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Conseil de Développement de la Loire-Atlantique Conseil de Développement de la Loire-Atlantique Conseil de Développement de la Loire-Atlantique POINT de VUE oeconomique sur la crise et les territoires Les Dossiers Conseil de Développement de la Loire-Atlantique Mai 2009 C ontribution Arnaud du CREST

Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

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La faillite et les systèmes de garanties de créances manquent de réserves. Mais ce n'est pas la crise financière qui s'étend à l'économie réelle, c'est cette dernière qui a provoqué la crise financière ... Document rédigé par le Conseil de Développement de la Loire-Atlantique

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sur la crise et les territoires

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Dossier Oeconomie

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Mai 2009

Contribution Arnaud du CREST

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2 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

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S OMMAIRE

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Portrait du conférencier

Résumé

I - Évolution de la productivité et surendettement

La crise financièreLa diminution du taux de croissance de la productivitéLe relais par l’endettementLes cinq dimensions de la crise

II - Faut-il changer le moteur ?

Les deux types d’industrie Les ciseaux des prix Le solde commercial Le bâtiment Les transports La consommation Les ressources fiscales

lll - Les différents modèles

Les modèles territoriauxLa bioéconomie, l’oeconomieLe tempsSynthèse

lV - Modèles et indicateurs

Les limites des indicateurs de productivité Les nouveaux indicateurs Les indicateurs et les trois piliers du développement durable Indicateurs et modèles de développement Utopie et résistance

V - Annexes

Un siècle de productivité en FranceÉléments bibliographiques

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 3

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Depuis 2007, Arnaud du Crest est Directeur de la mission Observatoires à la SEM des Pays de la Loire.

La SEM Régionale des Pays de la Loire a été créée en 2006 par la Région pour être son outil opérationnel. Elle est présidée par M. Jacques Auxiette et dirigée par M. Alain Breysse. Elle comprend quatre directions opérationnelles : développement économique, promotion économique, construction et mission observatoires.

La mission observatoires de la SEM est depuis mai 2008 le maître d’œuvre de l’ob-servatoire régional économique et social de la Région des Pays de la Loire. A ce titre, la mission observatoires met en place une base de données d’indicateurs sur les activités et le contexte régional et conduit les études qui lui sont commandées, dont l’une sur la recherche avec le Comité consultatif régional de la recherche et du développement technologique. Les missions confiées par la Région compren-nent également la contribution à l’animation du réseau régional des observatoires, la publication mensuelle d’une note de conjoncture, l’édition de bulletins théma-tiques.

Une présentation de la SEM, de la mission observatoires et de la note de conjonc-ture sont disponibles sur le site www.sem-paysdelaloire.fr

L conférencierlll

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Arnaud du Crest était précédemment directeur de l'Observatoire régional em-ploi formation puis du Centre d’Animation et de Ressources pour l’Information sur la Formation (Carif-Oref ) des Pays de la Loire. Spécialiste de la probléma-tique formation/emploi, Arnaud du Crest a publié plusieurs ouvrages et ar-ticles sur ce sujet.

Ses principales publications :• Scénarios pour l’emploi et la formation, Ed. L'Harmattan, 1997• Les difficultés de recrutement en période de chômage, Ed. L'Harmattan, 2001• L’accompagnement en formation, Ed. L'Harmattan (en collaboration), 2001

4 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 5: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

La crise n'est pas finie. De nom-breuses sociétés rachetées par des fonds d’investissement

pourraient faire faillite et les sys-tèmes de garanties de créances man-quent de réserves. Mais ce n'est pas la crise financière qui s'étend à l'éco-nomie réelle, c'est cette dernière qui a provoqué la crise financière. Trois mécanismes se sont enchaînés et nous ont enchaînés : la baisse de l'augmentation de la productivité (qui est le point aveugle des déci-deurs et de nombre d'analystes), la hausse de l'endettement, la baisse de la valeur des actifs.

Le Pib augmente depuis les années 1950 (sauf fin 2008 et en 2009), mais le taux de croissance du Pib diminue depuis plusieurs décennies. Accep-ter de penser que la productivité a des limites, c'est accepter de penser que la croissance – telle que définie et mesurée actuellement – a des li-mites. Aujourd'hui, l'homme doit reconnaître à la fois les limites de la planète et les siennes propres.

Il a fallu trouver un palliatif à la baisse tendancielle de l'augmentation de la productivité, donc de l'augmen-

tation du Pib par habitant. Ce fut l'endettement, qui permet d'acheter plus chaque année, donc d'afficher un Pib en augmentation. La dette publique passe de 20 % du Pib en 1980 à 65 % en 2008. L'endettement des ménages augmente concurrem-ment. La diminution du gain de pro-ductivité a engendré la crise finan-cière. Les contraintes de ressources et écologiques accentuent les limites d'un développement économique sur les bases passées. La contrainte démographique va limiter les capa-cités budgétaires publiques.

De nombreux modèles ont été éla-borés pendant la phase de crois-sance, dont on connaît les plus récents : clusters et pôles de compé-titivité d'un côté, économie présen-tielle de l'autre. D'autres émergent ou redeviennent d'actualité. La place respective du travail et des produits qui s'y substituent est de nouveau posée, entre lutte contre les déloca-lisations et relocalisation.

Ces modèles peuvent se combi-ner entre eux, mais aussi avec trois modes de fonctionnement : l'éco-nomie qui reconnaît le principe de

l'entropie : la bio économie ou l'oe-conomie, l'économie de la répara-tion et l'écologie industrielle; l'éco-nomie de fonctionnalité; l'économie du temps. Ces modèles dessinent les compétences de demain, qui sont présentes aujourd'hui et ne deman-dent qu'à être revivifiées.Ces modèles ne pourront pas être mis en œuvre de façon opération-nelle sans changer d'indicateurs. Il y a profusion de propositions sur les indicateurs alternatifs au Pib, profu-sion qui peut s’expliquer par la quan-tité de questions que pose leur éla-boration.

La société est un assemblage de mo-dèles, assemblage dont le ciment est apporté par les valeurs. Ces valeurs relèvent pour partie de l'utopie et croisent les deux autres cultures, celle de la gestion et de la résistance.

Entre utopie, gestionet résistance

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 5

Page 6: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

La situation d'aujourd'hui peine à dire son nom. Crise cyclique ou rupture ? Le vocabulaire politiquement correct règne. Les institu-tions parlent de croissance négative… Croissance on connaît, baisse aussi, mais croissance négative ? Pour-quoi cet oxymore ?Crise ou rupture ? Les deux sont sans doute possibles selon la façon dont la situation sera gérée. Et la première n'est peut-être pas la meilleure, au vu des tensions sociales, éco-nomiques, écologiques, qu'elle peut engendrer.

Nous proposons de regar-der d'un peu plus loin la crise actuelle, de renverser l'ordre des facteurs entre le financier et l'économique, puis de revenir sur le terrain, sur celui de l'or-ganisation territoriale, de la façon dont nous vivons ensemble.

l - Évolution de la productivité et surendettement

1 La crise financière

Un rapide survol de la crise financière s'impose d'abord, en mettant en évi-

dence deux phénomènes, un système de prix inversé et un détournement de la régulation.

• Uneinversiondusystèmedeprix

De manière générale, nous sommes poussés à acheter moins quand les prix montent. Si la viande rouge augmente, nous achetons de la viande blanche, et si les cerises sont chères, des pommes. C'est ce que l'on nomme la « théorie standard de l’offre et de la demande » : une augmentation des prix entraîne une baisse des quantités échangées à l’équi-libre.Sur les marchés financiers c'est exacte-ment l'inverse, quand les prix montent, la demande augmente comme Michel Aglietta1 l’expose très pédagogique-ment. Plus les actions sont chères, plus il y a d'achats, puisque le capital des ache-teurs augmente d'autant, en tous cas tant que le crédit est ouvert. La valorisa-tion des actifs à leur valeur de marché a encore accentué le phénomène.

• Desprêtssansgarantie

Ceci a été aggravé par des techniques comme les prêts ninja (no income, no job, no capital) faits à des personnes sans ressources et sans travail pour les pousser à acheter leur maison (avec

Avant- propos

1 Michel Aglietta, La crise. Comment en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? Ed. Michalon, 2008,2 Zygmunt Bauman, Le Monde, 28 février 2009. Auteur de S’acheter une vie, éd. Jacqueline Chambon, 2008,3 Etude du Boston Consulting Group, citée par Le Monde, 15-16 février 2008

6 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 7: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

des prêts à taux progressif ), et par le contournement de la réglementa-tion bancaire (ratio de prêts sur fonds propres) par la titrisation. En effet la réglementation limite le montant des prêts bancaires en fonction de leurs capitaux propres, mais si les banques revendent ces créances à des sociétés de bourse, elles chan-gent de nature et n’ont plus aucune limite. Ceci est assez cohérent, dans un pre-mier temps, avec la logique de rému-nération des banques, qui2 « font leur profit sur la gestion permanente des dettes plutôt que sur les rembourse-ments rapides. Selon leurs critères, un client idéal est celui qui n’arrivera jamais à solder ses comptes. On en-court même de lourdes pénalités en proposant un remboursement inté-gral avant échéance… En Angleterre l’un des principaux établissements de crédit vient de refuser le renou-vellement de carte bleue aux clients qui s'acquittaient de leurs mensua-lités et échappaient ainsi aux péna-lités financières ». On entend ici la carte bleue comme une carte de cré-dit (impliquant un débit à la banque) et non la simple carte de paiement.Mais les banques ne gagnent que tant que leurs débiteurs n'ont pas assez pour tout rembourser, mais assez pour rembourser chaque mois un peu. Il faut qu'ils aient des res-sources limitées, mais pas trop… Un équilibre difficile. Si les clients ne peuvent plus assurer les échéances, la banque reprend les garanties, et si le mouvement est massif celles-ci perdent leur valeur. C'est le début de la fin.

• D'autresfaillitesàvenir

La crise n'est pas finie. Par exemple, la moitié des sociétés sous LBO pourraient faire défaut au cours des trois prochaines années3. Le LBO est le leverage buy out, c'est-à-dire un mécanisme qui consiste à acheter des sociétés par des fonds d'investis-sement avec un recours à l'emprunt

dont le remboursement est assuré par l'entreprise elle-même sur ses résultats. Moins de résultat et c’est la faillite, contrairement aux entre-prises classiques qui peuvent im-puter un résultat négatif sur leurs fonds propres. Les CDS (credit default swap, ou assurance contre un défaut de paiement) sont des assurances prises par un créancier contre un défaut de paiement. Ils s'élevaient à 45 milliards de dollars mi 2007… Le vendeur de CDS (qui assure) n’a pas d’obligation de mettre de côté

des fonds pour garantir la transac-tion, il reçoit des primes périodiques et augmente ses avoirs sans aucun investissement en capital si aucun événement de crédit n’a lieu jusqu’à

maturité du contrat. Mais si le crédit assuré n'est pas rem-boursé, le ven-deur doit faire un paiement comp-tant à l'assuré. Et

il n'y a aujourd'hui aucune régulation de ce marché. C'est une autre épée de Damoclès au-dessus des marchés.

Crise ou rupture ? Les deux sont sans doute pos-sibles selon la façon dont la situation sera gérée.

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 7

Page 8: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

2 La diminution du taux de croissance de la productivité

• Inverserleraisonnement

On décrit souvent la crise à partir des années 2005 ou 2006, de l'excès de l'endettement. Mais elle a ses racines beaucoup plus loin que le 15 sep-tembre 2008. Ce n'est pas la crise financière qui s'étend à l'économie réelle, c'est cette dernière qui a pro-voqué la crise financière4. Et Nicolas Baverez peut bien affirmer qu'il faut que la productivité reparte5, elle est en panne. Centrer l'analyse sur la crise finan-cière c'est se condamner à ne rien comprendre, et faire des scénarios à la mode des consultants, mais sans sens, par exemple, les scénarios en V, U, W ou L… avec de grands noms à l'appui6 :en V : Christina Romer, conseillère économique d'Obama; en U : Sung Won Sohn, professeur à l'université publique de Californie; en W : Ste-phen Roach, patron de Morgan Stan-ley en Asie; en L : Nouriel Roubini…

Trois mécanismes se sont enchaînés, et nous ont enchaînés : la baisse de

l'augmentation de la productivité (qui est vraiment le point aveugle des décideurs et de nombre d'ana-lystes), la hausse de l'endettement, le baisse de la valeur des actifs. Les analyses qui suivent sont anciennes et connues, la crise financière avait été annoncée par beaucoup d'éco-nomistes, sociologues ou philo-sophes depuis longtemps. Mais comme elle n'arrivait pas, le discours commun considérait ceux qui l'an-nonçaient comme des prophètes de malheur. La crise est là. Alors, peut-être les réflexions qui suivent seront-elles prises en considération ?

• Laproductivité

Avant de parler de la productivité, rappelons les définitions du Pib et de la croissance. Les graphiques concer-nent ici les données nationales pour la France.

