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Sortir du nucléaire www.sortirdunucleaire.org n°65 | mai 2015 | 3 Actualités du nucléaire et de ses alternatives Réseau “Sortir du nucléaire” 9 rue Dumenge 69317 Lyon cedex 04 Tél. : 04 78 28 29 22 Fédération de 926 associations agréée pour la protection de l’environnement

Revue Sortir du nucléaire 65

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Réseau Sortir du nucléaire

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  • Sortir du nuclaire

    www.sortirdunucleaire.org n65 | mai 2015 | 3

    Actualits du nuclaire et de ses alternatives

    Rseau Sortir du nuclaire 9 rue Dumenge 69317 Lyon cedex 04 Tl. : 04 78 28 29 22Fdration de 926 associations agre pour la protection de lenvironnement

  • Photo de couverture : Goin

    SommaireNarbonne, cit nuclaire P. 3

    Les ouvriers victimesdes armes nuclaires P. 7

    Leucmies infantilesprs des centrales P. 8

    Actions et vie des groupes P. 10

    Ernest Sternglass,un grand adversaire du nuclaire P. 14

    Vite, des infos ! P. 15

    Les rfugis nuclaires, 4 ans aprs P. 16

    Russie : les antinuclairesrprims comme "agents de l'tranger" P. 18

    Inde : Tarapur,ville martyre du nuclaire P. 20

    La sortie du nuclairemarque des points ! P. 22

    Vhicules lectriques : la vlomobile,80 fois plus efficace que la voiture P. 26

    Une cooprative citoyenne l'assaut de la Bastille de l'nergie P. 29

    Goin : distribution de claquesvisuelles dans l'espace public P. 31

    lire, voir, offrir P. 32

    Dcouvrez l'quipedu Rseau "Sortir du nuclaire" ! P. 34

    vos agendas pourles prochaines mobilisations ! P. 36

    Sortir du nuclaire n65page 2

    4,8 milliards deuros. Cest le montantdes pertes dvoiles par Areva dbutmars, rsultat dune mauvaise gestion,dinvestissements catastrophiqueset surtout du dclin gnral dunuclaire dans le monde. Dans de tellesconditions, nimporte quelle autreentreprise aurait d mettre la cl sousla porte. Mais en France comme enRussie (lire p.17) la protection delindustrie nuclaire est leve au rangde cause nationale, quitte passeroutre les problmes financiers et lesenjeux de sret !

    Il faut craindre que le sauvetagedAreva passe par un soutien de ltat,mais aussi par des mesures daustritaux frais des travailleurs, et donc dela sret : rduction massive depersonnel et accroissement de la sous-traitance. On peut sattendre unemultiplication des "incidents" et une dgradation inquitante desconditions de travail, aggravant le sortdj difficile des travailleurs les plusexposs de lindustrie nuclaire (lirep.3 et p.21).

    Par ailleurs, les projets de restructurationqui se profilent (rapprochement entreEDF et Areva) pourraient impacterles comptes dEDF, qui a djdimportantes difficults pourprovisionner les sommes destines payer le dmantlement et la futuregestion des dchets et donc serpercuter indirectement sur lesfactures dlectricit. Et les nouveauxproblmes rcemment dtects sur lechantier de lEPR (lire p.22) risquentdalourdir encore la note !

    La seule solution la crise de cetteindustrie mortifre : sortir du nuclaireet amorcer le virage vers les alternatives,comme le font dj certains citoyensrunis en cooprative (lire p.29), enprparant la reconversion des travail-leurs du nuclaire dans le dmantle-ment des installations et surtout lesnergies renouvelables, les conomiesdnergie et l'efficacit nergtique.Un scnario ralis par lAgence delenvironnement et de la matrise delnergie vient dailleurs de dmontrerquune France alimente en lectricit 100 % d'origine renouvelable tait unobjectif tout fait raliste et pas pluscoteux que le maintien du nuclaire.Mais au lieu de sen saisir, le ministrede lEnvironnement a tent dempcherla publication de ce scnario ! (lire p.22)

    Plus que jamais, mobilisons-nouscontre cette politique nergtiquertrograde, et exigeons que notre paysfasse enfin des choix davenir ! Et pourcommencer, mettons tout en uvrepour obtenir la fermeture sans dlai dela centrale de Fessenheim

    Le Rseau "Sortir du nuclaire"

    Qui paiera le crash dAreva ?

    JanBecker

    ditorial

    Mentions lgales :Revue trimestrielle Sortir du nuclaire n65Mai 2015 - Dpt lgal parution.Abonnez-vous pour un an (4 numros) :12, ou 20 en soutiensur http://boutique.sortirdunucleaire.orgOu courrier : Rseau Sortir du nuclaire9 rue Dumenge, 69317 Lyon Cedex 04(chque lordre de Sortir du nuclaire)Directeur de publication : Patrice Bouveret.Rdaction en chef : Xavier Rabilloud.Corrections : Myriam Battarel.Maquette : Wladimir Qunu.CPPAP : 0618 G 83296 ISSN : 1276-342 X

    Tirage : 15 000 exemplaires.Imprim par Brailly (69) sur papier 100 % recyclavec des encres base vgtale.

    Retrouvez toute lactualit sur :www.sortirdunucleaire.org

    La reproduction darticles est autorise et vivementconseille sous rserve den indiquer la source et lenom des auteurs.

    Faites comme le Rseau Sortir du nuclaire ensouscrivant l'offre dlectricit 100 % doriginerenouvelable, garantie sans nuclaire, fournie parEnercoop : http://www.enercoop.org

    En supplment ce numro : 1 bulletin de rabonnement, 1 autorisation de prlvement

  • Aprs des mois de mobilisations, des centainesd'heures passes en enqute et en vigie, desmilliers de tracts distribus, deux blocages russis,un procs gagn, une plainte contre Areva dpose,la journe d'information du 21 fvrier au Palais dutravail de Narbonne a fait le plein. Dans la salle,beaucoup de Narbonnais-es avides d'information,des intervenant-e-s de qualit - forcment touteset tous concern-e-s - et mme un ingnieur desmines d'Areva et des travailleurs venus tmoigner,runis pour un moment dchanges et de dbatsautour de lusine, des installations nuclaires, desmines, des transports et des dchets.

    Lintervention de Bruno Chareyron, ingnieur enphysique nuclaire la Criirad 1, a permis de rpondreaux interrogations de la population sur lactivit deMalvsi, ainsi que sur les dangers de la radioactivitet des transports de matires radioactives quientrent et sortent de l'usine. Puis les trois tablesrondes ont permis d'approfondir certains sujets etd'changer en petits groupes (Voir encadr).

    Filire nuclaire

    page 3Sortir du nuclaire n65

    Quels sont les impacts et risques autour de Malvsi ?Trs insignifiants si lon en croit Areva au vu desanalyses de la Criirad, Bruno Chareyron est bienplus circonspect. Dommage que l'exploitant n'aitpas daign rpondre notre invitation, nousaurions eu pas mal de questions lui poser...

    Malvsi, la plus grande usine

    de conversion de l'uranium au monde

    Cre en 1958 aux portes de Narbonne, Malvsi afait partie de la socit Comurhex (filiale dAreva)jusquen 2014, et est aujourdhui intgre au seind'Areva NC. Elle emploie environ 280 salarispermanents et 300 sous-traitants. C'est ici qu'estralise la premire tape de conversion du mineraiduranium son arrive en France. Environ 14 000tonnes duranium y sont traites chaque anne etle projet dextension Comurhex II, en cours deralisation, entend porter ce tonnage 21 000tonnes. Au total, Malvsi traite environ un quart deluranium mondial 2. On est bien loin de la petiteusine locale laquelle les exploitants successifs ontvoulu faire croire.

    Un risque chimique et radioactif

    Le traitement de luranium met en uvre diversproduits toxiques dont lammoniac et le trsdangereux acide fluorhydrique. L'usine est d'ailleursclasse "Seveso seuil haut", du fait de ce risquechimique.

    Si la communication bien huile de l'exploitanta tendance le faire oublier, elle est galement etavant tout une usine atomique. Sur le site, sontralises de multiples manipulations et oprationsde transformation de l'uranium et 20 000 tonnesde concentr duranium - qui contient 70 75%duranium y sont entreposes l'air libre dans desimples fts mtalliques. Ce concentr est radioactifet met des radiations dont les plus puissantes sontles rayons gamma (qui traversent la paroi des ftset parcourent jusqu quelques centaines demtres) et les particules alpha.

    Des taux de radiations inquitants

    Les mesures de la Criirad effectues en 2006 et 2014ont relev des taux de radiations suprieurs la

    Narbonne, cit nuclaireLongtemps mconnue, lusine Areva-Comurhex de Malvsi, Narbonne, est la porte dentredu nuclaire franais et dun quart de luranium utilis dans le monde. Depuis deuxans, les groupes et militant-e-s du Rseau font monter la pression sur l'exploitant et semobilisent pour mettre fin au secret qui entoure le site, dnoncer et sensibiliser sur lesrisques que fait courir cette installation aux travailleurs et la population et apporter undcryptage de la chane complexe - de luranium. Le 21 fvrier dernier, Narbonne,rendez-vous tait donn pour une journe d'information sur la Comurhex-Malvsi et surl'industrie nuclaire, de la mine jusqu'aux dchets !

    DidierLatorre

    Notes :

    1 : Commission de Recherche etdInformation Indpendantes surla Radioactivit

    2 : 100 % de luranium utilis enFrance passent par Malvsi et 40 %du volume trait Malvsi sontdestins l'exportation.

    L'usine de Malvsi contamine l'environnement

    Atelierdu

    Nom

    ansland

    Bruno Chareyron

    Andr

    Paris

    Vue gnrale de l'usine de Malvsi,avec le parc de stockage des ftsau premier plan.

  • normale jusqu 280 mtres de la clture qui longe ledpt de fts. Contre la clture, les radiations sontjusqu 20 fois suprieures au niveau naturel. LeRapport environnemental 2013 dAreva parle duneexposition de 0,72 mSv/an en limite de site, un tauxpas si loign de la dose maximale admissible fixe 1 mSv/an pour lexposition cumule de toutes lessources de radioactivit. Et les mesures ralises toutrcemment par des membres du Rseau montrentque la situation ne s'est pas amliore depuis.

    Si les promeneurs sont certainement rares autour dela clture de Malvsi, une famille vivait proximit,en 2006, avant d'tre reloge, des gtes accueillentrgulirement des vacanciers et des travailleurslongent quotidiennement le parc fts sansprotection.

    Des lagunes qui font tout sauf rver

    L'une des plus impressionnantes installations dusite est la srie de 12 bassins et lagunes, contenantdes liquides cristallins, o sont dcantes les bouesissues du traitement de luranium, sous l'action dusoleil et du vent. Les conditions climatiques deNarbonne seraient une raison du choix de ce sitepour lusine moins que le poids du dput SFIOde lAude Georges Guille (membre du gouvernement lpoque) nait t prpondrant.

    Un peu de plutonium pour vos tomates ?

    La rupture, en 2004, dune digue des bassins B1 et B2a provoqu le dversement, dans la plaine voisine,de 30 000 m de boues et liquides. Officiellementprsente par le service com' comme des "bouesnitrates" pouvant tre utilises comme engraispour les potagers, ces boues sont en ralit conta-mines. En 2006, la Criirad, qui des riverains ontconfi des prlvements effectus clandestinement,rvle qu'elles contiennent du plutonium et diversdescendants de luranium, issus des activits deretraitement passes du site.

