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 DOI: 10.1177/076737010101600302

2001 16: 9Recherche et Applications en MarketingJean-Claude Dandouau

Recherche d'information sur Internet et expérience de consultation  

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INTRODUCTION

La littérature sur le comportement du consomma-teur a longtemps considéré la recherche d’informa-tion comme une phase instrumentale et cognitive duprocessus de décision. Pourtant, la recherche d’infor-mation commerciale est en soi une expérience, par-fois seulement cognitive, mais parfois fortementémotionnelle. En effet, Félix (1993) a souligné, lors dutraitement de l’information, l’alternance complexedes effets cognitifs, affectifs et conatifs et des activa-tions des processus qui les commandent. Des gratifi-cations variées peuvent ainsi naître durant cettephase a priori instrumentale. Pour ne citer qu’un

exemple, positif, la consultation de catalogues devoyages préalable au choix de la destination est uneexpérience particulièrement riche dans les évocationset l’imagerie qu’elle provoque.

Aussi, pour mieux comprendre les comporte-ments de recherche d’information à l’aided’Internet 1, il semble pertinent d’utiliser un autrecourant de recherche sur le comportement duconsommateur centré sur l’expérience vécue lors dela consommation.

D’un point de vue académique, cet article se pro-pose de caractériser, sur un plan théorique, l’expé-rience du comportement de recherche d’informationcommerciale sur Internet. Il s’intéresse principale-

Recherche et Applications en Marketing, vol. 16, n° 3/2001

R E C H E R C H E

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation

Jean-Claude Dandouau

Maître de conférences IAE Université de Bourgogne – LATEC Pôle d’économie et de gestion, Dijon

RÉSUMÉ

Le propos de cet article est de caractériser, sur un plan théorique, la nature de l’expérience vécue par le consommateur lors dela consultation d’Internet, de façon à trouver le meilleur design d’un site commercial. Il compare l’expérience de consultationvécue selon que l’objectif initial poursuivi par l’utilisateur est la distraction ou la recherche d’information. Il examine lessources de gratifications et de frustrations contribuant à la valorisation de cette expérience.

Mots-clés : Navigation, recherche d’information, expérience optimale de flux, gratifications, Internet, médias interactifs, com-munication électronique, interactivité, contrôle.

L’auteur peut être contacté par e-mail à l’adresse : [email protected]

1. Notre propos peut être généralisé à d’autres médias interactifstels que CD-ROM et bornes interactives.

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ment aux besoins d’information personnels, en amontimmédiat ou lointain de l’acte d’achat ou à son aval, etaux sites commerciaux (sites de producteurs, de distri-buteurs et de recherche d’offres commerciales).Selon une approche traditionnelle, il convient demettre en parallèle le niveau d’effort engagé dans larecherche d’information et la satisfaction retirée del’obtention des informations recherchées. Toutefois,il est nécessaire de dépasser cette conception élémen-taire du comportement de recherche d’informationpour analyser les frustrations et les gratifications res-senties tout au long de l’expérience de navigation.

Comme le rappelle Eighmey (1997), il existe unelongue tradition de l’utilisation de la théorie del’usage et des gratifications 2 dans la consultation desmédias (Lazarsfeld, 1940, Herzog, 1944). Cette théorienous sert donc de référent théorique. Cet articles’appuie également sur une revue de la littérature surl’attractivité des sites Internet en général et les carac-téristiques de leur format en particulier.

Sur un plan opérationnel, les auteurs en comporte-ment du consommateur ont souligné de longue datel’asymétrie dans la possession de l’information entreles entreprises et les consommateurs. Cet accès inégal à l’information a longtemps été et reste encore uneexplication au fonctionnement imparfait des lois du marché et à la position dominante de l’offreurdans la relation commerciale (Korgaonkar et Wolin,1999).

Comme le rappellent ces auteurs, le consomma-teur devait accomplir beaucoup d’efforts pour êtrebien informé, notamment se rendre physiquementchez les distributeurs pour acquérir une connaissancedes offres produits et des conditions tarifaires.

Avec Internet, l’accès à l’information permet auxconsommateurs de localiser et comparer sans dépla-cement en magasin, et au moment voulu, les offresproduits. Aussi, comme l’indiquent Alba et alii(1997), ce média pourrait changer radicalement lamanière dont les gens achètent et, corrélativement, lastructure de l’industrie de la distribution.

Il n’est donc pas surprenant qu’un nombre croissantde consommateurs manifeste de l’intérêt pour cemédia susceptible de rendre les caractéristiquesmesurables de l’offre plus visibles et donc plus com-

parables 3. C’est particulièrement le cas dans lesdomaines de l’informatique, Hi-Fi et vidéo (voir lesite www.MonsieurPrix.com 4) et du tourisme (voir lesite www.degriftour.com), par exemple. Cette visibilitéest d’autant plus forte que des moteurs de recherches,les shopbots (shopping robots), automatisent et doncfacilitent cette comparaison, même si nous nesommes pas encore à l’ère futuriste de « BOB »,l’acheteur personnel électronique décrit par Alba etalii et présenté plus loin.

Si elle concerne inégalement les produits, unemenace existe, pour les producteurs et les distribu-teurs, de voir les consommateurs faire leur recherched’information préalable à l’achat sur Internet et sedéplacer dans des surfaces d’approvisionnement pouracheter certains de leurs produits choisis antérieure-ment à leur venue en magasin.

Dans les faits, le nombre encore modeste d’inter-nautes 5, à l’échelle de la planète, semble en faire unemenace lointaine pour les produits de grandeconsommation, alors qu’elle est déjà proche pour lesbiens durables (l’informatique ou l’automobile, parexemple) ou la prestation de service (le transportaérien ou le tourisme, par exemple) 6.

Cette bataille pour l’information représente unvéritable enjeu pour les distributeurs de ne pas devenirde simples lieux d’approvisionnement et d’être habile-ment présents sur Internet afin de répondre à « cesnouveaux besoins de pouvoir des consommateurs »(Korgaonkar et Wolin, 1999).

Dans cette perspective, la contribution opération-nelle de cet article est d’aider les entreprises à réfléchirsur la façon d’adapter leurs sites commerciaux à la

Jean-Claude Dandouau10

2. Le terme de « gratifications » a été utilisée par Herzog (1944)pour « décrire les types spécifiques ou dimensions de la satisfac-tion rapportée par les auditeurs de programmes radio ».

3. Les caractéristiques mesurables concernent principalement leprix et les caractéristiques techniques et de performance. Pour Lal etSarvary (2000), lorsque les attributs non numériques des produitsnécessitent un déplacement physique en magasin, le temps etl’effort qu’Internet permet d’économiser vont rendre coûteuxl’essai de produits inconnus. Pour ces auteurs, ceci conduit à unefidélité accrue, et corrélativement à une hausse des prix.4. Le site www.MonsieurPrix.com fournit un moteur de recherchedes produits, donne le prix le plus bas, le prix le plus élevé et le prixmoyen. Puis, il donne la liste de tous les distributeurs proposantl’article avec un lien hypertexte vers leur propre site.5. En 1998, 55 millions d’individus surfaient sur le web(Korgaonkar et Wolin, 1999) et 17 millions y ont acheté quelquechose (Chen et Wells, 1999). Ils sont 304 millions aujourd’hui(source US Internet Council). En France, plus d’un internaute surdeux se connecte régulièrement sur des sites marchands (sourceMMXI Europe).6. Voir respectivement les sites de www.topachat.com, dewww.onlycar.com et de www.reductour.fr

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variété des comportements de navigation. Outre lavariété inhérente au degré d’expérience de chaqueinternaute dans l’utilisation d’Internet, cette variétédécoule d’une part de ce qui motive la consultation, et,d’autre part, de l’expérience subjective vécue aucours de chaque navigation. Nous nous intéressonsplus particulièrement aux conditions d’une expé-rience positive susceptibles d’aider à la conception desites commerciaux attractifs. On ne peut donc analyserles gratifications survenant lors de la navigationqu’en les rapportant à la motivation initiale deconsultation. Mais, la navigation (et donc les gratifica-tions) est elle-même étroitement liée aux stratégiesd’accès à l’information, une bonne stratégie étantdavantage porteuse de gratifications.

