justice nous est donnée par Aristote Ethique à Nicomaque, Livre V, 6, 1131 a 10.

L’enfant et l’adulte   : une triple relation

Application du principe de la justice distributive On peut alors, à propos de la relation entre l’adulte et l’enfant, affirmer de

façon non contradictoire qu’elle est marquée à la fois

par une inégalité qui est naturelle : du point de vue de la force liée à la différence d’âge ;

une égalité qui est métaphysique : entre les personnes, abstraction faite de leur âge ;

une inégalité qui est statutaire : entre l’élève et le maître(ou l’enfant et ses parents) comme responsable de l’éducation.

Morale et droit   :

le point de vue de l’universalité qui est moral peut il se formuler directement en un droit ?

CF. Chantal Delsol La Grande méprise La Table Ronde 2004 p 117

« Peut-on ériger la loi naturelle en loi positive ? » Il faut, dit Ch D distinguer la morale (ou droit naturel) dont la vocation est l’universalité à partir de laquelle peut être régulée le droit interne

PM j’ajoute, le seul et vrai droit

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Eloge du droit positif

Les droits de l’homme offrent une vision très morale du droit ; Jusqu’à prétendre vouloir transformer (réformer) le droit, considéré comme imparfait ; à cet égard les DH relèvent bien de ce que la tradition appelle droit naturel, par opposition au droit positif ( considéré le plus souvent de façon péjorative

En deçà de la prétention pour le droit d’être directement transcription de lois morales, il faudra alors retrouver aussi le sens du

droit positif,c'est-à-dire des lois civiles qui ne sauraient être simples transcriptions des lois

morales ; si les lois civiles sont imparfaites, transitoires, c’est parce qu’elles sont adaptées à des situations elles mêmes complexes et changeantes.

Voir ici un très beau texte de Léo Strauss in Droit naturel et histoire à propos de la conception aristotélicienne du droit naturel

« Une loi qui résout avec justice un problème particulier à un pays donné dans un moment donné est plus juste, peut on dire, que toute règle générale du droit naturel, qui par sa généralité même, peut écarter une décision juste dans un cas donné. Dans tout conflit humain, il y a possibilité d’une décision juste, réclamée par la situation et fondée sur l’examen exhaustif des circonstances. Le droit naturel est constitué par de telles décisions » P 147

Eloge du droit interne

Il s’agit ici du droit interne propre à un Etat ; à une communauté politiqueIl est évidemment relatif à une époque, à une culture, à un contexte socialIl se distingue du droit naturel en tant qu’il est positif ; il est posé par un

législateur qui n’est pas Dieu, mais un ou plusieurs hommes ou l’ensemble des citoyens dans la démocratie

Un droit capable de prendre en compte la vie des hommes dans ses aspects concrets (cf. ci-dessus Léo Strauss)

La loi et la justice

Si l’on considère que la justice est l’art de décider ce qu’il faut faire en des situations complexes, Platon va jusqu’à affirmer qu’il existe une justice( c'est-à-dire une capacité de juger) qui ne saurait être la simple application des lois qui sont de faible poids par rapport à la sagesse de l’homme politique qui est seule capable de trouver les solutions parfaitement adaptées aux cas particuliers

« La loi ne saurait jamais comprendre avec précision ce qui est le meilleur et le plus juste pour tous les membres de la Cité à la fois, et prescrire ainsi la conduite la meilleure pour chacun/. Car les dissemblances qui existent tout autant entre les hommes et cette propriété des affaires humaines qui veut qu’aucune d’entre elles (.. .) ne puisse rester en repos rendent impossible tout art, quel qu’il soit, de

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promulguer en quelque matière que ce soit une règle générale qui soit en vigueur dans tous les cas et en tout temps »

  Le Politique,  294 ab.

Platon dit alors que la loi, qui est l’œuvre du sage politique est semblable à un ensemble de directives que laisserait un médecin qui partirait en voyage à ses disciples ; à son retour il ne serait évidemment pas tenu par les consignes qu’il a données

Le sens des communautés politiques

Par ailleurs, contre la tendance à vouloir penser le droit dans la dimension abstraite de l’universalité, on redonnera ici tout son sens au droit dans sa particularité, comme capacité de s’adapter à des situations particulières et changeantes, et d’abord, en deçà du droit des instances internationales, au droit de l’Etat et des communautés politiques particulières .

Selon Hannah Arendt la défense de la dignité humaine requiert l’appartenance de chacun à une communauté politique particulière , en somme la citoyenneté

« La perte des droits nationaux a entraîné dans tous les cas celle des droits de l’homme ; jusqu’à nouvel ordre, seule la restauration ou l’établissement de droits nationaux ,(…) peut assurer la restauration des droits humains.(…) Le monde n’a rien vu de sacré dans la nudité abstraite d’un être humain », L’impérialisme, Fayard, 1982, p 282

« Le concept des droits de l’homme ne peut retrouver tout sos sens que s’ils sont redéfinis comme le droit à la condition humaine elle même, qui dépend de l’appartenance à une communauté humaine « TOT p 873

« L’homme peut perdre tous ses fameux droits de l’homme sans abandonner pour autant sa qualité essentielle d’homme, sa dignité humaine ; seule la perte de toute structure politique l’exclut de l’humanité » TOT p 600

CF les commentaires d’André Clair : « Les doits de l’homme ne sont assurés que s’ils sont des droits nationaux,

enracinés dans des traditions, tandis que les droits naturels sont abstrait et vains » p 88

« Seul peut être réellement un homme celui qui est membre d’une communauté politique et ainsi lié à une nation »

René Clair Droit communauté humanité ,Cerf 2000 p 76 et suiv.

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Le particulier comme médiation du juste

Il faudra alors considérer que le politique vise le bien des individus à partir d’une médiation incontournable, qui est le bien commun, mais particulier d’une société et qui passe par une institution spécifique : l’Etat.

Le gouvernant ne peut alors avoir le souci de tous les hommes à égalité ; c’est en quoi,

en deçà de la distinction ami ennemi cf. Mx Weber), est incontournable la distinction entre les membres d’une communauté

politique donnée et ceux qu’il faut bien appeler les étrangers.

