Physiologie de La Cornee

Embed Size (px)

Citation preview

Physiologie de la corne

Recommander cet article

D Rigal-Verneil : Professeur d'Ophtalmologie CHR, Clermont-Ferrand France C Paul-Buclon : Interne des Hpitaux Service d'Ophtalmologie (Professeur Sol, chef de service), CHR, Clermont-Ferrand France Ph Sampoux : Interne des Hpitaux Service d'Ophtalmologie France 21-020-C-10 (1990)

Rsum Si la fonction essentielle de la corne est d'assurer, grce sa transparence, la transmission et la rflexion de la lumire, il n'en reste pas moins que sa physiologie et sa physiopathologie, malgr la multiplication des recherches fondamentales et cliniques, restent encore imparfaitement lucides. Remarquable par sa structure, par sa situation entre les larmes et l'humeur aqueuse, par sa forte hydrophilie, elle doit assurer en permanence le maintien d'un tat de dturgescence grce au rle de barrire jou conjointement par l'pithlium et l'endothlium, et au rle de pompe de l'endothlium, qui vont ainsi rguler les mouvements hydriques et ioniques entre la corne et son environnement ainsi que le transport des molcules ncessaires sa nutrition, et un mtabolisme cellulaire interne. Le dveloppement des prothses de contact, de l'implantation intra-oculaire au cours de la chirurgie de la cataracte, de la kratoplastie ou de la chirurgie rfractive, ne peut se concevoir sans une parfaite connaissance et un profond respect de la physiologie cornenne. Il serait certes intressant de pouvoir se consacrer l'tude successive de toutes les couches cornennes qui possdent chacune une individualit structurelle, et donc fonctionnelle, et de dtailler ainsi la physiologie de : - l'pithlium et du film lacrymal qui lui est indissociable, grce aux points d'ancrage que constituent les microvillosits pithliales, - la membrane de Bowman qui, d'une part, reprsente la membrane basale de l'pithlium, d'o son rle dans les processus de cicatrisation pithliale et, d'autre part, participe la physiologie stromale par sa structure fibrillaire collagne, - le stroma cornen, - et la membrane de Descemet. Mais nous avons prfr une attitude plus synthtique permettant de dgager les grandes fonctions de ce tissu remarquable qu'est la corne et de voir ainsi l'intervention respective de

chaque couche dans les grands mcanismes de permabilit, de nutrition, d'hydratation, de dturgescence, qui vont sous-tendre la vraie finalit de la corne, savoir sa transparence, premire tape indispensable dans la transmission du message visuel. 1990 ditions Scientifiques et Mdicales Elsevier SAS - Tous droits rservs. EMC est une marque des ditions Scientifiques et Mdicales Elsevier SAS. Plan Composition biochimique Proprits physiques et physico-chimiques de la corne Nutrition de la corne Croissance et rparation tissulaire Innervation Corne et immunologie Haut de page Composition biochimique

L'lment retenir en ce qui concerne la composition biochimique de la corne est sa forte hydrophilie dont le maintien un taux constant assure la transparence cornenne. Eau Elle reprsente 75 80 % du poids total du stroma ; sous forme libre, elle peut tre expulse en fonction des forces mcaniques ou osmotiques. Elle a un rle important puisque toute modification de l'hydratation retentit sur la transparence de la corne et donc sur ses proprits optiques. Protines Elles sont constitues de plusieurs types. Protines solubles Elles peuvent reprsenter jusqu' 20 % du poids sec du stroma. Ce sont l'albumine, la sidrophiline, les globulines, ainsi que de petites quantits de collagne solubles et quelques protines qui serviront la constitution de complexes mucopolysaccharidiques. Glycoprotines

Collagne C'est un des lments les plus importants du stroma cornen dont il reprsente entre 70 et 75 % du poids sec. Il s'agit d'une holoprotine de poids molculaire lev, gal 380 000, caractrise par quatre niveaux de structure. Structure Structure primaire Elle correspond une squence d'acides amins. On en dnombre 29, dont surtout de la glycine (33 %), de la proline et de l'hydroxyproline (25 %). Structure secondaire Il s'tablit des liaisons hydrogne (liaison entre un atome lectrongatif et un atome d'hydrogne lectropositif) entre les diffrents acides amins, l'ensemble donnant la molcule une structure hlicodale. Structure tertiaire Ces diffrentes chanes se runissent par trois, grce des liaisons covalentes (mise en commun d'un lectron par deux atomes, de faon obtenir une couche lectronique priphrique sature) pour constituer une macromolcule de tropocollagne. Structure quaternaire Les macromolcules de tropocollagne se runissent pour former les fibrilles de collagne. Elles se disposent en chanettes parallles, runies par des glycosaminoglycanes. Ces chanes se disposent de telle sorte que chacune recouvre la suivante sur un quart de sa longueur. Cela donne en microscopie lectronique un aspect trs caractristique d'alternance de bandes claires et de bandes sombres dont la priodicit est de 640 A . Synthse En ce qui concerne la synthse du collagne, les premires tapes ont lieu l'intrieur du kratocyte et les suivantes l'extrieur de la cellule. Etapes intracellulaires

- La premire constitue ce que l'on appelle la translation. Il s'agit de la formation, l'intrieur des ribosomes, de prchanes constitues d'une squence d'acides amins. Cette synthse s'effectue par le biais d'un ARN partir d'un code fourni par l'ADN de la cellule. - Ensuite, les prchanes subissent une hydroxylation (addition de groupements OH des rsidus de proline et de lysine), qui permettra d'augmenter la stabilit du collagne final. - Puis, une glycosylation : addition de rsidus de sucre (type galactosyl) des rsidus d'hydroxyproline. - Enfin, les prchanes se regroupent par trois dans une structure hlicodale aux extrmits de laquelle se fixent des peptides non hlicodaux, les registration-peptides . L'ensemble constitue la molcule de procollagne qui est scrte hors de la cellule. Etapes extracellulaires - Il y a d'abord une lyse enzymatique des registration-peptides qui se transforment en tlopeptides, peptides terminaux, situs aux extrmits de la structure hlicodale : l'ensemble forme le tropocollagne. - Ensuite, un assemblage des molcules de tropocollagne constitue les fibrilles de collagne. Types Le collagne est de plusieurs types Les diffrents types de collagne sont dfinis par la composition de leur chane ; on dcrit des chanes 1 (avec diffrents sous-groupes), 2, A, B, qui se distinguent en fonction de leur contenu en acides amins et de la squence de ceux-ci. Cela permet de dterminer cinq grands types de collagne : - Type I : form de deux chanes 1 de type I et d'une chane 2. On le note [ 1 (I)2 2] et il se situe dans l'os, la peau, les tendons et la corne. - Type II : compos de trois chanes 1 de type II [ 1 (II)3], qui se trouve dans le cartilage et le tissu hyalin. - Type III : souvent en association avec le type I, form de trois chanes 1 de type III [ 1 (III) 3], retrouv dans la peau, les muscles lisses et les vaisseaux. - Type IV ou AB : form de deux chanes B et d'une chane A qu'on retrouve dans les membranes basales et dans le tissu msangial. Dans la corne, les tudes in vitro ont montr que l'on retrouve dans le stroma trois types de collagne : - le type I qui est le plus important, entre 80 et 90 %, - le type II en faible quantit (1 2 %), - le type III en faible quantit (1 2 %). - Type V, environ 10 %. L'examen en microscopie lectronique montre que le type I, et le type III qui suit la mme rpartition, sont surtout localiss l'intrieur des fibrilles, alors que le type V est plutt localis leur surface ; il est d'ailleurs libr le premier en cas de lyse par des pepsines. Il aurait pour rle de limiter la croissance des fibrilles et de les connecter entre elles pour leur permettre de se disposer de faon parallle. Les fibrilles se regroupent pour former des lamelles de collagne qui se disposent paralllement les unes aux autres et paralllement la surface cornenne. On en trouve entre 200 et 250 empiles les unes sur les autres, leur nombre allant croissant du centre vers la