Le produit intérieur brut mesure la valeur ajoutée produite. Pour sché-matiser, c'est l’addition de la valeur marchande ou monétaire (pour les

Le cycle plus complet

Endettement

Crisefinancière

Économieproductivité

Production

Le discours dominant

Endettement

Crisefinancière

Economie

4 Ce n’est pas non plus un manque de crédit qui a provoqué la crise mais plutôt son excès, son hypertrophie par rapport à la richesse réelle5 Le Monde, 3 mars 20096 Le Monde, 6 mars 20097 Bernard Perret, Le capitalisme est-il durable ? Carnets nord, 20088 Dominique Meda, Qu’est ce que la richesse ?, «Alto», 1999, Aubier, rééd. Champs-Flammarion, 20009 J’adapte, Alfred Sauvy raconte cette histoire avec une cuisinière.10 Ce découplage est en partie du au fait que la croissance du Pib repose depuis les années 1970 sur la croissance des dépenses réparatrices, publiques et privées, générées par la répartition des effets négatifs de la croissance des effets externes environnementaux et sociaux.11 On trouvera en annexe l’évolution de la productivité sur longue durée, depuis un siècle. Pour approfondir le sujet se reporter à Michel Husson, Du ralentis-sement de la productivité, La Revue de l’IRES n°22, 1997, ou à Olivier Marchand, Claude Thélot, Économie et statistique, 1990 Volume 237 N° 237-23812 Il peut y avoir un effet technique dans cette rupture, l’intégration du coût des administrations publiques dans le Pib à partir de cette date, au coût des facteurs (on estime que la production de l’administration est égale à son coût, sa productivité est donc stationnaire par définition). Ceci ne remet pas en cause les évolutions antérieures et posté-rieures.

8 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 9: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

administrations) des pro-duits et des services. La force de cet indicateur est que la majorité de la population considère qu’il détermine la richesse et l’emploi. Sa force est7 «  d'être une convention sociale qui fait de l'argent la mesure de la valeur des choses ».

Critique du PibCeci revient à simplifier outrageusement notre condition humaine, en réduisant la richesse à la production et l’accumula-tion de biens ou services marchands ou moné-taires8.Pour illustrer les limites de ce concept, citons l’histoire connue de l’infirmière9. Je me casse une jambe dans un accident de voiture, le Pib augmente par le chiffre d’affaires du garagiste et les soins que je reçois à l’hôpital. Mon infirmière est telle-ment gentille que je me marie avec elle : le Pib recule, puisque je ne la paie plus.Le plus intéressant n’est pas tant l’histoire elle-même, qui circule de-puis plus de trente ans, mais le fait que, tout en reconnaissant ces dé-fauts structurels, reconnus dès sa création, le Pib reste pour les déci-deurs la mesure de base. Le Pib était adapté à une société industrielle de croissance, pas à une société de services. Le Pib augmente continû-ment depuis sa création, à quelques exceptions près, tandis que les in-dicateurs de bien-être ou de santé sociale stagnent10 depuis les années 1970. Nous allons poursuivre le dé-but de notre réflexion en utilisant néanmoins cet indicateur et en al-lant au bout de sa logique.

La croissance (du Pib)Quand on parle de croissance dans le vocabulaire courant on parle donc de croissance de la valeur (en équivalente monétaire) produite.

La croissance ainsi mesurée est gé-nérée par une augmentation de la valeur produite par personne, et par le nombre de personnes du pays concerné.

A population constante, il faut donc augmenter chaque année la produc-tion par personne pour augmenter la valeur produite et pouvoir, chaque année distribuer un peu plus de va-leur, augmenter le pouvoir d'achat, investir plus, etc.

Le Pib peut aussi baisser parce que la population active baisserait, ne l'ou-blions pas. La baisse de la popula-tion active est annoncée dans les pays développés en Europe (et déjà en cours au Japon), ce qui entraîne une augmentation du vieillissement, donc des coûts sociaux.

Le Pib augmente donc (sauf fin 2008 et en 2009, nous sommes en réces-sion), mais le taux de croissance du

Pib diminue depuis plusieurs dé-cennies. Nous sommes, nous étions, chaque année plus riches, mais chaque année un peu moins. C'est la baisse tendancielle de l'augmen-tation du Pib… mais c'est là un se-cret bien gardé, quoique facilement accessible dans la littérature éco-nomique. Bien gardé car si l'on pro-longe la tendance des 50 dernières années11, on arriverait à zéro en 2020. Prolongation n'est pas prévision, est encore moins prospective, mais cela nécessite d'y regarder de plus près.

On remarque les gains de productivi-té importants à la sortie de la guerre, et des augmentations ponctuelles quand la durée du travail diminue (1969, 1982 par exemple). La baisse est perceptible depuis la fin des an-nées 1970, assez exactement depuis 197712 : la part de la contribution de l'industrie à la croissance passe de 1,5 à 2 % (tendance depuis 1950, les 30 glorieuses), à moins de 0,5 %. Les services marchands, dont la contri-bution était de l'ordre de 2 %, pas-sent à une tendance de 1,5 %.

L'impact le plus important est celui de l'industrie, car si sa contribution diminue, la tendance à l'augmenta-tion de sa productivité se maintient

Pib = production/actif x po-pulation active

Pib = productivité x popu-lation active

Productivité du travail, évolution annuelle en % du Pib

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1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020

Source : Comptes nationaux - Base 2000, Insee. Valeur Ajoutée / Volume d'heures travaillées

?

Productivité du travail, évolution annuelle en % du Pib

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 9

Page 10: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

à plus de 5 % par an. Quel est ce paradoxe ?

Cette « baisse tendancielle » provient de la diminution de la part des sec-teurs pour lesquels il peut y avoir le plus de gains de productivité (agri-culture, industrie), et du plafonne-ment de ces gains (voir ci-dessous). C'est le théorème de Baumol : l'aug-mentation de la productivité est proportionnelle à la part de l'indus-trie dans l'économie, et inversement proportionnelle à celle des services.Le maintien de la productivité dans l'industrie est en partie artificiel, par l'externalisation des fonctions péri-phériques dans lesquelles la produc-tivité ne peut pas beaucoup aug-menter (nettoyage, transport), ou par la délocalisation des process uti-lisant beaucoup de main d'œuvre.

Si l'on prend en compte la producti-vité ainsi mesurée, quand l'industrie et l'agriculture représentaient 50 % de l'activité, un gain de 6 % de pro-ductivité produisait, en simplifiant 3 % de croissance. Quand ces deux secteurs ne représentent plus que 20 % de l'activité, le gain n'est plus que de 6% x 20 % = 1,2 %. Et comme les gains de productivité des ser-vices sont en moyenne très faibles, la baisse tendancielle ne peut que s'accentuer. Pour renverser la ten-dance, il faudrait soit augmenter la productivité des services (dont les services aux personnes représen-tent la majeure partie de l'emploi), soit augmenter la part de l'industrie avec une augmentation de sa pro-

ductivité. Examinons donc ces deux hypothèses.

Augmenter encore plus la producti-vité de l'industrie ?Certains disent que c'est possible par l'apparition de nouvelles tech-nologies comme précédemment les machines à vapeur puis l'électricité. C'est effectivement ainsi que les pré-visions de Malthus (rapport popula-tion/ressources alimentaires) ont été contredites par l'invention des en-grais chimiques, que celles de Marx (rapport travail vivant / travail mort) l'ont été par une baisse du coût du travail vivant en délocalisant dans les pays en développement, par un changement de la loi de la valeur, de la valeur fonction du temps de travail à la valeur fonction des barrières à

l'accès aux produits (logiciels proté-gés par des brevets, innovations pro-duits successives, monopoles, voir André Gorz) et par une diminution énormes des coûts énergétiques13.Mais… les coûts augmentent égale-ment désormais dans les pays en dé-veloppement, leur niveau technolo-gique et leurs capacités financières les ont transformés en concurrents. Les coûts énergétiques ne peuvent à terme qu'augmenter avec l'épuise-ment des ressources fossiles, enfin, les innovations technologiques ont désormais des effets contre produc-tifs. On le voit déjà ici, cette crise met en jeu des facteurs économiques, démographiques, environnemen-taux. Elle ne peut être comprise que dans la prise en compte de cette multidimension.

Evolution de la productivité de deux secteurs

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1950 1954 1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006

EE Industries des biens d'équipement

EN Services aux entreprises

Évolution de la productivité de deux secteursSource : INSEE

Évolution du Pib en volume - Source : INSEE

10 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 11: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

• Y-a-t'il des limites à la producti-vité?

Les effets contre productifs Ivan Illich14 a longuement développé cet aspect de la croissance. Prenons quelques exemples en actualisant son analyse.En agriculture l'intensification a des effets sur les sols qui, devenus artifi-ciels, s'épuisent perdant leur humus, coupés de leur substrat profond par la semelle de labour. L'irrigation elle-même qui fait remonter les sels à la surface et stérilise le sol (ce qui a fait disparaître des civilisations comme en Mésopotamie). La productivité des productions céréalières stagne en France depuis une quinzaine d'années15. Dans l'élevage les vaches frisonnes ont un potentiel génétique de production laitière supérieur à leur capacité physique à manger (elles font déjà les 3 x 8 : manger, ru-miner, dormir, pas moyen de trouver plus de temps pour manger), les épi-démies se développent avec l'inten-sification des lieux d'élevage (grippe aviaire)… Dans l'industrie la productivité ho-raire augmente mais le stress aussi, et l'épuisement des salariés à partir de 45 ans a un effet très coûteux pour la collectivité, c'est un effet contre productif moins visible car pris en charge par les budgets sociaux.Dans les transports, plus nos véhi-cules sont efficaces de manière indi-viduelle, plus il y en a, moins on va vite (en ville).

Dans les services, il y a le stress éga-lement (effets contre productif et coûteux à l'hôpital), mais aussi la dé-gradation de la qualité. On ne peut pas augmenter la productivité, dans la majorité des services, sans dégra-der la qualité. Les exemples sont lé-gion :- réduisez le personnel de service d'un restaurant, vous augmentez la productivité apparente, et vous at-tendrez plus longtemps vos plats,- réduisez le temps passé par per-

sonne dans les services aux per-sonnes âgées, vous augmentez leur isolement,- faites saisir par les clients leurs poids et codes barres au super mar-ché, vous augmentez la producti-vité, mais à terme, vous créerez des postes de vigiles pour surveiller tout ça,- et l'histoire que je préfère, c'est celle d'un chef d'orchestre qui demande à un consultant comment améliorer la productivité de son orchestre. Celui-

ci assiste à une répétition et lui dit, vous avez 15 violons qui jouent la même partition, 5 suffiraient, vous avez 5 contrebasses, une suffit avec un amplificateur, et je ne parle pas du triangle qui joue au plus 5 mi-nutes sur une durée d'une heure, vous pourriez le faire vous-mêmes…

On peut certes améliorer la qua-lité du management, l'organisation, et même la productivité du travail des managers. Mais ceci n'aura pas beaucoup d'effet sur la productivité de leur service, qui est contraint par la durée du face-à-face avec le client ou l'usager. C'est par exemple le cas d'un organisme de formation qui

va améliorer la formation et l'effica-cité de son équipe de direction, les sessions de formation seront mieux préparées, programmées, mais on ne pourra pas augmenter le ratio de jours de formation par formateur sans dégrader la qualité de la forma-tion.

On peut enfin essayer d'augmen-ter la production en réunissant des organisations en mettant en com-mun des fonctions support, comme la comptabilité, la communication, le nettoyage…. ceci a souvent pour effet de réduire la communication à la base, de recentrer chacun sur « son » métier… et d'alourdir l'organi-

13 Les «esclaves énergétiques» de Jean-Marc Jancovici14 Ivan Illich (1926 - 2002), d’origine au-trichienne, est un penseur de l’écologie politique et une figure importante de la critique de la société industrielle.15 Bruno Parmentier, Nourrir l’humanité, La Découverte, 2008

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 11

Dans les transports, plus nos véhicules sont efficaces de manière indivi-duelle, plus il y en a, moins on va vite : un exemple indéniable d’effet contreproductif de la productivité

Page 12: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

sation. Le comptable ne donne plus un coup de main aux formateurs en comptabilité, le cadre n'aide plus à ranger les chaises. C'est l'effet contre productif de la complexité des orga-nisations.

C'est toute la question de notre rap-port aux limitesAccepter de penser que la produc-tivité a des limites, c'est accepter de penser que la croissance – telle que définie et mesurée actuellement – a des limites. Mais l'homme moderne se refuse à regarder ses limites, c'est le point aveugle de la politique. L'ori-

gine de cette aspiration à la toute puissance est ancienne, mais a été renforcée par la monétarisation de l'économie puisque l'on peut accu-muler de la monnaie virtuelle sans limite, contrairement aux biens ma-tériels.Le premier à comprendre et à ex-primer la mutation subie actuelle-ment par l’humanité n’a été ni un responsable politique ni un homme de science, mais un poète. En 1945,

dans Regards sur le monde actuel, Paul Valéry écrivait : « Le temps du monde fini commence. »

Le refus de nos limites est inscrit dans notre vie quotidienne. L'écono-mie monétaire a effacé les limites, les écarts de revenus n'en finissent plus d'augmenter, Picsou pouvait nager dans les dollars... Une fois désencas-trée du social, l'économie est deve-nue folle (Polanyi). L’accumulation d’avant l’économie financière était li-mitée par la capacité d’accumulation de biens physiques : la terre, les che-vaux (qu’il faut faire manger), les bi-

joux (qu’il faut fabriquer), les stocks (de céréales ou d’épices), la monnaie tant qu’elle a été représentée par des valeurs métalliques ou des billets convertibles en or16. Les valeurs trai-tées aujourd’hui n’ont plus de limite, un agent de banque peut prendre des positions de 50 milliards € sans en posséder une seule pièce ou un seul billet17.La technologie non plus n'a pas de li-mites, puisque tout découverte n'est

en fait qu'une nouvelle porte, une nouvelle frontière à franchir, quel qu'en soit le besoin ou l'absence de besoin (Ellul), un nouveau défi. Cela ne veut pas dire que les inventions sont inutiles une fois inventées, je me sers de mon ordinateur et d'internet pour écrire ce texte, mais qu'elles ne sont pas nécessaires.

