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Défenseur des enfants et de la jeunesse, Province du Nouveau-Brunswick Défenseur des enfants et de la jeunesse, Province du Nouveau-Brunswick PLUS D’AIDE, MOINS DE POURSUITES REDUIRE L’ENTREE DES JEUNES AU SYSTEME DE JUSTICE CRIMINELLE

Plus d'Aide Moins de Poursuites

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Plus d'Aide Moins de Poursuites, le rapport du défenseur des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick.

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  • Dfenseur des enfants et de la jeunesse, Province du Nouveau-Brunswick

    Dfenseur des enfants et de la jeunesse, Province du Nouveau-Brunswick

    PLUS DAIDE, MOINS DE POURSUITES

    REDUIRE LENTREE DES JEUNES AU SYSTEME DE JUSTICE CRIMINELLE

  • Dfenseur des enfants et de la jeunesse, Province du Nouveau-Brunswick

    Dfenseur des enfants et de la jeunesse, Province du Nouveau-Brunswick

    Plus daide, moins de poursuites

    Norman J. Boss, C.R., Dfenseur des enfants et de la jeunesse

    quipe de lenqute

    Enquteur et rdacteur principal : Gavin Kotze, Directeur des enqutes systmiques

    Gestionaire de projet et co-rdacteur : Christian Whalen, Dfenseur adjoint et Conseiller juridique principal

    Rviseure en chef : Annette Bourque, Directrice clinique

    Remerciements

    Nous tenons remercier les rviseurs externes gouvernementaux des ministres de la Scurit publique, du Dveloppement social, de la Sant, de lquipe de prestation de services intgr log au ministre de l'ducation et du Dveloppement de la petite enfance, ainsi que ceux du ministre de la Justice et du Bureau du procureur gnral. Nous tenons remercier galement les membres de la magistrature et du Barreau du Nouveau-Brunswick qui ont fourni leur rtroaction. Enfin, nous tenons remercier tout particulirement nos rviseurs chercheurs, la Dr Susan Reid et le Dr Michael Boudreau.

    Publi par :

    Bureau du Dfenseur des enfants et de la jeunesse Province du Nouveau-Brunswick Case Postale 6000 Fredericton, NB E3B 5H1 Canada

    Comment citer ce document :

    Bureau du Dfenseur des enfants et de la jeunesse, Plus daide, moins de poursuites : Rduire lentre des jeunes au systme de justice criminelle, Juillet, 2015.

    ISBN 978-1-4605-0833-6

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    Ashley Smith.

    ceux qui attendent toujours notre aide.

    tous ceux qui travaillent darrache-pied pour transformer la vie de nos enfants et de nos adolescents.

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    Table des matires

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    Rsum du rapport

    Avant-propos

    Introduction

    Chapitre I Ladministration de la justice pnale pour les adolescents au Nouveau-Brunswick aujourdhui

    Partie 1. Rappel historique du systme de justice pour les adolescents au Nouveau-Brunswick

    Partie 2a. Bilan du Nouveau-Brunswick en matire de justice pour les adolescents

    Chapitre II Mettre pleinement en application la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents (crer un systme de justice centr sur les adolescents)

    Partie 1. Accrotre les facteurs de protection et soustraire les adolescents au systme de justice pnale

    i. Les adolescents sont particulirement vulnrables ii. Dobjets personnes : reconnatre les droits des jeunes iii. Mesures extrajudiciaires

    Partie 2. Moyens plus intensifs de djudiciarisation (programmes de sanctions extrajudiciaires)

    Partie 3. Rester dans la collectivit : les comits de justice pour la jeunesse

    Partie 4. Trouver des solutions ensemble : les groupes consultatifs

    Partie 5. Vrification pralable par la poursuite : examen par la Couronne des accusations portes contre des adolescents

    Partie 6. Aide en sant mentale pour les adolescents risque

    i. Incarcration des adolescents ayant des problmes de sant mentale ii. Garder les jeunes dans leur collectivit et en dehors dun tablissement de milieu ferm. iii. Adolescents inaptes subir leur procs et adolescents non responsables criminellement

    Partie 7. Un systme judiciaire centr sur les adolescents

    i. Des avocats efficaces dans le systme de justice pnale pour les adolescents : les avocats de service

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    ii. Des dlgus la jeunesse au Tribunal pour adolescents iii. Des avocats efficaces dans le systme de justice pnale pour les adolescents : les

    procureurs de la Couronne iv. Des avocats efficaces dans le systme de justice pnale pour les adolescents : les avocats

    de la dfense des cabinets privs v. Les services daide juridique

    Partie 8. Lincarcration

    i. Les dangers dun recours excessif lincarcration ii. Lincarcration commune des jeunes et des adultes

    Partie 9. Placement sous garde thrapeutique : radaptation et rinsertion sociale

    i. Services de probation ii. La garde en milieu ouvert

    Chapitre III Crer un systme global

    Partie 1. Des processus qui respectent les droits des adolescents dans tous les secteurs du gouvernement qui leur dispensent des services

    i. Les droits de la personne des adolescents Mettre en application la Convention de lONU relative aux droits de lenfant au Nouveau-Brunswick

    ii. Limportance de recueillir, danalyser et de diffuser les donnes iii. Les valuations de limpact sur les droits des enfants

    Chapitre IV Ficeler le tout

    i. Les coles ii. La prestation des services intgrs iii. Lobligation denseigner leurs droits aux jeunes

    Chapitre V Conclusion

    Chapitre VI Recommandations

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    RSUM DU RAPPORT

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    Renseignements gnraux

    La proportion de jeunes accuss dune infraction criminelle au Nouveau-Brunswick na cess de diminuer depuis qua t promulgue, en 2002, la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Pourtant, une dcennie plus tard, il y avait toujours dans notre province autant de jeunes envoys en dtention prventive ou sous garde en milieu ferm. Beaucoup trop souvent, ce sont les plus vulnrables qui se retrouvent coincs dans le systme : des jeunes aux prises avec des problmes de sant mentale ou des problmes de toxicomanie, des jeunes qui ont t victimes de violence et de ngligence, des jeunes sans-abris, des jeunes ayant un handicap intellectuel, ou encore des jeunes qui proviennent de groupes marginaliss ou minoritaires.

    Or, ces dernires annes, le Nouveau-Brunswick a fait de rels progrs dans le dossier de la justice pnale pour les jeunes, et on ne peut que sen rjouir. La GRC et ses prposs des programmes communautaires, de mme que les corps policiers municipaux, ont ouvert la voie en choisissant de plus en plus de soustraire les jeunes aux procdures judiciaires pour les orienter vers les ressources les plus mme de les loigner de la criminalit. De nombreux intervenants sont toutefois ncessaires pour lutter contre la criminalit juvnile, et il faut un systme qui est conu pour rpondre aux besoins dveloppementaux des jeunes.

    Tout rcemment, dans le cadre de sa stratgie de prvention et de rduction de la criminalit, le gouvernement provincial a produit, de concert avec les services de police et des membres de la socit civile, un modle de djudiciarisation des jeunes qui cible quelques-unes des causes premires de la criminalit juvnile. Le modle sinscrit dans une nouvelle dmarche fonde sur des donnes probantes qui privilgie les droit de lenfant : cette solution nest pas seulement la plus simple, cest aussi celle qui donne les meilleurs rsultats. Si linitiative mrite dtre souligne et est porteuse despoir, nous devons nous rappeler quelle marque seulement le dbut dun virage ncessaire.

    Il reste encore beaucoup faire pour loigner les jeunes de la criminalit. Les taux de dtention prventive et de placement sous garde en milieu ferm sont encore excessivement levs. Les admissions dans les services correctionnels pour les jeunes en gnral au Nouveau-Brunswick demeurent plus leves par personne que dans les autres provinces. Les mesures doivent tre proportionnelles la gravit du crime. . La dure de la peine doit tre la plus courte possible. Les peines purger dans la collectivit devraient tre la voie habituelle. Lincarcration doit tre utilise en dernier recours et devrait normalement tre rserve aux personnes qui commettent une infraction grave avec violence. Seulement dans les cas les plus graves devrait-on placer les jeunes contrevenants en dtention prventive dans un tablissement de garde ferme. Si le Nouveau-Brunswick peut adopter une approche axe sur la dfense des droits de lenfant dans tous les domaines concernant les enfants et les adolescents, nous pouvons faire figure de prcurseurs en donnant aux enfants les moyens de grer leurs motions, leurs penses et leurs actions de manire constructive. Cest ce prix que nous russirons loigner les jeunes du systme de justice pnale. Le rapport Plus daide, moins de poursuites esquisse les grandes lignes

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    du systme de justice pnale pour adolescents au Nouveau-Brunswick, et apporte un clairage sur quelques-unes des failles les plus apparentes du systme. Les recommandations des auteurs visent complter la stratgie provinciale de prvention et de rduction de la criminalit, et suggrer des amliorations ncessaires au systme de justice pnale pour les adolescents.

    Mesures extrajudiciaires

    Les enfants et les adolescents sont encore construire leur personnalit et comprendre les normes sociales. Ils sont beaucoup plus enclins que les adultes faire preuve dimpulsivit et dmontrer de lindiffrence par rapport aux consquences de leurs actes. Leur dveloppement nest pas encore arriv maturit et leur capacit porter un jugement moral est moindre que chez les adultes, ce qui a amen la Cour suprme du Canada reconnatre la prsomption de culpabilit moindre des adolescents. La Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents sappuie sur des recherches exhaustives visant dterminer les meilleurs moyens doffrir aux jeunes les mesures de soutien et les ressources ncessaires pour les carter du systme de justice pnale.

    Il y aura toujours certains jeunes qui auront des dmls avec la justice, mais gnralement leurs dlits sont mineurs. La grande majorit des crimes commis par des jeunes sont des infractions mineures, sans violence. Il est impratif que la socit sattaque aux cause sous-jacentes du comportement dlictueux. Pour loigner les jeunes de la criminalit, le systme doit rpondre leurs besoins thrapeutiques, sociaux, ducatifs et professionnels.

    Comme socit, nous voulons nous protger contre les actes criminels en prenant tous les moyens possibles pour les prvenir. Pour y parvenir, nos jeunes doivent pouvoir grandir en cultivant des sentiments de scurit, dassurance et dappartenance. Nous devons aussi veiller ce quun jeune qui commet un crime ne se retrouve pas pig dans le cercle vicieux de larrestation, de la poursuite, de lincarcration et de la rcidive. Lorsquun jeune qui prsente peu de risques de rcidive est trait avec trop de svrit, le risque de rcidive est amplifi.

