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Réflexions sur l'émigration des professionnels de santé au Maroc Le Maroc fait partie des pays qui connaissent une pénurie aigue en ressources humaines de santé. Dans les années à venir, le défi à notre pays, résidera dans le remplacement des partants à la retraite donc la formation d’un effectif supérieur où égal à ceux-ci et d’assurer le transfert des compétences. Par ailleurs, il convient d’attirer l’attention à un autre phénomène rapporté de plus en plus mais non quantifié jusqu’à nos jours et qui est relatif à la migration de certaines ressources vers des pays étrangers plus développés. Ces agents qui quittent le pays seront, sans doute, en augmentation du fait de la mondialisation et des besoins de plus en plus importants dans les pays d’accueil. En l’occurrence, il est tout à fait légitime de se poser des questions sur son ampleur, ses motivations à l’origine et les dispositions à mettre en œuvre pour contrôler ce phénomène et ses effets néfastes sur la stabilité du système national de santé. Phénomène international affectant les pays en voie du développement Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), les migrations des médecins, des infirmiers et des autres personnels de santé ont connu un net accroissement au cours des dernières années. Les pays en voie de développement qui perdent une partie de leur personnel sanitaire qualifié peuvent constater certains effets de ce phénomène sur leur système de santé : pénurie d’effectifs, démotivation chez ceux qui restent, appauvrissement de l’offre de services de santé en termes de qualité et de quantité. Ces migrations s’inscrivent dans la dynamique générale de mobilité qui sous-tend les marchés du travail dans le secteur des soins de santé, et leur problématique politique ne devrait donc pas être traitée isolément. En outre, cette dynamique touche des aspects multiples relevant des droits humains et du choix de la personne, des motivations et état d’esprit des 1

Réflexions sur l'émigration des professionnels de santé au Maroc

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Réflexions sur l'émigration des professionnels de santé au Maroc

Le Maroc fait partie des pays qui connaissent une pénurie aigue en ressources humaines de santé. Dans les années à venir, le défi à notre pays, résidera dans le remplacement des partants à la retraite donc la formation d’un effectif supérieur où égal à ceux-ci et d’assurer le transfert des compétences. Par ailleurs, il convient d’attirer l’attention à un autre phénomène rapporté de plus en plus mais non quantifié jusqu’à nos jours et qui est relatif à la migration de certaines ressources vers des pays étrangers plus développés. Ces agents qui quittent le pays seront, sans doute, en augmentation du fait de la mondialisation et des besoins de plus en plus importants dans les pays d’accueil. En l’occurrence, il est tout à fait légitime de se poser des questions sur son ampleur, ses motivations à l’origine et les dispositions à mettre en œuvre pour contrôler ce phénomène et ses effets néfastes sur la stabilité du système national de santé.

Phénomène international affectant les pays en voie du développement Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), les migrations des médecins, des infirmiers et des autres personnels de santé ont connu un net accroissement au cours des dernières années.Les pays en voie de développement qui perdent une partie de leur personnel sanitaire qualifié peuvent constater certains effets de ce phénomène sur leur système de santé : pénurie d’effectifs, démotivation chez ceux qui restent, appauvrissement de l’offre de services de santé en termes de qualité et de quantité. Ces migrations s’inscrivent dans la dynamique générale de mobilité qui sous-tend les marchés du travail dans le secteur des soins de santé, et leur problématique politique ne devrait donc pas être traitée isolément. En outre, cette dynamique touche des aspects multiples relevant des droits humains et du choix de la personne, des motivations et état d’esprit des personnels de santé et du rôle d’intermédiaire des agences de recrutement.De ce fait, l'OMS a élaboré un Code mondial pour le recrutement international des personnels de santé ayant pour objectifs de définir un certain nombre de principes régissant, de manière générale, les mouvements du personnel tout en préservant les droits de chacun. Au Maroc, il n’existe pas d’étude approchant le phénomène mais les lauréats des différentes structures marocaines de formation sanitaire sont retrouvés de plus en plus dans les formations de soins étrangères en Europe et en Amérique du Nord.

Facteurs de motivation à l'émigrationOn distingue généralement deux sortes de facteurs : les facteurs de départ et les facteurs d’attraction. Les salaires estimés bas, les perspectives de carrière limitées, l'absence des études de spécialisation, les mauvaises conditions et l’environnement défavorable du travail, ainsi que le manque de ressources pour travailler efficacement sont des facteurs à l'origine des départs vers un autre pays où ces mêmes facteurs sont des sources d'attraction. Par ailleurs, beaucoup de lauréats des écoles infirmières privées, migrent à l'étranger du fait qu'ils sont sous recrutés au Maroc. En règle générale, le niveau de revenu joue un rôle important dans le sentiment de satisfaction que procure la vie et il est reconnu comme un facteur de migration décisif par l'OMS. Les recherches sur les écarts de salaire des professionnels de

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santé des différents pays font apparaître un fossé à l'origine de sentiments d'inquiétude, d'injustice et de frustration. Cependant, le manque d'études nous ne permet pas de nous contenter des seules raisons suscitées; il existe sûrement d'autres facteurs à expliciter.