NB On notera que si l’Evangile recommande d’aimer ses ennemis, il prêche également l’accueil des étrangers, y compris (même si le

terme est d’aujourd’hui) ceux qui sont en situation irrégulière : les « sans papiers » ;

de ce fait il ne nie pas que l’on puisse légitimement établir une distinction entre les citoyens, comme membres d’une communauté politique et les étrangers ;

reconnaître que l’étranger ne bénéficie pas des mêmes droits que le citoyen d’une nation ne saurait alors relever de la xénophobie qui est au sens usuel rejet, voir haine de l’étranger  ;

l’amour est exigence éthique qui transcende la seule logique juridique, laquelle n’est pas simple mesure de la morale. 3

Mais alors, cf. ci dessous, un acte de charité ne saurait évidemment être exigible

Les déontologies des métiers

Si le droit de l’Etat doit être défendu contre la prétention d’un droit international à s’imposer à lui, par ailleurs, en deçà du droit commun, celui de l’Etat, devront être reconnues les règles des communautés sociales comme

la famille ou la profession :

c’est le sens de la déontologie, en tant que connaissance de ce qu’il faut faire en des situations concrètes et complexes, que le droit commun ne connaît pas.

L’essence du politique

L’expression est à prendre au sens que lui donne Julien Freund dans son ouvrage du même nom Sirey 1965

Cf. aussi Qu’est-ce que la politique ? Collection. Points

3 Sur la différence et les tension entre amour et justice, voir Jean Lacroix, Personne et amour, Seuil 1955

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Mais il faut aller plus loin. * Si le droit est un art de chercher l’ordre, et peut être ainsi lié à une

science, c'est-à-dire à une connaissance qui requiert l’intelligence, tant des philosophes que des législateur et des juges,

(Cf la méthode dialectique, que, selon M. Villey, E. Burke reprend d’Aristote : Critique de la pensée juridique moderne, Dalloz, 1976, p 136)

* il convient de penser les moyens effectifs de cet ordre, je veux dire, au-delà des pouvoirs législatif et judiciaire, l’exécutif, en somme la force,

C’est ainsi que vouloir, là où s’imposent des souffrances du fait du manque d’ordre, en appeler seulement aux droits de l’homme, et même plus

généralement au droit relèverait de l’incantation ;

le premier objectif, pour créer les conditions permettant le respect de la dignité de l’homme, est d’instaurer (en fait souvent restaurer) un ordre ou une paix dont ne peut être garant qu’un véritable Etat, c'est-à-dire pouvant compter sur ces moyens spécifiques du politique que sont

une armée et une police dignes de ce nom.

Armée et police peuvent être considéré comme les institutions de la force

Cf. la situation en Colombie où ce qui importe avant tout est de restaurer partout un Etat souverain

Une guérilla (FARC en Colombie) ou une faction (HEZBOLLAH au Liban), même si ses objectifs peuvent être considérés comme justes, met objectivement en péril l’ordre public, la paix qui sont des médiations indispensables pour le bien des personne et leur dignité

A cet égard on dira qu’un Etat de droit doit avoir le souci du droit, mais aussi et peut être d’abord être un Etat, c'est-à-dire disposer de la force

NB En affaiblissant, a fortiori détruisant, un Etat injuste, sous prétexte d’instaurer la démocratie, on crée une situation d’insécurité, de violence civile, peut être encore plus contraire au bien de l’homme (Cf. deuxième guerre du Golfe)

Cf. aussi P Manent (conférence au Collège supérieur) on ne peut créer une société politique sur la démocratie ; la démocratie suppose l’existence préalable d’une communauté politique

La justice et la force

Pascal Les Pensées BR 169

« La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique

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« Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste »

Certes on serait tenté par la première solution ; Or, remarque Pascal, la justice est sujette à la dispute (ce que l’on voit parfaitement, non

pas seulement dans les débats des philosophes, sans parler de ceux des théologiens) ; mais hélas plus gravement dans les guerres civiles ou de religion) ou les partis en conflit prétendent également avoir la vérité ou dire ce qui est juste

l’instauration d’un ordre public ne saurait attendre une préalable clarification, y compris par la philosophie, de ce qu’est la justice

D’où la célèbre formule

«  ne pouvant faire que ce qui est juste soit fort, on a fait que ce qui est fort fût juste »

Cette formule est curieuse Elle peut apparaître comme simple constat désabusé:

cf la raison du plus fort est toujours la meilleure …la justice n’est que la raison du plus fort : et déjà une critique : la justice n’est jamais qu’ idéologie, au sens marxien

du terme)

Mais il faut aller plus loin : la force porte la justice ; c’est au sein de la force qu’elle naît la force est condition de l’avènement de la justice ;

Et si la force comme telle ne connaît pas la justice, il appartient à la philosophie notamment de travailler à ce que la force soit toujours plus juste ;

Le philosophe, contrairement au vœu de Platon, ne doit pas prétendre remplacer le prince, mais doit en devenir le conseiller

sur ce point cf. Kant Projet de paix perpétuelle « Article secret pour la paix perpétuelle » p 51

La volonté politique et la loi

Ne faut-il pas aller jusqu’à reconnaître que, compte tenu de l’exigence qui est de défendre l’Etat en vue de l’ordre public, peut relever de la responsabilité d’un gouvernement la décision de suspendre les lois ?

* CF Carl Schmitt

« Il n’existe pas de norme qu’on puisse appliquer à un chaos. Il faut que l’ordre soit établi pour que l’ordre juridique ait un sens  » Théologie politique p 23

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* Cf le célèbre adage machiavélien :

« Salus populi suprema lex esto ». ; le salut du peuple doit être la loi suprême.