Aussi, cet article se structure autour de quatrepoints. Le premier est dévolu à l’analyse des motiva-tions de l’usage des sites Internet. C’est un préalableformant le contexte d’interprétation des gratificationsapparaissant en cours de navigation. Se connecterpour se distraire n’amène pas les mêmes gratifica-tions que se connecter pour consulter les horaires detrain, par exemple. Le second point rappelle briève-ment les stratégies de recherche d’information surInternet. Le mode d’accès est lui-même un élémentde contexte d’interprétation des gratifications. Lesdeux points suivants étudient les gratifications selonqu’elles sont retirées de l’expérience de navigation enelle-même, ou bien qu’elles sont produites parl’expérience de recherche d’information.

LES GRATIFICATIONS LIÉES AUX MOTIVATIONSDANS L’USAGE D’INTERNET

On ne peut étudier les gratifications obtenues dela consultation d’un média sans savoir au préalable cequi a motivé la consultation de ce média. Comme lerapporte Swoboda (1998), certaines gratificationssont recherchées à travers l’utilisation du média, alorsque d’autres sont obtenues sans avoir été recherchées.On peut considérer que l’expérience de consultationest holiste, donc irréductible à chacune des gratifica-tions et frustrations obtenues tout au long de la navi-

gation. A l’inverse, on peut considérer que la satis-faction provient d’un arbitrage entre les gratificationset frustrations ressenties :

– par l’atteinte du but initial de la consultation,(trouver ou non l’information exactement recherchéeou seulement une information voisine, par exemple),

– par la manière dont le but a été atteint, (entermes d’efforts cognitifs engagés et de temps passé,par exemple),

– par la navigation en elle-même, qui a pu fournirdes stimulations non recherchées.

En se référant à l’approche fonctionnelle deAurier, Evrard et N’Goala (2000), la valeur globaleattribuée à l’expérience va comporter de multiplescomposantes telles que les bénéfices fonctionnels(valeur utilitaire), les bénéfices épistémiques (curio-sité, désir de connaissance, nouveauté), les bénéficesémotionnels, hédonistes et esthétiques (stimulation« expérientielle »), les bénéfices sociaux (lien social,expression de soi), la valeur spirituelle et les sacri-fices consentis.

Le propos de ce premier point est, à partir dequelques études empiriques menées par Eighmey(1997), Chen et Wells (1999) et Korgaonkar et Wolin(1999) sur l’usage du média Internet, d’inventorierles motivations susceptibles de générer de la valeur.A partir de ces inventaires, nous examinons quellesmotivations sont en rapport avec la recherche d’infor-mation et peuvent produire ou non des gratifications.

Les résultats des études de Eighmey et Chen etWells mettent le divertissement, le plaisir de l’expé-rience, en tête des gratifications retirées 7, en secondl’information et son accessibilité et en troisième lesaspects formels de présentation de l’information.

L’étude de Korgaonkar et Wolin aboutit aux septfacteurs suivants :

– motivation d’évasion sociale : la navigation surInternet est présentée comme plaisante, amusante,agréable, permettant d’échapper à la réalité. Les grati-fications proviennent de sa capacité de distraction, destimulation des émotions et des sensations, et de pro-curer du plaisir esthétique. La navigation y est vécuecomme un moyen de relaxation permettant d’échap-per à l’ennui quotidien et au stress. Ce facteur inclutégalement la possibilité d’éviter la solitude ;

– préoccupations relatives à la sécurité des tran-sactions et à la vie privée : ce facteur retrace les

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation 11

7. Confirmant ainsi les propos des tribunes libres du site Internet del’AFM.

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craintes relatives à la circulation sur Internet dunuméro de carte bancaire et d’informations d’ordreprivé obtenues sans un consentement express, ainsique l’absence de confidentialité des messages ;

– motivation liée à l’information : les gratifica-tions proviennent de la satisfaction engendrée par laréponse au besoin de connaissance en général et aubesoin d’informations spécifiques. Internet est appréciépour sa capacité de fournir rapidement, facilement et àun moindre coût une information utile ;

– motivation de contrôle grâce à l’interactivité :les éléments interactifs sur les sites Internet mettentles usagers en charge du média. Ceux-ci peuventdécider des sites qu’ils veulent visiter, du moment decette visite, et de leur participation aux forums de dis-cussion. Comme l’indique les auteurs, ce facteur estcelui qui contient le plus fort potentiel de gratifica-tions ;

– motivation sociale : Internet peut faciliter lacommunication interpersonnelle et le partage d’uneexpérience et d’un savoir avec autrui. Les utilisateursveulent plus que de l’information. Ils cherchent àinteragir et se lier avec d’autres personnes attirées pardes centres d’intérêt communs. C’est particulière-ment le cas sur les « chats » et forums de discussion ;

– préoccupations relatives à l’usage d’Internet engénéral : non liées aux transactions, ces préoccupa-tions concernent des usages dévoyés du média, seposant en problèmes de société. Le détournement ducourrier électronique, l’intrusion du marketing dansla sphère privée 8 et l’absence de contrôle possiblepour le récepteur sont à l’origine de ces préoccupa-tions ;

– motivation économique : Internet est appréciépour sa possibilité d’y réaliser des achats avisés enidentifiant la meilleure offre, parfois gratuite pour letéléchargement de logiciels, de musique ou de lec-ture.

Ces inventaires montrent des usages du médiaInternet répondant à des motivations multiples et nonexclusives, expérientielles ou utilitaires, couplées àun certain nombre de freins liés à la nouveauté dumédia et aux aspects formels qu’il revêt.

Certaines de ces motivations et donc certainsusages d’Internet ne sont pas en relation avec notrepropos sur la recherche d’information commerciale

liée à l’acte d’achat. Cette tâche est plutôt orientéevers soi même si elle peut être extrinsèque ou intrin-sèque. Les motivations sociales, et les usages sociauxd’Internet n’entrent donc pas dans notre champd’analyse. Parmi les cinq motivations restantes, relati-vement à l’étude de Korgaonkar et Wolin, nous opé-rons un regroupement en deux familles de motiva-tions :

– les motivations hédonistes fournies par laconsultation du média vécue comme une fin en soi(évasion sociale et contrôle). Selon Boulaire etMathieu (2000), cette dimension hédoniste comprendcinq dimensions, respectivement le plaisir, l’évasion,l’éveil-stimulation, la détente et le contrôle ;

– la capacité du média à répondre à moindre coûtau besoin d’information de l’utilisateur. C’est d’unepart le besoin de connaissance en général. Ce média estpotentiellement un outil de progression personnelle,un moyen d’apprentissage et d’acquisition desconnaissances, donc potentiellement une extensionfabuleuse du savoir de chacun. C’est d’autre part lebesoin d’information spécifique. On peut considérerInternet comme une excroissance de la mémoire indi-viduelle 9 que chacun peut interroger pour obtenir laréponse à une question bien précise. Boulaire etMathieu évoquent une dimension cognitive du sitecomprenant plusieurs aspects potentiellement grati-fiants : la richesse de l’information, sa pertinence, sacrédibilité et son actualité. En contrepoint de l’obten-tion de l’information, il convient de prendre encompte les coûts financiers, temporels et psycholo-giques, qui recouvrent plus largement les motivationsfinancières et de sécurité de l’étude de Korgaonkar etWolin.

