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PAGE DE COUVERTURE Réflexion doctrinale interarmées RDIA-2013/001_RS(2013) N° 067/DEF/CICDE/NP du 19 avril 2013 Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations Réseaux sociaux Nature et conséquences pour les forces armées

Réseaux sociaux Nature et conséquences pour les forces armées

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Réflexion doctrinale interarmées RDIA-2013/001_RS(2013) - France

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PAGE DE COUVERTURE

Réflexion doctrinale interarméesRDIA-2013/001_RS(2013)

N° 067/DEF/CICDE/NP du 19 avril 2013

Centre interarmées de concepts,

de doctrines et d’expérimentations

Réseaux sociauxNature et conséquences pour les forces armées

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Intitulée Réseaux sociaux : Nature et conséquences pour les forces armées, la Réflexion doctrinale interarmées (RDIA -2013/001) respecte les prescriptions de l’Allied Administrative Publication (AAP) 47(A) intitulée Allied Joint Doctrine Development). Elle applique également les règles décrites dans le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale (LRTUIN, ISBN 978-2-7433-0482-9) dont l’essentiel est disponible sur le site Internet www.imprimerienationale.fr ainsi que les prescriptions de l’Académie française. La jaquette de ce document a été réalisée par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE).

Attention : la seule version de référence de ce document est la copie électronique mise en ligne sur les sites Intradef et Internet du CICDE (http://www.cicde.defense.gouv.fr) dans la rubrique Corpus conceptuel et doctrinal interarmées !

Directeur de la publication

Vice-amiral Arnaud DE TARLÉ

21 place Joffre-BP 31 75 700 PARIS SP 07

Téléphone du secrétariat : 01.44.42.83.31 Fax du secrétariat : 04.44.42.82.72

Rédacteur en chef

Colonel (air) Laurent AUBIGNY

Auteurs

Document collaboratif placé sous la direction du Colonel Pascal FOUYET

Conception graphique

Maréchal des logis-chef (TA) Noeline Y BIOH-KNUL

Crédits photographiques

© Ministère de la défense

Imprimé par

EDIACAT

Section IMPRESSION 76 rue de la Talaudière-BP 508

42007 SAINT-ETIENNE cedex 1 Tél : 04 77 95 33 21 ou 04 77 95 33 25

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RDIA – 2013/001_RÉSEAUX SOCIAUX

RÉSEAUX SOCIAUX : NATURE ET CONSÉQUENCES POUR LES FORCES

ARMÉES

N° 067/DEF/CICDE/NP du 19 avril 2013

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Lettre de promulgation

Objet : Promulgation de la Réflexion doctrinale « Réseaux sociaux : nature et conséquences pour les forces armées ».

Références :

- Arrêté ministériel du 21 avril 2005 portant création du centre interarmées de concepts, doctrines et

expérimentations.

- Instruction n° 1239 DEF/EMA/GRH/OR du 20 juin 2006 relative à l’organisation et au fonctionnement du centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations.

La Réflexion doctrinale interarmées (RDIA 2013/001) Réseaux sociaux : nature et conséquences pour les forces armées, en date du 19 avril 2013, est promulguée.

Paris, le 19 avril 2013 N°067/DEF/CICDE/NP

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Préface

1. Les réseaux sociaux ont pris une dimension soudaine dans la vie quotidienne des individus et affectent durablement les domaines les plus divers comme la conduite des opérations militaires.

2. L’actualité opérationnelle la plus récente (opération Serval) rappelle ainsi que les armées n’échappent pas au phénomène, avec l’inondation de la page Facebook de l’Etat-major des armées de messages défavorables à nos opérations au Mali. Dans le domaine militaire, les réseaux sociaux sont ambivalents : ils peuvent être utilisés au profit de nos forces armées ou au profit des sources opposées.

3. La présente RDIA fait un point de situation sur les réseaux sociaux, et met en perspective les conséquences potentielles pour nos forces armées. Elle fait suite à une étude prospective et stratégique conduite en 2012 au profit du CICDE, portant sur la nature et les conséquences des réseaux sociaux pour les forces armées. Elle précède une étude complémentaire sur l’exploitation opérationnelle des réseaux sociaux.

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Sommaire

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Chapitre 1 - Panorama des réseaux sociaux .................................................................. 11

1.1. Le contexte............................................................................................................................. 11

1.1.1. Du réel au virtuel ...................................................................................................... 11 1.1.2. Du web 1.0 au web 4.0............................................................................................. 11 1.1.3. Un phénomène en croissance exponentielle............................................................ 12

1.2. Les innovations ...................................................................................................................... 13

1.2.1. Les changements majeurs ....................................................................................... 13

1.2.2. Les premiers constats .............................................................................................. 14

Chapitre 2 - Les armées face aux réseaux sociaux ....................................................... 17

2.1. Discerner les véritables risques.............................................................................................. 17 2.1.1. Les risques potentiels............................................................................................... 17 2.1.2. Une réalité moins anxiogène.................................................................................... 18

2.2. Exploiter les opportunités ....................................................................................................... 19 2.2.1. Utilisations opérationnelles....................................................................................... 19 2.2.2. Lien armées-nation................................................................................................... 19 2.2.3. Catastrophes naturelles et situations d’urgence humanitaire ................................... 20

2.3. Quelle stratégie adopter ? ...................................................................................................... 20 2.3.1. Difficultés.................................................................................................................. 20 2.3.2. Une stratégie de présence ....................................................................................... 21 2.3.3. Conséquences ......................................................................................................... 22

Résumé(quatrième de couverture) .................................................................................. 23

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Chapitre 1 Panorama des réseaux

sociaux

1.1. Le contexte

Les réseaux sociaux constituent un domaine en pleine expansion, dont le périmètre évolue en fonction des pratiques et des outils disponibles. Une définition recouvre souvent la description d’un usage.

1.1.1. Du réel au virtuel

Les réseaux sociaux ont toujours existé. L’expression « réseau social » a précédé la sphère Internet (la Toile) et a été l’objet d’études sociologiques dès les années 50. Un réseau social est alors défini comme un ensemble d’identités sociales telles que des individus ou des organisations, reliées entre elles par des interactions. Un réseau social représente une structure dynamique modélisée par des sommets (généralement les individus et/ou les organisations) et des arêtes (les interactions sociales).

