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Savitri Devi-Souvenirs et reflexions-d une aryenne

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SOUVENIRS ET REFLEXIONS

D’UNE ARYENNE

par SAVITRI DEVI(Licenciée ès-Sciences ; Docteur ès-Lettres)

1976

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Dédié aux initiés,

morts ou vivants

de l’Ordre des Schutzstaffeln,

en particulier à ceux de la section

“Ahnenerbe”

du dit Ordre, et à leurs disciples et émules

d’aujourd’hui et des siècles à venir.

Publié par l’auteur, Srimati Savitri Dëvi Mukherji, C-23, South Extension II, New Delhi. 110049, et imprimé par Sri M. K. Mukherji à la ‘‘Temple Press’’, 2

Nayaratna Lane, Shyambazar, Calcutta-700004.

scan, ORC, mise en page

L E N C U L U S

Février 2007Pour la Librairie Excommuniée Numérique

des Curieux de Lire les USuels

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“... unsere neue Auffassung, diedem Ursinn der Dinge entspricht”.

Adolf Hitler, “Mein Kampf”, Edit. 1935, p. 440.

“Qu’est-ce que tout cela, qui n’est pas éternel ?”

Leconte de Lisle — “L’illusion suprême”, Poèmes Tragiques.

053Exemplaire

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TA b L E D E S m AT I è R E S

AvAnt-propos .. ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ 7

LA reLigion des forts ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ 9

fAusses nAtions et vrAi rAcisme.. ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ......25

Anthropocentrisme et intoLérAnce ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ......45

Le mépris de L’homme moyen ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ......73

L’histoire, L’Action et L’intemporeL ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ......97

déveLoppement technique et trAdition ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..117

déveLoppement technique et “combAt contre Le temps”.. ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..143

Les deux grAnds mouvements modernes et LA trAdition .... ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..163

Le renversement des vALeurs Anthropocentriques.. ...... ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..185

L’ésotérisme hitLérien et LA trAdition.. ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..219

L’irrémédiAbLe décAdence ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..241

L’AppeL de LA fin .... ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ........ ..263

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AVANT-PROPOS

Écrites de 1968 à 1971, à Montbrison, à Athènes, à Ducey (Normandie) et finalement à Delhi, et imprimées à frais d’auteur au milieu des plus grandes difficultés matérielles (avec les délais, les arrêts — la lenteur — inévitables dans de telles conditions), ces pages reflètent l’expérience d’une longue vie dominée par un seul état d’âme — la nostalgie de la Perfection originelle — et consacrée à un seul combat : la lutte contre toutes les formes de décadence. Cette lutte, — dans l’esprit de la Tradition éternelle et par conséquent plus qu’humaine — ne pouvait, à notre époque, que s’identifier à celle qu’a menée, sur une échelle incommensurablement plus vaste, un Homme incommensurablement plus grand (plus près de l’éternel) que moi, sa disciple sincère, mais insignifiante.

Ces pages sont écrites à la gloire de cet Homme, et de l’Ordre dont il fut le Fondateur et l’âme. Elles visent à mettre en évidence que sa doctrine n’exprime rien moins que la Tradition, une et plus qu’humaine, et partant à justifier, au nom de principes inébranlables, — vrais, absolument — tout ce qui s’est fait (ou se refera) en son nom, pourvu que ce soit aussi dans son esprit.

Je les donne aux camarades, mes frères et sœurs de race et de foi, où qu’ils soient, avec l’antique salutation rituelle des fidèles et les deux Paroles aujourd’hui interdites.

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Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidée, directement ou indirectement à produire ce livre : d’abord mon époux, Sri Asit Krishna Mukherji, dont l’approbation m’a soutenue ; puis Madame Françoise Dior, dont la généreuse hospitalité à Ducey, d’octobre 1970 à mai 1971, m’a permis d’écrire, dans une atmosphère de compréhension et de sympathie, et libre de tout souci matériel, une partie de ces “Souvenirs et réflexions” ; puis Fräulein Marianne Singer qui a rendu possible mon retour aux Indes, pays où, quelle que puisse être la position idéologique des gouvernants, la personne qui a une foi peut, sans interdictions et sans restrictions, en publier l’expression, — bienheureuse tolérance, sans laquelle ce livre n’aurait jamais vu le jour, au moins sous sa forme actuelle ; enfin Messieurs Owen Loveless, S. G. Dickson, Sajer, Saint-Loup et leurs camarades dont je ne connais pas les noms, qui m’ont aidée, de leurs économies durement gagnées, à en financer l’impression. Je suis heureuse de leur exprimer à tous, ici, dans cet avant-propos ; combien leur témoignage de solidarité m’a touchée.

New Delhi, 28 Juillet, 1976

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I

LA RELIGION DES FORTS

« Hénokhia, Cité monstrueuse des Mâles,Antre des Violents, Citadelle des Forts,

Qui ne connus jamais la peur ni le remords » ...

Leconte de Lisle (‘‘Qaïn’’ ; Poèmes Barbares)

Si j’avais à me choisir une devise, je prendrais celle-ci : “Pure, dure, sûre”— en d’autres termes : inaltérable. J’exprimerais par là l’idéal des Forts, de ceux que rien n’abat, que rien ne corrompt, que rien ne fait changer ; de ceux sur qui on peut compter, parce que leur vie est ordre et fidélité, à l’unisson avec l’éternel.

Oh, toi qu’exalte la lutte sans fin, fût-elle sans espoir, attache-toi à ce qui est éternel ! Cela seul est ; le reste n’est qu’ombre et fumée. Aucun individu, homme ou bête, aucun groupe d’individus, aucun peuple ne mérite que tu te soucies de lui en tant que tel ; chacun, par contre, mérite, en tant que reflet de l’éternel, que tu te dévoues pour lui jusqu’à la limite de tes capacités. Et les êtres et les groupes naturels d’êtres reflètent l’éternel plus ou moins. Ils le reflètent dans la mesure où ils s’approchent, sur tous les plans, de l’archétype de leur espèce ; dans la mesure où ils le représentent d’une manière vivante. Celui qui ne représente que lui-même, fût-il de ceux qui font et défont l’histoire et dont les noms retentissent au loin, n’est qu’ombre et fumée.

Toi qu’exalte l’image du rocher solitaire livré à tous les assauts de l’Océan battu des vents, battu des flots, frappé par la foudre au fort des tempêtes, sans cesse couvert d’écume furieuse, mais toujours debout, millénaire après millénaire ; — toi qui voudrais pouvoir t’identifier, avec tes frères dans la foi, à ce symbole tangible des Forts, au point de sentir : “C’est nous ! C’est moi !”, libère-toi des deux mortelles superstitions : de la recherche du “bonheur” et du souci de l’ “humanité” — ou garde-toi d’y jamais tomber, si les Dieux t’ont accordé le privilège d’en être dès ton jeune âge exempt.

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Le bonheur — qui, pour eux, consiste à n’être point contrariés dans leur épanouissement naturel ; à n’avoir ni faim, ni soif, ni froid, ni trop chaud ; à pouvoir vivre librement la vie pour laquelle ils sont faits ; et parfois, pour certains d’entre eux aussi à être aimés, — devrait être octroyé aux vivants qui ne possèdent pas le mot, père de la pensée. C’est une compensation qui leur est due. Contribue de tout ton pouvoir à la leur assurer. Aide la bête et l’arbre, — et défends-les contre l’homme égoïste et lâche. Donne une brassée d’herbe au cheval ou à l’âne exténué ; un seau d’eau au buffle qui meurt de soif, attelé depuis le lever du jour à sa charrette pesante, sous le ciel brûlant des tropiques ; une caresse amicale à la bête de somme, quelle qu’elle soit, que son maître traite comme une chose ; nourris le chien ou le chat abandonné, et celui qui erre dans la ville indifférente, n’ayant jamais eu de maître ; pose pour lui une assiette de lait au bord du chemin, et flatte-le de la main, s’il te le permet. Porte le rameau vert qu’on a arraché et jeté dans la poussière, dans ta maison, afin qu’on ne le piétine point ; et là, mets-le dans un vase d’eau ; il est vivant, lui aussi, et a droit à ta sollicitude. Il n’a pas autre chose que la vie silencieuse. Qu’au moins tu l’aides à en jouir. Vivre, c’est sa manière à lui — c’est la manière de tous les êtres de chair, à qui le mot n’a pas été donné, — d’être en harmonie avec l’éternel. Et vivre, pour toutes ces créatures, c’est le bonheur.

Mais ceux qui possèdent le mot, père de la pensée, et, parmi eux, les Forts surtout, ont autre chose à faire qu’à chercher à être “heureux”. Leur lâche suprême consiste à retrouver cette harmonie, cet accord avec l’éternel, dont le mot semble d’abord les avoir privés ; à tenir leur place dans la danse universelle des vivants avec tout l’enrichissement, toute la connaissance, que le mot peut leur apporter ou les aider à acquérir ; à vivre, comme ceux qui ne parlent pas, selon les lois saintes qui régissent l’existence des races, mais, celle fois, le sachant ci le voulant. Le plaisir ou le déplaisir, le bonheur nu l’inquiétude de l’individu ne comptent pas. Le bien-être, — au-delà du minimum qu’il en faut à chacun pour accomplir sa tâche — ne compte pas Seule compte la tâche : la recherche de l’essentiel de l’éternel, à travers la vie et à travers la pensée.

Attache-toi à l’essentiel, — à l’éternel. Et ne te préoccupe jamais du bonheur — ni du tien, ni de celui d’autres hommes ; mais accomplis ta tâche, et aide aux autres à accomplir la leur, pourvu quelle ne contrecarre pas la tienne.

Celui qui possède le mot, père de la pensée, et qui, loin de le mettre au service de l’essentiel, le gaspille dans la recherche de satisfactions personnelles ; celui qui possède la technique, fruit de la pensée, et qui s’en sert surtout pour accroître son bien-être et celui des autres hommes, prenant cela pour la tâche majeure, est indigne de ses privilèges. Il ne vaut pas les tires de beauté et de silence, l’animal, l’arbre, qui, eux, suivent leur voie. Celui qui se sert des pouvoirs que lui donnent le mot et la pensée pour infliger la mot et surtout la souffrance aux beaux êtres qui ne parlent pas en vue de son propre bien-être ou de celui d’autres hommes : celui qui se sert de ses privilèges d’homme contre la nature

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vivante, pèche contre la Mère universelle — contre la Vie — et contre l’Ordre, qui veut que “noblesse oblige”. Ce n’est pas un Fort : ce n’est pas un aristocrate au sens profond du mot, mais un mesquin, un égoïste et un lâche, objet de dégoût aux yeux de l’élite naturelle.

Toute société, toute “civilisation” qui procède de la même aspiration au bien-être humain avant tout, au bien-être ou au “bonheur” humain à n’importe quel prix, est marquée du sceau des Puissances d’En-bas, ennemies du l’ordre cosmique dans le jeu sans fin des forces. C’est une civilisation de l’Age Sombre, si tu es obligé de la subir, subis-la en t’y opposant sans cesse, en la dénonçant, en la combattant toutes les minutes de ta vie. Mets ta gloire a hâter sa fin, — au moins à coopérer de tout ton pouvoir à l’action naturelle des forces qui la mènent à sa fin. Car elle est maudite. Elle est laideur et lâcheté organisées.

Défais-toi non seulement de la superstition du “bonheur”, si elle t’a jamais séduit, mais aussi de celle de l’homme. Garde-toi de l’attitude, aussi vaine que sotte, qui consiste à essayer d’ “aimer tous les hommes” simplement parce que ce sont des hommes, Et si cette attitude n’a jamais été la tienne, si, dès l’enfance, tu as été imperméable à la propagande des dévots de “l’humanité”, rends grâces aux Dieux immortels auxquels tu dois cette sagesse innée. Rien ne t’interdit, certes, de tendre la main à un homme qui a besoin de secours, fût-il le plus dépourvu de toute valeur. Les Forts sont généreux. Mais alors, sois bon envers lui en tant que chair vivante, non en tant qu’homme. Et s’il s’agit de choisir entre lui et une créature privée du mot, mais plus près de l’archétype de son espèce qu’il ne l’est, lui, de celui de l’homme idéal, c’est-à-dire de l’homme supérieur, donne ta préférence et ta sollicitude à cette créature : elle est, plus que lui, une œuvre d’art de l’éternel Artiste.