En trouvant une réponse à ses motivations,l’internaute va ressentir des gratifications qui vontvaloriser son expérience de consultation. Le contenudes sites autant que leurs aspects formels peuventcontribuer aux motivations, qu’elles soient hédo-nistes, cognitives ou instrumentales. Dans le prolonge-ment des propos de Aurier, Evrard et N’Goala,l’internaute se contentant de peu de valeur sera facile-ment satisfait de sa consultation et inversement.Toutefois, la stratégie d’accès à l’information utiliséepeut s’avérer plus ou moins efficiente. Commel’indique Ladwein (2000), les modes opératoires et

Jean-Claude Dandouau12

8. Notamment par les cookies servant à la constitution de méga-bases de données, et le pistage de la navigation par les fichiers.Log.

9. Selon l’idée de McLuhan (1968) mettant en avant la fascinationqu’exercent sur les individus les médias perçus comme une exten-sion d’eux-mêmes.

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les implications cognitives liés aux comportementsde recherche doivent être considérés comme unerésolution de problème. Et celle-ci constitue elle-même une source potentielle de gratification ou defrustration. Le propos du point suivant est d’examinercomment les principales stratégies utilisées parl’internaute pour accéder à l’information contribuent àla valorisation de l’expérience de consultation.

LES GRATIFICATIONS ET FRUSTRATIONS LIÉES AUX STRATÉGIES DE RECHERCHE D’INFORMATION SUR INTERNET

La littérature sur le comportement du consomma-teur a distingué de longue date la recherche d’infor-mation dirigée vers un but, notamment l’achat, de larecherche permanente d’information, mue par unbesoin de connaissance. En cela, l’utilisationd’Internet ne diffère pas de celle des autres médias.Toutefois, sa nouveauté et la multiplicité des usagesenvisageables font qu’une meilleure dichotomieconsiste à distinguer d’une part la consultation diri-gée vers un but de recherche d’une information bienidentifiée, d’autre part de la consultation vécuecomme une distraction, hédoniste ou cognitive.L’acquisition d’informations s’opère alors demanière fortuite 10.

Dans le premier cas, l’utilisateur peut avoirmémorisé l’adresse du site où se trouve l’informa-tion, ou bien y accéder à partir d’un moteur derecherche.

La mémorisation des adresses est une stratégieefficiente mais faiblement évolutive. Les effortscognitifs sont faibles, mais les gratifications modé-rées. Comme l’écrit Ladwein (2000), « l’exploration duréseau Internet est réalisée de manière incrémentaleet l’internaute capitalise sur ses expériences pas-sées ».

Les moteurs de recherche, selon la façon dont ilsréférencent les sites, sont soit de véritables moteursde recherche, ayant exploré automatiquement les

pages web (Altavista, par exemple), soit desannuaires, les ayant explorés manuellement (Yahoo,par exemple), soit des hybrides (Lycos, par exemple).Leurs performances dans leur aptitude à trouverl’information recherchée sont souvent limitées 11 etpotentiellement irritantes. Leur interface est peuattrayante et la formulation des requêtes peu convi-viale. Toutefois des sites, comme Altavista, propo-sent des pages d’apprentissage de la formulation desrequêtes. Dans une telle consultation prévaut unedémarche instrumentale établissant des arbitragesentre les coûts cognitifs et les bénéfices attendus.Cette phase, essentiellement cognitive, nécessite unecatégorisation mentale de l’information recherchée etla génération des mots-clés pertinents combinéséventuellement par des opérateurs de recherche. Lesefforts cognitifs ont une place prépondérante danscette stratégie, et ne valorisent l’expérience que pourles internautes les plus aguerris. Mais, il n’est pasimpossible que la stimulation fournie par certainssignes présents sur un site (bandeaux et bannières,par exemple) détourne le but de recherche d’informa-tion vers celui de la distraction.

Dans le second cas, l’utilisateur peut aller dans unsite thématique habituel lui procurant la stimulationrecherchée, ou bien passer par un portail riche d’unéventail de choix. Des deux manières, les liens hyper-textes lui permettent alors de surfer vers les pages oules sites les plus attractifs en termes de stimulation.Dans une telle consultation prévaut une démarcheexpérientielle, établissant des arbitrages entre leshabiletés et les stimulations espérées. Mais, là aussi, iln’est pas impensable qu’une information puisse capterl’attention et engendrer alors un comportement derecherche d’information classique.

La distraction et la recherche d’information, spéci-fique ou permanente sont étroitement liées lors del’utilisation d’Internet. Elles créent une forte variabilitéintra-individuelle (un même individu peut, selon lasituation être plus ou moins sensible à l’une ou àl’autre) et une forte variabilité interindividuelle(selon l’expérience et les motivations de chaque utili-sateur). Pour répondre à ces sources de variabilité lesconcepteurs de sites tentent d’intégrer ces deuxobjectifs (divertissement ou recherche d’information)

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation 13

10. On ne manquera pas de faire le parallèle avec les travaux dePetty, Cacioppo et Schumann (1983).

11. 500 milliards de pages web ne sont pas répertoriées par lesmoteurs de recherche ! Il s’agit de celles appartenant à des basesde données consultables par mots-clés, indique la sociétéBrightPlanet (Euréka N° 64, février 2001, page 16).

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dans les portails et les pages d’accueil. Les deuxpoints suivants analysent la nature des gratificationset des frustrations selon ces deux perspectives.

Dans la première, les gratifications sont attenduesmais leur nature n’est pas préalablement identifée.L’acquisition d’information peut ne pas avoir lieu.C’est alors l’interface, dans ses aspects formels, quidoit générer la stimulation. A l’inverse, l’importanceque prennent certaines informations surprenantes ouséduisantes peut renvoyer vers un comportement derecherche d’informations initialement non recher-chées.

Dans la seconde, l’obtention de l’informationrecherchée et la manière de l’acquérir sont fondamen-tales dans l’attribution de la valeur.

LES GRATIFICATIONS OBTENUES DE L’EXPÉRIENCE DE NAVIGATION

La forme de la présence commerciale sur Internetnécessite, de la part des entreprises, une réflexionapprofondie sur les effets de la consultation, pour lagrande variété des utilisateurs. Leur but ultime est,dans la plupart des cas, un renforcement des incita-tions à l’achat ou à la fréquentation. Mais, son obten-tion passe par une hiérarchie des effets, conformé-ment aux travaux sur l’attitude envers la publicité(Lutz, MacKenzie et Belch, 1983), transitant parl’attitude envers la marque ou l’enseigne, précédéed’une attitude envers la communication commerciale,elle même précédée d’une attitude envers le site(Chen et Wells, 1999 ; Stevenson, Bruner II etKumar, 2000). Le format du site, par l’attitude qu’ilgénère envers le site, revêt une importance nouvelle,peu étudiée pour les médias classiques (Bruner II etKumar, 2000). Or, comme l’écrit Weil (2000), « Lestechnologies ne sont jamais des outils neutres. Nonseulement elles témoignent de la culture qui lesinvente, mais elles doivent leur succès à la vitesse deleur appropriation, aux usages privilégiés qu’ellessuscitent et à la créativité avec laquelle les individuss’en emparent ».