Les réseaux sociaux deviennent virtuels avec Internet. Ils gagnent une nouvelle dimension rendue possible par l’extension mondiale de la Toile. Les réseaux sociaux recouvrent les différentes activités qui intègrent tant les interactions sociales proprement dites (entre individus ou groupes d’individus), que la technologie afférente ou la création de contenu.

Un réseau social désigne « un site Internet permettant à l’internaute de s’inscrire et d’y créer une carte d’identité virtuelle appelée le plus souvent « profil ». Le réseau est dit social en ce qu’il permet d’échanger avec les autres membres inscrits sur le même réseau : des messages publics ou privés, des liens hypertextes, des vidéos, des photos, des jeux,…L’ingrédient fondamental du réseau social reste cependant la possibilité d’ajouter des « amis », et de gérer ainsi une liste de contacts » 1.

Les réseaux sociaux font partie des « médias sociaux » regroupés au sein du web dit social. Le Web social est un espace de rencontre, de discussion où la relation prend le pas sur la donnée. Il regroupe des espaces divers dont le point commun est la possibilité d’interactions offerte aux internautes. Le phénomène des blogs (lieux de publication d’individus) et des forums de discussion (autour d’une thématique) confortent la nature intrinsèquement sociale du web.

Le web social ne constitue qu’une des subdivisions de la sphère Internet, avec le web documentaire (information statique des bases de données et sites documentaires) et le web de l’information (flux dynamique d’information). Les réseaux sociaux ne peuvent donc être confondus avec la Toile, les sites web traditionnels n’étant qu’une des manières d’appréhender l’information y circulant.

1.1.2. Du web 1.0 au web 4.0

Les évolutions techniques voire les révolutions technologiques, autorisant notamment des interactions plus rapides avec les pages Internet, ont permis la réelle émergence des réseaux sociaux. On est passé en quelques années du web 1.0 (l’internaute est un simple visiteur de pages statiques) au web 2.0 où l’internaute devient un contributeur participant activement au réseau.

Les supports matériels (ordinateurs, téléphones mobiles « intelligents » ou smartphones, tablettes, objets connectés) évoluent rapidement. L’accès par ordinateurs fixes s’efface au profit des systèmes nomades (smartphones, tablettes).

L’apparition de grandes plateformes commerciales à partir du milieu des années 2000 (ex : Facebook, Twitter, Google+) contribue au succès et à la mutation de l’utilisation du web. Faciles d’accès car leur utilisation est techniquement à la portée du plus grand nombre, ces plateformes permettent une production simplifiée de contenus et la création de groupes virtuels en quelques clics.

Du fait de leur utilisation massive, les plateformes aspirent les contenus et façonnent peu à peu les usages. Certaines plateformes sont ainsi devenues de véritables « écosystèmes » qui fédèrent les acteurs gravitant autour des réseaux sociaux, notamment les entreprises qui en vivent. On parle de web

2 Laurent Suply, « Définition : réseau social », Blog « Suivez le Geek », 1er janvier 2008.

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dans le web, la notion de réseaux sociaux faisant automatiquement référence à telle ou telle plateforme à l’audience planétaire.

Les API (Application Programming Interface) ou interfaces de programmation font le succès et l’originalité du web 2.0. Le plus souvent gratuits, ces petits outils informatiques permettent l’interconnexion des programmes et des systèmes d’informations les uns avec les autres, et de là l’interconnexion entre plateformes. Elles facilitent la libre circulation des données et la récupération de flux d’informations d’une plateforme à l’autre.

Ces interfaces sont des clés offrant un accès direct aux informations utiles dans la masse des données numériques en circulation (ex : application dans Facebook pour explorer le graphe social des utilisateurs). Elles permettent ainsi le partage, l’échange d’informations très hétérogènes, tant sur le fond que sur la forme : textes, photos, vidéos, liens, etc…

Les barrières entre web deviennent de plus en plus poreuses au fur et à mesure d’évolutions technologiques très rapides. Le web 2.0 est de plus en plus concurrencé par le Web 3.0 ou Mobile (systèmes nomades) Le Web 4.0 serait la synchronisation de tous les services du web et des technologies afférentes.

1.1.3. Un phénomène en croissance exponentielle

Du fait de l’émergence de grandes plateformes commerciales et de la facilité d’utilisation des nouvelles technologies, on assiste à une véritable démocratisation de l’usage du web via les réseaux sociaux.

En 2012, le taux de diffusion d’internet est de 74,3% de la population française. 36% des internautes se connectent quotidiennement à un réseau social, le taux de participation de la tranche des 12-17 ans étant de 77%. On estime que ce taux sera bientôt proche de 100% pour les classes d’âge les plus jeunes. Cette jeunesse numérisée ou « cybergénération » et autre « Génération Z » est surreprésentée dans l’utilisation des réseaux sociaux.

On note une accélération à partir de 2006, année d’ouverture à tous de la plateforme Facebook. En 2012, 25 millions d’internautes français utilisent cette plateforme (alors qu’ils n’étaient « que » 4 millions en 2008). Facebook est utilisé par 49% des internautes, arrivant ainsi en première place2.

Le temps passé sur les réseaux sociaux est de plus en plus important. La moitié des utilisateurs de Facebook en feraient un usage quotidien, le temps passé en moyenne étant de 405 minutes par mois3. La plupart des internautes parlent plus sur un réseau social que dans la vraie vie.

Des usages limités naguère à des minorités dans le web 1.0 (blogs, forums de discussion) sont devenus les pratiques quotidiennes du plus grand nombre. On passe d’un simple logiciel social (blog) à une plateforme relationnelle (microblogging4). Les nouveaux outils sont adoptés beaucoup plus rapidement par une partie des populations que par les structures étatiques ou les entreprises. Toutes les couches sociales sont concernées, en dépit du coût des nouveaux équipements.

Il existe une multitude de réseaux pour une pluralité d’usages : privés ou professionnels, futiles ou sérieux. Au choix, on peut mener des débats, décider ensemble, fédérer des groupes autour d’objectifs précis ou de thématiques générales, trouver des partenaires, jouer en ligne, organiser des manifestations, diffuser des idées, se faire recruter ou participer à l’élaboration d’une base de données, faire de la veille, partager une information, une expérience ou un événement, communiquer son expérience, etc...