Effets de l'émigration et mesures de fidélisation du personnel Les effets néfastes d'une migration non maitrisable va remettre en cause les projections en matière de planification et fragilisera la base de compétences actuelle et future du pays. Si les responsables politiques déterminent qu’elle entraîne de telles conséquences, ils doivent convenir d’une stratégie visant à atténuer ces effets sur l’offre de professionnels de santé. Ils devront évaluer les coûts et les avantages liés au traitement de problèmes tels que le faible salaire relatif, les perspectives de carrière réduites, les mauvaises conditions d’exercice et les charges de travail importantes, et trouver des réponses aux préoccupations concernant la sécurité de l’emploi, les possibilités d’études limitées et la sécurité personnelle. Le recrutement public des lauréats de certains instituts privés doit être mis en œuvre sur la base d'une sélection rigoureuse pour pallier au déficit existant en ressources humaines.Pour réussir les mesures de la maitrise de l'émigration, la revue des expériences de certains pays qui ont connu le même phénomène est inéluctable, notamment ceux de l'Europe de l'Est. Les décideurs doivent comprendre les motivations à l’origine des émigrations des professionnels de santé pour élaborer des politiques permettant de maîtriser efficacement la fuite des ressources humaines et par conséquent d’atténuer les effets néfastes sur l’offre de soins. Ils doivent pouvoir mesurer la perte relative de main-d'œuvre due aux flux à destination d’autres pays Dans tous les cas, l’émigration internationale ne doit pas excéder aux effectifs nécessaires au bon fonctionnement du système de santé national.Certains pays ont même procédé à encourager le retour aux pays d'origine de certains professionnels de santé pour bénéficier de leurs compétences acquises. Cette politique; bien qu'il parait inimaginable actuellement au Maroc, serait très utile pour développer la qualité de l'offre de soins et de services en santé futur. Par ailleurs, le Maroc doit collaborer avec l’OMS pour élaborer sa politique de ressources humaines sur la base du code de pratique mondial relatif au recrutement international des professionnels de santé. Il doit aussi procéder à la signature des accords bilatéraux avec certains pays d'accueil des personnels de santé nationaux et ce en vue de contrôler le flux de ceux-ci. L'OMS met l'accent sur le fait que le recrutement des soignants doit être transparent et que les droits des professionnels des pays d'origine soient préservés par les employeurs et les agences spécialisées dans ce domaine. Elle recommande aussi de ne pas chercher à recruter ceux qui ont encore une obligation envers leur pays.

De façon générale, l'approche de ce phénomène doit viser l'élaboration de 3 types de mesures: Celles qui visent l'amélioration du suivi des migrations des personnels de santé

Les responsables politiques devraient veiller à la mise en œuvre des principaux indicateurs nécessaires à l’évaluation de l’importance des flux à destination d’autres pays notamment la détermination du flux de sortie des personnels par rapport à l’effectif global dans le pays. Ainsi, la mise en place d’un système d'information intégré pour le suivi efficace des mouvements internes et externes des ressources humaines du pays.

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Celles qui orientent le flux migratoirePour réussir une politique de fidélisation des ressources humaines, il faut encourager les travaux de recherche et d’évaluation dans le domaine en question. Les responsables politiques doivent donc dans une première étape contribuer à l’amélioration de la base de connaissances et le partage des expériences des autres pays.

Celles visant à améliorer les politiques et les pratiques relatives aux ressources humaines

La migration des professionnels est symptomatique de problèmes très profonds au sein du système national de santé, tels que ceux liés à la difficulté d’améliorer la planification des effectifs. Il est donc important de mettre l’accent sur des pratiques assurant un traitement juste, équitable et transparent à tous les professionnels de santé et à utiliser au mieux leurs compétences.

Face au fardeau de la pénurie des ressources humaine en santé auquel notre pays est affronté et pour éviter les effets d'autres phénomènes à l'horizon, il est temps de mettre en place une politique de ressources humaines ayant une vision lointaine, procédant à la planification, l'anticipation et la réactivité face à un contexte socioéconomique local et international en mutations rapides.

Dr. RACHID AOURAGHPédiatre au Ministère de la santéAl-Hoceima, Maroc

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