    Des rejets liquides et inondations en srie

    En fonctionnement normal, l'usine rejette deseffluents liquides dans le canal du Tauran. Et il n'estpas rare que des vents importants ou de fortes pluiesprovoquent des inondations et dbordements.Plus globalement, la nature du site, en zone humide,a de quoi inquiter. Areva a install, dans les bassins,un systme de rcupration et de retraitement, censviter la dispersion des liquides et boues. Mais ltan-chit des bassins n'est pas garantie. Et quid durisque d'une nouvelle rupture de digue ?

    Des poussires radioactivesdans le sol et latmosphre

    Les longues chemines, que l'on aperoit ds que l'onapproche du site, rejettent dans latmosphre unequantit non ngligeable de poussires radioactives quise dispersent dans l'environnement au gr des vents.La rupture des bassins B1 et B2 en 2004 a galemententran d'importants relchements de poussirescontamines, quand les boues ont sch. En 2008,une tude de lIRSN (Institut de Radioprotectionet de Sret Nuclaire) sur la vgtation autourde lusine montrait la prsence de plutonium surdes cyprs jusqu 2 km du site sur la chane del'uranium et les transports et dchets qu'elle gnreainsi que sur les travailleurs, et de se questionnersur la socit nuclaire et sur les cots humain,sanitaire, dmocratique, conomique que lerecours cette nergie engendre.

    Filire nuclaire

    Sortir du nuclaire n65page 4

    Dcouvrez en vido les interviews et tmoignages indits des intervenantsde la journe qui ont aliment cet article :www.sortirdunucleaire.org/tous-concernes-videos

    Pour tout savoir sur les risques lis aux activits de l'usine de Malvsi,visionnez la confrence de Bruno Chareyron :www.sortirdunucleaire.org/conference-comurhex-chareyron

    Retrouvez en ligne les comptes rendus des trois tables rondes :www.sortirdunucleaire.org/narbonne-tables-rondes

    "Nuclaire, travailleurs, emploi" avec l'association Sant Sous-traitance Nuclaire Chimie, d'anciens sous-traitants du nuclaire,un cheminot, une sociologue, des ingnieurs nuclaires et mme untravailleur de l'usine.

    "De la mine aux dchets en passant par les transports" avec leRseau "Sortir du nuclaire", la Criirad et l'association Bure ZoneLibre qui fait vivre la Maison de rsistance la poubelle nuclairede Bure.

    "La socit nuclaire - Quel cot humain, sanitaire, dmocratique,conomique ?" avec l'association Survie, Sortir du nuclaire 34,et un ancien sous-traitant de l'usine de Malvsi.

    voir sur le web !

    MarcSaint-Aroman

    etDanielR

    ousse

    Andr

    Paris

    Mesures 1 m du sol et 0,5 m dela clture nord du site Areva

    Malvsi, exprimes en nanosievertpar heure (fond naturel 65 nSv/h)

    Andr

    Paris

    Ci-dessous, les lagunes dedcantation. Colonne de droite :en 2004, la digue des bassins B1

    et B2 se rompt, inondant la plainealentour de boues contamines.

  • Filire nuclaire

    page 5Sortir du nuclaire n65

    Des arrives et dparts trs rguliers

    La totalit de luranium utilis en France est importede ltranger sous forme de concentr d'uranium,le "yellow-cake". Si une partie en provenance duNiger et du Canada arrive dans les ports du Havreet de Fos-sur-mer, de nombreuses cargaisons, enprovenance de Namibie, du Kazakhstan et delOuzbkistan, arrivent dans des ports allemandscomme celui de Hambourg et traversentl'Allemagne et la France, au mpris du bon sens.Aprs dchargement quai, les conteneurs sontchargs sur des wagons pour rejoindre Malvsi parle train. D'aprs nos observations, ces livraisonsont lieu en gnral 3 5 fois par mois et sonttrs rgulires, sauf quand Areva et la SNCF secroient malins de retarder les trains lorsque lesantinuclaires se mobilisent 3.

    L'uranium part ensuite vers le site de Pierrelatte jusqu 2015 par camions, dsormais principalementpar le train sous forme d'UF4 (ttrafluorured'uranium), un driv fluor trs toxique qui ragitfortement au contact de lair et qui peut gnrer ungaz hautement corrosif.

    Pour la Criirad, les normes sont trs laxistes.D'aprs Bruno Chareyron "une mesure ralise prsdun camion [d'UF4] sur une aire dautoroute amontr quune personne gare toute une nuit prsdu camion atteindrait en une nuit le tiers de la doseannuelle admissible. Un taux qui, toutefois, estautoris par la rglementation internationale. []La rglementation a t faite pour que le nuclairesoit possible, pas pour protger les gens. [] Notreobjectif la Criirad est au contraire de mieuxinformer pour viter une exposition inutile."

    Philippe Cazal qui habite Narbonne s'interroge :"le transport ferroviaire, qui semble prendre le passur le transport par route, est-il plus sr ? En 2001,deux wagons contenant 100 tonnes dacidefluorhydrique se sont couchs en gare deNarbonne". Les dlicates oprations de relevageont dur un peu plus d'un mois...

    Pour Dominique Malvaud, cheminot la retraite etsyndicaliste SUD-Rail, "Les transports radioactifsne sont pas seulement dangereux en cas daccident,

    mais ils sont un danger par eux-mmes. Ilsmettent des radiations. [] Ils passent galementdans des lieux qui sont dangereux. On a lexempledu tunnel du Mont-Blanc un incendie duncamion ou dune voiture dans un tunnel, cest 3000degrs. Imaginez un transport nuclaire, quidraillerait sous un tunnel avec un incendie."Les responsables de la scurit sont dfaillants."Dans la Drme on a rencontr les pompiers et lesprfets, on saperoit qu'ils ne sont pas au courantdes dangers et ne connaissent pas du tout lesprocdures appliquer, pour une raison simple :ils considrent que cest au transporteur de senoccuper. Cest le seul secteur o lAutorit deSret Nuclaire ne peut pas intervenir. Elle nepeut pas dire jinterdis au train de passer par telendroit. Rsultat : Personne aujourdhuinest vraiment au courant des cons-quences dun accident sur un trainnuclaire, et personne nestvraiment charg de vrifierquune route ne va passeffondrer sous le poidsdun camion."

    S'ajoute la confusiongnrale, une culture dusecret. "Pour les autorits,il y a un risque dattentat,de blocage... Ce secret netient pas la route. Leproblme cest quen cachantles horaires et la dangerosit destransports, on sinterdit davoir desinformations importantes. Sur le triagedu nord de Valence, les cheminots auraient pudire que les voies taient en trs mauvais tat, etquil fallait viter ce triage. Rsultat : il y a eu undraillement." Dominique Malvaud ajoute : "leslus devraient pouvoir dcider si des transportsminemment dangereux peuvent traverser leurcommune et l'assumer face leur population."

    sur le web :Le site de notre campagne :www.sortirdunucleaire.org/Tous-concernesCRIIRAD : www.criirad.orgLe reportage de France 3 :www.sortirdunucleaire.org/narbonne2015-france3

    dans la presse :- La revue XXI a publi un reportage fouill sur l'usine,par Viviane Thivent, dans son n29 (hiver 2015).- La revue Nexus a publi un dossier approfondi,par Marielsa Salsilli, sur l'usine Malvsi dans sonn97 (mars-avril 2015).

    Pour aller plus loin

    L'cureuille

    L'usine de Malvsi engendredes transports radioactifs dangereux

    Notes :

    3 : Venu de Namibie, un chargementduranium est arriv au port deHambourg le week-end du 7 fvrier2015, bord du navire Bright Horizon. cette occasion, les militant-e-s duRseau se sont mobilis-e-s. Des vigiesont t organises dans plusieurs gares,ainsi quun rassemblement Narbonnepour "accueillir" comme il se devait ceconvoi mortifre, une semaine avant lajourne d'information du 21 fvrier.Prvu pour le vendredi, le train a tretard en amont et narrivera que lelundi 16 6h. Englue dans une culturedu secret et force de modifier seshoraires pour viter les militants, Arevas'est pourtant vante auprs du per-sonnel de l'usine de nous avoir fait unjoli coup !

    "On arrive un tel niveau demconnaissance et de secretque finalement, on est dansune drive : plus personnene sait quil y a du nuclairequi est transport quelquepart et plus personne neconnat ces transports."

    Dominique Malvaud, Cheminotretrait et syndicaliste SUD-Rail

  • Serge, pouvez-vous me raconter ce que vousavez vu et vcu l'usine de Malvsi il y a unedizaine d'annes ?

    En 2003, un an avant la catastrophe, je faisais desforages de "recherches pollution" entre guillemets parce que normalement ils ne polluent pasdoncon ne peut pas parler de pollution... Il y avait djdes suintements au pied de cette digue. Nos

    camions se sont enterrs dans la boue et ontt contamins, et nous avec, puisque,forcment, on a march dedans. Ils ontt bloqus tout le week-end pour trenettoys, mais nous rien du tout ! Jesuis parti chez moi avec les affairesavec lesquelles jtais venu.

    Quand la digue a lch, en 2004, on at appels durgence pour raliser des"pizos" et voir quelle tait l'tendue de

    la pollution. Les rsultats, je ne les connaispas. Mais je connais le mien : je suis sorti

    avec une leucmie de l-dedans...

    D'aprs vous, votre tat de sant est doncdirectement li votre travail sur le site ?

    Jy suis retourn un an aprs. Ils mont refoulparce qu'une prise de sang indiquait que mon tauxde lymphocytes commenait un peu monter etmont dit que si javais une leucmie on ne saitjamais je ne pourrai pas dire que a venait dechez eux sans savoir qu'un an avant j'tais sur lesite ! Quand je leur ai rpondu "si jai une leucmie,cest chez vous que je lai attrape", ils montbloqu lentre. Ils ont fait venir les pompiers avecdes cartes pour savoir o exactement j'avais ralisdes points de forage et mont dit que je ne pouvaispas avoir travaill l ! Le forage doit tre encore l,donc cest vrifiable. Et j'ai des photos de tout cela.

    Vous avez tent de faire reconnatre votremaladie professionnelle. Quelle a t l'issue de laprocdure ?

    Jai fait une procdure la scurit sociale pouressayer dtre reconnu et obtenir quelque chose, pasforcment financier, mais au moins la possibilit dechanger de travail. a a chou. Ils mont dit quon nepouvait pas faire le lien entre ma leucmie lymphodechronique et la radioactivit. a sest arrt l.

    L'anne dernire, lors d'une soire d'information Narbonne, vous tes venus notre rencontre.Pourquoi avoir dcid de sortir du silence ?

    Ma famille a vcu la maladie avec moi et tait mescts. Un jour, ma sur ma dit "tu sais ce qui se

    passe Narbonne ?". Jai regard sur internet[l'annonce de la soire d'info], puis mon amie a prisrendez-vous avec Bruno Chareyron, et jai atterri la confrence un peu tout btement.

    Quel est le sens de votre dmarche de partagerainsi votre tmoignage ?

    Je me rend compte que parmi les gens qui sontpasss par l'usine, il y en a qui sont morts ou quisont malades de la mme maladie que moi et quecela stend sur Narbonne. Pour moi, le dossier "estclass". Je ne peux plus faire reconnatre quoi quece soit. Mais si je peux faire quelque chose pouraider tous ces gens-l, je vais le faire. Ce serait biende les former avant quils soient malades, car aprssouvent cest trop tard. Et de les informer de cequi se passe l-bas avant qu'ils n'y entrent. []Pour ma part, je dconseille fortement tous lesintrimaires ou prestataires que je connais d'ytravailler. Aprs sils veulent y aller, quils y aillent.Comurhex, cest la poubelle de la France. Voilcomment ils lappellent chez Areva ! Et personne dechez eux ne veut y aller."

