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Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Pseudodémence, de quoi parle-t-on ? Partie I : à la recherche de la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.10.005 ARTICLE IN PRESS Modele + ENCEP-647; No. of Pages 7 L’Encéphale (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MÉMOIRE ORIGINAL Pseudodémence, de quoi parle-t-on ? Partie I : à la recherche de la pseudodémence de Wernicke Pseudodementia, what are we talking about? Part I: In search of Wernicke’s pseudodementia M. Vinet-Couchevellou a,,b , F. Sauvagnat b,c a Clinique mutualiste Bénigne-Joly, allée Roger-Renard, BP 39, 21141 Talant cedex, France b EA 4050, laboratoire de recherches en psychopathologie : nouveaux symptômes et lien social, université de Rennes 2, Rennes, France c Unité 6053 du CNRS, Université Paris 7, Paris, France Rec ¸u le 1 er juillet 2013 ; accepté le 21 octobre 2013 MOTS CLÉS Pseudodémence ; Psychiatrie allemande ; Wernicke ; Syndrome de Ganser ; Inhibition Résumé Les auteurs, constatant que les origines précises de la notion de pseudodémence n’ont jamais été clairement décrites, ont exploré le sens donné à ce terme dans la psychiatrie germanophone fin xix e et début xx e . Ils remarquent qu’elle est indépendante de la notion de démence sénile à cette époque et est clairement corrélée à trois phénomènes cliniques : les traumatismes dont la nature et les manifestations cliniques propres faisaient l’objet de dis- cussions déjà intenses, les psychoses carcérales, et ce qu’on commenc ¸ait à nommer « névrose de rente » (Rentenneurose). Le terme de Pseudodemenz n’apparaît pas dans les écrits de Wer- nicke, mais il est possible qu’il l’ait utilisé dans son enseignement oral. Les premiers débats se répartissent entre trois positions : celle de Ganser et son syndrome, celle de Wernicke qui on attribue la création de la notion de pseudodémence) et celle de Nissl. On constate qu’à cette époque, la question de la nature de l’« inhibition » est particulièrement cruciale, chaque position en proposant une lecture différente. Ces débats, limités à l’époque à la tétrade états traumatiques/hystéries/psychoses carcérales/névroses de rente, ne seront que bien plus tar- divement circonscrits aux états pseudodémentiels chez les sujets âgés. Il importe de noter que la notion d’hystérie utilisée par Wernicke inclut les psychoses hystériques. © L’Encéphale, Paris, 2013. KEYWORDS Pseudodementia; German psychiatry; Summary Objective. The authors explore the history of pseudodementia in the elderly; an issue with growing momentum in a world where life duration expectancy has been constantly growing and the management and treatments of dementias has imposed an equally increasing burden. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Vinet-Couchevellou). 0013-7006/$ see front matter © L’Encéphale, Paris, 2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.10.005

Pseudodémence, de quoi parle-t-on ? Partie I : à la recherche de la pseudodémence de Wernicke

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Page 1: Pseudodémence, de quoi parle-t-on ? Partie I : à la recherche de la pseudodémence de Wernicke

ARTICLE IN PRESSModele +ENCEP-647; No. of Pages 7

L’Encéphale (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirectjourna l homepage: www.em-consul te .com/produi t /ENCEP

MÉMOIRE ORIGINAL

Pseudodémence, de quoi parle-t-on ?Partie I : à la recherche de lapseudodémence de WernickePseudodementia, what are we talking about? Part I: In searchof Wernicke’s pseudodementia

M. Vinet-Couchevelloua,∗,b, F. Sauvagnatb,c

a Clinique mutualiste Bénigne-Joly, allée Roger-Renard, BP 39, 21141 Talant cedex, Franceb EA 4050, laboratoire de recherches en psychopathologie : nouveaux symptômes et lien social, universitéde Rennes 2, Rennes, Francec Unité 6053 du CNRS, Université Paris 7, Paris, France

Recu le 1er juillet 2013 ; accepté le 21 octobre 2013

MOTS CLÉSPseudodémence ;Psychiatrieallemande ;Wernicke ;Syndrome de Ganser ;Inhibition

