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Pratique Neurologique - © 2010. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 151 Épilepsies Service de neurologie, Hôpital Rangueil, CHU Toulouse, France. Correspondance L. Valton Service de neurologie et d’explorations fonctionnelles du système nerveux Hôpital Rangueil TSA 50032 31059 Toulouse cedex 9 [email protected] Conflit d’intérêt Aucun. Mots clés État de mal épileptique Épilepsie de l’adulte Traitement anti-épileptique Recommandations L. Valton, A. Aranda L’ état de mal épileptique (EME) est l’expression extrême d’une crise d’épilep- sie. L’EME généralisé convulsivant (EMEGC) en est la forme la plus sévère. C’est une urgence médicale, grevée d’un fort risque de morbidité et de mortalité. L’incidence a été évaluée entre 3,6 et 29,1 pour 100,000 habi- tants et par an chez l’adulte et la morta- lité précoce (à 30 jours) entre 3 et 26 % (DeLorenzo et al., 1996 ; Hesdorffer et al., 1998 ; Coeytaux et al., 2000 ; Knake et al., 2001 ; Vignatelli et al. 2005). La prise en charge des EMEGC a fait l’objet de plusieurs études, consensus et conférences d’experts recommandant toutes, malgré des différences en fonction des pays, un traitement agressif le plus pré- coce possible selon un protocole préétabli, qui précise les critères d’efficacité et les dif- férentes étapes du traitement. En France, la conférence de consensus avait proposé en 1995 un schéma thérapeutique simple, dont l’actualisation récente (Outin et al., 2009) constitue la base des recommandations formulées dans cet article. Diagnostic En 1981, la ligue internationale contre l’épilepsie définit l’EME comme « un état caractérisé par une crise épileptique qui persiste suffisamment longtemps ou qui se répète à des intervalles suffisamment brefs pour créer une condition épileptique fixe et durable ; (…) les EME pouvant revêtir autant d’aspects sémiologiques différents qu’il existe de variété de crises d’épilepsie. » (Commission of the ILAE, 1981). Par la suite, l’EME a été considéré, soit en cas de crises répétées sans complète récupération de l’état neurologique entre les crises, soit en cas de crise continue durant 30 minutes ou plus, durée considérée comme associée au risque de constitution de lésions du système nerveux central et d’auto-entretien spontané en l’absence de traitement. Plus récemment, une définition opérationnelle a été proposée, retenant le diagnostic « d’EMEGC de l’adulte, face soit à une crise continue de plus de 5 minutes, soit à la succession d’au moins deux crises sans récupération complète de la conscience. » (Lowenstein et al., 1999). Plusieurs raisons à cela : Tout d’abord, cette durée permet d’écarter les crises généralisées tonico- cloniques (CGTC) habituelles qui durent en moyenne une minute, et exceptionnellement plus de deux minutes (Jenssen et al., 2006). Ensuite, le retard de prise en charge est associé à un risque de pharmaco-résistance, d’augmentation de la morbi-mortalité et d’évo- lution vers un EME larvé dont le pronostic est effroyable. L’EME larvé a été défini comme un EMEGC dans le coma, avec des décharges critiques sur l’électroencéphalogramme (EEG) et une symptomatologie clinique frustre pou- vant se limiter à quelques activités muscu- laires rythmiques des paupières, de la face, des joues, du tronc, des extrémités ou des globes oculaires (Treiman et al., 1990). Classification Parmi les différentes classifications pro- posées, certaines reposant sur la sémiologie Prise en charge des états de mal épileptiques généralisés de l’adulte en France en 2010

Prise en charge des états de mal épileptiques généralisés de l’adulte en France en 2010

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Pratique Neurologique - © 2010. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 151

Épilepsies

Service de neurologie,

Hôpital Rangueil, CHU Toulouse, France.

Correspondance

L. Valton

Service de neurologie et d’explorations fonctionnelles du système nerveux

Hôpital Rangueil

TSA 50032

31059 Toulouse cedex 9

[email protected]

Conflit d’intérêt

Aucun.

Mots clésÉtat de mal épileptique

Épilepsie de l’adulte

Traitement

anti-épileptique

Recommandations

L. Valton, A. Aranda

L’état de mal épileptique (EME) est l’expression extrême d’une crise d’épilep-sie. L’EME généralisé convulsivant (EMEGC) en est la forme la plus sévère. C’est une urgence médicale, grevée d’un fort risque de morbidité et de mortalité. L’incidence a été évaluée entre 3,6 et 29,1 pour 100,000 habi-tants et par an chez l’adulte et la morta-lité précoce (à 30 jours) entre 3 et 26 % (DeLorenzo et al., 1996 ; Hesdorffer et al., 1998 ; Coeytaux et al., 2000 ; Knake et al., 2001 ; Vignatelli et al. 2005).