    Article et propos recueillis par Laura HameauxAvec l'aimable contribution de Philippe Cazalde l'association Survie qui nous a autoris

    reprendre des extraits de son article 5

    Filire nuclaire

    Sortir du nuclaire n65page 6

    Lacham

    breblanche

    Notes :

    5 : Philippe Cazal, Areva Malvsi(Narbonne) : que se passe-t-il lamont de la filire nuclaire ?

    https://eclairagespublics.wordpress.com/2015/03/19/areva-malvesi-nar-

    bonne-que-se-passe-t-il-a-lamont-de-la-filiere-nucleaire/

    L'usine de Malvsi contamine les travailleursSerge Belli a ralis des forages l'usine de Malvsi, en 2003 et 2004, en tant que pres-tataire. Victime de graves ngligences de l'exploitant, il contracte une leucmie mais neparviendra pas la faire reconnatre en maladie professionnelle. Aprs des annes desilence, il raconte aujourd'hui son histoire et nous apporte un tmoignage accablant sur laralit des sous-traitants du nuclaire franais. Voici quelques extraits de son interviewvido retrouver en ligne sur www.sortirdunucleaire.org/tous-concernes-videos.

    "Dans le nuclaire,le travail,cest le sacrifice."

    Philippe Billard,ancien sous-traitant du

    nuclaire et dlgusyndical CGT.

  • Nuclaire militaire

    page 7Sortir du nuclaire n65

    Les ttes nuclaires sont fabriques au centre CEAde Valduc en Bourgogne. Celles destines treembarques dans les sous-marins nuclaireslanceurs d'engins (SNLE) sont ensuite envoyes enBretagne l'le Longue, en lments spars, pourtre assembles sur les missiles par le personnel del'antenne du CEA.

    Pendant un quart de sicle (de 1972 1996), lespersonnels - notamment des mcaniciens, deslectriciens et des pyrotechniciens - ont travaillsans la moindre protection et dans lignorance desrisques au contact direct des ogives nuclaires,casse-crotant ct, passant des semainesentires proximit Pourquoi se seraient-ilsinquits ? Selon le discours officiel il n'y avaitaucun risque d'irradiation. Or, les ttes crachaientde la radioactivit !

    La CGT avait ds 1979 tir la sonnette d'alarme. Maisil a fallu attendre 1996, au terme d'une grve, pourque des mesures soient prises : mise en placede zones contrles autour des ttes nuclaires,fourniture de dosimtres individuels, formation laprotection radiologique, etc. Et l encore, rien neprouve que ces mesures soient efficaces.

    Consquences : des dizaines de travailleurs sontatteints de maladies graves, parmi lesquelles desleucmies et des cancers radio-induits. Plusieurssont morts, alors qu'ils avaient entre 45 et 60 ans."Combien de victimes au total, parmi les quelque 130ouvriers qui ont travaill autour des ttes nuclaires la Pyrotechnie de l'le Longue ?, interroge FrancisTallec, ancien ouvrier de l'Arsenal. Nous l'ignorons."

    C'est pourquoi en avril 2013 s'est constitue, Brest,une antenne de l'Association Henri Pzerat desirradis des armes nuclaires et leurs familles (plusd'info : www.asso-henri-pezerat.org) afin deregrouper les travailleurs malades et les aider sedfendre dans le bras de fer qui les oppose auministre de la Dfense.

    L'association accuse larme franaise davoirexpos les travailleurs de lle Longue, en connais-sance de cause, de graves dangers. La faute inex-cusable de lemployeur a d'ailleurs t reconnuepar le ministre de la Dfense lui-mme, pour troistravailleurs malades. L'association rclame gale-ment louverture dune enqute indpendante surles conditions de travail et dexposition - passes etactuelles - la radioactivit (et autres agentstoxiques) et la leve du secret dfense sur tous les

    aspects, notamment mdicaux, de cette terribleaffaire des irradis de Brest. Mais, sur ces points, leministre de la Dfense fait la sourde oreille.

    Or, comme c'est le cas pour les victimes des essaisnuclaires, les informations et les tmoignagesdmontrent bien un surcrot des cancers provoquspar les rayonnements ionisants pour les personnelsexposs dont les effets dltres sur la santapparaissent plusieurs annes seulement, voiremme plusieurs dcennies aprs lexposition.

    Seul le lancement des procdures judiciaires apermis d'obtenir quelques avances en termes dereconnaissance de maladies professionnelles. Maisle combat est long et difficile. Les dcisions dejustice se font attendre.

    Des situations similaires doivent srement existerdans les autres centres du CEA o sont manipulesdes matires radioactives comme, par exemple, Valduc en Cte-d'Or. Mais souvent chacun reste isolet la coordination entre toutes les victimes dunuclaire reste difficile. Pourtant elle estindispensable pour arriver renverser le rapport deforce en leur faveur face au dni du ministre de laDfense et du CEA.

    Patrice BouveretDirecteur de l'Observatoire des Armements

    www.obsarm.org

    Les ouvriers victimesdes armes nuclairesDepuis quelques annes, grce au travail opinitre de quelques personnes et associations,l'information sur les dangers pour les travailleurs du nuclaire civil est sortie du cerclerestreint des personnes concernes. Il nen est pas encore de mme pour les travailleursdans le nuclaire militaire sur lesquels pse en plus tout le poids du secret-dfense.Or, les problmes sont identiques.

    DR

    DR

    Un sous-marin nuclaire lanceurd'engins (SNLE) quai dans labase de l'le Longue.

  • Ltude KiKK 2 commandite par le gouvernementallemand et publie en 2008 faisait tat dunehausse de 120 % des leucmies infantiles et de60 % de tous les cancers parmi les enfantsde moins de cinq ans vivant moins de cinqkilomtres de racteurs nuclaires. Cette tudevoque-t-elle aussi la situation sanitaire desenfants vivant plus de 5 km dune centrale ?

    Ian Fairlie : cette distance, les rsultats ne sontalors plus trs probants. On ne peut pas en tirergrand-chose. La plupart des tudes que jai meneslont t en relation avec le docteur Alfred Krblein,un physicien indpendant de Nremberg, spcialisdans ltude des effets des faibles doses deradioactivit. Nous avons adress une lettreau Journal international du cancer en 2013 quiconstituait une synthse de quatre tudes menesdans quatre pays europens (Allemagne, Suisse,Grande-Bretagne et France). Ces quatre tudes fonttoutes tat dune hausse significative des leucmieset des cancers contracts par des enfants de moinsde cinq ans moins de 5 km des centralesnuclaires.

    Ces maladies seraient, selon vous, contracteslors de la vie utrine ?

    Ian Fairlie : Les cancers et les leucmies sonten effet contracts par les embryons et les ftusports par des femmes enceintes. Nous pensonsque toutes les leucmies infantiles et tous lescancers infantiles seraient probablement contractspendant la grossesse. Car les embryons et les ftussont extrmement sensibles la radioactivit.

    Le risque proviendrait principalement, crivez-vous, dune forte hausse des missions departicules et de gaz radioactifs qui surviendraitchaque anne lors du remplacement descombustibles uss lintrieur des racteurs.Cest donc au moment o le racteur seraitarrt, ouvert et dpressuris, que les missionsles plus fortes se produiraient ?

    Ian Fairlie : Nous le pensons en effet. 75 % desmissions annuelles de particules radioactives seproduisent au mme moment en lespace de

    quelques heures. Une tude du gouvernementbritannique montre que les doses relches danslenvironnement lors de ces oprations techniquesannuelles sont au moins vingt fois plus importantesque celles qui se droulent durant tout le reste delanne.

    O retrouve-t-on ces particules radioactivesainsi relches dans lenvironnement ?

    Ian Fairlie : Environ 50 % des relchements se fontdans leau et 50 % dans lair. Cela varie dunracteur lautre. Ces dernires annes, lindustrienuclaire a pris conscience des dangers de cesdgagements de radionuclides dans lair. Elletente dsormais de privilgier les relchementsdans leau. Beaucoup de riverains des centralesnuclaires sinquitent des relchements dans leaualors que la plupart des doses absorbes proviennenten fait de dgagements dans lair.

    Vous citez une tude de 2011 manant de lasection allemande de lOrganisation internationaledes mdecins pour la prvention contre laguerre nuclaire (IPPNW). Celle-ci faisait tatdmissions de particules radioactives et degaz radioactifs 500 fois plus importantespendant ces remplacements de combustiblesuss quen priode normale

    Effets sanitaires du nuclaire

    Leucmies infantilesprs des centrales nuclairesIan Fairlie (www.ianfairlie.org) est consultant indpendant spcialiste des questions decontamination radioactive de lenvironnement. En 2013, il a publi dans le Journal ofEnvironmental Radioactivity une synthse tentant dexpliquer les fortes hausses de cancerset de leucmies infantiles observes aux abords des centrales nuclaires 1. Il revient, danslentretien quil nous a accord, sur les causes prcises des relchements radioactifs danslenvironnement et sur leurs consquences sanitaires. Il apporte une nouvelle preuve desrisques inacceptables que les installations nuclaires civiles font courir aux populationset particulirement aux plus fragiles dentre nous : les enfants en bas ge.

    Sortir du nuclaire n65page 8

    Notes :

    1 : Ian Fairlie, "A hypothesis to explainchildhood cancers near nuclear power

    plants". Journal of EnvironmentalRadioactivity,

    vol. 133, juillet 2014, p. 1017.www.sciencedirect.com/science/article

    /pii/S0265931X13001811

    2 : KiKK : Kinderkrebs in derUmgebung von KernKraftwerken

    (tude sur les cancers infantiles dans levoisinage des centrales nuclaires).

    Ci-contre : Ian Fairlie propose unenouvelle hypothse pour expliquer

    l'augmentation des cancers etleucmies infantiles proximit

    des installations nuclaires.

    Rseau"Sortir

    dunuclaire"

  • Effets sanitaires du nuclaire

    page 9Sortir du nuclaire n65

    Ian Fairlie : En effet, lIPPNW a montr que durantlanne la concentration ne dpasse pas 3 kBq/m3,mais quelle atteint, en revanche, 1500 kBq/m3 lorsdu remplacement des combustibles uss.

    Que pourraient faire les populations si ellestaient averties de ces relchements ?

    Ian Fairlie : Ce sont surtout les oprateurs descentrales nuclaires qui devraient changer leursfaons de procder. Ils devraient raliser ces opra-tions de nuit uniquement, quand les gens sont chezeux. Quand les centrales sont situes sur le rivage,les directeurs des INB (installations nuclaires debase) ne devraient procder ces relchements quelorsque le vent souffle vers la mer. Et uniquementquand les vents sont forts, pendant les priodesde temptes particulirement, parce que les ventsdispersent les missions.Malheureusement, la plupart des citoyens neconnaissent rien ces questions, rien aux risquesque lindustrie nuclaire fait peser sur leur sant.Et quand ils sont informs, ils ny prtent pasattention. La raction des populations taitsemblable dans les annes 1960 lorsquon aannonc que la consommation de tabac pouvaitentraner des cancers. lpoque, les gens nevoulaient pas croire que fumer tait susceptible deles tuer. Jai remarqu que mon tude avait t leplus tlcharge sur mon site internet dans les paysqui ne possdent pas de centrale nuclaire. Il estsans doute plus facile daccepter de telles conclusionsquand on nest pas concern. Il y a un an, en mars2014 au moment de lanniversaire de la catastrophede Fukushima, jai t surpris de voir que montude avait t tlcharge prs de 500 fois. Unsigne que ces thses commencent se diffuser ?

    Vous soutenez que l'valuation des risques faitepar les instances officielles en cas dexposition auxradiations et lvaluation des doses admissiblesreues seraient incorrectes.