Car “l’homme”, dont on fait tant de cas, n’est pas une réalité, mais une construction de l’esprit à partir d’éléments vivants, d’une déconcertante variété. Sans doute toute “espèce” est-elle une construction de l’esprit : son nom correspond à une idée générale. Mais il y a une différence énorme : ces réalités vivantes, que sont les individus de chaque espèce, se ressemblent. L’espèce existe en chacune d’elles. Tous les spécimens qui s’y rattachent reflètent l’éternel au même degré, ou à peu près. Les individus de même race, qui ne possèdent pas le mot, sont presque interchangeables. Leurs possibilités sont précises. On sait ce que gagne le monde des vivants toutes les fois que naît un petit chat ; on sait ce qu’il perd toutes les fois que meurt un chat, jeune ou vieux. Mais on ne sait pas ce qu’il gagne — ou perd toutes les fois que naît un bébé d’homme. Car qu’est-ce qu’un homme ?

Le plus parfait spécimen de Nordique, dont l’âme est noble et le jugement ferme et droit, et dont les traits et le port sont ceux des statues grecques de la plus belle époque, est “un homme”. Un Hottentot, un Pygmée, un Papou, un Juif, un Levantin métissé de Juif, sont “des hommes”. “L’homme” n’existe pas. N’existent que de très diverses variétés de primates qu’il est convenu d’appeler “humaines”

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parce qu’elles ont en commun la station droite et le mot ; et celui-ci à des degrés très inégaux. Et à l’intérieur de la même race, — mieux encore ; à l’intérieur du même peuple, — que d’insurmontables divergences, tant psychiques que physiques ; divergences que l’on voudrait pouvoir, même alors que la morbidité les explique en partie, attribuer à de lointains métissages, tant paraissent contre-nature de tels écarts entre individus d’un même sang. On est déjà choqué d’avoir si souvent à constater des oppositions idéologiques (ou religieuses) si violentes, entre frères de race. On l’est bien plus encore de savoir que, tandis que saint Vincent de Paul était Français, il existe des bourreaux d’enfants qui le sont aussi ; ou de savoir que la belle et vertueuse Laure de Noves, comtesse de Sade, eut, quatre siècles après sa mort, parmi ses descendants, le marquis de triste mémoire qui porte le même nom.

Je le répète donc ; on ne sait pas, on ne peut pas prévoir, ce que le monde vivant gagne ou perd, toutes les fois que naît ou meurt un jeune être appelé humain. Et moins la race est pure, c’est-à-dire moins les possibilités de chaque bébé sont, au départ, et en gros, les mêmes, — et aussi, moins la société tend à couler tous les individus d’un même groupe dans un même moule, c’est-à-dire, moins elle tend à toujours encourager le développement des mêmes possibilités, et cela, en gros, dans le même sens, — moins il est possible de le deviner. Car alors, plus l’exception, — l’individualité inclassable, — sera fréquente au sein d’on groupe de même nom, ce “nom” ne correspondant plus à aucune réalité. Il sera relativement possible, et également facile, de prévoir, dans des circonstances précises, les réactions d’un membre de tribu amérindienne, africaine ou indienne — disons, d’un Jivaro, d’un Massai, ou d’un Santal demeuré dans son milieu naturel et soumis à sa tradition, — et celles d’un Aryen (Allemand ou non) qui est en même temps un Hitlérien orthodoxe. Il sera plus difficile de prévoir celles d’un quelconque Européen occidental non-engagé.

Il est vrai toutefois que, au-delà d’un certain degré de brassage de races et de milieux, et de conditionnement sur une vaste échelle, grâce à tous les moyens modernes de diffusion, les gens finissent par se ressembler étrangement, psychiquement, sinon physiquement ; à se ressembler dans la nullité. Ils croient tous faire preuve d’indépendance et d’originalité, et, en fait, leurs réactions en face de circonstances semblables sont aussi identiques que peuvent l’être celles de deux individus de la même tribu de Noirs ou de Peaux-Rouges, ou… celles de gens de même race, liés par la même foi. Les extrêmes se touchent. Le chaos ethnique que représentent les foules d’une métropole à l’avant-garde de toutes les techniques tend à acquérir une uniformité dans la grisaille, une sorte d’homogénéité factice — voulue par ceux qui contrôlent ces foules — sinistre caricature de la relative unité naturelle des gens de même sang, que tient une échelle de valeurs et des pratiques communes ; uniformité qui, loin de révéler une “âme collective”, à quelque degré d’éveil que ce soit, ne décèle que la

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déliquescence d’une société qui a définitivement tourné le dos à l’éternel — en d’autres termes : d’une société damnée.

Mais on peut encore parfois découvrir un individu exceptionnel au sein d’une telle société ; un individu qui méprise le chaos ethnique qu’il voit autour de lui et dont il est peut-être lui-même un produit, et qui, pour en sortir, adhère à quelque doctrine d’extinction de l’espèce, ou bien, se met tout entier au service d’une vraie race, avec tout le renoncement que cela comporte pour lui. Le mécanisme de l’hérédité est si complexe, et le jeu des influences extérieures si soumis au hasard, qu’il n’est pas possible de prévoir qui, parmi les enfants d’une société décadente, deviendra un tel individu, — pas plus qu’il n’est possible de prévoir quel membre nouveau-né d’une tribu aspirera un jour à autre chose qu’aux valeurs et idées reçues, ou quel enfant, élevé dans une foi particulière, s’empressera d’en sortir, dès qu’il le pourra.

L’exception est quelquefois probable et toujours possible dans un groupe humain, si homogène soit-il, — ce qui ne veut pas dire que, dans la pratique, on puisse ou même on doive toujours en tenir compte : cela compliquerait à l’infini les rapports entre groupes. D’ailleurs l’exception, si elle représente quelque chose de plus qu’elle-même, change de groupe, toutes les fois qu’elle le peut. S’il existait quelqu’Aztèque que choquait les sacrifices offerts aux Dieux de son peuple, il est à présumer que cet homme fut parmi les premiers à adopter la religion des conquérants espagnols ; et un Aryen d’Europe qui, à notre époque, n’éprouve que mépris pour les valeurs “chrétiennes et démocratiques” de l’Occident, et rêve d’une société à l’image de celle de la Sparte antique, adhère, s’il a le goût du combat, à la foi hitlérienne.

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Il ressort de ces observations que le concept d’humanité ne correspond à aucune réalité concrète, séparable de celle de l’ensemble des vivants. Le mot et la station droite, seuls traits communs à tous les hommes, ne suffisent pas à faire de ceux-ci des “frères” dont n’importe lesquels seraient plus près les uns des autres que ne l’est l’un quelconque d’eux d’un être d’une autre espèce. Il n’existe donc aucune obligation morale d’aimer tous les hommes, à moins qu’on n’en postule une d’aimer tous les êtres vivants, y compris les insectes les plus nuisibles, car un homme (ou un groupe d’hommes) qui, par nature ou par choix, répand la laideur, le mensonge et la souffrance, est plus nuisible que n’importe quel insecte malfaisant. Il serait absurde de combattre l’un, et le moins puissant, donc le moins dangereux, tout en tolérant — et à fortiori, en “aimant” — l’autre.

Aime donc l’homme supérieur, l’Aryen digne de ce nom : beau, bon, et courageux ; responsable ; capable de tous les sacrifices en vue de l’accomplissement de sa tâche ; l’Aryen sain et fort. C’est ton frère et ton compagnon d’armes dans la lutte de ta race contre les forces de désintégration ; celui dont les enfants

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continueront cette lutte sacrée aux côtés des tiens, quand ton corps sera retourné à ses éléments.

Respecte l’homme des races nobles, autres que la tienne, qui mène, dans un cadre différent, un combat parallèle au tien, — au nôtre. C’est ton allié. C’est notre allié, fût-il à l’autre extrémité du monde.

Aime tous les vivants dont l’humble tâche ne s’oppose en aucune manière à la tienne, à la nôtre : — les hommes au cœur simple, honnêtes, sans vanité et sans malice, et toutes les bêtes, car celles-ci sont belles, sans exception, et sans exception indifférentes à quelqu’ “idée” que ce soit. Aime-les, et tu sentiras l’éternel dans le regard de leurs yeux de jais, d’ambre ou d’émeraude. Aime aussi les arbres, les plantes, l’eau qui coule dans l’herbe et s’en va à la mer sans savoir qu’elle y va : aime la montagne, le désert, la forêt, le ciel immense, plein de lumière ou plein de nuages ; car tout cela dépasse l’homme et te révèle l’éternel.

Mais méprise la masse humaine au cœur vide, à l’esprit superficiel ; la masse égoïste, lâche et prétentieuse, qui ne vit que pour son propre bien-être, et pour ce que l’argent peut acheter. Méprise-la, tout en te servant d’elle, toutes les fois que tu le peux. Si elle est de notre race, et suffisamment pure, d’elle peuvent naître des enfants qui, éduqués par nos soins à une époque où nous aurons de nouveau notre mot à dire, vaudront infiniment plus qu’elle. C’est même là le meilleur, peut-être le seul service qu’elle puisse rendre. Toutes les fois qu’un homme de bonne race, joyeusement intégré à la “société de consommation”, te déçoit, dis-toi qu’il ne compte pas en tant qu’individu conscient ; que seul son sang compte. Vois en lui uniquement ce qu’un éleveur de chevaux ou de chiens de race considère en chacun de ses sujets : son pedigree. Et laisse-le parler : — ce qu’il dit, ce qu’il croit penser, n’a aucune importance.

Quant à l’ennemi des valeurs immuables, à l’ennemi de la Nature et de la Vie, — à celui qui voudrait sacrifier le plus beau au moins beau ou au franchement laid ; le fort au faible : le sain au souffreteux, voire au malade et au déficient ; celui qui s’érige, seul ou en groupe, contre l’éternel, combats-le de toute l’ardeur de ton cœur, de toute la force de ton bras, de toute l’efficience de ton intelligence. Il n’est pas nécessaire de le haïr, Il suit sa nature et accomplit sa destinée en s’opposant aux valeurs éternelles. Il joue son rôle dans la danse cosmique sans commencement ni fin. Mais, — et précisément pour cette raison — il est nécessaire et même urgent de le combattre, et par tous les moyens, sans trêve et sans faiblesse. Car il est ton contraire absolu — notre contraire et, par conséquent notre ennemi naturel — dans l’impitoyable jeu des forces.

Combats-le avec détachement et de tout ton pouvoir : les Forts conservent un équilibre serein jusque dans le fanatisme le plus exaltant. Combats-le par la violence, combats-le sans violence — selon les cas. Combats-le en pensant jour et nuit à l’opposition qui existe entre ton rôle et le sien.

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Ne sous-estime jamais les rites. Partout où ils existent règne un certain ordre. Et tout ordre implique soumission de la volonté individuelle, discipline, donc renoncement ; préparation à la recherche de l’éternel.

Toute religion véritable est une voie ouverte à ceux qui tendent vers l’éternel, consciemment ou non. Et il n’y a pas de vraie religion sans rites. Et dès qu’il y a des rites, si simples qu’ils soient, il y a ébauche de religion. Je dis “ébauche”, car si le rite est nécessaire, essentiel même, à toute vraie religion, il ne suffit pas à la créer. Il faut que s’y ajoute une doctrine qui soit une expression de la Tradition, c’est-à-dire qui aide le fidèle à vivre des vérités éternelles. Il est inutile de dire — car cela saute aux yeux — que, parmi les gens qui se rattachent nominalement à une religion donnée, chacun la vit plus ou moins, et que la grande majorité (du moins aux époques de décadence, telles que la nôtre) ne la vit pas du tout. On pourrait presque définir une époque de décadence en se contentant de dire que c’est une époque où les doctrines traditionnelles, c’est-à-dire celles qui élèvent les fidèles à la contemplation de l’éternel, cessent d’intéresser les hommes, à l’exception d’une infime minorité.