priphrie. L'agencement lamellaire est plus parfait au niveau des deux tiers postrieurs du stroma qu'au niveau du tiers antrieur, et d'autant moins rgulier qu'on se trouve en priphrie. Cette disposition des fibrilles et des lamelles est un des lments essentiels de la transparence cornenne. En cas de pathologie cornenne (dystrophie, brlure), le collagne subit des modifications et devient moins soluble, moins glycosyl ; les fibrilles, quant elles, deviennent plus larges et/ou plus rgulires, rendant la corne opaque. Glycoprotines de structure Autrefois appeles mucopolysaccharides neutres, la principale d'entre elles a t isole en 1963 par Robert et Dische, et appele kratoglycosaminoglycane. Elles sont constitues de polypeptides lis des sucres par une ou plusieurs liaisons covalentes. La nature du sucre permet de les diffrencier ; on retrouve le plus frquemment du D-galactose, du D-uranose, du L-fucose, du D-xylose, du N-actyl-D-glucosamine, du Nactyl-D-galactosamine et de l'acide sialique. Leur rle essentiel est de participer la constitution du squelette du stroma en se liant aux fibrilles de collagne. Elles constituent galement le principal support de la spcificit antignique du stroma. Leur injection des lapins provoque une production d'anticorps. Protines de surface Elles sont de dcouverte rcente. Il s'agit de glycoprotines que l'on a mises en vidence sur les surfaces cellulaires, dans les liquides extracellulaires et dans les matrices des tissus conjonctifs. Il semblerait qu'elles soient impliques dans les phnomnes d'adhsion cellulaire, dans les processus malins, dans la diffrenciation embryonnaire et dans les mcanismes immunitaires. Au niveau de la corne on a mis en vidence deux protines : lamine et fibronectine, qui font actuellement l'objet de multiples recherches. La lamine serait une composante importante dans la structure des membranes basales cornennes, et la fibronectine pourrait tre implique dans les liaisons entre les cellules stromales et le collagne, d'o son rle que nous verrons ultrieurement dans la cicatrisation des blessures cornennes. Protoglycanes Ils sont dnomms aussi glycosaminoglycanes (autrefois mucopolysaccharides acides). Ils reprsentent environ 1 % du poids sec du stroma. Ils sont caractriss par leur contenu : - des squences rptes de disaccharide (qui est le plus frquemment de l'hexosamine), - des peptides,

- des hydrates de carbone. Des tudes fines ont montr que la plus grande partie des glycosaminoglycanes cornens taient des kratanes - sulfates (65 %), le reste tant constitu de chondrotine-sulfate, essentiellement de type chondrotine-4-sulfate. Leur rle est trs probablement double : - Remplir l'espace entre les cellules et le collagne, de faon maintenir l'organisation rgulire des fibrilles, contribuant ainsi au maintien de la transparence et de l'architecture cornennes ; - Intervenir dans les mcanismes de l'hydratation cornenne ; les tudes de Hedbys montrent qu'ils sont responsables de la pression d'imbibition qui provoque l'entre d'eau dans le stroma. Pendant la phase de rparation qui suit une blessure cornenne, on constate que la quantit de kratanes - sulfates se rduit par rapport la quantit de chondrotine-sulfate et que la corne augmente son contenu en eau. Les protoglycanes dans le tissu cicatriciel sont plus larges que dans le tissu normal, ce qui augmente l'espace interfibrillaire et explique la diminution de la transparence. De mme, des tudes rcentes ont montr que les patients porteurs d'une dystrophie cornenne maculaire synthtisent essentiellement de la chondrotine-sulfate normale, mais pas de kratanes - sulfates remplac par un de ses prcurseurs. La relation entre l'existence de protoglycanes anormaux et des opacits cornennes souligne le rle de ceux-ci dans la transparence de la corne. Enzymes Outre le systme enzymatique ncessaire la vie de la cellule, von Brcke et coll. (cit par Larke [11]) et de nombreux autres auteurs ont pu montrer l'extraordinaire richesse de l'pithlium en actylcholine et en enzymes catalysant sa production ; l'actylcholine interviendrait dans la sensibilit cornenne, comme mdiateur au niveau de l'innervation cornenne. Epithlium et endothlium, siges d'une intense vie mtabolique, possdent toutes les enzymes ncessaires la dgradation du glucose. Dans le stroma normal, on retrouve quelques enzymes mitochondriales jouant un rle dans le systme oxydatif, ainsi que des phosphatases alcalines et acides au rle encore mconnu. En pathologie (aprs brlure ou ulcration), on note l'apparition de collagnase, agent lytique du tropocollagne, en provenance des cellules pithliales. Elle ncessite pour tre active la prsence de Ca++ et de Zn++ et peut tre bloque par les agents chlateurs des mtaux, type EDTA calcique ou cystine. On retrouve galement des enzymes en provenance du srum : 2-macroglobuline et 1-antitrypsine qui sont des inhibiteurs de la collagnase. Ions et mtaux

Le stroma est surtout riche en Na+ alors que l'pithlium est riche en K+. Quand on fait la somme des cations prsents dans le stroma, on note qu'ils sont en excs (Na, K+) par rapport au Cl-. Les bicarbonates, quant eux, reprsentent entre 25 et 35 mEq/kg H2O. Le reste des forces anioniques est alors fourni par les glycosaminoglycanes grce leurs groupements SO-- 4. Enfin les fibrilles de collagne et les protines libres se comportent comme des anions afin d'assurer l'quilibre lectrochimique de la corne. Glucose et mtabolites C'est l'pithlium qui apparat le plus riche en glucose et en glycogne. Celui-ci provient pour une faible part de l'oxygne atmosphrique dissous dans les larmes travers l'pithlium cornen, et essentiellement de l'humeur aqueuse de la chambre antrieure. Des tudes chez le lapin, utilisant du glucose radioactif, ont mis en vidence l'existence d'un flux de glucose de l'endothlium vers le stroma. Divers travaux ont pu montrer que la corne entire consomme entre 38 et 90 g/h de glucose dont 40 % pour le seul pithlium. Des vitamines, hydrates de carbone, acides amins empruntent les arcades vasculaires limbiques et atteignent le stroma par diffusion ou, travers l'endothlium, par diffusion ou par transport actif.