    Ian Fairlie : Ces valuations sont tout fait insuffi-santes. Peu de gens comprennent de quelle faonles gouvernements se procurent ces valuations.Celles-ci sont la synthse dau moins cinq modli-sations informatiques. Il faudrait procder autrementet utiliser des becquerels plutt que des sieverts.Les becquerels rendent compte de faon fiable de laradioactivit parce quon peut rellement mesurer(et non pas seulement estimer) les becquerels quevous avez absorbs. En revanche, quand vous passezdes becquerels aux sieverts, les incertitudesaugmentent. Tout dpend o se situe le becquereldans le corps. Quand il est situ prs de lADN devos cellules, cela devient dangereux.

    Pour revenir ltude dite KiKK, commentexpliquez-vous que ce soit le gouvernementallemand qui lait commandite ?

    Ian Fairlie : Le gouvernement allemand a dcid delancer cette tude pour mettre un terme auxcraintes des populations vivant proximit descentrales. Il a voulu prouver quil ny avait pas dehausse des cas de cancers et de leucmies aux

    abords des centrales nuclaires. Le gouvernementavait confi la recherche pidmiologique unequipe de lUniversit de Mainz composede chercheurs pro-nuclaires travaillant sous ladirection du professeur Maria Blettner, une bonnepidmiologiste. Les chercheurs ont travaillpendant quatre ans. Ils ont t trs tonnsdobserver, une fois ltude acheve, quil y avaitune telle progression des leucmies et cancersinfantiles aux abords des centrales. Ils ont refaitltude plusieurs reprises, mais ont abouti chaque fois au mme rsultat.

    Quel a t limpact de cette tude en Allemagne ?

    Ian Fairlie : Lors des confrences que jai donnesen Allemagne, jai entendu parler de mresde familles qui dcidaient de dmnager poursloigner des centrales. cette occasion, plusieurspersonnes mont expliqu que cette tude KiKKavait jou un rle jamais mentionn dans ladcision prise par le gouvernement allemand, dansle sillage de la catastrophe de Fukushima, de sortirdu nuclaire.

    Propos recueillis par ric Tariant

    Vido voir sur www.sortirdunucleaire.org/etude-kikk

    Dcouvrez les explications de l'pidmiologue allemand Wolfgang Hoffmann,membre du conseil scientifique qui a supervis l'tude KiKK sur les cancersinfantiles proximit des centrales nuclaires allemandes. Hoffmannprsente la mthode de cette tude et la porte de ses rsultats. Sonintervention est dsormais disponible dans une version traduite et sous-titreen franais, grce au travail du blogueur Kna que nous avons mis sur la pistede cette vido.

    VIDO - Tout savoir sur l'tude des cancersinfantiles autour des centrales allemandes

    DR

  • Actions et vie des groupes

    Sortir du nuclaire n65page 10

    Impossible de parler de tout, mais voici en bref quelques temps forts passs ou venir, en complment des actionsmises en lumire dans les autres pages de cette revue. Pour alimenter cette rubrique, merci d'crire par e-mail Mlisande Seyzriat, coordinatrice nationale des groupes et actions. Contact : [email protected]

    a bouge dans le Rseau !Quelques moments forts sur le terrain

    Commmorations de FukushimaEntre le 7 et le 14 mars, lappel duRseau "Sortir du nuclaire", denombreuses actions en solidarit auxvictimes de la catastrophe de Fukushimaont eu lieu un peu partout en France,quatre ans aprs le dbut de cette terriblecatastrophe, avec lorganisation demanifestations, de projections-dbats,de rassemblements

    Ds le week-end prcdant la date anni-versaire de la catastrophe, une manifes-tation a rassembl prs de 500 personnesle samedi 7 mars aprs-midi dans les ruesde Strasbourg, la mmoire des victimesde la catastrophe de Fukushima, et pourexiger la fermeture de la centrale deFessenheim, qui se trouvait totalementarrte depuis le 1er mars cause de fuitesmassives sur des tuyauteries.

    Paris, la mobilisation sest droule endeux temps. Une premire action initiepar le Rseau a eu lieu dans la nuit du10 au 11 mars. Des images de l'artistede rue 281antinuke (voir son interviewdans notre n64) ont t projetes surles faades de lagence EDF Opra, delambassade du Japon et du ministre delcologie. Ces photos ont ensuite tenvoyes aux mdias via notre communi-qu de presse du 11 mars, et sur lesrseaux sociaux. Nous avons pourloccasion travaill avec deux militants,Alix Dre et Clment Briend, qui ont conudes projecteurs spcifiques pour lesmanifestations.

    Le soir du 11 mars, 150 personnes se sontretrouves sur la place de la Rpublique Paris pour une action de commmorationde la catastrophe de Fukushima, ensolidarit avec le peuple japonais, et pourdire non au nuclaire.

    Au programme, musique classique(Maitane Sebastian) et musique japonaise(Maa Barouh) puis des prises de parolesur la situation Fukushima, suiviesd'une minute de silence. La soire sestconclue avec des projections sur la statuede la Rpublique o lon pouvait voir

    une centrale fissure avec le slogan"Fukushima, demain chez nous ?", toutcela au son du chanteur HK, venu spcia-lement Paris pour interprter sa nou-velle chanson "Fukushima mon amour".

    galement, une installation lumineusedune dizaine de projecteurs a t mise enplace la nuit tombe, projetant sur lespassants des centaines de trfles radioactifsverts, ce qui a beaucoup intrigu ettonn, provoquant la discussion avec denombreuses personnes qui traversaient laplace.

    Alain

    DIgnoire

    Alix

    Dre

    Alix

    Dre

  • Actions et vie des groupes

    page 11Sortir du nuclaire n65

    Tours, le 13 mars, une dizaine demilitant-e-s antinuclaires se sontretrouv-e-s l'appel de l'association "LaTerre c'est nous" devant l'agence EDF de laville. Il s'agissait d'informer les clientsd'EDF du danger que reprsente l'industrienuclaire, et d'exercer une pressioncitoyenne pour demander la fermetureimmdiate de la centrale nuclaire deFessenheim. Des tracts ont t distribus lintrieur de l'agence EDF et des cartes dela France nuclaire colles sur la devanturede la boutique.

    Au Mans, ils taient une trentaine demilitant-e-s converger vers le centre-ville le 11 mars, quips dune grandebanderole o lon pouvait lire"Fukushima, la catastrophe continue",permettant de rappeler aux passants quela catastrophe nen est qu ses dbuts.

    Le 14 mars, une grande chane humaine aeu lieu dans le sud-est de la France, entreles sites nuclaires de Tricastin, Marcouleet Cadarache, rassemblant un millier depersonnes, lappel de lassociation"Raction en Chane Humaine". Devantlinstallation nuclaire de Marcoule, lesantinuclaires ont long le site sansproblme, escorts par une voiture degendarmerie qui ouvrait et fermait lachane. Les militants ont cri et tap sur labalustrade mtallique pour dnoncerASTRID, ITER et le nuclaire, dnonant lesfaillites d'AREVA et sa gabegie financire,les dchets Bure et la radioactivitpartout ! Une lettre des mres deFukushima a t lue avant le dpart de lachane et une minute de silence a tobserve vers 15h.

    Bourges,dpt dune "grosse" plaintede 34 infractions contre lacentrale de BellevilleLe 17 fvrier, le Rseau "Sortir dunuclaire", avec le soutien de lassocia-tion Sortir du nuclaire Berry-Puisaye, aport plainte contre EDF pour 34 infra-ctions constates la centrale nuclairede Belleville-sur-Loire (Cher), sa pluslongue plainte en justice jusquici ! Lejour du dpt, une quarantaine de mem-bres de lassociation Sortir du nuclaireBerry-Puisaye ont manifest Bourgespour que ces dysfonctionnements soientconnus de tous.

    Partis 14h du parc Sraucourt, les mani-festants ont dambul par les rues ducentre-ville, arms de drapeaux, bidonsradioactifs, trompettes et sifflets, etdune plainte gante ralise par legroupe, pour symboliser lnormit decette affaire. Des tracts taient distribusaux passants, trs intrigus par cettegrosse plainte !

    Lors dun premier arrt devant laprfecture, le communiqu de pressecommun du Rseau "Sortir du nuclaire"et de Sortir du nuclaire Berry-Puisayea t lu. Un reprsentant de Mme lePrfet est descendu la rencontredes manifestants, qui lui ont remis untexte expliquant leurs revendications propos de la centrale nuclaire deBelleville-sur-Loire.

    La marche sest ensuite dirige vers le tri-bunal, devant lequel un dpt symbo-lique de la plainte a eu lieu pendant queMarie Frachisse, juriste du Rseau, faxaitdans le mme temps la vraie plainte : 62pages en tout !

    Avant de reprendre le chemin ensens inverse, plusieurs prises de parolesont eu lieu pour dnoncer le dlinquantenvironnemental EDF, qui commence avoir un casier judiciaire bien fournigrce notre stratgie juridique offensive !

    Un kouglof antinuclaire StrasbourgDans le cadre de la rencontre de FranoisHollande et Angela Merkel Strasbourg,le 1er fvrier dernier, les associations anti-nuclaires alsaciennes ont souhait mar-quer l'amiti franco-allemande par laremise d'un kouglof antinuclaire, barddune mini banderole "FermonsFessenheim" aux deux dirigeants. Ce pr-sent tait l'occasion de rappeler M.Hollande son engagement de fermer lacentrale de Fessenheim, en lui rappelantsubtilement les mesures concrtes misesen uvre outre-Rhin par Mme Merkel. Lekouglof s'est accompagn d'une lettrerappelant les multiples arguments venanttayer les revendications des militants.Nous esprons que Franois Hollande abien digr

    Tous mobiliss contre ICEDAPlusieurs membres de Sortir du nuclaireBugey et de Greenpeace, en tenuesblanches de liquidateurs, se sontmobiliss le vendredi 20 fvrier l'entrede Primevre, le grand salon delalter-cologie. Les manifestantstenaient tre prsents pour sensibiliserleurs concitoyens sur les risques queprsente la construction de linstallationde stockage des dchets ICEDA, sur lesite de Bugey.

    La construction dICEDA est destine accueillir les dchets issus du dmantle-ment. Les militants locaux dnoncentpourtant les risques de pollutiondes nappes phratiques et pointent dudoigt le fait quen cas de monte deseaux du Rhne des pollutions drama-tiques pourraient se produire avec linon-dation du site, qui se situe trs prochedu fleuve.

    Clm

    entBriend

    Jean-Luc

    Blondeau

    Stop

    Fessenheim

    Rseau"Sortir

    dunuclaire"

  • Actions et vie des groupes

    Sortir du nuclaire n65page 12

    De plus, la construction dICEDA seraaussi synonyme dune augmentation trsimportante des transports radioactifs,avec une dizaine de convois routiers parmois, augmentant le risque daccident etde pollution radioactive.

    Sortir du nuclaire Bugey organise tousles mois des actions, notamment dans lebut de sensibiliser les lus locaux auxrisques d'ICEDA. En dbut danne, lacour administrative dappel de Lyon avaitautoris la reprise des travaux ds le moisd'avril 2015. La cour a donc annul lejugement du tribunal administratif deLyon du 13 dcembre 2011 qui privait EDFde lautorisation de poursuivre laconstruction de linstallation

    Loves Torii au Mgajoulepour la Saint-ValentinLe jour de la Saint-Valentin au Barp(Gironde), le collectif "Mgastop auMgajoule" (aussi appel MAM !) a rim-plant un nouveau mmorial de la paixdevant le laser Mgajoule, le premiermmorial rig lors de la marche des indi-gns de 2012 ayant disparu. En effet, ce Toriien bois avait t plusieurs fois vandalispuis enlev, mais celui mis en place le 14fvrier est en acier, esprons quil rsisteraplus longtemps que son prdcesseur...Aussi, une plainte pour profanation demmorial a t dpose en gendarmerie.