Il n'y aurait donc de limites ni à l'ac-cumulation financière dont les «dé-cideurs» nous disent que cela peut « repartir » après la crise, ni à la techno-logie. C'est considérer que l'on trou-vera toujours quelque chose, mais toujours veut dire éternellement ? Donc que l'homme serait éternel ? On sait bien que non, qu'il sera –sans doute – soumis aux mêmes lois que les autres espèces, et que de toutes façons il ne vivra pas plus longtemps que la Terre, et certainement moins longtemps, avant d'être brûlé par le soleil grandissant.

Cette hypothèse suppose aussi que l'on peut substituer à une ressource qui disparaît une autre dont la va-leur serait du même ordre, sans tenir compte des contraintes physiques. Remplacer un métal par un autre, le charbon par le pétrole, le bar par la sardine… ce qui a chaque fois des conséquences sur l'équilibre écono-mique des pays concernés, l'équi-libre alimentaire, l'environnement…

Avant la révolution industrielle l'homme était conscient de ses li-mites mais ne connaissait pas les li-mites du monde. Puis il a terminé le tour de toute la planète, et commen-cé à percer les secrets des lois de la physique, de la biologie… Il connaît – ou croit connaître- les limites du monde, mais a perdu les siennes, se croit tout puissant. Demain, au-jourd'hui, il lui faut reconnaître à la fois les limites de la planète et les siennes propres.

En 1945, dans Regards sur le monde actuel, Paul Valéry écrivait : « Le temps du monde fini commence. »

12 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 13: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

La permanence des limitesMais cet effacement des limites, qui fait croire que ce que nous appelons le progrès ne s'arrêterait jamais, ou-blie les limites inscrites depuis long-temps, très longtemps, dans notre vie.

Limite physique Limites de place pour les hommes, la superficie par humain quand nous serons 9 milliards (en 2050) sera la moitié de celle que nous avions quand nous étions 4,5 milliards, il n'y a pas si longtemps (il y a seulement 30 ans, en 1980). C'est une limite pour l'espace vital de chacun, pour l'espace productif, pour l'espace dis-ponible globalement. L'indicateur de l'empreinte écologique le traduit simplement en calculant combien d'hectares chacun d'entre nous a besoin pour vivre, et combien d'hec-tares sont disponibles. « En 2005, l'empreinte écologique mondiale était de 17,5 milliards d'hectares globaux ou 2,7 hectares globaux mobilisés par personne (un hectare global est un hectare avec une capacité de production de res-sources et d'absorption de déchets correspondant à la moyenne mon-diale). Du côté de l'offre, la surface productive totale de la Terre, ou bio-capacité, était de 13,6 milliards hec-tares globaux, soit 2,1 hectares glo-baux disponibles par personne. De sorte qu’en 2005, la demande était de 30 % supérieure à l'offre ».18

Limite des ressourcesCette hypothèse énoncée par le rap-port du Club de Rome en 1972 se traduit concrètement aujourd'hui sur le pétrole, le fer, les métaux pré-cieux, l'eau... C'est aussi la limite quant à la capaci-té de l'atmosphère à absorber le CO2, le méthane, le protoxyde d'azote. A l'absorber, pas à le stocker, là on ne connaît pas les limites, mais on connaît les conséquences, c'est l'ef-fet de serre...En agriculture, c’est l'épuisement des réserves en eau des nappes

phréatiques pour l'irrigation (et l'hy-pothèse du dessalement de l'eau de mer suppose une consommation d'énergie énorme, donc une émis-sion de CO2 si l'on utilise pour partie des énergies d'origine fossile), Dans l'industrie c'est l'épuisement des ressources en matières pre-mières (cuivre, nickel, bauxite, pla-tine, iridium…).

Limite temporelleNous ne sommes pas les maîtres du temps. On sait que de toutes les fa-çons, la Terre a ses limites dans l’es-pace mais aussi dans le temps, la fin de notre planète est prévue, dans un

peu plus de trois milliards d’années, quand notre étoile soleil abordera sa fin de vie, deviendra une étoile géante qui brûlera puis absorbera notre petite planète. Est-ce une rai-son pour anticiper cette fin par nos propres actions, sinon pour justifier la croyance que l’homme est la fin (aux deux sens du terme) de l’évo-lution, ce qui sera vérifié si l’homme met lui-même fin à la vie sur la terre (c'est l'enjeu du maintien de la bio-

diversité). L'occultation de la mort dans nos sociétés modernes est un autre signe de ce refus de la fin.

Limite philosophiqueLes philosophes grecs professaient que l'on ne peut pas trouver le bon-heur en recherchant des biens qui n'ont pas de limite, puisque l'on ne peut jamais atteindre son but (la chrématistique d'Aristote). L'absence de limites dans ce domaine est le moteur même de la consommation moderne.

16 La fin de la convertibilité du dollar a sonné le glas des limites de la finance et ouvert à toutes les folies17 Cf. L’affaire Kerviel de la Société Géné-rale, en 200818 WWF, Rapport Planète Vivante, 2008

L’homme La planète

Hier Connaissait ses limites

N’avait pas de limites connues

Aujourd’huiSe croit

sans limites

Est entièrement

explorée, et montre ses

limites

Demain Reconnaîtra-t’ilses limites ?

Restera limitée, plus encore

dilapidons ses richesses

Un monde borné...

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 13

Page 14: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Pourtant notre économie de mar-ché ne fonctionne que s'il y a

chaque année plus de valeur à parta-ger, car autrement le profit diminue, les marges s'érodent, les entreprises sont en difficultés et ne créent plus d'emploi, mais en détruisent (la sta-bilité n'existe pas). Est-ce aussi vrai ? Pas dans les services, pas toujours dans le bâtiment. Mais c'est vrai dans l'industrie, qui est la matrice de l'éco-nomie globale. Il a donc fallu trouver un palliatif à la baisse tendancielle de l'augmentation de la productivité, donc de l'augmentation du Pib par habitant. Ce fut l'endettement, qui

permet d'acheter plus chaque année, donc d'afficher un Pib en augmenta-tion, sans contrepartie réelle à la pro-duction. C'est plus d'importations (dégradation de la balance commer-ciale), plus de services… à crédit.

L'endettement public augmente à partir de la fin des années 1970. La dette publique passe de 20 % du Pib en 1980 à 65 % en 2008 et sans doute plus en 2009. Nous avons, vraiment, vécu à crédit. La dette publique au sens de Maastricht atteint 1210 mil-liards d'euros en 2007. Il est vrai que la valeur du patrimoine (terrains et actifs financiers) reste supérieure à la dette, le patrimoine net est de 774 milliards d'euros19, le pays est solvable, mais ce patrimoine a dimi-nué en valeur relative. Il représentait 11 % du patrimoine national total au début des années 1990, 6 % en 2007. Cette augmentation de l'endette-ment, ce n'est plus de la relance key-nésienne (une relance sur deux ou trois ans oui, sur trente ans…), c'est un transfert de dette sur les généra-tions suivantes. L'endettement des ménages aug-mente concurremment mais moins rapidement au début, jusqu'en 2000, puis plus rapidement à partir de 1998, du moment où la dette publique at-teint le maximum des règles du traité de Maastricht de 1993 (60 % du Pib).Là encore, le patrimoine des mé-nages est supérieur à leur endette-ment et a augmenté par rapport au revenu disponible brut, c'est-à-dire à leur capacité à s'endetter à rembour-ser.Les raisons avancées de l'endette-ment privé sont, schématiquement, de deux ordres. L'un est analogue à celui de l'endettement public, moins de gains supplémentaires à partager compensé par l'endettement. L'autre est relatif à la répartition des revenus, de plus en plus inégaux au sein d'un même pays et entre les pays. La pola-

3 Le relais par l’endettement

19 Insee, le patrimoine des ménages, mars 200820 Spécialiste français en économie internationale et en politique monétaire, Patrick Artus cumule plusieurs fonctions et publie de nombreux ouvrages. Il est professeur à l’école polytechnique et professeur associé à l’université Paris I Panthéon Sorbonne. Il est également directeur de la recherche et des études d’IXIS Corporate & Investment, qui est une filiale de Natixis. 21 Journaliste et écrivain français22 Isaac Joshua, La grande crise du XXIe siècle, La Découverte, 2009

Dette et productivité

0123456789

10

1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

Gai

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20

30

40

50

60

70

Det

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Pib

dette publique % PIB Moy. mobile sur 3 pér. (Evolution productivité %)

Source des données Insee Annuaire rétrospecrtif de la France et Annuaire statistique de la France

Dette et productivité

Dette publique et dette privée

0

100

200

300

400

500

600

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1000

1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Mill

iard

s eur

os

Etat (S13111)

dette des ménages

Source Insee

Dette publique et dette privée

14 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 15: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

risation entre de très hauts revenus d'une part et une masse de bas re-venus d'autre part, correspondant à deux secteurs économiques – la finance et les technologies de l'in-formation d'un côté, la production de masse soumise à la concurrence mondiale de l'autre, a poussé à favo-riser l'endettement privé. « Poussé » car c'est une manière douce (tant qu'il n'y a pas de catastrophe) de résoudre les tensions sur le partage des revenus et de rendre les emprun-teurs dépendants de leur employeur et de leur banquier. Ceci conduit au modèle classiquement proposé d'une hausse de l'endettement due au mode d'organisation de la pro-duction et de la répartition des re-venus, sans prendre en compte le contenu de la production, le rapport capital/travail.Revoir la seule question de la spécia-lisation productive, c'est soit propo-ser de généraliser les hautes techno-logies et la croissance verte (Patrick Artus20), soit un protectionnisme ré-gional à l'échelle de l'Europe (Olivier Todd21). Mais dans les deux cas, c'est faire l'impasse sur ce rapport capital/travail qui, c'est vrai, remet en cause les hypothèse de croissance infinie.

Les deux dettes représentent actuel-lement pour la France près de 1000 milliards d'euros chacune (dont 133 milliards pour les collectivités locales). A ce propos permettons-nous une incidente, l'Etat (au sens large, incluant les comptes sociaux) représente environ 90 % de l'endet-tement public et 25 % des investis-sements publics, les collectivités lo-cales représentent environ 10 % de l'endettement public et 75 % des in-vestissements publics. On voit bien que l'endettement public sert majo-ritairement à financer le fonctionne-ment, ce qui est une très mauvaise pratique de gestion.

Qui va payer ? On peut vendre le pa-trimoine certes et ne rien – ou peu – laisser à nos enfants. L'augmenta-tion actuelle des dettes publiques, puisque les banques refusent d'aug-menter les dettes privées, est une

traite sur l'avenir en supposant que la croissance va repartir par la produc-tivité… Mais ce principe keynésien de relance par l'endettement vaut pour une courte période, pas sur 30 ans. Sur cette longue période, il tra-duit seulement un point aveugle de la politique économique, le refus de voir la baisse tendancielle de la pro-ductivité, en pensant chaque année que « cela va repartir ». Cette aug-mentation va poser la question de la solvabilité de certains pays. Déjà les taux d'intérêt des emprunts d'Etat se différencient selon leur situation économique (la Grèce par exemple). Fin 2008 plusieurs pays ont eu du mal à boucler leurs émissions de dette publique comme l'Autriche, les Pays-Bas ou même l'Allemagne.

Nous limitons ici l'analyse à l'essen-tiel, le relais de la croissance par l'endettement. D'autres analyses

ouvrent des champs connexes. Pour Isaac Joshua19, « le surendettement des ménages, mis en régime de surconsommation, remplace aux Etats-Unis le pacte social fordiste  » selon lequel les « rémunérations tendent à suivre l'évolution de la productivité, garantissant de ce fait le partage de la valeur ajoutée ».

Pour Patrick Artus également, l'en-dettement s'est substitué aux reve-nus pour financer une hausse conti-nue de la demande. On peut en effet relier l'augmentation de l'endette-ment et la fin de la stabilité du par-tage de la valeur ajoutée, mais celle-ci n'est pas le résultat d'une volonté gratuite des détenteurs du capital, elle est un essai de réponse à la di-minution des gains de productivité.

Endettement et crise financière

Une explication amont

Les explications des économistes

L’explication publique

Hausse de l’endettement

Spécialisation productive

Faiblesse des revenusInégalité des revenus

Baisse des gains de productivité

Crise financière

Soutien de la demande

Mondialisation

Dette et patrimoine des ménages

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1600

1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Indi

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4

5

5

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8

Pat

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DB

Indice d'encours d'endettement(prêts à long terme)

Patrimoine net / revenu disponiblebrut

Dette et patrimoine des ménagesSource : Insee

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 15

Page 16: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

4 Les cinq dimensions de la crise

La crise est trop souvent analy-sée indépendamment de la raré-

faction des ressources en matières premières et des déséquilibres éco-nomique, écologique et démogra-phique. Or les cinq dimensions sont étroitement dépendantes. Comme le dit Jean Gadrey23, "Nous allons vers une crise des subprimes écologiques. Nous accumulons vis-à-vis de la na-ture des dettes pourries et la banque mondiale des ressources naturelles, qui pour l'instant nous fait encore crédit, va nous faire payer durement ces dettes excessives".La diminution du gain de producti-vité a engendré la crise financière. Les contraintes de ressources et éco-logiques accentuent les limites d'un développement économique sur les bases passées. La contrainte démo-graphique va limiter les capacités budgétaires publiques.Tout ceci peut paraître inutilement complexe, ne vaut-il pas mieux trai-ter les questions les unes après les autres ? Non, la crise est systémique

et comme pour un radeau qui com-mence à couler, si l'on n’essaie de soulever que l'un des coins de l'es-quif, on fera couler tout le reste. La meilleure illustration est de prendre un point de vue local, qui facilite la compréhension de la convergence de ces cinq crises.Prenons le cas d'une usine agroali-mentaire située en ville qui ferme, les causes peuvent être simultanément :- financières, difficultés à emprunter pour investir- économiques c'est moins cher en Italie- de ressources, l'usine tourne au fuel- écologiques, les coûts d'épuration dans un lieu en centre ville- démographiques, les habitudes de consommation de la population changent.Au niveau international ou national, ces cinq crises apparaissent séparées car les spécialistes ont des connais-sances très sectorisées, publient de manière séparée. Au niveau local, chacun peut faire le lien.