Formule citée et commentée par L Strauss, DNH p 147

Et d’abord cette formule de Hobbes

Auctoritas, non veritas facit legemCe n’est pas la vérité mais l’autorité qui fait la loi

Les Etats et leurs frontières

En deçà des propos généreux des humanistes, spécialement dans les milieux chrétiens qui en appellent trop vite à l’universel, il convient alors de redonner tout son sens aux frontières :

Ainsi dans sa dimension internationale, le droit humanitaire des droits de l’homme ne saurait supprimer la responsabilité spéciale, et qui passe par le principe de souveraineté, qui revient à un Etat vis-à-vis de ses ressortissants. (Rappel : Hannah Arendt)

Limites du droit international

Il faut ici dénoncer la prétention de tout régler par des lois supranationales ; l’illusion des juristes internationalistes de croire qu’il suffirait, pour

juguler la violence, d’élaborer de bonne règles, en particulier inspirées des DH, et de les appliquer ; comme si, sur ce dernier point , il suffisait d’en appeler à la bonne volonté et d’abord à la raison

La paix ce n’est pas seulement un problème de rationalité, en particulier juridique, encore moins de simple bonne volonté

En effet le doit international n’est qu’un droit contractuel qui ne s’impose qu’à ceux qui veulent bien le reconnaître, aux Etats qui fondamentalement conservent leur souveraineté ; ce droit ne dispose pas de la force

NB Les deux systèmes juridiques selon Kelsen : droit international qui tourne autour du droit interne ( comme les

planètes tournent autour de la terre (analogue au géocentrisme)Droit national qui tourne autour du droit international comme la terre

tourne autour du soleil (analogue à l’héliocentrisme)Deux conceptions antinomiques, dit Kelsen entre lesquelles la science du droit

ne saurait trancher(en fait les juristes internationalistes des droits de l’homme ont déjà tranché)

Reste que Kelsen est juriste, il ne parle que du droit et ignore le politique

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La question du droit d’ingérence

Droit d‘ingérence ou devoir d’intervenirQuoiqu’il en soit, même illégale, une intervention peut relever de la

responsabilité d’un chef d’Etat ;

L’intervention tient elle sa légitimité d’une conformité à une légalité ? Ne faut il pas considérer que la légalité au niveau international a peu de poids,

si l’on considère que le droit international n’est que de caractère contractuel que les Etats demeurent souverains ; Cf Spinoza (Traité

politique) les Etats sont comme des individus à l’état de nature pour le meilleur et pour le pire ;

le pire : l’agression, le meilleur : la défense de la dignité des hommes qu’il faut execer en l’absence

de droit international contraignant (parce que ce dernier n’existe pas)Il faut se contenter de ces deux questions :

La cause est elle juste ?; l’Etat qui intervient en a-t-il les moyens ?

Cf. les réflexion classiques des théologiens médiévaux sur le question de la guerre juste (jus ad bellum)

Le problème de la justice pénale internationaleElle relève de belles aspirations, qui peuvent d’ailleurs conduire, comme on l’a

vu au procès de Nuremberg , à transgresser ces deux principes

Par in parem non habet juridictionemUn pair ne peut pas avoir de pouvoir juridictionnel sur un autre pair

Application(entre deux Etats égaux il ne peut y avoir de prétention pour l’un de juger

l’autre )

Nullum crimen nulla poena sine legePas de crime ni de punition sans loi

Référence ; H A : Eichmann à Jérusalem Les Origine du totalitarisme, Quarto Gallimard p 1298

Par ailleurs le procès d’Eichmann a pu se dérouler à la suite d’un acte illégal : l’enlèvement en Argentine par les services secrets israéliens

HA considère que la justice au sens humaniste doit s’imposer y compris contre la légalité

Reste que, la plupart du temps, cette justice n’a guère les moyens de poursuivre les coupables , qu’elle ne s’attaque vraiment qu’aux vaincus (retour à la parole prêtée à Brennus ;

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vae victis

h) Justice et charité

Mais au-delà des moeurs, des lois, des droits de l’homme, et aussi de la raison, en particulier au-delà des devoirs stricts et des droits exigibles définis par le droit, ne faut-il pas penser le bien de l’homme comme pouvant être cherché au prix d’engagements d’une autre sorte ; je pense ici à ce que l’on appelle les devoirs larges qui reviennent en somme à ceux de la charité ou de l’amour ; certes, face au devoir strict qui est défini par la loi, et spécialement par les droits d’autrui, le devoir d’amour est facultatif, mais il est aussi sans limite.

La charité n’a mauvaise cote que pour les passionnés d’une justice définie uniquement et strictement par les lois civiles ou même la morale ; il est vrai que le don qui n’est que du superflu, n’est qu’une caricature de la charité ; car la charité doit donner au delà de ce à quoi oblige le droit, c'est-à-dire tout, jusqu’à sa propre vie.

Reste que cette exigence d’aimer l’autre, en particulier lorsqu’il souffre, n’a rien d’évident et l’on voit mal comment la seule contemplation de son visage pourrait entraîner une exigence éthique et en particulier faire naître à son égard une responsabilité infinie ;

on reconnaît ici une allusion aux propos célèbres de Lévinas

Je préfère sur cette absence de symétrie les propos de Jankélévitch dans le Paradoxe de la morale ; Seuil 1981 p 168

là où l’on affirme habituellement à moi tous les droits à toi tous les devoirs,

l’éthique affirme  A toi tous les droits, à moi tous les devoirs

Sur la relation entre justice et charité, Jankélévitch encore dans un ton très pascalien, ib. p 155

«  Vidées de cet amour qui eut été leur seule plénitude, elles [les valeurs] deviennent simplement les masques de la désolante hypocrisie ; une vérité sans amour n’est que sècheresse et indifférence ; une justice sans charité est un radotage et un sarcasme ; une vérité sans amour n’est que mensonge et mauvaise foi ; une justice sans charité est le comble de l’injustice »

Compléments

Ainsi donc la prise en compte du bien de la personne et de sa dignité doit bien requérir, en deçà des droits de l’homme, une nouvelle philosophie du droit, qui ne craigne pas d’être résolument objective, qui vise un ordre social ; et au delà du droit lui-même, c’est l’art politique dont il faut rappeler le rôle indispensable. Il revient

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alors à la philosophie de penser l’exercice de l’activité politique comme devant être conduite par le respect de la personne lequel passe déjà par la reconnaissance de la responsabilité des membres du peuple souverain, à savoir les citoyens.

a) Perspectives éducatives ; éduquer le citoyenEduquer aux droits de l’homme ? C’est là un beau projet sur lequel reviennent

inlassablement les politiques qui se veulent humanistes ; mais si c’est pour enseigner une doctrine qui est comme un nouveau catéchisme, on revient à la religion dans ses pires aspects : triomphe du dogmatisme et de la censure, humiliation de la conscience et de la liberté de penser.