Aux siècles où la dégénérescence s’affirme et s’accentue, les doctrines proprement politiques prennent, dans l’esprit et le cœur de la plupart des gens, le pas sur les doctrines traditionnelles, généralement appelées “religieuses”, et — ce qui, peut-être, est pire encore, — les hommes se servent du nom de différentes religions pour mener des combats qui n’ont, comme fin, que des avantages personnels et matériels.

Les doctrines proprement politiques sont, contrairement à celles qui relèvent de la Tradition, centrées sur des préoccupations immédiates et des considérations tout au plus “historiques”, c’est-à-dire temporelles ; sur ce qui ne se reproduit pas, — ce qu’on ne verra pas deux fois. Une doctrine qui aide ses adhérents à résoudre des problèmes immédiats d’ordre politique. voire économique, tout en leur enseignant des vérités qui transcendent de loin ceux-ci, et en leur inculquant une échelle de valeurs correspondante, est autre chose qu’une doctrine politique. C’est une Weltanschauung, une “vision de l’Univers”. Il suffirait de lui associer des rites pour faire d’elle la base d’une religion. Et ceux de ses adhérents qui ont le sens du rite, le besoin du rite, — qu’ils expriment comme ils le peuvent en marquant les jours fastes ou néfastes, les anniversaires joyeux ou douloureux, liés à l’histoire de leur communauté ; en visitant, à certaines dates, des lieux riches, pour eux, de signification — sont déjà des fidèles.

Mais, je le répète : pour qu’une Weltanschauung, une vision de l’Univers, une “philosophie”, puisse, une fois pénétrée de la magie du rite, devenir la base d’une vraie religion, il faut non seulement qu’elle ne contienne aucune

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contradiction interne, mais encore que ses propositions fondamentales soient vraies, non relativement, mais absolument ; vraies dans tous les temps, et partout ; vraies dans le temps et en dehors du temps ; éternellement. Il faut, en d’autres termes, qu’elle ne repose sur rien moins que des lois du cosmos ; des lois de la Vie sans commencement ni fin ; des lois qui s’appliquent à l’homme, mais qui dépassent l’homme de même que tous les êtres finis. Il faut, en un mot, qu’il s’agisse d’une philosophie cosmique capable de s’intégrer dans l’éternelle Tradition.

Extrêmement rares sont les doctrines prétendues “libératrices”, et plus rares encore les doctrines politiques (fussent elles à base “philosophique”) qui remplissent cette condition. Si quelqu’une d’elles, tout en ne la remplissant pas, se laisse, sous la pression d’un besoin de l’âme humaine aussi vieux que l’homme, associer à des rites, elle tendra à donner naissance à une fausse religion, — à une organisation sacrilège, en d’autres mots, à une contre-Tradition. C’est, à notre époque, le cas du Marxisme, dans la mesure où un semblant de vie rituelle a commencé à s’y introduire. L’humble et sincère paysan slave qui, parmi beaucoup d’autres, attend, devant le mausolée de Lénine, la minute où il lui sera enfin permis de se recueillir en présence du corps, rendu artificiellement incorruptible, de l’homme qui a fait des idées du Juif Marx la base d’une révolution mondiale, est un fidèle. Il est venu là en pèlerinage, nourrir son âme de dévotion, comme ses pères allaient s’incliner, dans quelqu’église célèbre, devant une icône miraculeuse. La nourriture de l’âme est demeurée, ou redevenue, pour lui, plus importante que celle de l’estomac. Il resterait, s’il le fallait, deux jours sans manger et sans boire, pour vivre la minute où il passera en silence devant la chair momifiée de Lénine. Mais l’âme vit de vérité ; de contact avec ce qui est, partout et toujours. Les contrevérités auxquelles elle croit la détournent de ce contact et la laissent, tôt out tard, sur sa faim d’absolu. Or, toute la philosophie de, Marx, reprise par Lénine comme fondement de l’État prolétarien, est basée sur des contre-vérités flagrantes : sur l’assertion que l’homme n’est pas autre chose que ce que son milieu économique fait de lui ; sur la négation du rôle de l’hérédité, donc de la race ; sur la négation du rôle des personnalités (et des races) supérieures dans le déroulement de l’histoire. L’homme sincère, religieusement dévoué aux maîtres qui ont ainsi érigé l’erreur en principe, et déchaîné, à partir d’elle, une révolution à l’échelle mondiale, sert sans le savoir les Forces de désintégration ; celles que, dans la terminologie plus ou moins dualiste de plus d’un enseignement traditionnel, on appelle “les Puissances de l’Abîme.”

Parmi les doctrines dites politiques du vingtième siècle, je n’en connais qu’une seule qui, tout en étant, en fait, infiniment plus que “politique”, remplisse la condition sine qua non, sans laquelle il n’est pas possible à une Weltanschauung, même avec l’aide du rite, de servir de base à une vraie religion, à savoir, qui repose sur des vérités éternelles, dépassant de très loin l’homme et ses problèmes immédiats, sans parler du peuple particulier auquel elle fut d’abord prêchée, et

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des problèmes qui étaient alors les siens. Une seule, dis-je ; et j’ai nommé le vrai racisme aryen, en d’autres termes, l’Hitlérisme.

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Dans un passage de son roman “Les Sept Couleurs”, Robert Brasillach décrit la cérémonie de consécration des nouveaux drapeaux du Reich allemand, à l’une des grandes réunions annuelles de Nuremberg, à laquelle il était lui-même présent. Après le grandiose défilé de toutes les organisations qui dépendaient du Parti National-socialiste ou qui s’y rattachaient, le Führer s’avançait solennellement sous les yeux des cinq cent mille spectateurs, pressés sur les gradins de l’immense stade, sur qui planait un silence absolu. Il soulevait l’une après l’autre les bannières neuves, et les mettait en contact avec le “Drapeau du Sang” : l’étendard qu’avaient porté ses disciples de la première heure, lors du putsch du 9 novembre 1923, et auquel le sang des Seize, tombés ce jour-là, avait conféré un caractère sacré. A travers lui, chaque drapeau devenait semblable à celui-ci ; se “chargeait”, comme lui, de fluide mystique, par participation au sacrifice des Seize. Et l’écrivain français remarque, fort justement, à ce propos, que l’homme auquel le sens religieux de ce geste échappe, “ne comprend rien à l’Hitlérisme”. Il souligne, en d’autres termes, que ce geste est un rite.

Mais ce rite, qui s’ajoute d’ailleurs à beaucoup d’autres, n’aurait jamais suffi à donner à l’Hitlérisme le caractère d’une religion, si celui-ci n’avait pas déjà été une doctrine plus-que-politique : une Weltanschauung. Et surtout, il aurait été impuissant à faire de lui une vraie religion, si, à la base de cette Weltanschauung, il n’y avait pas eu des vérités éternelles, et toute une attitude qui n’était (et ne demeure), en dernière analyse, autre que la recherche même de l’éternel à travers ce qui passe — l’attitude traditionnelle par excellence.

Ces paroles peuvent sembler étranges en 1969, plus de vingt-quatre ans après la défaite de l’Allemagne hitlérienne sur le plan militaire, et l’effondrement de la structure politique qui avait été la sienne. Elles peuvent sembler étranges, maintenant que l’on chercherait en vain, dans tout l’espace géographique que couvrait le Troisième Reich, un signe visible de résurgence du National-socialisme tel que l’entendait le Führer, et que la plupart des organisations qui, au-delà des anciennes frontières du Reich, prétendent vouloir prendre la relève du Mouvement condamné, n’en sont ou bien que de pâles imitations sans âme, ou bien que de lamentables caricatures, parfois au service d’autres buts. Mais la valeur d’une doctrine, — sa vérité — n’a que faire avec le succès ou la faillite de ses adhérents sur le plan matériel. Ce succès ou cette faillite dépend de l’accord ou du non-accord de la doctrine avec les aspirations des gens, à un moment donné de l’histoire ; et aussi du fait que ses adhérents sont ou ne sont pas, du point de vue militaire, du point de vue diplomatique, du point de vue de l’art de la propagande, capables de s’imposer — et par suite de l’imposer — à

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leurs adversaires. Le fait que la doctrine est ou n’est pas une expression de la vérité cosmique n’entre pas ici en ligne de compte. Mais il donnera à la longue raison ou tort à la doctrine, en ce sens qu’une société qui refuse d’accepter un enseignement en harmonie avec les lois éternelles, et lui préfère des contre-vérités, travaille à sa propre désintégration ; en d’autres mots, se damne elle-même.

Il est exact que les Hitlériens ont été vaincus sur tous les fronts en 1945 ; il est exact que le Troisième Reich allemand a été démembré ; que le parti national-socialiste n’existe plus ; qu’il n’y a plus, en Allemagne ou ailleurs, ni drapeaux à croix gammée aux fenêtres, ni rues qui portent le nom du Führer, ni publications d’aucune sorte qui exaltent son souvenir. Il est exact que des milliers d’Allemands ont appris à mépriser ou à détester Celui que leurs parents avaient acclamé, et que des millions ne s’intéressent pas plus à lui et à son enseignement que s’il n’avait jamais vécu. Il n’en demeure pas moins vrai que l’essence de la doctrine hitlérienne est l’expression même de lois éternelles ; de lois qui régissent non seulement l’homme, mais la vie ; qu’elle représente, comme je l’ai écrit dans un livre en langue allemande, “la sagesse de l’espace étoilé” [1] et que le choix placé devant le monde est, en conséquence, le même après 1945 qu’avant. C’est l’acceptation de cette sagesse plus qu’humaine, c’est cet accord avec l’esprit de la Nature, qu’implique l’Hitlérisme, ou bien la désintégration, le chaos ethnique, la déliquescence de l’homme ; — la séparation d’avec l’âme du cosmos ; la damnation. C’est, — et le mot est encore de moi — “Hitler ou l’enfer” [2].

Les gens de notre planète semblent avoir choisi l’enfer. C’est ce qu’une humanité décadente fait invariablement. C’est là le signe même que nous sommes en plein dans ce que la tradition hindoue appelle le Kali Yuga ; — l’Age Sombre.

Mais les âges se succèdent. Les lois qui en règlent la succession demeurent.

Il est également exact que de très nombreux actes de violence ont été accomplis au nom de l’Hitlérisme, et que c’est même là ce que lui reproche si obstinément le troupeau des gens bien-pensants, des “honnêtes gens”, profondément attachés (en théorie au moins) aux valeurs humanitaires.