Résumé Les auteurs, constatant que les origines précises de la notion de pseudodémencen’ont jamais été clairement décrites, ont exploré le sens donné à ce terme dans la psychiatriegermanophone fin xixe et début xxe. Ils remarquent qu’elle est indépendante de la notion dedémence sénile à cette époque et est clairement corrélée à trois phénomènes cliniques : lestraumatismes dont la nature et les manifestations cliniques propres faisaient l’objet de dis-cussions déjà intenses, les psychoses carcérales, et ce qu’on commencait à nommer « névrosede rente » (Rentenneurose). Le terme de Pseudodemenz n’apparaît pas dans les écrits de Wer-nicke, mais il est possible qu’il l’ait utilisé dans son enseignement oral. Les premiers débatsse répartissent entre trois positions : celle de Ganser et son syndrome, celle de Wernicke (àqui on attribue la création de la notion de pseudodémence) et celle de Nissl. On constate qu’àcette époque, la question de la nature de l’« inhibition » est particulièrement cruciale, chaqueposition en proposant une lecture différente. Ces débats, limités à l’époque à la tétrade étatstraumatiques/hystéries/psychoses carcérales/névroses de rente, ne seront que bien plus tar-divement circonscrits aux états pseudodémentiels chez les sujets âgés. Il importe de noter que

Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Pseudodémence, de quoi parle-t-on ? Partie I : à la recherchede la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.10.005

la notion d’hystérie utilisée par Wernicke inclut les psychoses hystériques.© L’Encéphale, Paris, 2013.

KEYWORDSPseudodementia;German psychiatry;

SummaryObjective. — The authors explore the history of pseudodementia in the elderly; an issue withgrowing momentum in a world where life duration expectancy has been constantly growingand the management and treatments of dementias has imposed an equally increasing burden.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Vinet-Couchevellou).

0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2013.http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.10.005

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ARTICLE IN PRESSModele +ENCEP-647; No. of Pages 7

2 M. Vinet-Couchevellou, F. Sauvagnat

Wernicke;Ganser syndrome;Inhibition

Although the issue is mainly therapeutic, some of the main tenets of the current approachesrest heavily on historical issues. The invention of the term pseudodementia (Pseudodemenz)is usually credited to Wernicke. However, the exact circumstances and the debates that haveaccompanied the emergence of the term have never been fully uncovered, and the referencesare not accurate. Most of the recent literature cites Kiloh as the key influence in structuringthe current uses of the term, but the relationship between both sources is not clear.Methodology. — A research of anteriority has been conducted on the basis of Medline viaPubmed, PsychINFO and google book, using the following keywords: pseudodementia, pseudo-dementia, depressive pseudodementia, pseudodémence, Pseudodemenz. We have researchedthe quotations to localize the origin of the concept. Complementarily, we have attempted toclarify the nature of the debates by exploring the relevant German psychiatric literature at theend of the XIXth century and the beginning of the XXth.Results. — We have found that the very first occurrences of the notion appeared in a debatebetween the following authors: Ganser S.J.M. 1898, 1903; Wernicke C. 1898; Raecke J. 1901;Nissl F. 1902; Jung C.G. 1902, 1903; Stertz G. 1910; Bonhoeffer K. 1911; Schuppius S. 1914. Wefound that the term Pseudodemenz never appears in Wernicke’s written works, although he wascredited of its invention by his most direct students. It seems that the term was thought by thetime it emerged to have originated in Wernicke’s discussion of Ganser’s syndrome.Discussion. — Ganser’s syndrome, often defined as carceral psychosis, is a specific hystericaltwilight state characterized by ‘‘talking past the point’’ (Vorbeireden), amnesia and hyste-rical stigmas, in which some trauma was thought to be causative. Wernicke presented it asdetermined by a ‘‘restriction of the field of consciousness’’, echoing Janet’s theory (École dela Salpêtrière). He rejected the twilight characteristic: this differential point seems to haveinitiated the introduction of the concept of pseudodementia. Raecke argued that such statesshould not be understood as forms of simulation thus contributing to a heated debate of thetime. Referring to Janet’s works and expanding the syndrome of ‘‘traumatic hysteria’’, heargued in favor of a specific inhibiting factor which disturbs the process of associations. Jung,refusing Nissl’s article dismissing Ganser, Wernicke and Raecke’s views, confirmed the hysteri-cal hypothesis. In a new contribution to the debate, Ganser contested Wernicke’s differentialpoint, arguing that in Vorbeireden, there was a Benommenheit — some sort of giddiness — and a‘‘superficiality of the contents of consciousness’’ rather than a limitation of consciousness. Ithas been rightly argued that Wernicke’s view of the pseudodementia issues was mainly relatedto the debates on hysteria and trauma, and that no relationship with old age symptomatologywas established by him. However, we have found that he alluded to at least one case in whichsuch a relationship was hypothesized. Moreover, one should note that Wernicke’s views on hyste-ria included the rather pervasive notion of ‘‘hysterical psychosis’’, exhibiting ‘‘allopsychosis’’,which could include what would nowadays be seen as schizophrenia or psychotic mood disorders.Conclusions. — First of all, the term Pseudodemenz, if it was ever used by Wernicke verbally,never appears in his published works. Besides, the debates concerning Ganser’s syndrome, whichserved as a first paradigm to discuss pseudodementia, were highly influenced by the discussionson traumatic disorders, hysteria and simulation. Finally, although no direct connection is madebetween disorders of the senium and Pseudodemenz, the fact that Wernicke included both inwhat he termed ‘‘allopsychic disorders’’ seemed to indicate that some kind of relationshipcould not be absolutely excluded in Wernicke’s mind.© L’Encéphale, Paris, 2013.