Dans la nébuleuse des réseaux sociaux, une typologie de leur utilisation semble actuellement le moyen le plus pertinent pour tenter de les décrire :

- Partage (vidéos, photos, musiques,…)

- Publication (en mode collaboratif ou non)

- Localisation

2 Étude Ifop, octobre 2011. 3 Site gogulf.com, juin 2012. 4 Le Micro-blogging est une combinaison du blogging et du réseau social, par l’envoi de messages très courts.

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- Achat

- Jeu

- Rencontre (professionnelle, amicale)

Les interconnexions entre les plateformes permettent de passer aisément de l’un à l’autre de ces usages, par exemple en regroupant des messages géolocalisés sur une carte numérique.

Au gré de changements technologiques très rapides, de nouvelles pratiques émergent, d’autres plus anciennes évoluent. Sur Internet, le cycle de vie des produits et des sites est très court. Un site populaire aujourd’hui peut connaître une baisse d’activité soudaine, prélude à sa disparition avant son oubli total.

Les réseaux sociaux ne sont pas un simple phénomène de mode, bien que par ailleurs le modèle économique sous-jacent ne semble pas encore totalement stabilisé. Être sur un réseau permet d’activer un réseau relationnel et ne se réduit pas à une pulsion voyeuriste ou exhibitionniste. Un accroissement de l’usage des réseaux sociaux est fortement prévisible.

1.2. Les innovations

On parle d’innovation lorsque l’on fait mieux en faisant moins d’efforts et de façon différente, et pas uniquement en additionnant des « plus ». C’est le cas des réseaux sociaux qui ne constituent pas une version supplémentaire des médias traditionnels, émetteurs de messages uniques à destination de cibles. Un media social reste certes un canal de diffusion de l’information avec des supports traditionnels, mais dorénavant chacun est à la fois diffuseur et cible.

1.2.1. Les changements majeurs

Compression du temps : Avec la propagation accélérée des données, les informations sont obtenues en temps réel (plateforme Twitter). On peut ainsi être informé d’un tremblement de terre dans la minute qui suit, par un témoin direct, contre une vingtaine de minutes via les capteurs sismiques. En 1963, l’annonce de la mort du président Kennedy met plusieurs heures pour atteindre la France depuis les États-Unis. En 2009, l’annonce de la mort du chanteur Mickaël Jackson ne met que 3 secondes (un ambulancier témoin de l’événement « twitte » l’information).

Contraction de l’espace : Les internautes se jouent des frontières géographiques et des barrières physiques. L’intégration de plus en plus poussée des données disponibles sur le web permet une diffusion au plus grand nombre. Théoriquement les barrières linguistiques subsistent mais le choix d’un support adapté (vidéo, photo) permet de les contourner.

Communication horizontale : Le modèle traditionnel de l’émetteur central vers des récepteurs périphériques est caduc. On communique directement entre utilisateurs du réseau, de pairs à pairs, sans barrière hiérarchique. L’espace numérique est moins contraignant que l’espace social et désinhibe ainsi les relations. Une coopération s’installe dans une logique de partage de l’information ou de tâches dans le cadre d’un travail collaboratif.

Organisation décentralisée : La production et la diffusion de l’information est le fait de nombreux contributeurs. Chez les cyberactivistes et les groupes de pression, l’organisation est réduite à une simple cellule de base virtuelle animant un réseau et facilitant la production de contenu.

Interactivité : Les réseaux sociaux sont des espaces voués à l’interaction. Il est possible de réagir en temps réel, en instantané par rapport aux événements, de répondre aux questions et aux sollicitations, de mettre à jour une information. L’utilisation des technologies web permet de transformer les communications en dialogue interactif.

Permanence : Avec l’utilisation croissante des systèmes nomades le web est interrogeable à tout instant, sans limites d’accès depuis un bureau, privé ou professionnel5. Cette disponibilité permanente confère aux réseaux une réactivité instantanée débouchant sur l’immédiateté.

5 22,3 millions de Français se sont connectés à Internet via un mobile au 3è trimestre 2012. Médiamétrie/Net Rating.

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Technologie relationnelle6 : La diffusion d’informations et leur lecture sont orientées par les relations sur les réseaux. On accède de préférence aux informations diffusées par nos correspondants (« amis » sur Facebook, « followers » sur Twitter). Nos préférences guident nos accès à l’information, et vice versa. Nous naviguons dans le sillage de nos amis (mimétisme numérique) avec peut-être une perte de sens critique. Avec les réseaux sociaux personne n’accède aux mêmes informations, contrairement au web traditionnel.

Démocratisation de la production : La logique de simple messagerie s’oriente vers une logique de production. La séparation auparavant nette des activités de production d’informations de celles de transmission et de circulation, s’estompe avec l’intégration de logiciels dédiés au sein des plateformes (blogging, partage de photos).

Traces mnésiques : Les bavardages, les messages, les préférences affichées peuvent être cherchés, reproduits, commentés, partagés et ce bien après leur production initiale. Les réseaux deviennent des lieux de stockage des relations sociales dont ils gardent la mémoire.

1.2.2. Les premiers constats

Modification de la manière dont circule l’information.

Une information est désormais conçue pour être effectivement partagée avec d’autres individus. Ce partage donne de la valeur à l’information. En outre, la rapidité de propagation d’une information (et non sa rétention) lui donne une valeur supplémentaire.

L’information est partagée si elle est « saillante » parmi la masse des données en circulation. Elle doit faire le « buzz » sous peine de disparaitre instantanément, à moins de resurgir des mois plus tard. L’image a un impact plus fort qu’un texte. À ce titre, les vidéos sont un support de plus en plus utilisé. De format ludique, d’une durée généralement courte qui favorise le zapping, elles font plus facilement appel aux registres de l’affect (joie, émotion).

Au-delà de la qualité ou de l’originalité du support utilisé, le fond du message garde cependant toute son importance. Un message vide de sens n’aura qu’un impact limité

Les réseaux favorisent ceux qui partagent les liens ou qui démultiplient les relations, plutôt que ceux qui discutent ou qui ont des relations avec des groupes réduits.

Pouvoir d’influence des internautes.

Un internaute est reconnu si les informations qu’il diffuse sont reprises et partagées par le plus grand nombre, acquérant ainsi une « légitimité participative en ligne ».