    Sous le rgime de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, la djudiciarisation prend la forme de ce quon appelle les mesures extrajudiciaires. Ce sont toutes ces mesures qui sont en marge du systme de justice pnale formel. La djudiciarisation consiste dans une large mesure entourer le jeune risque du soutien de sa famille et de sa collectivit. Il sagit du moyen le plus efficace de prvenir le crime dont nous disposons.

    Un comit provincial sur la djudiciarisation runissant les services de police et sept ministres qui offrent des services aux jeunes supervise une approche communautaire visant loigner les jeunes des tribunaux pour les aiguiller vers les ressources. On a mis au point un modle de

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    djudiciarisation des jeunes qui reprend quelques-unes des meilleures pratiques au pays en matire de justice pnale pour les jeunes, et qui pourrait mettre profit la contribution de la famille et de la collectivit. Il est impratif que la police et les procureurs adhrent au principe de la djudiciarisation.

    Les policiers et les procureurs ont un rle essentiel jouer pour empcher quun jeune rcidive et pour lui viter la dtention. Les policiers peuvent donner des avertissements verbaux, et cela suffit souvent pour dissuader un jeune de rcidiver. Ils peuvent aussi mettre des mises en garde crites aux parents et au jeune. Ils peuvent diriger un jeune vers un programme qui cible la cause sous-jacente du comportement dlinquant. Les procureurs peuvent aussi jouer un rle dans cette approche moins institutionnelle en prsentant des mises en garde du procureur gnral aux parents et au jeune, pour donner du poids leurs propos sans porter daccusations. On commence peine utiliser adquatement les mesures extrajudiciaires, et le manque dhomognit de cette approche dans la province entrane forcment des ingalits de traitement selon le lieu de rsidence du jeune contrevenant.

    Les forces policires de la province devraient travailler en collaboration avec le procureur gnral et les nouveaux comits de justice pour la jeunesse pour codifier les pratiques et les protocoles sur lutilisation des mesures extrajudiciaires.

    Comits de justice pour la jeunesse

    La Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents donne le pouvoir au procureur gnral de dsigner officiellement des comits de justice pour la jeunesse. Le dfenseur des enfants et de la jeunesse rclame la cration de ces comits depuis plusieurs annes. Des comits ont rcemment t approuvs un peu partout dans la province. Reste savoir si ces comits de justice pour la jeunesse seront utiliss leur plein potentiel. Dj, il semble que lon ait de la difficult obtenir la participation de certains ministres, et certains comits nont pas encore tenu leur premire runion.

    Un comit de justice pour la jeunesse peut tenir une confrence de cas sur un jeune en particulier. Il peut coordonner les efforts des groupes communautaires, des organismes gouvernementaux et des coles pour sassurer que les services de soutien, de mentorat, de supervision et de radaptation sont adapts la situation particulire du jeune. Le comit de justice pour la jeunesse peut fournir un soutien au jeune mme aprs sa mise en libert, par exemple : en laidant trouver des possibilits de bnvolat, en laidant participer des activits parascolaires, en laidant rintgrer lcole et en laiguillant vers les services et programmes offerts dans la collectivit.

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    Le systme que lon est actuellement en train de mettre sur pied dans le cadre du modle de djudiciarisation des jeunes, avec le concours des quipes de prestation des services intgrs en milieu scolaire, devrait pouvoir atteindre ces objectifs moyennant ladhsion de toutes les parties et une formation suffisantes.

    Les comits de justice pour la jeunesse peuvent remplir dautres fonctions importantes, mais nous navons pas encore vu de geste concret qui permettrait de croire linstitutionnalisation de tous les rles possibles. Par exemple, les comits de justice pour la jeunesse pourraient conseiller les procureurs de la Couronne sur les mesures extrajudiciaires prendre lgard dun jeune contrevenant. Ils peuvent surveiller les services juridiques offerts aux mineurs et informer le gouvernement sur le respect ou non des droits de ladolescent. Ils peuvent conseiller le gouvernement sur la politique relative la justice pnale pour les jeunes en gnral. Ils peuvent aussi soccuper dducation et de sensibilisation en fournissant de linformation la population en gnral sur les questions relatives la justice pnale pour les adolescents. Il est esprer que lon encouragera et que lon appuiera toutes ces fonctions dans lavenir.

    Le ministre de la Scurit publique et le Cabinet du procureur gnral devraient promouvoir toutes les fonctions des comits de justice pour la jeunesse, notamment leur rle-conseil auprs des procureurs de la Couronne et de la police au sujet des mesures extrajudiciaires, auprs des juges sur la sentence qui convient et auprs du gouvernement sur les politiques de justice applicables aux mineurs.

    Groupes consultatifs (confrences de cas)

    Nous avons remarqu que lon ngligeait beaucoup les groupes consultatifs dans le systme de justice pnale pour les jeunes au Nouveau-Brunswick. Les groupes consultatifs offrent une solution de rechange aux poursuites pnales traditionnelles. Ils visent offrir aux adolescents de meilleures perspectives de radaptation ainsi que la possibilit de se rconcilier avec leur victime, dassumer leurs responsabilits et de faire restitution. Ils procurent galement un mcanisme permettant de faire le lien entre les adolescents et les services qui amlioreront leurs facteurs sociaux de protection et qui attnueront davantage leurs risques de dlinquance lavenir.

    Nous nous attendons ce que les nouveaux comits de justice pour la jeunesse forment des groupes consultatifs pour favoriser : un largissement des perspectives, des solutions plus cratives, une meilleure coordination des services et une participation accrue des jeunes, des victimes et dautres membres de la collectivit. Les groupes consultatifs sont particulirement importants pour les jeunes rcidivistes qui proviennent gnralement de milieux difficiles, ont des besoins complexes et sont souvent aux prises avec des problmes de sant mentale ou de

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    toxicomanie. Ces jeunes ont besoin dencadrement, de stabilit et de soutien. Les groupes consultatifs sont incontournables pour aborder de manire globale les situations individuelles.

    Il sera important que la Direction des poursuites publiques commence remplir son rle au sein des groupes consultatifs en vertu de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents (et que lAide juridique et les avocats de la dfense apportent aussi leur contribution). Les juges peuvent galement ordonner la tenue dun groupe consultatif pour obtenir des conseils sur les conditions de mise en libert provisoire ou sur le prononc dune peine.

    Les groupes consultatifs en matire de justice pour les jeunes sont, dans bien des rgions au Canada, gnralement axs sur la justice rparatrice, qui suit le principe selon lequel le contrevenant et des membres de sa famille, la victime et divers membres de la communaut amorcent une discussion sur le crime commis et ses rpercussions. La justice rparatrice consiste essentiellement reconstruire les relations et favoriser la rinsertion sociale du contrevenant pour quil devienne un membre responsable de sa collectivit et de la socit en gnral. Cest un outil prcieux qui peut tre utilis au Nouveau-Brunswick comme il lest dj ailleurs au Canada et dans le monde.

    Le ministre de la Scurit publique et le Cabinet du procureur gnral devraient offrir une formation sur lutilisation judicieuse des groupes consultatifs par les procureurs de la Couronne, lAide juridique, les agents de probation, les policiers et les juges, de manire appliquer pleinement larticle 19 de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Ils devraient aussi donner aux comits de justice pour la jeunesse les moyens de renforcer les comptences pour mettre en pratique la justice rparatrice.

    Examen du procureur avant linculpation

    Nous sommes lune des rares provinces o les procureurs peuvent examiner toutes les accusations avant de porter la cause devant un tribunal. Ce systme donne de bons rsultats. Cependant, nous croyons que pour un maximum defficacit, il faudrait adopter une approche globale axe sur le jeune lorsquon examine les accusations qui psent contre lui. La Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents (LSJPA) vise crer un systme de justice distinct pour les mineurs. La Loi prvoit un examen du procureur avant linculpation pour sassurer que des mesures et sanctions extrajudiciaires soient rgulirement utilises et que le jeune ne tombe pas dans le cycle dinculpation-poursuite-incarcration .

    Toutes les affaires qui font lobjet de poursuites en vertu de la LSJPA devraient tre examines seulement par des procureurs de la Couronne qui ont reu une formation spciale sur les principes et les dispositions de la LSJPA. lheure actuelle, le programme dexamen avant

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    linculpation ne comporte aucun lment de mesure systmatique, et le pouvoir discrtionnaire quont les procureurs de dterminer sil est dans lintrt public de dposer des accusations peut entraner des incohrences.

    Pour mieux adhrer la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents et assurer un processus adapt aux jeunes, nous estimons que le procureur gnral devrait laborer des directives plus dtailles sur lexamen par la Couronne pralable linculpation des dossiers des adolescents. Cet examen devrait tre conforme aux normes et aux principes juridiques nationaux et internationaux. Le processus dexamen avant linculpation dans les dossiers de mineurs devrait comprendre un mcanisme de surveillance et de mesure pour assurer son efficacit et sa cohrence lchelle de la province.

    Ne plus se servir des poursuites criminelles pour permettre des jeunes dans le besoin davoir accs aux services

    La criminalisation des jeunes aux prises avec un problme de sant mentale dure depuis trop longtemps au Nouveau-Brunswick. Sans un diagnostic et un traitement adquats, les jeunes aux prises avec un problme de sant mentale et de dpendances risquent davoir rgulirement maille partir avec le systme de justice pnale.

    Le Nouveau-Brunswick manque son devoir de fournir des services adquats aux personnes ayant des problmes de sant mentale et a pris lhabitude de se servir des tribunaux comme mesure de substitution. En plus des jeunes ayant des problmes de sant mentale, il y a dautres jeunes dfavoriss qui sont surreprsents dans le systme de justice pnale et qui sont incapables den sortir. Mentionnons, entre autres, les jeunes qui ont t victimes de violence et de ngligence, les sans-abris, les toxicomanes, les marginaux et tous ceux et celles qui font partie de groupes vulnrables.

    Toutes les personnes qui interviennent auprs de ces jeunes doivent comprendre limportance des ressources sociales et mdicales pour les protger et les tenir loin des activits criminelles. Il arrive trop souvent, par exemple, que des intervenants dun foyer de groupe appellent la police pour signaler le comportement dun jeune sous tutelle alors que de bons parents auraient trouv une autre solution au problme.