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ntroduction

a spécificité de ce travail est de constituer un nouveauoint d’ancrage pour le concept initial de pseudodémence,es définitions essentielles et ses implications et per-inences dans l’actualité clinique. Cette démarche part’un double constat. Premièrement, dans la littératureontemporaine (1950—2012), les références relatives auxondements conceptuels de la pseudodémence sont incom-

Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Psede la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://d

lètes ou allusives. La paternité du concept est accordée Wernicke avec un lien de parenté attribué à Gansert ses états crépusculaires [1,2]. On parle d’ailleurs de

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pseudodémence de Wernicke » [1,3—5]. Cependant, le psy-hiatre silésien n’est jamais précisément cité. Quelquesares références [6—9] renvoient à son manuel Grundrisser Psychiatrie. L’imprécision vaut également pour la data-ion de l’introduction du concept qui oscille entre 1880 et906. En réalité, les travaux des psychiatres germaniquesui ont introduit le terme Pseudodemenz à la fin du xixe etu début du xxe siècle sont mal connus et leur enseignementélaissé au profit de l’article de Leslie Gordon Kiloh [10].

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e psychiatre anglo-saxon, tenant d’une psychiatrie biolo-ique, a réactualisé l’intérêt pour la pseudodémence par leiais du phénomène dépressif et des démences du sujet âgé

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1 Conférence tenue le 23 octobre 1897 à la réunion des psychiatreset neurologues d’Allemagne centrale à Halle dont les actes ont étépubliés en 1898.

2 Vorbeireden pour Raecke [19] et Westphal [43] (réponse à côté,sous-tendant la non prise en compte de l’interlocuteur) ; Vor-

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Pseudodémence : de quoi parle Wernicke ?

et a en partie transformé le paradigme germanique origi-naire axé sur une clinique du traumatisme chez des sujetsde tous âges [11]. Deuxièmement, on relève dans la lit-térature contemporaine un mouvement de neurologisationdes concepts psychopathologiques initiaux par une confu-sion entre sphères psychique et neurobiologique. Face à cedouble constat, il nous semble opportun d’interroger de nou-veau le concept de pseudodémence malgré sa complexité etses fluctuations.

Ce travail spécialisé se propose de donner une visibi-lité aux données primaires probablement peu accessibles dufait de leur spécificité germanophone. L’objectif de cettedémarche est de rechercher les fondements initiaux duconcept et sa définition originale. Au-delà d’une visée épis-témologique, les éléments de cette recherche s’inscriventégalement dans la réflexion sur les problématiques géron-tologiques actuelles. En effet, le diagnostic de maladied’Alzheimer, en particulier précoce, est un problème encoreloin d’être résolu [12,13]. De ce fait, la connaissance despseudodémences comme pathologies psychogènes ayant dessymptômes similaires à ceux d’une démence s’avère indis-pensable [6,14,15] tant pour des raisons diagnostiques quethérapeutiques, au vu des risques d’aggravation clinique quepeuvent engendrer les erreurs diagnostiques. L’article de1961 de G. Daumézon sur « Les états régressifs aigus chezles vieillards » [16] reste en cela d’actualité. Par le procédéd’exhumation des enseignements fondamentaux, il s’agitdonc également de réanimer par la source le regard psycho-pathologique actuel qui se pose sur le difficile objet qu’estla pseudodémence.

Quelles sont les publications constitutives duconcept de pseudodémence ?