Chaque individu devient un diffuseur, un vecteur des médias par sa capacité à capter l’attention sur telle ou telle information (rôle prescripteur), d’autant plus que les membres des réseaux sociaux sont en attente, voire à l’affût. Celui qui dirige l’attention vers une information est moins le média prescripteur que l’internaute sachant partager cette information avec d’autres internautes.

Cette capacité à partager l’information peut se transformer en capacité à animer un réseau, voire à mobiliser pour une cause. On assiste à des phénomènes de massification soudaine par agrégation rapide de publics se mobilisant pour des actions communes. Ces mouvements massifs et éclairs se limitent le plus souvent à des actions numériques : signer une pétition, partager une vidéo.

La légitimité d’un sujet est renforcée par l’activité qu’il crée, c'est-à-dire son audience sur les réseaux. Un blogueur ou un groupe de partage peut acquérir une audience très forte et un réel pouvoir d’influence. Les outils permettent de fédérer un groupe, un mouvement et d’être reconnu par les médias, voire les politiques. À l’inverse un prescripteur bien établi peut devenir totalement inaudible. Les audiences sont aléatoires et volatiles, car les contenus disponibles sur les réseaux sociaux sont pléthoriques.

Porosité entre médias traditionnels et médias sociaux.

La séparation entre médias dits traditionnels et réseaux sociaux est de moins en moins étanche. Les commentaires ou les critiques des médias sont repris par les réseaux et amplifiés. Les réseaux sociaux

6 Comprendre Facebook, Hubert Guillaud. Hubert Guillaud & publie.net, le 28/11/2011.

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constituent la source d’information principale pour beaucoup de gens, l’accès se faisant par suivisme des recommandations, par liens suggérés, documents partagés ou flux RSS7.

À l’inverse, dans certaines situations les réseaux sociaux constituent les seules sources d’information pour les journalistes, soit par l’existence d’une censure officielle bâillonnant les médias traditionnels, ou parce qu’il n’y a pas de journalistes sur le terrain pour des raisons de sécurité. Chaque individu connecté aux réseaux devient une source d’information potentielle.

L’information brute est diffusée instantanément sans le recul nécessaire à l’analyse, l’émotion pouvant l’emporter sur la raison. Les réseaux sociaux constituent un terrain favorable aux manipulations en tous genres et aux phénomènes de rumeurs et autres « légendes urbaines ».

Culture de la transparence.

Des pratiques plus autonomes et décentralisées, un accès facilité aux données numériques, engendrent le réflexe de consulter le web pour vérifier les informations. Les internautes n’hésitent pas à intervenir sur les réseaux, parfois en direct, pour apporter la contradiction à des politiques ou des journalistes. Le système collaboratif des bases de données du type « Wikipedia » est supposé garantir une plus grande fiabilité des informations. Cette confiance accrue dans le web, ajoutée parfois à un fondement originel libertaire voire frondeur, se fait au détriment des institutions.

Le contrôle étatique ou institutionnel traditionnel sur les flux d’information n’est plus aussi aisé qu’auparavant, même s’il reste techniquement possible.8 Les gouvernements n’ont plus le monopole des communications, il devient donc plus difficile d’imposer des messages voire des comportements normatifs. Les pratiques trop radicales en matière de régulation s’avèrent difficiles à mettre en œuvre. Les tentatives de censure sont techniquement vouées à l’échec, surtout dans une démocratie.

7 Flux Really Simple Sindication, technologie permettant de suivre facilement un flux d’information sans avoir la nécessité de s’y rendre

manuellement. 8 Peu de nations ont la capacité de faire de « l’ingérence numérique » c'est-à-dire de couper ou rétablir des liaisons internet/téléphoniques, ou

faire de la contre-subversion.

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Chapitre 2 Les armées face aux

réseaux sociaux

Les armées n’échappent pas à l’irruption des réseaux sociaux, la communauté militaire se les étant spontanément appropriés hors de toute initiative officielle.

2.1. Discerner les véritables risques

Face à un phénomène relativement récent ayant pris une ampleur quasi soudaine, le sentiment de perte de contrôle, les appréhensions et les réticences vis-à-vis des réseaux sociaux sont légitimes.

2.1.1. Les risques potentiels

Ils peuvent être une exacerbation des risques associés aux médias traditionnels ou inhérents aux bouleversements induits par les réseaux sociaux. Certains sont déjà des réalités opérationnelles et informationnelles, d’autres restent encore hypothétiques.

Techniques

Les réseaux sociaux font partie du champ informationnel numérique et appartiennent au cyberespace, nouvel espace d’affrontement. Ils peuvent être utilisés dans une perspective antagoniste car ils sont un champ de bataille potentiel : rapidité de concentration des attaquants, dispersion tout aussi rapide, vitesse de propagation de l’information, difficultés pour improviser une contre-attaque immédiate, difficultés d’application de la censure, etc.…

Les réseaux sociaux constituent une cible privilégiée des pirates et autres « hackers », du fait de la démocratisation des pratiques. Ils sont autant de vecteurs de propagation de logiciels malveillants, de virus, pouvant altérer la sécurité des données.

La divulgation d’informations personnelles donnant des indications sur l’environnement opérationnel (ex : géo localisation de l’unité d’appartenance, photo,..) peut compromettre le déroulement d’une mission ou mettre en jeu la sécurité des personnels. La mise en ligne involontaire d’une information sensible appartient également au champ des possibles.

La pratique du « data mining » (exploration de données) permet d’analyser le comportement des internautes en observant leurs pratiques du web. L’exploitation de « signaux faibles » à partir des informations générées par les réseaux sociaux et des traces mnésiques qu’elles laissent est une source de renseignement potentielle.

Les réseaux sociaux constituent également un terrain favorable aux opérations d’ingérence, aux rumeurs, aux actions de désinformation, de propagande et autres manipulations en tous genres.

L’usurpation d’identité par la création de faux profils, le piratage de comptes, sont des actions possibles dans un objectif de déstabilisation ou de renseignement. En Afghanistan, les insurgés talibans ont crée de faux profils féminins sur Facebook pour appâter des soldats des forces de l’OTAN.