    Le gouvernement devrait offrir une formation sur la djudiciarisation, la sant mentale et le dveloppement de lenfant tous les travailleurs intervenant auprs des jeunes, y compris les travailleurs sociaux, les agents de probation, les ducateurs, les employs des foyers de groupe, les parents nourriciers, le personnel des services correctionnels, les agents de la paix, etc. Par ailleurs, le gouvernement devrait crer des processus solides pour faire appliquer

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    linterdiction de dtenir un mineur comme substitution des mesures sociales ou des services de sant mentale (article 29 de la LSJPA). Pour les jeunes ayant des besoins importants qui se retrouvent devant le tribunal, le gouvernement devrait sassurer que les procureurs et les avocats de la dfense sont au fait des dispositions des articles 34 et 35 de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, et recommandent aux juges dordonner une valuation des besoins lis aux services sociaux, la sant physique, aux troubles dapprentissage et aux problmes de sant mentale.

    Crer un systme de justice centr sur les adolescents

    Au Nouveau-Brunswick, la Cour provinciale sige de temps en temps comme Tribunal pour adolescents pour les causes relevant de la LSJPA. Le Tribunal pour adolescents du Nouveau-Brunswick nest pas, comme on pourrait sy attendre, un tribunal distinct avec ses propres locaux. Une journe par semaine est consacre aux causes relevant de la LSJPA qui sont entendues dans une salle daudience ordinaire. Cest un lieu public o les jeunes sont parfois forcs dattendre pendant que lon en finit avec les causes pour adultes. Les jeunes peinent comprendre la procdure. Elle leur fait peur et le sens de tout cela leur chappe. Labsence dun systme vritablement ax sur les jeunes est apparente dans les diffrents modes de fonctionnement des tribunaux pour adolescents de la province. Le niveau de comprhension de la LSJPA chez les avocats de service, les avocats de la dfense et les procureurs varie considrablement.

    Quand on parle aux adolescents hbergs la prison pour jeunes, il est courant dapprendre quils nont pas eu dautre avocat que lavocat de service quand ils ont t renvoys sous garde. Les jeunes avec lesquels nous parlons au centre de dtention nous disent gnralement que sils ont pu parler lavocat de service avant dtre appels comparatre pour la premire fois devant le tribunal, ce ne fut que pendant quelques minutes au palais de justice.

    Les procureurs de la Couronne ont une lourde charge de travail et peuvent parfois avoir limpression de ne pas avoir suffisamment de temps pour se prparer aux causes impliquant des mineurs. Certains procureurs de la Couronne pourraient bnficier dune formation relative la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, la Convention des Nations Unies relative aux droits de lenfant et autres instruments juridiques internationaux sur les mineurs.

    Notre systme daide juridique est terriblement sous-financ par rapport aux autres provinces. Les avocats salaris et les avocats-conseils de lAide juridique au Nouveau-Brunswick doivent composer avec des dlais extrmement courts. Les avocats doivent avoir un bagage de

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    connaissances particulier dans les dossiers de justice pour les adolescents. Les avocats qui reprsentent des jeunes doivent tre bien informs des problmes psychologiques, scolaires, dveloppementaux et sociaux auxquels ils font face. Il est imprieux que les avocats qui exercent dans ce domaine soient au courant des divers services offerts dans la collectivit. Ils doivent galement avoir le temps de mettre ces connaissances en pratique. Pour dfendre les droits de leurs clients avec efficacit et conviction, les avocats de la dfense ont besoin de temps pour changer avec les jeunes contrevenants. Ils doivent surtout comprendre la LSJPA et tirer pleinement parti de ses dispositions.

    Les jeunes veulent que lavocat qui les reprsente connaisse leur situation, et larticle 12 de la Convention relative aux droits de lenfant leur confre ce droit. Le Nouveau-Brunswick a encore beaucoup faire pour remplir ses obligations en vertu de la Convention. Dans tous les aspects du systme de justice pnale pour les jeunes (en particulier celui qui concerne le droit aux services dun avocat de larticle 25 de la LSJPA), on doit tenir compte de lopinion du jeune.

    Le systme actuel au Nouveau-Brunswick namne pas le jeune croire quil est tenu responsable de ses actes la suite dun processus juste et lgitime. Nous observons des approches plus efficaces et plus axes sur les jeunes ailleurs au pays. La loi exige quil y ait un systme de justice pnale distinct pour les jeunes. Nous esprons que cette distinction deviendra vritablement significative en pratique par lapplication de plus de processus adapts aux jeunes dans le systme de justice pnale pour les adolescents. Pour les jeunes qui sont arrts et poursuivis, il est essentiel que leurs droits soient respects. Il est essentiel que le processus soit significatif pour eux si lon veut quils assument la responsabilit de leurs actes. Quant aux jeunes qui sont incarcrs, on doit miser sur leur radaptation et leur rinsertion dans la collectivit et dans la socit en gnral.

    Le gouvernement devrait mettre sur pied des services spcialiss de tribunaux pour adolescents. Ce systme donnerait notamment lieu la nomination dun juge itinrant du Tribunal pour adolescents, et ferait appel un avocat de service, un conseiller de lAide juridique et des procureurs de la Couronne qui auraient reu une formation spciale axe sur les jeunes.

    Cration de postes dintervenants affects au Tribunal pour adolescents

    Des jeunes peuvent passer plusieurs semaines dans un centre de dtention en milieu ferm pour adolescents attendre leur procs ou le prononc dune sentence pour une infraction souvent trs mineure, notre avis. Pendant ce temps, ils vivent dans lincertitude, leur scolarisation est

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    interrompue, ils ont de la difficult grer leurs rgimes mdicamenteux au centre de dtention et sont coups de tout soutien communautaire dont ils pourraient bnficier. Ils subissent aussi linfluence dautres jeunes qui ont sombr encore plus loin dans la criminalit, certains ayant commis des infractions graves avec violence.

    Or, il y a plus de chances que le jeune soit libr et renvoy chez lui ou dans un autre endroit sr pour attendre son procs si lon prsente au juge des options viables pour protger le jeune et la socit. Des intervenants affects au Tribunal pour adolescents pourraient apporter une aide prcieuse. Ils pourraient guider les jeunes et leurs parents dans les mandres du systme judiciaire et des services gouvernementaux. Ils pourraient sassurer que les juges ont toute linformation dont ils ont besoin pour librer le jeune dans la collectivit. Les intervenants au Tribunal pour adolescents pourraient jouer un rle particulirement important auprs des jeunes des Premires Nations qui sont surreprsents dans les tablissements de dtention prventive au Nouveau-Brunswick.

    Pour limiter lutilisation de la dtention prventive au Nouveau-Brunswick et favoriser un processus judiciaire plus centr, plus efficace et plus efficient sur les jeunes, le ministre du Dveloppement social conjointement avec le ministre de la Scurit publique devraient former et affecter des intervenants au Tribunal pour adolescents. Ceux-ci pourraient servir dintermdiaires auprs des membres de la famille, de lavocat de service, de lavocat gnral et des coordonnateurs des comits de justice pour la jeunesse. Les procureurs de la Couronne devraient mettre en relation lintervenant du tribunal pour adolescents avec les parents ou le tuteur lgal du jeune au moment de porter des accusations, avant la premire comparution devant le juge. Tous les acteurs du systme de justice pnale pour adolescents devraient laborer des protocoles de travail avec les intervenants du Tribunal pour adolescents.

    Installations distinctes pour les jeunes et les adultes dans le systme de justice pnale

    Le Bureau du dfenseur des enfants et de la jeunesse a t tmoin de trs grandes amliorations dans le fonctionnement de ltablissement de milieu ferm pour les adolescents du Nouveau-Brunswick (le Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick). Nous avons beaucoup de respect pour une grande partie du travail qui y est accompli. Cependant, malgr tout le dvouement et les comptences du personnel du Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick, il reste que ce nest pas un endroit appropri pour la majorit de ces jeunes. Ils ont besoin de vivre dans leur collectivit et dy obtenir laide ncessaire pour se dvelopper sainement.

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    Il est indniable que des jeunes soient exposs des influences ngatives de leurs camarades dans un ltablissement de milieu ferm. La dtention dans un tablissement de garde en milieu ferm peut avoir de graves consquences psychologiques pour les jeunes. La peur, le stress et la honte qui accompagnent lincarcration laissent invitablement des traces.

    Le Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick partage ses locaux avec la prison provinciale pour femmes. Mme sil ny a pas dinteractions entre les jeunes et les dtenues adultes, cette situation nest pas favorable plusieurs gards. Au risque de nous rpter, le systme de justice pnale pour adolescents doit tre distinct du systme de justice pnale pour adultes; la situation qui prvaut au Nouveau-Brunswick est particulirement dplorable. Ce qui est plus troublant encore, cest la pratique qui consiste transporter des jeunes au tribunal, menotts et enchans (souvent pendant des heures), parfois dans le mme fourgon que des dtenus adultes.

    Les centres de dtention rservs aux jeunes dans dautres provinces sont spcialement conus pour favoriser la radaptation et la rinsertion sociale des jeunes contrevenants. Depuis plusieurs annes dj, notre bureau rclame la cration dun nouveau centre pour les adolescents placs sous garde en milieu ferm. Il pourrait sagir dun petit tablissement si le gouvernement provincial russit abaisser un niveau raisonnable le nombre de jeunes condamns la dtention. Ce centre devrait tre situ plus prs des rgions de Saint John, Moncton et Fredericton pour pouvoir offrir un meilleur soutien familial et communautaire ces jeunes.

    Le gouvernement devrait mettre davantage en pratique le principe fondamental de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents selon lequel le systme de justice pnale pour adolescents doit tre distinct du systme de justice pnale pour adultes en cessant daccueillir des adultes et des jeunes dans le mme tablissement carcral, et en assurant le transport des jeunes selon leurs besoins de dveloppement.

    La garde en milieu ouvert

    Le systme de garde en milieu ouvert au Nouveau-Brunswick a subi plusieurs changements ces dernires annes et est actuellement en pleine droute. Nous comprenons que le gouvernement semploie le corriger, mais nous craignons que l encore lopportunisme lemporte sur lefficacit au dtriment des besoins dveloppementaux des jeunes.

    La garde en milieu ferm doit tre utilise en dernier recours, dans des circonstances exceptionnelles, pour les dlinquants violents. La garde en milieu ouvert doit tre facilement accessible pour les jeunes dans leur propre collectivit, afin de favoriser leur dveloppement et leur radaptation avec le moins dentraves possible.