Nous avons effectué une recherche d’antériorité du conceptà partir des outils de Medline via Pubmed, PsychINFO etgoogle book en utilisant les mots clés suivants : pseu-dodémence, pseudodementia, depressive pseudodementia,Pseudodemenz. Par les données de ces articles, nous avonsrecherché les plus anciennes références utilisées pour intro-duire le terme de pseudodémence et les avons employéespour remonter aux articles originaux. Cette premièredémarche n’a pas permis d’identifier directement un ou plu-sieurs articles pouvant revendiquer la paternité du concept.En complément, nous avons utilisé une approche heuristiqueutilisant les noms des auteurs contemporains à l’émergencedu concept et des membres d’équipes de travail de la finxixe et du début du xxe siècle. Enfin, nous avons circonscritun corpus de dix textes [17—26] rédigés par Ganser, Wer-nicke, Raecke, Nissl, Jung, Stertz, Bonhoeffer et Schuppiusqui a élaboré son article sous le tutorat d’Alzheimer. Cesdocuments sont tous de langue allemande. Pour les articlesde Jung, nous avons travaillé sur la version anglaise [21,22].Pour les articles de Ganser [17,23], nous avons utilisé lestraductions francaises effectuées par F. Sauvagnat [27,28].Pour les autres textes, nous n’avons trouvé aucune versionfrancaise ou anglaise et les avons donc traduits.

Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Psede la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://d

Discussion

Dans cet article, la discussion se fera en deux points et por-tera sur les sept premiers écrits de notre corpus [17—23].

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n second article [11] traitera des trois derniers auteurs24—26]. Premièrement, nous aborderons le syndrome deanser. Il s’agira d’en présenter les fondements concep-

uels et la polémique étiologique et doctrinale dont il aait l’objet. Nous discuterons plus précisément l’apport deaecke et Jung qui ont analysé cet état pathologique auegard de la clinique francaise de l’amnésie et dont les argu-ents seront repris par les auteurs de la pseudodémence

11]. Deuxièmement, nous présenterons et analyserons lesropos que tient Wernicke sur ce syndrome dans son manuele lecons psychiatriques Grundriss der Psychiatrie, dont lesublications se succédèrent de 1894 à 1900. En effet, danset ouvrage, Wernicke n’emploie pas le terme de pseu-odémence. À notre connaissance, aucune autre de sesublications ne comporte de référence à ce concept. Cepen-ant, l’abord critique et différentiel que Wernicke effectueu sujet du syndrome de Ganser nous permet d’envisager ceoment comme constitutif du concept de pseudodémenceans son acception psychogène. Cette hypothèse sera vali-ée dans notre second article [11] où nous traiterons desroductions des héritiers de Wernicke relatives à la pseudo-émence.

e syndrome de Ganser : un état crépusculaireystérique particulier

n 18971, Sigbert Joseph Maria Ganser (1853—1931), psy-hiatre allemand, identifie un syndrome auquel son nomst resté attaché et qui définit « un état crépusculaire hys-érique particulier » [17,27]. À l’état de conscience altéré« crépusculaire »), s’ajoute des troubles mnésiques (amné-ie, lacunes du savoir ordinaire. . .) et des symptômes jugésystériques (insensibilité des muqueuses, champ visuelétréci. . .). Ganser rapproche ce tableau clinique de la

confusion hallucinatoire aiguë », se situant dans la problé-atique confusionnelle de l’Amentia de Theodor Meynert

1890), avec évolution maniaque ou stuporeuse, et de laonfusion mentale primitive du francais Philippe Chaslin1895).

La particularité de l’état présenté par Ganser est leymptôme de réponses singulières révélé dans le cadre de’expertise, dénommé par la suite « réponses à côté ».2

l s’agit de réponses erronées aux questions simples où’on relève cependant que le sens est compris. Au boute quelques jours, la rémission cognitive peut être totalevec amnésie lacunaire ou intercalée de périodes avecorte dépression, symptômes sensoriels ou rémanence deséactions aux questions posées. Ganser, du fait de sa pra-

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eiantworten pour Vorster [44]. Danebenreden (parler-à-côté) chezenneberg [45]. Selon Kammerer [5], Vorbeireden ; mais égale-ent Vorbeihandeln (agir à côté), Nichtwissenwollen (vouloir neas savoir).