Les réseaux sociaux offrent également des capacités de mobilisation « virtuelle » à des groupes hostiles à l’action des forces en opérations. Après une nouvelle attaque de drones au Pakistan, des activistes pakistanais ont créé un groupe de cyberdéfense noyant les sites de l’OTAN sous un déluge de commentaires, avec pour résultat leur paralysie.

On assiste par ailleurs à une privatisation de facto de l’espace public numérique par des opérateurs principalement étrangers, ceux-ci constituant des bases de données gardant la mémoire des flux d’information. Les États risquent une perte de souveraineté numérique.

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« Sociaux »

Le risque de confusion entre sphère privée et sphère publique par l’individu ou l’acteur institutionnel est chose aisée. Mettre en ligne un message de nature humoristique ou autre à des fins privées mais dans le cadre d’une situation professionnelle, peut constituer une atteinte à « l’e-réputation » de l’institution d’appartenance et avoir des répercutions désastreuses en termes d’image9. Or le militaire est le représentant d’une institution.

Les débordements par des proches de militaires, pour des actions de revendication et de mobilisation sur les réseaux sociaux peuvent court-circuiter les organismes officiels en charge de ces questions. Symptômes d’un problème plus profond, ces mobilisations permettent de dénoncer les dysfonctionnements dont on estime qu’ils sont insuffisamment pris en compte par la hiérarchie. Les réseaux sociaux constituent à la fois une source d’information alternative aux réseaux officiels, jugés peu fiables ou incomplets, et un exutoire où il est possible de protester tout en restant anonyme. Au-delà de la sensibilisation de la hiérarchie, l’usage des réseaux permet l’accès aux médias, voire aux politiques, procurant en outre une forme de reconnaissance médiatique et sociale aux administrateurs de forum10.

Du fait de l’utilisation massive des réseaux sociaux par les classes d’âge les plus jeunes, les armées recruteront de plus en plus dans le vivier des « natifs numériques ». Or les générations précédentes, même les plus proches, n’ont pas forcément un rapport identique aux réseaux sociaux. Un double phénomène d’exclusion est possible. À court terme, une incompréhension vis-à-vis des nouvelles générations peut accentuer le phénomène d’attrition parmi les jeunes recrues. À plus long terme, une fracture numérique générationnelle s’instaure avec les risques de décrochage et d’exclusion, cette fois-ci, des non membres.

En temps de crise, une immédiateté dans la transmission de l’information liée à la forte réactivité des réseaux peut prendre de vitesse les dispositifs classiques de la communication institutionnelle et contribuer à la perte de légitimité de celle-ci (apprendre via les réseaux sociaux la mort d’un conjoint sur un théâtre d’opérations avant toute annonce officielle peut avoir un effet dévastateur). Avec la médiatisation des pertes sur les théâtres d’opérations, il a été constaté que l’élan de sympathie suscité sur les réseaux sociaux par la mort d’un soldat était doublé d’une défiance accrue envers les institutions11.

2.1.2. Une réalité moins anxiogène

Les moyens techniques pour limiter les risques existent cependant : paramètres de confidentialité, désactivation ou suppression d’un compte, désactivation de la fonction de géo-localisation, restriction de l’accès aux informations, suppression de pages ou de liens. Il est également possible pour les administrateurs de filtrer, par vérification du profil, l’accès aux groupes qui deviennent « fermés », voire d’exclure un membre du réseau.

Les prérogatives des États souverains vis-à-vis des sociétés commerciales n’ont pas totalement disparu. Le contrôle étatique de la gestion des flux d’information peut s’exercer par l’obtention de données sur des internautes ou le retrait de contenus jugés diffamatoires, posant des problèmes de sécurité ou de protection de données privées, montrant des scènes violentes ou à caractère pornographique, etc.

Les internautes font preuve d’une maturité technologique au fur et à mesure de leur pratique plus avancée des réseaux (utilisation avisée des fonctionnalités), ainsi que d’une maturité psychologique accrue avec l’âge. La résurgence fortuite d’informations du domaine privé, alors qu’elles étaient théoriquement effacées depuis des années, et leur diffusion au plus grand nombre, ont des vertus pédagogiques certaines auprès des utilisateurs incités ainsi à une plus grande prudence.

Cette prudence est partagée par les internautes militaires. Conscients de l’encadrement de leur droit d’expression, ils respectent les mises en garde de l’institution militaire sur les impératifs de discrétion, de protection du secret et de l’obligation de neutralité. Les internautes militaires vivent facilement cette supposée dissonance entre la liberté de ton et d’expression inhérente aux réseaux sociaux, et le fait d’être soumis au devoir de réserve. Celui-ci est globalement bien respecté.

Les groupes de soutien ou de mobilisation au sein de la communauté de défense font, quant à eux, généralement preuve d’une autorégulation dans leurs pratiques, afin d’éviter tout débordement ou toute surenchère pouvant se retourner contre la communauté militaire. Les règles de sécurité sont

9 Exemple du scandale dit de l’« urinegate », vidéo en ligne montrant des soldats américains urinant sur des cadavres de Talibans. 10 Les dysfonctionnements récurrents du logiciel Louvois en 2011-2012 sont à l’origine de nombreuses mobilisations virtuelles…et réelles. 11 Étude Spintank-IFRI « Nature et conséquences des réseaux sociaux pour les forces armées », septembre 2012.

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régulièrement rappelées, les critiques sont en général modérées, sauf pour une mobilisation spécifique. En outre, administrer un groupe demande du temps. Beaucoup de groupes disparaissent aussi rapidement qu’ils sont apparus.

2.2. Exploiter les opportunités

Certes les risques liés à la pratique des réseaux sociaux sont réels mais ils ne doivent aucunement inhiber l’utilisation de leurs potentialités. Des exemples illustrent déjà certaines possibilités offertes par les réseaux sociaux, tant dans les domaines opérationnels qu’organiques.

2.2.1. Utilisations opérationnelles

Les réseaux sociaux peuvent constituer un réseau supplémentaire de communication, en faisant circuler l’information et en partageant des données (ex : images vidéo en ligne captées par un drone) entre les différents états-majors et unités sur les théâtres d’opérations. L’évolution de la situation tactique peut être portée à la connaissance du plus grand nombre en temps réel.

Le partage d’expérience bénéficie également des potentialités des réseaux avec l’apparition de blogs et de contributions dédiés au retour d’expérience12. Aux États-Unis ce travail collaboratif sur un mode interactif débouche déjà sur la rédaction de documents du niveau tactique (« wiki doctrine »).