Haut de page Proprits physiques et physico-chimiques de la corne Rle mcanique La corne, prolongeant la sclre, joue un rle essentiel dans le maintien de l'armature du globe oculaire. Elle intervient dans la rsistance de l'oeil la pression intra-oculaire et constitue protecteur par rapport aux agents extrieurs. La rsistance cornenne la pression intra-oculaire est trs importante puisqu'on admet gnralement qu'il faut une pression cent fois suprieure la pression oculaire pour entraner une rupture du globe, celle-ci se faisant alors au niveau d'un point faible de la sclre. Par ailleurs, elle est lastique et donc lgrement dpressible, ce qui permet une mesure du tonus oculaire par aplanation. Dans ce rle mcanique il faut rappeler l'intervention importante de la membrane de Descement qui est particulirement lastique et remarquablement rsistante l'action des enzymes protolytiques, cette rsistance lui permettant de demeurer intacte alors qu'pithlium et stroma ont t dtruits [7].

Fonction optique La corne, premier dioptre oculaire, a pour fonction essentielle la rfraction et la transmission de la lumire. On distingue habituellement deux zones dans la corne : - une zone centrale, lgrement dcale en bas et en dedans, d'un diamtre de 4 mm environ, ayant l'aspect d'une calotte sphrique rgulire. C'est au niveau de cette zone que les proprits optiques sont les meilleures ; - une zone priphrique, o l'tude des courbes de niveau par spectrophotogrammtrie montre un aplatissement ; la pente de ces courbes est beaucoup plus abrupte du ct nasal. Proprits optiques La corne assure la transmission, la diffusion, la rflexion et la rfraction de la lumire. Transmission de la lumire L'tude de la transmission de la lumire en fonction de la longueur d'onde se fait avec un spectrophotomtre. Elle montre que la corne transmet les longueurs d'onde comprises entre 300 et 2 500 nm. Nulle au-dessous de 300 nm, la transmission augmente brusquement pour atteindre 80 % 380 nm ; dans le domaine visible, elle s'lve trs lgrement avec la longueur d'onde ; dans l'infrarouge, elle reste leve. Elle est en gnral beaucoup moins affecte par l'oedme stromal que par l'oedme pithlial. Diffusion La quantit de lumire transmise par un fragment de corne excise peut tre mesure par un procd photo-lectrique ; on constate ainsi qu'une corne humaine silico-dessche transmet 88,5 % de la lumire incidente ; la cause principale de la perte de lumire est un phnomne de diffusion. Cependant, celui-ci est faible dans une corne normale, en tout cas bien infrieur ce que voudrait le calcul thorique. Ceci est d la disposition des fibrilles de collagne dans le stroma qui empche que la diffusion se fasse au hasard ; la lumire diffuse est ainsi ramene dans la direction d'incidence. Rflexion On l'tudie le plus souvent grce aux images de Purkinje ; on place une source lumineuse latralement par rapport l'oeil, environ 50 cm. On obtient ainsi une premire image, la plus nette, qui est donne par la face antrieure de la corne. Il s'agit d'une image droite, plus petite que l'objet, situe 6 ou 7 mm en arrire de la corne. La deuxime image qui est donne par la face postrieure de la corne est un peu moins visible, c'est galement une image droite, plus petite que l'objet et situe sensiblement dans le mme plan que la prcdente. La qualit de la rflexion est surtout lie la rgularit de la surface pithliale et la prsence d'un film lacrymal normal.

Rfraction La corne se comporte comme une lentille convergente qui constitue l'lment essentiel du dioptre oculaire. Sa puissance est de 47 dioptries pour la face antrieure et de - 5 dioptries pour la face postrieure, soit une puissance, pour l'ensemble de la corne, de 42 dioptries. L'indice de rfraction du stroma est de 1,377, celui du collagne de 1,55 et celui de la substance fondamentale de 1,34. Transparence cornenne Elle constitue l'lment indispensable au bon fonctionnement de l'oeil en tant qu'instrument d'optique. Elle apparat tardivement au cours de la vie foetale puisqu'elle dbute au quatrime mois pour s'achever au sixime. Les facteurs de la transparence sont multiples et probablement pas encore tous connus. Structure du collagne Sa disposition en fibrilles rgulires, uniformes, parallles les unes aux autres, est certainement l'un des facteurs les plus importants expliquant pourquoi la corne est transparente alors que les autres tissus conjonctifs ne le sont pas. Rle des protoglycanes Ils contribuent maintenir un espace interfibrillaire fixe et jouent galement un rle de tampon lectrostatique entre ces fibrilles. Toute diminution de leur taille aprs dgradation augmente les phnomnes de diffusion et diminue la transparence. On a pu montrer que l'apparition de la transparence pendant l'autogense chez le poulet concidait avec l'apparition de protines de haut poids molculaire et de kratanes - sulfates. Absence de vascularisation Elle serait due au fait que la corne se prsente comme un tissu trop compact pour que les vaisseaux la pntrent. Ceci devient possible en pathologie quand apparat une dsorganisation du rseau fibrillaire. Certains auteurs voquent galement la prsence d'une substance scrte par le stroma et qui imbiberait la croissance vasculaire ; cependant, cette substance n'a encore jamais pu tre isole. Pauvret en cellules du stroma Diffrentes thories ont t proposes pour tenter d'expliquer la transparence cornenne. La plus couramment retenue est celle de Maurice selon laquelle l'arrangement anatomique du stroma serait responsable du maintien de la transparence. En effet les fibrilles, qui sont trs rgulirement disposes et spares par un intervalle toujours identique, se laissent traverser