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yndrome de Ganser sera par la suite fortement circons-rit aux psychoses carcérales, desservant et réduisant lesonceptions du psychiatre de Dresde [29]. Deux pointstaient à l’époque débattus [30] : l’éventuelle autonomieosographique de ces psychoses et leur possible lien aveca simulation, fortement suspectée pour les cas criminelsu fait de l’enjeu de l’irresponsabilité juridique. Mais Gan-er distingue le syndrome qu’il présente de la simulationécrite par C. Neisser. Il précise que, dans tous les casbservés, des traumatismes précèdent les troubles et que’hérédité n’est pas impliquée. Sans développer, il ques-ionne son possible rattachement à la confusion hystériqueu aux amnésies isolées de l’hystérie décrites par le phi-osophe et psychiatre francais Pierre Janet (1859-1947). Ores controverses immédiates que l’article de Ganser sus-ite se centrent essentiellement sur l’emploi de l’étiologieystérique. Comme l’explique F. Sauvagnat reprenant Chas-in, « le terme de psychose hystérique crépusculaire [était]lors particulier à la clinique allemande » alors que « les dif-érentes écoles francaises (. . .) n’insistaient guère sur lestats d’obnubilation de la conscience, ni sur la parenté deel groupe de symptômes hystériques avec tel délire chro-ique » [30]. Les Francais étaient plutôt centrés sur lesariations d’une hystérie nerveuse et émotive. La remise enause de l’inflation des « psychoses hystériques » s’appuientre autres sur les travaux d’Emil Kraepelin [31] qui tentee réduire les références multiples à l’hystérie dans lesffections mentales. Un vif débat diagnostique s’instaure,xé sur la différenciation hystérie versus catatonie etuscitant une véritable querelle doctrinale. Dans un vigou-eux article de 1902 [20], Franz Nissl (1860—1919) défend’hypothèse de négativisme catatonique et attaque verte-ent les conceptions hystériques de Ganser, Wernicke etaecke. Il porte en fait une offensive contre la psychia-rie de l’époque qu’il juge dévoyée par les erreurs de ceuxu’il nomme « symptomatologues », reprochant notamment’abord psychologique des troubles mentaux et l’existencee conceptions fonctionnelles des maladies. À l’inverse,l loue la « méthode clinique » de Kraepelin, fondée sur’unique observation de l’évolution des troubles, qui seuleermettrait de distinguer troubles hystériformes et troublesystériques.

Avant cette offensive, Julius Raecke (1872—1930), assis-ant de Jolly, Zinn puis Sioli3, avait publié en 1901 unemarquable article [19] où il défendait les conceptionse Ganser. Raecke y fait référence aux propos tenus parernicke dans son manuel Grundriss der Psychiatrie, ceui confirme que Wernicke discute ces états avant 1901.aecke souligne que le syndrome n’est pas spécifique auxrisonniers, que Jolly et Binswanger l’ont observé dans desystéries traumatiques ou sévères et que lui-même y aréquemment été confronté. Il apporte la précision fonda-entale qu’il peut évoluer longtemps (plusieurs mois) etar intermittence, le distinguant d’un phénomène exclusi-ement aigu. Les cas qu’il présente se caractérisent par des

Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Psede la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://d

ymptômes de dépression et d’inhibition, sans qu’il y aitbligatoirement d’antécédents.

3 Sioli officia à Francfort et forma également Alzheimer et Nissl.aecke succèdera à sa chaire.

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PRESSM. Vinet-Couchevellou, F. Sauvagnat

Selon Raecke, la connaissance de cet état est d’unerande importance pour l’expertise médico-légale, pratiquenitiée par Griesinger [32]. Sollicités par les tribunaux, lesliénistes doivent aider à l’évaluation de la responsabi-ité des actes (Zurechnungsfähigkeit) [33] pour savoir si learagraphe 51 du code pénal allemand s’applique ou non.e paragraphe, remplacé de nos jours par le paragraphe0, définissait l’irresponsabilité pénale d’une personne pourause de dérangements psychiques et était populairementppelé le Jagdschein [34] (permis de chasse) car, ironique-ent, il donnait le « droit de tuer » (frei schießen).En se référant aux conceptions de la Salpêtrière, et plus

articulièrement aux travaux de Janet dans L’état mentales hystériques [35], Raecke explique qu’une représenta-ion inhibitrice (Hemmung) liée à une émotion s’intercaleans le cours des associations. Elle va prendre toute lalace dans la conscience, jouer contre la pensée, les actest la volonté du patient et générer « un mauvais choix ».aecke analyse également les effets suggestifs créés par

e cadre évaluatif, véritables amplificateurs du phéno-ène d’inhibition hystérique. Il explique que des idées de

on-savoir (Vorstellung des Nichtwissen), d’incapacité et’impuissance sont induites par la position de supérioritée l’examinateur et suggèrent le souhait plus ou moinsonscient d’apparaître malade. Nous reviendrons sur cetlément secondaire qui sera mis au premier plan par lesuteurs de la pseudodémence [11]. Enfin, Raecke réfute’idée de simulation et compare ce mécanisme suggestifux phénomènes produits par l’hypnose, c’est-à-dire à ceui sera plus tard identifiés comme phénomènes transféren-iels. Il conclut en préconisant que le traitement de l’étatrépusculaire « comme par ailleurs tous les hystériques, doittre d’ignorer [au sens de ne pas valoriser] leur anormalité »Ignoriren ihrer Abnormität).