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    Les foyers de groupe spcialiss en milieu communautaire ont t ferms, et il existe aujourdhui deux options pour la garde en milieu ouvert : (1) un centre de traitement des toxicomanies; (2) une unit ouverte dans la prison pour jeunes. Il y a eu plusieurs difficults avec la premire option, et la seconde option a t cre comme mesure durgence provisoire quand il est devenu trs problmatique pour de nombreux jeunes de se retrouver dans le premier type dtablissement. Cette mesure provisoire semble devenir permanente. Le fait denvoyer des jeunes placs sous garde en milieu ouvert dans une prison pour jeunes est incompatible avec les objectifs de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents et de la Convention relative aux droits de lenfant. Cette pratique est consternante.

    Aucun des deux tablissements de garde en milieu ouvert nest situ proximit des collectivits dont sont issus la plupart des jeunes. Il sensuit que la rintgration dans la collectivit dorigine et dans le milieu familial du jeune est particulirement difficile. Lloignement des services est un problme tout comme la rupture avec les liens sociaux, la vie familiale et le systme dducation. Il y a aussi le problme de la discontinuit des soins pour les jeunes. Les travailleurs sociaux, les travailleurs de la sant et les intervenants en sant mentale ne pourront pas assurer le suivi de ces jeunes dans ces tablissements pendant leur placement sous garde en milieu ouvert. Il y a aussi la question combien importante davoir une option de garde en milieu ouvert adapte aux besoins des jeunes des Premires Nations, qui semble avoir t oublie dans le processus.

    Le nombre de jeunes No-brunswickois qui sont placs sous garde en milieu ouvert na cess de diminuer; entre 2009 et 2014, une baisse de presque 70 % a t enregistre. Comme moins de 30 jeunes par anne sont placs sous garde en milieu ouvert actuellement, loccasion est belle de trouver des options en milieu communautaire comme des foyers nourriciers spcialiss qui rpondent vraiment aux besoins des jeunes risque. Il y a diffrentes approches relatives la garde en milieu ouvert dans les autres provinces, les meilleurs rsultats tant obtenus avec celles qui misent sur la prvention de la criminalit juvnile.

    Le gouvernement devrait crer des options de garde en milieu ouvert conformes aux principes directeurs de la Convention relative aux droits de lenfant et aux principes de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Ces solutions de garde en milieu ouvert devraient galement sinspirer des Rgles des Nations Unies pour la protection des mineurs privs de libert, ainsi que des Lignes directrices relatives la protection de remplacement pour les enfants des Nations Unies. Tous les efforts devraient tre dploys pour rintgrer les jeunes dans leur collectivit et dans leur milieu familial.

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    Manque de donnes

    Nous ne disposons pas de suffisamment dinformation pour brosser un portrait statistique comprhensif de la criminalit chez les adolescents. Beaucoup de renseignements ne sont tout simplement pas recueillis ni analyss. Par contre, nous savons, grce ce que nous disent les jeunes et les professionnels concerns, que beaucoup dadolescents dans le systme de justice pnale sont aux prises avec des problmes de sant mentale, vivent lclatement de leur famille, ont des troubles dapprentissage ou une dficience intellectuelle, connaissent le sans-abrisme, le dcrochage scolaire ou ont t victimes de violence et de ngligence.

    Pour pouvoir prendre des dcisions fondes sur des donnes probantes, nous avons besoin de donnes compltes et danalyses exhaustives. La prvention de la criminalit juvnile est un domaine dans lequel nous avons dpens massivement en obtenant des rsultats somme toute trs dcevants, et notre province na toujours pas un tableau complet de la criminalit chez les jeunes dans notre province.

    Le gouvernement devrait laborer de meilleurs processus de surveillance, danalyse et de dissmination des donnes pour sassurer que des dcisions judicieuses fondes sur des donnes probantes sont prises en matire de justice pnale pour les jeunes et pour guider le travail du comit provincial sur la djudiciarisation dans le cadre de la stratgie de prvention et de rduction de la criminalit du Nouveau-Brunswick.

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    PRINCIPES DE LA LOI SUR LE SYSTME DE JUSTICE PNALE POUR LES

    ADOLESCENTS1

    a) le systme de justice pnale pour adolescents vise protger le public de la faon suivante :

    (i) obliger les adolescents rpondre de leurs actes au moyen de mesures proportionnes la gravit de linfraction et au degr de responsabilit,

    (ii) favoriser la radaptation et la rinsertion sociale des adolescents ayant commis des infractions,

    (iii) contribuer la prvention du crime par le renvoi des adolescents des programmes ou des organismes communautaires en vue de supprimer les causes sous-jacentes la criminalit chez ceux-ci;

    o b) le systme de justice pnale pour les adolescents doit tre distinct de celui pour les adultes, tre fond sur le principe de culpabilit morale moins leve et mettre laccent sur :

    (i) leur radaptation et leur rinsertion sociale,

    (ii) une responsabilit juste et proportionnelle, compatible avec leur tat de dpendance et leur degr de maturit,

    (iii) la prise de mesures procdurales supplmentaires pour leur assurer un traitement quitable et la protection de leurs droits, notamment en ce qui touche leur vie prive,

    (iv) la prise de mesures opportunes qui tablissent clairement le lien entre le comportement dlictueux et ses consquences,

    (v) la diligence et la clrit avec lesquelles doivent intervenir les personnes charges de lapplication de la prsente loi, compte tenu du sens qua le temps dans la vie des adolescents;

    1 Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, sous-al. 3(1).

  • 19

    o c) les mesures prises lgard des adolescents, en plus de respecter le principe de la responsabilit juste et proportionnelle, doivent viser :

    (i) renforcer leur respect pour les valeurs de la socit,

    (ii) favoriser la rparation des dommages causs la victime et la collectivit,

    (iii) leur offrir des perspectives positives, compte tenu de leurs besoins et de leur niveau de dveloppement, et, le cas chant, faire participer leurs pre et mre, leur famille tendue, les membres de leur collectivit et certains organismes sociaux ou autres leur radaptation et leur rinsertion sociale,

    (iv) prendre en compte tant les diffrences ethniques, culturelles, linguistiques et entre les sexes que les besoins propres aux adolescents autochtones et dautres groupes particuliers dadolescents;

    o d) des rgles spciales sappliquent aux procdures intentes contre les adolescents. Au titre de celles-ci :

    (i) les adolescents jouissent, et ce personnellement, de droits et liberts, notamment le droit de se faire entendre dans le cadre des procdures conduisant des dcisions qui les touchent sauf la dcision dentamer des poursuites et de prendre part ces procdures, ces droits et liberts tant assortis de mesures de protection spciales,

    (ii) les victimes doivent tre traites avec courtoisie et compassion, sans quil ne soit port atteinte leur dignit ou leur vie prive, et doivent subir le moins dinconvnients possible du fait de leur participation au systme de justice pnale pour les adolescents,

    (iii) elles doivent aussi tre informes des procdures intentes contre ladolescent et avoir loccasion dy participer et dy tre entendues,

    (iv) les pre et mre de ladolescent doivent tre informs des mesures prises, ou des procdures intentes, lgard de celui-ci et tre encourags lui offrir leur soutien.

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    Avant-propos par Norman J. Boss, C.R.

    Dfenseur des enfants et de la jeunesse

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  • 22

    lt 2013, lorsque jai accept de nouvelles responsabilits titre de dfenseur des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick, jarrivais dans un bureau qui avait dj la rputation de produire des rapports incisifs et de dfendre vigoureusement les droits des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick. Le prsent rapport, tout comme Le rapport Ashley Smith et le rapport Connexions et Dconnexion qui lont prcd, ne fait pas exception, et milite en faveur de nouvelles approches mieux adaptes pour faire face la criminalit juvnile et intervenir auprs des jeunes dfavoriss de la province qui ont des dmls frquents avec la justice.

    Le rapport est laboutissement de mois de recherches, de consultations auprs des jeunes et de leurs intervenants, et dune concertation avec les fournisseurs de services et les lgislateurs. Au dpart, nous avons demand la collaboration des diffrents ministres pour chercher des solutions et tudier ensemble les meilleures pratiques dans ladministration du systme de justice pnale pour les adolescents partout au pays et ailleurs dans le monde. Jai t heureux lt dernier de siger comme membre de la Table ronde provinciale sur la prvention du crime et de prsenter la perspective des jeunes du Nouveau-Brunswick ainsi que les contributions de mon Bureau dans le cadre de ce processus digne de mention.

    Priver un tre humain de sa libert constitue, dans notre systme de justice, lutilisation la plus rpressive et la plus intrusive du pouvoir de ltat qui soit admissible. Notre constitution fixe des limites claires sur lutilisation de ce type de pouvoir coercitif par le gouvernement. La Charte canadienne des droits et liberts et les instruments juridiques internationaux signs par le Canada, comme la Convention des Nations Unies relative aux droits de lenfant, tablissent des limites supplmentaires sur lapplication du droit criminel lgard des mineurs. Au Canada, lge minimal de la responsabilit pnale est de 12 ans. En 2013-2014, un enfant de 12 ans du Nouveau-Brunswick a t plac en dtention prventive sous garde en milieu ferm. Cela se produit tous les ans. La prison nest pas un endroit propice lpanouissement dun jeune de 12 ans. Les sanctions pnales pour une infraction au Code criminel du Canada sont appliques diffremment pour les jeunes en vertu de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Cette diffrence vise reconnatre que le discernement moral des enfants est encore en dveloppement. Comme le souligne la Cour suprme du Canada, le principe dune prsomption de culpabilit morale moins leve chez les adolescents est essentiel notre conception du bon fonctionnement dun systme de justice. 2

    Aux yeux du monde, le Canada est un pays dmocratique, pacifique, bien gouvern, et il doit en grande partie sa rputation au professionnalisme et limpartialit de ses systmes lgislatifs et correctionnels. Pourtant, le taux dincarcration des mineurs dans notre pays est depuis toujours trs lev. En vertu de la Loi sur les jeunes dlinquants3 de 1908, on enfermait souvent des enfants et on les privait de leur libert en les plaant dans des coles de rforme au mpris des

    2 R. c. D.B., [2008] 2 R.C.S. 3, par. 68. 3 Loi sur les jeunes dlinquants, L.R.C., 1908, ch. 40.

  • 23

    rgles de droit4. Trop souvent, ces dtentions ont donn lieu des situations dabus et de maltraitance institutionnelle, et ont amen des enfants suivre une trajectoire de victimisation et tomber carrment dans la dlinquance. La Loi sur les jeunes contrevenants promulgue par le Parlement en 1984 visait renverser la situation en donnant aux jeunes Canadiens accuss dun crime les garanties dune procdure quitable tout en maintenant leur droit un systme de justice pnale diffrent conformment aux principes constitutionnels. Malheureusement, la Loi napportait pas suffisamment de distinctions entre les dlits mineurs et les crimes graves, et trop souvent des jeunes ont t mis sous garde pour des dlits mineurs. Le Canada est ainsi vite devenu le pays ayant le taux le plus lev dincarcration de jeunes parmi les pays conomiquement dvelopps5.