sans interaction. L'optique ondulatoire montre que, lorsqu'une fente a une dimension infrieure /2, la lumire ne donne pas lieu des phnomnes d'interfrence. En revanche, en cas d'oedme, il apparat une dsorganisation du rseau de fibrilles de collagne, avec apparition de lacunes suffisamment larges pour permettre une interaction avec la lumire visible. Une autre thorie a t propose par Goldman et Benedek, pour lesquels la corne demeure transparente parce que les fibrilles de collagne ont une taille infrieure la longueur d'onde de la lumire ; ainsi la lumire ne subit pas de phnomnes de diffusion comme elle en subirait si elle rencontrait des lments de taille suprieure. A l'appui de cette thorie, ces auteurs mentionnent la corne du requin qui est totalement transparente alors qu'elle est forme d'un rseau de fibrilles totalement dsorganis, dans lequel on ne retrouve aucune situation priodique comme chez l'homme. Rgulation de l'hydratation On peut exprimer de deux faons la quantit d'eau contenue dans la corne : soit en parlant de pourcentage, la corne normale tant forme de 75 80 % d'eau ; soit en parlant d'hydratation stromale (valeur H), qui se dfinit comme le rapport entre le poids d'eau dans le stroma et le poids sec ; cette valeur chez l'homme est de 3,4. L'avantage de l'utilisation de la valeur H est qu'elle est relie de faon linaire l'paisseur de la corne, laquelle est apprciable cliniquement (par la pachymtrie). In vivo, dans des conditions normales, la corne maintient une paisseur constante et demeure transparente ; pour cela elle doit lutter en permanence contre l'imbibition hydrique, on dit qu'elle est en tat de dturgescence. L'action de l'pithlium dans la dturgescence active de la corne est minime, mais sa fonction de pompe rduit l'vaporation et diminue l'absorption des fluides partir des larmes. Toute lsion pithliale et/ou endothliale par des agents chimiques ou physiques induit une augmentation de l'paisseur cornenne. Exprimentalement, chez le lapin, l'ablation de l'pithlium entrane en 24 h une augmentation de la corne de 200 %, l'ablation de l'endothlium induit une augmentation dans le mme temps de 500 %. En clinique, les lsions pithliales se rparent rapidement et l'hyperhydratation stromale n'est que transitoire. Rle du stroma : glycosaminoglycanes Le stroma cornen est plus hydrophile que les autres tissus conjonctifs en raison de la prsence des glycosaminoglycanes qui ont une grande affinit pour l'eau. Les fibrilles de collagne, quant elles, ne sont pas capables de fixer l'eau, mais leur disposition parallle favorise l'expansion des glycosaminoglycanes hyperhydrats, aboutissant la cration de vastes lacunes dpourvues de fibrilles, qui seront l'origine de modifications des capacits optiques ; cette tendance au gonflement du stroma induit une pression stromale de gonflement ( stromal swelling pressure ). Quand celle-ci diminue, il y a augmentation de l'hydratation et de l'paisseur cornennes. Chez l'homme la valeur moyenne de cette pression de

gonflement est de 60 mmHg. In vitro, elle est gale (et de signe contraire) la pression d'imbibition. Enfin, cette tendance au gonflement du stroma se fait toujours dans le sens antro-postrieur et ne modifie en rien le diamtre ou la courbure de la corne. Forces osmotiques L'osmolarit normale du stroma est de 300 mOsm. L'humeur aqueuse et les larmes sont trs lgrement hypertoniques par rapport au stroma, ce qui induit des mouvements d'eau au niveau des faces antrieure et postrieure de la corne, qui contribuent au maintien de la dshydratation relative du stroma. Exprimentalement, on peut provoquer une dshydratation cornenne en perfusant la chambre antrieure avec un solut hypertonique. La quantit d'eau perdue par le stroma est proportionnelle l'hyperosmolarit du liquide de perfusion. Rle de l'endothlium : pompe endothliale La fonction de pompe implique l'existence d'un mcanisme actif. Elle a t initialement souponne sur la simple constatation que la transparence cornenne dpend de la temprature. Ce mcanisme permet le maintien d'un tat de dturgescence (Harris et Nordquist). Le seul refroidissement inhibe le mtabolisme endothlial responsable d'un oedme stromal, toutefois rversible avec une normalisation de la temprature. Depuis les travaux de Leuenberger en 1974, ce mcanisme est sous la dpendance d'une pompe. Cette pompe repose sur des enzymes Na+-K+-ATPase situes dans la membrane plasmatique latrale de l'endothlium. Elle permet les mouvements ioniques du stroma vers l'humeur aqueuse, crant ainsi un gradient osmotique qui aboutit expulser le sodium dans l'humeur aqueuse et librer le K+ (potassium) dans la cellule endothliale. Cette pompe mtabolique active par une ATPase engendrerait un excs de sodium dans l'humeur aqueuse, qui devient hypertonique par rapport au stroma et attirerait ainsi l'eau. Ces pompes Na+K+ sont des tmoins qualitatifs et galement quantitatifs de l'activit cellulaire. Les expriences in vitro menes par Savion sur des cultures de cellules endothliales de bovins montrent qu'il existe une augmentation du nombre des pompes Na+K+ (2,2/166) avec un largissement intercellulaire, et une diminution 0,8/106 de ces mcanismes actifs lorsque les cellules sont confluentes. Cette capacit d'adaptation des pompes Na+K+ au besoin physiologique est galement dmontre par MacCartney qui rvle une densit moins leve de sites actifs sur les cornes humaines dystrophiques. Le mouvement de l'ion Na+ pourrait tre en relation avec celui de l'ion bicarbonate et avec la variation de pH, comme il a t dmontr chez le lapin. Le transport actif est surtout li au mouvement de l'ion bicarbonate, qui est responsable de la polarisation ngative de la face postrieure de la cellule endothliale. Les bicarbonates viennent de l'humeur aqueuse et de la conversion intracellulaire de CO2 et de H2O par anhydrase carbonique. Les mouvements ioniques gnrent une diffrence de potentiel value 500 V entre le milieu intracellulaire et extracellulaire endothlial (Hodson en 1979). Tous ces mcanismes consomment de l'nergie, qui est fournie par le catabolisme du glucose contenu dans l'humeur aqueuse ou partir du glycogne stock dans l'endothlium. A noter que le glucose traverse l'endothlium selon une modalit de transfert facilit, comme l'atteste un passage plus rapide que ne le laisserait supposer la simple diffusion (Hale).

Facteurs mtaboliques Ces pompes ioniques sont sous la dpendance du mtabolisme enzymatique de la cellule endothliale. En l'absence de glucose ou d'oxygne, sous l'effet de poisons tels que l'inhibiteur de la glycolyse (iodo-actate), l'inhibiteur de la chane respiratoire (cyanure), l'inhibiteur NaK-ATPase (ouabane, qui serait un inhibiteur spcifique), et en l'absence de bicarbonate dans une solution d'irrigation, mais en prsence d'inhibiteur de l'anhydrase carbonique endothliale, on assiste une augmentation des ions sodium intracellulaires et des molcules d'eau gnratrices d'oedme. C'est pourquoi le bon fonctionnement des pompes ioniques va de pair avec l'intgrit des membranes qui maintiennent distance les ions Na+ et les molcules d'eau. On doit rapprocher de ces mcanismes actifs, qui dterminent la fonction de pompe, le passage du dioxyde de thorium qui traverse l'endothlium par un mcanisme de pinocytose. Circonstances particulires : rle de la pression oculaire In vivo, la pression oculaire intervient pour maintenir l'quilibre entre les pressions d'imbibition et de gonflement (PI = Pg - PO). On admet en gnral qu'il faut une pression oculaire suprieure ou gale 50 mmHg pour induire un oedme cornen dcelable la lampe fente. Cet oedme est rversible quand la pression revient des valeurs normales aprs traitement mdical ou chirurgical, condition qu'il n'existe pas de lsion endothliale associe. Si la fonction essentielle de la corne est d'assurer, grce sa transparence, la transmission et la rflexion de la lumire, il n'en reste pas moins que sa physiologie et sa physiopathologie, malgr la multiplication des recherches fondamentales et cliniques, restent encore imparfaitement lucides.

Haut de page Nutrition de la corne

La corne totalement avasculaire dans des conditions physiologiques doit assurer son mtabolisme partir des voies d'abord que reprsentent la voie limbique, les voies transpithliale et transendothliale. Voies d'abord Vascularisation limbique Maurice a pu dmontrer qu'elle participe seulement la nutrition de l'extrme priphrie cornenne, et encore de faon trs partielle, pour le transport, par exemple, de la vitamine A en faible quantit au niveau de l'humeur aqueuse.