Notre propos ici, est d’étudier comment lesaspects formels du site vont produire des gratifica-

tions dont les aspects bénéfiques devraient rejaillirsur le contenu du message et sur l’image de lamarque. Pour Boulaire et Mathieu (2000), ces aspectsformels concernent la vivacité 12, l’interactivité et lafacilité de navigation.

Pour illustrer notre propos, nous nous référons àl’exemple du site www.a-snowboards.com, consacréà du matériel de sports d’hiver. Il se présente sous laforme de bande dessinée animée. Le pointeur de lasouris active des liens vers d’autres pages du site, oudes liens vers d’autres sites, voire des animationssous forme de gags.

Les nombreux stimuli présents sur les différentsécrans passés en revue, et notamment les signesd’interactivité, fournissent de la stimulation senso-rielle captivant les facultés intellectuelles, à l’instarde certains jeux vidéo. La théorie des usages et gratifi-cations suppose, comme l’indique Eighmey (1997),« que les utilisateurs sont des chercheurs actifs degratifications, interagissant avec le média, plutôt quedes récepteurs passifs du contenu du média ».

Dans la littérature marketing, une des meilleuresanalyses de l’expérience de navigation est celle deHoffman et Novak (1996) 13. Selon eux, l’interacti-vité n’est plus une interactivité avec d’autres per-sonnes à travers le média, mais une interactivité avec lemédia. C’est l’expérience de l’interactivité avec lemédia qui est en elle même source de gratifications.

Dans un premier point, nous présentons leconcept de flux que ces auteurs utilisent pour caracté-riser l’expérience de consultation. Puis, nous analy-sons l’arbitrage entre les challenges proposés parl’interactivité et les habiletés de l’utilisateur, quiconditionne l’apparition de ce flux.

Le flux de l’expérience de consultation

Le flux traduit le fait que l’utilisateur se laisseemporter par le courant de la navigation, au gré dessignes d’interactivité les plus saillants. La définitionque Hoffman et Novak donnent est « l’état qui apparaîtdurant la navigation, se caractérisant par une

Jean-Claude Dandouau14

12. Steuer (1992) cité dans Hoffman et Novak (1996) définit lavivacité comme la richesse de la représentation dans les caractéris-tiques formelles. La largeur fait référence au nombre de dimen-sions sensorielles sollicitées, et la profondeur fait référence à laqualité de la résolution.13. Plusieurs papiers de recherche des mêmes auteurs et plusrécents sont accessibles sur le site www.2000.ogsm.vanderbilt.edu/

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séquence ininterrompue de réponses facilitées parl’interactivité de la machine, intrinsèquement agréa-ble, accompagnée d’une perte de la conscience de soiet d’un auto renforcement »14.

Selon ces auteurs, l’expérience optimale lors de lanavigation est semblable à un jeu et se caractériseainsi. L’utilisateur focalise son attention sur les élé-ments d’interaction, en rétrécissant son champd’attention, de telle sorte que toute perception oupensée non congruente est éliminée. Sa concentrationest si intense qu’il n’est pas enclin à prendre en consi-dération quoi que ce soit d’autre. PourCsikszentmihalyi (1990), « le contrôle de ses actionsest si fort que s’estompe la distinction entre lui etl’environnement, entre le stimulus et la réponse, entrele passé, le présent et le futur. La conscience de soidisparaît, la perception du temps s’altère et l’état danslequel l’esprit s’installe devient extrêmement grati-fiant ». Le site de a-snowboards est particulièrementcaractéristique de ce vécu de l’expérience de flux. Parcontre, il est inadapté à fournir rapidement des infor-mations techniques sur les produits ou leurs distribu-teurs.

L’arbitrage entre les challenges et les habiletés

L’utilisateur va sans cesse mettre en balance seshabiletés et les challenges de l’interaction. SelonBezjian-Avery, Calder et Iacobucci (1998), le chal-lenge est souvent de cerner avec de plus en plus derapidité et de précision l’essence de l’information àvenir. Chaque lien hypertexte offre une promesse destimulation plus ou moins intense. Sur une mêmepage, le lien le plus prometteur acquiert une fortesaillance. Le flux peut consister en une progressionthématique. L’utilisateur est guidé par un fil conduc-teur cohérent dont la puissance est supérieure auxéléments d’interactivité concurrents 15. Tel est le cas ducheminement dans un site à structure arborescente.Mais le flux peut aussi consister en une progressionnon dirigée, l’utilisateur étant captivé par des élé-

ments d’interactivité disparates, auxquels s’ajoutentles bandeaux et bannières publicitaires. La surprise,la nouveauté, le spectaculaire, l’incitation conativevont, par exemple, servir à capter l’attention. Le chal-lenge, pour l’utilisateur, est alors d’anticiper uncontenu aussi stimulant que l’a été le signe d’interacti-vité sélectionné. Il ressort de plusieurs études unfaible impact des bandeaux et bannières, semblantprivilégier les progressions animées par un filconducteur. D’après Kalika et Bourliataux-Lajoinie(2001), Internet ne serait pas un média à efficacitéimmédiate, puisqu’il convient que l’utilisateur soitconfronté plusieurs fois à la même bannière(moyenne de 4 expositions) avant qu’il ne la sélec-tionne. Il est probable que le degré d’expertise del’internaute et sa motivation initiale (distraction ourecherche d’information) soient des variables média-trices significatives.

Les habiletés découlent de l’expérience de l’utili-sateur avec la navigation. Si les habiletés sont supé-rieures aux challenges proposés par l’interactivité,l’ennui s’installe. Dans le cas contraire, l’anxiétéapparaît. Par exemple, le site www.microsoft.com/frnécessite des habiletés, en relation avec les chal-lenges proposés, très largement supérieures aux capa-cités des néophytes. L’expérience optimale de fluxnécessite donc un équilibre entre les habiletés et leschallenges, sous réserve de dépasser un seuil critiqueen dessous duquel la stimulation devient trop faible.Lorsque la présence formelle du média encombrel’esprit de l’utilisateur (ce que Hoffman et Novakappellent telepresence et que nous dénommonsabsence de transparence formelle), l’utilisateur n’estplus en mesure de deviner où un signe d’interactivitéest susceptible de le mener. Le flux disparaît. Lacongruence entre les habiletés et les challenges peutêtre facilitée par le design de l’interface, pour qu’elles’adapte à l’hétérogénéité des utilisateurs néophyteset chevronnés.

Paradoxalement, il semble plutôt que l’onconstate une fuite en avant dans la richesse de laconception des sites. Comme l’écrit Ladwein (2000),« trop souvent la responsabilité de la conception estdéléguée à des agences ou des équipes créatives quin’ont parfois qu’une appréciation esthétique desmaquettes qu’elles proposent ». De plus, les tests quecertaines effectuent utilisent des internautes chevron-nés, qui représentent actuellement une bonne part dutrafic. Or ceux-ci sont vites blasés des sites clas-

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation 15

14. Sur leur site Internet, les auteurs soulignent les difficultés dedéfinition de ce concept.15. Kalika et Bourliataux-Lajoinie (2001) indiquent que l’inter-naute expert, confronté à une bannière personnalisée fortementimpliquante, est relativement peu enclin à cliquer dessus, car ellevient polluer son cheminement. Par contre, un néophyte est davan-tage incité à cliquer sur une bannière non personnalisée si elle estimpliquante.