Les réseaux sont un outil majeur pour la communication opérationnelle (COMOPS). Lors de l’opération « Pilier de défense » de novembre 2012, les Forces de défense israéliennes ont utilisé de façon proactive le réseau Twitter en informant en temps réel les internautes de l’évolution des opérations. Le mouvement palestinien du Hamas n’était pas en reste d’ailleurs. Les deux protagonistes diffusaient sur les réseaux sociaux leurs versions des faits respectives, le succès étant au rendez-vous avec un accroissement consécutif des audiences des comptes Twitter du Hamas et de Tsahal.

Comme tout support de communication, auquel s’ajoute ici une dimension sociale majeure avec le partage de données à connotation psychologique (préférences, émotions), les réseaux sociaux constituent un outil de choix pour les opérations militaires d’influence (OMI). Lors de l’opération évoquée ci-dessus, l’armée israélienne adressait des messages aux dirigeants du Hamas via Twitter dans le cadre d’une manœuvre d’influence.

Dans le cadre d’une mise en œuvre de l’approche globale dans la conduite des opérations, les réseaux sociaux sont adaptés à la complexité de l’environnement et à la difficulté d’interagir avec celui-ci. Ils peuvent favoriser les relations avec des partenaires extérieurs aux forces armées. En 2009 en Somalie, une unité CIMIC13 de l’US Navy était entrée en contact avec des ONG locales, via Facebook, pour désamorcer les tensions en amont et préparer le terrain à son action.

Ils constituent une source de renseignement à ne pas négliger. Pendant les opérations en Libye en 2011, les informations provenant d’un site de suivi du trafic aérien étaient corrélées avec les annonces de frappes sur le réseau Twitter en temps réel. Les différents belligérants pouvaient ainsi se renseigner sur les opérations aériennes menées par les forces de l’OTAN14.

La fonction ciblage (targeting) peut également faire appel aux possibilités offertes par les réseaux sociaux, avec l’envoi instantané de vidéos par des personnels, militaires ou civils, présents sur le terrain confirmant ou non les frappes. Cette possibilité a été utilisée indirectement en Libye en 2011 : pour mettre un terme à des tirs fratricides de l’OTAN sur des chars aux mains de leurs alliés libyens, ceux-ci ont fait passer le message via les réseaux sociaux en réagissant instantanément.

2.2.2. Lien armées-nation

Les militaires et leurs proches ont bien investi la sphère des réseaux sociaux, surtout lors des opérations extérieures (OPEX) par volonté de garder un lien, compte tenu de l’éloignement et des risques. Ces pratiques sont venues s’ajouter aux traditionnels blogs et profils dédiés militaires permettant de communiquer sur soi, son métier, son expérience.

12 Type forum professionnel CompanyCommand aux États-Unis. 13 CIMIC : coopération civilo-militaire. 14 Le site de suivi du trafic a été rapidement fermé à la suite de ce constat.

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Les partages virtuels d’expérience, selon la logique de regroupement d’individus ayant un centre d’intérêt commun, contribuent au soutien mutuel entre membres. On se connecte à d’autres personnes qui nous ressemblent. Cela cimente les groupes virtuels et de là une partie de la communauté militaire. Les relations numériques étant le reflet des relations sociales, les groupes « virtuels » sont souvent juxtaposés aux groupes d’appartenance15. Par ailleurs une forme de soutien psychologique « domestique » s’instaure au bénéfice des familles.

Au-delà du cercle des proches des militaires, des sites de soutien aux soldats en opérations ont été créés. Issus d’initiatives privées hors de tout contrôle officiel, ils sont apparus en réaction aux critiques sur le manque de soutien de la part de la communauté nationale illustrant au passage la faiblesse du lien armées-nation16.

Les formes virtuelles (messages de soutien, partage d’information sur le théâtre considéré ou sur des thématiques Défense) peuvent engendrer l’organisation d’actions concrètes (envoi de colis, de dessins). Des solidarités virtuelles apparaissent, notamment en cas de soutien à un soldat blessé en particulier.

Lors du décès d’un soldat il y a un accroissement du volume des discussions et du partage des émotions. Les hommages en ligne (texte, photo, vidéo) débouchent parfois sur des actions concrètes (minute de silence). Les « Nets mémoriaux » ou livres de condoléances virtuels procurent une réelle force à l’hommage en ligne : leur production est paradoxalement faite pour durer, là où un hommage traditionnel s’estompe dès la cérémonie terminée.

Le phénomène de soutien aux soldats en opérations est plus récent en France par rapport aux États-Unis, où les vidéos de type « welcome home » diffusant des scènes de retrouvailles familiales au retour des missions, obtiennent un réel succès sur les réseaux ainsi qu’une légitimité au sein de la communauté militaire. Cet engouement débouche notamment sur le versement de dons à des associations d’entraide de la communauté militaire via la publicité sur les blogs.

2.2.3. Catastrophes naturelles et situations d’urgence humanitaire

Dans ce domaine d’intervention, les réseaux sont utilisés soit sur un mode passif (diffusion d’informations pour pallier les destructions des infrastructures de communication), soit de manière proactive en tant qu’outil de gestion de crise (diffusion de messages d’alerte, réception des demandes de secours, géo-localisation des victimes, conduite des opérations, estimation des dommages et des victimes).

Les populations victimes des catastrophes constituent une source d’information de premier ordre du fait de leur répartition sur le terrain. La géo-localisation des « tweets » de secours et leur regroupement sur une carte digitale permet de collecter les données, de définir les zones les plus touchées et de cibler les actions d’urgence.

Le passage de l’ouragan Sandy sur la côte Est des États-Unis (octobre 2012) a confirmé les fonctions de témoignage (530 000 photos partagées sur Instagram17), d’information des populations par les autorités, les services de secours, et de collaboration interactive des réseaux sociaux (carte synthétique des données pour suivre en direct l’avancée de l’ouragan).

2.3. Quelle stratégie adopter ?

Les réseaux sociaux sont ambivalents, les potentialités pour nos forces côtoient des risques avérés, alors que le domaine est encore à défricher. La question de la présence officielle des armées sur les réseaux sociaux ne se pose plus, le déni du phénomène ne peut être la bonne réponse. Il faut dès lors tenter de définir une stratégie: y aller oui, mais pourquoi et comment ?