    Sil y a un Code criminel pour tous les Canadiens, ladministration de la justice pnale, quant elle, est de comptence provinciale. Dans les pages qui suivent, vous pourrez lire un compte rendu de ce que cela a signifi pour les jeunes du Nouveau-Brunswick, tant donn que, mme avec nos faibles taux de criminalit juvnile, le Nouveau-Brunswick nest pas encore un chef de file lchelle nationale en matire de justice pour les jeunes. Nous avons mis du temps adopter les mesures progressives dictes par la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents en visant soustraire les jeunes aux procdures judiciaires traditionnelles. Nos taux dincarcration dadolescents se sont amliors rcemment, mais ils demeurent relativement levs comparativement aux meilleures normes canadiennes. Nos taux de dtention prventive sous garde en milieu ferm continuent dtre beaucoup trop levs. Nous continuons contre toute logique incarcrer des jeunes pour des dlits mineurs. Par ailleurs, les jeunes souffrant de troubles mentaux sont surreprsents dans les tablissements de dtention. On peut en dire autant des jeunes issus du rseau de protection de lenfance ou provenant dun milieu dfavoris.

    Nous savons pourtant que les mesures correctionnelles de ce type sont parmi les moins efficaces en termes de rhabilitation et sont celles qui cotent le plus cher au Trsor public. Au moment o le gouvernement actuel sapprte redresser les finances de la province, nous lui enjoignons de prendre des mesures prcoces et progressives pour rduire le taux dincarcration chez les jeunes et de rorienter les ressources vers les programmes communautaires. Nos efforts pour loigner les jeunes de la criminalit et leur apprendre devenir des citoyens productifs, membres part entire de la collectivit, seront ainsi beaucoup plus fructueux.

    Nous nous bornons dans le prsent rapport dix recommandations formelles. On y trouvera certes bien dautres pistes damlioration, mais nous avons dcid de nous concentrer en priorit sur dix tapes claires qui, de notre point de vue, sont les plus productives et les plus mme de

    4 Sherri Davis-Barron, Canadian Youth & the Criminal Law: One Hundred Years of Youth Justice Legislation in Canada, Markham (Ont.), LexisNexis Canada, 2009. 5 Caputo, Tullio et Michel Valle, Review of the Roots of Youth Violence: Research Papers Volume 4: A Comparative Analysis of Youth Justice Approaches, ministre des Services lenfance et la jeunesse, gouvernement de lOntario, 2008.

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    faire de la province un modle en matire de justice pnale pour les jeunes, tant au Canada qu ltranger.

    Pour conclure, je tiens remercier tous les jeunes qui mont aid produire le prsent rapport en faisant part de leurs connaissances et de leur exprience personnelles. Je veux galement exprimer ma gratitude envers les fonctionnaires des diffrents ministres ainsi que les dirigeants des socits civiles qui travaillent tous les jours avec cette clientle vulnrable de jeunes. En acceptant de partager leurs opinions, ils ont contribu enrichir ce rapport.

    Je veux aussi remercier tous les membres de mon personnel qui travaillent chaque jour avec ces mmes jeunes. Je tiens en particulier saluer le travail de Gavin Kotze, notre directeur de la dfense, qui a t lenquteur principal pour le prsent rapport, et de Christian Whalen, notre dfenseur adjoint, dont la vision et les efforts continus depuis la prsentation du rapport Connexions et dconnexion ont donn lieu des rformes progressistes toujours en cours et certains des progrs dcrits dans les pages qui suivent.

    PETIT RECUEIL DU DROIT ET DES POLITIQUES

    ATTENDU QUE le Canada est partie la Convention des Nations Unies relative aux droits de lenfant et que les adolescents ont des droits et liberts, en particulier ceux qui sont noncs dans la Charte canadienne des droits et liberts et la Dclaration canadienne des droits, et quils bnficient en consquence de mesures spciales de protection cet gard...

    Prambule de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents

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    INTRODUCTION

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    Que se passe-t-il avec nos jeunes? Ils ne respectent pas leurs ans, ils dsobissent leurs parents. Ils ne tiennent pas compte de la loi. Ils se bagarrent dans les rues, la tte remplie de toutes sortes dides incongrues.

    Platon, IVe sicle avant notre re

    Les enfants daujourdhui adorent le luxe. Ils ont de mauvaises manires et mprisent lautorit. Ils nont aucun respect pour leurs ans et prfrent caqueter plutt que de travailler. Les enfants daujourdhui sont des tyrans. Ils contredisent leurs parents, avalent dune bouche leurs aliments et tyrannisent leurs enseignants.

    Socrate, c. 400 avant notre re

    Ces jeunes dpassent les bornes. Ils ne respectent plus rien; les jeunes aujourdhui, ce ne sont que des dlinquants.

    Un adulte du Nouveau-Brunswick qui change avec un dlgu du Bureau du dfenseur des enfants et de

    la jeunesse, 2014

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    Aujourdhui, les adultes ont tendance croire que la criminalit et linconduite des jeunes est un problme incontrlable.6 Cette opinion errone a t lun des fils conducteurs de la socit canadienne pendant plusieurs dcennies.7

    La criminalit juvnile nest pas en croissance. Elle na cess en fait de reculer depuis la promulgation de la loi actuelle sur la criminalit chez les jeunes, la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents8. La population canadienne, influence par des informations trompeuses et par les mdias de divertissement, se mprend sur les statistiques relatives la criminalit chez les adolescents9. Par exemple, en 2000, en vertu de la loi canadienne dalors sur la criminalit chez les jeunes, la Loi sur les jeunes contrevenants10, les taux dincarcration de mineurs atteignaient des sommets sans prcdent. Selon un sondage ralis dans la mme anne, 60 % des Canadiens croyaient que le taux de criminalit chez les jeunes tait en hausse11. En fait, il tait en baisse depuis plusieurs annes. Cette ide errone ne se limite pas au Canada. Mme si la criminalit dcline depuis plusieurs annes dans les pays occidentaux, les sondages montrent que lopinion publique ne change pas : la population continue de croire que la criminalit gagne du terrain12.

    La grande majorit des crimes commis par des jeunes sont des infractions sans violence. Lincarcration devrait tre rserve aux crimes les plus graves. Il y a sans aucun doute des jeunes qui commettent des crimes dune violence inoue, parfois mme sans avoir de problme de conscience et sans le moindre remords. Ce quil faut souligner, cependant, cest que cela reprsente une infime minorit des crimes commis par des jeunes. Ce sont l deux points importants : la majorit des crimes commis par des jeunes ne sont pas des infractions graves avec violence, et le taux de criminalit chez les jeunes naugmente pas.

    6 Voir : J. Latimer et Norm Desjardins, Le Sondage national sur la justice de 2008 : le Systme de justice pour les jeunes au Canada et la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, Ottawa, Ministre de la Justice Canada, 2009. 7 Voir par exemple : Sandra J. Bell, Young Offenders and Youth Justice, Toronto, Nelson Education, 2012; Julian V. Roberts, Public Opinion and Youth Justice, dans Youth Crime and Youth Justice: Comparative and Cross-National Perspectives, Chicago, University of Chicago Press, 2004; Canada, Ministre de la Justice, Perceptions du public en ce qui concerne la criminalit et la justice au Canada : Examen des sondages d'opinion (en ligne), . 8 Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, L.C. 2002, c. 1. 9 Voir, par exemple : Dorfman, Lori et Vincent Chilraldi. Off-Balance: Media Coverage of Youth Crime , Guild Practitioner, vol. 58 (2001); Carli, Vivien. The Media, Crime Prevention and Urban Safety: A Brief Discussion on Media Influence and Areas for Further Exploration , International Centre for the Prevention of Crime (dcembre 2008); et Denov, Myriam. Youth Justice and Childrens Rights , A Question of Commitment: Childrens Rights in Canada, Katherine Covell et R. Brian Howe, diteurs. Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2007. 10 Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. 1985, c. Y-1. 11 Denov, Myriam. Youth Justice and Childrens Rights , A Question of Commitment: Childrens Rights in Canada, Katherine Covell et R. Brian Howe, diteurs. Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2007, p. 160. 12 Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies. Nouvelles et manifestations : Les enfants et le systme judiciaire, 26 mars 2012.

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    Il y aura toujours, par contre, une dlinquance juvnile. Ce qui compte, cest la faon dont nous pouvons intervenir. La criminalisation systmatique nest certainement pas une solution. Nous esprons que le prsent rapport saura en faire la dmonstration.

    Le rapport est divis en quatre grandes parties. Dans la premire partie, nous dcrivons la situation actuelle au Nouveau-Brunswick en ce qui concerne ladministration de la justice pnale pour les adolescents. Nous utilisons les donnes statistiques et tablissons des parallles entre les approches appliques ici et celles prconises ailleurs au pays. Des tendances encourageantes se dessinent depuis quelques annes grce aux efforts soutenus de la GRC, et les parties prenantes du gouvernement et de la socit civile. Dans la deuxime partie, nous nous penchons de plus prs sur les dispositions de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents et sur les mesures que le Nouveau-Brunswick pourrait prendre pour mieux appliquer chacun de ses articles : formation de comits de justice pour la jeunesse; recours accru aux groupes consultatifs; meilleures garanties contre les poursuites prmatures, et application de mesures gradues (avertissements, mises en garde, mesures extrajudiciaires et sanctions extrajudiciaires, prsentes comme des solutions de rechange la poursuite judiciaire). Dans la troisime partie, nous tudions la ncessit daborder le systme de justice pnale pour les jeunes de manire plus globale, et nous examinons les mthodes dintervention fondes sur les forces et sur les droits des adolescents accuss dun crime. Enfin, dans la quatrime partie, nous discutons de la ncessit de mettre contribution tous les partenaires vous laide lenfance dans la recherche de solutions. Nous voyons comment le rseau de protection de lenfance, le rseau de sant et le rseau de lducation peuvent collaborer pour soustraire les jeunes aux procdures judiciaires et les amener sur la voie de la rhabilitation et de la rintgration.