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siques. Selon Hoffman et Novak (1996), « au fur et àmesure des progrès de leurs habiletés, ils recherchentdes challenges supérieurs. La routine s’installe trèsvite et la stimulation tend à disparaître ». Comme lerapportent Ghose et Dou (1998), il faut maintenir unniveau d’interactivité élevé dans la conception dessites Internet, pour maintenir une implication élevéedes utilisateurs dans le processus de communicationde l’entreprise. Les fonctions d’interactivité pouvantrevêtir de multiples formes, Ghose et Dou ont montréque certaines ont des effets plus marqués sur l’appré-ciation des sites. Parmi celles-ci, la recherche parmots-clés vient nettement en tête. Mais ce résultat estbeaucoup plus vraisemblable pour les néophytes etles utilisateurs mus par une recherche d’informationprécise que pour les utilisateurs chevronnés et ceuxen quête de distraction.

On observe souvent une surenchère dans laconception des sites Internet, ce qui explique que leschallenges sont souvent supérieurs, voire très supé-rieurs, aux capacités de l’utilisateur moyen. Lacharge informationnelle y est particulièrement dense(voir le site de Microsoft cité précédemment). Ceciest concrétisé dans le tableau 1, qui indique lenombre de signes d’interactivité (le curseur prend laforme d’une main et souvent le signe interagit par unchangement de couleur, une animation, un souli-gné...) que nous avons relevé sur plusieurs sites com-merciaux évoqués dans cet article.

Pour Chen et Wells (1999), la densité des signes nesignifie pas obligatoirement une surcharge information-nelle, si l’organisation du site est limpide (Canon, parexemple). Mais souvent, le graphisme y est très hétéro-

gène, de même que les signes derrière lesquels secachent les liens hypertextes. Cette multiplicité et hété-rogénéité des signes fréquentes sur de nombreux por-tails (comme www.infonie.fr ou www.femmesonline.fr)semble se généraliser sur les pages d’accueil demarques de production (comme www.loreal.com/fr ouwww.nestle.com) ou de distribution (www.camif.fr,www.laredoute.fr ou www.c-mescourses.com). En cesens, ce média s’avère élitiste et rapidement irritantpour les utilisateurs mus par des motivations instru-mentales de recherche d’information.

De plus, des listes des meilleurs sites sont réguliè-rement publiées et privilégiées par les moteurs derecherche 16. Comme le proposent Ghose et Dou(1998), plus le degré d’interactivité est élevé, plus lesite a de chances d’être parmi les plus appréciés. Ceciincite les entreprises à privilégier les challenges lesplus élevés pour y figurer 17. Le fossé entre inter-nautes chevronnés et internautes utilitaristes ne cesseainsi de s’accroître.

Mais, l’hyperactivité de l’utilisateur ne doit pour-tant pas être seulement analysée comme la résultanted’un traitement approfondi de l’information. L’expé-rience de navigation nous semble aussi devoir êtreappréhendée comme une expérience de conditionne-ment instrumental. Selon Hoffman et Novak (1996),les choix de navigation sont souvent intuitifs et spon-tanés. Ils ne mobilisent pas de décisions conscientes etdélibérées. Chen et Wells (1999) insistent sur la foca-lisation outrancière sur les signes d’interactivité. Lorsde l’affichage progressif d’un nouvel écran, par unbalayage visuel 18 l’utilisateur est à l’affût de l’appari-tion des signes d’interactivité, et il les sélectionnedans l’espoir de gratifications sans cesse supérieures.Dans le site de a-snowboards, le challenge est dedeviner où se cachent ces signes, qui, lorsqu’ils nesont pas sémantiques sont souvent non apparents.

L’utilisateur prête, souvent inconsciemment,davantage d’attention aux signaux périphériquesqu’aux signaux principaux (Alba et alii, 1997). Parexemple, Stevenson, Bruner II et Kumar (2000), ontconstaté que la complexité introduite par le fond de

Jean-Claude Dandouau16

Tableau 1. – Nombre de signes d’interactivité encompétition pour l’attention sur les pages d’accueilde quelques sites Internet référencés dans cet article

Nom du site Signes Nom du site Signes

www.jardiland.fr 12 www.auchan.fr 33

www.sony.fr 17 www.loreal.com/fr 57

www.sncf.com 17 www.laredoute.fr 66

www.decathlon.fr 18 www.camif.fr 67

www.danone.fr 24 www.nestle.fr 73

www.canon.fr 23 www.femmesonline.fr 77

www.jvc.fr 33 www.infonie.fr 85

16. Par exemple le top 5 % Lycos. Le n° 125 de Science et VieMac propose un article sur la façon d’accroître le référencement deson site par les moteurs de recherche et annuaires, p. 96-97.17. De plus le site Internet d’une entreprise est une vitrine chargéed’exprimer son image, son statut. La richesse de la représentationformelle va donc bien au-delà de la simple recherche de lameilleure efficacité de la communication.18. Et gestuel à partir des déplacements du pointeur de la souris.

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l’écran nuit à l’efficacité du message principal, et ceprincipalement chez les utilisateurs peu expérimentés(Bruner II et Kumar, 2000). Selon Bezjian-Avery,Calder et Iacobucci (1998), l’interactivité, par lacomplexité qu’elle introduit, nuit à la compréhension etla persuasion. L’interactivité tend à diminuer letemps passé à décrypter un écran. Pour les utilisateursayant une orientation visuelle, ceci se traduit par defaibles scores sur le rappel, la reconnaissance de lamarque et l’intention d’achat. Par contre, les utilisa-teurs ayant une orientation verbale, vraisemblable-ment plus cognitifs, ne sont pas affectés par le degréd’interactivité.

Comme le signalent certains chercheurs (Hoqueet Lohse, 1999 ; Ariely, 2000), le contrôle dans leflux de l’information que permet l’interactivitéconduit les utilisateurs à des heuristiques visant àlimiter le coût d’une mobilisation intense des res-sources cognitives. Ainsi, bon nombre des gratifica-tions semble provenir de la clarté avec laquelle dessignaux périphériques renvoient, à un moindre coûtcognitif, à d’autres espaces prometteurs de gratifica-tions plus intenses.

Cette haute capacité de stimulation des aspectsformels se traduit par une attitude favorable envers lesite, mais pas obligatoirement envers le message oula marque. Selon Bruner II et Kumar (2000), les utili-sateurs les plus chevronnés, confrontés à un environ-nement web complexe, auront à la fois une attitudefavorable envers le site et envers la marque, contraire-ment aux moins expérimentés. Mais, comme l’indi-quent Chen et Wells (1999), une organisation du siteperçue comme désordonnée, encombrée, confuse etirritante est peu compatible avec une attitude favo-rable envers le contenu informatif du site. Le tableau 2résume les résultats de leur analyse de l’attitudeenvers les sites Internet.

Les sites les plus appréciés se révèlent hétéro-gènes quant à leurs capacités divertissantes, mais trèshomogènes et appréciés quant à leur organisation etleur capacité à informer. Les sites moyennementappréciés font l’objet de scores très homogènes. Ilssont jugés plutôt peu divertissants, relativement peuinformatifs, mais particulièrement bien organisés.Enfin, les sites les moins appréciés ont des scores hétérogènes concernant leur capacité d’infor-mation et leur organisation. Mais les scores obtenussur le caractère divertissant sont très homogènes etfaibles.

On peut conclure, à partir de ces quelques résultatsexpérimentaux, qu’une forte capacité de divertisse-ment ne semble pas permettre, à elle seule, une forteappréciation du site. Paradoxalement, ceci est vrai,dans ces résultats expérimentaux, quel que soitl’objet du site, qu’il soit un site de distraction(Disney, Chicago Cubs) ou non. La capacité informa-tive et le mode d’organisation semblent dominer dansles jugements d’appréciation. Une grande richesse dereprésentation formelle et un niveau élevé d’interacti-vité, par l’intensité des gratifications procurées, sem-blent bénéfiques pour l’attitude envers le site, sousréserve d’une organisation claire. Mais l’impact pour lamarque est souvent indirect, l’utilisateur ayant princi-palement traité les signaux périphériques et peumémorisé le contenu. Dans les traces laissées par lanavigation, il n’y a pas message clair, mais le simplesouvenir de satisfactions émotionnelles souventholistes.