Nature de la crise Manifestation Effets

FinancièreRéduction de la circulation des crédits, de la capacité d’investisse-ment

Réduction des investissements matériels, de l’activité des secteurs industriels

RessourcesLimites à l’accès aux ressources énergétiques fossiles, métaux, sols, eau

Augmentation du coût de ces ressources

Biodiversité (écologie)

Dégradation de la biodiversité, augmentation de la température suite aux gaz à effet de serre

Limitation de la production24, ou des transports, ou augmentation de leur coût, réduction de la vitesse

Économie de la production

Limitation des gains de producti-vité, de la capacité de réduire les coûts de production

Réduction du gain de pouvoir d’achat

Démo-graphique

Vieillissement global de la po-pulation mondiale, baisse de la population active, diminution de la population mondiale à partir de 2050

Augmentation des coûts sociaux25, réduction de la base productive

Les 5 crises

23 Le Monde, 27 mars 200924 Les abeilles par exemple réalisent la quasi-totalité de la pollinisation d’en-viron 20000 espèces de plantes et en particulier les arbres fruitiers25 C’est un résumé schématique. Le vieillissement se produit par les deux bouts, par l’augmentation de la durée de vie d’une part, par la diminution du nombre d’enfants par femme d’autre part. Des phénomènes sanitaires peu-vent modifier ces évolutions, la durée de vie aux Etats-Unis serait modulée par l’obésité. Et la balance entre l’aug-mentation des coûts sociaux dus aux personnes âgées et la réduction par la baisse des jeunes à former est incertaine.

16 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 17: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

ll - Faut-il changer le moteur ?

Les industries de biens lourds, qui sont achetés à l'aide d'emprunts, subissent la crise de plein

fouet. On peut différer un investissement, qu'il soit industriel (machines, bâtiment), ou personnel (voi-ture, maison) et cela a un fort impact. Les industries de biens achetés avec notre revenu mensuel, ali-mentation et habillement, sont moins impactées, au moins pour l'alimentation de base. On ne cesse pas de se nourrir, ni de se vêtir et si ces consommations courantes peuvent être réduites, l'impact sera moins fort. Cette dernière assertion est à moduler, puisque l'on observe début 2009 une différence entre les in-

dustries de la viande et du lait, qui se maintiennent et celles des boissons et des plats cuisinés, qui sont plus en difficulté. Plus le produit est élaboré et cher par rapport à sa valeur d'usage, plus il est sensible à la conjoncture. C'est ce que traduisent les courbes d'activité des différents secteurs industriels. C'est peut-être aussi une piste de re-développement, une incitation à s'appuyer sur ces points forts de notre activité, de nos besoins ? Acheter moins de biens à accumuler, se recentrer sur les besoins de consom-mation courante et les produire à proximité. C'est tout le thème de la relocalisation et de la vie simple.

La question aujourd'hui n'est pas tant celle du "quand le moteur repar-tira", mais du "comment ? ". Le "quand" fait penser au randonneur qui marche en montagne, la ligne d'horizon s'éloigne, au fur et à mesure qu'il avance, découvrant toujours de nouvelles vallées (François Partant). Nous proposons ci-après une lecture des indicateurs mensuels d'une région, à partir de la note de conjoncture de la Région des Pays de la Loire réalisée par la SEM des Pays de la Loire26. Cela permettra de repérer concrètement les relations entre les évolu-tions de la production, de la consommation, l’emploi, les finances publiques, et les changements de com-portements. L'ensemble des données concernent la région des Pays de la Loire.

Introduction

26 Disponible sur www.sem-paysdela-loire.fr

1 Les deux types d’industrie

Niveau des carnets de commande

-200

-150

-100

-50

0

50

100

J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F

2007 2008 2009

indi

ce Industrie alimentaire

Industrie automobile

Niveau des carnets de commandeSource : Banque de France

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 17

Page 18: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Prix agricoles

80

90

100

110

120

130

140

150

2004 2005 2006 2007 2008

indi

cePrix des intrants

Prix agricoles à la production

2 Les ciseaux des prix

On constate un écart de prix des intrants (énergie, céréales pour

l'alimentation, engrais et phytosa-nitaires) et des prix à la production (soumis de plus en plus à la concur-rence internationale). C'est le phéno-mène de ciseaux, le prix des intrants augmente plus que celui des prix à la production. Dans le passé, les agricul-teurs ont augmenté la productivité pour résister à ce phénomène, mais on atteint des limites techniques et l'agrandissement des exploitations, qui a été un mode très efficace, abou-tit aujourd'hui à une désertification des campagnes.

Une hypothèse serait de réduire le volume d'intrants (carburant, phyto-sanitaires, semences…) pour restau-rer les marges, ce qui peut entraîner un changement de mode de pro-

duction (lutte intégrée, semis sans labour, alimentation des ruminants à l'herbe, réduction de la densité des animaux en élevage…). Ceci rejoint les thèmes de la relocalisation, la situation de l'environnement, la ges-tion des ressources.

3 Le solde commercial

Source : Agreste Insee CRA27.

Le solde commercial s'améliore par la ré-

duction des importations et par l'exportation pé-riodique d'un paquebot construit à Saint-Nazaire. Comment réduire l'écart entre importations et exportations, dans une période où les flux com-merciaux diminuent (de 6 % au dernier trimestre 2008) et où la concur-rence fait rage ? Une réduction des impor-tations serait une piste à étudier, au moins autant que la recherche de l'aug-mentation des exporta-tions.

Deux hypothèses :- pour les biens quotidiens, la priorité aux ressources proches, maintien de l'acti-vité par relocalisation avec une répartition différente des approvisionnements (agro-alimentaire), peut-être une augmentation de la production (habillement, chaussure).- pour les biens lourds, l'économie de fonctionna-lité (location de voitures, de pneus), - pour les biens intermé-diaires, la recherche d'ap-provisionnements proches et moins chers (écologie industrielle).

Commerce extérieur

2000

2500

3000

3500

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1T2005 3T2005 1T2006 3T2006 1T2007 3T2007 1T2008 3T2008

Mill

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Export Import totalImport hors hydrocarbures transfert

Douanes

4e trimCommerce extérieur

Prix agricoles

27 Attention aux interprétations : indice 100 commun en 2000. Prix des intrants (IPAMPA) pour les Pays de la Loire,

18 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 19: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

4 Le bâtiment

On constate depuis 2007 une di-minution des autorisations de

construire pour les logements indivi-duels, qui sont au-dessous du niveau de 2003 et parallèlement, leur main-tien pour le logement collectif qui reste deux fois plus élevé qu'en 2003 (les mises en chantier diminuent néan-moins).Cette évolution pourrait illustrer un passage du modèle de la maison indi-viduelle au petit collectif, plus intéres-sant en termes de consommation d'es-pace et de consommation énergétique.

Logements autorisés

0

5000

10000

15000

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2003

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2006

2007

2008

IndividuelCollectif

5 Les transports

Source DREAL / CER BTP

Il y a une diminution du trafic pour les voyages aériens intérieurs (af-

faires) depuis novembre 2008, mais une augmentation pour les voyages vacances (création de lignes low cost), alors que la fréquentation dans les TER est en hausse et la consom-mation de carburant en diminution.La diminution du trafic aérien montre une limitation des dépla-cements et sans doute un transfert vers les communications virtuelles, mail ou télé-réunion. Les TER captent actuellement 10 à 20 % du trafic sur les déplacements où existent des lignes ferroviaires. L'augmentation du trafic des TER résulte d'un transfert des déplace-ments en moyens individuels aux transports en commun, mais ceci a un coût important. Pour un budget régional transports de 135 M€ en 2008 soit 16,8 % du budget de la Ré-gion. Pour 1€ de charges du réseau, l’usager paie 30 centimes environ. Limitation globale des déplace-ments ou augmentation du transfert vers les transports en commun, les

deux sont complémentaires, mais les transports en commun ne pour-ront pas absorber la plus grande part des déplacements, qui se font en-core à plus de 80 % en voiture et le coût d'infrastructure des transports en commun pèse déjà très lourd sur les finances publiques28. Peut-on faire plus, aujourd'hui ?Les deux pistes sont à explorer, la li-

mitation globale ressort en grande partie de questions d'aménagement du territoire, de rapprochement entre lieux de vie et lieux de tra-vail, lieux de production et lieux de consommation, l'usage de moyens alternatifs à la voiture de décisions collectives mais aussi… indivi-duelles.

28 Voir la thèse de Bernard Fritsch selon lequel on atteint la limite possible de dépenses publiques en matière de trans-ports en commun.

Logements autorisés

Trafic régulier national aéroport Nantes

50000

70000

90000

110000

130000

J F M A M J J A S O N D

2007

2008

2009

Fév

Source Aéroport Nantes Atlantique-CCI Nantes St-Nazaire

Trafic régulier national aéroport Nantes

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 19

Page 20: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

6 La consommation

7 Les ressources fiscales

Ventes de produits alimentaires (grandes surfaces)

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65

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75

80

J F M A M J J A S O N DM

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uros

par

sem

aine

2007

2008

2009

Source IRI

Fév

La consommation apparaît glo-balement stable pour l'instant,

avec selon les sources nationales, un transfert partiel des magasins classiques vers le discount. L'évolu-tion récente montrerait une diminu-tion en volume des achats de biens d'hygiène et entretien de la maison

(depuis début 2008) et une diminu-tion en valeur pour l'alimentation (pression sur les prix, changement de gamme, conditionnements ré-duits…).

C'est la question de l'écart entre va-leur d'usage et valeur d'échange

qui est ici posée. Le consommateur peut rechercher le meilleur rapport usage/prix, et non qualité prix. C'est ce qui a expliqué le succès de la Lo-gan par exemple.

Les ressources des collectivités lo-cales (et de l'Etat) dépendent étroi-

tement de l'activité économique. Si celle-ci diminue, leurs ressources aussi, au moment même où il y en a le plus besoin. C'est le cas de la TIPP (taxe intérieur sur les produits pétroliers) qui a diminué de 7 % en un an, des im-matriculations de voitures neuves fin 2008, des droits de mutation des tran-sactions à titre onéreux dont la dimi-nution est énorme, de près de 12 mil-lions d'euros par mois en janvier 2007 à moins de 4 millions en janvier 2009. On ne pourra pas tout demander aux collectivités locales.

Droits de mutation, hors successions

0

2

4

6

8

10

12

J2007

A J O J2008

A J O J2009

Mill

ions

d'e

uros

FévSource Trésorerie générale

Ventes de produits alimentaires(grandes surfaces)

Droits de mutation, hors successions Fév.

20 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 21: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

lll - Les différents modèles

Ces modèles peuvent se combiner entre eux, mais aussi avec trois modes de fonctionne-

ment :- L’économie qui reconnaît le principe de l’entro-pie (bio économie) développée dans les années 1960 par Nicholas Georgescu-Roegen, et renom-mée oeconomie par Pierre Calame, l’économie de la réparation et l’écologie industrielle,- L’économie de fonctionnalité, dont le principe est de louer plutôt que de vendre,- L’économie du temps qui s’ajoute aux modèles liés à une conception de l’espace, à partir de l’ex-périence des mouvements comme Slow life ou Slow food en Italie, ou des réflexions de Paul Vi-rilio.

• L’économied’agglomération

Ce modèle est bien connu sous ses diverses formes, clusters, districts industriels ou systèmes productifs locaux, pôles de compétitivité. Il y a bien sûr des différences entre ces applications et

Introduction

29 Elle est aussi dénommée présen-tielle, les deux termes apparaissent synonymes pour notre propos.

1 Les modèles territoriaux

De nombreux modèles ont été élaborés pendant la phase de croissance, dont on connaît les plus récents : clusters et pôles de compétitivité d'un côté, économie présentielle de l'autre. D'autres émergent ou plutôt redeviennent d'actualité, comme l'oeco-nomie, au croisement du développement endogène et du développement durable. La place respective du travail et des produits qui s'y substituent est de nouveau posée, entre lutte contre les délocalisations et relocalisation.

Nous présenterons trois modèles d'économie régio-nale :- Les économies d’agglo-mération, (Michael Porter)- L'économie résidentielle29 , la plus connue, popularisée par Laurent Davezies.- La relocalisation de l'éco-nomie.

En résumé et à grands traits, il s'agit de vivre à partir des revenus générés sur place, ou à partir du transfert de revenus pro-duits ailleurs, ou enfin de produire et consommer sur place. Il n'y a pas évi-demment de modèle pur, chaque territoire est, plus ou moins, composé de ces trois types...

Trois modèles, une combinatoire

Relocalisation

Économie de production

Économie résidentielle

Transports

-

+

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 21

Page 22: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

certains ont opposé par exemple le modèle des clusters, correspondant à des ensembles de PME, et celui des pôles, plus orienté vers les grandes entreprises.Le facteur commun est le rapproche-ment des fonctions, de la concep-tion à la commercialisation pour les clusters, de l’enseignement et la recherche à la production pour les pôles. Un élément commun est donc l’absence du consommateur de proximité, dans les deux cas. On se si-tue dans un marché mondialisé.