    Le Torii est une arche symbolique japo-naise, qui nous rappelle les souffrancesdu peuple japonais qui subit depuis desdcennies les affres du nuclaire, avec lesdramatiques bombardements deHiroshima-Nagasaki, et dsormais lacatastrophe de Fukushima.

    Le Mgajoule incarne labsurdit absoluedes recherches militaires sur les armes dedestruction massive, qui modernisent etdveloppent l'arsenal nuclaire franais. ce jour, une seule ligne de lasers est

    fonctionnelle sur les vingt-deux prvues,do sept nouveaux milliards d'eurosbudgts pour ce projet utopique dontlobjectif est de recrer les conditionsphysiques dune explosion thermonuclaire.Ainsi, les essais nuclaires militairescontinuent en Gironde, aprs lAlgrie etla Polynsie.

    La France se met hors la loi au regarddu droit international en violant unenouvelle fois le Trait de Non-Prolifration des armes nuclaires (TNP)et le Trait d'Interdiction Complte desEssais Nuclaires (TICEN). Selon le droitinternational, ces armes sont illgalesparce quelles infligent des souffrancesinutiles, sont non discriminantes, causentdes atteintes graves et durables lenvironnement et demeurent meurtriresbien aprs la fin des conflits.

    Il est urgent de rompre avec l'idologiede "la violence ncessaire, lgitimeet honorable" qui structure la culturedominante de notre socit.

    Le 23 janvier dernier, l'horloge del'Apocalypse a t rgle sur 23h57.Minuit reprsente la fin du monde. Cettemise jour a t ralise par le Bulletin ofAtomic Sciencists, qui compte dans sesrangs 18 prix Nobel. Elle n'a jamais taussi prs de minuit depuis 1984, aumoment le plus tendu des relations am-ricano-sovitiques.

    Des Franais pour bloquerla base de BurghfieldLe 2 mars, onze militants se sont rendusen Grande-Bretagne Burghfield bordde deux camionnettes, pour participer aublocage de la base darmement nuclaire,qui collabore avec celle de Valduc (prsde Dijon) pour la modernisation desarmements nuclaires franco-britan-niques. Une action qui a t dcide parles deux Assembles gnrales de laMaison de Vigilance et dArmesNuclaires Stop et qui a pu s'organisergrce au dynamisme des militants deSortir du nuclaire Cte dOr.

    Ensuite, du 17 au 20 avril, une autre vaguedune dizaine de militants s'est rendue Bchel, en Allemagne, dans le cadredes deux mois de blocage de la base (du26 mars au 29 mai), pour un vnementintitul "Bchel 65".

    Un radiamtrepour les TrgorroisEn Bretagne, dans de nombreusescommunes, existent des anciens sites deprospection d'uranium depuis les annes50. Aprs prospection ou exploitation,ces sites ont fini par fermer et treabandonns purement et simplement. Ilssont aujourd'hui, dans bien des cas,sources de pollution radioactive. Dans lapetite rgion du Trgor, Sortir dunuclaire Trgor s'est lanc dans unnorme travail d'inventaire et d'analysede ces sites. Le travail ralis est mmereconnu par les diffrentes autoritsaujourd'hui...

    Mais pour aller plus loin dans ce chantierde sant publique, un appareil de qualits'avre maintenant ncessaire, d'o leprojet dacquisition d'un radiamtrede type DG5 d'un montant de prs de4 500, ce qui est beaucoup pourla petite trsorerie de SDN Trgor. La dpu-te locale a accept de solliciter sa rserveparlementaire, mais ce jour le compten'y est toujours pas. Alors, si le cur vousen dit, n'hsitez pas apporter votrecontribution pour permettre SDN Trgorde poursuivre son travail militant grce l'acquisition de ce fameux DG5. Une bonneoccasion pour SDN Trgor d'exigerd'AREVA la remise en scurit de ces siteset de rappeler la population trgorroiseque, de la mine aux dchets, le nuclaire,c'est un vrai poison !

    Chques libeller l'ordre de "Sortir dunuclaire Trgor" et adresser SDNTrgor, 46 rue Offenbach 22300 Lannion.Contact : [email protected]

    Mobilisations venirdu 6 au 9 aotCette anne, entre les 6 et 9 aot, nouscommmorerons les 70 ans des bombar-dements de Hiroshima et Nagasaki.Depuis quelques annes, un "jene-action" est organis Paris, rassemblantune centaine de personnes.

    Lanne dernire, le Rseau a souhaitamplifier la lutte contre le nuclaire

    Cow

    boyGeorge

    Ngajoule

  • Actions et vie des groupes

    page 13Sortir du nuclaire n65

    militaire en impulsant une dynamiquedactions partout en France entre le 6 et 9aot, qui a donn lieu une vingtainedactions. Pour les 70 ans, il nousfaut une nouvelle fois nous mobiliser,et renforcer cette dynamique, parlorganisation de nombreuses actions.Prochainement, vous pourrez retrouver surnotre site Internet lappel mobilisation,des documents dinformation, ainsique des ides et conseils pour organiservos actions.

    La France possde le troisime arsenaldu monde avec 300 bombes nuclaires,chacune dune puissance dix foissuprieure celle dHiroshima. Cetteindustrie gnre des transports inces-sants de matires radioactives, notam-ment de plutonium, qui tombent sous lesecret-dfense et mettent en danger lespopulations. Prtendre que la bombeatomique est garante de la paix est unmensonge destin protger des intrtsindustriels et politiques. Par erreur, paraccident ou par folie, le lancement d'unebombe nuclaire est possible toutmoment. Ltat durgence actuel estle mme que pendant la guerre froide :un tir peut tre dcid en quelquesminutes. Les consquences humanitaireset environnementales quaurait lexplosiondune seule bombe sont dailleurs dnon-ces par la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge qui demandent linterdiction desarmes nuclaires.

    Exigeons labolition des armes nuclaires,mobilisons-nous partout en France du6 au 9 aot 2015 loccasion des 70 ansde Hiroshima-Nagasaki.

    Retour sur lAssembleGnrale 2015 du Rseau"Sortir du nuclaire"Les 30 janvier et 1er fvrier 2015, le Rseau"Sortir du nuclaire" a tenu sonAssemble Gnrale annuelle Dijon,o une centaine de militant-e-s antinu-claires se sont rendu-e-s pour participeraux dbats et voter les motions dorien-tation et de campagnes qui vont guiderle Rseau pour les mois venir. Il a tdcid une organisation de la lutte sur lessujets suivants :

    La fermeture de Fessenheim dans lesplus brefs dlais ;

    La mobilisation au moment de la COP 21(sommet du climat qui se droulera Paris du 30 novembre au 11 dcembre

    2015) pour affirmer haut et fortlaggravation de la menace nuclairevis--vis des consquences prvisiblesdu drglement climatique. Le nuclairenest pas une solution pour le climat,mais un danger supplmentaire ;

    Les journes dactions entre les 6 et 9aot, pour les 70 ans des bombarde-ments de Hiroshima et Nagasaki, pourexiger larrt du nuclaire militaire ;

    La prparation dune grande mobili-sation au printemps 2016 loccasiondes 5 ans de Fukushima et des 30 ansde Tchernobyl ;

    Nous comptons fortement sur la partici-pation active de tous les groupes etmilitant-e-s antinuclaires, et sur lesoutien renouvel des associationsadhrentes pour mener bien ces diff-rentes missions.

    Goin : Les danaides de Fukushima (2013)

  • Encore tudiant, Sternglass postule l'existenced'un effet d'"mission secondaire d'lectrons",qu'Einstein l'encourage dmontrer, ce quoi ilparvient. partir de 1952, ingnieur employ parWestinghouse, Sternglass est un concepteur doud'instrumentation nuclaire. Il utilise ainsi sadcouverte pour concevoir la camra amplificatricequi permettra au monde entier d'assister auxpremiers pas d'Armstrong sur la Lune en 1969.

    En 1955, la britannique Alice Stewart, pidmiologuepionnire, dmontre pour la premire fois quela radiographie des femmes enceintes provoquedes leucmies infantiles, une dcouverte contestepar l'establishment nuclaire pendant 30 ans maisqui ne fait plus dbat de nos jours. Alarm,Sternglass commence en 1958 tudier leseffets des retombes des essais atomiquesatmosphriques.

    En 1967, soucieux des effets sanitaires du nuclaire,Sternglass quitte Westinghouse et devientchercheur et professeur de radiologie l'universitde Pittsburgh, jusqu'au dbut des annes 1990.Il joue un rle cl dans la mise au point d'unenouvelle technique d'imagerie par rayons X,aujourd'hui banale, qui rduit nettement les dosesde rayons administres aux patients, et donc lesrisques de cancers induits.

    En 1967 toujours, l'Atomic Energy Commission(AEC, le CEA amricain) organise un colloque pour"vendre" le projet Ketch, destin creuser labombe atomique un immense rservoir de stockagede gaz naturel au centre de la Pennsylvanie.Sternglass s'est invit et dmonte les argumentsde l'AEC, ruinant sa propagande. Les mdias s'en fontl'cho, et s'ensuit un mouvement d'oppositionrsolue qui obtient l'annulation de ce projet dlirant.

    En 1969, Sternglass publie une tude dans laquelleil met en lumire une corrlation troite entre lesessais atomiques au Nevada et le ralentissementmarqu de la baisse de la mortalit infantile auxtats-Unis entre 1951 et 1965. Il estime que les essaissur le sol amricain ont entran la mort d'environ375 000 enfants. Son tude dclenche immdiatementune polmique scientifique et mdiatique nationale.Elle reste encore aujourd'hui des plus controverses,mais aucune autre explication crdible n'a tdmontre, et une fois l'intrt mdiatiqueretomb, aucun tat n'a financ de recherchesvisant clore la controverse...

    Son tude contribue de plus l'mergence en 1970d'une controverse dterminante entre l'AEC et deuxde ses chercheurs, Arthur Tamplin (initalementcharg de rfuter l'tude de Sternglass, sa contre-estimation de 4000 enfants tus par les retombesne satisfait pas l'AEC, qui tente de la censurer) etson directeur, l'minent John Gofman, physiciennuclaire co-dcouvreur de l'uranium 233 etdocteur en mdecine pionnier de la recherche sur lecholestrol. Gofman devient un lanceur d'alerteredoutable et joue un rle crucial dans la rductiondrastique des normes rglementaires internationalesd'exposition la radioactivit.

    Par la suite, Sternglass rvle les missions radioac-tives dissimules du racteur nuclaire deShippingport, puis la corrlation plus gnraleentre diverses pathologies, notamment chez l'enfant,et la proximit des installations nuclaires.Son livre Low level radiation (1972), prfac parle Prix Nobel de mdecine George Wald, et sar-dition augmente aprs l'accident de Three-Mile Island, Secret fallout (1981), lvent largementle voile sur les impacts sanitaires du nuclaire. Aufil des annes, il tmoigne de nombreusesreprises en justice et devant diverses institutions.

    Sternglass co-fonde en 1985, et co-dirige jusqu' samort, l'ONG Radiation and Public Health Project(RPHP, voir son site http://radiation.org), quipublie rgulirement des tudes indpendantes surles effets sanitaires des radiations, notamment sousla plume de l'pidmiologue Joseph Mangano et dela toxicologue Jeannette Sherman.