Il y a, toutefois, deux sortes d’actes de violence, — ou d’actes conduisant à la violence — “accomplis au nom d’une doctrine”. Il y a ceux qui, dans l’esprit de la doctrine, sont nécessaires, ou tout au moins justifiables, dans les circonstances dans lesquelles ils prennent place. Et il y a ceux qui ne le sont nullement, et dont les auteurs, loin d’être de vrais fidèles de la doctrine, dont ils exhibent les

1. “Die Weisheit des sternhellen Weltraumes”, dans “Hart wie Kruppstahl”, achevé en 1963 (Chapitre III).2. “Hitler or Hell”, dans “Gold in the Furnace”, écrit en 1948–49, (p. 416)

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symboles visibles, ne représentent, en réalité, qu’eux-mêmes, et se servent du prestige de la doctrine, et de l’autorité qu’il leur confère, pour promouvoir leurs propres intérêts, pour assouvir des vengeances personnelles, ou simplement pour donner libre cours à leurs passions. Il y avait, du temps du Troisième Reich allemand, l’homme qui dénonçait un Juif parce que, très sincèrement, il le croyait dangereux au régime dans lequel il voyait le salut de son propre peuple. Et il, y avait l’homme qui dénonçait un Juif — qui profitait du pouvoir que le régime lui donnait, pour le dénoncer… parce qu’il convoitait son appartement. Il y avait le soldat — ou le fonctionnaire — qui obéissait aux ordres. Et il y avait l’homme qui, sous le couvert de l’autorité que lui donnait son uniforme, commettait, ou faisait commettre, sous l’empire de la colère, de la jalousie, ,ou simplement de sa brutalité naturelle ou en vue d’un malsain plaisir — des actes inutiles de violence, voire de cruauté, sans avoir reçu d’ordres. Il y a toujours eu, parmi les adhérents nominaux de toute doctrine, et à plus forte raison de l’une de celles qui ne répudient pas, en principe, la violence, des combattants sincères et des opportunistes ; des gens qui servent la cause à laquelle ils se sont donnés corps et âme, et des gens qui ont fait semblant de se donner à elle, et qui se servent d’elle. ( Je dis bien de “la cause”, et non de “la doctrine”. Car on sert une cause, c’est-à-dire l’application d’une doctrine, la matérialisation d’un rêve dans le temps, que ce soit dans le sens du temps, ou à contre-courant. Une doctrine, elle, n’a que faire de “service”. Elle est vraie ou fausse ; en accord avec les Lois du cosmos, ou en désaccord avec elles. Toute la dévotion du monde, ajoutée au sacrifice de millions de martyrs, ne réussirait pas à la rendre vraie, si elle est fausse. Et la négation retentissante de ses propositions de base par tous les “savants” et tous les prêtres du monde, ajoutée à la haine de tous les peuples, dans tous les temps, ne réussirait pas à la rendre fausse, si elle est vraie).

Les actes injustifiés de violence commis, sous le couvert de la “raison d’État”, par des opportunistes déguisés en Hitlériens, ne touchent en rien la cause du Reich allemand : l’application de l’Hitlérisme aux problèmes de l’Allemagne, à une époque donnée ; cause que, d’ailleurs, ils desservaient, au lieu de la servir. Ils touchent encore moins la doctrine hitlérienne elle-même. Les actes de violence accomplis dans l’esprit de l’Hitlérisme — selon sa logique profonde — loin de mettre en question la vérité de celui-ci, la soulignent, au contraire. Car l’application d’une doctrine vraie — c’est-à-dire exprimant les lois mêmes de la vie — dans une société, même privilégiée, de l’Age Sombre, en d’autres termes, dans une société qui, avec l’humanité tout entière, est, malgré ses progrès sur le plan technique, et peut-être à cause d’eux, en régression du point de vue de la Nature, ne peut se faire que “contre le temps” ; contre le courant universel de décadence qui caractérise l’Age Sombre. Et cela est matériellement impossible sans violence.

Parmi les religions internationales prosélytisantes, il n’y a, à ma connaissance, guère que le Bouddhisme qui se soit répandu pratiquement sans

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violence. Et il est à remarquer que c’est la religion de renoncement, la religion “d’extinction” par excellence ; celle qui, appliquée, absolument, devrait, en exaltant l’état monastique, — comme le Jaïnisme, son contemporain, confiné, lui, aux Indes, et comme le Catharisme, bien des siècles plus tard — inciter l’homme à quitter la planète.

Le Christianisme, centré sur l’amour de l’homme, seul être vivant créé, (selon lui) “à l’image du Dieu”, ne s’est largement propagé que par la bribe ou par la violence, sous le patronage de rois ou d’empereurs qui ont cru servir leur intérêt en le proclamant religion d’État, et en l’imposant aux peuples conquis. D’innombrables crimes contre l’homme — et, en général, contre l’homme supérieur — ont marqué son expansion, depuis le massacre, en 782, par ordre de Charlemagne, à Verden sur l’Aller, de quatre mille cinq cents chefs germains, fidèles aux Dieux de leurs pères, jusqu’aux bûchers de la Sainte Inquisition, — crimes qui n’empêchent pas que tout ce que le Christianisme a pu retenir de l’éternelle Tradition, ne demeure inébranlable. Et il s’agit, ici, d’une religion dont le fondateur lui-même a déclaré que son royaume “n’est pas de ce monde” ; d’une religion, donc, à laquelle la violence est, en principe, étrangère. S’il est vrai que les actes de violence de ses fidèles ne diminuent en rien sa valeur, en tant que telle, il l’est d’autant plus que ceux des fidèles d’une doctrine, centrée, elle, non sur l’homme, considéré comme un être “à part’, mais sur la Vie, et la lutte sans fin qu’elle implique, — d’une doctrine comme l’Hitlérisme, dont l’esprit et l’application dans ce monde ne peuvent aller que contre le courant de notre époque, — n’altèrent, eux non plus, aucunement, l’excellence de celle-ci, en tant qu’expression de lois immuables.

Une doctrine strictement politique se juge à son succès. Une doctrine susceptible de recevoir la consécration du rite — et l’ayant déjà reçue — se juge à sa teneur d’éternité, quelles qu’aient pu être les conséquences heureuses ou malheureuses des efforts accomplis pour l’appliquer sur le plan politique.

Le 28 Octobre 1953, devant quelques camarades, très peu nombreux, réunis à Holzminden an der Weser, l’Hitlérien Félix. F. me dit : “Jusqu’en 1945, nous étions un parti ; après 1945, nous sommes le noyau d’une grande foi internationale”. Il croyait sans doute que, même à une époque de déliquescence universelle, telle que la nôtre, les Forts de sang aryen étaient encore assez nombreux et assez conscients pour s’unir en une “grande foi internationale”, autour de la seule doctrine digne d’eux.

Seul l’avenir dira s ‘il avait raison ou non. Mais j’affirme dès maintenant que, même si, débarrassé de tout ce qu’il pouvait contenir de contingent, de temporel dans sa première expression, en tant que doctrine politique, l’Hitlérisme ne devait jamais parvenir à s’imposer à l’élite aryenne, partout où il en existe une, il n’en demeurerait pas moins la Voie des Forts, ouverte sur l’éternel ; leur ascèse, et cela, à toutes les époques de décadence accélérée ; à toutes les “fins de cycle”.

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Toutes les vraies religions, toutes celles qui peuvent s’intégrer dans la Tradition, mènent à l’éternel, certes. Mais elles n’y mènent pas toutes les mêmes gens. Les religions que j’ai appelées “d’extinction” telles que le Bouddhisme, le Jaïnisme, et plus tard le Catharisme, y mènent les las et les désespérés pour qui leur absence d’espoir est une souffrance ; les gens que la lutte sans fin rebute ou a brisés, et qui aspirent à “en sortir”. Les doctrines qui prêchent l’action dans le détachement et l’enthousiasme sans espoir, s’adressent aux Forts ; à ceux que la lutte, même “inutile”, ne fatigue jamais ; et qui n’ont besoin ni de la vision anticipée d’un paradis après la mort, ni de celle d’un “monde meilleur” pour leurs fils et leurs neveux, pour agir avec zèle et jusqu’au bout, selon ce qui est, pour eux, le devoir.

Le Varnashramdharma des Hindous — religion basée sur la hiérarchie naturelle des castes (donc des races, la caste hindoue étant héréditaire et n’ayant que faire avec les biens qui peuvent s’acquérir) et sur la succession naturelle des devoirs au cours d’une même vie d’homme, — est une religion des Forts. Il est dominé par l’enseignement de l’Action détachée, tel qu’il nous est parvenu dans la Bhagawad-Gîta. Il a été conçu comme base d’une société traditionnelle, déjà décadente, sans doute, — le fléchissement commence, dans chaque cycle temporel, dès la fin du premier Age, appelé Age de vérité, Satya Yuga, ou Age d’Or — mais sans commune mesure avec la nôtre ; infiniment plus près qu’elle de l’ordre idéal ou ordre divin.

L’Hitlérisme considéré dans son essence, c’est-à-dire dépouillé de tout ce qui le rattache aux contingences politiques et économiques d’une époque, est la religion des Forts de race aryenne, en face d`un monde en déliquescence, d’un monde de chaos ethnique, de mépris de la Nature vivante, de niaise exaltation de “l’homme” dans tout ce qu’il a de faible, de maladif, de bizarrement “individuel”, de différent des autres êtres, d’un monde d’égoïsme humain (individuel et collectif), de laideur et de lâcheté. C’est la réaction de quelques Forts de cette race, originellement noble, devant un tel monde. Et c’est celle qu’ils proposent à tous leurs frères de race.

Il y a, parallèlement à lui, des religions qui exaltent les mêmes vertus, la même ascèse de détachement ; qui reposent sur la même glorification du combat sans fin et le même culte du Sang et du Sol, mais qui s’adressent à d’autres races, — religions, parfois très vieilles, — mais continuellement rajeunies, repensées, grâce à la vitalité de leurs fidèles. Le Shintoïsme, basé sur la déification des héros, des ancêtres, du Soleil, et du sol même du Japon, en est une. Un Japonais ne me disait-il pas en 1940 : “Votre National-socialisme est, à nos yeux, un Shintoïsme d’Occident ; c’est notre propre philosophie du monde, pensée par des Aryens, et prêchée à des Aryens”. Hélas ! A Gamagori, pas loin d’Hiroshima, les Japonais ont élevé un temple à Tojo et à ceux que les

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vainqueurs le 1945 ont tués avec lui comme “criminels de guerre”. Quand verra-t-on en Allemagne des monuments sinon des “temples” à la gloire de tous les Allemands, pendus le 16 Octobre 1946 et après, jusqu’au 7 Juin 1951 inclus, pour avoir été fidèles à leur foi, qui est aussi la nôtre, et avoir fait leur devoir.

Mais ceci est une autre question.

Revenons à ce qui fait l’éternité de l’Hitlérisme, c’est-à-dire au caractère non seulement plus-que-politique mais plus qu’humain — cosmique — de ses vérités de base, en particulier de toutes celles qui concernent la race, réalité biologique, et le peuple, réalité historique et sociale.

Le Führer a dit à chacun de ses compatriotes et, par delà ceux-ci, à chacun de ses frères de race et à tout homme de bonne race : “Tu n’est rien ; ton peuple est tout”. Il a, d’autre part, dans le Point Quatre des fameux Vingt-Cinq Points qui constituent le programme du Parti national-socialiste, indiqué ce qui, à ses yeux, faisait l’essentiel du concept de “peuple” : “Ne peut être citoyen de l’État que celui qui est membre du peuple. Ne peut être membre du peuple (allemand) que celui qui est de sang germanique”. D’où il découle qu’aucun Juif ne être citoyen de l’État (allemand). [3]

C’est le retour pur et simple à la conception antique du peuple : à celle des Germains, certes, mais aussi à celle des Grecs, à celle des Romains d’avant l’Empire ; à celle des gens de tous les peuples, ou presque. C’est la négation de l’attitude romaine des siècles de décadence, qui admettait, elle, que tout habitant de l’Empire, tout sujet de l’Empereur, pouvait devenir “citoyen romain”, fût-il Juif, comme l’était Paul de Tarse, ou Flavius Josèphe, ou Arabe, comme l’Empereur Philippe, — et, plus tard, qu’il suffisait d’être “Chrétien”, et de la même Église que l’empereur, pour être “citoyen” byzantin, capable d’accéder aux plus hautes charges. [4] C’est la négation de l’idée de “peuple” et de “citoyen” telle que l’a présentée la Révolution Française, du moment où, sous la suggestion de l’Abbé Grégoire et d’autres encore, l’Assemblée Constituante proclama “Français”, tous les Juifs demeurant en France et parlant français.