• L'économierésidentielle

DéfinitionPar « économie résidentielle » on entend l'économie d'un territoire en tant qu'elle dépend de la présence sur ce territoire de personnes déposi-taires de revenus qui ont été générés ailleurs. Ces personnes sont principa-lement les résidents qui travaillent sur un autre territoire, les pensionnés et les touristes. On peut aussi inclure dans ces revenus ceux qui provien-nent de transferts sociaux (alloca-tions familiales, de chômage) et ceux qui proviennent de financements publics (administrations, éducation, action sociale). Cette approche provient du déve-loppement de l'économie géogra-phique ou économie spatiale, au

sein de laquelle se sont développées deux thèses, l’une considérant que la richesse d’un territoire dépend de la capacité de production de ce terri-toire, l’autre que la richesse dépend du revenu perçu et dépensé sur ce territoire, quelqu’en soit la prove-nance.

Dans le premier cas, c’est une trans-position de la théorie des avantages comparatifs définie par Ricardo au ni-veau international, à un niveau local par les économies d’agglomération produites entre autres par l'accumu-lation dans la même région d'une grande quantité de clients (ou de fournisseurs). C’est la nouvelle éco-nomie géographique30.Dans le second cas, c’est l’analyse des flux de transferts sociaux, prenant en compte le fait que plus de la moitié du Pib est socialisée, donc redistri-buée, et que les « producteurs » ne vivent pas tous, ni tout le temps, sur les territoires de production (Laurent Davezies).De plus, le fait de quitter la sphère «  macro » et d’entrer dans la sphère «  méso » permet de saisir d’autres mécanismes et d’autres logiques, ce que Laurent Davezies appelle jus-tement la « circulation invisible des richesses » autour de quatre types de source de richesses (Cf. Tableau ci-dessous).

Origine du revenu des habitants d’une zone géographique en France

Moyenne des aires urbaines

Moyenne des zones d’emplois, sur l’ensemble du territoire

Base productive marchande : revenus du travail et du capital

24% 19%

Activité non marchande : salaires et emplois publics 21% 13%

Base résidentielle : retraites, revenus d’actifs employés ailleurs, tourisme 42% 55%

Prestations sociales autres que les re-traites

13% 12%

La circulation invisible des richessesD'après Davezies

30 Paul Krugman31 Séminaire OIPR du 22 mai 2008, Paris32 En pays de la Loire, IPO, UEO, Ouest croissance...33 Travaux de Pascal Glemain, UCO, Angers

22 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 23: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

CritiqueDans les deux variantes, cette théo-rie est une théorie adaptée aux pé-riodes de croissance, soit de crois-sance interne, soit de redistribution des fruits de la croissance, mais assez peu à une période de stagnation, voire de récession.

Nous reprenons ci-après l’analyse qu’en a fait Guy Loinger31 : « On ob-serve une tendance forte allant dans le sens d’une dissociation croissante entre la localisation de la sphère de l’économie productive (directe et in-directe, la production et les services) et de la localisation de la sphère de l’économie de la redistribution des revenus dans l’espace. […]

On pourrait ainsi mettre à jour un concept d’économie locale rentière. Ce sont simplement des économies qui captent des revenus dont la source provient d’autres territoires, soit parce qu’ils ont sur leur sol de nombreux retraités (cas du Limou-sin), soit parce que la solidarité nationale joue un rôle plus impor-tant qu’ailleurs (cas des DOM). Ce ne sont pas les économies les plus dynamiques qui sont les mieux pla-cée pour capter la valeur produite ailleurs, mais celles dont la sociolo-gie est la plus en adéquation avec la formation du revenu disponible. […] On peut se demander si cette forme d’organisation n’est pas vouée à l’échec à long terme avec la mon-tée des coûts de l’énergie... »La nouvelle économie géographique est en cohérence avec la politique des pôles, l’économie résidentielle avec le développement du tourisme.

• Larelocalisationdel'économie

DéfinitionLa relocalisation économique dé-signe un changement d'implanta-tion géographique de tout ou partie des activités d'une entreprise qui a pour objectif de rapprocher les lieux de production de ceux de la consom-mation. Ceci peut concerner l'ali-

mentation, le logement (matériaux d'isolation, de construction), l'achat de biens (mobilier, vêtements...). Elle peut aussi être définie comme le re-tour dans un pays développé d'une activité qui avait précédemment été délocalisée dans un pays en déve-loppement.

On pourrait rapprocher cette dé-marche de la réflexion sur l'aména-gement du territoire face aux pro-blèmes de transport, non plus des biens mais des personnes. On consi-dère ici la personne dans sa double fonction, producteur, et consomma-teur, en réduisant la distance entre production et consommation d'une part, entre lieu de travail et lieu de vie d'autre part.

La relocalisation est généralement

considérée du seul point de vue de la relation consommateur final/pro-ducteur, elle peut être étendue aux relations fournisseurs/producteurs. Il s’agit de renforcer et de rappro-cher les fournisseurs et clients d’une même filière (politique filière éten-due et localisée, au sens des districts industriels italiens), mais aussi de gé-néraliser cette politique à l’ensemble des filières et entre filières. C’est donc en quelque sorte une politique de district industriel généralisé.

Dans le domaine financier, cette démarche privilégie les outils lo-caux d’épargne et de mobilisation de l’épargne, de type privé comme les fonds d’investissement régio-naux32, ou de type coopératif et mu-tualiste33 sur le modèle d’Herrikoa (pays basque espagnol), ou du fonc-

Biens Personnes

Production de biens primaires ou intermédiaires Rapprocher les

lieux (s’oppose aux

délocalisations)

Rapprocher les lieux pour réduire les

transportsProduction finale

Consommation

Système financier Mobiliser l’épargne locale

Rapprocher fournisseurs et consommateurs

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 23

Page 24: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

tionnement d’origine des établisse-ments bancaires mutualistes (Crédit mutuel, crédit agricole) mais qui ont fortement dérivé par un mimétisme vis-à-vis de l'économie non mutua-liste.

Cette hypothèse est pour partie proche des clusters ou districts in-dustriels dans le rapprochement entre production intermédiaire, fi-nale, et système financier, mais s'en distingue par la position du consom-mateur.Les moyens sont aussi divers que les débats que cette option a engendré : du protectionnisme douanier clas-sique, aux barrières règlementaires (normes techniques ou sanitaires), en passant par les taxes sur les trans-ports, des modulations de TVA, la mobilisation citoyenne (achetez na-tional, avec les risques de xénopho-bie)…. Une proposition intéressante est celle de Pierre Calame d'une taxe sur la matière première et l'énergie non renouvelables incorporées. Elle ne différencie pas l'origine des pro-duits mais incite de fait à réduire les transports et à valoriser les matières renouvelables proches.

La critique principale de cette op-

tion est le risque d'autarcie si elle est développée à l'abri de barrières douanières ou tarifaires, l'irréalisme si le territoire reste ouvert. Mais aujourd'hui, où le commerce inter-national s'effondre ? Mais demain, quand les coûts énergétiques du transport auront "flambé " et que les contraintes environnementales les limiteront ?

Cette orientation est cohérente avec l’option du développement durable (réduction des transports), et par-tiellement avec la politique de filière (renforcement des relations au sein de la filière). Elle l’est moins avec les pôles de compétitivité qui tradui-sent une option de concentration des moyens pour une production destinée à un marché souvent mon-dial.

Cette thématique fait l'objet de conférences et publications. Il y a eu un Institut pour la relocalisation de l’économie, qui semble avoir ar-rêté ses activités en 2003. Une confé-rence a été organisée par l'Institut Locarn (Bretagne) le 27 avril 2007, avec une intervention sur « Signaux faibles et issues fatales dans les sys-tèmes productifs et sociétaux de

l'Union Européenne », par Paul SO-RIANO, Président de l'Institut de Re-cherche, d'Etudes et de Prospective Postale de la Poste (IREPP).La Revue Anthroplogy of food a pu-blié un numéro spécial sur les pro-duits et systèmes agroalimentaires locaux, en mars 2007, avec en par-ticulier un article intitulé From local food to localised food/De produits locaux à produits localisés de Geor-gina Holt et Virginie Amilien. Un colloque sur le thème AMAP et relo-calisation de l’économie s'est tenu à Chambéry en mars 2008.

Les AMAP - Associations pour le maintien d'une agri-culture paysanne - sont des-tinées à favoriser l'agricul-ture paysanne et biologique qui a du mal à subsister face à l'agro-industrie.Source : reseau-amap.org

24 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 25: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Nous décrivons ci-après la théorie de base (bioéconomie), une ex-

pression plus récemment exhumée (oeconomie) et deux modes d'appli-cations concrètes (écologie indus-trielle et économie de réparation).

• LabioéconomieNous abordons là un courant de pensée qui trouve son origine dans les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen sur l’analyse de l’entropie dans l’économie (l’épuisement iné-luctable de l’énergie entropique), c’est-à-dire l’intégration de la dimen-sion physique dans l’économie qui dans sa forme classique ne s’attache qu’à la valeur d’échange (les prix, la monnaie...). Le principe de base est que l'usage des biens se fait toujours à entropie croissante, et que l'on ne peut pas revenir en arrière. La trans-formation du pétrole en essence uti-lise de l'énergie qui n'est plus utili-sable (dissipée en chaleur) pour une part, intégrée dans les produits raffi-nés d'autre part. Quand l'essence est brûlée, elle est transformée en gaz certes, mais on ne peut pas les réu-tiliser sans dépenser plus d'énergie.

La bio-économie, c'est encore de passer de la physique du XIXe siècle (Loi de Laplace, l'énergie se trans-forme mais se conserve, 1er principe de thermodynamique) à la physique du XXe siècle, le second principe (Carnot) selon lequel l'entropie aug-mente de façon continue (l'énergie se transforme en chaleur, non réu-tilisable à son terme). Qu'en sera-t-il des relations de la physique du XXIe siècle et de l'économie ? Nous ne sommes qu'à l'orée de ce siècle, difficile de prévoir les conséquences de la théorie des cordes par exemple (relations entre infiniment petit et infiniment grand, de la macro et mi-cro économie).Du point de vue de la bio-écono-

mie, puisque l ’e n v i r o n n e -ment physique de l’activité humaine est par définition limité, et que la transforma-tion de cet en-v i r o n n e m e n t ne peut que lui faire perdre de son énergie (principe d’en-tropie), la crois-sance infinie dans un monde fini n’est pas possible.C'est vrai pour l'usage des biens non renouvelables comme les minéraux, ça l'est aussi pour les biens et éner-gies renouvelables, puisque nous ne pouvons pas en utiliser plus que leur taux de renouvellement ou de notre capacité d'extraction d'éner-gie du soleil (l'énergie solaire est elle même à l'origine des autres éner-gies comme le vent, qui engendre la houle). Nous pouvons améliorer ce taux, par des capteurs au silicium plus effi-caces, des machines à houle… mais on est là plus aujourd'hui dans le do-maine de l'amélioration marginale que dans celui de l'accumulation des deux siècles passés. De grands espoirs sont mis dans la fusion ther-monucléaire, qui utilise aujourd'hui plus d'énergie qu'elle n'en produit, ou dans le moteur à hydrogène… autant de tentatives pour contrer le principe de Carnot, renverser le mouvement de l'entropie, retrouver la toute puissance de l'homme.

Ces travaux ont été élargis dans les années 1960 par des auteurs comme Jacques Ellul ou Charbonnier, puis repris depuis quelques années par

différents économistes ou sociolo-gues, comme Serge Latouche, Fran-çois de Ravignan sur les dimensions de la croissance personnelle…

• L'oeconomieIl s'agit d'un vieux mot français, hé-rité d’avant le siècle des lumières. La définition donnée par le diction-naire universel de Furetière (1690) est la suivante: "Mesnagement pru-dent qu'on fait de son bien, ou de celuy d'autruy[..]" ou Von Linné : l'art de tirer parti de tous les biens de la nature35. Le terme est aujourd'hui utilisé par certains économistes et chercheurs, dont Pierre Calame, pour proposer une vision plus trans-versale de l'économie.

2 La bio-économie, l’oeconomie, le temps

Principe de la fusion thermonucléaire

De grands espoirs sont mis dans la fusion thermonucléaire, qui utilise aujourd’hui plus d’énergie qu’elle n’en produit, ou dans le moteur à hydrogène… autant de tentatives pour contrer le principe de Carnot, renverser le mouvement de l’entropie, retrouver la toute puissance de l’homme.

C’est une réaction entre deux noyaux atomiques légers pro-duisant un noyau ato-mique plus lourd et libérant une quantité d’énergie considérable : réaction qui n’est pas aujourd’hui maîtrisée.©CEA / Source texte : fr.encarta.msn.comnoyau d’héliumtritium

neutrondeutérium

35 Karl Von Linné (1708-1778) Principes de l’oeconomie, publié en 1752

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 25

Page 26: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Il peut être moins coûteux d'un point de vue mo-nétaire d'acheter une nouvelle paire fabriquée en Chine que de faire réparer des chaussures en France, mais la seconde hypothèse économise plus de ressources.

Le principe est de revenir à l'origine de l'économie : utiliser au mieux nos ressources, sans les faire entrer, les soumettre, à d'autres logiques comme la logique de métier ou de choix rationnels, d'accumulation. Ce qui la symbolise le mieux est la pro-position de Pierre Calame de mettre en place une taxe sur la quantité de matières premières utilisées, ce qui aboutirait à favoriser ceux qui utili-sent au mieux nos ressources. On est alors très proche de l'écologie indus-trielle, et des tenants de l'économie de réparation. C'est déjà ce que di-sait Sicco Manscholt en 1972.