L’éducation au respect de la personne humaine doit plutôt viser le sens du discernement, de la réflexion critique, de la dialectique, de la prudence.

A cet égard il convient de mettre en cause le discours selon lequel l’enfant serait un citoyen, comme on le voit dans les articles 12 à 15 de la CIDE (« Convention internationale pour les droits de l’enfant »), 4 laquelle, en reconnaissant aux enfants les libertés

de pensée, de religion, d’association, d’expression,

tend à la confusion entre dignité de la personne et citoyenneté.

Non, l’enfant n’est pas un citoyen. Fragile face à l’opinion, vulnérable devant les séducteurs de tout bord, qu’ils soient des sectes, des partis totalitaires et en général ceux qui se présentent comme amis des enfants5, il doit être éduqué pour le devenir

; l’éducation du citoyen doit ici se situer entre deux excès :* prétention de tout apprendre aux enfants considérés comme incapables de discernement, comme on le voyait dans l’éducation traditionnelle avec laquelle semblerait devoir renouer l’enseignement des droits de l’homme ; * exaltation de la spontanéité de l’enfant, comme on le voit dans l‘affirmation de sa liberté pleine et entière ; dans les deux cas ce qui s’impose ,c’est la disqualification de la réflexion critique.

b) Autres problèmes posés par les droits de l’enfant

Prétention d’exprimer les besoins de l’enfant en droits de façon discrète précise minutieuse comme si l’intérêt de l’enfant passait nécessairement par la défense de ses droits

Comme si le monde était pour les enfants naturellement inhumain sans coutume, sans mœurs sans tradition, sans famille

c) Le sens de la démocratie

4 CIDE : 19895 Ami des enfants : c’est le sens exact, d’après l’étymologie, du mot pédophile

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A côté de l’exercice de la réflexion, l’éducation du citoyen devra aussi se donner comme objectif celui de développer

le souci du bien commun

comme médiation incontournable pour le bien des personnes, tout en mettant en garde contre l’individualisme.

A cet égard, dans l’éducation en particulier, mais plus radicalement dans la pratique, il conviendra de mettre en garde contre

le dévoiement de la démocratie,

c’est à dire la tendance à affirmer qu’elle ne serait que l’expression de la somme ou de la moyenne des intérêts et opinions individuels.

d) La famille dans la charte européenne des droits fondamentaux

Ce dévoiement de la démocratie s’observe plus particulièrement à propos de la famille, présentée comme simple lieu de droits, réglé par les contrats. 

C’est ainsi que La « Charte européenne des droits fondamentaux », contenue dans le Traité de Nice du 7 décembre 2000, semble se contenter de présenter la famille comme simple objet et lieu de droit subjectif, dont on peut disposer à sa guise  ; l’évolution de la législation dans certains pays d’Europe, en faveur du mariage des personnes homosexuelles et de leur droit à adopter des enfants, relève directement de cette logique

On peut alors mesurer la gravité des changements survenus dans le droit de la famille des pays d’Europe : avec la priorité donnée, au nom de la liberté et de l’égalité, aux intérêts individuels, l’impasse est alors souvent faite sur les conséquences de l’exaltation de ces droits sur les tiers, en particulier les enfants.

e) Le sens de l’institution

Il faut alors penser, au delà des intérêts des individus et pour le bien des personnes, ces médiations privilégiées que représentent les institutions, telles que doit les vouloir une démocratie.

Distinction entre deux logiquesdeux philosophies : contrat et institution

L’institution est une forme de lien qui transcende la relation simplement issue du contrat, et ceci selon quatre dimensions :

1) l’institution est garante d’un intérêt commun ; versus contrat intérêt privé

2) elle est réglée par des obligations qui émanent d’une autorité ; versus contrat liberté, volonté individuelle

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3) en vue de poursuivre des buts précis, sa forme est concrète et particulière. Versus contrat cadre abstrait pour y faire entrer le plus de choses possibles

4) Sa vocation et de durer dans le temps

Ces quatre critères s’appliquent parfaitement au mariage comme institution, tel qu’il est encore reconnu en France. Pour le troisième critère, il est clair que le lien conjugal y est présenté comme concernant un homme et une femme, cohabitant, unis sous l’exigence de fidélité , en vue de l’accueil et de l’éducation d’enfants.

Il est clair alors que la dignité de la personne ne saurait passer simplement par ces droits que sont liberté et égalité et qui s’imposent dans les contrats, où les obligations sont simplement suspendues aux volontés individuelles.

La démocratie, comme mode de régime lié à la souveraineté du peuple, ne saurait alors être la simple expression des opinions individuelles, telles que les sociologues les considèrent comme constitutives de nouvelles tendances qu’il faut accepter comme inéluctables. 6

f) Deux sujets d’étonnement1) Il est à cet égard étonnant de constater que, alors que depuis

le milieu du XX ème siècle, on avait eu de bonne raisons de se méfier d’une philosophie de l’histoire proclamant le caractère évident du progrès moral de l’humanité, dans la vie privée au contraire, on présente comme devant être reconnues sans discussion des valeurs sous le simple prétexte qu’elles sont nouvelles ; cf l’adage : « Il faut être de son temps ».

2) Il est aussi curieux qu’aujourd’hui, les principes de liberté et d’égalité s’imposent sans limite dans la vie privée, et spécialement familiale, alors que depuis bien longtemps, depuis Marx en particulier, on a montré leur caractère pernicieux dans le domaine public ou social, notamment à propos du travail ou de l’habitat et la nécessité qu’ils soient tempérés par la loi.

g) L’autorité du peuple souverain

L’institution, telle que doit la penser une démocratie se distinguera alors, tant des communautés présentées comme naturelles que des formes de vie imposées sans discussion par une autorité extérieure ;

c’est que dans la démocratie les institutions sont portées par un souverain qui est le peuple lui-même et qui est composé précisément des citoyens qui sont conduits par la raison..