Cette théorie de l’inhibition défendue par Raecke,mpreinte des conceptions janétiennes, préfigure la théorieu refoulement freudien que Carl Gustav Jung (1875—1961)ntroduira dans un article déterminant daté de 1902 [21]. Leédecin suisse y défend les thèses de Ganser et Raecke et

’appuie sur la clinique francaise des amnésies. Il recentree débat clinique et différencie les « réponses absurdes » desatatoniques ou hébéphréniques et les « réponses à côté »es hystériques. Il présente le cas Godwina, une hystériquerépusculaire orientée vers la Clinique du Burghölzli suite àn état de stupeur (c’est-à-dire confusionnel dans le sense Meynert et Raecke [36]). Par l’hypnose, Jung lève par-iellement l’amnésie de la patiente et traite les symptômesomatiques.

En 1903, Jung poursuit ses réflexions dans un article oùl souligne la confusion qui règne concernant les manièresariées d’envisager la simulation et les difficultés que celangendre dans la pratique [22]. Orienté par une psychana-yse qui n’en est encore qu’à ses prémisses, la partition desécanismes conscients et inconscients est encore floue bienu’il discute ses cas à la lumière de la théorie freudiennee l’hystérie. Il s’appuie également sur les théories jané-iennes de la dissociation par l’affect et de l’automatismesychologique. Il explique que chez certains individus, uneiolente émotion peut engendrer une confusion persistante

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u’il nomme « stupidité émotionnelle » [22]. Il précise quees états confusionnels, proches de la névrose traumatique,ont dénommés diversement dans la littérature : « paralysie

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Pseudodémence : de quoi parle Wernicke ?

émotionnelle » pour Baetz, « peur d’évaluation » ou encore« terreur d’affrontement ».

Wernicke : d’un état hystérique avec limitation dumatériel psychique

Carl Wernicke (1848—1905) fut un élève de Heinrich Neu-mann, considéré comme l’un des pères de la psychiatrieallemande et premier directeur de la Clinique universitairede Breslau (Silésie prussienne). En 1885, Wernicke lui suc-cède. Il obtient la chaire de psychiatrie de Breslau en 1890 etcelle de Halle en 1904. Tout comme Freud, il fut aussil’élève du psychiatre autrichien Theodor Meynert. Tenant dela Gehirnpathologie (organogénèse des maladies mentales)mais d’un organicisme tempéré de la même veine que Grie-singer, Wernicke est un fervent opposant de Kraepelin. Dansses lecons cliniques reproduites dans son manuel Grundrissder Psychiatrie in klinischen Vorlesungen [18], il rejette cequ’il juge comme perspective déficitaire et défaitiste del’évolution des états cliniques et comme construction arti-ficielle de catégories nosographiques.

Wernicke aborde l’état crépusculaire décrit par Gan-ser dans la 39e conférence [18] de son manuel qui aconnu plusieurs publications entre 1894 et 1900. Cepen-dant, comme il traite des cas de Ganser en précisantqu’ils ont été « décrits très récemment », on peut suppo-ser que ses propos dateraient vraisemblablement de 1898.Il discute la proximité de trois états : les psychoses hys-tériques, épileptiques, et les états « dits crépusculaires »(sogennante Dämmerzustände). Cette introduction parti-culière des états crépusculaires est à relever car nousverrons que Wernicke en interroge la spécificité noso-graphique par un examen des caractéristiques cliniques.Il précise que les Francais en ont fait un stade émo-tionnel propre à l’hystéro-épilepsie, faisant clairementallusion à l’École de Charcot. Pour Wernicke, la caracté-ristique principale en est la désorientation allopsychiquecomplète (die totale allopsychische Desorientierung) et nonl’étourdissement de la conscience (die Benommenheit desSensorium). Bien qu’il ne parle pas de traumatisme, ilexplique que les malades ont un comportement oniriqueoù l’émotion, souvent liée à un malheur ou une perte,joue un rôle important. Il range ces tableaux dans lesallo-psychoses délirantes en soulignant que le « délire hysté-rique » ou encore la « catalepsie des hystériques » en est biencaractéristique. Les « autopsychoses », « somatopsychoses »et « allopsychoses » sont les trois grandes catégories detroubles mentaux définis par Wernicke. Les allopsychosessont « des psychoses caractérisées par des troubles dans laperception des phénomènes extérieurs au malade » [37]. Lanotion de perception ne semble pas être à prendre dans sonacception sensorielle mais plutôt comme faculté psychique,au même sens que Janet l’employait. Généralement aigus,ces états peuvent récidiver, se chroniciser, voire mener àla mort. Déjà mentionnée par Raecke, cette possible chro-nicité d’états jugés hystériques est à souligner car, pourses opposants, elle sera plutôt une caractéristique de la

Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Psede la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://d

démence précoce [38]. L’état mental est limité et la capa-cité de se souvenir réduite. Il précise que le traitement esttrès difficile et que le succès nécessite de reconnaître le fon-dement maladif du tableau clinique, semblant ici s’opposer

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une interprétation en termes de simulation. L’existencee symptômes hystériques antérieurs à la phase aiguë duéclenchement est présentée comme principal indice diag-ostique.