    Nous parlons souvent du systme de justice pnale pour les adolescents comme sil sagissait dun seul systme alors quen fait, il est constitu de plusieurs systmes qui agissent sur divers aspects de la criminalit juvnile et ses consquences. Les principaux objectifs de ce que nous appelons le systme de justice pnale pour les adolescents sont les suivants : 1) la prvention de la dlinquance juvnile; 2) la cration et lutilisation de mesures pour soustraire le jeune aux procdures judiciaires et lincarcration formelles; 3) ltablissement et le respect des droits lapplication rgulire de la loi (en ce qui concerne larrestation et le droit un procs quitable) adapte aux mineurs; 4) la protection des droits des jeunes en dtention avant le procs ou incarcrs; 5) la rhabilitation russie des jeunes contrevenants et leur rintgration dans la collectivit.

    Dans le prsent rapport, nous voulons proposer des amliorations ces cinq aspects du systme de justice pnale pour les adolescents du Nouveau-Brunswick.

    Mais dabord, quelques mots sur le contexte et la mthodologie. Le Bureau du dfenseur des enfants et de la jeunesse existe au Nouveau-Brunswick depuis 2006. Depuis sa cration, le Bureau prne de meilleurs services pour la tranche la plus vulnrable de la population de jeunes du Nouveau-Brunswick. Nous rclamons constamment de meilleurs services pour les jeunes

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    ayant des besoins complexes; nous plaidons en faveur de la dcriminalisation des jeunes ayant des troubles mentaux, de lamlioration des services pour les jeunes pris en charge par le gouvernement, et du soutien de la famille des jeunes risque. Nous avons notamment exerc des pressions en faisant paratre des rapports systmiques de notre bureau, comme Connexions et dconnexion et Le rapport Ashley Smith, qui traitaient denjeux comme ceux auxquels font face les adolescents qui ont des dmls avec le systme de justice pnale.

    Aprs la publication de ces rapports, des fonctionnaires de la Direction de la justice pour les jeunes du ministre fdral de la Justice ont communiqu avec nous et nous ont demand notre collaboration pour dterminer les meilleures pratiques dans ladministration de la justice pnale pour les jeunes au Canada. Ils taient impressionns par la nature et par la qualit de nos actions et taient disposs soutenir financirement dautres recherches dans ce domaine. Cest ainsi que nous avons reu une aide financire pour examiner les meilleures pratiques utilises au Canada en vue dappliquer les articles 18, 19 et 23 de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Ce sont ces dispositions qui : dfinissent le rle des comits de justice pour la jeunesse; accordent aux collectivits locales la gouvernance de la justice pnale pour les jeunes; fixent les rgles des groupes consultatifs comme solution de rechange aux poursuites pnales lors dun dlit commis par un mineur; et prvoient lexamen par la Couronne de tous les chefs dinculpation pour assurer une pratique exemplaire lorsque des poursuites sont intentes contre un mineur.

    Dans le cadre de nos travaux, nous avons fait quipe avec tous les ministres du Nouveau-Brunswick offrant des services aux enfants et aux adolescents, et nous avons labor ensemble un modle de djudiciarisation des jeunes pour le Nouveau-Brunswick, qui sinspire des meilleures pratiques canadiennes. On peut consulter ce modle sur le site Internet du Bureau du dfenseur des enfants et de la jeunesse. Malheureusement, mme si le modle a t conu en consultation avec de nombreux fonctionnaires ministriels, le ministre de la Scurit publique et le Cabinet du procureur gnral ont retir la dernire minute leur appui au modle. Ils ont justifi leur dcision en expliquant que le Nouveau-Brunswick ne pouvait se permettre davoir deux systmes de djudiciarisation et de justice parallles pour la clientle mineure et la clientle adulte, et qu leur avis, le modle propos ne donnait pas suffisamment dimportance lobligation de protger limpartialit des fonctions de juge et de procureur dans la justice pnale pour les jeunes.

    Au cours des mois qui ont suivi, le Bureau du dfenseur des enfants et de la jeunesse a tent par la ngociation de dnouer limpasse, mais en vain. Nous avons alors fait part de notre intention de raliser un examen officiel et nous avons entrepris les recherches qui ont men la rdaction du prsent rapport. Nous avons achev ce rapport aprs la publication de la Stratgie provinciale de prvention et de rduction de la criminalit et les premiers travaux de sa Table ronde sur la prvention du crime, laquelle devrait grandement faire avancer les choses en adoptant une dmarche intgre pour rpondre aux besoins des jeunes et pour prvenir la criminalit juvnile. Le prsent rapport a pour but dclairer cette stratgie et sa mise en uvre. Il reflte galement le

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    point de vue de jeunes du Nouveau-Brunswick qui ont une exprience concrte de notre systme de justice pnale.

    Nous croyons que les enfants et les adolescents doivent se faire voir et entendre. Cest le principe directeur qui transcende notre travail au Bureau du dfenseur des enfants et de la jeunesse. Pour donner du poids au rapport, nous avons voulu donner la parole aux jeunes que nous dfendons. Certaines de leurs histoires parsment le rapport. Leurs noms et tout autre renseignement permettant de les identifier ont t changs pour les besoins du rapport, mais nous navons rien chang leur tmoignage. Les proccupations formules par des jeunes dans le rapport tmoignent de ce que nous entendons de la bouche de nombreux autres adolescents et de fournisseurs de services dans le cadre de notre travail.

    Histoire dun adolescent tire de nos dossiers

    Une prise en charge inadquate qui cote cher Francis prsente un trouble du spectre de lalcoolisation ftale et dautres problmes connexes comme le THADA. 12 ans, il commence tre priodiquement pris en charge par les services de protection de lenfance. Puis, un jour, le ministre du Dveloppement social juge la situation assez grave pour demander une ordonnance de tutelle. Il est alors pris en charge de faon permanente par le ministre.

    Sa capacit de raisonnement est faible et il a de la difficult avec les jeunes de son ge, ce qui provoque souvent des confrontations. En raison dun manque de lits dans des foyers de groupe pour jeunes, le ministre du Dveloppement social dcide, titre de tuteur lgal, de placer Francis dans un refuge pour des adultes sans-abri. La situation est terrible et, sans surprise, les choses tournent vite au vinaigre. Francis, menac par des adultes du refuge, se barricade souvent dans sa chambre, effray. Sans soutien et sans un encadrement efficace, il accumule les manquements aux conditions de probation. Le travailleur social affect son dossier est davis que Francis a besoin dune prise en charge 24 h sur 24 et dun logement indpendant pour son passage lge adulte. Son avocat communique avec nous. Notre bureau forme alors un comit consultatif charg de trouver un placement plus permanent, dinstaller Francis dans un endroit o il pourra bnficier dun soutien communautaire et ducatif, et de crer un plan de transition en attendant que Francis puisse avoir un suivi long terme comme adulte. Francis avait besoin dune intervention et dun soutien immdiats avant que les chefs dinculpation natteignent un niveau ingrable et avant quil ne devienne lun de ces jeunes aux prises avec un dficit cognitif, abonn au systme de justice pnale.

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    Le Ministre a rassembl de nombreux intervenants, et on a pu trouver un appartement et offrir un soutien global Francis 24 heures sur 24. Francis a t inscrit un programme dducation, et un plan thrapeutique a t mis sur pied. Toutes les personnes intervenant auprs de Francis ont t informes que celui-ci risquait dtre nouveau inculp pour manquement aux conditions de probation et de se retrouver dans le systme de justice pour adultes. Finalement, Francis a pu recevoir de laide, et un plan a t mis en place pour le guider dans le passage la vie adulte. Il aurait t plus conomique pour les contribuables, moins traumatisant pour Francis et plus efficace si on avait pu fournir demble Francis le soutien intensif dont il avait besoin. Il nen demeure pas moins que toutes les personnes concernes voulaient faire le maximum pour Francis. Cest le systme qui na pas t la hauteur.

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    CHAPITRE I

    LADMINISTRATION DE LA JUSTICE PNALE

    POUR LES ADOLESCENTS AU

    NOUVEAU-BRUNSWICK AUJOURDHUI

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    Chapitre I Partie 1

    Rappel historique du systme de justice pour les adolescents au

    Nouveau-Brunswick

    Pendant de nombreuses annes sous les deux premiers rgimes de justice pnale pour les adolescents, celui de la Loi sur les jeunes dlinquants (1908-1984) et la Loi sur les jeunes contrevenants (1984-2003), on croyait tort que le Nouveau-Brunswick tait lavant-garde des interventions dans le systme de justice pnale pour les jeunes. Lcole de rforme provinciale, le Centre de formation pour jeunes de Kingsclear, tait considre comme un modle pour son programme de radaptation et ses mthodes pdagogiques visant lutter contre la dlinquance juvnile. Ctait avant larrestation de Karl Toft, un employ de Kingsclear, et les enqutes qui ont suivi au sujet des mauvais traitements infligs aux jeunes Kingsclear. Aujourdhui, lorsque le nom de Kingsclear est voqu, comme celui de Mount Cashel ou les pensionnats dans dautres contextes, on ne peut sempcher de penser aux mauvais traitements dont ont t victimes des enfants. Le Centre de formation pour jeunes de Kingsclear situ juste lextrieur de Fredericton est aujourdhui vacant. Trente ans plus tard, ldifice abandonn se dresse, tmoin lugubre des horreurs passes.

    Dans le sillon de la condamnation de Toft en 1992 et de lenqute Miller qui la suivie, le gouvernement a conclu un partenariat public-priv en vue de la conception dun nouvel tablissement de milieu ferm pour les adolescents, le Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick (CJNB). Selon la Loi sur les jeunes contrevenants le taux de jeunes incarcrs semblait justifier un tablissement de 100 lits. Cependant, cet tablissement dpassait de loin les besoins du Nouveau-Brunswick, le nombre de jeunes commettant des infractions graves tant somme toute limit.

    Lorsque le Bureau du dfenseur des enfants et de la jeunesse a t mis sur pied en 2006 et que nous avons commenc visiter rgulirement les jeunes au CJNB, la population journalire se chiffrait habituellement autour de 40 adolescents qui taient soit en dtention prventive, soit placs sous garde en milieu ferm.

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    Le surplus de places a amen les autorits accueillir des dtenus adultes de sexe masculin qui ont par la suite t remplacs par des femmes dtenues. Que lincarcration de jeunes et dadultes dans le mme tablissement soit contraire aux principes fondamentaux du droit canadien et aux normes lgales internationales semble importer peu.