2.3.1. Difficultés

Du fait des mutations technologiques et de l’évolution dynamique des pratiques, et de la nouveauté du phénomène, il est actuellement difficile de faire de la prospective en la matière et de définir une stratégie à long terme. Tout va très vite sans que l’on sache encore avec précision ce vers quoi on se dirige. Toutes les potentialités techniques n’ont sûrement pas été exploitées.

15 Une étude (2009) menée par Facebook a identifié en moyenne une dizaine de contacts actifs parmi la centaine d’ « amis ». 16 En France, le groupe créé sur Facebook « Soutien aux soldats français en Afghanistan » a compté jusqu’à 93 000 membres. 17 Réseau de partage de photographies.

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On manque encore de recul pour mesurer avec précision l’impact futur des réseaux sociaux, par exemple sur les relations interpersonnelles au sein des groupes militaires. Va-t-on vers une individualisation croissante ou au contraire un renforcement de la cohésion ? Le rapprochement avec les familles grâce aux réseaux sociaux, en dépit de l’éloignement géographique, a-t-il des effets positifs sur le moral ? Oui sans doute, mais le temps passé devant un écran peut se faire au détriment de celui passé au sein de la communauté. Les interactions au sein des groupes virtuels et réels se combinent, se juxtaposent ou s’opposent dans une dynamique permanente.

Il est tout aussi difficile actuellement de mesurer l’impact réel d’une présence institutionnelle sur les réseaux sociaux. Il faut donc accepter de tâtonner face à un phénomène dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences.

La problématique se pose en termes identiques pour la plupart des institutions, des entreprises qui investissent l’espace numérique. Celles-ci ont du mal à se positionner et à définir une stratégie souvent réorientée au jour le jour face aux réactions des réseaux. Il est difficile de maintenir l’intérêt des fans (consommateurs potentiels) pour une marque. Créer le « buzz » sur les réseaux ne suffit pas et ne peut aucunement constituer une stratégie viable et pérenne.

2.3.2. Une stratégie de présence

Une présence officielle est à la fois un moyen et une fin en soi : l’important est bien d’être présent. Même s’il est difficile de suivre la dynamique en œuvre sur les réseaux sociaux, être présent ne signifie nullement développer un activisme débridé.

Cette stratégie de présence évite le décrochage numérique, notamment vis-à-vis de la communauté internaute militaire. Elle empêche les éventuelles usurpations d’identité numérique (faux sites officiels) et assure une fonction de veille permanente.

La veille permet de faire face aux risques potentiels en matière d’ingérence ou de protection de l’information, de réagir aux phénomènes de rumeurs, aux informations erronées ou inadaptées, aux messages négatifs. Un retour d’expérience en ligne informe en temps réel des évolutions techniques, des pratiques à des fins privées ou institutionnelles, opérationnelles ou autres, tant en France qu’à l’étranger.

La veille sociale ou « Social Media Monitoring » permet quant à elle de déceler les signes avant-coureurs d’une crise possible au sein des armées. La fréquence d’utilisation des réseaux sociaux augmente lorsque des dysfonctionnements apparaissent. La mise en lien avec les organisateurs des forums, les leaders des groupes, les « animateurs de communauté » (Community manager) peut suffire à désamorcer les crises, dans l’attente d’un règlement de fond du dossier.

La présence officielle doit d’autant être renforcée qu’elle est déjà une réalité au sein de la communauté militaire. Il est impossible et de surcroit inutile de vouloir interdire la présence des internautes militaires sur les réseaux sociaux18. Il s’agit dès lors d’accompagner le mouvement et laisser respirer le corps social militaire : les blogs, les groupes virtuels de mobilisation ont des vertus cathartiques qui permettent d’évacuer les insatisfactions du moment.

Cette stratégie peut contribuer au renforcement du lien armées-nation en structurant dans un premier temps la communauté de défense, par le partage et l’échange d’informations, la mobilisation sur des thèmes fédérateurs ou lors d’événements particuliers. Elle s’appuie prioritairement sur les blogs, les profils et les groupes virtuels de la communauté de défense (militaires, proches, « amis » ou « followers »). Par l’interconnexion entre plateformes débouchant sur une forme de « capillarité numérique », les problématiques liées à la défense peuvent peu à peu irriguer les échanges sur les réseaux.

Une présence permanente facilitera d’autant la compréhension de la problématique des réseaux sociaux et l’identification précise de leurs potentialités dans le domaine des applications opérationnelles : maîtrise et exploitation de l’information, renseignement, communication opérationnelle, partage d’expérience, soutien psychologique, opérations d’influence, etc... Certaines pratiques constituent déjà une réalité pour certaines armées étrangères ou des acteurs non étatiques. Nos forces armées ne peuvent donc les négliger ou pire les ignorer.

18 Les personnels militaires américains sont encouragés à s’impliquer dans les réseaux sociaux. Il en est de même dans l’armée britannique,

après une interdiction initiale vite levée. En Chine, les réseaux sociaux sont interdits aux militaires.

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Par ailleurs les nouveaux territoires numériques constituent indubitablement des champs d’adhésion et d’influence qu’il s’agit d’exploiter à bon escient, même si les réseaux sociaux ne peuvent en constituer les vecteurs uniques.

2.3.3. Conséquences

Cette stratégie de présence passe d’abord par la poursuite d’une politique de prévention et de sensibilisation aux risques des réseaux sociaux qui est, à ce jour, bien respectée19. Cette politique peut être prolongée par des actions d’information voire de formation pour les cadres de contact absents des réseaux sociaux, afin d’éviter les risques de fractures numériques générationnelles.

Les armées doivent continuer à investir le champ des réseaux sociaux, en développant notamment une capacité de veille, d’analyse et de réaction avec les moyens adéquats. De nombreuses recommandations ont déjà été faites, concernant l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux, tant officielle que privée par les militaires ou leurs proches, et débouchant sur des propositions concrètes20. Par ailleurs les armées possèdent déjà un savoir-faire reconnu en matière de recrutement via les réseaux sociaux.

Le caractère social des réseaux dépasse la simple fonction de diffusion de messages des médias traditionnels, leur gestion ne peut donc être assimilée aux relations publiques d’antan. Elle ne peut pas non plus être confiée uniquement aux seuls spécialistes de l’information, la pratique des réseaux étant à la portée de tous.