    Xavier Rabilloud

    Hommage

    Ernest Sternglass : grand adversairedu nuclaire civil et militaire

    Le 12 fvrier 2015, Ernest Sternglass est dcd l'ge de 91 ans. Physicien, il a jouun rle pionnier, comme scientifique et lanceur d'alerte, dans l'tude des consquencessanitaires des faibles doses de radioactivit. Sternglass a t pendant des dcennies unpilier et un alli de la lutte contre les mfaits de l'industrie nuclaire.

    Sortir du nuclaire n65page 14

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    Sternglass explique sa thse liantles retombes des essais nuclaires

    au ralentissement, pendant lamme priode, de la baisse de lamortalit infantile aux tats-Unis.

  • En bref

    page 15Sortir du nuclaire n65

    Lassociation "Enfants de TchernobylBelarus" a besoin de vous !Fond en 1990 par le physicien nuclaire VassiliNesterenko, l'Institut Belrad est la seule organisationblarusse aider dans la longue dure les popula-tions qui vivent dans les zones contamines duBlarus, pays de loin le plus affect par les retombesde Tchernobyl. Depuis prs de 25 ans, Belrada directement aid des centaines de milliers depersonnes. Cet institut l'action exceptionnelledpend pour l'essentiel de ses financements desdons collects et reverss par l'association franaise"Enfants de Tchernobyl Blarus" (ETB).

    Afin que Belrad conserve une capacit dinterventioncorrecte dans les zones contamines parTchernobyl, lassociation ETB fait appel la solidaritde chacun-e !

    Ltat de dlabrement de la maison de lInstitutBelrad est consquent, de nombreux travaux sontncessaires (faade, plomberie, chauffage).Les rparations plombent de plus en plus le faiblebudget de lInstitut Belrad. De plus, les trois mini-vans de Belrad, qui permettent aux spcialistes del'Institut d'aller sur le terrain auprs des personnescontamines, sont en mauvais tat et il faudraitinvestir dans de nouveaux vhicules.

    Comment les aider ?

    Vous pouvez faire un don pour aider directementles enfants de Tchernobyl :http://enfants-tchernobyl-belarus.org/doku.php?id=adhesion_don

    Commandez le livre-DVD "Tchernobyl Forever",dont tous les bnfices sont reverss au profitde Belrad : http://enfants-tchernobyl-bela-rus.org/doku.php?id=boutique-etb

    Ce livre-DVD est articul autour des photos dugrand reporter Alain-Gilles Bastide et des docu-mentaires de Wladimir Tchertkoff. Prises dans lazone interdite autour de la centrale de Tchernobyl,les images de Bastide russissent nous faire "voir"et sentir l'invisible et l'impalpable, le terrible legsde la contamination radioactive.

    Davance, merci toutes et tous pour votre soutien.

    Plus d'information : enfants-tchernobyl-belarus.org

    Les populations d'oiseaux durementtouches FukushimaDepuis trois ans, les chercheurs Timothy Mousseauet Anders Mller ont entrepris l'analyse des impactsde la radioactivit sur 57 espces d'oiseaux dans leszones contamines de Fukushima. Ils mnent untravail similaire dans les zones contamines parTchernobyl depuis une vingtaine d'annes.

    Ils viennent de dmontrer que de nombreusesespces souffrent d'une diminution importante deleur population, qui atteint un niveau dramatiquepour plusieurs d'entre elles. Ainsi, l'hirondellerustique est pour ainsi dire en voie de disparitiondans les zones contamines, et la rduction de popu-lation est proportionnelle au niveau de radiationmesur par les chercheurs. Mousseau tmoigne :"Nous savons qu'il y avait des centaines d'hirondellesdans une aire donne avant le dsastre, et peinedeux ans plus tard nous n'avons russi en trouverque quelques douzaines qui restaient. Les baisses depopulation ont rellement t extraordinaires."

    Pire, alors mme que le niveau de fond des radia-tions baisse rgulirement mesure que les radio-nuclides se dsintgrent, les chercheurs ontconstat l'inverse que les effets sur les oiseaux necessent de crotre. Mousseau enfonce le clou : "Cesont la fois la biodiversit et l'abondance dechaque espce qui subissent des effets dramatiquesdans les zones prsentant des hauts niveaux deradiation, mme lorsque ces niveaux baissent."

    Source : phys.org

    Pour illustrer une interview croise au sujet de la voiture lectrique dans notren63 de novembre 2014, nous avons choisi une photo d'une action mene parl'association antinuclaire Stop nuclaire 56 / Trawalc'h. Nous prsentons nosexcuses Stop nuclaire 56 / Trawalc'h, qui n'est plus adhrente au Rseau"Sortir du nuclaire" depuis 2010, dont nous n'avions pas recueilli l'accordpralable pour l'utilisation de cette image, et que nous avons nomme de faonerrone dans la lgende de la photo.

    Erratum

    Mousseau/University

    ofCalifornia

    DR

    Vite, des infos !

    Mousseau

    /University

    ofCalifornia

    Cette hirondelle rustique deTchernobyl souffre d'une tumeurde la face.

    Ci-contre : Le directeur de Belrad,Alexey Nesterenko, prsente l'ac-tion de l'institut.

    Cette hirondelle rustiquede Tchernobyl prsente unemalformation du bec.

  • Entre rfugis victimes du tsunami et rfugisnuclaires suite la triple catastrophe du Tohku demars 2011 (sisme, tsunami, srie daccidentsnuclaires), le nombre de personnes ayant perduleur logement slevait 360 000 au moins, dontenviron 160 000 vacus nuclaires. Les vacusvolontaires, cest--dire les personnes qui ont choiside quitter les villes o lordre dvacuer navait past donn en dpit de la contamination nuclaire etde taux de radioactivit dpassant la norme, nesont pas prises en compte dans ce calcul. Le nombredvacus volontaires est difficile valuer,

    dautant que les familles ont souvent explos, desmres de famille inquites pour la sant de leursenfants faisant le choix de divorcer ou de sloignerde leurs maris moins proccups par la situation ouobligs de rester pour le travail, pour aller vivre plusen scurit (mais aussi dans la prcarit) avec leurprogniture dans dautres rgions du Japon.

    Quatre ans aprs la catastrophe, les chiffres officielsindiquent que 61 % des personnes dplaces sonttoujours considres comme des rfugis : ellessont encore en attente dun lieu de vie et dunlogement dfinitifs. Leur hbergement actuel se faitsoit dans la famille, soit chez des amis, soit dansdes appartements mis disposition provisoirementpar certaines municipalits, soit enfin dans descits durgence prfabriques construites la hte,les Kasetsu jtaku, "habitations provisoires".

    Sur les 160 000 vacus nuclaires, prs de 119 000se trouvent encore dans cette situation dattente,dont 73 000 environ lintrieur du dpartementde Fukushima et prs de 46 000 dans dautresrgions. Divers types de compensations financiresont t mis en place. Grce notamment auxddommagements perus pour la perte de leursbiens immobiliers, certains rfugis ont russi

    Janick

    Magne

    Dmantlement de Fukushima :"La technologie n'existe pas"Selon Akira Ono, actuel directeur de la centrale deFukushima, la technologie ncessaire pour dman-teler les racteurs accidents n'existe pas, et il n'aaucune ide de la manire de la dvelopper : "Il y atant d'incertitudes. Nous devons dvelopper beau-coup, beaucoup de technologies. Le dmantle-ment pourrait prendre 200 ans, mais je dirais quenotre objectif est de 30 40 ans". Il concde quel'objectif d'avoir achev le dmantlement en 2051pourrait s'avrer impossible sans un norme sauttechnologique.

    Naohiro Masuda, prsident de la filiale cre parTepco pour s'occuper spcifiquement du dmant-lement, affirme : "Nous n'avons aucune information propos des dbris. Nous ne connaissons ni leurforme ni leur rsistance. Nous devons les retirer parmoyens tlcommands 30 mtres en contrebas,mais nous ne disposons pas de la technologiencessaire, elle n'existe simplement pas." Pour queles dbris puissent tre retirs sans disperser lesradiations, ils devront tre manipuls tout en tanten permanence immergs. Or Masuda admet :"Nous ne savons toujours pas s'il est possible deremplir les racteurs avec de l'eau. Nous avonsdcouvert des fissures et des trous dans les trois

    cuves endommages, mais nous ignorons si nousles avons tous trouvs." Interrog sur la possibilitde commencer le dmantlement d'ici 2020,Masuda estime que "c'est un trs grand dfi" etprcise : "Honntement, je ne peux pas dire quec'est possible, mais je ne souhaite pas non plus direque c'est impossible."

    En avril, Tepco a envoy deux robots dans le racteuraccident n1. Le premier est tomb en panneau bout de quelques heures, en ayant parcouru10 mtres, soit les 2/3 de sa mission prvue. L'autrea tenu plus longtemps, et a d galement treabandonn l'intrieur, une camra essentielleendommage. Les deux ont rcolt des images dedbris radioactifs.

    Sources : Times of London, NHK World, Tepco, etc.

    Fukushima

    Sortir du nuclaire n65page 16

    AssociatedPress

    DR

    Les rfugis nuclaires,quatre ans aprs

    En 2014, Tepco a sign un accordavec Sellafield pour bnficier de

    l'exprience acquise dans ledmantlement ( peine entam...)de ce vaste complexe nuclaire bri-tannique. Quand on connat l'tatcalamiteux du site, les difficults

    majeures et le cot prvisionnel dudmantlement, a promet !

    Ci-contre : Dmonstration devantdes journalistes du "robot-serpent"

    envoy (et abandonn) en deuxexemplaires dans le racteur

    de Fukushima.

    Logements provisoires pourles rfugis nuclaires originaires

    de la ville dkuma. La durede vie des barraquements at prolonge jusqu 2017.

    Chaque climatiseur ( droite)correspond un logement.

  • Fukushima

    page 17Sortir du nuclaire n65

    refaire leur vie ailleurs, mais dautres attendentencore ces versements. Monter un dossier dedemande de ddommagements tait fort complexeet beaucoup de rfugis lont fait avec retard, unpetit nombre y a dailleurs renonc.

    Aprs la catastrophe, la socit TEPCO a indemnisles 160 000 vacus nuclaires raison de 100 000yens (760 euros au cours actuel) par personne,enfants compris, pays en une fois pour 5 ans, soit6 millions de yens (prs de 46 000 euros). Les rfugisdu tsunami, eux, ont reu trs peu daides financireset ce traitement diffrent passe trs mal au sein despopulations touches. Il convient de ne pas oublierque ltat a avanc des sommes considrables lasocit TEPCO pour couvrir la majorit des frais.

    Je suis alle Iwaki, 60 km de la centrale deFukushima-1, en mars 2015 pour interviewer desrfugis et visiter des cits durgence. Il y a encore24 000 rfugis dans la ville. Mes informateurstaient des rfugis originaires de la petite villedkuma, qui a le triste privilge dhberger quatreracteurs de la centrale accidente et accueilledepuis peu une partie des millions de tonnes dedblais radioactifs dont le dpartement est envahi. Iwaki, touche par le tsunami, le prix des terrainsen ville a quadrupl avec larrive des rfugisnuclaires. Mes informateurs mont racontcomment la jalousie et le malaise dus la diffrencede traitement entre rfugis peuvent se manifester : lcole, leurs enfants ont t surnomms "les sixmillions", par allusion la compensation financiredont ils ont bnfici.

    Les logements provisoires sont soit des baraque-ments de bois avec toits de tle ondule, soit desblocs mtalliques voquant des conteneurs. Leshabitants sont l depuis un peu plus de trois ans,loccupation des locaux, qui ne devait pas excder

    deux ans, a t prolonge jusquen 2017 : laconstruction des logements dfinitifs trane, faute demain duvre, et le problme ne va pas sarrangeravec la prparation des Jeux Olympiques de 2020.Dans les baraquements - deux pices minuscules,une petite cuisine de fortune et des sanitaires auxdimensions restreintes -, les rfugis sont regroupspar ville ou quartier dorigine. Ils ne paient pas deloyer mais sacquittent des charges.