Il faut alors bien distinguer l’individu  et le citoyen

* le premier ignore le bien commun et le sens même des communautés ; il est prompt à revendiquer ses droits ;

* le deuxième, par sa générosité, son courage, son esprit critique a le souci d’un bien commun et durable ; il a les sens du devoir .

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Conclusion de la troisième partie

Il est heureux que s’impose le consensus sur le principe selon lequel toute société doit être organisée autour du respect de la personne humaine; mais c’est qu’il faut rappeler que les droits de l’homme ne sont que des médiations historiques et culturelles, parmi d’autres, pour le bien de l’homme ou la dignité de la personne.

Considérer les droits de l’homme comme moyens incontournables ou même privilégiés en vue de travailler au bien de l’homme, plus encore les confondre avec la dignité de la personne serait proprement idolâtrie.  Car seule la dignité de la personne mérite d’être considérée comme principe.

Ce que l’on voit dans la condamnation, comme iconoclaste, de toute critique des droits de l’homme ; à propos du caractère sacré des droits de l’homme, Marie Balmary observe que dans l’iconographie de la Révolution Française, les droits de l’homme s’inscrivent en un cadre qui ressemble à celui des Tables de la Loi reçues par Moïse au sommet du Mont Sinaï. (« Les lois de l’homme », Etudes, juillet- août 1991, p 47)

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Chapitre IV

ORIGINE DE L INDIVIDUALISME JURIDIQUE

La philosophie, depuis l’Antiquité, s’est accordée à rattacher la connaissance des principes à celle de la nature, comme ce qui, en deçà de l’histoire, faite par les homme, ne change pas ; la philosophie moderne, avec les théories modernes du droit naturel, n’a pas renoncé à cette méthode en vue d’établir la validité des principes fondant les droits de l’homme, et spécialement celui de l’égalité.

Léo Strauss a bien mis en évidence que la nature est le concept auquel se réfère spontanément la pensée dans son projet critique de dénoncer l’apparence, la contingence, d’en appeler à un principe contre l’opinion, la coutume, l’autorité  et même la religion. La nature, dit-il, est « la mère de tous les ancêtres » ; étant au commencement, elle est ce qui commande, en somme, au double sens du terme, archè ( Leo STRAUSS, Droit naturel et histoire, Paris, Flammarion, 1986 ; Chap. III, » L’origine de la notion de droit naturel », p 83 et suiv.)

C’est ainsi que, même s’ils ne sont pas d’accord sur son contenu, Socrate et Calliclès s’entendent pour reconnaître qu’une loi n’est légitime qu’à la condition d’être conforme à la nature. ( PLATON , Gorgias, 483 d et suiv.)

***

La conception classique du droit naturel (Rappel) cf. début du chap précédent

La conception socratique, reprise par Platon et Aristote, est, comme le fait voir Michel Villey, commentant le droit romain, à la source de la théorie du droit naturel qui s’imposera jusqu’à la fin du Moyen Age. Elle considère la nature comme ordre, harmonie, équilibre. (Michel VILLEY, Le droit et les droits de l’homme, Paris, Presses universitaires de France, 1983.)

Le juste étant équilibre dont la nature est modèle, s’impose alors un art de la justice qui, en toute situation, consiste à conjurer le désordre. Cet art, régulé par la vertu de prudence, se présente sous deux formes : judiciaire, il discerne par le jugement au détriment de qui un déséquilibre a lieu ; législatif, il vise à établir de bonnes lois pour une correcte répartition des choses. Visant essentiellement un équilibre, le droit est ici objectif ; il n’y a pas de place pour une conception subjectiviste du droit, telle qu’elle apparaît dans la doctrine moderne des droits de l’homme.

La vie humaine, en particulier la vue sociale, s’inscrit dans la nature L’homme est par nature un animal politique

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Anthropon zôon politikon phusei (Aristote)

Ce à quoi s’opposeront les doctrines du contrat social, spécialement celle de Hobbes

La cosmologie antique et médiévale

Si l’homme, comme espèce, a sa place assignée quelque part dans le cosmos et spécialement Dieu , les anges et les animaux et en ce que Michael Walzer appelle la grande chaîne des êtres,7 (Michael WALZER, La révolution des saints, Paris, Belin, 1983, p 168 et sui)

l’existence individuelle s’inscrit parallèlement en des communautés ou corps sociaux naturels et hiérarchisés,

qui sont toujours déjà là, indiquant des places bien déterminées (topoi)déterminant inexorablement l’inégalité des statuts, interdisant la revendication de droits subjectifs, mais assurant ainsi une indéniable sécurité.

Pour le bien de l’homme s’imposent les médiations de la société, au nom du principe aristotélicien selon laquelle l’homme est par nature un animal politique

Une nouvelle conception du droit naturel

En quoi consiste ce nouveau droit naturel en lequel s’inscrit la doctrine moderne des droits de l’homme ? Comme la doctrine antique, il veut offrir un modèle de vérité pour l’homme en deçà de toute histoire ;

Mais alors la conception de la nature y est tout autre.

En effet la vérité de l’homme, comme l’ont écrit les divers théoriciens du contrat social, est à chercher en deçà de toute communauté sociale ou politique, en deçà de ce que la société fait de lui et qui, comme le souligne Rousseau, le pervertit.

Cette vérité est celle d’un état de nature caractérisé par l’existence purement individuelle, la séparation d’avec les autres hommes. Le droit naturel est alors le règne des droits subjectifs dont les individus sont également titulaires. En deçà de toute vie sociale, de toute existence empirique, radicalement marquées par la contingence, la vérité de l’homme sera alors à chercher, tout naturellement, dans la naissance : ce que l’on voit dans les articles 1 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789: « Les hommes naissent libres et égaux en droits », de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits et en dignité ». Cette égalité naturelle, Volnay ne craindra pas de l’appeler tout simplement physique.