Pierre Calame rappelle que « Aristote distinguait deux régimes de l'écono-mie36 : « l'un qui reste solidaire de la nature et qui se charge de stocker, gérer, et rentabiliser les produits né-cessaires à la vie (économie), l'autre, illimité, qui ne vise que l'enrichisse-ment (chrématistique) et nécessite une vigilance éthique du fait de la substitution de l'argent aux biens eux-mêmes ». Avec la « valeur d'ac-tionnaire » chère aux économistes des dernières années du XX ème siècle, nous avons parcouru tout l'itinéraire qui va de l'oeconomie à la chrématistique pure. Il est sans doute temps de faire le chemin in-verse. » Pour traduire en chiffres

cette option, Pierre Calame utilise le concept d'exergie, c'est-à-dire "toute l'énergie d'un système utilisable par l'homme soit sous forme de tra-vail soit sous forme de chaleur". On considère donc que la chaleur n'est pas une dissipation d'énergie, mais une énergie en tant que telle. C'est ce qui est appliqué dans la cogéné-ration par exemple. L'exergie peut être appliquée – par analogie avec la thermodynamique – au système économique. Il vaut mieux utili-ser sur place les ressources créées que de les exporter et d'importer d'autres biens. Par exemple, qu'apporte un centre touristique implanté dans un pays du tiers monde, et qui importe l'essen-tiel de la nourriture, des animateurs, des équipements ? Qu'apportaient les bases américaines implantées en Europe après la seconde guerre mondiale ?

• L'économiederéparationUne façon très concrète d'appliquer ces principes est de réparer les biens plutôt que de les changer, de préser-ver la ressource matérielle (et notre environnement) en réutilisant, réin-vestissant, dans le travail humain. Cela coûtera plus cher sans doute, mais avec moins de chômage ? C'est, d'un point de vue macroécono-mique classique, le choix volontaire d'une réduction de la productivité apparente. Du point de vue du déve-loppement durable, c'est le choix de l'économie de nos ressources.

Vos chaussures sont usées, vous avez le choix entre les faire réparer, chan-ger la semelle, ou acheter une nou-velle paire. Il peut être moins coû-teux d'un point de vue monétaire d'acheter une nouvelle paire fabri-quée en Chine que de faire réparer des chaussures en France, mais la se-conde hypothèse économise plus de ressources, et permettra de soutenir, voire de développer, les échoppes de cordonniers. Il n'en restait plus que 268 cordonniers en 1999 dans la région des Pays de la Loire, un pour 10 000 habitants.

36 Laure Després a complété à la relec-ture cette interprétation un peu libre de Pierre Calame. « Oikonomia » est un terme grec qui signifie la gestion de l’oikos, le domaine familial, qui com-prend la famille du citoyen, ses esclaves et ses terres. C’est le titre d’un ouvrage du « pseudo Aristote » du IVe siècle (pro-bablement des disciples d’Aristote), qui donne des recettes pour une vie bonne, reposant sur une autarcie de l’oikos, complétée par l’échange des surplus de production contre des biens non pro-duits sur le domaine. La chrématistique, ou accumulation sans limite de richesses permise par l’argent, est, à l’opposé, contraire à la nature des choses (l’argent ne fait pas de petits, contrairement aux animaux, donc le prêt à intérêt est pros-crit) et aussi à la nature de l’homme.Néanmoins les grecs n’avaient rien contre le fait de s’enrichir, bien au contraire. Mais il y avait des moyens nobles de s’enrichir (la politique et la guerre, le pillage, la mise en esclavage des ennemis vaincus) et des moyens indignes d’un citoyen (le commerce, le prêt d’argent).37 Expérience vécue, j’ai réussi à la faire faire en 1985. Serait-ce encore possible aujourd’hui ?

26 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 27: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Votre essuie-glace tombe en panne, vous avez encore le choix entre faire réparer le moteur de l'essuie glaces, ou le changer. Imaginez la tête du garagiste si vous lui demandez de réparer, et les compétences en par-tie disparues qui seront nécessaires. Mais c'est possible37, et s'il y seule-ment le bobinage à refaire, ce sera beaucoup moins coûteux en énergie et en matériaux.

Du côté des industriels, cela suppose de fabriquer des produits que l'on puisse réparer, on se rapproche ici de l'économie de fonctionnalité.

L'économie de réparation se dis-tingue du recyclage, on ne recycle qu'après avoir épuisé le bien. Cer-tains poseront la question de la consommation énergétique induite par le fait de garder plus longtemps des biens consommant plus en fonctionnement que les nouveaux modèles. Cet effet est fonction des progrès technologiques pour la pro-duction des biens concernés. L'im-pact faible (ou nul ?) pour les chaus-sures, peut être important pour les voitures ou les chaudières, les nou-veaux modèles consommant moins que les anciens. C'est un calcul de point mort énergétique à faire.

• L'écologieindustrielleL’écologie industrielle recherche une optimisation à l’échelle de groupes d’entreprises, de filières, de régions, et même du système industriel dans son ensemble. Pour ce faire, elle favorise la transition du système industriel actuel vers un système viable, durable, inspiré par le fonc-tionnement quasi cyclique des éco-systèmes naturels. En pratique, pour tendre vers cet objectif, l’écologie industrielle s’attache à :- valoriser les déchets comme des ressources ; - boucler autant que possible les cycles de matières et minimiser les émissions dissipatives liées aux usages qui dispersent les produits polluants dans l’environnement ; - « décarboner » l’énergie.

Cette démarche permet de fait de réduire les volumes, donc les coûts, de transport puisque les entreprises cherchent à s’approvisionner le plus possible à proximité. L’écologie in-dustrielle permet aussi, de réduire

les déchets, et de co-utiliser l’éner-gie.Traduit de l’anglais « industrialecolo-gy », il faut interpréter « industrielle » comme un qualificatif représen-tant l’ensemble des activités éco-nomiques d’un territoire (industrie, agriculture, commerce, transport…). Ainsi, l’écologie industrielle prône une approche systémique des acti-vités, inspirée des écosystèmes na-turels. L’écologie industrielle permet également de stimuler le tissu éco-nomique du territoire. Il s’agit d’une part, d’optimiser la gestion des flux de matière et d’énergie à travers la mise en œuvre de synergie et de mutualisations de ces flux et d’autre part, de mettre en place des filières de recyclage, valorisation, réemploi, etc. de produits.Le travail préparatoire consiste sou-vent en un lancement d'études des flux et stocks d'énergie et de ma-

tières circulant sur un territoire, ou études de métabolisme territorial, qui débouchent sur la création d'un outil d'aide à la décision pour les dé-cideurs locaux et constituant de plus une base pour la définition de poli-

tiques locales de développement durable. Le Danemark est un pays pionnier en la matière.

• L'économiedefonctionnalité

L'économie de fonctionnalité, c’est «  la substitution de la vente de l'usage d'un bien à la vente du bien lui-même ». Ce terme a été inventé par le Suisse Walter Stahel au milieu des années 1990.

Des usages professionnelsDes exemples concrets d'expé-riences menées par diverses entre-prises (Michelin, Electrolux, Xerox, Suez…), montrent l'intérêt d'une telle voie. Ces exemples montrent aussi que privilégier une offre de ser-vices longue durée à la production de biens stricto sensu, ne constitue pas un obstacle à l'innovation, bien au contraire.

Écologie industrielle : de nouveaux flux de matières et de biens

©Jean-François Vallès 2003

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 27

Page 28: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Michelin propose des pneus qui permettent de réduire les consom-mations de carburant mais, aussi et surtout, propose la maintenance de ces pneus afin d’optimiser cette réduction, ce qui semble consti-tuer un avantage pour les clients. L’exemple montre qu’une entreprise engagée dans une logique de vente de services, plutôt que de produits, ne renonce pas à innover, bien au contraire.« Plus le pneu dure longtemps, plus Michelin gagne de l'argent. »Alors que dans une relation mar-chande classique, plus le pneu dure, moins Michelin peut espérer en vendre.Résultat : les pneus peuvent être utilisés pendant 1 million de kilo-mètres, soit une durée de vie 2,5 fois supérieure à un pneu entretenu di-rectement par les transporteurs.

Xerox constitue un autre exemple de passage à l'économie de fonction-nalité. L'entreprise vend de moins en moins de photocopieurs et d'im-primantes. Et de plus en plus de contrats de services, dans lesquels elle met à disposition des équipe-ments, mais en conserve la proprié-té et les reprend en fin de vie. Ces contrats représentent 75% de ses re-venus. Les composants des copieurs et des imprimantes ont été simplifiés (on en compte aujourd'hui dix fois moins qu'il y a dix ans) de façon à pouvoir être plus facilement démon-tés et réutilisés.

Elis est leader français dans la four-niture et le nettoyage de vêtements professionnels. L'entreprise conçoit les vêtements, les fait fabriquer et les loue à ses clients. Elle en reste donc propriétaire et s'occupe de leur en-tretien et de leur reprise en fin de vie. Selon l'étude d'Ernst&Young, « la location de vêtements d'Elis per-met de réduire environ de moitié les consommations d'énergie et les émissions de CO2 par rapport à une solution d'achat de vêtements avec un entretien professionnel interne au client, et de diviser par dix envi-

ron les consommations d'eau38. »

Suez propose maintenant des contrats de chauffage d’immeubles facturés non plus directement au volume de combustible livré, mais à l‘efficience de la régulation du chauf-fage.

Pour les consommateurs finaux aussi Ces services généralisent une pra-tique déjà réelle, de location de vé-los en vacances, ou de voitures pour des usages particuliers (déménage-ment…). Location de vélos (velib….) en ville, location de voitures en ville (Marguerite), mise sur le marché en location de la nouvelle voiture de Bolloré, Blue car…Mais toutes ces pistes : écologie in-dustrielle, économie de fonction-nalité, économie de réparation... ne pourraient se diffuser massivement que si le système de prix est profon-dément modifié par un système d’in-ternalisation des effets externes.

38 N’achetez plus, louez ! par Pascal Can-fin - issu de Chômage : qui va trinquer ? n°277 alternatives-économiques février 200939 Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, traduction française G. Fradier, Pocket, 1988, 1992.

L'économie de fonctionnalité, c’est « la substitution de la vente de l'usage d'un bien à la vente du bien lui-même ». Ce terme a été inventé par le Suisse Walter Stahel au milieu des années 1990.

28 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 29: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

3 Le temps

Nous ajoutons, in fine, un mode de fonctionnement par rapport

au temps. La dimension du temps est le complément nécessaire de l'es-pace, qui a conduit notre réflexion jusqu'ici. La société moderne est celle du temps court, de l'éphémère, qui est en opposition avec la notion de développement durable. Sans pouvoir développer ces éléments de façon importante, indiquons deux pistes de réflexion.D'un point de vue philosophique, cette notion est fort ancienne, mais nous retiendrons ici les travaux d’Hannah Arendt39 qui distingue trois ordres dans le produit et le rap-port au travail :- le labeur, dépense d’énergie ;- le travail ;- l’œuvre, résultat durable du travail.Le labeur est une dépense dont le résultat ne dure pas, ou qui est in-tégré dans une chaîne que le pro-ducteur ne conçoit pas dans son en-semble, par exemple la production à la chaîne d’éléments plastiques pour

des appareils électroménagers, ou la distribution de tracts publicitaires. C’est l’énergie, le temps passé, qui comptent, plus que le produit.Du travail résulte un produit à durée de vie assez courte, trop courte en tous cas pour que son auteur puisse s’y identifier, c’est une production de briquets ou stylos jetables, de mou-choirs en papier, des meubles légers en aggloméré…L’œuvre est la construction d’un objet durable, auquel son auteur pourra faire référence, une paire de

chaussures solides, une chaise en bois massif, une maison « de ma-çon »…La seconde piste de réflexion est le développement des mouvements en faveur d'une vie plus lente, intitu-lés Slow life, en Italie ou au Canada particulièrement. Slow life, c'est l'uti-lisation de moyens de déplacement doux, c'est également le mouve-ment Slow food, prendre du temps pour faire la cuisine, pour manger ensemble, refaire de ce temps un temps de convivialité.

La seconde piste de réflexion est le développement des mouvements en faveur d'une vie plus lente, in-titulés Slow life, mais aussi Slow food...

4 Synthèse

• Trois modèlesgéographiques

Les trois options spatiales sont, sur le fond, exclusives l’une de l’autre. Dans une démarche pragmatique de dé-veloppement régio-nal, elles peuvent être articulées et en partie complé-mentaires, mais en veillant aux effets antagonistes, par

Modèle DéfinitionRelations avec les politiques

régionales

Exemples sectoriels

Agroalimentaire Tourisme

Economies d’aggloméra-tion

Renforcer les effets positifs de la concentration

d’activités

Pôles de compétitivité

Exportation International

Economierésidentielle (présentielle)

Renforcer la cap-tation des revenus

Tourisme Importation National

Relocalisation

Rapprocher les lieux de

production et de consommation

Développement durableFilières

Local Régional

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 29

Page 30: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

exemple :- le tourisme (économie résiden-tielle) est congruent avec la reloca-lisation s’il est de proximité, antago-nique s’il est international,- la construction d’une usine de fro-mage répond aux objectifs de l’éco-nomie d’agglomération si elle est destinée au marché mondial mais s’oppose à la démarche de relocali-sation et inversement.

• Troismodesdefonctionnement

En complément de ces modèles, deux modes d'organisation sont ap-parus : l'écologie industrielle et l'éco-nomie de fonctionnalité.On dispose donc de trois modèles incompatibles entre eux, du moins en termes de filières ou de priorité de filières et de deux modes de fonc-tionnement compatibles, dont peut faire une présentation synthétique.

Il pourrait être tentant de faire du syncrétisme et de prôner les trois modèles à la fois. Mais peut-on vrai-ment développer une politique de tourisme de proximité et à l'interna-tional ? Oui de façon théorique car les deux clientèles peuvent s'addi-tionner, mais l'incompatibilité est ici de type politique aussi bien du point de vue des objectifs (écologiques, sociaux) que des choix budgétaires et de l'affectation de l'espace, qui va devenir un bien rare, de plus en plus rare..