    Aujourdhui, ce sont surtout les plus gs quioccupent encore les baraquements, les famillesavec enfants ayant rapidement tent une nouvelle vieailleurs. Ceux avec qui jai pu parler se contentent derves de rfugis : esprer un logement dfinitif,peut-tre un champ o pratiquer un peu de mara-chage et de riziculture "comme avant", survivrejusque l, accepter de ne plus revoir leurs maisons,leurs belles proprits entre ocan et forts, vaincrelinsomnie et la dpression.

    Souvent, les mesures de la radioactivit que jaiprises proximit des logements provisoires dansdiverses villes indiquent un taux trop lev, maisplus personne ne semble sen soucier et le gouver-nement pousse les gens revenir dans lex-"zoneinterdite", rebaptise et dcoupe aujourdhui enzone de "prparation lannulation de la directivedvacuation", zone de "restriction de rsidence" etzone de "retour difficile" 1. La dcontamination encours, extrmement lente et globalement inefficace,est un leurre mais les indemnisations cessent dsquun quartier est rput "dcontamin" et lapopulation appele retourner y vivre et grerelle-mme son taux dexposition la radioactivit.Environ 15 % des habitants envisagent de revenir.

    Tout est fait pour convaincre les rfugis de rentreret tirer un trait sur la tragdie. Dveloppement dutourisme, personnalits et artistes invits, visitesscolaires, idalisation de la culture culinaire localeet de la beaut du lieu : aucun argument nestpargn pour mettre en uvre le "retour au pays"alors que les compteurs Geiger continuent de biperdangereusement et que sur le site de la centraleaccidente les problmes succdent aux problmeset les facteurs de risques continuent de saccumuler.

    Janick Magne

    Janick

    Magne

    Janick

    Magne

    Notes :

    1 : Critres de dfinition des zones :

    - Zone de prparation lannulationde la directive dvacuation :moins de 20 millisieverts/an(20 fois la norme), sjour et travailautoriss le jour uniquement

    - Zone de restriction de rsidence :sjour autoris le jour uniquement,20 50 mSv/an

    - Zone de retour difficile :zone ferme pour une dureindtermine, plus de 50 mSv/an.

    Janick

    Magne

    Ci-contre : Porte-fentredentre dans un des logements :les familles disposent de deuxpetites pices, une minusculecuisine, des toilettes et unepetite salle de bains.

    Ci-contre : Ces deux femmes sontdes rfugies nuclaires dkuma,elles se connaissent depuis long-temps et habitent dans des barra-quements voisins. Elles nous reoi-vent dans la premire pice, toutpetit espace vivre. Au fond, onvoit la deuxime pice, qui sert dechambre coucher. Il y a une cloi-son amovible entre les deuxpices. Les rfugis qui restentsont essentiellement des personnesges. Les autres ont maintenantrefait leur vie ailleurs. Il y a encore24 000 rfugis Iwaki.

    Ville dIwaki, un autre typede cit durgence : les logementsde style "conteneurs". Chaquecit durgence, construite pardes socits de BTP diffrentes,a son propre style.

  • Quel est ton engagement et quelles sont lesactivits dEcodefense ?

    Vladimir Sliviak : Engag dans le mouvement anti-nuclaire russe depuis la fin des annes 1980, je tra-vaille depuis 20 ans pour lONG Ecodefense. Depuis1993, nous menons des campagnes dducation lenvironnement auprs de centaines dcoles.Nous sommes galement trs engags sur la ques-tion du climat, suivons de prs les ngociationsinternationales et publions de nombreuses infor-mations sur cette question qui, en Russie, nattirepas lattention du grand public ni des politiques.Depuis lanne dernire, nous travaillons gale-ment sur les impacts ngatifs des mines de char-bon, qui menacent lexistence des peuples indi-gnes. Et rcemment, nous avons men campagnepour essayer de convaincre le gouvernement deratifier les conventions dAarhus et dEspoo 1.

    Mais depuis le dbut, notre engagement principal,ce sont les actions contre la construction de nou-velles centrales, contre limportation de dchetsradioactifs et pour faire changer la loi sur lenuclaire. Au regard du contexte socio-politiquerusse sur cette priode, nous avons plutt bienrussi : nos campagnes ont permis darrterlimportation de dchets europens et asiatiques,dintroduire des changements importants dans lalgislation environnementale et sur le traitementdes dchets ; enfin, nous avons pu obtenir larrtde la construction de la centrale nuclaire deKaliningrad mi-2013.

    Lindustrie nuclaire russe prtend tre en pleineexpansion, quen est-il vraiment ?

    V.S. : Lindustrie nuclaire russe a un ambitieuxprogramme de dveloppement. Sur le papier, denombreuses constructions de centrales sontprvues, en Russie et ltranger. Mais en ralit, enRussie, le rythme de construction ne compensera pasla fermeture des centrales vieillissantes. Quant auxgrands projets internationaux, ils ne se concrtisentvraiment quau Blarus et en Chine. Lindustriesurestime ses capacits. Il faut savoir que laconstruction des centrales est finance sur lebudget de ltat russe (cest dailleurs autant quinest pas dpens pour les services publics). Mmesi le nuclaire est une priorit pour la Russie, lesfonds disponibles ne sont pas extensibles linfini,dautant que les cots des nouveaux racteurs necessent de crotre.

    Ce quon sait peu en Europe, cest que lindustrienuclaire russe fait parler delle plusieurs fois paran pour des affaires de corruption. Lan dernier, ila t rvl quune firme utilisait des matriaux bas cot pour produire des quipements quitaient ensuite revendus prix dor comme tantdexcellente qualit ! Il ny a pas eu de vrificationspousses suite ce scandale et il se peut que cespices low-cost soient toujours en place sur descentrales russes, indiennes ou chinoises. Un jour oulautre, cela pourrait mener un accident.

    Mais si les scandales de corruption clatent augrand jour, les problmes de sret proprementdits ne sortent pas dans les mdias. Il faut direquune des particularits de lindustrie nuclairerusse est quelle sest principalement dveloppedans des villes fermes, entoures du secret dtat.

    International

    Russie : les antinuclaires rprimscomme "agents de ltranger" !

    En Russie, la vague de rpression qui touche les mouvements sociaux critiques du systmenpargne pas les militants antinuclaires. Pour avoir mis en chec certains projets delindustrie nuclaire russe, lONG Ecodefense est maintenant classe "agent de ltranger".Vladimir Sliviak, son porte-parole, voque son combat contre lindustrie nuclaire russeet tmoigne des pressions des autorits.

    Sortir du nuclaire n65page 18

    Ecodefense!

    Ecodefense!

    Notes :

    1 : Ces deux conventionsinternationales sont des lments

    importants de la dmocratieenvironnementale. La convention

    dAarhus affirme le droit descitoyens dtre informs,

    de simpliquer dans les dcisionset dexercer des recours en matire

    denvironnement. Quant laconvention dEspoo, elle rendobligatoire la ralisation dune

    tude dimpact environnementalavant le dbut de tout projet

    polluant qui pourrait avoir desconsquences sur les pays voisins.

    Manifestation contre la constructionde nouveaux racteurs en Russie,

    prs du sige de Rosatom Moscou, en mars 2011. Sur le

    drapeau : "Centrale de la Baltique- Non merci !". Ce projet de

    centrale a, depuis, t annulnotamment grce l'action

    d'codfense.

    Ci-contre : Vladimir Sliviakexplique les dangers des dchetsradioactifs lors d'une mission

    tlvise sur la chane russe TVC.

  • International

    page 19Sortir du nuclaire n65

    Au moins sept de ces villes, situes majoritairementdans lOural et en Sibrie et accessibles uniquementaux rsidents, sont consacres la recherche,aux activits militaires, lenrichissement et auretraitement du combustible, au stockagedes dchets trangers (dont des dchets franaisdailleurs) Un des lieux emblmatiques est le sitede Mayak, dans lOural, ddi au retraitement ducombustible nuclaire, qui a connu un trs graveaccident en 1957 et continue fonctionner depuis.La rgion reste pollue et les populations souffrenttoujours des consquences sanitaires mais lesautorits ont refus de les reloger ailleurs.

    Au vu du fonctionnement de lindustrie nuclairerusse, on imagine que sengager contre elle estdautant plus difficile

    V.S. : tre militant antinuclaire en Russie est lafois difficile et inspirant. Historiquement, le gouver-nement russe a toujours protg lindustrienuclaire par tous les moyens, quils soient lgauxou non. Mais pour moi, slever contre cette indus-trie, dvoiler ses secrets et essayer de larrter, cenest pas un choix mais un devoir. Mener des acti-vits antinuclaires en Russie signifie donc devoirtenir face la pression du gouvernement et desmdias (tous les grands mdias sont directementcontrls par le gouvernement), se faire constam-ment arrter lors des manifestations, passer beau-coup de temps faire comprendre aux gens lesdangers du nuclaire alors que les autorits disent tout le monde de ne pas sen mler

    En 2014, pour la premire fois, le gouvernementrusse a commenc rprimer ouvertement lesmilitants antinuclaires. Il sest mis criminaliserles campagnes contre lindustrie nuclaire, enprtendant que se battre contre le nuclaire, cestse battre contre le gouvernement ! Plusieurs instru-

    ments de rpression ont t mis en place pour limiterles protestations publiques et la libre circulation delinformation. Nous essayons de cooprer et nousaider mutuellement avec les mouvements pourles droits humains, qui sont aussi soumis unepression importante. Cette vague de rpression estla rponse du gouvernement laccroissement desprotestations de la socit civile. Dans les annes2000, celle-ci se faisait peu entendre et Poutine, quiveut rester ternellement au pouvoir et voit unesocit active comme une menace, a dcid quecela devait toujours rester ainsi.

    Et en 2014, le gouvernement russe a dcid deplacer Ecodefense sur la liste des "agents deltranger" ! Que signifie cette procdure ?

    V.S. : En 2013, Ecodefense a russi empcher laconstruction de la centrale nuclaire deKaliningrad.Cette campagne a t invoque par le ministrede la Justice comme raison principale pour nousinscrire sur la liste des "agents de ltranger". Cetteliste, publie sur le site du ministre de la Justice,comprend les ONGs considres par ltat commeses ennemis. Ecodefense figure parmi les dixpremiers groupes inscrits sur cette liste en Russie eta t ajout mi-2014. Les reprsentants des autoritsont reu lordre de ne pas cooprer ni interagiravec les "agents de ltranger". Les groupesconcerns sont forcs de se signaler comme"agents de ltranger" chaque apparition dans lesmdias, sur leurs sites web et sur leurs documentsofficiels, sans quoi ils encourent des amendes etpeuvent tre dissous.

    Ecodefense refuse de se soumettre ces rgles, nousne sommes les "agents" de personne. Jusquici[janvier 2015], le gouvernement nous a condamnscinq fois des amendes et un autre procs contrenous doit avoir lieu. Il y a un an, Ecodefense comptaittrois branches lgalement enregistres en Russie. Endcembre 2014, le gouvernement en a fait fermerdeux par dcision de justice. Et ils pourraient fermerla dernire, suite une nouvelle amende. Nousrsisterons ces choix politiques du gouvernementtant que nous existerons et ensuite, nous verronsce qui se passe !

    Propos recueillis et traduits par Charlotte Mijeon

    Ecodefense!

    Ecodefense!