(VOLNAY, La loi naturelle ou catéchisme du citoyen français, 1793, chap. XI, cit. in 1789, Recueil de textes et documents, Ministère de l’éducation nationale, Paris,1989, p 78 .)

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Cette cosmologie et cette anthropologie, caractéristique de la modernité, peut être considérée comme ayant sa source profonde dans la théologie biblique et plus spécialement dans la doctrine de la création

La doctrine biblique de la création

Désacralisation du monde et transcendance de DieuDans les religions traditionnelles, l’homme peut avoir une origine divine ; mais

vient à la vie à travers les médiations de la nature surtout la terre ; mais aussi le monde des animaux (cf le totémisme)

Les médiations indispensables doivent être protégées, à la limite plus que l’homme lui même comme individu ; d’où la légitimité du sacrifice humain cf les Aztèques par rapport au soleil

Avec la doctrine biblique de la création l’homme apparaît en dernier, directement crée par Dieu, comme fin de toutes les autres créatures

Le sens de sa vie ne lui n’est pas donné d façon décisive par la nature mais par Dieu lui même dont il doit faire la volonté, réaliser les commandements (lex divina)

La lex divina

Selon Michel Villey la conception de la loi comme fondement du droit est à rapporter à l’influence de la pensée judéo-chrétienne ; la loi vient du Ciel

La loi, en l’occurrence d’amour dans le Nouveau Testament, est source du droit, vérité du droit cf selon Michel Villey la conception de Suarez dans le titre de son ouvrage

De legibus ac Deo legislatore : Des lois et de Dieu législateur)

Le droit est en fait seulement expression de la loi ou même la loi elle-même« De jure in… propria significatione generaliter loquimur sicque cum lege

convertitur »Du droit dans sa signification propre nous parlons comme s’il revenait à la loiCité et commenté dans M Villey D DH p 127

CF le décalogue ; la loi a un aspect transcendant (vient d’en haut) ; considère la terre comme naturellement désordonnée

La nomophilie moderne est comme la laïcisation d’une conception théologique (cf. sur ce point C. Schmitt)

Conception qui s’est imposée contre celle du droit naturel, c’est à dire stricto sensu d’un droit qui est dans la nature (cosmos c’est à dire monde organisé

Le nominalisme comme rejet des essences

La querelle des universaux au XIV siècle et la position de Guillaume d’OccamDeux questions se posent ici

1) quelle est la nature des universaux ? ex quand je dis la justice ou encore l’homme y a-t-il un simple concept ?

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réponse des réalistes dans le prolongement de Platon ; non ; c’est un être : L’exemple de la famille

Réponse des nominalistes ; le nom n’est qu’un outil qui permet de connoter (rassembler le divers) il n’existe que

in voce, (dans la voix)in sermone,(dan le discours) in nomine (dans le nom)

Donc refus des essences

2) Extension : quelle est la nature des communautés humaines ex le famille ?

Un être ? cf les partisans des droits de la familleUne simple collection d’individus qui peut changer de forme, disparaître et qui n’est qu’un moyen ? Si c’est le cas ce qui existe seulement ce sont les individus

Cf. l’échec de la tentative de mettre en place une déclaration universelle des droits de la famille lors de la célébration de l’Année internationale de la Famille en 1994 ; cet échec s’explique par le double refus

de considérer une essence de la famille ; de considérer la famille comme un être

On le voit : la doctrine des DH ne s’appuie que sur la deuxième dimension du nominalisme ; elle ne met évidemment pas en cause l’essence de l’homme mais seulement les communautés

La révolution cosmologique de la Renaissance

Référence : Alexandre Koyré Du monde clos à l’univers infini, Gallimard 1973 coll. Tel

Nicolas de Cues, Galilée

Rappel : Le monde pré galiléen : un cosmos , c’est à dire un ensemble organisé, hiérarchisé avec un centre et une périphérie, donc fini, que le centre soit le soleil ou la terre, distinction entre le haut et le bas ; plus on est en haut plus on est proche de Dieu

Dieu d’ailleurs est dans le ciel ; les astres sont des intermédiaires cf aussi ces intermédiaires que sont les anges Cf la grande chaîne des êtres

Contre cette cosmologie Pascal et d’abord Nicolas de Cues :

« une sphère infinie dont le centre est partout la circonférence nulle part »

L’homme est sans référence à l’espace (cf la prmière partie du texte sur le roseau pensant (cf. p ; suivante) ; sans place, sans lieu, sans topos ; le sens ne peut être lié à une place ; par analogie l’homme n’a pas non plus de place dans la société ; le monde social est homogène au cosmos, donc sans ordonnance, sans hiérarchie

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. C’est que l’anthropologie qui a conduit au jusnaturalisme classique, tel qu’il a marqué la pensée antique et médiévale, a été ébranlée dans ses fondements par la Révolution Galiléenne :

* l’univers devient infini, dépourvu de centralité et de périphérie et donc sans ordre ni signification.

* Il est, selon le mot célèbre de Pascal repris à N de Cuese, comme «  une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part  ».

* Ce n’est plus de l’espace que l’homme peut tenir sa dignité : il est comme « le fini (qui) s’anéantit en présence de l’infini et devient pur néant. » ( PASCAL, 72/199 et 233/418.)

«  Désormais, écrit Pierre Magnard, c’est sur fond de désordre, de subversion des valeurs, d’effondrement des hiérarchies qu’il faut chercher l’honneur de l’homme, comme si la véritable dignité était dans l’indignité ».

Pierre MAGNARD, « Ordre et dignité », La dignité de l’homme, Actes du colloque tenu en Sorbonne en novembre 1992, édités par Pierre Magnard, Paris, Honoré Champion éditeur, 1995, p 4.

Comme on le voit, tant chez Descartes que chez Pascal, incapable de trouver un sens dans la nature et dans la société, c’est de la pensée et de la relation à une transcendance que l’homme seulement peut le trouver.