La communication officielle doit elle-même s’adapter. Blogs et forums publient généralement les informations avant celle-ci. Elle doit gagner en réactivité, surtout lors d’événements sensibles, et s’engager dans une dynamique conversationnelle, même si l’exercice demeure difficile.

La simple logique d‘échange doit s’effacer au profit d’une aptitude à capter l’attention, afin de partager sur les réseaux sociaux des contenus ayant un fort impact. Cette capacité à attirer l’attention impose de réfléchir au contenu et à la forme du message, de faire preuve de créativité. La diversité des sujets (opérations extérieures en cours, équipements) donne matière à créer l’attention en ligne, notamment auprès des plus jeunes. On retrouve ainsi une certaine marge d’initiative.

Une utilisation des réseaux sociaux à des fins opérationnelles nécessitera un corpus doctrinal. Il s’agira notamment de trouver le juste équilibre entre les potentialités interactives des réseaux et le respect des impératifs fondamentaux de la conduite des opérations.

À ce titre, les armées doivent entamer ou poursuivre les réflexions en la matière, en impliquant tous les acteurs potentiellement concernés, qu’ils appartiennent aux domaines spécialisés (renseignement, opérations militaires d’influence, communication) ou à celui des forces en général.

Sur le plan technique, il peut être envisagé le développement d’interfaces de programmation (API) ou de fonctionnalités répondant aux besoins spécifiques des armées. Elles seraient autant de liens virtuels pour canaliser et partager l’information dans un cadre sécurisé.

19 « Guide sur l’usage des réseaux sociaux » de la DICoD. 20 « Rapport relatif à l’action opérationnelle et les médias sociaux » de l’Inspection générale des armées, octobre 2012.

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Résumé(quatrième de couverture)

1. Les réseaux sociaux constituent un phénomène en pleine expansion grâce aux progrès des technologies de l’information et de la communication, et à l’apparition de puissants opérateurs commerciaux, rendant leur usage à la portée du plus grand nombre pour les utilisations les plus variées. Ils permettent la mise en relation d’une multitude d’internautes partageant les mêmes centres d’intérêt ou une curiosité ponctuelle.

2. Au-delà de la compression inédite du temps et de l’espace, les réseaux sociaux bouleversent les circuits traditionnels de la communication : une information a de l’importance si elle partagée, commentée, retransmise par le plus grand nombre d’internautes. Ceux-ci peuvent acquérir un pouvoir d’influence en fédérant des groupes virtuels sur un sujet précis ou une thématique plus générale, et remettre en cause toute information de source officielle considérée comme non légitime.

3. Les nouvelles formes de circulation de l’information induites par les réseaux sociaux recèlent des risques certains pour les armées : ingérence voire intrusion numériques, divulgation de données sensibles, mobilisations d’internautes militaires hors de tout contrôle hiérarchique, difficulté à conduire une communication de crise. Les pratiques actuellement constatées permettent cependant de relativiser les appréhensions.

4. Les réseaux sociaux offrent également de nombreuses opportunités pour nos forces, tant dans le domaine opérationnel (communication opérationnelle, opérations militaires d’influence, ciblage,…) que dans des domaines sociétaux (renforcement du lien armées-nation).

5. Phénomène complexe et dynamique, les réseaux sociaux n’ont sûrement pas livré toutes leurs potentialités et l’on manque encore de recul pour en tirer toutes les conséquences. Néanmoins, nos forces armées doivent résolument occuper le terrain des réseaux sociaux pour faire face aux risques potentiels, encadrer les pratiques émergentes au sein de la communauté internaute militaire et saisir les opportunités en matière opérationnelle.

Par principe, le CICDE ne gère aucune bibliothèque physique et ne diffuse aucun document sous forme papier. Il met à la disposition du public une bibliothèque virtuelle unique réactualisée en permanence. Les documents classifiés ne peuvent être téléchargés que sur des réseaux protégés.

La version électronique de ce document est en ligne sur les sites Intradef et Internet du CICDE àl’adresse htpp://www.cicde.defense.gouv.fr à la rubrique Corpus conceptuel et doctrinal interarmées français (CCDIA-FRA).

RésuméRDIA-2013/001_RS(2013)

1. Les réseaux sociaux constituent un phénomène en pleine expansion grâce aux progrès des technologies de l’information et de la communication, et à l’apparition de puissants opérateurs commerciaux, rendant leur usage à la portée du plus grand nombre pour les utilisations les plus variées. Ils permettent la mise en relation d’une multitude d’internautes partageant les mêmes centres d’intérêt ou une curiosité ponctuelle.

2. Au-delà de la compression inédite du temps et de l’espace, les réseaux sociaux bouleversent les circuits traditionnels de la communication : une information a de l’importance si elle partagée, commentée, retransmise par le plus grand nombre d’internautes. Ceux-ci peuvent acquérir un pouvoir d’influence en fédérant des groupes virtuels sur un sujet précis ou une thématique plus générale, et remettre en cause toute information de source officielle considérée comme non légitime.

3. Les nouvelles formes de circulation de l’information induites par les réseaux sociaux recèlent des risques certains pour les armées : ingérence voire intrusion numériques, divulgation de données sensibles, mobilisations d’internautes militaires hors de tout contrôle hiérarchique, difficulté à conduire une communication de crise. Les pratiques actuellement constatées permettent cependant de relativiser les appréhensions.

4. Les réseaux sociaux offrent également de nombreuses opportunités pour nos forces, tant dans le domaine opérationnel (communication opérationnelle, opérations militaires d’influence, ciblage,…) que dans des domaines sociétaux (renforcement du lien armées-nation).

5. Phénomène complexe et dynamique, les réseaux sociaux n’ont sûrement pas livré toutes leurs potentialités et l’on manque encore de recul pour en tirer toutes les conséquences. Néanmoins, nos forces armées doivent résolument occuper le terrain des réseaux sociaux pour faire face aux risques potentiels, encadrer les pratiques émergentes au sein de la communauté internaute militaire et saisir les opportunités en matière opérationnelle.

Ce document est un produit réalisé par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE), Organisme interarmées (OIA) œuvrant au profit de l’État-major des armées (EMA). Point de contact :

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