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Projet MONICA : les premiers résultats

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Page 1: Projet MONICA : les premiers résultats

Projet MONICA : les premiers r sultats. Ph. DOUSTE-BLAZY, J.BI ~ RUIDAVETS, D. ARVEILER, M.C. NUTTENS, A. BINGHAM, J.P. CAMBOU, P. SCHAFFER, J.L. SALOMEZ, J.L. RICHARD

Au d~but des ann~es 70, la fr~quence de la maladie coronarienne darts les populations humaines semblait largement influenc~e par les facteurs d'environnement, eux-memes dependants du niveau et du genre de vie des populations. Les progres economiques de certains pays du sud de rEurope ou de certains pays en voie de d~veloppement, avec les modifications des habitudes alimentaires qu'ils entra?naient, allaient de pair avec un accroissement souvent important de la fr~quence et de la mortalite coronarienne. A I'exception du Japon o3 la mortalite n'a pas vari~ de 1952 & 1967, des accroisse- ments allant de 5 & 70 % sont observes dans les autres pays industrialists. Les I~tats-Unis, entre les deux guer- res, puis I'Europe, awes la seconde guerre mondiale, 6taient atteints par cette <, epidemie >>. Et c'est & partir du debut des annees 70 que des divergences dans I'#volution apparaissent avec, d'une part, une baisse importante de la mortalite dans certains pays (l~tats-Unis, Finlande...) ou baisse plus limitee voire meme stabilite dans d'autres (France, Angleterre, Irlande) et d'autre part une augmen- tation parfois meme tr#s forte dans d'autres pays (Suede, Hongrie, Pologne).

Les resultats d'~tudes menees aux I~tats-Unis pour tenter d'expliquer ces evolutions divergentes n'ont pas permis aux experts de la Lung and Blood Institute de dire si la reduction de la too. rtalit6 pouvait etre attribute aux progres de la th~rapeutique, aux effets d'une prevention r~duisant le niveau des facteurs de risque de la population ou bien & une combinaison des deux.

L'etude comparee des variations observ~es dans les autres pays ne permit pas non plus de tirer des conclu- sions satisfaisantes. Des etudes ~pidemiologiques spe- cifiques conduites en particulier aux I~tats-Unis aboutirent & des r6sultats contradictoires. Devant de telles incerti- tudes, un comite d'experts de I'OMS recommandait au debut des annees 80 une etude planifiee internationale pour apporter quelques ~lements de reponse & cette question : quels sont les facteurs qui influencent la mortalit~ coronarienne et ses variations dans les pays industrialises ?

Projet MONICA Haute-Garonne ; INSERM Unit# 326 et ORS ; TOU- LOUSE. Projet MONICA Bas-Rhin ; Facult# de M#decine ; STRASBOURG. Projet MONICA de la Communaut# Urbaine de Lille; Institut Pasteur et Facult# de M#decine de LILLE. Centre Coordinateur : INSERM Unit# 258 ; PARIS.

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L'objectif principal du pro jet co nsiste 9. rechercher des associations entre, d'une part, les variations temporelles de la fr~quence de la maladie coronarienne et, d'autre part, les variations simultan6es de divers facteurs de risque cardio-vasculaire susceptibles d'influencer les param#,tres pr6c~dents.

Le projet international comporte 40 centres situ~s dans 27 pays. Chaque centre a mis en oeuvre :

un registre qui a pour but de d~nombrer les cas d'infarctus du myocarde r~cents survenant dans une zone g~ographique bien d~finie afin de mesurer une morbidit~ et une mortalit~ coronariennes. Cet enregistrement de cas se veut exhaustif et concerne les sujets des deux sexes &g~s de 25 & 64 ans. des enquetes d'~valuation du niveau des princi- paux facteurs de risque cardio-vasculaire conduites dans des 6chantillons de population & 3 reprises pendant la dur6e du projet. un enregistrement des th~rapeutiques donn~es aux patients pendant la phase aigue de la d~compensation de leur insuffisance coronarien- he.