PascalEffroi de l’homme

« En regardant tout l’univers muet et l’homme sans lumière, abandonné à lui même et comme égaré dans un recoin de l’univers, sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il est venu y faire, ce qu’il adviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j’entre en effroi comme un homme qu’on aurait porté sur une île déserte et effroyable et qui s’éveillerait sans connaître où il est sans moyen d’en sortir »

Dignité de l’homme

« L’homme n’est qu’un roseau , le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant’…) Quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui  ; l’univers n’en sait rien(…)Ce n’est point de l’espace qu je dois chercher ma dignité mais du règlement de

ma pensée (…) Par l’espace l’univers me comprend et m’engloutit comme un tout ; par la pensée je le comprends »

C’est ainsi, observe Simone GOYARD-FABRE, faisant allusion au titre du livre de F. Alquié que«  Descartes (...)  a magnifiquement opéré la découverte métaphysique de l’homme » : « Les deux jusnaturalismes ou l’inversion des enjeux politiques », Des théories du droit naturel, Centre de publication de l’Université de Caen, 1987, p 25.

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Mais ce ne sera pas cette voie que suivra la doctrine des droits de l’homme ; en effet, conformément à la méthode qui veut voir dans la nature le fondement du juste, elle se formulera spontanément en un discours revenant à ce que Léo Strauss appelle la doctrine moderne du droit naturel.

L’espace comme pure étendue à l’origine de l’idée de mondialisation

Espace comme pure étendue, homogène, isotrope, « qui a les mêmes propriétés dans toutes les directions », sans qualité chez Descartes

Il n’y a plus ni haut ni bas , ni centre ni périphérie

Monde dépourvu de sens , à la merci de l’homme, maître et possesseur de la nature (Descartes)

Suppression des frontières

La fin des communautés

Grandeur et misère de l’individu isolé, sans communautéRappel : la théorie du suicide de Durkheim : Il y a plus de suicides dans les

pays du nord de l’Europe (plutôt protestants) que ceux du sud (plutôt catholiques) Explication : le homme protestant, seul face à Dieu peut moins compter sur le soutien quotidien de la communauté en tant qu’elle est lieu de médiation du sens ; inversement pour l’homme catholique

Toutes les valeurs sont commensurables

Concevoir la propriété au sens abstrait comme un droit d’user et d’abuser conduit à ne plus faire de distinction entre

le bien dont on a besoin pour vivre (une habitation par exemple) valeur d’usage

celui qui sert à se procurer d’autres biens (valeur d’échange) comme en particulier l’argent

le bien accumulé (ce qui relève selon Aristote de la Chrématistique) thésaurisation qui peut priver autrui de toute possession

et le bien qui permet de gagner de l’argent sans travailler et qui plus est confère un pouvoir social, à savoir le CAPITAL

Ce qui est commune mesure à tous les biens, dont la différence de nature et d’usage n’est pas prise en considération, c’est l’argent

CF. Georg. Simmel

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« L’argent ne s’intéresse qu’à ce qui est commun, à savoir la valeur d’échange qui nivelle toute qualité particulière, en posant la question de la seule quantité »

Les grandes villes et la vie de l’esprit, Dresde, 1903, cité par Françoise Choay L’urbanisme, utopies et réalités ,Seuil 1965,p 412

NB Georg Simmel est aussi l’auteur d’une Philosophie de l’argent, 1900

La révolution industrielle selon Marx

Les droits de l’homme sont symptomatiques d’une société sans lien communautaire, devenue individualiste

* Disqualification de la patrie, de la famille . Suppression de la hiérarchie Manifeste du Parti communiste p 52 54

« Partout où elle a conquis le pouvoir elle (la bourgeoisie) a détruit les relations féodales patriarcales idylliques. Tous les liens variés qui unissent l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle le a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autres liens, entre l’homme et la femme que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque (…) dans les eaux glacées du calcul égoïste » p 34

* Disqualification des activités jusqu’alors sacrées « La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toute les activités considérées jusqu’alors avec un certain respect, comme vénérables : le médecin, le prêtre, le poète, l’homme de sciences elle en a fait des salariés à ses gages » (ibidem)

Critique par Marx des DH

Question Juive 10/18 p «  p37 distinction entre droits de l’homme et droits du citoyen

Question : quel est cet homme distinct du citoyen ? l’homme égoïste séparé de la communauté, l’homme aux droits fondamentaux

égalité, liberté, sûreté, propriété liberté définie à l’article 6 de l DHC « la liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui » qui se formule de façon populaire ainsi : la liberté des uns s’arrête là ou commence celle des autres

P 38 « Le droit de l’homme, la liberté, ne repose pas sur les relations de l’homme avec l’homme mais plutôt sur la séparation de l’homme avec l’homme »

NB sur la propriété cf constitution de 1793 « Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen e jouir et de disposer à son gré de ses biens de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie »

P 38 cette liberté individuelle « fait voir en chaque homme non pas la réalisation mais plutôt la limitation de sa liberté

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« Aucun des prétendus droits de l’homme ne dépasse donc l’homme égoïste, l’homme en tant qu e membre de la société bourgeoise, c'est-à-dire un individu séparé de la communauté , replié sur lui même et obéissant à son arbitraire privé. L’homme y est loin d ‘être considéré comme un être générique ; tout au contraire la vie générique elle même, la société, apparaît comme un cadre extérieur à l’individu, comme une limitation de son indépendance originelle » (p 39)

P 40 L’émancipation politique fait de la communauté politique, de la communauté civique un simple moyen devant servir à la conservation de ces soi disant droits de l’homme le citoyen est donc déclaré le serviteurs de l’homme égoïste

La sphère où l’homme se comporte en qualité d‘être générique est ravalée au dessous e la sphère où il fonctionne en qualité d‘être partiel

C’est l’homme en tant que bourgeois et non pas l’homme en tant que citoyen qui est considéré comme l’homme authentique et vrai

Les théories du contrat social comme aspect du constructivisme juridico politique

Nouvelle théorie de la définition cf Hobbes et le commentaire de Cassirer on ne connaît vraiment que ce que l’on construit ; et pour construire il faut déconstruire, réduire en éléments simple parfaitement connaissables ; or l’élément simple dans la société, c’est comme l’atome, l’individu (indivisible)