Wernicke valide ensuite l’étiologie hystérique des cas deanser mais en réfute la caractéristique « crépusculaire ».our lui, « ce n’est pas la conscience qui est réduite mais’extension du matériel psychique disponible qui est limité.l y a un rétrécissement de la conscience (eine Einengung desewu�tseins) comme dans la suggestion des hypnotisés entat éveillé ». Il semble situer la problématique dans le pro-essus de limitation que la conscience subit : elle ne seraitas quantitativement réduite mais qualitativement limitéear la désorientation allopsychique, réduisant l’extensiones représentations psychiques.

Le renvoi au phénomène hypnotique et l’emploi de laotion de « rétrécissement de la conscience », de leur côté,ont clairement écho aux théories de Charcot et Janet.a référence à Janet égrène d’ailleurs les réflexions desuteurs que nous présentons ici et dans notre article complé-entaire [11]. En 1893 et 1894, dans L’état mental desystériques, le Francais développe les conceptions de sahèse philosophique de 1889 sur L’automatisme psycholo-ique. Il écrit : « La vie psychologique n’est pas uniquementonstituée par une succession de phénomènes venant à lauite les uns des autres (. . .). Chacun de ces états succes-ifs est en réalité complexe ; il renferme une multitude deaits plus élémentaires et ne doit son unité apparente qu’àa synthèse, à la systématisation de tous ces éléments. Nousvons proposé d’appeler ‘‘champ de conscience ou éten-ues maximum de la conscience’’ le nombre le plus grand dehénomènes simples ou relativement simples, qui peuventtre réunis à chaque moment, qui peuvent être simul-anément rattachés à notre personnalité dans une mêmeerception personnelle. (. . .). Il est facile de voir, en étu-iant la distraction des hystériques, que leur champ deonscience semble très petit, il est rempli tout entier parne seule sensation relativement simple, un seul souvenir,n petit groupe d’images motrices et ne peut plus en conte-ir d’autres en même temps » [35]. Ce rétrécissement seraitausé par l’affaiblissement de la synthèse psychologique :’attention et la volonté sont réduites et laissent toute lalace aux idées fixes, généralement subconscientes, c’est--dire insues du sujet [39].

En 1903 [23,28], Ganser répond aux critiques de Nissl,eprend les validations de Raecke et Jung et discute les pro-os tenus par Wernicke dans son manuel. Il écrit : « Que laonscience soit rétrécie (. . .) et que ce soit le trait essen-iel de l’état de conscience de ces patients, ce n’est pasoi qui l’ai affirmé, comme Nissl le croit de facon erronée,ais Wernicke [référence à Grundriss der Psychiatrie] qui,uoiqu’il reconnaisse le caractère hystérique de l’ensembleu tableau clinique, ne veut pas admettre qu’il s’agisse’un trouble de la conscience, d’un état crépusculaire. Jeois contredire cette conception de Wernicke, car même sin rétrécissement de la conscience est présent sans aucunoute chez tous ces malades (. . .) [il ne s’agit] pas de ce quea conscience soit réduite à un petit nombre de représenta-ions particulières, mais de ce que toutes les représentations

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oient affectées de volatilité dans la conscience, et de ceue les jugements interviennent de facon purement arbi-raire et presque toujours fausse comme si, parmi une série

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e jugements sans choix critique, on exprimait le premierui vient à la conscience, et comme si l’attention était inter-ompue » [28].

Les propos de Wernicke confrontés à ceux de Ganserendent leur interprétation respective complexe. Cepen-ant, dans cette volonté différentielle, Wernicke neherche-t-il pas plutôt à promouvoir sa catégorie des allo-sychoses ? Ou encore, au regard des rivalités académiquese l’époque, redéfinir le travail d’un ancien condisciple deraepelin ne serait-il pas pour Wernicke un moyen d’affirmer

a position de l’École de Breslau face à l’École de Munich ?n sait en effet que Ganser, Nissl et Kraepelin ont travaillénsemble au laboratoire anatomique munichois créé par vonudden qui occupa la chaire de psychiatrie de 1872 à 1886