La prise en charge des EMEGC a fait l’objet de plusieurs études, consensus et conférences d’experts recommandant toutes, malgré des différences en fonction des pays, un traitement agressif le plus pré-coce possible selon un protocole préétabli, qui précise les critères d’efficacité et les dif-férentes étapes du traitement. En France, la conférence de consensus avait proposé en 1995 un schéma thérapeutique simple, dont l’actualisation récente (Outin et al., 2009) constitue la base des recommandations formulées dans cet article.

Diagnostic

En 1981, la ligue internationale contre l’épilepsie définit l’EME comme « un état caractérisé par une crise épileptique qui persiste suffisamment longtemps ou qui se répète à des intervalles suffisamment brefs pour créer une condition épileptique fixe et durable ; (…) les EME pouvant revêtir autant d’aspects sémiologiques différents qu’il existe de variété de crises d’épilepsie. » (Commission

of the ILAE, 1981). Par la suite, l’EME a été considéré, soit en cas de crises répétées sans complète récupération de l’état neurologique entre les crises, soit en cas de crise continue durant 30 minutes ou plus, durée considérée comme associée au risque de constitution de lésions du système nerveux central et d’auto- entretien spontané en l’absence de traitement. Plus récemment, une définition opérationnelle a été proposée, retenant le diagnostic « d’EMEGC de l’adulte, face soit à une crise continue de plus de 5 minutes, soit à la succession d’au moins deux crises sans récupération complète de la conscience. » (Lowenstein et al., 1999). Plusieurs raisons à cela : Tout d’abord, cette durée permet d’écarter les crises généralisées tonico-cloniques (CGTC) habituelles qui durent en moyenne une minute, et exceptionnellement plus de deux minutes (Jenssen et al., 2006). Ensuite, le retard de prise en charge est associé à un risque de pharmaco-résistance, d’augmentation de la morbi-mortalité et d’évo-lution vers un EME larvé dont le pronostic est effroyable. L’EME larvé a été défini comme un EMEGC dans le coma, avec des décharges critiques sur l’électroencéphalogramme (EEG) et une symptomatologie clinique frustre pou-vant se limiter à quelques activités muscu-laires rythmiques des paupières, de la face, des joues, du tronc, des extrémités ou des globes oculaires (Treiman et al., 1990).

Classification

Parmi les différentes classifications pro-posées, certaines reposant sur la sémiologie

Prise en charge des états de mal épileptiques généralisés de l’adulte en France en 2010

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Prise en charge des états de mal épileptiques généralisésÉpilepsies

Diagnostic étiologique

La recherche étiologique doit être conduite dès le diagnostic de l’EME et, simultanément à sa prise en charge thé-rapeutique, permet d’adapter le traitement et d’apprécier le pronostic. On distingue les étiologies chroniques, en général non évolu-tives, les étiologies aiguës (datant de moins de 7 jours) et des facteurs déclenchants. La cause de l’EME peut être multiple, et la fréquence des étiologies varie d’une étude à l’autre. Dans l’étude de Delorenzo et al. (1996), les étiologies principales chez les adultes étaient un sevrage en antiépilepti-ques (34 %), une séquelle cérébrale (24 %, dont 80 % d’origine vasculaire), un accident vasculaire cérébral récent (22 %), une dis-torsion métabolique (15 %), une intoxication ou un sevrage alcoolique (13 %), une tumeur cérébrale (7 %), une infection systémique (7 %) ou du système nerveux central (3 %), un traumatisme crânien (3 %), une intoxica-tion médicamenteuse (3 %), une hémorragie (1 %), indéterminée (3 %). D’autres contextes doivent faire rechercher des étiologies plus rares : immunodépression, grossesse, pathologies systémiques, insuffisance rénale ou hépatique… L’anoxie cérébrale reste une cause singulière et controversée d’EME, de pronostic très péjoratif. La fréquence des patients épileptiques avant la survenue de l’EME varie de 20 % à plus de 50 % selon les études.

Traitement

La prise en charge thérapeutique de l’EME est complexe et s’articule autour de plusieurs axes. Elle nécessite une organi-sation des soins, une hiérarchisation des mesures, et une coordination des équipes et des compétences.