Sur le plan opérationnel, que peuvent retirer lesentreprises de tels résultats expérimentaux ? Un sites’appuyant essentiellement sur une forte capacité dedivertissement se justifie à des fins d’image. C’estparticulièrement le cas lorsque l’objet social del’entreprise ou sa culture sont liés au divertissement, oulorsqu’il s’agit de moderniser cette image en captantles internautes les plus sensibles au divertissement.Le site de a-snowboards en est un parfait exemple.

Par contre, dans une perspective instrumentale,aider les consommateurs à faire des choix avisés, un

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation 17

Sites

les plus moyennement les moinsappréciés appréciés appréciés

Divertissement scores jugés peu jugés peuhétérogènes divertissants divertissants

Organisation jugés bien jugés bien scoresorganisés organisés hétérogènes

Capacité jugés jugés peu scores informative informatifs informatifs hétérogènes

Tableau 2. – Appréciation des sites Internet selonleur degré de divertissement, d’organisation et de

capacité informative (Chen et Wells, 1999)

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excès dans la représentation formelle et dans leniveau d’interactivité semble nuire au traitement et àl’intégration de l’information. Un autre format de sitesemble donc mieux approprié. Dans ce contexte, ilconvient donc d’examiner comment apparaissent lesgratifications.

LES GRATIFICATIONS OBTENUES DE L’EXPÉRIENCE DE RECHERCHE D’INFORMATION

A côté des motivations expérientielles et parfoisparallèlement à celles-ci, coexistent dans l’usage dumédia Internet des motivations épistémiques ou utili-taires : acquisition de connaissances générales, infor-mation sur les offres commerciales, aide au choix ettransaction. La réalisation de ces buts et la manièred’y arriver sont sources d’autres gratifications quenous nous proposons d’analyser.

L’obtention de l’information recherchée, la rapi-dité avec laquelle l’utilisateur l’a atteinte, et la fai-blesse des ressources cognitives mobilisées pour cefaire vont générer une valorisation positive de l’expé-rience de navigation. Les sites www.jardiland.fr etwww.canon.fr sont de bons exemples de la facilitéavec laquelle on peut accéder aux informations surles produits et poser une question au service clients.

Mais, il convient de dépasser le simple contente-ment d’avoir obtenu à moindre coût l’informationrecherchée pour analyser plus finement les gratifica-tions ressenties au cours du cheminement vers cetteinformation.

Comme l’écrivent Bezjian-Avery, Calder etIacobucci (1998), « l’interactivité est fondamentale-ment la capacité d’exercer un contrôle sur l’informa-tion » 19. Par les fonctions d’interactivité, l’utilisateurva agir sur le flux d’informations, c’est-à-dire lanature des informations présentées, le temps deconsultation et l’ordre des informations qui doiventsuccéder (Ariely, 2000). Il doit alors exécuter simulta-nément plusieurs tâches :

– comprendre le cheminement dans le site (ouentre les sites) à l’aide des signaux d’interactivité, oude manière plus globale, comprendre l’interface dusite,

– réfléchir, à chaque nouvelle étape, à ses propresbesoins d’informations, notamment à l’ordre etl’importance des informations nécessaires, à unmoment précis, pour progresser vers son but,

– avancer dans la résolution du problème qui l’aconduit à consulter le média, l’information recher-chée étant destinée à alimenter un processus plus glo-bal (par exemple, comment me dépanner suite à unproblème lié à Microsoft Office).

Ces différentes tâches entrent en compétition dans la mobilisation des ressources cognitives.Comme l’indiquent Bezjian-Avery, Calder etIacobucci (1998), lorsque le top of mind n’est plusoccupé par l’information concernant le problème àrésoudre, mais par les signaux d’interactivité avec lesite, ceci peut inhiber les dernières étapes d’un pro-cessus de persuasion. Dans ce cas, la complexité et larichesse des aspects formels d’un site sont plutôt dessources de frustrations que des sources de gratifica-tions.

Deux perspectives sont possibles : diminuerl’interactivité au profit d’une présentation pluslinéaire de l’information, ou utiliser l’interactivitépour une adaptation de la présentation de l’informationà chaque cheminement individuel.

Recherche d’information dans un siteayant une présentation linéaire et peu attractive

En réduisant les efforts cognitifs nécessaires aucontrôle du flux d’information, l’utilisateur libère desressources qui vont servir au traitement de l’informa-tion (Ariely, 2000). En proposant une présentation del’information semblable à celle des médias clas-siques, on permet à l’utilisateur néophyte le transfert deson expérience et de ses habiletés. Des gratificationspeuvent ainsi apparaître par la facilité avec laquelleun individu peu expérimenté est venu à bout d’unmédia inconnu, grâce à sa capacité d’utiliser sonexpérience des autres médias. La capacité de contrôleprocure une sensation de pouvoir sur la machine,mais aussi, comme nous l’analysons plus loin, deconnaissance et d’auto-renforcement de soi. Les sites

Jean-Claude Dandouau18

19. Même si, comme le rappelle Ariely (2000), ce n’est qu’unaspect relativement étroit de la définition de la communicationinteractive.

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wfc.pagesjaunes.fr ou www.telemarket.fr sont desexemples de sites proposant une interface simple,propre à séduire aussi bien les néophytes que lesexperts mus par un objectif instrumental (ici rechercherun fournisseur ou faire ses courses dans les rayonsvirtuels d’un magasin). En outre, dans le cas de tele-market, la présence à droite de l’écran du panierd’achat s’apparente à la liste de commissions. Laménagère ne sera donc pas déroutée par la versionélectronique de son support habituel.

Bezjian-Avery, Calder et Iacobucci (1998) ajou-tent qu’une présentation interactive peut être moinsefficace qu’une présentation linéaire si l’utilisateur aplutôt une orientation visuelle, et si le contenu decette présentation est plutôt visuel. Or, il est probableque l’orientation visuelle, s’appuyant sur des heuris-tiques visant une moindre mobilisation des ressourcescognitives, soit plus largement partagée. Aussi,lorsque les entreprises souhaitent toucher de largescibles, il semblerait qu’une présentation linéaire soitplus adaptée.

Toutefois, une présentation linéaire de l’informa-tion contraint l’utilisateur à être exposé, dans unordre contraint, à la totalité de l’information. Leseffets de formats de présentation vont être importantset non maîtrisés par l’entreprise, à cause de la diversitédes utilisateurs. Comme l’écrivent Hoque et Lohse(1999), des modifications dans le design de l’inter-face de pages web accroissent les coûts de traitementde l’information et orientent vers les choix les moinscoûteux. Il en résulte que la position dans une liste, lataille de la page et son temps de chargement, lavitesse de déplacement dans la page et la taille de lazone consacrée à l’information recherchée vont inter-férer sur la qualité de la décision 20.

Par exemple, un consommateur bien informé seraagacé de trouver en priorité, et en masse, des infor-mations qu’il possède déjà et qui s’adressent aux néo-phytes. Alors que les informations plus pointues dont ila besoin sont noyées dans la masse et difficilementdétectables. Cet utilisateur risque d’interrompre pré-maturément sa consultation en pensant que le site nelui apprendra rien, et sa frustration sera d’autant plusgrande qu’il aura perdu beaucoup de temps à arriver à

cette conclusion. Comme le rapportent Hoque etLohse (1999), la vitesse de lecture étant en moyenne 41 % plus lente sur un écran que sur un livre, cecipeut détourner du média Internet un certain nombred’utilisateurs déçus par leurs recherches d’informa-tion infructueuses.

