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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 753—756 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Pyostomatite-pyodermatite végétante avec atteinte nasale Pyodermatitis-pyostomatitis vegetans with nasal involvement L. Peuvrel a , S. Barbarot a,, V. Gagey-Caron a , M.-H. Tessier a,b , E. Cassagnau c , J.-F. Stalder a a Service de dermatologie, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France b Service de stomatologie, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, 44093 Nantes cedex 1, France c Service d’anatomie pathologique A, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, 44093 Nantes cedex 1, France Rec ¸u le 14 juin 2007 ; accepté le 29 f´ evrier 2008 Disponible sur Internet le 23 juillet 2008 MOTS CLÉS Pyostomatite- pyodermatite végétante ; Atteinte nasale Résumé Introduction. — La pyostomatite-pyodermatite végétante (PPV) est une dermatose chronique rare, souvent associée aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Nous en rapportons un cas isolé, avec une atteinte muqueuse buccale, labiale et nasale. Observation. — Un homme de 28 ans, en bon état général, consultait pour une stomatite indo- lore traînant depuis deux ans. L’examen clinique révélait des lésions des muqueuses jugale, gingivale et palatine, pustuleuses et végétantes sur fond érythémateux, et des lésions pustulo- croûteuses labiales inférieures et intranasales. L’examen histologique montrait un épithélium hyperplasique, un clivage suprabasal avec quelques signes d’acantholyse et une accumulation de polynucléaires neutrophiles et éosinophiles. L’immunofluorescence directe et la recherche d’anticorps circulants anti-épiderme étaient négatives. Il n’y avait pas de lésion digestive associée (coloscopie normale). Le diagnostic de PPV du sujet jeune était retenu. Les lésions disparaissaient sous corticothérapie générale, mais avec une corticodépendance. Discussion. — La PPV est une dermatose rare associée dans plus de 75 % des cas à une enté- ropathie inflammatoire, principalement la rectocolite hémorragique. Les lésions muqueuses buccales sont constantes, caractérisées par des pustules aseptiques sur une base érythéma- teuse. Les lésions cutanées sont pustuleuses et plus ou moins exophytiques. La localisation intranasale n’avait jamais été décrite à notre connaissance. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Barbarot). 0151-9638/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2008.02.022

Pyostomatite-pyodermatite végétante avec atteinte nasale

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Page 1: Pyostomatite-pyodermatite végétante avec atteinte nasale

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 753—756

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

CAS CLINIQUE

Pyostomatite-pyodermatite végétanteavec atteinte nasale

Pyodermatitis-pyostomatitis vegetans with nasal involvement

L. Peuvrela, S. Barbarota,∗, V. Gagey-Carona,M.-H. Tessiera,b, E. Cassagnauc, J.-F. Staldera

a Service de dermatologie, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093Nantes cedex 1, Franceb Service de stomatologie, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, 44093 Nantes cedex 1, Francec Service d’anatomie pathologique A, CHU de Nantes, Hôtel Dieu, 44093 Nantes cedex 1,France

Recu le 14 juin 2007 ; accepté le 29 fevrier 2008Disponible sur Internet le 23 juillet 2008

MOTS CLÉSPyostomatite-pyodermatitevégétante ;Atteinte nasale

RésuméIntroduction. — La pyostomatite-pyodermatite végétante (PPV) est une dermatose chroniquerare, souvent associée aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Nous en rapportonsun cas isolé, avec une atteinte muqueuse buccale, labiale et nasale.Observation. — Un homme de 28 ans, en bon état général, consultait pour une stomatite indo-lore traînant depuis deux ans. L’examen clinique révélait des lésions des muqueuses jugale,gingivale et palatine, pustuleuses et végétantes sur fond érythémateux, et des lésions pustulo-croûteuses labiales inférieures et intranasales. L’examen histologique montrait un épithéliumhyperplasique, un clivage suprabasal avec quelques signes d’acantholyse et une accumulationde polynucléaires neutrophiles et éosinophiles. L’immunofluorescence directe et la recherched’anticorps circulants anti-épiderme étaient négatives. Il n’y avait pas de lésion digestiveassociée (coloscopie normale). Le diagnostic de PPV du sujet jeune était retenu. Les lésionsdisparaissaient sous corticothérapie générale, mais avec une corticodépendance.Discussion. — La PPV est une dermatose rare associée dans plus de 75 % des cas à une enté-ropathie inflammatoire, principalement la rectocolite hémorragique. Les lésions muqueuses

buccales sont constantes, caractérisées par des pustules aseptiques sur une base érythéma-teuse. Les lésions cutanées sont pustuleuses et plus ou moins exophytiques. La localisationintranasale n’avait jamais été décrite à notre connaissance.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Barbarot).