Mesures généralesDes mesures générales doivent être réa-

lisées systématiquement par les premiers intervenants auprès du patient : (i) libérer les voies aériennes supérieures, mettre en position latérale de sécurité à la phase post-critique, prévenir d’éventuelles complica-

des crises, d’autres sur la classification des syndromes épileptiques, on préfère actuellement utiliser une classification plus opérationnelle qui distingue les EME convulsifs, dont le diagnostic est clinique, des EME non convulsifs, dont le diagnostic est clinique et EEG. Sur le plan pronos-tique, trois groupes sont identifiés : (i) Le pronostic vital est engagé à court terme, pour les EMEGC et les EME larvés ; (ii) le pronostic vital/fonctionnel est engagé à moyen terme, pour les EME partiels avec confusion, et les EME partiels convulsifs ; (iii) le pronostic vital n’est pas engagé à court terme pour les EME myocloniques, absences, et à symptomatologie par-tielle élémentaire non-motrice (Dupont et Crespel, 2009).

Diagnostic différentiel

La principale cause d’erreur dia-gnostique correspond aux pseudo-EME psychogènes. La présentation est sou-vent bruyante avec des manifestations motrices violentes, amples, désorgani-sées, ne répondant pas à une systémati-sation neurologique, trop régulières, tou-chant le tronc ; la respiration est rapide et ample, sans désaturation ; les yeux sont fermés (ils sont ouverts et révulsés en cas de CGTC), avec une résistance à l’ouver-ture des yeux. Sont également évocateurs, une suggestibilité, l’absence de perte de connaissance lors des sollicitations actives, de confusion post-critique, de chute traumatisante, de perte d’urine, ou de morsure de langue. L’EME est souvent réfractaire au traitement. L’EEG ne montre pas d’anomalie per- et post-critique (en dehors des artefacts de mouvements par-fois trompeurs).

D’autres diagnostics sont plus rares : accident vasculaire cérébral du tronc avec coma et hypertonie de décérébration bilaté-rale, ou mouvements anormaux associés à des troubles de la vigilance. Les encéphalo-pathies métaboliques ou toxiques, la maladie de Creutzfeld Jakob, les encéphalopathies post-anoxiques peuvent en imposer pour un EME larvé.

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L. Valton, A. Aranda Épilepsies

phénytoïne à 20 mg/kg ou fosphénytoïne à 20 mg/kg (en équivalent phénytoïne (EP)) ou phénobarbital 15 mg/kg) (Treiman et al., 1998 ; Prasad et al., 2005). En France, le lorazépam n’est pas disponible en pratique courante pour cette indication. La confé-rence d’experts réunis à l’initiative de la société de réanimation de langue française a proposé les recommandations suivantes (Clair et al., 2009) :

Quand l’EMEGC est pris en charge pré-cocement (convulsions depuis moins de 30 minutes), administrer en IV lent (3 minutes) du clonazépam 0,015 mg/kg ou à défaut du diazépam 0,15 mg/kg. En l’absence d’accès veineux, du mida-zolam peut être injecté en intramusculaire (0,2 mg/kg). Si au bout de 5 minutes la crise persiste ou récidive, il faut procéder à une nouvelle injection IV de benzodia-zépine, associée à une MLDA selon les modalités ci-dessous.Quand l’EMEGC évolue depuis plus de 30 minutes ou depuis une durée inconnue, il faut administrer l’association clonazépam (ou diazépam) en IV lent, et une MLDA en IV (phénytoïne, fosphény-toïne ou phénobarbital). La dose totale doit être administrée sous surveillance monitorée de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle, de l’oxymétrie et de l’état neurologique. La fosphénytoïne est le traitement de choix, à la posologie de 20 mg/kg (EP), à un débit maximum de 150 mg/minute ; cela correspond à deux ampoules de fosphénytoïne pour une personne de 50 kg ou trois ampoules pour 75 kg. La phénytoïne est adminis-trée à la même dose, mais plus lentement (50 mg/minute). On peut administrer une dose complémentaire d’entretien de 5 à 10 mg/kg/24 heures. En cas de contre-indication aux hydantoïnes (trouble de la conduction, cardiopathie sévère), l’al-ternative est le phénobarbital (15 mg/kg) à un débit maximum de 100 mg/minute, en l’absence de contre-indication (insuf-fisance rénale sévère). Une dose complé-mentaire d’entretien de 5 mg/kg/24 heures peut être administrée. Dans des situa-tions particulières ( contre-indication aux