Dans un design du site optant pour une présentationlinéaire, les gratifications sont limitées, notammentau fur et à mesure que l’expérience du média pro-gresse. La comparaison avec des présentationslinéaires sur les médias classiques n’est pas favorable àInternet, sauf s’il a permis d’éviter un déplacement,un laps de temps ou un coût d’acquisition supé-rieur 21.

Il reste possible, pour les entreprises, de fairevarier, selon les pages, le niveau de contrôle desinformations proposées aux utilisateurs, pour bénéficierdes avantages respectifs des présentations linéaires etdes présentations interactives auxquelles nous nousintéressons maintenant.

Recherche d’information dans un siteutilisant l’interactivité pour répondreà l’hétérogénéité des internautes

Comme les entreprises ne peuvent savoir a prioride quelle information un utilisateur a besoin à unmoment précis de la progression vers son but, ilconvient que l’interactivité introduite dans un sitepuisse suppléer cette méconnaissance. « Grâce àl’interactivité, l’utilisateur va traverser activementl’information. Les éléments d’information qu’ilconsulte dépendent, étape après étape, de l’endroit où ilsouhaite aller » (Bezjian-Avery, Calder et Iacobucci,1998). Des gratifications vont alors provenir de lafacilité avec laquelle chaque utilisateur va accéder àl’information désirée à chaque moment. Par exemple,dans la page d’accueil du site www.laredoute.fr, l’uti-lisateur peut cliquer sur une catégorie de produit(sports, par exemple). Puis, dans la zone derecherche, il peut taper une marque (Nike, parexemple) ou un produit (montre, par exemple) ce quiva le conduire à une sélection d’articles.

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation 19

20. Par exemple, lorsqu’un moteur de recherche fournit plusieurspages de sites répondant à un critère de recherche, il est exceptionnelqu’un utilisateur aille au-delà de la troisième page. Aussi les entre-prises utilisent des astuces (spam indexing) pour être référencées entête de liste (Science et Vie Mac, n° 125, p. 96-97).

21. Pour illustrer ceci, la recherche d’un numéro de téléphone sur unannuaire papier est plus rapide et moins coûteuse que la recherchesur l’annuaire électronique, sauf s’il s’agit de chercher dansl’annuaire d’un autre département accessible uniquement dans ungrand bureau de poste.

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Un niveau de contrôle élevé sur le flux des infor-mations va se traduire par une amélioration de la qua-lité des décisions, une formation des préférences plusaisée, une meilleure compréhension, une meilleuremémorisation et remémoration, une connaissanceaccrue et une augmentation de la confiance en sonjugement (Ariely, 2000). Le contrôle permis parl’interactivité est une réponse potentiellement grati-fiante à la diversité des besoins d’informations entre lesindividus et à la diversité temporelle d’un même indi-vidu.

Comme l’écrivent Hoffman et Novak (1996),l’expérience de flux est parfaitement compatible avecune consultation orientée vers un but. Lorsque l’utili-sateur éprouve cette sensation de flux, cela le conduit àdes décisions mûrement réfléchies, s’appuyant surdavantage d’informations. Cette sensation n’est plusapportée par les éléments formels de l’interactivité.Elle provient de l’adaptation de l’information pro-duite par l’interactivité au cheminement intellectuelde l’individu vers l’atteinte de son but. Cette transpa-rence informationnelle, selon Dandouau (2000), « estrelative à l’aptitude du média à fournir les informa-tions attendues par l’utilisateur, tant sur la structurationou la résolution du problème que sur l’atteinte de sonobjectif ».

La limpidité de l’interface produite par l’interacti-vité va créer une illusion de transparence formelle 22,l’utilisateur n’ayant plus conscience de la nécessitéd’allouer des ressources cognitives à son traitement.De plus, les effets de l’expérience vont accroître cettetransparence formelle et rendre plus rapide la naviga-tion.

L’utilisateur se trouve alors en face de son pro-blème et de son cheminement pour atteindre sa résolu-tion. Comme l’écrit Ariely (2000), « le cerveauhumain est supposé être un organe fabriquant dusens, et avoir un contrôle sur l’environnement permet àl’acquisition d’information d’être intégralement liée àl’acte de construction du sens ». Cet effet, appelé« psyché » par Dandouau (2000), présente l’interfacedu site comme un miroir sur son propre cheminementintellectuel. Des gratifications proviennent alors de lacapacité du site à s’adapter au cheminement spéci-

fique de chaque utilisateur et sont naturellement nar-cissiques 23. Elles conduisent, comme l’écrit Weil(2000), à « un nouveau narcissisme électronique :une nouvelle forme du rapport à soi ».

L’utilisateur cherche à structurer les nouveauxmessages de telle sorte qu’ils soient congruents avec sastructure cognitive antérieure et l’objectif à atteindre. Ilva sélectionner les signes en fonction de leur conso-nance espérée. Il désire des messages qui soientl’image de sa pensée, qui soient un reflet de soi.Selon une conception cognitiviste classique, ilfabrique son propre message à partir des signes qu’ilsélectionne et agence, de façon à en créer le sens.Grâce à l’hypertexte, l’utilisateur ne voit que ce qu’ilveut voir et n’entend que ce qu’il veut entendre. C’estainsi que d’une interactivité avec la machine on passe àune interactivité avec soi-même.

Une application interactive bien conçue est sus-ceptible de favoriser cette capacité de réflexion desoi 24, particulièrement intense en gratifications. Sonattrait, outre le narcissisme, provient du potentiel deprogression personnelle offert par le média, et quipasse par une meilleure connaissance de soi.

Pour cela, il faut que le mode de navigation et deprésentation des informations corresponde au modede pensée, de réflexion et de prise de décision del’utilisateur. Il se sert d’Internet comme d’uneseconde mémoire de long terme, prolongement de samémoire et de sa pensée, dont l’activation découle dela pensée et de la manipulation. Sa propre mémoirese focalise entièrement sur le problème à résoudre.L’avancement de la résolution se nourrit d’échangesentre l’actualisation des connaissances internes etexternes.

Une autre source de gratifications tient à la forteconfiance que l’utilisateur accorde aux messagesqu’il construit lui-même, grâce à l’interactivité, com-parativement aux médias où le message est conçu parun communicateur aux intentions mal définies.

Un premier exemple de la capacité d’un site aureflet de soi est présenté par Alba et alii (1997).Peapod est un service électronique de choix en épice-rie. Fonctionnant comme un système expert, il per-met de classer les différentes marques d’un produitselon différents attributs, ce qui évite à l’utilisateur de

Jean-Claude Dandouau20

22. La transparence formelle est l’inverse de ce que Hoffman etNovak appellent telepresence. Selon eux, lorsque la transparenceformelle est insuffisante, c’est-à-dire que le média est trop chaudau sens de McLuhan, les challenges excèdent les habiletés et leflux cessera.

23. Comme l’a d’ailleurs analysé McLuhan (1968) en son temps.24. Le dictionnaire Larousse définit la réflexion comme un retouropéré par la pensée sur elle-même en vue d’une conscience plusnette et d’une maîtrise de ses processus.