    Ci-contre : Manifestation contrela construction de nouveauxracteurs, prs du sige deRosatom Moscou, en fvrier2009. Des activistes en provenancede 30 rgions russes brandissaientdes messages visant les nouveauxracteurs en construction ouprvision travers la Russie.

    Ecodefense!

    Ci-contre : Manifestation contrel'importation de dchets radioactifsen Russie, prs du bureau dugouverneur de la ville d'katrin-bourg dans l'Oural (juillet 2005).

    Ecodefense!

    Manifestation contre la loiautorisant l'importation dedchets nuclaires en Russie, proximit de la Douma, leparlement russe (fvrier 2001).Le garon porte ce message :"Je dis NON - La Douma dit OUI ?"

    Manifestation contre laconstruction d'un racteursurgnrateur (utilisant duplutonium comme combustible)prs de la ville d'katrinbourg,en juillet 2003. Sur la banderole :"Non au nouveau racteur".

  • Pradeep Indulkar, ingnieur du nuclaire, parcequ'il souffrait de maladies provoques par sonmtier, est devenu militant antinuclaire. Il aralis deux documentaires : "High Power" sur lacentrale nuclaire de Tarapur et sur ses impactssanitaires et socio-conomiques dramatiques, et"Jatapur en direct", autre documentaire sur lesluttes contre le projet d'Areva de construire sixracteurs EPR Jatapur, qui constitueraient la plusgrande centrale nuclaire au monde en pleinezone sismique.

    Loi du silence

    En Inde, la loi du silence s'applique l'industrienuclaire de manire beaucoup plus stricte quenulle part ailleurs. La vente de radiamtres tantinterdite dans ce pays, les habitants ne peuvent pasvrifier la radioactivit des sols, ni des aliments. Surles sites internet, trs peu d'informations arrivent filtrer, toujours les mmes, trs sommaires.

    L'AIEA (Agence Internationale de l'nergieAtomique) elle-mme n'est au courant de riend'important : juste un vnement de niveau 1 surl'chelle INES Tarapur. Selon ce critre, la centraleserait donc la plus fiable du monde ! Pourtantl'tat sanitaire dcrit dans "High Power" prouveque la rgion autour de la centrale de Tarapurest fortement contamine par la radioactivit.L'tat indien cache cette vrit et la communautinternationale s'accommode trs bien de ce silence.

    Maladies radio-induites

    "High Power" nous montre une populationqui souffre non seulement d'avoir t dportebrutalement, spolie, exploite par l'industrienuclaire, mais aussi d'avoir t contamine par desradionuclides chapps de la centrale nuclaire deTarapur au cours de fuites accidentelles.

    Des tmoins racontent les maladies dont ilssouffrent : cancers (de la thyrode et d'autres typesinconnus dans la rgion), strilit, fausses couches,crises cardiaques, paralysies, tuberculose, maux dette, hypertension, problmes de reins, handicapsmoteurs, maladies psychiatriques, mortalit infantile,douleurs articulaires, etc. Exactement les mmespathologies que celles qui ont t dcrites Tchernobyl. Tous les tmoins souponnent lacentrale d'tre la cause de leurs maladies et denombreux dcs suspects. Sonia Save, mdecin-chef de la clinique de Tarapur, confirme la ralitde ces maladies inhabituelles et leur cause : laradioactivit.

    Une ville totalement sinistre

    Tarapur, ville martyre, se vide de ses habitants. Ellemeurt avec eux. Des quartiers abandonns, unepopulation sacrifie au profit de la centralenuclaire qui vit dans la prcarit la plus totale,sans mme l'eau courante ni l'lectricit ! La naturesouffre des ondes lectromagntiques mises parles lignes THT acheminant l'lectricit produite parla centrale : les plantes refusent de se dveloppernormalement et ne portent plus les fruits attendus.

    Les populations de poissons ont disparu dans lazone de la centrale. Tarapur, autrefois port depche actif et productif, est dsert. Les pcheursn'ont pas les moyens de payer du fuel pour allerpcher au large et s'ils s'approchent trop prs de lacentrale, on leur tire dessus. La pche de subsis-tance ne suffit plus nourrir la population.

    Mais cette situation sanitaire et conomiquedsastreuse est connue des Indiens qui se mobilisentcontre le projet d'Areva de construire six racteursEPR Jatapur, qui constitueraient la plus grandecentrale nuclaire au monde en pleine zonesismique !

    International

    Inde : Tarapur,ville martyre du nuclaireEn Inde, la loi du silence sur les dboires de l'industrie nuclaire est draconienne. Maisgrce l'action infatigable de Pradeep Indulkar, ingnieur du nuclaire reconverti en ra-lisateur de documentaires antinuclaires, le martyr de la ville de Tarapur, voisine d'unecentrale nuclaire fuyarde, filtre au travers du mur de la censure d'tat.

    Sortir du nuclaire n65page 20

    AIEA

    AIEA

    Ci-contre : Le directeur gnralde l'AIEA, Yukiya Amano, couteun briefing sur les "amliorationsde sret" censment apportes la centrale de Tarapur la suite

    de Fukushima (12 mars 2013).

    Yukiya Amano visite la salle decommande de la centrale de

    Tarapur (12 mars 2013).

  • International

    page 21Sortir du nuclaire n65

    La centrale de Tarapur, qui tait cense tre unfacteur de progrs social et conomique pourla rgion, a provoqu exactement l'inverse : expro-priations sans compensations, violences policires,misre, chmage, maladies radio-induites,ghettosation des populations. La pollutionchimique et thermique a ravag les fonds marins.Cette centrale a provoqu autour d'elle unecatastrophe cologique, sanitaire et sociale : voilen trois mots le message que Pradeep Indulkartente de faire passer.

    La centrale de Tarapur

    La centrale n1 comprend deux racteurs eaubouillante de 160 MW chacun, qui sont les premiers avoir t construits en Asie, les travaux ayant dbuten 1964 et la mise en service effectue en 1969.

    La centrale n2 est constitue de deux racteurs eau lourde pressurise de 540 MW chacun.Il s'agit de la centrale la plus importante installeen Inde. Elle a t construite en 6 ans, la mise enservice du premier racteur s'est produite en 2005et celle du second en 2006.

    Les accidents survenus Tarapur

    D'aprs Pradeep Indulkar, le gouvernement indientient secret toute information concernant lenuclaire. Interroge, l'AERB (quivalent del'Autorit de Sret Nuclaire en Inde) n' a donnaucune rponse.

    La transparence n'existe pas en Inde. Cela signifiequ'on ne peut pas remonter aux sources desdclarations d'accidents. Cependant, on trouve surinternet des rapports succincts qui relatent desaccidents et des incidents nuclaires qui seraientsurvenus dans cette centrale :

    En septembre 1973, des dysfonctionnements devannes, de pompes et de barres de contrle avaientprovoqu un niveau de radioactivit beaucoupplus lev que ne le permettent les normes interna-tionales de protection contre les radiations. Uneopration avait t mene pour que le poissoncontamin ne soit pas mis sur le march. Le gouver-nement avait indemnis les pcheurs. Les pcheurscontamins avaient t soigns en secret. Lacentrale avait t ferme jusqu' ce que lesproblmes techniques ne fussent rsolus.

    Une fuite majeure aurait eu lieu en 1974 Tarapurqui aurait mme fait envisager Indira Gandhi (aupouvoir ce moment-l) de fermer le racteur encause ou le site On n'a jamais su la gravit del'accident sur l'chelle INES. Il y a pourtant eu deuxmorts sur le coup et un troisime, l'ingnieur enchef, au bout de trois ans d'agonie.

    En 1979, une importante fuite d'eau radioactive aexpos 300 travailleurs des doses trs au-dessusdes normes.

    Le 10 septembre 1989 s'est produite une fuite d'ioderadioactive, les rparations ont dur une anne et

    cot environ 78 millions de dollars. La radioactivitretrouve dans des algues prs de la centrale tait700 fois suprieure au niveau normal.

    Le 13 mai 1992, un racteur nuclaire de Tarapur arelch une quantit anormale de radioactivit enraison d'une fuite sur une tuyauterie de condenseurde secours. La fuite a libr une radioactivitde 12 curies (444 milliards de Becquerels) dansl'environnement. La rparation a dur deux moiset a cot deux milliards de dollars. L'origine de ladfaillance est attribue de la corrosion souscontrainte thermique

    Le physicien indien M.V. Ramana, dans son rcentlivre The power of promise consacr au programmenuclaire indien, confirme les nombreux incidentssurvenus dans le pays avec fuites de produitsradioactifs. Il informe galement de l'usage deMOX, utilis Tarapur depuis mai 1983 et fourni parAreva. Ce combustible nuclaire enrichi au plutoniumest beaucoup plus nergtique mais aussi beaucoupplus dangereux et radio-toxique que le combustiblehabituel l'uranium.

    Jacques Terracher

    Dans une interview tlvise de dbut 2013, l'ex-prsident de l'AERB (l'autoritde sret nuclaire indienne) Adinarayana Gopalakrishnan, trs critique decette institution qu'il a prside pendant 3 ans de 1993 1996, ne mchepas ses mots concernant la "sret" de la centrale nuclaire de Tarapur.

    Il rvle que, ds 1996, les experts en sret nuclaire auprs de la MaisonBlanche, ainsi que ceux de General Electric, lui ont indiqu que, si l'Indese souciait de sret nuclaire, elle devrait fermer dfinitivement les deuxracteurs de Tarapur. C'tait il y a bientt 20 ans... et ils sont encore en activit.Pour Gopalakrishnan, la centrale de Tarapur est une "bombe retardement"et l'Inde est "au bord du dsastre".

    Xavier Rabilloud

    Tarapur : un ex-patron de lasret nuclaire dnonce le danger

    NPCIL

    DR

    Ce tract de la NPCIL (NuclearPower Corporation of India)vante le fait que "les activitsde pche continuent proximitdes centrales nuclaires". Allezdire a aux pcheurs de Tarapur...

  • EPR de Flamanville : condamn parun dfaut de fabrication ?L'Autorit de Sret Nuclaire a rvl le 7 avrildernier la dcouverte de dfauts de fabrication dela cuve du racteur EPR de Flamanville. Ce sont lecouvercle et le fond de la cuve, forges dans l'usineAreva du Creusot, qui sont en cause. Les racteursEPR de Taishan 1 et 2 (Chine) pourraient tre aussiconcerns, mais pas l'EPR d'Olkiluoto (Finlande),dont les lments de cuve ont t forgs par unautre fournisseur.

    Une concentration de carbone trop importante at constate dans une zone de 1,20 m de diamtresur un couvercle et un fond de cuve "tmoins"similaires ceux de l'EPR de Flamanville. Cephnomne est classique en mtallurgie, et rienn'explique pour l'instant qu'il n'ait pas t anticipcorrectement par Areva. Il affecte invitablement larsistance mcanique de l'acier des cuves.

    Selon Yves Marignac, directeur du cabinet WISE-Paris, il est "en thorie possible" que la cuve dfec-tueuse puisse obtenir, par le biais dune "dmonstra-tion de sret alternative", la certification de l'ASN.Cependant, il ajoute que "la nature et la taille desdfauts constats rendent la construction de cettedmonstration, si elle est possible, trs difficile."

    Esprons qu'Areva ne parviendra pas "construire"une telle entourloupe, sans laquelle la rsolution duproblme est un norme dfi.

    Selon WISE, si le couvercle de cuve pourrait sansdifficult majeure tre remplac, "concernant lefond de cuve, il apparat trs improbable de trouver

    une solution en sparant le fond du corps de lacuve pour le rparer ou le remplacer sparment,ou de le rparer in situ. Toute solution de rpara-tion ou de remplacement conduirait ainsi presquecertainement devoir vacuer le corps de la cuve.Une telle opration serait s