En d’autres termes, si un peuple est une réalité historique et sociale, si des souvenirs communs, glorieux et douloureux, des coutumes communes et, en général une langue commune, sont des facteurs de cohésion entre ses membres, il est aussi plus que cela. Il se rattache à une grande race. C’est un peuple aryen ou mongolique, australoïde, nègre ou sémitique. Il peut, sans cesser d’être un vrai peuple, contenir une proportion plus ou moins grande de sous-races différentes, pourvu que celles-ci fassent toutes partie de la grande race à laquelle il se rattache. (Le Führer lui-même était, physiquement, aussi “Alpin” que Nordique, et peut-être plus. Le brillant et fidèle Goebbels était un Méditerranéen presque pur. Et

3. Texte du Point Quatre des Vingt-Cinq Points.4. Comme Léon “l’Arménien”, qui accéda au trône de Byzance.

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ce ne sont pas les seuls grands Allemands ni les seuls personnages de premier plan du Troisième Reich à ne pas être des Nordiques cent pour cent.)

C’est la race au sens large du mot qui donne au peuple son homogénéité dans le temps ; qui fait qu’il demeure, malgré les bouleversements politiques et économiques, toujours le même peuple, et que l’individu, en renonçant à soi-même pour se mettre totalement à son service, se rapproche de l’éternel.

On pourrait sans doute dire que ni le peuple ni la race ni l’homme — ni même la vie sur une planète donnée — ne dure toujours. D’ailleurs la “durée”, qui est “temps”, n’a que faire avec l’éternité intemporelle. Ce n’est pas la succession indéfinie des générations, physiquement et moralement plus ou moins semblables les unes aux autres, mais l’Archétype idéal duquel ces générations se rapprochent dans une certaine mesure ; c’est le type parfait le la race, vers lequel chaque spécimen de cette race tend plus ou moins, que nous considérons quand nous parlons de l’ “éternité de la race”. Le peuple qui, seul au milieu du chaos ethnique qui s’étend de plus en plus, partout, sur terre, “consacre toute son énergie” à sauver du métissage et “à promouvoir ses meilleurs éléments raciaux”, écrit le Führer, “est sûr de parvenir tôt où tard à la maîtrise du monde [5]”, (pourvu, naturellement, qu’il s’agisse d’un peuple dynamique et créateur.) En effet, il vivra, lui ; il demeurera un vrai peuple, tandis que chacun de ses compétiteurs, de plus en plus envahi, submergé d’éléments hétérogènes, aura cessé d’en être un, — et par là même, cessé de mériter (et de susciter) le sacrifice des individus de valeur.

L’homme sincère qui, en accord avec l’esprit du racisme aryen, c’est-à-dire de l’Hitlérisme, ou de tout autre racisme noble, s’efface devant un vrai peuple qui est le sien ; qui, afin de le servir, lui avant tout, piétine l’intérêt personnel, l’argent, le plaisir, la gloire de son propre nom, se rapproche de l’éternel. Son civisme est dévotion et ascèse.

Encore faut-il que ce soit un vrai peuple qu’il serve. Car celui qui se dévoue à un “peuple” métissé, autrement dit à une collectivité humaine sans race et sans caractères définis, qui n’a de “peuple” que le nom, perd son temps. Son activité est un peu moins choquante que celle des gens qui se consacrent au service des handicapés, des retardés, des déficients, des déchets humains de toutes sortes, car le métis, s’il est sain de corps, est malgré tout utilisable. Il vaudrait tout de même mieux, pour un individu de valeur, surgi exceptionnellement d’un “peuple” qui n’en est pas un, qu’il se dévoue en toute humilité à un vrai peuple de race supérieure, ou qu’il se contente de servir la vie innocente, la belle vie non-humaine ; qu’il défende la bête et l’arbre contre l’homme, ou, s’il le peut, qu’il combine les deux activités. Peut-être alors, — si la croyance répandue aux Indes correspond à la réalité inconnue — renaîtra-t-il un jour dans une communauté humaine digne de lui… à condition qu’il n’agisse point en vue d’un tel honneur ; qu’il ne le désire jamais.5. “Mein Kampf”, Edit. allemande de 1935, p. 782.

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N’oublie jamais que la race — l’Archétype racial vers lequel tendent (avec plus ou moins de succès) toutes les générations de même sang est l’éternité visible et tangible, concrète, en quelque sorte, et la seule éternité qui soit à la portée de tous les vivants, en conséquence de quoi, simplement en la vivant, — en prolongeant fidèlement et immuablement leur espèce, sans aucune pensée, — ils sortent déjà du Temps, par la porte du renoncement individuel.

Il est curieux que, plus les êtres sont étrangers au mot et à la pensée, et plus ils sont inébranlablement fidèles à la race.

Si l’on admet, comme je le ferais volontiers, que “le Divin dort dans la pierre, s’éveille dans la plante, sent dans l’animal, et pense dans l’homme” (ou du moins dans certains hommes) on admirera d’abord, chez tous les corps d’une même famille chimique, c’est-à-dire d’une structure atomique analogue, cet accord parfait avec le “type” qu’ils représentent et qu’ils ne peuvent nier, accord que nous appelons leur fonction commune. On admirera aussi, et non moins, la fidélité des végétaux, — du chêne, du cèdre, du banyan conquérant, jusqu’au vulgaire pissenlit, chacun à sa race. Il n’est pas question ici de métissages spontanés. Il n’en est pas question non plus chez les animaux tant que ceux-ci demeurent “à l’état naturel” c’est-à-dire hors de contact avec l’homme, ni même chez les hommes dits les plus “primitifs — chez ceux qui sont restés, ou sont en train de descendre (par la pauvreté du mot et l’absence croissante de pensée), au niveau des primates privés de langage articulé, ou plus bas encore. Le métissage a commencé avec le mauvais orgueil né du mot : l’orgueil qui a poussé l’homme à se croire un être à part et à se regimber contre les lois d’airain qui le rattachent à la terre et à la Vie ; qui lui a fait creuser un fossé imaginaire entre lui-même et le reste des vivants ; qui l’a incité à jucher son espèce tout entière sur un piédestal ; à mépriser, au nom de la fausse fraternité du mot, les flagrantes inégalités raciales qui y existent, et à penser qu’il pouvait impunément faire fi de l’interdiction de rapprocher ce que la Nature a séparé ; qu’il était, lui, l’être “supérieur”, au-dessus de cette interdiction, au-dessus des lois divines.

L’Hitlérisme représente, en plein chaos ethnique, en pleine époque de décadence physique et morale du monde, le suprême effort en vue de ramener l’Aryen pensant au respect de l’ordre cosmique tel qu’il s’affirme dans les lois de développement, de conservation et de désintégration des races ; en vue de le ramener de son plein gré à la soumission à la Nature, notre Mère, et d’y amener, de gré ou de force, l’Aryen non-pensant, mais néanmoins précieux à cause des possibilités de sa descendance. Le culte du “peuple” — à la fois du Sang et du Sol — mène au culte de la race commune des peuples de même sang, et à celui des Lois éternelles qui en régissent la conservation.

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FAUSSES NATIONS ET VRAI RACISmE

« Wir haben schäfstens zu unterscheiden zwischen dem Staat als einem Gefäß und der Rasse als dem Inhalt. Dieses Gefäß

hat nur dann einen Sinn, wenn es den Inhalt zu erhalten und zu schützen vermag ; im anderen Falle ist es wertlos. »

Adolf Hitler (“Mein Kampf”, Edit. 1935, p. 434)

N’oublie pas que ce sont des considérations de race qui distinguent un vrai peuple d’une collectivité d’hommes qui ne mérite pas ce nom.

De telles collectivités peuvent être très différentes les unes des autres. Il y a les États dont la population est une masse profondément métissée, où les spécimens d’apparence “pure”, s’il y en a, ont des enfants qui ne leur ressemblent pas ; où les enfants d’un même couple, qui parait pourtant ethniquement homogène, sont de races différentes : l’un négroïde, l’autre Méditerranéen, ou presque, le troisième, marqué de fortes caractéristiques amérindiennes. Ce sont là des États, pas des peuples. Il y a, par exemple, un État brésilien. Il y a une population (multiraciale, et sans lois de ségrégation) qui habite le Brésil. Il n’y a pas de peuple brésilien, — ni, par conséquent, de “nation” brésilienne. Les “souvenirs communs” et la “volonté commune de vivre ensemble” ne peuvent, quoi qu’en ait pu penser Ernest Renan, suppléer seuls à une absence quasi totale d’homogénéité raciale.

Il y a, d’autre part, les États dont la population se compose de plusieurs peuples juxtaposés, mais non fondus ensemble. C’est le cas des États-Unis d’Amérique, de l’Union Sud-africaine, de la Rhodésie, de l’Union soviétique, des Indes. C’est par un abus de langage que l’on donne, à la population globale de l’un quelconque de ces États, le nom de “peuple” ou de “nation”. Il n’y a, en effet, aucun lien naturel, aucun lien biologique, entre un “citoyen américain” d’origine anglo-saxonne, irlandaise ou méditerranéenne, et un autre “citoyen américain” Nègre ou métisse, ou Juif. Ce qui les rapproche artificiellement, c’est une administration commune et un mode de vie que la vulgarisation, des

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techniques tend à rendre extérieurement semblable. Aryens, Nègres, Juifs, votent ensemble, payent des impôts aux mêmes caisses ; reçoivent, en cas de maladie, les mêmes secours ; écoutent les mêmes émissions, grâce aux mêmes appareils de radio et de télévision, voient les mêmes films cinématographiques, mangent tous les mêmes conserves, boivent tous du coca-cola. De plus, aux U.S.A., comme dans les États soi-disant “racistes” de Rhodésie et d’Afrique du Sud, et plus encore, Aryens et Nègres appartiennent aux mêmes Églises chrétiennes ; sont Méthodistes, Anglicans, Luthériens, Catholiques ou “Témoins de Jéhovah”, selon les cas, mais toujours sans distinction de race. Le royaume du vrai Chrétien n’étant pas de ce monde, les considérations biologiques ne sauraient y avoir de place. Ce qui rapproche ici des populations entières, absolument différentes quant au sang, c’est l’effort accompli par les missions chrétiennes et par l’autorité politique (celle-ci, apparemment aux mains des Aryens, en fait, aux mains des Juifs) pour leur donner, vaille que vaille, une civilisation commune. Il va de soi que l’effort fait pour leur donner un bagage intellectuel commun, — pour les initier tous, dans la mesure du possible, aux mêmes sciences, aux mêmes techniques et à la même “culture”, — s’exerce dans le même sens.

Et cela est vrai des peuples qui composent l’Union Soviétique, comme de ceux qui habitent les U.S.A. ou la Rhodésie (où, comme chacun le sait, il ne s’agit pas, comme dans l’Union Sud-africaine, de “développement séparé des races”, — d’apartheid — mais de développement graduel des Noirs selon les mêmes directives que les Blancs). Cela est vrai, avec la différence qu’en U.R.S.S. c’est la foi marxiste, une et indivisible, et non la multiplicité des sectes chrétiennes du monde anglo-saxon, qui sert, ou tend à servir de ciment entre les peuples, étrangers les uns aux autres par le sang, auxquels une administration semblable et une langue commune (superposée à leurs langages indigènes) ont été imposées.

De toute façon, tant aux U.S.A. qu’en U.R.S.S., en Argentine, ou même en Rhodésie, ou ailleurs, — où que ce soit où la généralisation plus ou moins rapide d’un bien-être matériel uniforme, combinée à la diffusion d’idées et de valeurs communes, tend à imposer, à des communautés humaines de races différentes, une civilisation commune, il y a, à plus ou moins longue échéance, danger de métissage, donc de disparition de toutes les races en présence. Car, alors que chez les vivants privés du mot et partant de la pensée discursive, l’infaillible et toute-puissante voix du sang règle seule les accouplements, elle tend de plus en plus, chez l’homme, à être dominée, étouffée, neutralisée par des considérations fallacieuses concernant la “culture commune”, les “goûts communs”, les “idées communes” et, en général, tout ce qui peut être de première importance en vue du «bonheur” de deux individus, voire de celui de deux familles, mais qui ne compte pas du point de vue de la survie de la race. Il est à noter que les mariages mixtes sont, proportionnellement, beaucoup plus fréquents entre “intellectuels” qu’entre travailleurs manuels de races différentes.