tions traumatiques, (ii) placer deux voies veineuses périphériques, une canule de Guédel pendant la phase post-critique, (iii) assurer une bonne pression de perfusion cérébrale (remplissage vasculaire par une solution cristalloïde isotonique sous moni-torage de la tension artérielle. (iv) assurer une oxygénation artérielle satisfaisante, (v) corriger une hyper- ou une hypogly-cémie déterminée par bandelette réactive. L’hypoglycémie constitue la seule indication de perfusion d’un soluté de glucose iso- ou hyperosmolaire. En cas d’alcoolisme, de malnutrition ou de grossesse supposés, une vitaminothérapie thiamine-pyridoxine doit être réalisée par voie parentérale. La fièvre peut être la cause, un symptôme de la pathologie causale ou une complication de l’EME. Elle constitue un facteur potentiel d’aggravation de la souffrance neuronale ; elle doit être corrigée, et sa cause doit être recherchée et traitée.

Principes du traitementIl faut obtenir la cessation des crises le

plus vite possible, et toujours avant la 30e minute, et prévenir les récidives des crises. Les médicaments doivent être injectés en intra-veineux (IV), et à dose suffisante pour atteindre rapidement et maintenir une concentration cérébrale adéquate. La prise en charge doit suivre un protocole clair, enchaînant les étapes sans retard en cas d’échec. L’efficacité du traitement est évaluée par la surveillance clinique (arrêt des convulsions, absence de récidive dans l’heure qui suit) et EEG en cas de trouble de conscience persistant.

Traitement recommandé en première intention

Le traitement recommandé en pre-mière intention est l’utilisation d’une ben-zodiazépine en IV, dont l’efficacité a été démontrée en hospitalier et en pré-hos-pitalier (Alldredge et al., 2001 ; Treiman et al., 1998 ; Leppik et al., 1983). Au niveau international, sont recommandés soit le lorazépam seul (0,1 mg/kg), soit l’asso-ciation de diazépam (0,15 mg/kg) et d’une molécule de longue durée d’action (MLDA :

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Prise en charge des états de mal épileptiques généralisésÉpilepsies

des activités ictales et un tracé de burst suppression.

Le propofol (Diprivan®) a l’avantage d’une courte demi-vie d’élimination. Admi-nistré en bolus initial de 2 mg/kg, il est titré jusqu’à arrêt des convulsions (bolus de 1 mg/kg toutes les 5 minutes), puis à 2 à 5 mg/kg/heure, en attendant d’adapter la dose sur l’EEG. Une surveillance biolo-gique biquotidienne (lactates, triglycérides et enzymes musculaires) est recommandée après 2 jours de traitement pour dépister un syndrome de perfusion de propofol (complication rare, mais potentiellement fatale) qui impose l’arrêt immédiat du propofol.

Le midazolam (Hypnovel®) est admi-nistré en bolus initial de 0,1 mg/kg titré jusqu’à arrêt des convulsions (bolus de 0,05 mg/kg toutes les 5 minutes), puis à 0,05 à 0,6 mg/kg/heure, en attendant d’adapter la dose sur l’EEG et la sur-veillance hémodynamique.

Dans une méta-analyse récente sur la prise en charge de l’EMEGC réfractaire (Claassen et al., 2002), le pentobarbital, comparé au propofol ou au midazolam, était associé à un risque d’échec plus faible (8 versus 23 %, p ‹ 0,01), d’échappement au traitement réduit (12 versus 42 %, p ‹ 0,001), de changement d’anesthésique moindre (3 versus 21 %, p ‹ 0,001), et d’hypoten-sion artérielle supérieure (77 versus 34 %, p ‹ 0,001). L’objectif de titration du traitement jusqu’au burst suppression à l’EEG comparé au contrôle clinique seul des crises était cor-rélé à un risque d’échappement au traitement réduit (4 versus 53 %, p ‹ 0,001) et d’hypo-tension artérielle supérieure (76 versus 29 %, p ‹ 0,001). La mortalité n’était pas significa-tivement différente selon les différents trai-tements et objectifs de titration.

En cas d’échec à un anesthésique (thio-pental, propofol, midazolam), on peut les associer.

D’autres solutions peuvent être consi-dérées : valproate de sodium à forte dose (40 à 60 mg/kg, kétamine (contre-indiquée en cas d’hypertension intracrânienne), lévétiracétam, topiramate… (Wasterlain, 2006).

hydantoïnes et barbituriques), on peut recourir au valproate de sodium IV avec une dose de charge de 30 mg/kg, à un débit de 100 mg/minute, puis une dose d’entretien de 1 à 4 mg/kg/heure.