La standardisation, qui concerne en particulier les conditions de recueil des donnees, les criteres diagnos- tiques, les mesures et les dosages effectu6s dans les enquetes de population, a pour but de r#duire la variabilit6 entre centres et permettre ainsi des comparaisons rai- sonnables. Une cooperation internationale est assuree par I'interm~diaire de I'OMS avec un centre informatique, un conseil scientifique, diff6rentes structures techniques et des ~changes permanents entre ces diff~rentes structures et les centres. Au niveau Fran(~ais, trois centres participent pleinement au projet international : les d6par- tements du Bas-Rhin, de la Haute-Garonne et la Com- munaut~ Urbaine de Lille, avec la collaboration d'un centre coordinateur situ~ & Paris.

LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DU PROJET MONICA

La fr(~quence de la maladie coronarienne en France, les disparit~s nationales et internationales

La convergence des informations fournies par des sources diverses (~tudes ENIM, ENICA et MONICA) permet d'estimer avec une certaine confiance le nombre

La Revue de M#decine Interne Supplement au Num6ro6

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annuel d'infarctus en France & 110 000 (65 000 pour le sexe masculin et 45 000 pour le sexe feminin).

Les 50 000 decks annuels attribues aux cardiopathies ischemiques permettent d'estimer & plus de 175 000 cas annuels les accidents coronariens aigus, mortels ou non, soit plus de 500 cas quotidiens.

Plus de 50 % des infarctus, chez I'homme, survien- nent avant 65 ans et un quart avant 55 ans; les proportions respectives sont beaucoup plus faibles chez la femme : 20 et 6 %. Approximativement deux malades sur trois sont de sexe masculin et les 3/4 de ces infarctus sur- viennent avant 75 ans alors que chez la femme, la moitie au moins des cas surviennent apr~s cet &ge.

A partir de ces estimations, il est possible d'dvaluer I'ordre de grandeur du risque de survenue d'un infarctus du myocarde en France selon le sexe et I'&ge. IIs sont par exemple respectivement de 11/100 et 2,5/100 chez I'homme et la femme de 65 ans.

Les frequences annuelles observees pour les 3 regis- tres fran(;ais sont plus elevees dans le Bas-Rhin et dans la Communaute Urbaine de Lille qu'en Haute-Garonne mais ces differences sont peu importantes. On retrouve ainsi en France, & propos de la maladie coronarienne, le bien classique gradient de frequence decroissant Nord- Sud.

La variabilite geographique des cardiopathies isch6miques apparaft avec une toute autre ampleur en comparant leur mortalite dans les registres du projet international: cette mortalite varie de 1 ~. 10 chez I'homme et de 1 & 16 chez la femme. Les donnees concernant la frequence, non encorepubliees, confirment cette disparite geographique. Les trois registres Fran(;ais, assez pro- ches les uns des autres, se situent dans la zone des taux mod6r6s de mortalite.

Le niveau des facteurs de risque, les comparaisons internationales

Les variations selon I'&ge du cholesterol total, du cholesterol HDL et de la pression arterielle sont confor: mes aux observations faites habituellement dans les populations occidentales. Des differences de niveau moyen assez importantes sont observees entre les trois centres pour les valeurs de la pression art6rielle et du cholesterol total avec une pression plus 6levee dans le Bas-Rhin et des taux de cholesterol plus forts en Haute- Garonne et & Lille. Ces differences ne sont pas tout a fait celles attendues, compte tenu des differences de mortalite et de morbidite observees entre les registres, mais on remarquera aussi que les valeurs du cholesterol HDL sont plus ~levees en Haute-Garonne et ~. Lille.

La proportion de sujets dont les taux du cholesterol total sont situ~s en de(;& de 2 g/I diminue de fa(;on importante avec I'&ge tandis qu'& I'in,~erse s'accroft la

proportion de sujets ayant un taux superieur & 2,50 g/l. Chez I'homme, 29 % en Haute-Garonne, 22 % dans le Bas-Rhin et 48 % & Lille ont une cholesterolemie supe- rieure & 2,50 g/l. Ces constatations assez semblables dans les trois registres doivent retenir I'attention et plai- dent en faveur d'une pr6vention entreprise tSt dans la vie adulte.