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La voix du sang — le sain instinct de séparation sexuelle d’avec toute personne biologiquement différente de soi — se laisse, toutefois, d’autant moins dominer, que les races en présence sont plus visiblement étrangères les unes aux autres. C’est la raison pour laquelle le métissage entre Aryens et Nègres n’a pas fait (encore), aux États-Unis, tous les ravages qu’on aurait pu craindre. C’est, aussi celle qui explique pourquoi l’apartheid est, en fait, pratiquement complète entre Aryens et Noirs, tant en Union Sud-africaine qu’en Rhodésie (où les Noirs sont cependant invités à participer à la civilisation blanche) alors qu’elle l’est beaucoup moins, — même dans ces pays, sans parier des États-Unis d’Amérique, et de l’Europe occidentale, — entre Aryens et Juifs, pourvu que ces Juifs soient “blancs”. C’est elle qui explique cette confusion, si souvent désastreuse, entre “Aryen” et “Blanc”.

Il y a donc, dans toute population composée de groupes raciaux encore séparés bien qu’habitant le même sol, un perpétuel conflit entre la tendance générale de l’histoire humaine vers l’uniformité au sein du chaos ethnique, et la réaction que lui oppose l’instinct de conservation de chaque race, — la tendance saine de tout groupe vivant nettement caractérisé, qui se manifeste, elle aussi, chez l’homme. Quel que soit le courant qui, en fin de compte, l’emporte, la population en question ne deviendra jamais un vrai peuple. Si, favorisée par la diffusion d’un mode de vie uniforme ainsi que d’un “savoir” commun, et surtout de soi-distant “valeurs” anti-racistes communes, la gangrène du métissage gagne peu à peu toute la population, c’est, pour celle-ci, la décadence irrémédiable : la fin de toute culture, la fin de toute création désintéressée, c’est-à-dire de toute activité autre que celle qui consiste à “produire” toujours davantage, afin d’acquérir de plus en plus de bien-être matériel. Si c’est, au contraire, la saine tendance de chaque race à demeurer séparée des autres, qui l’emporte, la population conservera son hétérogénéité. Elle ne deviendra pas ‘un peuple”, — encore moins une “nation Elle restera ce qu’elle est, à savoir une juxtaposition de deux ou plusieurs races vivant en harmonie les unes avec les autres dans la mesure même où leur diversité première sera reconnue et acceptée.

Dans une telle société, le “peuple” devant lequel chaque individu doit s’effacer — le peuple qui est “tout”, pour lui, alors qu’il n’est, lui-même, “rien”, — ne peut être autre que son propre groupe racial. .

L’Union Sud-africaine, tant décriée par les anti-Hitlériens du monde entier pour son soi-disant “racisme”, n’est pas un État multiracial de ce type, ou ne l’est que très incomplètement, malgré son programme officiel de “développement séparé des races”. Elle ne l’est que très incomplètement parce que, tout comme la Rhodésie qui, elle, se défend d’exalter le racisme, et comme les U.S.A. qui, malgré la résistance continue de leurs ségrégationnistes, le combattent, elle confond, ainsi que je le disais plus haut, “Aryen” et “Blanc”. Loin, par exemple, d’éloigner les Juifs des postes-clés du pays et, d’une manière générale, de toute profession dans l’exercice de laquelle ils sont susceptibles d’acquérir une

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influence politique ou culturelle, elle leur donne, à cause de leur seule couleur, tous les avantages dont jouissent les “Blancs”, avantages qu’elle refuse aux Aryens d’Asie, si illogique que cela soit, et cela, même si, (comme la plupart des Brahmanes et nombre de “Khattris” du Pundjab), ils sont de teint clair. Le métissage entre Aryens et Juifs n’est pas interdit en Union Sud-africaine, dite raciste, — pas plus qu’il ne l’est ailleurs. (Il ne l’a jamais été en aucun pays de population chrétienne, si le Juif — ou la Juive — avait, par le baptême, été reçu dans la communauté religieuse de son partenaire. Il l’était seulement dans le Troisième Reich allemand, un État dont la véritable religion était celle du Sang et du Sol, — et, il l’est de nouveau, depuis 1955,… dans l’État d’Israël, dont le peuple se croit, à l’exclusion de tout autre, “élu de Dieu”.)

Il est vrai que, partout où il y a en présence deux ou plusieurs races humaines, dont les ressortissants adhèrent tous on presque tous à une religion centrée, comme l’est le Christianisme sur “l’homme”, se fait jour, à la longue, une tendance au métissage. Tout vrai racisme implique la négation du dogme de la valeur immense de “l’homme” quel qu’il soit ; la négation du caractère “à part” de l’homme, et son intégration au sein de l’ensemble des autres espèces vivantes ; la négation de l’égalité de droit des “âmes” aussi bien que des corps d’hommes.

Il en ressort que, seule est à l’abri du métissage ou — et cela est déjà quelque chose — que seule est capable de le combattre avec assez de vigueur et de persévérance pour en préserver au moins son élite raciale, une population de plusieurs races unie dans l’acceptation commune d’une doctrine fondée sur la hiérarchie naturelle des races, donc sur leur inégalité, et partant, sur la complète intégration de l’homme, lui-même divers, dans le monde de la Vie, un dans son essence, infiniment varié dans ses, manifestations. Seule peut triompher de cette Force de désintégration, particulièrement active à l’Age Sombre, qu’est l’appel an nivellement par le bas, une population unie dans l’acceptation commune d’une doctrine selon laquelle ni les devoirs ni les droits ne sont les mêmes pour tous les hommes. Telle est — telle a toujours été, au moins depuis les premières invasions aryennes, vieilles de soixante siècles — l’énorme population des Indes orientales.

Je te parlerai maintenant des Indes, afin que tu sois, une fois de plus, fier d’être Aryen.

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Pour comprendre l’histoire des peuples qui habitent cette vaste portion de continent — qui englobe, en fait, outre la “République indienne” actuelle, les deux “Pakistans” [6] et l’île de Ceylan ; une surface, en tout, égale à celle

6. Ceci a été écrit., avant que le Bengale oriental n’ait cessé de s’appeler “Pakistan”, pour devenir “Bangladesh”, qui veut simplement dire “Bengale”.

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de l’Europe moins la Russie — il faut tu te reportes au temps lointain où les premières tribus aryennes, venues du Nord, dévalaient en vagues successives sur le Pays-des-Sept-Rivières (le Sapta Sindhu des Ecritures sanscrites) par la fameuse Passe de Khaïber, la Voie des Couquérants.

C’était, selon Bal Gangadhar Tilak, communément appelé Lokamanya [7] Tilak ; ce Brahmane du Maharashtra, à la fois érudit et mathématicien, qui l’a démontré par des considérations astronomiques, — avant le quatrième millénaire avant l’ère chrétienne, donc au temps des toute premières dynasties égyptiennes, plusieurs siècles avant la construction des pyramides de Gizeh ; au temps où, en Mésopotamie, la civilisation sumérienne florissait dans ses centres les plus anciens : à Erech, à Nippur, à Eridu, quelque quinze cents ans avant Sargon d’Agade. Et les Aryas — ce qui, en sanscrit, veut dire “ceux qui commandent”, autrement dit, les hommes de la race des seigneurs, — venaient, toujours selon Tilak, du Nord lointain. C’étaient les frères de ceux qui, plus près du berceau commun de la race, devaient un jour s’appeler les Germains, les Hellènes, les Latins, et dont les langues présentaient avec la leur des similitudes profondes. Leurs ancêtres avaient vécu au-delà du Cercle Polaire, à une époque où les terres de cette région jouissaient encore d’un climat tempéré, — c’est-à-dire avant que l’axe de notre planète ne s’inclinât de plus de vingt-trois degrés. Ils avaient attendu dans l’adoration les retours du Soleil — la victoire du Jour après les longues nuits striées d’aurores boréales — et ils avaient chanté la splendeur du ciel et vénéré les astres (les “brillants” ou “Dêvas”) qui ne se couchaient pas, dans des hymnes d’une poésie plus qu’humaine.

Au cours des siècles qu’ils avaient mis à parcourir, par étapes, l’immense distance qui les séparait de la divine patrie arctique, les Aryas avaient conservé quelques uns de ces hymnes. Leurs bardes en avaient composé d’autres, et devaient bientôt, au cours de la conquête graduelle des terres chaudes, en improviser de nouveaux. Très longtemps transmis de bouche en bouche, 1009 de ces poèmes, — enfin écrits, — sont parvenus jusqu’à nous. L’ensemble en constitue le Rig Véda — le plus ancien texte sacré des Indes, que de pieux Brahmanes psalmodient encore aujourd’hui.

Essaye de te représenter ces antiques guerriers et ces prêtres de notre race, avançant pas à pas, à raison, tout au plus, de quelques kilomètres par jour. Au centre de leur cohorte envahissante, qui s’allongeait comme un fleuve, étaient groupés les grands chariots aux roues de bois, dans lesquels étaient entassés les femmes, les enfants, les bagages. Des bœufs les tiraient, d’un pas lent et régulier. De chaque côté venaient les hommes, à pied ou à cheval, tous solidement armés. Les combattants au bras le plus sûr — ceux qui avaient fait leurs preuves, au cours des longues pérégrinations — ouvraient et fermaient la marche. Le soir, on s’arrêtait. On pansait les bêtes ; on disposait les chars autour du camp ; et après avoir sacrifié aux Dêvas, on mangeait et on buvait.

7. “Honoré des hommes”.

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Les guerriers montaient la garde à tour de rôle autour des chars. Et ceux qui pouvaient disposer de leur temps se groupaient autour des feux, et écoutaient, jusqu’à une heure fort avancée, les récits des anciens de la tribu ou les chants des bardes. Pour la première fois, les syllabes harmonieuses d’une langue aryenne — “indo-européenne” — résonnaient sous le ciel des Indes. Qui aurait alors pu prévoir qu’elles résonneraient, encore soixante siècles plus tard, dans toutes les langues au nord des Monts Vindhyas, jusqu’au Bengale, jusqu’en Assam, jusqu’aux frontières du monde jaune ?

Le matin, après s’être purifié dans l’eau claire de quelque source sinon dans celle de l’Indus lui-même ou d’un de ses affluents et après avoir récité les louanges prescrites à Surya, Lumière victorieuse, Chaleur fécondatrice, Ame et Intelligence du monde, on reprenait la marche prédestinée.

L’Inde d’alors — beaucoup moins peuplée et beaucoup plus belle que celle d’aujourd’hui ; couverte en grande partie d’interminables forêts pleines de nobles félins, de cervidés et d’éléphants, — avait déjà, dans certaines régions, en particulier dans le Sindh et au Punjab, donné naissance à une civilisation brillante, techniquement supérieure à celle des Aryas : la civilisation “de la Vallée de l’Indus”. Celle-ci fut l’œuvre d’une race à peau bistrée, aux cheveux souples et noirs, aux attaches fines ; race intelligente, industrieuse, commerçante, mystique aussi, parfois, et pacifique, des Dravidiens qu’on a, non sans raison, rapprochés des Sumériens [8]. Ces gens avaient bâti des villes en hauteur, dont quantité de maisons (disent les archéologues) atteignaient sept ou huit étages. Et ils pratiquaient la production en série d’articles d’usage courant — entre autres, des vases peints — d’une uniformité impressionnante. Ils rendaient un culte aux Déesses Mères et, apparemment, connaissaient déjà les techniques ardues du yoga. Ils n’avaient pas, ou presque pas d’armes, et étaient inférieurs aux Aryas en tout ce qui concernait non seulement la guerre, mais encore l’organisation, la discipline collective, le sens civique. Ils furent, dans l’Inde du temps de la conquête aryenne, qui fut lente, et durant les siècles qui la suivirent, ce que les Minoens et Egéens pré-helléniques furent en Grèce, pendant et après la conquète du pays par les Hellènes : des maîtres, dans certains domaines, mais, malgré tout, des “citoyens de deuxième classe,” soumis à leurs vainqueurs.