0151-9638/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annder.2008.02.022

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KEYWORDSPyodermatitis-pyostomatitisvegetans;Nasal involvement

are characterised by aseptic pustules on an erythematous background. Skin lesions are pustularand more or less exophytic. To our knowledge, there have been no reports to date of intranasal

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Le diagnostic de PPV du sujet jeune avec atteinte intra-nasale, sans atteinte digestive associée, était retenu. Lacorticothérapie générale, débutée à la dose de 0,8 mg/kgpar jour de prednisone, permettait une rémission clinique

Figure 1. Lésions végétantes de la muqueuse jugale.

lesions of PPV.© 2008 Elsevier Masson SAS

a pyostomatite-pyodermatite végétante (PPV) est uneffection rare, chronique, bénigne, localisée principale-ent à la muqueuse buccale. Elle appartient au spectrees dermatoses neutrophiliques. Elle se manifeste par desustules aseptiques sur une base érythémateuse, parfoisssociées à des lésions végétantes. Elle survient géné-alement dans un contexte de maladie inflammatoirehronique de l’intestin. Nous rapportons l’observation d’unatient ayant une atteinte nasale de la maladie associée à’atteinte buccale classique, mais sans pathologie digestivessociée.

bservation

n homme de 28 ans, sans antécédent notable, consul-ait pour une stomatite d’évolution traînante depuis deuxns. Elle avait débuté après une extraction dentaire,ar des lésions érosives asymptomatiques de la genciveupérieure droite, puis s’était étendue progressivement à’ensemble de la muqueuse buccale excepté la langue, àa lèvre inférieure et enfin au nez. Le patient ne rappor-ait aucune douleur, mais une sensation d’obstruction nasaleênante. L’examen clinique intrabuccal montrait des lésionségétantes, indolores, à bordure pustuleuse (Fig. 1). Lesuqueuses jugale, gingivale (Fig. 2) et palatine (Fig. 3)

taient érythémateuses et friables, érosives par endroits.n notait, par ailleurs, une atteinte intranasale (Fig. 4) ete la lèvre inférieure (Fig. 5), pustulocroûteuse, kérato-ique et érosive. Le reste de l’examen clinique était normal.’examen histologique de la muqueuse nasale montrait unpithélium malpighien hyperplasique, parfois végétant, unlivage suprabasal avec quelques signes d’acantholyse auiveau du toit du clivage et une accumulation de polynu-léaires neutrophiles et éosinophiles (Fig. 6). L’examen dea biopsie en immunofluorescence directe et la recherche

’anticorps circulants antipeau par immunofluorescencendirecte étaient négatifs. Le bilan biologique révélait uneyperéosinophilie à 600 mm3. Les explorations digestives neettaient pas en évidence de maladie inflammatoire chro-

ique de l’intestin. F

s droits réservés.

L. Peuvrel et al.

SummaryBackground. — Pyodermatitis-pyostomatitis vegetans (PPV) is a rare chronic disorder often asso-ciated with inflammatory bowel disease. We report an isolated case involving the oral, labialand nasal mucosa.Patients and methods. — A 28-year-old man, in good general condition, presented with a 2-yearhistory of painless stomatitis. The physical examination revealed pustular and exophytic lesionsof the jugal, gingival and palatine mucosa on an erythematous background, as well as somepustular and crusted lesions of the lower lip and nostrils. Histopathological analysis revealedepithelial hyperplasia and a suprabasal cleft with some signs of acantholysis and numerousneutrophils and eosinophils. Direct and indirect immunofluorescence assay was negative. Therewas no associated bowel disease. We concluded on a diagnosis of PPV of younger subjects. Thelesions disappeared with oral corticosteroids but with steroid dependency.Discussion. — PPV is a rare dermatosis associated in more than 75% of cases with inflammatorybowel disease, usually ulcerative colitis. Lesions of the oral mucosa are a constant finding and

igure 2. Érosions gingivales sur fond érythémateux.

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Pyostomatite-pyodermatite végétante avec atteinte nasale 755

Figure 3. Lésions végétantes et érosions palatines.

Figure 4. Muqueuse nasale hypertrophique et hyperkératosique.

Figure 5. Lésions labiales inférieures pustulocroûteuses etérosives.

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igure 6. Épithélium hyperplasique, clivage suprabasal.ccumulation de polynucléaires neutrophiles et éosinophiles.

omplète en un mois. Le malade présentait cependant, sixois plus tard, une corticodépendance à 20 mg/j de predni-

one.

iscussion

a PPV est une maladie cutanéomuqueuse chronique,énigne, très rare, habituellement classée parmies dermatoses neutrophiliques [1]. La clinique et’immunofluorescence directe permettent de la différencieru pemphigus végétant et du pyoderma gangrenosum. LaPV s’inscrit dans 75 % des cas dans le cadre des pathologieséactionnelles à une maladie inflammatoire chroniquee l’intestin, principalement la rectocolite hémorra-ique [2]. Les signes digestifs peuvent précéder ou suivre’atteinte mucocutanée. Un examen gastro-intestinal atten-if doit donc être systématique devant tout diagnostic dePV.

Les lésions muqueuses buccales sont constantes [3]. Il’agit de pustules aseptiques indolores reposant sur unease érythémateuse friable et exophytique ; elles sontisposées en « traces d’escargot », à l’origine d’érosionsuperficielles. Le plancher buccal et la langue sont fré-uemment respectés. Les manifestations cutanées, à typee pustules disposées en anneaux autour de lésionségétantes, sont retrouvées dans 50 % des cas et sonténéralement localisées aux régions génitales, axillairest rarement au cuir chevelu [4,5]. Elles peuvent pré-éder ou être concomitantes des lésions muqueuses. Àotre connaissance, la localisation intranasale n’avaitas été rapportée jusqu’ici. L’examen anatomopatholo-ique objective des micro-abcès intra- et sous-épithéliaux

iches en éosinophiles, associés à un infiltrat dermiqueuperficiel polymorphe. L’immunofluorescence directe etndirecte est négative. Le traitement repose sur larise en charge de l’éventuelle pathologie digestivessociée et sur la corticothérapie locale ou géné-ale.
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