La prevalence du diab~te est du meme ordre de grandeur dans les 3 registres. Les proportions de fu- meurs, dans chaque sexe, sont egalement tr~s voisines que le hombre moyen de cigarettes fumees. Pour le sexe feminin, la proportion plus elevee de fumeurs dans les classes d'&ge les plus jeuries relive sans doute d'un phenom~ne de cohorte.

Les comparaisons internationales du niveau des fac- teurs de risque ne font pas apparaTtre & premiere vue une situation particuli~re quant aux valeurs mesurees en France ; elles sont assez largement dispersees parmi celles mesurees & I'etranger. Ce paradoxe entre, d'une part, une mortalite et une morbidite coronariennes mo- derees et, d'autre part, des facteurs de risque, dont le niveau ne se differencie pas nettement de ceux mesures dans les pays & forte incidence de la maladie, est egale- ment observe dans certains pays geographiquement voisins. L'hypoth~se de tacteurs protecteurs intervenant dans ces pays a ete proposee. Le taux moyen du cholesterol HDL, assez eleve en Haute-Garonne et Lille, de m~me que les taux d'antioxydants (vitamine E) plus forts en Haute-Garonne (etude complementaire au projet MONICA) pourraient rendre compte et en partie expliquer ce paradoxe, mais ces donnees concernant les autres registres ne sont pas encore disponibles.

L'acc~s aux soins d'urgence des infarctus r(~cents

Ce probl~me, qui conditionne largement la mortalit6 immediate des infarctus en vole de constitution, leur pronostic & moyen terme, et sans doute & long terme, est (~tudie dans le projet MONICA et plus specifiquement clans une etude realisee dans le Bas-Rhin. Deux faits apparaissent clairement. D'une part, les delais moyens d'hosptitalisation (temps ecoule entre le debut des sympt6mes et I'arriv6e & I'h6pital) sont tr~s longs puisque une proportion de 40 % de patients atteint I'h6pital plus de 6 heures apr~s le d6but des sympt6mes et pour laquelle une large traction de ce delai est due & I'hesitation du malade & prendre la d6cision d'appeler une aide medi- cale. La Iongueur du temps ecoule entre le debut des sympt6mes et I'hospitalisation represente, & I'heure ac- tuelle, un obstacle majeur & la bonne prise en charge th(~rapeutique de ces malades et & la large diffusion des progr~s th~rapeutiques recents. D'autre part, le medecin gen0raliste est dans la majorite des cas la premiere aide medicale intervenant aupres du malade (plus de 80 % des cas) alors que le SAMU n'intervient en premiere intention que dans 6 & 10 % des cas suivant le registre.

1990 - Tome X l Bul let in de la SNFMI N ° 24

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Entre 1984 et 1987, la mortalit6 ~. 28 jours des infarctus r~cents hospitalis~s a diminu~ r6guli~rement dans les trois registres. Cette diminution qui a vari6 de 25 & 40 % selon les regist res pour les sujets ,~g~s de 35-64 ans peut ~tre rapproch~e du no,mbre croissant de patients thrombolys~s. La proportion de malades thrombolys~s varie significativement entre les 3 registres. La proportion de 12 % dans le Bas-Rhin passe & 30 % en Haute- Garonne et 35 % & Lille. Une partie de cette diff6rence est certainement due & la diffusion progressive ces derni~res ann#es de ce type de traitement. En effet, I'enqu~te & ~t~ r~alis6e en 1985 dans le Bas-Rhin, 1986 en Haute- Garonne et 1987 & Lille.

En dehors des objectifs proprement scientifiques du projet, qui ne seront pas atteints avant plusieurs ann~es, les premieres retomb~es sont loin d'#tre n6gligeables, notamment dans les domaines qui touchent & la sant~ publique. Par ailleurs, des ~tudes compl6mentaires au << noyau dur >> du pro jet ont ~t~ engag~es et d6velopp~es en collaboration par certains centres dans des domaines tr~s divers, tels la nutrition, les facteurs psychologiques, I'activit6 physique, les antioxydants, la g~n6tique, etc. Bon nombre de ces recherches & vis~e descriptive ou ~tiologique ont ~te entreprises par les registres fran(~ais en collaboration, bien souvent, avec des registres ~tran- gers.

$316 La Revue de M~decine Interne Supplement au Num~ro 6