La construction est dans la technique certes mais aussi dans la science : les deux sont liés on ne peut construire qu’en déconstruisant d’abord par la pensée ; cf la méthode résolutive compositive de l’école de Padoue, cf Simone Goyard Fabre dans la colloque Michel Villey, Colloque d’Aix en Provence ; cf. la philosophie de Descartes

CF. chez Descartes La théorie de l’animal machine : on ne construit des automates qu’en déconstruisant par la pensée le vivant pour le réduire à du mécanique, en somme à des pièces ; même chose pour les corps sociaux (Hobbes) ; négation du principe aristotélicien ; l’homme est naturellement un animal politique

Sens de la conception hobbesienne du contrat social : ce n’est pas le récit d’un processus temporel, historique ; c’est une explication de ce qu’est la société et du choix permanent qui s’impose aux hommes

: ou le respect de la souveraineté ou la mort

Le Nouveau droit naturel est le droit de l’individu (ou du sujet)Droit naturel comme liberté

jus omnium in omnia mais qui entraîne un bellum omnium contra omnes

Or ce droit naturel ne peut être accepté par la loi naturelle (en fait la raison en nous) il faut donc accepter le souverain, seule conditions de la sécurité et de la paix

sans discuter ses volontés

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Ici on a un Pactum subjectionis (pacte de soumission)

qui est ipso facto pactum societatis (pacte de société)

Il n’y a pas de contrat social proprement dit)

Dans les conceptions libérales du Contrat social (Locke, Pufendorf), il y a deux temps

pactum societatis puis pactum subjectionis;

Il est donc toujours possible de renvoyer les gouvernant et même de se retirer de la société ; c’est vraiment l’origine de l’individualisme moderne et de la conception libertaire des DH

Ce que la volonté a fait, la même volonté peut le défaire : c’est l’essence du contrat

Pour mémoire on a une troisième conception qui est celle de ROUSSEAU : un seul pacte

pactum societatis qui est ipso facto pactum sujectionis

le souverain étant ici le peuple lui-même c’est l’essence de la démocratie ; c’est le peuple lui même qui est législateur

Et alors Obéir à la loi que l’on s’est donnée est liberté

L’individualisme des libertés privées laisse la place à la volonté générale

NB A la différence de Hobbes en particulier, la conception de Rousseau décrit ce qui doit être en particulier pour dépasser les apories décrites dans le Discours sur l’origine de l’inégalité ;

Par ailleurs la conception de Hobbes est conservatrice ( monarchiste) celle de Rousseau est révolutionnaire

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CONCLUSION GENERALE

L’illusion universaliste

Individuelle au départ, l’existence humaine, en tant qu’elle est marquée par l’égale dignité conduit alors, au-delà des communautés particulières, entre les membres

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desquelles s’impose l’inégalité, à l’exigence d’universalité, telle qu’elle devrait se manifester, se réaliser inéluctablement dans l’histoire.

C’est ainsi que l’on voudrait présenter la fraternité universelle comme aboutissement d’un processus naturel et spontané, marqué par l’émergence inéluctable de l’exigence d’universalité et devant rendre nécessairement caduque l’existence des sociétés particulières.

BERGSON décrit ainsi cette tendance:

« Famille, patrie, humanité, apparaissant comme des cercles de plus en plus larges, on a pensé que l’homme devait naturellement aimer l’humanité comme on aime sa patrie et sa famille ».8

Mais c’est pour dénoncer une illusion:

« en réalité le groupement familial et le groupement social sont les seuls qui aient été voulus par la nature, les seuls auxquels correspondent des instincts et les instincts sociaux porteraient les sociétés à lutter les unes contre les autres bien plutôt qu’à s’unir pour se constituer effectivement en humanité »,

(BERGSON , Les deux sources de la morale et de la religion , Edition du centenaire, Paris, Presses Universitaires de France, 1963, p 1174.)

Si donc la famille, le clan, la nation, peuvent être reconnus comme correspondant à une tendance naturelle, il n’en va pas de même pour l’exigence d’universalité.

Il faut alors se garder de cette tentation qui consisterait à considérer une nature humaine qui devrait nécessairement se réaliser dans l’histoire, ou alors être simplement l’objet d’une restauration.

On oublierait alors en quoi consiste la situation de l’homme dans sa factualité. De façon plus générale il faut reconnaître que la réalité humaine est complexe; l’existence individuelle y présente un caractère aléatoire, précaire, contingent.

Et d’abord elle est marquée, au commencement de la vie par la plus grande incertitude. Par ailleurs cet évènement qu’est la venue au monde des hommes, en somme leur naissance, est le plus souvent marquée par l’inégalité

. L’inégalité est d’ordre social entre dominants et dominés, économique entre riches et pauvres, politique entre citoyens et étrangers ; mais elle relève aussi de la nature : entre personne saines et personnes malades, normalement constituées et handicapées.

Comment ne pas voir également que, toute existence s’inscrivant dans la temporalité, est aussi naturelle l’inégalité déterminée par la différence d’âge, entre ceux que l’on dit justement dans la force de l’âge d’une part, d’autre part les enfants et les vieillards dans leur extrême vulnérabilité ?

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Enfin c’est de la nature et non pas d’un méchant complot machiste que relève la violence, sous des formes différentes à travers l’histoire, des hommes envers les femmes.9 Pour toutes ces raisons, les droits de l’homme méritent alors d’être l’objet, moins d’une défense, qui court le risque d’être inquisitoriale, que d’une constante et courageuse promotion.

Si donc ce n’est pas dans la nature qu’il faut chercher la réponse à la question du fondement de la dignité de l’homme, il convient de chercher une réponse dans un autre ordre de discours, et de penser les droits de l’homme au delà de toute nature, dans une surnature, au delà des prises de toute science, dans une métaphysique.

9 Il suffit d’observer ici que ce sont les femmes qui sont les victimes du viol, et aussi, hélas de façon plus banale, à une époque où l’on exalte l’égalité dans le couple, des violences conjugales

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