Une autre incompatibilité peut être illustrée par l'agroalimentaire. Miser sur des pôles de compétitivité dans l'agroalimentaire c'est spécialiser le territoire sur certaines productions – donc en produire beaucoup et les exporter – donc soustraire des terres à l'agriculture vivrière de proximité. C'est le conflit ancien et bien connu de la concurrence sur l'espace entre la culture d'exportation face aux cultures vivrières, réactivé par l'essor des agro carburants.Dans la métallurgie, l'opposition se situe entre la politique des pôles qui induit une spécialisation et la reloca-lisation qui nécessite une diversifica-tion forte. Il n'y a pas d'incompatibi-lité théorique, mais pratiquement, difficile de soutenir les deux dé-marches en même temps.L'industrie du meuble illustre la question de la taille des entreprises. Dans une démarche d'exportation,

il faut des entreprises puissantes, une démarche marketing forte, une marque reconnue. Dans une dé-marche de relocalisation, de petites entreprises, proches des clients, s'adaptant à leurs besoins, sont plus appropriées. Cela peut avoir des conséquences importantes en termes d'aides aux entreprises par taille.

L'occupation de l'espace, l'attribu-tion des aides publiques, la taille des entreprises, sont ainsi trois facteurs

de différenciation identifiés entre les choix stratégiques, mais différents selon les secteurs.

Mais par ailleurs la société est une « formation sociale », c'est-à-dire qu'elle intègre différents modes de production, hérités des périodes pré-cédentes. Le capitalisme industriel a coexisté avec la petite production marchande et le capitalisme finan-cier s'est ajouté aux deux premiers sans les faire disparaître. Chaque forme peut perdurer, la question du choix est surtout posée aux res-ponsables des politiques publiques, pour l'orientation de leurs actions, et aux entrepreneurs à la recherche de nouveaux développements. C'est aussi en substance ce que dit Laurent Davezies, dans le cadre de sa théorie sur l'économie résidentielle, quand il souligne l'intérêt de territoires asso-ciant une économie industrielle, une économie résidentielle et une éco-nomie de redistribution publique (la métropole Nantes Saint-Nazaire).

• Lesmétiersdedemain

Ces modèles dessinent les com-pétences de demain, qui sont pré-sentes aujourd'hui et ne demandent qu'à être revivifiées. Comme pour la nature, l'enjeu est de maintenir la diversité des métiers, pour répondre à la diversité des fonctions. Répa-rer demande une palette de com-pétences plus large que produire. Gérer une équipe nombreuse (forte intensité humaine) plus de compé-tences en ressources humaines que de gérer un parc machines. Louer plutôt que vendre nécessite d'établir une relation de confiance de longue durée avec l'utilisateur. Exploiter la totalité d'une matière première sup-port, que ce soit du bois, du métal ou un produit vivant, une connaissance approfondie des process. Il y a, dans toutes ces dimensions, des progrès importants à la fois d'un point de vue collectif et d'un point de vue in-dividuel.Pour illustrer ce nouvel horizon de nos compétences, l'image du laby-

OeconomieEconomie de fonctionna-

litéSlow life

Économies d’agglomération Cluster énergie

Économie résidentielle

Location de logements

Vélo

RelocalisationÉcologie indus-trielle, énergies

durables (locales)

Réparation locales des

voitures

Réduction des voyages aériens,

vélo

Modèles territoriaux et modes de fonctionnement

30 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 31: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

rinthe est très parlante. De quelles qualités a besoin celui qui se perd dans un labyrinthe ? De savoir re-bondir quand il arrive dans une im-passe, de sentir, goûter tout son en-vironnement, sentir l'humidité sur les parois ou la direction d'où souffle l'air frais du dehors, naviguer sans perdre la mémoire de son chemin. La situation d'aujourd'hui est un peu celle de personnes perdues dans un labyrinthe. Ces qualités sont celles nécessaires pour en sortir et aussi pour exercer les activités que nous avons décrites.

• Agirdanslacomplexité

Cela peut paraître complexe, d'au-tant plus si l'on prend en compte à la fois les trois modèles territoriaux, les trois modes de fonctionnement, les cinq défis (financier, économique, ressources, environnement, démo-graphie), et que l'on considère que chaque secteur est spécifique (hô-tellerie, agroalimentaire, métallur-gie…). Il faudrait simplifier ? Tout ce qui est simple est faux et ce qui est compliqué est inutilisable.

Face à cette question, rappelons-

nous les outils d'analyse de la com-plexité40.Hologrammatique : un élément du tout représente le tout, c'est-à-dire que la situation d'un élément, une usine de chaussure à Beaupréau, un atelier de réparation de voitures à Machecoul… mettent en jeu tous ces éléments à la fois. C'est une façon « simple » de commencer à raisonner la complexité dans l'action locale.Récursivité : la cause produit l'effet, et l'effet peut lui-même être cause de la cause. L'épuisement des nappes phréatiques conduit à creuser tou-jours plus profond pour puiser l'eau, ce qui accélère l'épuisement des nappes. Dialogique : un élément peut être à la fois ouvert et fermé, dans une po-sition et la position contraire. La voi-ture facilite la circulation et la bloque dans certaines circonstances. Ce n'est pas un vecteur univoque.

On pourrait ajouter que dans un sys-tème complexe, un projet aboutit ra-rement à l'objectif fixé au départ, tel-lement il est soumis à des contraintes différentes, nombreuses, évolutives. Il faut donc mettre en mouvement le système, en gérer les évolutions,

et faire confiance. Faire confiance ? En gardant en tête que la société ne fonctionne que si les « trois cultures » du développement humain41 sont à l'œuvre, que l'on n'en oublie pas une en chemin, la gestion certes, mais aussi la résistance (pour mettre en mouvement) et l'utopie (pour don-ner des horizons).

Pour aller vers un horizon, on a be-soin d'une direction, d'indicateurs. C'est là tout un autre chapitre à abor-der, le changement des indicateurs dans un monde qui a changé.

Avoir confiance : dans tous ces do-maines, des initiatives existent, des personnes et des collectifs réflé-chissent et agissent, au niveau local comme au niveau international.

Aujourd’hui Demain Compétences Secteurs

Production RéparationDiversifiéesAutonomie

Mécanique, plas-turgie, mobilier

Production à forte intensité énergie et ma-tière première, faible intensité humaine

Production à faible intensité en énergie et matière première et forte intensité humaine

Ressources humaines

Agriculture, cuisine, pêche

Vente LocationCommerciales,

entretien

Auto, bureautique, vêtements, logements

Exploitation partielle Exploitation totale

Process, matière

Alimentaire, métaux

Transport lointain

Livraisons de proximité

RelationnellesTransports, tourisme

Les métiers de demain

40 Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, ESF, 199041 Jean-Baptiste de Foucauld, Les trois cultures du développement humain, Paris, Odile Jacob, 2002

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 31

Page 32: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

d

Nous avons raisonné jusqu’ici avec les indicateurs classiques

de la productivité, car ce sont les seuls qui sont les plus connus. Ce rai-sonnement nous montre les limites de ce concept pour ouvrir des pers-pectives de développement. Comme le dit Jean Gadrey42, on en reste à la mesure de la valeur d’échange, au lieu de prendre la va-leur d’usage, qui est de nouveau pre-mière compte tenu des enjeux envi-ronnementaux et de l’importance des services. Citons-le :

« Ce qui détermine(ra) l’emploi n’est pas (d’abord) le couple (croissance du PIB, gains de productivité) : si, comme il faut le souhaiter, les gains de qualité et de durabilité devien-nent les grands gisements de va-leur ajoutée (et donc d’emploi), ces gains qualitatifs ne se-ront pas enregistrés dans les indicateurs actuels de gains de productivité et de croissance. Ces der-niers chiffres passeront à côté de tout ce qui compte(ra) le plus. Ils ne servent donc à rien et au contraire ils brouillent les pistes.

Exemple : si l’on remplace de la pro-duction productiviste et polluante de blé par de la production bio, sans croissance des quantités et s’il faut en moyenne (chiffre arbitraire) deux fois plus d’heures de travail pour une

tonne de blé bio, les mesures (ac-tuelles) afficheront une chute bru-tale de la productivité (division par deux), une multiplication par deux du volume de travail, et une crois-sance zéro de la production (puisque la progression de la qualité n’est pas comptée). […]

Il n’y a de gains ou pertes de produc-tivité que si l’on compare deux pro-cessus de production de « la même chose ». Appliquer ici les raisonne-ments classiques revient donc à ad-mettre qu’un produit « propre » est « la même chose » qu’un produit « sale ». Position intenable selon moi. […]Les exemples abondent, surtout dans les services. Pour gagner en « productivité », on demande au-

jourd’hui à cer-taines aides à domicile de ne plus passer que 15 minutes au lieu de 20 à la toilette des personnes

âgées. Cela n’est rien d’autre qu’une dégradation de la qualité des soins et des conditions de travail, mas-quée en gain de productivité. Idem à l’hôpital, dans l’enseignement, les crèches, etc.Nous devons refuser les analyses ac-tuelles de croissance et de gains de productivité dans la grande bifurca-tion vers la durabilité écologique et la qualité sociale car, lorsqu’on change

de modèle économique, on change aussi de produits et de processus et donc on n’a plus d’équivalence entre les anciens et les nouveaux biens et services, même s’ils se ressemblent « vus de l’extérieur ». Retour à un exemple écologique  : la valeur d’usage d’un KwH sale (aggravant le réchauffement clima-tique) est apparemment la même que celle d’un KwH propre si on se li-mite à l’énergie fournie à l’utilisateur, mais elle est très différente si l’on raisonne en valeur d’usage durable, avec toutes les caractéristiques et « externalités » utiles ou néfastes. Par conséquent, si la quantité de travail nécessaire à la production d’un KwH propre est supérieure à celle que re-quiert la production d’un KwH sale, il est scientifiquement illégitime, et politiquement désastreux, d’affirmer que la productivité du travail est infé-rieure dans le premier cas. Ces deux types de KwH ne correspondent pas aux mêmes valeurs d’usage, aux mêmes caractéristiques utiles.»

42 Jean Gadrey, http://alternatives-eco-nomiques.fr/blogs/gadrey/2009/03/05/cessons-de-penser-croissance-et-productivite/#more-6343 Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice, Les Nouveaux Indicateurs de richesse, édi-tions La Découverte, réédition actualisée en 200744 www.idies.org/index.php?post/Les-regions-francaises-face-a-leur-sante-sociale45 Moyenne améliorée par un bornage des valeurs maximum et minimum, et un calcul logarithmique appliqué au PIB46 www.stiglitz-sen-fitoussi.fr

Les modèles ne pourront pas être mis en œuvre de façon opérationnelle sans changer d’indicateurs.

lV- Modèles et indicateurs

1 Les limites des indicateurs de productivité

32 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 33: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

2 Les nouveaux indicateurs

Il y a profusion de propositions sur les indicateurs alternatifs43, profu-

sion qui peut s’expliquer par la quan-tité de questions que pose leur éla-boration.Doit-on mesurer la valeur marchande et monétaire de la production an-nuelle (Pib) ou sa valeur d'usage, le bien-être, la richesse des relations sociales, le patrimoine naturel ? Le choix est fondamentalement poli-tique (au sens de vivre ensemble) ; la technique n’intervient qu’en second. Nous avons sans doute plus besoin de valeurs - existentielles - que de repères, dont l’accumulation ne sert souvent qu’à cacher l’absence de sens. Ceux qui considèrent que le bonheur suppose d’acquérir un ni-veau de vie équivalent au niveau des pays les plus riches retiendront le Pib ou un équivalent. Ceux qui sont attentifs à la richesse des relations sociales s’attacheront à des indica-teurs du type bien-être ou de santé sociale44, le plus souvent sur la base d’enquêtes. Ceux qui observent la dégradation de nos ressources na-turelles mettront en avant les indi-cateurs de biodiversité, ou de pres-sion écologique sur l’environnement (empreinte écologique). Il y a aussi des tentatives de synthèse, puisque ces objectifs ne sont pas entière-ment exclusifs, par exemple l’IDH (indicateur de développement hu-main).L’IDH est un indicateur de transition. Il est calculé comme la moyenne45

du Pib, de la longévité (santé) et du niveau d’éducation. Il est donc en partie dépendant du Pib (et de ses travers), et ne prend pas en compte les enjeux environnementaux. C'est un compromis entre la référence unique du Pib de la période de crois-sance quantitative et les enjeux de santé et d’éducation, mais c'était sans doute la condition pour qu’il soit largement adopté et diffusé. Construit d’abord pour être appli-qué à un niveau mondial, adopté par l’Onu en 1990, il a été adapté pour son utilisation par les pays déve-loppés, pour lesquels le gradient de différenciation devenait trop faible. Il existe donc un IDH-2, pour lequel les indices de santé et d’éducation ont été adaptés pour la région Ile de France et réutilisés dans d’autres régions (Nord / Pas-de-Calais par exemple). L'intérêt de l'IDH-2 est qu'il peut être calculé à un niveau très fin,

jusqu'à la commune, ce qui permet de mettre en évidence des écarts croissants sur les territoires.L’inadaptation des indicateurs ac-tuels n’a pas échappé au président de la République qui a confié à une commission46 présidée par Joseph Stiglitz et Amyarta Sen la mission de définir de nouveaux indicateurs. Cette commission doit rendre un rapport final en 2009, mais elle pro-posera sans doute une ouverture, des pistes, pas une solution…Parallèlement, l’un des membres de cette commission, Jean Gadrey, a co-initié avec plusieurs de ses proches la création d’un réseau de chercheurs impliqués dans des démarches de construction de nouveaux indica-teurs. Le réseau Fair (Forum pour d’autres indicateurs de richesse) pré-pare ses contributions au débat.