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devoir le faire mentalement. Les amateurs d’informa-tique trouveront sur le site www.topachat.com unexemple illustrant la possibilité de faire apparaître lespropositions de produits selon différents critères, etde mémoriser ses préférences en vue des connexionsultérieures. La délégation d’une partie des tâches,notamment les plus rébarbatives, est une sourceimportante de gratification.

Les mêmes auteurs donnent un second exemple,fictif, cette fois, à travers BOB, l’acheteur électro-nique personnel. Il s’agit d’un programme d’interro-gation d’Internet que l’utilisateur peut paramétrer à saguise. Il serait doué d’intelligence artificielle en étantcapable d’apprendre sur le comportement et les préfé-rences de l’utilisateur. Sa genèse est vraisemblable-ment un rassemblement de fonctions éparses déjàproposées par les ordinateurs. C’est un méta-moteurde recherche, capable d’interroger de manière intelli-gente de nombreux sites susceptibles d’apporter uneréponse au but de l’utilisateur. Il se comporte commeun assistant logiciel 25, en aidant l’utilisateur à for-muler son besoin et ses critères de choix, puis enaccomplissant certaines tâches à la place de l’utilisa-teur. Il mémorise les favoris, c’est-à-dire les adressesdes sites répondant le mieux aux attentes et à la per-sonnalité de l’utilisateur. Il mémorise tous les actespassés dans une mégabase de données personnelle, defaçon à avoir une connaissance parfaite des goûts etattentes de son utilisateur. Enfin, il présente, dans sapropre interface, le résultat des requêtes 26.

Cet acheteur électronique devient alors un secondsoi, une extension de soi, qui a une connaissanceinfaillible de l’utilisateur. Il est à la fois, selon lesconcepts de l’analyse transactionnelle, Moi Parent,censeur de la fantaisie de l’utilisateur, et Moi Enfant,complice de cette fantaisie, tout en ayant la rationalitédu Moi Adulte que permettent des procédures decomparaison infaillibles et des règles de choix expli-cites. Pour éviter d’être frustré de la disparition de lavariété et de la stimulation l’utilisateur doit conserverune latitude dans les fonctions déléguées, à chaqueusage, à son acheteur électronique personnel.

Comme le résume le tableau 3, lorsque la consulta-tion de l’utilisateur est motivée par la recherched’information, les gratifications premières sont liées

aux motivations instrumentales : trouver l’informa-tion utile permettant l’atteinte du but initial de laconsultation du média. D’autres gratifications pro-viennent de la manière avec laquelle ce but premier aété atteint, notamment la rapidité et la faible mobilisa-tion des ressources cognitives, comparativement à laconsultation d’autres médias.

Parallèlement à ces gratifications instrumentalesdirectes, d’autres gratifications d’ordre psycholo-gique sont susceptibles d’apparaître. Le contrôleperçu sur l’acquisition des informations renvoie unsentiment de pouvoir sur la machine, de domination, etd’auto-renforcement de l’ego. Au delà de ces simplescontentements, l’interactivité combinée à une inter-face particulièrement limpide peuvent faire d’un site unmiroir de son propre raisonnement. Les gratificationssont alors essentiellement narcissiques. Ceci estd’autant plus vrai que le site aura pris en charge, defaçon très personnalisée, les tâches les plus fasti-dieuses nécessaires à l’atteinte du but poursuivi.

Recherche d’information sur Internet et expérience de consultation 21

25. Comme ceux inclus dans la plupart des logiciels de la sociétéMicrosoft.26. Dans l’exemple donné par Alba et alli, la robe recherchée est por-tée par l’image en trois dimensions de l’utilisatrice.

Tableau 3. – Nature des gratifications obtenues lorsde la recherche d’information sur Internet

gratificationsinstrumentales directes

contentement d’avoir trouvé l’information

initialement recherchée

contentement dû à la rapidité d’accès à

l’information recherchée

contentement dû à la faiblemobilisation des ressources

cognitives

gratifications psycholo-giques secondaires

contentement dû au contrôle perçu

et au sentiment de pouvoiret de domination de la « machine »

auto-renforcement de l’ego, sensation

de progression personnelleet d’amélioration de la

connaissance de soi

effet miroir sur son cheminement intellectuel,

renforcement des tendancesnarcissiques

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CONCLUSION

Le propos de cet article était d’examiner, sur unplan théorique, les sources de gratifications et defrustrations liées à l’usage d’Internet, contribuant à lavalorisation de l’expérience de navigation. Relati-vement à l’analyse des gratifications apportées par lanavigation en tant que fin en soi, l’approche expé-rientielle semble actuellement bien adaptée. A cetitre, la richesse et la vivacité de l’interface avec l’uti-lisateur offrent des perspectives de stimulation quivont encore s’amplifier avec les avancées technolo-giques à venir en matière de son et d’image. Pourtant,lorsque l’euphorie de l’exploration de ce média serapassée, il devrait y avoir davantage de navigationsmotivées par des buts plus instrumentaux commes’informer ou acheter. La valorisation devra doncdavantage intégrer la composante instrumentale. Acourt terme, comme l’indiquent Hoffman et Novak(1996), le design optimal d’un site devra encore diffé-rer selon que la motivation dominante dans la consul-tation est expérientielle ou dirigée vers un but.

Le propos suivant de Eighmey (1997) synthétiseles différents points que nous avons abordés : « lesutilisateurs d’Internet apprécient de trouver des infor-mations au coeur d’un contexte agréable, qui les met envaleur. Ils apprécient une organisation des informa-tions qui soit productrice de sens, relativement àl’objectif qu’ils poursuivent lors de leur consultation.Enfin, ils apprécient un design efficace dans l’inter-face qui minimise le temps passé et les efforts néces-saires à l’obtention des informations recherchées ».Mais, ces grands principes largement partagés doi-vent aussi laisser une place à l’hétérogénéité des utili-sateurs, tant dans leur expérience que dans leursmotivations de consultation.

Le contrôle sur le flux d’information que permetl’interactivité n’annonce pas pour autant une exclusi-vité des gratifications utilitaires, comme le plaisir detrouver rapidement et sans effort l’informationrecherchée. Nous avons examiné comment des inter-faces nouvelles, et encore à découvrir, pourraientapporter des gratifications psychologiques particuliè-rement intenses. Parmi elles, comme le rapportentGhose et Dou (1998), « l’assistant personnel au choixest l’une des fonctions interactives les plus remar-quables, qui pourrait dans le futur affecter durable-

ment la façon dont les individues choisissent leursproduits dans un environnement hypermédia ».

Dans notre introduction, nous avons situé l’enjeuopérationnel de cet article relativement à l’appropria-tion de l’information par les consommateurs, suscep-tible de changer leurs rapports avec les producteurs etles distributeurs. Le souci de ceux-ci pour l’établisse-ment de relations personnalisées de long terme avecleur client pose en termes stratégiques leur communi-cation sur le média Internet.

Lorsque leur site est une vitrine ayant essentielle-ment une vocation d’image, ils doivent s’interrogersur la nature des gratifications que le design del’interface peut engendrer. Mais, il convient aussi queles producteurs et distributeurs s’interrogent surl’interface de leur site la mieux adaptée aux motiva-tions instrumentales de chacun de leur client : s’infor-mer et acheter. En sélectionnant un média interactifplutôt qu’un autre média, chaque utilisateur devientacteur de son processus d’information, ce qui modifiela nature des gratifications obtenues à cette occasion.Aussi, comme se demande Weil (2000), « Internetva-t-il structurer chez nous une nouvelle pensée ? ... Cequi était déjà une tendance forte de l’individualisme :s’éclater, explorer les diverses potentialités de sa per-sonnalité, s’automanipuler, trouve sur le Net un véri-table terrain d’épanouissement ».

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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