Mais ils n’étaient pas les seuls à faire (bien que mollement sans doute) obstacle à l’installation en force des nouveaux-venus. Derrière eux, au fond de toutes les forêts, vivaient dans leurs huttes de feuilles et de branchages, ou dans des abris naturels, les ancêtres immémoriaux des Négroïdes, des Mongoloïdes, et des hommes de type Munda qui forment encore aujourd’hui une partie numériquement importante de la population des Indes : des Veddas de Ceylan, des Khashias, Loushaïs, Mikirs, Miris, Nagas, Koukis etc., de l’Assam, des Santals du Bihar et du Bengale ; des Gunds et des Bhils de l’Inde centrale.

8. H. R. Hall, “Ancient History of the ‘Near East”, Ninth Edit., p. 173-174.

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Les Aryas étaient quelques milliers, — peut-être, avec le temps, quelques dizaines de mille — en face de tous ces peuples et tribus hostiles, qu’ils appelaient des Dasyus, ou habitants des bois, ou … des Rakshasas, ou démons. Il est possible qu’ils aient trouvé, déjà en vigueur dans le société de Harappa et de Mohenjo-Daro, un système héréditaire de division du travail. Mais ce sont eux qui ont donné à un tel système, s’il existait, une signification raciale, et classé la population des Indes en castes immuables. Ils ne pouvaient faire autrement s’ils voulaient conserver à leur race aryenne ses caractéristiques physiques et morales, autrement dit, s’ils voulaient survivre.

Ils ont sans doute commencé par se mêler librement, sinon aux aborigènes du moins aux Dravidiens, techniquement plus avancés qu’eux… jusqu’à ce qu’ils aient saisi, dans toute sa tragique horreur, le danger du métissage. C’est alors que se forma le système des castes : la division de la population des Indes en une minorité d’Aryas “dwijas” ou deux-fois-nés, (car ils devaient connaître cette “seconde naissance” que représente l’initiation spirituelle), et une immense majorité de Soudras, gens à peau sombre, destinés aux travaux serviles. Au plus bas de l’échelle, — hors de toute caste — étaient rejetés les Négroïdes, Négro-mongoloïdes et gens de type Munda : les plus anciens habitants du sol indien. Les “deux-fois-nés” se partageaient le pouvoir. L’autorité spirituelle fut désormais le privilège des Brahmanes ; le pouvoir temporel, celui des Kshattriyas ; et cette puissance que donnait déjà, dans une société beaucoup moins attachée que la :nôtre aux biens matériels, la richesse, née du commerce, l’apanage des Vaishyas.

La connaissance scientifique désintéressée et surtout la connaissance spirituelle était réservée aux Aryas, et bien vite aux seuls Brahmanes et Kshattriyas. Il était impensable qu’on enseignât à un jeune Soudra, même exceptionnellement doué, — et à plus forte raison à un Chandala, au-dessous de toute caste — les vérités suprêmes, ou qu’on lui apprît à réciter, même qu’on récitât devant lui, les plus belles invocations aux Dêvas ou les plus puissantes formules rituelles. Des pénalités effrayantes attendaient ceux qui auraient osé transgresser cette défense, et ceux en faveur de qui, elle aurait été transgressée.

Depuis lors, bien des choses se sont passées, bien des transformations ont bouleversé la société indienne, comme toutes les sociétés. Des unions interdites ont malgré tout eu lieu ; des enfants sont nés, dont les parents n’appartenaient pas à la même caste. Mais au lieu de rejeter ces enfants (avec leurs parents) dans l’ombre extérieure — de les déclarer “intouchables”, eux et leurs descendants, pour toujours, comme cela devait se faire plus tard — on s’est d’abord contenté de traiter chaque produit de croisement comme l’origine d’une nouvelle caste, et de le marier — avec quelqu’autre produit d’un croisement similaire. Il y a, dans les “Lois de Manu”, toute une classification de ces sous-castes dont le nombre, déjà à l’époque de la rédaction du livre, était considérable. Aujourd’hui, les subdivisions de la population hindoue qui méritent le nom de castes, c’est-à-

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dire celles à l’intérieur de chacune desquelles les gens, se tenant pour égaux en dignité, peuvent s’asseoir aux mêmes repas et aussi s’épouser, ne sont plus “quatre,” comme à l’origine, mais plus de deux mille. On ne distingue plus, physiquement, les membres de deux castes voisines, par exemple, un Kayastha du Bengale (de la caste des scribes) d’un Boïdya (de la caste des médecins) ou un Téli (de la caste des marchands d’huile) d’un Tanti, ou tisserand. Mais on distingue encore, et très nettement, un Hindou de très haute caste, Brahmane ou Kshattriya, en d’autres termes un Hindou Indo-européen, d’un Hindou qui ne l’est pas ou même qui l’est moins, et cela, surtout, dans le Nord de la péninsule, la région la plus anciennement aryanisée. On pourrait photographier des spécimens de tous les groupes à la fois raciaux et professionnels des Indes, et les classer. On obtiendrait ainsi une énorme collection de types allant graduellement du Négroïde ou même de l’Australoïde jusqu’à l’Aryen pur — un Aryen souvent plus pur que la majorité de ses frères d’Europe, (au moins d’Europe du Sud). Il y a, peut-être, sur les plus de neuf cents millions d’habitants de l’ensemble de la République indienne, des deux Pakistans et de Ceylan, une vingtaine de millions d’Aryens à peu près purs : au teint clair (parfois très clair), aux yeux bruns ou gris (exceptionnellement bleus ou bleu-verts), aux cheveux allant du noir au châtain roussâtre, aux traits parfaitement indo-européens. C’est peu, dira-t-on. C’est beaucoup si on songe que soixante siècles au moins séparent le jour présent du temps où les premières tribus aryennes débouchaient de la Passe de Khaiber. Et c’est en tout cas suffisant pour qu’aucun Aryen du monde ne puisse, s’il est racialement conscient, désirer “l’unité de l’Inde” par la suppression pure et simple des “tabous” de caste, et le métissage intensif qui en découlerait.

De toute façon, les faits que je viens de rappeler ici, montrent clairement que les Indes ne sont pas plus “un peuple” que ne le sont les États-Unis d’Amérique, l’Union Soviétique ou l’Union Sud-africaine.

Mais il y a une différence : alors que dans chacun de ces pays une foi dogmatique commune, dont on encourage la diffusion — et une foi nettement anti-raciste, ou bien concernant l’autre monde et indifférente aux problèmes de race, qu’il s’agisse du Marxisme ou de quelque forme de Christianisme que ce soit — tend, malgré tout, à rapprocher les races ; constitue, en tout cas, un frein permanent à l’instinct de ségrégation, aux Indes, c’est le contraire qui se produit. Là, la tradition religieuse elle-même proclame l’inégalité congénitale des “âmes” aussi bien que des corps, et la hiérarchie naturelle des races, dominée par la race aryenne — exactement dans le même esprit que l’Hitlérisme — et encourage ainsi la ségrégation. On a essayé au cours des siècles, soit au nom d’une philosophie négatrice de la Vie, soit au nom de “nécessités pratiques”, de tuer cette tradition raciste. On n’y est pas arrivé. Le Bouddhisme appelait ses fidèles à la vie monastique, mais avait en pratique pour résultat de mêler les castes sans entraîner l’extinction de l’espèce humaine. Il a fini par être balayé des Indes. Guru Govinda Singh, le fondateur de la secte guerrière des Sikhs, avait voulu

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prendre ses disciples dans toutes les castes, ne prétendant tenir compte que de la valeur individuelle de chaque homme. Mais ce souci d’efficience combative, cette exigence de qualités essentiellement aryennes telles que l’esprit de sacrifice, le sens de la responsabilité, l’acceptation joyeuse de la discipline, même très dure, etc., ont eu pour résultat que ce sont surtout des Hindous de castes aryennes qui sont venus à lui, Il n’y a qu’à regarder les Sikhs pour s’en apercevoir. Aucun Gouvernement de la “République indienne” actuelle ne parviendra à réussir, là où Guru Govinda Singh et, des siècles avant lui, le Bouddha lui-même, ont échoué. Les Indes demeureront le pays des castes par opposition aux “classes” ; le pays des races et sous-races hiérarchisées, où l’Aryen pur (ou supposé tel) sans argent, sans position — le Brahmane mendiant, qui dort sur un banc ou sur le gazon d’une place publique — est honoré, et sera conduit à la meilleure place, parmi ses pairs par le sang, dans un banquet de noces, par exemple, où l’on ne manquera pas de l’inviter. Elles resteront le pays où, par contre, l’homme de race inférieure, — le Soudra et, à plus forte raison l’Intouchable, même millionnaire (et il y a, de nos jours, des Intouchables millionnaires) — continuera à être, au moins dans les milieux orthodoxes, relégué au rang assigné à ceux de même origine que lui ; … quelque part hors de la salle du festin, et cela, malgré sa richesse et, ce qui plus est, malgré son savoir, s’il en a, — car richesse et savoir s’acquièrent ; seul le sang est le don des Dieux.

En d’autres termes, les Indes ne seront jamais “une nation”. Elles ne seront jamais non plus — espérons-le du moins — un chaos ethnique sans élite raciale : le système des castes, même avec ses faiblesses actuelles, les préservera d’une telle destinée. Elles demeureront une association de peuples et de races, unis par la seule civilisation commune qui soit en accord avec leur hiérarchie naturelle. Car l’Hindouisme est plus qu’une religion au sens où l’on entend aujourd’hui ce mot en Occident. C’est une civilisation ; une civilisation que domine le racisme aryen, rendu acceptable à de nombreuses races non-aryennes, grâce au dogme du karma et de la transmigration des âmes.

Si un jour l’Hitlérisme parvenait à conquérir l’Europe, il me paraît à peu près certain qu’au cours des siècles suivants, la mentalité de l’Européen moyen se rapprocherait de plus en plus de celle de l’Hindou orthodoxe de n’importe quelle caste.

Je te conterai, en illustration de ceci, un épisode de ma vie aux Indes.

C’était pendant l’année glorieuse — 1940 — peu de temps après le début de la campagne de France. J’habitais Calcutta — je n’avais pas, hélas, malgré tous mes efforts, réussi à retourner en Europe à temps. Et j’avais un jeune domestique du nom de Khudiram, un adolescent de quinze ans, Soudra, de, la sous-caste des Maheshyas (communauté de cultivateurs du Bengale occidental), très sombre de peau, aux yeux légèrement bridés, à la figure plate — pas Aryen du tout ! — et parfaitement illettré. Un matin, en rentrant du marché au poisson (où il allait tous les jours acheter de quoi donner à manger aux chats) ce garçon me, dit

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triomphalement : “Mém Saheb, je vénère votre Führer, et souhaitée de tout mon coeur qu’il gagne la guerre !”

Je restai bouche-bée. “Khudiram”, dis-je, “ne le vénères-tu que parce que tu sais, comme tout le monde, qu’il est victorieux ? Tu ne connais rien de l’histoire de sa vie et de son action”.

“Il se peut,” me répondit l’adolescent, “que je ne sois qu’un ignorant. Mais j’ai fait ce matin, au marché, la connaissance d’un “grand” qui a au moins vingt ans et qui sait lire. Et il m’a dit que votre Führer combat, en Europe, afin d’en extirper la Bible, qu’il veut remplacer par la Bhagawad-Gîta”.