Appliqué au cas des régions françaises pour l’année 2004, l’ISS (indicateur de santé sociale) éclaire sous un nouveau jour les performances sociales des territoires. Ce sont surtout les régions très urbanisées qui enregistrent les moins bonnes performances, alors que d’autres comme le Limousin apparaissent performantes socialement. Deux ou trois régions demeurent en queue de peloton quel que soit l’indicateur retenu : en bas du classement en termes de RDB (revenu disponible brut) par tête, ou du Pib (produit intérieur brut)par tête, le Nord/ Pas-de-Calais et le Languedoc Roussillon conservent, selon l’ISS,une santé sociale très médiocre. Source : Florence Jany-Catrice et Rabih Zotti

L’ISS des régions françaises en 2004

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 33

Page 34: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

La matrice des nouveaux indi-cateurs est souvent proposée à

partir des trois piliers du développe-ment durable, économique, social et environnemental. Cela conduit généralement à considérer chaque pilier séparément et à supposer qu’une activité industrielle est du-rable car ses produits durent plus longtemps, même s’ils contribuent à épuiser les ressources de la planète. On assure aussi qu’un emploi est du-rable s’il est en CDI, quel que soit son contenu (une formation ou un em-ploi en plasturgie, fabrication à partir de pétrole, est-il vraiment durable ?), ce qui est une manière d’ignorer les relations entre le social et l'environ-nement. On estime que les services aux personnes âgées sont un moyen de créer des emplois pour les per-sonnes en difficulté, alors que l'équi-libre des retraites est incertain et que les comptes sociaux sont déficitaires, et l'on ignore ici les relations entre l'économique et l'environnement.

L’erreur est de considérer chaque pi-lier isolément, alors que le propre du développement durable est d’être systémique. Entre les dimensions économiques et sociales, l'enjeu est

notre degré de liberté (sociale) face au système économique, puisque notre développement ne peut être durable que si le corps social garde suffisamment d’autonomie, de liber-té, par rapport à l’économie47. La me-sure de cette liberté, c’est la capacité de choisir, à tous les stades de la vie. De choisir une formation correspon-dant à ses aspirations et ses capa-bilités48, de choisir un logement, un rythme ou un mode de vie….

Pour les deux autres relations, l'en-jeu est le caractère durable, ou non, de notre mode de vie. Entre les di-mensions sociale et environnemen-tale, la question est de savoir si l’es-pèce humaine laissera suffisamment de place, d’espace, à la nature et aux autres espèces pour survivre (et donc pour notre propre survie). La mesure est l'indicateur de biodiversité, pour laquelle les experts considèrent qu’il faut garder 15 % du territoire de la planète libre de toute activité hu-maine (mais pas que les déserts de sable ou de glace). Sera-ce encore possible quand nous serons 50 % de plus sur Terre, dans cinquante ans ?Enfin, la relation entre l’économie et l’environnement est mieux connue,

étudiée, c’est la notion de pres-sion de l’activité sur l’environne-ment. Un indi-cateur phare est l’empreinte éco-logique49, qui tra-duit en hectares l’espace néces-saire pour l’acti-vité des hommes, ce qui permet de dire que nous utilisons en moyenne plus d‘une planète dans les condi-tions actuelles,

et que si tous les humains vivaient comme les Européens il faudrait trois planètes. C’est un indicateur espace/temps, puisque l’espace concret que nous consommons en plus dans les pays développés (hectares de cultures, de prairies, de forêts de bois d’œuvre…) est pris sur les pays qui en consomment moins (Afrique en particulier) et que les hectares de « forêt énergie », qui représentent la quantité de CO2, que les océans et la forêt ne peuvent pas absorber et qui s’accumule dans l’atmosphère, constitue une dette qu’il faudra ré-sorber dans le temps, un jour…

Ces considérations dessinent le cadre dans lequel de nouveaux in-dicateurs pourraient être élaborés. En effet, mesurer le temps libre ou la biodiversité se heurte à des dif-ficultés théoriques et pratiques importantes. En attendant, il nous faut mesurer l’activité, la situation sociale, environnementale… Des initiatives sont prises, en Pays de la Loire comme dans d’autres régions.

3 dimensions, 3 relations, 3 indicateurs

EnvironnementSocial

Économique

Espace de biodiversitéEspace

Empreinte écologique

Espace x temps

Capacitéde choix

47 Karl Polanyi, La grande transformation, 1944, éd. Gallimard, 1983.48 La capabilité est un concept déve-loppé par Amyarta Sen dans Repenser l’inégalité, Éditions du Seuil, 2000. Dans la théorie des capabilités, le fait de choi-sir, et l’étendue, la diversité du choix, ont une valeur, indépendante de la valeur du choix fait..49 www.wwf.fr/pdf/LPR_2008_FR.pdf

3 Les indicateurs et les 3 piliers du développement durable

P r é s e r v e r

15 %du territoire de la planète libre de toute a c t i v i t é h u m a i n e L’i

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34 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 35: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Pour conclure – provisoirement - rapprochons ces réflexions sur

les indicateurs des modèles de déve-loppement décrits plus haut. Le Pib et la productivité associée sont (ou étaient ?) assez bien adaptés à l'éco-nomie d'agglomération, basée sur l'industrie et à la répartition des re-venus monétaires. Mais l'économie d'agglomération ne peut pas vivre seule, elle est immergée dans une société où les services sont domi-nants. Il ne peut alors s'agir que d'un indicateur local, mais non utilisable à l'échelle de la société.A l'opposé, l'empreinte écologique permet de mesurer la pression de l'homme sur son environnement, son espace. C'est un indicateur fon-damental, au moins par ses vertus pédagogiques, mais partiel, comme l'ont bien précisé ses inventeurs dès le début. Il ne mesure pas la dégra-dation de notre patrimoine naturel, et il est centré sur les besoins de l'homme, pas de l'ensemble de la création.L'état de la société, son bien-être, peuvent être mesurés l'IDH, l'indi-cateur de pauvreté humaine, pour ne prendre que les indicateurs du PNUD, et encore par l'indicateur de santé sociale, ou le Bip 40… Ces indicateurs nous renseignent sur ce qui est en fait notre objec-tif à tous, vivre mieux, sans pouvoir embrasser toutes les autres dimen-sions de notre environnement. Nous avons donc besoin de réinventer des systèmes complexes d'élaboration, mais simples de lecture. Simples sans devenir pour autant des fé-tiches, comme Pib l'est devenu, le risque est là, mais il faut le courir, sous peine d'avancer dans le noir ab-solu. Le croisement de deux indica-teurs est une façon très illustrative de donner une vision plus large et non univoque, comme le croisement de l'empreinte écologique et de l'IDH

proposée par Aurélien Boutaud. C'est à la fois un outil technique et un support de réflexion et d'espoir : il est possible d'augmenter le niveau de vie (mesuré par l'IDH, avec toutes ses limites) des pays du tiers monde sans dégrader l'empreinte écolo-gique et il est possible de diminuer l'empreinte écologique des pays dits développés, sans réduire beaucoup leur niveau de vie IDH50.

Économie d’agglomération

PIB

Économie résidentielle

Revenu

Relocalisation

Revenu tiré de la production locale

Oeconomie/bio économie

Empreinte écologique

IDH

ISS

BIP 40

IPH

Des indicateurs de production ou de revenu aux indicateurs de santé sociale

Des indicateurs de production ou de revenu aux indicateurs de santé sociale

4 Indicateurs et modèles de développement

50 Compte tenu du mode de calcul loga-rithmique de l’IDH, et qui écrête le Pib par tête à partir d’un certain niveau. Pour plus de détail, voir Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, L’empreinte écolo-gique, Repères, La découverte, 2009

USA, Australie,

Canada

Europe du Nord et de

l'Ouest

Europe du Sud+ "NPI" Pays "émergents"

d'Asie et d'Amérique du Sud (+ Turquie)

Pays "émergents" d'Afrique du Nord, Moyen Orient, Asie

Pays en voie de développement d'Asie et d'Afrique

012345678910

Empreinte écologique (ha/hab)

Besoins des générations

futures

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Besoins des générations

actuelles

Performance des nations en matière de développement durable : combien de planètes?

Nombre de planètes nécéssaires en fonctionde l’empreinte écologique

Performance des nations en matière de développement durable : combien de planètes ?

D’après Aurélien Boutaud, ENSMSE, BENOÎT AGASSANT – INSAZUR – Mars 2005

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 35

Page 36: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

5 Utopie et résistance

Face à la crise, il y a donc des éléments de ré-ponse, des pistes d'action, à moyen ou long terme. A court terme, c'est l'urgence sociale d'aider ceux qui ont perdu, ou vont perdre leur travail, leur maison, leur famille. Les institu-tions publiques qui n’avaient pas les moyens de faire face à tous ces besoins hier, seront en-core moins en capacité d'y répondre seules. Il faut une mobilisation citoyenne, partagée, non pas en tant que supplétifs des puissances publiques, mais de façon autonome, comme levains du corps social. C'est là que se rejoi-gnent l'utopie et la résistance, deux des trois cultures du développement humain.

La société ne peut pas fonctionner sur un mo-dèle unique, dont les modèles sociaux avancés aux XIXe et XXe siècles ont montré les dangers. La société est un assemblage de modèles, et si nous pouvons croire à quelque chose, c'est

aux valeurs qui peuvent les faire fonctionner, pas aux modèles eux-mêmes. Les modèles sont des briques, il manque le ciment apporté par les va-leurs.

Les valeurs étaient sous-jacentes aux modèles, que ce soit la réduction des conflits sociaux ou la lutte conter l'exploitation de l'homme par l'homme. Les valeurs d'aujourd'hui pourraient se nommer le refus de l'exclusion, la capacité pour chacun de choisir son devenir, le respect de la création, de la nature et de ses ressources. On retrouve dans ces trois dimensions les trois types d'indicateurs avan-cés pour mesurer le développement durable.

Ces valeurs ne relèvent pas que de l'utopie, elles croisent les deux autres cultures, celle de la ges-tion pour l'environnement, de la résistance pour le domaine social par exemple.

36 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 37: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

Un siècle de productivité en France

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1ère guerre mondiale

2ème guerre mondiale

Source : Michel Husson, Du ralentissement de la productivité, La Revue de l’IRES n°22, 1997

V- Annexes

Relocalisation

- Dupuy C., Burmeister A. (eds.), 2003, Entreprises et territoires ; les nouveaux enjeux de la proximité, La Doc. française. - Pecqueur B., Zimmermann J.B. (eds.), 2004, Economie de Proximités, Hermès, Paris.

2 Elements bibliographiques

1 Un siècle de productivité en France

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 37

Page 38: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

- Rallet A., Torre A. (eds), 2006, Quelles proximités pour innover ? , L’Harmattan, Paris.

- Bernard Charbonneau, Sauver nos régions. Ecologie et sociétés locales Ed. Sang de la Terre, 1991

Sur le rôle des avantages compétitifs et «l'économie de l'archipel» - Veltz Pierre, Mondialisation, Villes et Territoires, PUF, 2e Edition revue et corrigée, 2005.

Sur l'économie résidentielle

- Davezies Laurent « Temps de la production et temps de la consommation, les nouveaux aména-geurs des territoires ? », in Futuribles, Novembre 2003.

- Davezies Laurent, « Les transferts publics et privés de revenu au secours du développement terri-torial », in L’État des Régions Edition 2004, 2004.

- Laurent Davezies, La république et ses territoires, la circulation invisible des richesses, Edition du Seuil, 2007

Sur l’économie territoriale

- Guy Loinger, Christine Afriat, Jean-Claude Nemery, Construire la dynamique des territoires: ac-teurs, institutions, citoyenneté active, L’Harmattan, 1997

- Guy Loinger, Développement des Territoires et prospective stratégique: enjeux, méthodes et pra-tiques, L'Harmattan, 2005

Bio économie

- Albert Jacquard, Mon utopie, septembre 2006, Editions Stock

- Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance, entropie, écologie, économie, édition Sang de la terre, 1979, 1995 (réédition)

- François Partant, La fin du développement, 1982, édition Babel, 1997

- Serge Latouche, Décoloniser l'imaginaire, Lyon, Parangon, reed. 2005.

- Actes de la Première conférence scientifique internationale sur la « décroissance économique pour l'équité sociale et la soutenabilité écologique ». Paris les 18 et 19 avril 2008

Ecologie industrielle

- Bourg, Dominique. "L'écologie industrielle, le nouvel horizon" (entretien), Le bulletin de l'ILEC, avril 2001.

- Bourg, Dominique, et SurenErkman. Perspectives on industrialecology. Préface de Jacques Chirac. Greenleafpublishing, 2003.

- Erkman, Suren. L'écologie industrielle : une stratégie de développement. Texte d'une communica-

38 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution d’Arnaud du CREST

Page 39: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

tion présentée au colloque "L'écologie c'est la santé de l'économie", Bruxelles, 5 juin 2004.

- Erkman, Suren, Vers une écologie industrielle [archive], éditions Charles Léopold Mayer, 1998 (réimpr. 2004).

- Bouillon-Duparc, Hélène. "Qu'est-ce que l'écologie industrielle ?", Hexagone environnement, au-tomne 2002.

- IndustrialEcology, Graedel and Allenby, Prentice Hall, 1994.

Économie de fonctionnalité

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- Walter R. Stahel. “The functional society”, in Bourg, Dominique and Erkman, Suren. 2003. Perspec-tives on IndustrialEcology. GreenleafPublishing, Sheffield, UK.

Contribution d’Arnaud du CREST - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 39

Page 40: Point de vue oeconomique sur la crise et les territoires

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