Voie transpithliale Elle emprunte essentiellement les espaces intercellulaires, et la permabilit pithliale apparat plus grande pour les substances liposolubles. Les cellules superficielles sont, en effet, solidarises les unes aux autres par des zonulae occludentes qui dterminent l'impermabilit de l'pithlium aux substances hydrosolubles, certaines mdications et aux traceurs collodes, tel le rouge ruthnium (30 A de diamtre). Cette permabilit augmente dans deux conditions, en prsence de solutions hypotoniques et lors de l'anoxie induite par le port prolong de lentilles de contact, susceptible d'entraner une rupture des jonctions. La voie trans-pithliale fait intervenir non seulement l'pithlium, mais galement le film lacrymal indissociable. C'est avant tout la voie de pntration de l'oxygne ncessaire au mtabolisme de la corne. De multiples travaux, parmi lesquels ceux de Hill et Fatt, se sont attachs en prciser les modalits. Pour Freeman, la consommation d'oxygne pour la corne totale serait de 9,54 l/cm2/R, l'oxygne provenant de l'oxygne dissous dans le film lacrymal. Voie transendothliale Elle assure le passage des lments partir de l'humeur aqueuse. Le rle de barrire est directement li l'anatomie de la cellule et des espaces intercellulaires. Schmatiquement, il existe deux types de jonctions intercellulaires situes sur les faces latrales des cellules. Jonctions latrales ou gap junctions Elles auraient pour rle la liaison intercellulaire sur le plan lectrique et ionique. Elles n'auraient aucun rle de barrire et leur participation dans la permabilit endothliale serait discute. Jonctions apicales de type occludens L'utilisation de traceurs tels que le ruthnium et les mthodes de cryodcapage ont dmontr que ces jonctions ne formaient pas une ceinture complte autour de la cellule, contrairement ce qui se passe au niveau de l'pithlium. Ce sont des maculae occludentes ou focal high junctions qui possderaient un rle discriminatif sur la pntration intercellulaire de petites molcules en provenance de l'humeur aqueuse. Mcanisme passif La fonction de barrire est dvolue aux jonctions intercellulaires qui rgulent le passage des substances de l'humeur aqueuse vers le stroma. Ces espaces sont les lments principaux d'un

mcanisme passif pour lequel deux processus physiques interviennent : la diffusion et la solubilit de phase [11]. Diffusion Cette diffusion maintient une stabilit des concentrations dans la corne. Le petit diamtre des espaces intercellulaires autorise une permabilit slective. Le passage d'une substance se fait d'autant plus facilement que le poids molculaire est faible, et que son diamtre est infrieur la largeur de l'espace intercellulaire. Cette loi rgit le passage, par exemple, de la peroxydase qui contourne ces jonctions. La permabilit identique de l'endothlium vis--vis des anions et des cations a fait voquer Maurice et coll. l'hypothse d'un passage travers les espaces intercellulaires. Ce passage plus rapide pour les anions que pour les cations fait suspecter l'existence de charge lectrique sur les membranes latrales. Solubilit de phase Pour des corps de natures chimiques diverses un facteur plus important que la dimension molculaire intervient, c'est leur solubilit. Par opposition au stroma qui reprsente la couche hydrique, l'endothlium et l'pithlium constituent la phase lipidique. L'endothlium riche en phospholipides est permable aux substances liposolubles et pratiquement impermable aux ions. Donc, pour traverser facilement la corne, une substance doit tre la fois lipo- et hydrosoluble ; c'est le cas des gaz : oxygne et gaz carbonique. Deux autres facteurs interviennent dans la solubilit d'une substance travers la corne. - Son tat de dissociation, qui est lui-mme fonction du pH. - Les bases faibles se dissocient quand le pH baisse, donc leur solubilit travers l'endothlium diminue, c'est l'inverse pour les acides faibles. La pntration des collyres au niveau de l'humeur aqueuse s'explique par un passage pithlial et endothlial sous forme non ionise et une traverse stromale sous forme ionique. - L'influence de la structure molculaire d'une substance sur sa solubilit. - L'eau reste le plus souvent sous une forme polaire, et contient des groupes capables de former des liaisons hydrogne. L'existence de ple hydrophile dans l'endothlium favorise le passage de l'eau, qui est li la pompe sodium. Mcanisme actif

Il intervient dans la nutrition cornenne. L'existence de ce mcanisme implique une consommation d'nergie pour permettre le passage de certains mtabolites contre des forces osmotiques. Il rgit essentiellement le passage transendothlial de l'eau qui est combin celui du sodium et du bicarbonate (cf. tat de dturgescence : fonction optique). Ce mcanisme assure galement le transfert du glucose de l'humeur aqueuse vers le stroma, alimentant la source nergtique principale de l'activit mtabolique de la corne. La barrire endothliale peut tre altre De nombreux mtabolites peuvent altrer les jonctions intercellulaires, et donc leur fonction de barrire. Absence de calcium Elle diminue leur cohrence et augmente l'oedme de corne. Glutathion intracellulaire Le glutathion est un antioxydant qui participe au mtabolisme protique. Le catabolisme du glutathion intracellulaire par le glutathion peroxydase permet d'liminer les hydroperoxydases lipidiques dont l'excs altre la permabilit endothliale. Pour comprendre son action, il est important de rappeler que la couche des cellules endothliales est compose d'acides gras polyinsaturs qui leur confrent des proprits physico-chimiques particulires. Il peut se produire son niveau une auto-oxydation lipidique engendrant la formation d'hydroperoxydes lipidiques. L'action de ces composants toxiques est favorise par les actions de la lumire en prsence d'oxygne. Le glutathion interviendrait galement dans le fonctionnement de l'enzyme Na-K-ATPase qui commande les pompes ioniques. Le pH des collyres et des conservateurs utiliss (thimsoral, chloride de benzalkonium, bisulfate de sodium) doit tre infrieur 6,8 ou suprieur 8,2 pour ne pas lser la barrire endothliale. En conclusion, l'altration de la permabilit de l'endothlium par certaines substances s'oppose une diminution physiologique de cette fonction avec l'ge. La fluorophotomtrie [3] est l'examen qui permet l'heure actuelle, aprs administration de fluorescine par voie veineuse, par voie orale ou par ionophorse, d'valuer au mieux l'tude in vivo de la permabilit endothliale et de ses perturbations.