    Le besoin dun tablissement de milieu ferm de haute capacit continue diminuer. Le compte moyen des dtenus au CJNB en 2014-2015 se chiffrait 23 adolescents.13 Nous navons pas besoin de 100 places dans notre tablissement de milieu ferm pour adolescents. Nous aurions besoin dencore moins de places si le Nouveau-Brunswick rorientait suffisamment de dossiers dadolescents du systme carcral vers les mcanismes communautaires qui leur viennent en aide. Les progrs impressionnants que nous avons constats dans les statistiques sur la criminalit juvnile au cours des trois dernires annes rendent encore plus inutile lexistence du CJNB. Le nombre total de jeunes prsents au CJNB a diminu constamment depuis 2010-2011.

    Quand nous avons commenc nous pencher sur ces questions, des hauts fonctionnaires du ministre de la Scurit publique ont pris linitiative de nous dire quau moment de lentre en vigueur de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents en 2002, le fdral a vers de largent pour assurer la formation des procureurs de la Couronne, mais que moins de la moiti de ceux qui devaient assister aux sances sy sont prsents. Des procureurs de la province nous ont dit quun processus distinct dexamen avant linculpation des accusations portes contre les jeunes en vertu de larticle 23 de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents tait superflu, tant donn que le Nouveau-Brunswick stait dot dun mcanisme universel dexamen avant linculpation. Ils nous ont indiqu que les juges ne pouvaient faire partie des groupes consultatifs sans entacher le droulement des audiences, et que les procureurs navaient pas pour tche de prendre en considration les besoins en sant mentale ni les besoins de protection de lenfance des jeunes accuss dun crime. Comme la exprim un procureur : Nous somme des procureurs, pas des travailleurs sociaux, nous poursuivons des individus. Notre Bureau sinscrit en faux contre cette dclaration, car cette vue troite de lesprit est contraire aux objectifs de la loi et le rle des procureurs tel que conu dans la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Nous esprons trs sincrement que cette affirmation ne correspond pas la philosophie des Poursuites publiques dans leur ensemble et nous rencontrons assurment de nombreux procureurs qui ont une comprhension profonde des mthodes centres sur les jeunes sous le rgime de la LSJPA. Mais nous souhaiterions entendre que pas un seul procureur ne devrait tre de cet avis.

    linvitation de la GRC, nous avons parcouru la province et nous avons particip de nombreuses sances de formation destines aux agents de premire ligne et aux partenaires de la collectivit sur lapplication de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Nous avons appris que la plupart des agents navaient jamais reu un iota de formation au sujet de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents pendant leur formation policire

    13 Source : ministre de la Scurit publique, Compte quotidian de la population, SIC, le 27 avril 2015.

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    rgulire. La plupart dentre eux navaient jamais entendu parler de la mise en garde par le procureur gnral (les procureurs de la Couronne envoient une lettre de mise en garde ladolescent) comme autre moyen de djudiciarisation. Un reprsentant de la John Howard Society nous a affirm : Je gre le Programme des mesures de rechange dans ma communaut depuis des annes, et cest la premire fois que lon me parle de la diffrence entre les mesures extrajudiciaires et les sanctions extrajudiciaires . Ces deux termes (mesures extrajudiciaires et sanctions extrajudiciaires), qui sont dcrits de faon plus prcise dans le prsent rapport, sont des aspects essentiels de la djudiciarisation des jeunes qui vise les soustraire aux poursuites et les rorienter vers les mcanismes daide communautaires en vertu de la Loi sur le systme de justice pour les adolescents. Nous ne voulons aucunement ici critiquer lexcellent et indispensable travail effectu par la police, et des groupes communautaires tels que la Socit John Howard. Nous voulons plutt dnoncer le fait que le systme de justice pnale du Nouveau-Brunswick ne sest pas adapt la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents.

    Lors de notre tude, nous avons rencontr de nombreux jeunes gens placs sous garde et dautres qui avaient dj t dtenus et placs sous garde. Nous prsentons leurs points de vue dans ce rapport. Nous avons t consterns dapprendre que souvent leurs droits comme accuss leur chappent compltement. Certains ne pouvaient nous dire sils avaient eu accs un avocat ni sils avaient t reprsents par un avocat en cour. Ce ntait pas clair pour eux.

    Tous ces renseignements, qui ont servi de base notre rapport, nous amnent penser que si le systme judiciaire a chang pour tenir compte des droits de la personne, force est de constater que nous avons fait trs peu de progrs en 30 ans dans notre faon de voir et denvisager la justice pnale pour les jeunes. La loi a subi une transformation importante, mais le systme peine tenir le rythme.

    Sept ans aprs la promulgation de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents, le taux dinculpation de jeunes par habitant au Nouveau-Brunswick demeurait plus lev que celui de la majorit des provinces canadiennes.14

    Il reste donc beaucoup faire au Nouveau-Brunswick pour donner tout leur sens aux changements apports il y a plus de dix ans la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Toutefois, les quelques dernires annes ont montr ce quil est possible de faire; en effet, la GRC, les corps de police municipaux et les agents des programmes communautaires travaillent de plus en plus afin de soustraire les jeunes au processus judiciaire et de les rorienter vers les mcanismes daide susceptibles de rduire le risque quils soient nouveau impliqus dans le crime. Tout rcemment, la Stratgie provinciale de prvention et de rduction de la criminalit a produit un modle de djudiciarisation pour les adolescents qui tmoigne en grande partie de ce que notre bureau a toujours prconis. Nous esprons beaucoup voir dautres

    14 Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de dclaration uniforme de la criminalit, 2010.

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    avances qui permettront de soustraire au processus judiciaire des jeunes qui risquent davoir des dmls avec le systme de justice pnale et de les rorienter vers des mcanismes daide.

    Chapitre I Partie 2

    Bilan du Nouveau-Brunswick en matire de justice pour les adolescents

    Il sest produit quelque chose de trs tonnant quon attendait depuis trs longtemps au Nouveau-Brunswick en ce qui concerne la djudiciarisation des adolescents. Quand nous avons commenc songer entreprendre le prsent examen, les perspectives peu reluisantes semblaient voluer pour devenir prometteuses. Aujourdhui, elles semblent passer de prometteuses une situation dans laquelle la province pourrait devenir un chef de file lchelle nationale. Si le Nouveau-Brunswick peut adopter une dmarche axe sur les droits de lenfance dans tous les domaines qui concernent les enfants et les adolescents, nous pourrons prendre linitiative de fournir les moyens qui permettront aux enfants de se faire une opinion positive sur la faon dont ils se sentent, dont ils pensent et dont ils agissent. Plus que toute autre mesure, cela pourra faire diminuer notre taux de criminalit juvnile.

    Lun des progrs les plus impressionnants dont nous avons t tmoins dans le systme de justice pnale pour les adolescents du Nouveau-Brunswick a t le taux de jeunes inculps dinfractions. Lune des pierres angulaires dun systme de justice pnale pour les adolescents bas sur des donnes probantes est le besoin de mcanismes permettant de diriger les adolescents vers des mesures de responsabilisation autres que les tribunaux et le placement sous garde. Nous constatons des amliorations ce chapitre. Le Nouveau-Brunswick a fait diminuer de 38 % le taux dadolescents inculps entre 2010 et 2013. Le taux du Nouveau-Brunswick sest ainsi align

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    sur ceux de Terre-Neuve et de lle-du-Prince-douard et a mme devanc celui de la Nouvelle-cosse.15

    Nanmoins, il subsiste de graves problmes bien des gards dans le systme de justice pnale pour les adolescents.

    La proportion de jeunes accuss dune infraction criminelle au Nouveau-Brunswick na cess de diminuer depuis qua t promulgue, en 2002, la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents. Pourtant, une dcennie plus tard, il y a toujours dans notre province autant de jeunes qui sont envoys en dtention prventive ou sous garde en milieu ferm. Beaucoup trop souvent, ce sont les plus vulnrables qui se retrouvent coincs dans le systme : des jeunes aux prises avec des problmes de sant mentale ou des problmes de toxicomanie, des jeunes qui ont t victimes de violence et de ngligence, des jeunes sans-abris, des jeunes ayant un handicap intellectuel, ou encore des jeunes qui proviennent de groupes marginaliss ou minoritaires.

    Le droit canadien sous le rgime de la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents prvoit que dans la grande majorit des cas, les adolescents devraient tre dtourns du systme de justice pnale et dirigs vers laide dont ils ont besoin pour viter dautres dmls avec la justice. Cet objectif se reflte aussi dans les pressions quexerce notre bureau ainsi qu larticle 40 de la Convention relative aux droits de lenfant, dont voici le libell :

    15 Statistique Canada, Tableau 252-0075 Statistiques des crimes fonds sur l'affaire, par infractions dtailles et services policiers, provinces de l'Atlantique (tableau), CANSIM (base de donnes).

    PETIT RECUEIL DU DROIT ET DES POLITIQUES

    ...Consciente du grand nombre de jeunes qui, quils enfreignent ou non la loi, sont abandonns, ngligs, maltraits, exposs la drogue ou en situation marginale et, dune manire gnrale, en situation de risque social .

    Principes directeurs des Nations Unies pour la prvention de la dlinquance juvnile

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    Article 40

    Toute une gamme de dispositions, relatives notamment aux soins, lorientation et la surveillance, aux conseils, la probation, au placement familial, aux programmes dducation gnrale et professionnelle et aux solutions autres quinstitutionnelles, seront prvues en vue dassurer aux enfants un traitement conforme leur bien-tre et proportionn leur situation et linfraction.