40].Dans sa lecon [18], Wernicke poursuit sa discussion en

assant en revue les périodes de la vie. Concernant leenium, parallèlement à la presbyophrénie qu’il identifieomme psychose de la sénescence et non comme démenceénile, Wernicke évoque l’existence de mélancolies affec-ives, de psychoses de peur et de psychoses d’anxiétéiguë au déroulement particulier, avec désorientation allo-sychique totale. Il souligne : « (. . .) il n’est pas rare quees cas d’hallucinose chronique (. . .) amènent chez lesersonnes âgées à la même issue que la désorientation allo-sychique. Une femme de 78 ans, à laquelle je pense ici,éconnaissait tout du sens de la prison et montrait d’ailleurs

n comportement intelligent, prudent et actif. Aussi, un case psychose de motilité aiguë akinétique présentait dans letade paranoïaque une désorientation allopsychique frap-ante. Le cas est bizarre car la psychose, malgré l’âgevancé, est arrivée à une guérison complète dans uneériode d’environ deux ans. Toutefois les signes d’amnésieénile sont restés en permanence et ont empêché, entreutre à cause du dysfonctionnement de la mémoire, laompréhension de la maladie proprement dite pendant lasychose aiguë ». Cette observation rappelle celles de Karloeli qui, dès 1888, avait relevé que le tableau de déran-ement mental avec des réponses erronées particulièrese retrouvait chez les traumatiques, les hystériques et leséniles [41]. Néanmoins, Wernicke ne songe aucunement àlargir le débat dans le sens d’une certaine fréquence destats pseudodémentiels chez les sujets âgés, même s’il enonsidère bien la possibilité via sa notion d’allopsychose. Àet égard, on peut considérer que ses réflexions annoncente développement de cette question bien plus tard, sans enonstituer une formulation stable.

onclusion

es états d’altération de la conscience ont été l’objet deombreux travaux dans la neuro-psychiatrie germaniquee la fin xixe et du début du xxe siècle. Cet intérêt est enartie lié à la pratique d’expertise judiciaire qui cristallisees mutations médicales propres à cette période : nouveauxodèles qui engendrent une reformulation des savoirs etratiques, « crise du pouvoir conscient » et de la volonté,

Pour citer cet article : Vinet-Couchevellou M, Sauvagnat F. Psede la pseudodémence de Wernicke. Encéphale (2014), http://d

igueur différentielle accrue et abord nouveau de l’individut ses maladies [42]. C’est dans ce contexte singulierue nous avons initié notre recherche sur les fondementsonceptuels de la pseudodémence en interrogeant tout

PRESSM. Vinet-Couchevellou, F. Sauvagnat

’abord sa parenté au syndrome de Ganser. Ce dernier’applique à des états de conscience altérée avec troublesnésiques majeurs, symptômes jugés hystériques et

réponses-à-côtés » qui indiquent que la question a étéomprise malgré la formulation d’une réponse erronée.pposant les tenants du diagnostic de catatonie et ceuxe l’hystérie, ces derniers ont discuté les mécanismes’inhibition psychique et d’effet dissociatif de l’émotion ene référant aux théories de Janet, tout comme le feront para suite les auteurs de la pseudodémence [11]. Wernicke,robablement dès la première publication de Ganser en898, se positionne en faveur de l’hystérie. Il introduitependant une spécificité différentielle en réfutant la carac-éristique crépusculaire et en soutenant une problématiqueualitative de rétrécissement de la conscience proche desonceptions francaises de la Salpêtrière. Cette distinctionemble avoir initié l’emploi du concept de pseudodémenceans une acception ouverte à l’hystérie traumatique. Enffet, Wernicke a sans doute utilisé verbalement le termee pseudodémence, tel qu’en témoignent les médecinsormés quelques années plus tard à Breslau (référenceu traité du maître Grundriss der Psychiatrie, précisionur l’usage du terme « pseudodémence » comme pratiqueabituelle à la Clinique de Breslau et sur l’antériorité de cetmploi revenant a priori à Wernicke) [24,26]. Cependant,out porte à croire que c’est son élève et successeur Karlonhoeffer ainsi que ses assistants qui en ont soutenu laublication et la diffusion en ces termes. Comme nous leerrons dans notre second article [11], ces représentantse la prestigieuse École de Breslau vont en effet diffusere concept de pseudodémence comme « maladie psycho-ène après traumatisme » (psychogene Erkrankungen nachrauma) [24]. Cette inscription s’avère triplement carac-éristique. Premièrement, elle va tirer la pseudodémenceors du cadre réducteur des pathologies carcérales oùe syndrome de Ganser reste enfermé. Deuxièmement,lle va déplacer le modèle organique vers une dimensionsychique. Troisièmement, elle va centrer la problématiquesychopathologique sur la question du traumatisme.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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