Etude analytique Glucose et glycogne La dgradation du glucose et le glycogne reprsentent la principale source d'nergie, indispensable la vie mtabolique de tout tissu. L'origine du glucose provient essentiellement de l'humeur aqueuse aprs transfert actif travers l'endothlium. Seulement 10 % du glucose sont apports par la voie limbique et les larmes. Mtabolisme pithlial En dehors du glucose libre, l'pithlium possde un stock important de glycogne susceptible d'tre rapidement mobilis dans certaines conditions d'anoxie par exemple. Les trois voies de la glycolyse, la glycolyse anarobie, le cycle de Krebs, la voie des hexoses monophosphates sont prsentes. On retrouve galement une voie du sorbitol en cas d'excs du glucose. Le sorbitol ne franchit pas les barrires cellulaires, son accumulation intracellulaire est dangereuse pour la cellule par modification de l'osmolarit. Ce mcanisme pourrait expliquer l'hypo-esthsie cornenne du diabtique. Mtabolisme endothlial Le transfert transendothlial du glucose est plus qu'une simple diffusion et fait appel un mcanisme actif. Le taux de glucose est un peu infrieur au taux sanguin et la consommation de la corne est de l'ordre de 28 g/h. Les dveloppements techniques importants de rsonance magntique nuclaire et de fluorophotomtrie montrent que le mtabolisme du glucose est moindre qu'au niveau pithlial ; les enzymes de la glycolyse sont prsentes, mais un niveau nettement infrieur, ce qui permettra de trouver l une explication de la perte des possibilits de rgnration endothliale de la corne humaine. L'oxygne est ncessaire la vie de la corne. Il est connu depuis longtemps qu'une corne excise et place dans un milieu dpourvu d'oxygne gonfle et devient opaque ; la mme corne, en prsence d'oxygne, reste claire. L'origine de l'oxygne provient de l'oxygne atmosphrique dissous dans les larmes, l'oeil tant ouvert. En cas de fermeture des paupires l'oxygne diffuse partir des vaisseaux conjonctivaux. Au niveau de l'endothlium une partie de l'oxygne provient de l'humeur aqueuse, mais des modifications endothliales rversibles, proportionnelles au gonflement cornen, ont pu tre obtenues en annulant la pression d'oxygne atmosphrique la face antrieure de la corne, dmontrant que l'endothlium serait sensible aux variations de la pression d'oxygne atmosphrique. La premire mesure de concentration d'oxygne ralise in vivo a t effectue en 1963 par Hill et Fatt. Dans des conditions physiologiques la perte d'oxygne est de 155 mmHg l'oeil ouvert, 55 mmHg l'oeil ferm et cette perte apparat suffisante pour faire face la demande pithliale en oxygne.

Le port de lentilles de contact interfre grandement dans la concentration en oxygne de la corne. Panish et Laike, cits par O'Leary [11], rapportent une diminution de 20 % aprs 16 semaines de port de lentilles. Ces rsultats justifient l'importance et le nombre de travaux visant apporter des matriaux de plus en plus permables l'oxygne. La chirurgie cornenne induit galement des variations au niveau de la concentration cornenne. Ainsi, l'abaissement induit par une kratoplastie serait suprieur celui not lors de la chirurgie de la cataracte. Acides amins et protines Au niveau pithlial, le turn-over rapide de l'pithlium ncessite des quantits importantes d'acides amins apports par l'humeur aqueuse. La quantit d'acides amins dans les larmes est faible et l'pithlium est impermable aux acides amins du ct des larmes. La synthse des protines est identique celle de toute autre partie du corps. Au niveau endothlial, les acides amins sont utiliss pour la synthse protinique de l'endothlium. Application pratique Cette tude physiologique conduit une meilleure slection des drogues et des solutions d'irrigation intra-oculaire. La solution idale n'existe pas, mais elle doit possder certaines particularits fondamentales : - respect du pH de l'humeur aqueuse et de son osmolarit (300 mOsm) ; - prsence indispensable de certains lments des concentrations dtermines : - acides amins, - glutathion rduit, - certains ions (Na, K, Ca, Mg, Cl, bicarbonates, phosphates). Haut de page Croissance et rparation tissulaire Epithlium Il assure de faon continue son renouvellement partir des cellules basales et des cellules de la couche adjacente, et par desquamation des cellules superficielles dans les larmes. Le renouvellement total de l'pithlium s'effectue en sept jours. Les abrasions pithliales sont rapidement combles. Aprs une rtraction des berges de la plaie, les processus de migration des cellules actives dbutent 4 h aprs. Si la membrane basale est prsente, l'pithlium rgnr se fixe en quelques jours, et l'pithlium apparat morphologiquement et fonctionnellement normal. Les kratotomies ou tout traumatisme dtruisant la membrane basale induisent un ralentissement de la rgnration pithliale et de son adhrence, en

relation avec la ncessit de rparation de la membrane basale. Celle-ci joue donc un rle capital dans la cicatrisation pithliale en permettant une meilleure migration cellulaire, et ceci plus rapidement. La gurison s'appuie sur trois mcanismes bien tudis par les cultures cellulaires in vitro : - la migration cellulaire, - la division cellulaire, - l'adhrence sur les plans sous-jacents. Ainsi les travaux de Jumblatt et Neufeld [13] observent que la migration des cellules est inhibe par les agents qui augmentent l'AMP cyclique, non affecte par le facteur pidermique de croissance ou le 5-fluoro-uracile. Gipson et coll. tudient l'adhsion cellulaire et l'influence pharmacologique de divers facteurs. Parmi ceux-ci: - les nuclotides cycliques, pour lesquels aucun rsultat ne semble concluant en ce qui concerne l'administration locale d'AMP ou de GMP cyclique, des taux levs d'AMP cyclique paraissant freiner la migration cellulaire ; - le facteur de croissance pidermique, qui induit une prolifration de l'pithlium cornen embryonnaire sur culture d'organe et acclre le surfaage cornen chez l'animal adulte. Les rsultats cliniques concernant la rpithlialisation aprs kratoplasties perforantes ou dfects tendus ne semblent pas pour l'instant positifs ; - la fibronectine, glycoprotine implique dans le maintien de la cohsion cellulaire et de l'adhrence cellules-substance fondamentale. Dans toute blessure cornenne la fibronectine est prsente au niveau de la coule pithliale, de la surface stromale si le stroma est dpourvu d'pithlium au niveau de l'endothlium. Il existe trois origines possibles de la fibronectine au niveau cornen : - la vascularisation limbique, - les larmes, - les cellules pithliales, kratocytes et cellules endothliales capables de synthtiser la fibronectine. Stroma Le stroma se renouvelle trs lentement en ce qui concerne les kratocytes, un peu plus rapidement en ce qui concerne les protoglycanes. Une blessure (accidentelle ou iatrogne comme une incision chirurgicale) d'une ou plusieurs couches de la corne entrane une augmentation de l'hydratation stromale et une perte de la transparence. Donc, une rparation rapide et approprie est ncessaire pour viter la formation de cicatrices ou d'opacits squellaires. La cicatrisation au niveau du stroma est plus lente qu'au niveau des autres couches de la corne ; on la divise habituellement en trois phases. - Rsorption des tissus lss par le traumatisme, par les phagocytes et par la collagnase. - Synthse de collagne par les fibroblastes qui envahissent la plaie ds les premires heures suivant le traumatisme. Ils ont une double origine : les premiers apparatre, peu nombreux, proviennent de la transformation des kratocytes ; les autres fibroblastes ont pour origine la migration des monocytes partir des vaisseaux du limbe et leur transformation. Cette phase cellulaire ncessite la prsence de l'pithlium.