    Lune des raisons pour lesquelles on doit mettre laccent sur la djudiciarisation et viter les poursuites consiste prvenir dautres crimes en vitant dincarcrer des jeunes. Nous avons constat de trs bonnes diminutions du nombre dadolescents placs sous garde en milieu ferm, dont une baisse non ngligeable depuis 2012-2013.16 Pourtant, le Nouveau-Brunswick a encore davantage recours la garde en milieu ferm comme mesure correctionnelle pour les jeunes que nous laimerions pour que notre province agisse avec justice envers les jeunes. La Colombie-Britannique avait seulement 59 adolescents sous garde en milieu ferm en 2013-2014, comparativement 51 au Nouveau-Brunswick, mme si sa population est au moins six fois plus importante que la ntre.17 LOntario avait six fois plus de jeunes placs sous garde en milieu ferm que le Nouveau-Brunswick, mais sa population est dix-huit fois plus importante que la ntre.18 Le nombre de jeunes placs sous garde en milieu ferm Terre-Neuve-et-Labrador est modeste depuis de nombreuses annes et, en date de 2013-2014, il continuait de reprsenter prs de la moiti du nombre recens au Nouveau-Brunswick, mme si sa population est seulement 30 % plus petite.19 Notre bureau a reu les statistiques pour 2014-2015 de Terre-Neuve-et-Labrador et les a compares aux statistiques que nous avons obtenues pour 2014-2015 du ministre de la Scurit publique du Nouveau-Brunswick. Nous avons constat que Terre-Neuve a maintenant un nombre moyen dadolescents placs sous garde en milieu ferm qui quivaut au tiers de celui du Nouveau-Brunswick (3,48 comparativement 11,5).20

    La Loi sur la procdure relative aux infractions provinciales applicable aux adolescents du Nouveau-Brunswick est en vigueur depuis 1987, et elle prvoit que lorsque ce nest pas lencontre de la protection de la socit, il y aurait lieu de songer, lorsquil sagit dadolescents qui ont commis des infractions, nimposer aucunes mesures ou encore dimposer des mesures

    16 Voir : Statistique Canada, Tableau 251-0011 (tableau), CANSIM (base de donnes). Statistique Canada, Tableau 251-0011 (tableau), CANSIM (base de donnes). Dautres statistiques rcentes du ministre de la Scurit publique ont confirm que la baisse du taux de placements sous garde en milieu ferm enregistre en 2013-2014 sest poursuivie et sest mme accentue en 2014-2015. 17 Statistique Canada, Tableau 251-0011 (tableau), CANSIM (base de donnes). 18 Statistique Canada, Tableau 251-0014 Services communautaires et placement sous garde de jeunes (SCPSGJ), admissions en dtention aprs condamnation, selon le sexe et la dure de la peine purger (tableau), CANSIM (base de donnes), consult le 1 juin 2015. 19 Statistique Canada, Tableau 251-0011 (tableau), CANSIM (base de donnes). 20 Statistiques reues du Youth Center de Terre-Neuve-et-Labrador le 28 mai 2015 et statistiques reues du ministre de la Scurit publique du Nouveau-Brunswick sur sa population quotidienne, SIC, le 27 avril 2015.

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    autres que des procdures judiciaires .21 Pourtant, le Nouveau-Brunswick a continu pendant de nombreuses annes par la suite figurer parmi les pires provinces au Canada pour incarcrer les jeunes au lieu de les diriger vers des mcanismes de soutien. Les progrs rcents au Nouveau-Brunswick nous font esprer que cette trajectoire se maintiendra.

    On peut soutenir que les progrs rcents sont en grande partie attribuable au fait que nous avions pris beaucoup de retard dans ce domaine jusqu tout rcemment et aussi au fait que les taux de criminalit juvnile continuent de diminuer. Ce qui est vrai cependant, cest que nous avons commenc nous attaquer aux causes premires de la criminalit juvnile et apporter des mesures sociales pour la prvenir. Nous devons nous concentrer sur les interventions qui ont fait leurs preuves dans la prvention de la criminalit juvnile, car ce sont ces interventions qui rapporteront des dividendes notre province long terme.

    Les taux dinculpation reculent grce la police qui oriente davantage les jeunes vers les ressources de soutien communautaire et opte pour des solutions de rechange. Le lancement par la GRC du Programme de djudiciarisation et dintervention auprs des jeunes, le dpistage des jeunes prsentant des problmes de sant mentale et la cration rcente de la fonction dagent des programmes communautaires (membres de la communaut civile embauchs par la GRC pour administrer les programmes qui sadressent criminalit des jeunes) sont tous des facteurs qui ont contribu faire diminuer les taux dinculpation. Si les nouveaux comits de justice pour les jeunes (composs de parties prenantes dans la collectivit et le gouvernement) jouent le rle dont ils sont capables, le Nouveau-Brunswick progressera encore plus dans la djudiciarisation des adolescents et dans leur orientation vers des mcanismes daide dont ils ont besoin pour mettre fin la criminalit.

    Les donnes que lon trouve dans des sources comme le Portrait des droits et du mieux-tre des enfants et des jeunes du Nouveau-Brunswick (qui fait partie du Rapport sur ltat de lenfance du Dfenseur des enfants et de la jeunesse) font galement tat de progrs dans le recours aux congs de rinsertion sociale et aux permissions de sortir sous escorte pour les adolescents placs sous garde en milieu ferm ainsi que dans le recours aux peines purges au sein de la collectivit.22

    Il y a encore, par contre, beaucoup de statistiques alarmantes. Par exemple, le Nouveau-Brunswick a fait des progrs constants pendant cinq ans au chapitre du nombre de jeunes en dtention prventive, mais celui-ci demeure beaucoup trop lev comparativement aux meilleures pratiques nationales. L encore, la population de la Colombie-Britannique est plus de six fois suprieure la ntre, mais le nombre de jeunes qui y sont placs en dtention prventive est moins de quatre fois plus lev que le ntre. Les statistiques de Terre-Neuve-et-Labrador sont

    21 Loi sur la procdure relative aux infractions provinciales applicable aux adolescents, L.N.-B. 1987, c. P-22.2, art. 3(1)(d). 22 Nouveau-Brunswick, Dfenseur des enfants et de la jeunesse, Le Rapport sur ltat de lenfance 2014 : Les droits de lenfant 25 ans, novembre 2014.

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    encore plus difiantes. Avec une population 30 % plus petite que la ntre, le nombre dadolescents en dtention prventive y est 72 % moins lev que le ntre.23 Terre-Neuve sest dote dun programme de services pralables au procs au sein de son tribunal pour adolescents Saint Johns. Ce programme permet dassurer la surveillance des jeunes pour faire en sorte que leurs conditions de mise en libert soient respectes, ce qui procure aux tribunaux la confiance ncessaire pour mettre en libert les adolescents dans leurs collectivits avec de laide, au lieu de les envoyer en dtention ltablissement de milieu ferm pour les jeunes en attendant leur procs. Non seulement ce programme a-t-il fait baisser de beaucoup le nombre de jeunes en dtention prventive, mais il a galement donn lieu un plus grand nombre de peines purger dans la collectivit (comme les ordonnances diffres de placement et de surveillance) quand les adolescents se prsentent devant le tribunal; dans le cadre du programme de services pralables au procs, le tribunal pour adolescents a lavantage de pouvoir constater ce que les jeunes peuvent russir sous surveillance dans leur propre collectivit, ce qui le rend plus enclin les y laisser.

    Cest lune des principales sources de frustration que nous entretenons lgard du systme provincial : nous envoyons des adolescents dans un tablissement de garde en milieu ferm, parce que nous ne disposons pas dautres lieux srs o ils pourraient attendre de comparatre devant le tribunal. Nest-ce pas courir au dsastre que dincarcrer des contrevenants faible risque qui en sont souvent un premier dlit avec des jeunes qui ont commis une infraction grave? Cela fait augmenter la probabilit que des jeunes faible risque deviennent des dlinquants risque lev et tombent dans la rcidive.24 Le terme cole du crime utilis pour dsigner les tablissements de garde en milieu ferm pour les jeunes nest pas exagr; les jeunes apprennent des autres jeunes.

    Lorsquun jeune est envoy ltablissement de garde en milieu ferm en attendant son procs, il est montr du doigt et il dveloppe une image ngative de lui-mme. Ses liens familiaux sont rompus. Son ducation est interrompue. Il est coup du soutien communautaire.

    23 Statistique Canada, Tableau 251-0011 (tableau), CANSIM (base de donnes). 24 Lee Tustin et Robert Lutes, A Guide to the Youth Criminal Justice Act, dition 2012, Markham (Ont.), LexisNexis Canada, 2011.

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    Si les choses taient diffrentes, je ne serais pas ici, mais personne ne soccupe de moi. Je suis tout seul.

    Martin, 17 ans, en dtention prventive ltablissement de garde en milieu ferm

    Les personnes qui travaillent dans le systme disent souvent que les adolescents sont envoys ltablissement de garde en milieu ferm pour des dlits mineurs, parce quils nont pas reu un soutien suffisant de la collectivit. Nous constatons que le nombre dadolescents en dtention prventive diminue au Nouveau-Brunswick, mais nous voyons encore de trs jeunes enfants qui sont en dtention avant le procs. Le nombre dadolescents de 14 ans en dtention prventive en 2013-2014 tait identique celui de 2009-2010 (21 jeunes de 14 ans). Le nombre de jeunes de 15 ans dans cette situation en 2013-2014 tait suprieur celui de 2010-2011 (65 jeunes de 15 ans en 2013-2014). Le nombre dadolescents de 16 ans dans cette situation tait plus lev en 2013-2014 quen 2009-2010 (79 en 2009-2010). Du ct positif, il y a eu une diminution norme du nombre dadolescents de 13 ans qui ont d attendre leur procs en dtention la prison pour jeunes (qui a baiss seulement deux en 2013-2014, par rapport un sommet de 29 en 2010-2011). Mais aucun adolescent de 13 ans ou de 12 ans (il y en a eu un en 2013-2014) ne devrait avoir se trouver dans le milieu effrayant de la prison pour jeunes en attente de son procs.25 On ne saurait trop insister sur le fait que la grande majorit des crimes commis par des adolescents sont des infractions mineures sans violence. Le taux global de criminalit juvnile est en baisse depuis que la Loi sur le systme de justice pnale pour les adolescents est entre en vigueur en 2003, ayant diminu de 40 % au cours de la premire dcennie.26 Le taux de crimes avec violence commis par des jeunes a chut pendant cette priode.27 Le nombre total de crimes avec violence par des jeunes au Nouveau-Brunswick a diminu de 18 % entre 2012 et 2013 et le nombre total de crimes commis par des adolescents a baiss de 21 %.28 Quoi quil en soit, la fin de ladolescence est un passage prcaire pour de nombreux Canadiens; en effet, le taux de criminalit national atteint son sommet autour de lge de 18 ans avant de commencer

    25 Statistique Canada, Tableau 251-0011 Services communautaires et placement sous garde de jeunes (SCPSGJ), admissions aux services correctionnels, selon le sexe et l'ge au moment de l'admission, annuel (nombre) (tableau), CANSIM (base de donnes), consult le 1 juin 2015. 26 Statistique Canada, Statistiques sur les crimes dclars par la police au Canada, 2013, Juristat, 23 juillet 2014. 27 Statistique Canada, Statistiques sur les c