En cas d’échec du traitement précédent

En cas de persistance des crises ou de récidive des crises, 20 minutes après l’introduction de la MLDA (fosphénytoïne, phénytoïne, ou phénobarbital), deux atti-tudes sont proposées :

Si l’EME évolue depuis moins de 60 minutes, en l’absence de facteurs d’agression cérébrale (instabilité hémo-dynamique, hypoxie, hyperthermie majeure), et d’EME larvé, on peut recourir à la molécule non utilisée en première intention (phénobarbital ou fosphény-toïne), à pleine dose comme ci-dessus.Dans le cas contraire, c’est-à-dire le plus souvent, il faut traiter comme un EMEGC réfractaire.

EME réfractaireL’EME réfractaire est généralement défini

comme l’échec à contrôler toutes les crises cliniques ou EEG malgré l’administration d’au moins deux antiépileptiques différents à posologie adaptée, ou après une heure de prise en charge. Éliminer un diagnostic différentiel et en particuliers un pseudo-EME doit être systématique. Cette prise en charge concerne 10 à 30 % des EMEGC, souvent des formes larvées (Treiman et aI., 1998), et repose sur l’utilisation d’un traitement anes-thésique parmi les barbituriques, le propofol et le midazolam. L’anesthésie barbiturique constitue le traitement de référence. Il est potentiellement le plus efficace des théra-peutiques disponibles, mais a l’inconvénient d’une demi-vie longue.

Le thiopental (Nesnodal®) est administré en bolus de 2 mg/kg en 20 secondes toutes les 5 minutes jusqu’à arrêt des convulsions et selon la tolérance hémodynamique, puis en attendant l’EEG à un débit de 3 à 5 mg/kg/heure. La dose d’entretien est adaptée sur l’EEG, et la tolérance hémodyna-mique. L’objectif EEG est d’obtenir l’arrêt

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L. Valton, A. Aranda Épilepsies

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Intubation oro-trachéaleElle permet d’assurer la ventilation

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Une induction anesthésique doit être réalisée conjointement, rapide le plus sou-vent, si besoin en association avec une curarisation (mais pas prolongée au risque de masquer les convulsions).

Prévention

L’information des patients et de leurs accompagnants, dans le cadre de la consul-tation ou de programme d’éducation thé-rapeutique, est essentielle pour réduire le risque des EME provoqués par des facteurs favorisants, au premier rang desquels le sevrage intempestif en antiépileptique.

Par ailleurs, la formation des proches, et des soignants, permet de mettre en place une meilleure gestion préventive des ris-ques, la reconnaissance plus précoce d’une menace d’EME (crises sérielles ou crise pro-longée), afin de proposer l’administration rapide d’un traitement adapté surtout chez les patients ayant déjà fait des EME : soit une dose de charge du traitement habituel si le patient est parfaitement conscient, soit du diazépam 10 à 20 mg en intrarectal dans le cas contraire.

Enfin, il faut insister sur le bénéfice d’une prise en charge médicalisée précoce et adéquate en pré-hospitalier (SAMU), avec un relais immédiat à l’arrivée à l’hô-pital par une équipe associant expertise anesthésique et neurologique. Ceci est favorisé par la mise en place de procé-dures locales accessibles dans tous les lieux de prise en charge (SAMU, services d’urgences, de réanimation et de neuro-logie). L’adhésion au protocole de soin favorise une efficacité rapide et réduit le risque d’EME réfractaire et de complica-tions (Aranda et al., 2008).

L’essentielLes EME généralisés convulsifs (EMEGC) sont grevés d’un risque de complications, de pharmaco-résistance et de mortalité, d’autant plus important que l’EME a été traité tardivement. C’est pourquoi, il est maintenant recommandé de traiter comme EMEGC, toute crise généralisée convulsive qui se répète sans reprise complète de la conscience ou qui dure plus de 5 minutes.La prise en charge des EMEGC associe la réalisation de mesures générales, du traitement de l’EME et de sa cause.Le traitement doit être administré rapidement par voie intraveineuse et à dose complète selon des procédures de soins.En première intention c’est l’injection de clonazépam (ou diazépam), seul en cas de prise en charge précoce ou associé d’emblée à une molécule de longue durée d’action (fosphénytoïne…) quand l’EMEGC dure depuis 30 minutes ou une durée inconnue.L’échec de ce traitement nécessite un avis spécialisé neurologique et anesthésique, pour éliminer un diagnostic différentiel (EME psychogène…) et décider sans retard le recours à un traitement anesthésique adapté sous surveillance clinique et électroencéphalogramme.

156 Pratique Neurologique

Prise en charge des états de mal épileptiques généralisésÉpilepsies

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