- Organisation du tissu conjonctif, avec biosynthse importante de glycoprotines et de collagne, et fibrillogense beaucoup plus lente, processus dans lequel interviendraient les collagnases, enzymes spcifiques induisant la cassure de la molcule hlicodale de collagne, celle-ci pouvant alors tre dtruite par d'autres protases inactives sur la molcule entire. Isoles partir de cornes brles, inactives chimiquement et thermiquement, sous formes actives elles semblent produites par l'pithlium, les polynuclaires et les kratocytes. - Rcemment Berman et coll. [15] ont propos un schma intressant pour la comprhension de la physiopathologie des ulcrations (fig. 1). Le plasminogne serait scrt par les cellules adjacentes la lsion pithliale tranante ; il serait transform en plasmine qui va : - venir dgrader la matrice sous-jacente fibrine-fibronectine et les composantes de la membrane basale ; - activer la collagnase latente ; - gnrer des facteurs chimiotactiques pour les polynuclaires. L'activateur du plasminogne serait scrt de faon permanente par les cellules pithliales bordant l'ulcration, et transforme le plasminogne prsent au niveau de la matrice fibronectine-fibrine en plasmine. Cette dernire dgrade alors la matrice fibronectine-fibrine ainsi que les composants de la membrane basale de l'pthlium. Elle intervient galement en activant la collagnase et en gnrant des facteurs chimiotactiques pour les polynuclaires. L'activateur de plasminogne lui-mme est angiognique et rsulte de l'apparition d'antiprotases dans le stroma. Endothlium humain Il est gnralement considr comme un tissu dnu de possibilit de rplication, subissant une dperdition progressive lors du vieillissement. Pour compenser cette rarfaction cellulaire endothliale, plusieurs mcanismes sont proposs dont certains ont t vrifis et admis. Les nouveaux travaux essaient de montrer la ralit d'une activit mitotique et le rle du facteur de croissance. Au cours du vieillissement de l'endothlium Toutes les tudes concluent une diminution de densit cellulaire qui se fait par paliers de faon non linaire. Chez l'adulte jeune, on trouve 4 000 cellules/mm2. Chez la personne ge, les chiffres compris entre 1 500 et 2 500 cellules/mm2 sont habituels. Cette perte physiologique permanente se stabiliserait entre 40 et 45 ans pour s'acclrer lors d'un traumatisme. La rarfaction des cellules endothliales s'accompagne d'un talement et de la migration des cellules viables qui comblent les espaces laisss par les cellules mortes.

De ce mode de rparation dcoule l'apparition d'une anisocytose avec l'existence de grandes cellules (5 fois la taille normale), diplodes, voire polyplodes. Une augmentation de la synthse d'ADN nuclaire apparat de faon concomitante l'agrandissement cellulaire. Pour Waring [20] la densit cellulaire n'est pas strictement corrle la fonction endothliale puisqu'une augmentation de la taille compense la perte subie et conserve les capacits physiologiques du tissu. Il n'existe pas de strict paralllisme entre la densit cellulaire et la qualit de la fonction endothliale. La surface de l'endothlium est alors l'aspect le plus important pour dterminer le pronostic endothlial. Toutefois, 500 cellules/mm2 constituent un cap au-dessous duquel l'apparition d'un oedme cornen est trs probable. Au cours de la cicatrisation On reconnat trois mcanismes pouvant participer la rparation endothliale. Migration cellulaire Ce mcanisme est certainement le plus important. Il fait appel aux proprits fibroblastiques de transformation qui confrent la cellule une capacit de migration importante. Elle dbute partir des cellules voisines de la lsion, qui augmentent de taille, se dforment et s'allongent en direction du dfect. Le dplacement cellulaire a t prouv en culture. La migration cesserait lorsque tout le dfect serait recouvert. Si l'agression n'est pas trs importante la cellule fibroblastique peut retrouver l'aspect et les fonctions d'une cellule endothliale normale. Coalescence des cellules lses et division cellulaire amitotique Ce mcanisme aboutit la formation de cellules de grandes tailles, multinucles. Elles rsulteraient d'une fusion des cellules lses, soit d'une division nuclaire sans formation de fuseau, ni division cytoplasmique. Mitose Si son existence n'est nullement discute chez l'animal (lapin, chat, primate), la mise en vidence de ce mcanisme au niveau de l'endothlium cornen humain est difficile. On a dmontr les capacits mitotiques de l'endothlium cornen humain in vitro. Les travaux de Treffers en 1982 sur des cultures cellulaires avec incorporation de thymidine tritie l'attestent. L'examen de cette activit in vivo est beaucoup plus dlicat.

En 1984 Laine [10] a mis en vidence sur un greffon cornen, suivi plusieurs mois aprs par une raction de rejet, des aspects cellulaires correspondant aux diffrentes phases de la mitose cellulaire, et notamment des cellules binucles, puis des petites cellules groupes. En 1986, Singh [19] a dcrit in vivo, avec l'aide du microscope contraste de phase inverse, et de colorations vitales, des plages de petites cellules groupes d'apparition rcente diffrents stades mitotiques. Toutefois, cette division cellulaire reste insuffisante pour compenser la perte endothliale physiologique et traumatique, expliquant que l'on considre l'endothlium cornen humain dpourvu d'activit prolifrative. Rsultats des mcanismes de cicatrisation La cicatrisation cornenne fait donc appel diffrents mcanismes de rparation pour assurer le maintien d'une continuit anatomique. On notera plus particulirement la synthse par les fibroblastes d'une couche de collagne postrieure adjacente la membrane de Descemet. Ce collagne synthtis est le plus souvent de type IV, mais les cellules peuvent produire des fibres de type I. Selon l'agencement histologique, on dcrit trois types morphologiques (bandes, fibrillaires, fibrocellulaires). Pour Singh [19], les cellules multinucles obtenues aprs coalescence ou division cellulaire amitotique possderaient une hyperactivit mtabolique qui pourrait tre un facteur dclenchant de la mitose cellulaire. Il en rsulterait l'apparition de cellules de tailles normales aux capacits mtaboliques normales. Facteurs de croissance La cicatrisation cornenne est donc caractrise par une importante dgnrescence fibroblastique et par une possible activit mitotique. Ce mcanisme de rparation est la base des recherches sur l'individualisation et le rle des facteurs de croissance. Parmi les trois facteurs qui ont t dtermins : msodermique, fibroblastique et pidermique, seul le facteur pidermique (FCE) est reconnu pour sa distribution ubiquitaire et par la prsence de rcepteurs sur les membranes plasmiques de l'endothlium. La prsence de rcepteur spcifique est un argument supplmentaire pour cautionner une capacit mitotique des cellules endothliales, comme il a t dmontr in vivo et in vitro. Couch et coll.[2]

ont montr que le FCE stimule in vitro les cellules endothliales humaines.

Les expriences menes in vitro sur des cornes de lapin par Neufeld [13] montrent que la synthse de prostaglandines E2 est ncessaire pour maintenir la forme polygonale des cellules endothliales. Le facteur de croissance pidermique, en augmentant la synthse des mtabolites de l'acide arachidonique, favoriserait l'longation cellulaire. L'apport dans le milieu de culture d'un inhibiteur de la cyclo-oxygnase diminuerait l'effet des prostaglandines et faciliterait le groupement en toile des cellules. Ces auteurs avancent l'hypothse qu'il existe lors d'une blessure une diminution de la synthse des prostaglandines E2 et une augmentation de la formation du facteur de croissance.

Ces expriences ralises in vitro laissent apparatre le rle important du facteur de croissance au niveau endothlial et permettent d'esprer leur utilisation thrapeutique in vivo.

Haut de page Innervation Fonction neurosensorielle Innervation sensitive La corne reoit une riche innervation sensitive partir des nerfs ciliaires de la branche ophtalmique du trijumeau. Les rameaux nerveux pntrent la corne au limbe, pour former un plexus particulirement dvelopp au niveau du stroma antrieur d'o partent des prolongements intra-pithliaux. La densit des terminaisons sensitives a t rcemment quantifie chez le lapin : 6 000/mm3 selon les travaux de Rozsa et Beuerman, valeur sans aucune comparaison avec celle des autres tissus. La sensibilit est maximale dans la zone centrale cornenne et diminue graduellement jusqu'au limbe. La section exprimentale de la branche ophtalmique du trijumeau induit une perte totale de la sensibilit cornenne, situation reproduite en clinique par la kratite neuroparalytique. Cette dnervation sensitive induit galement une rduction de l'paisseur pithliale, une permabilit accrue la fluorescine, une cicatrisation retarde en cas d'ulcration par blocage de l'activit mitotique, et une diminution de la concentration en oxygne, dmontrant ainsi le rle de l'innervation cornenne sur la trophicit des cellules. Les rcepteurs sensitifs cornens diffrent des corpuscules retrouvs au niveau de la peau, et seules des terminaisons libres ont t dmontres. Celles-ci vont vhiculer la sensibilit douloureuse et la sensibilit au contact, bien tudies par des esthsiomtres de plus en plus performants, mis au point depuis le premier esthsiomtre prsent par von Frey en 1894. Il n'existe en revanche aucune sensibilit thermique cornenne au chaud et au froid ; les sensations thermiques tirent leur origine de la conjonctive et des thermorcepteurs iriens. La sensibilit cornenne donne naissance toute une srie de rflexes, les uns locaux, les autres distance. Rflexe corno-palpbral C'est un ensemble de ractions induites par la moindre excitation de la corne, et dont la traduction est toujours la mme : blpharospasme, larmoiement, hyperhmie conjonctivale et myosis. La branche ophtalmique du trijumeau et le trijumeau constituent la voie affrente, le facial la voie effrente de cet arc rflexe.

Rflexes distance Expliqus par les rapports du V son origine, il s'agit de rflexes d'importance secondaire, s'exprimant plus volontiers chez un sujet motif : - rflexe de dglutition, lors de l'instillation d'un collyre, - rflexe mandibulaire ou ptrygodien de dduction du maxillaire infrieur, - rflexe respiratoire pouvant provoquer une apne, - rflexe d'ternuement habituel chez le lapin, - rflexe oculo-cardiaque. Innervation sympathique L'existence d'une innervation sympathique de la corne a fait l'objet de nombreux travaux. La section du sympathique cervical n'entranerait aucune dgnrescence nerveuse de la corne. Des tudes rcentes (Tervo et coll.), grce des techniques de fluorescence, ont cependant confirm l'existence de fibres sympathiques chez le lapin et le rat, rsultat galement dmontr au niveau de la corne humaine. Par ailleurs, il existe au niveau cellulaire pithlial des taux levs d'actylcholine, de choline actylase et de cholinestrase. Ils existent dans les cultures cellulaires et leur prsence persiste en cas de section du V. Parmi les rcepteurs cholinergiques, seuls les rcepteurs muscariniques ont t retrouvs, le rle exact du systme cholinergique restant l'heure actuelle l'tat d'hypothses. Les rcepteurs -adrnergiques sont prsents la surface cellulaire, ils sont susceptibles d'induire par l'intermdiaire de l'adnylcyclase la formation d'AMP cyclique, qui intervient au niveau de la rponse biochimique de la cellule. Il s'agit l d'une voie de recherche fondamentale si l'on considre l'importance prise par les -bloquants dans la thrapeutique des glaucomes, deuximement, en raison de l'action des activateurs des rcepteurs adrnergiques (srotonine, dopamine) sur les phnomnes de transport transpithliaux.

Haut de page Corne et immunologie

La corne normale se caractrise avant tout par l'absence de dfenses immunitaires actives, la rponse une agression s'effectuant la priphrie cornenne, au niveau du limbe. Cet tat peut cependant tre modifi chaque fois qu'apparat une vascularisation, comme le montrent les modles exprimentaux de kratite herptique s'accompagnant de novaisseaux ou d'allogreffes sur cornes vascularises. De mme, les cornes vascularises dveloppent un systme lymphatique. L'pithlium apparat relativement antignique. Les cellules malpighiennes sont porteuses d'antignes HLA de classe I ; les cellules de Langerhans en faible quantit, essentiellement au

niveau du limbe et de la priphrie cornenne, ainsi que quelques lymphocytes, sont porteurs d'antigne HLA de classe II. Les kratocytes du stroma sont porteurs d'antignes HLA de classe I. La complexit de structure du stroma rend difficile sa pntration par des immunoglobulines, particulirement pour les IgM, et un antigne inject au centre de la corne va y demeurer longtemps. L'endothlium ne possde pas normalement d'lments immunitaires, qui sont apports en pathologie par l'humeur aqueuse partir de l'uve antrieure, expliquant la simultanit frquente des atteintes cornennes et uvales. Il parat galement susceptible en cas d'uvite, ainsi qu'en prsence de facteurs de l'inflammation, d'exprimer l'antigne de classe II. Les antignes d'histocompatibilit de classe I sont donc prsents au niveau des trois couches cornennes et vont pouvoir tre le cible des lymphocytes cytotoxiques au cours de la kratoplastie par exemple. De nombreuses questions restent encore sans rponse : il en est ainsi du site d'interaction entre l'antigne du greffon et les cellules sensibilises l'antigne (fig. 1). La rponse immunitaire un antigne intra-oculaire ncessite en effet son passage pralable dans la circulation gnrale et se fera donc toujours distance de l'oeil, l'apparition de vaisseaux lymphatiques au niveau des cornes vascularises facilitera ce passage. La raction immunitaire aprs greffe entre individus non histocompatibles se dveloppe frquemment, mme si elle est attnue, et peut alors compromettre la transparence du greffon. La vascularisation de la corne receveuse, le grand diamtre des greffes qui se rapprochent du limbe, la bilatralit et la rptition de celles-l augmentent l'importance de la raction immunitaire. Le typage HLA serait donc souhaitable lors des kratoplasties, mais il ne peut tre effectu l'heure actuelle de faon pratique.

1990 ditions Scientifiques et Mdicales Elsevier SAS - Tous droits rservs. EMC est une marque des ditions Scientifiques et Mdicales Elsevier SAS.