Je demeurai de nouveau bouche-bée. Je pensai, en un clin d’œil : “Le Führer serait bien étonné s’il savait comment on interprète sa doctrine aux Halles de Calcutta !”. Puis, je me remémorai un passage du Chant I de la Bhagawad-Gîta, telle que je la connaissais dans la belle traduction d’Eugène Burnouf : “De la corruption des femmes procède la confusion des castes — donc des races. “De la confusion des castes procède la perte de la mémoire ; de la perte de la mémoire procède la perte de l’entendement, et de celle-ci, tous les maux” [9]. Et je songeai “Qu’a fait Adolf Hitler d’autre, que de répéter ces paroles éternelles, et que d’agir selon leur esprit ?”

Je dis à Khudiram : “Le “grand” dont tu parles avait raison. Redis ce qu’il t’a appris à tous ceux qui voudront t’entendre. Je te donne à cet effet un jour de congé — et une roupie pour payer une tasse de thé à tes amis. Va, et utilise ta liberté pour la bonne Cause !”

Le gamin, tout joyeux, s’apprêtait à quitter la cuisine où avait eu lieu cet entretien. Je ne pus m’empêcher de le retenir un instant, et de lui demander ce qui le portait à vouloir avec tant d’enthousiasme cet “Ordre nouveau” qui, pourtant, ne favorisait guère les gens de sa race. “Sais-tu bien, Khudiram,” lui dis-je, “que de remplacer la Bible par la Bhagawad-Gîta” dans la lointaine Europe et dans tous les pays qui tombent sous son influence, équivaudrait à étendre pratiquement à la terre entière un système de castes parallèle à celui que connaissent les Indes ? Et sais-tu qu’en tant que Soudra tu n’aurais, toi, dans l’ “Ordre nouveau” de mon Führer, aucune chance de promotion ? Et l’aimes-tu malgré cela ?”

Je n’oublierai jamais la réponse de l’adolescent, — la réponse des masses non-aryennes des Indes, fidèles à une Tradition raciste qui les dépasse, par la bouche d’un jeune illettré. “Certes, je le sais. Je veux la victoire de votre Führer parce que l’ordre qu’il essaye d’établir partout où il le peut est conforme à l’esprit des Shastras ; parce que c’est l’ordre divin ; l’ordre vrai. Peu importe la place qu’il me donne, à moi ! Moi, je ne suis rien ; je ne compte pas. C’est la Vérité qui compte. Si je suis né dans une caste très humble, c’est que je l’ai mérité. J’ai fauté, et gravement, dans mes vies antérieures. Si, dans cette vie-ci, je demeure fidèle aux règles de ma caste : si je ne mange pas de nourritures

9. Bhâgawad-Gîta, I, versets 41 et suivants.

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interdites ; si j’épouse une fille parmi celles qui me sont permises, et ne désire aucune des autres, je renaîtrai un peu plus haut dans l’échelle des êtres. Et si je persévère, de vie en vie, dans la voie de la pureté, qui sait ? Un jour — dans bien des siècles — peut-être renaîtrai-je Brahmane ? Ou parmi ces nouveaux Aryas d’Europe qui vénèrent, eux aussi, votre Führer ?”

Je songeai aux hommes de ma race qui avaient, autrefois, en vagues successives, dévalé la Passe de Khaïber. L’enfant des Tropiques leur rendait hommage après soixante siècles. Et je songeai à mes camarades allemands — mes frères dans la foi hitlérienne, — dont les divisions blindées se suivaient alors, le long des routes de France. L’enfant des Tropiques leur rendait hommage, à eux aussi, parce que leur foi est l’expression moderne de la Tradition aryenne de toujours.

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Tu me diras : “Si les Indes ne sont pas une nation et ne sauraient en devenir une, pourquoi avoir exalté la “nation indienne” dans des écrits qui ont fait, à leur époque, quelque bruit ? [10] Pourquoi, en particulier, avoir étalé sur la première page d’un de tes livres, une “phrase aussi fausse que celle-ci : “Faire de tout Hindou un nationaliste indien, et de tout Indien nationaliste, un Hindou” ? [11]. Je t’expliquerai maintenant cette contradiction apparente.

Pour la comprendre — et la justifier — il te faut te souvenir que le colonialisme britannique aux Indes fut essentiellement différent de celui des premiers Aryas, aussi bien que de celui de leurs lointains successeurs, les Grecs d’après l’invasion d’Alexandre. Les antiques Aryas adoraient les Dêvas mais ne méprisaient pas les Dieux des autres peuples, et leur rendaient même hommage, à l’occasion. Les Grecs adoraient leurs multiples divinités — les douze Olympiens, et une foule d’autres — mais ne dédaignaient pas de sacrifier aux Dieux étrangers, qu’ils identifiaient d’ailleurs avec les leurs, toutes les fois qu’ils le pouvaient. Les uns et les autres étaient fiers de leur race, et tenaient à la conserver pure. Mais aucun d’eux ne croyait que les institutions politiques ou sociales, bonnes pour leur peuple, le fussent non moins pour tous les peuples. Aucun n’était la victime de la superstition de “l’homme”, et du désir acharné du “bonheur” humain, lié à la conception d’un “progrès” universel, linéaire et indéfini. Aussi, tout en exploitant les colonisés selon le droit que leur donnait la conquête, tout en utilisant parfois leurs propres institutions afin de les mieux exploiter, les laissaient-ils tranquilles. Le racisme aryen, — au fait, tout vrai racisme, est par nature tolérant, si étrange que cela puisse paraître à la plupart de nos contemporains. Il n’y a d’intolérants par nature que ceux qu’une douce folie, entretenue par la foi en un certain nombre de fatales contre-vérités, pousse

10. “Warning to the Hindus” (1938) et “Non-Hindu Indians and indian Unity” (1940).11. “Warning to the Hindus” (1938).

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à “aimer tous les hommes (et les hommes seulement) ; il n’y a d’intolérants par nécessité que ceux qui, de toutes parts en butte à ces derniers, se voient forcés de se défendre contre eux par tous les moyens à leur portée.

Les Anglais qui, au dix-huitième et au dix-neuvième siècles, arrachèrent les Indes, morceau par morceau, à la domination des Grands Moghols (et de quelques princes hindous) étaient, comme les fondateurs des royaumes de Bactres et de Sangala, vingt-deux siècles auparavant, Aryens de race, donc, en général, disposés à la tolérance. Aussi, n’essayèrent-ils pas de changer, de force, les coutumes et croyances des Hindous ou des Musulmans, celles-ci ne s’opposant pas à leur exploitation du pays. Mais ils étaient Chrétiens, ou tout au moins de formation chrétienne, et avaient hérité du Christianisme (ne fût-ce qu’en théorie) l’ “amour de tous les hommes” et la croyance, base des Démocraties modernes, que “tous les hommes” ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. En plus de cela, ils avaient gardé de lui cette intolérance foncièrement juive, que le Christianisme a lui-même hérité de ses tout premiers fidèles, élevés dans la foi du “Dieu jaloux”. Aussi, encouragèrent-ils l’action des missionnaires chrétiens aux Indes, et supprimèrent-ils, au cours du temps, certaines coutumes qui les choquaient ; en particulier le sacrifice (en principe volontaire) des veuves sur le bûcher funèbre de leur époux, et surtout, introduisirent-ils peu à peu dans le pays, par l’enseignement de leurs écoles et par une série de réformes politiques, les dogmes de la Démocratie et l’esprit de la Déclaration des Droits de l’Homme.

Le vrai crime de l’Angleterre contre l’Inde n’est pas d’en avoir exploité le sol et les gens à une échelle sans précédent, mais bien d’avoir inculqué, à des milliers d’Hindous de castes supérieures, des principes démocratiques anti-racistes, anti-traditionnels, ainsi qu’un humanitarisme de mauvais aloi, sinon un véritable anthropocentrisme ; et enfin d’avoir introduit, dans l’administration de cette vaste portion de continent, des mesures tendant à favoriser les éléments raciaux les moins précieux de la population. L’une des plus choquantes de ces mesures, objet d’une immense et longue agitation, mais finalement appliquée dès avant la guerre de 1939–1945, est connue sous le nom de “communal award”. Elle consistait à faire élire “par communautés religieuses” les membres des assemblées législatives provinciales — véritables parlements indigènes composés (en théorie) des “représentants du peuple” de régions dont la plupart sont aussi étendues que la France ou la Grande Bretagne, et contiennent des millions d’habitants (tous électeurs, naturellement ! Où serait, sinon, la Démocratie ?)

Il fallait, par exemple, que le nombre de députés musulmans soit cinquante-cinq pour cent du nombre total des représentants à l’Assemblée du Bengale, car cinquante-cinq pour cent des habitants de la province étaient alors Musulmans. Il fallait que l’Assemblée législative de l’Assam comptât un nombre de députés chrétiens proportionnel au nombre de Chrétiens — presque tous Aborigènes, convertis par le soin des missionnaires — que comprenait la population totale de l’Assam. Bien plus : il fallait que les Intouchables fussent

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représentés proportionnellement à leur nombre dans chaque province. D’où l’existence, dans chaque province, de régions (en anglais “constituencies”) desquelles les listes électorales, de quelque parti politique que ce fût, devaient obligatoirement ne comporter que des Chrétiens, ou que des Musulmans, ou que des Intouchables. Les électeurs — c’est-à-dire tous les habitants majeurs quant à l’âge — n’avaient d’autre choix, et cela quel que fût leur propre caste ou religion, que de voter pour l’un de ces candidats ou… de déposer dans l’urne un bulletin blanc. C’était un système conçu et élaboré dans le but même d’enlever aux Hindous en général, mais surtout aux Hindous des hautes castes, — donc à l’élite aryenne des Indes — tout pouvoir politique, déjà dans l’administration de plus en plus “indianisée” que les Anglais mettaient eux-mêmes sur pied, avant leur départ, qu’ils sentaient inéluctable. Il était imposé par l’autorité sans appel de la puissance coloniale. On ne pouvait rien y changer. On ne pouvait, du point de vue raciste aryen, que s’efforcer de limiter le mal qui ne pouvait que résulter de son application. Et pour cela, il fallait agir comme si on acceptait le principe absurde du droit de la majorité au pouvoir, indépendamment de sa valeur, simplement parce qu’elle représente le grand nombre, et… s’efforcer de rendre les Hindous majoritaires au dépens des autres communautés.

Il fallait donc travailler à donner aux aborigènes les plus retardés ou les plus dégénérés, — aux demi-sauvages des montagnes de l’Assam — une (fausse) conscience hindoue. Il fallait les amener à se proclamer eux-mêmes “Hindous”, sincèrement, en leur disant que l’Hindouisme est tolérant, mais en oubliant de leur parler du système des castes. Il fallait s’efforcer d’amener (ou plutôt de ramener) le Chrétien et le Musulman indien, (l’un, et l’autre, en général, issus d’Hindous de basse caste convertis à l’une des deux religions étrangères) à l’Hindouisme. Et pour cela, il fallait surmonter la répugnance d’un grand nombre d’Hindous à les accepter, car jamais encore l’Hindouisme n’avait réadmis en son sein quelqu’un qui l’avait quitté, ou qui en avait été rejeté. On pouvait sortir de sa caste … et tomber dans l’intouchabilité. On n’y rentrait pas. Or, il fallait, pour que le pouvoir ne revienne pas entièrement à la majorité non-aryenne de la population des Indes, changer cela. Car seul un (faux) nationalisme, — un nationalisme à l’européenne, nécessairement faux dans le cas de toute société multiraciale, — pouvait unir les Hindous, tant bien que mal, (plutôt mal que bien, mais mieux mal que pas du tout !) sous un non moins faux système parlementaire, imposé à eux contre leur tradition et contre la Tradition aryenne, dont leur élite restait jusqu’alors dépositaire.

J’étais alors employée comme conférencière et comme “missionnaire de l’Hindouisme” par la “Hindu Mission”, organisation mi-religieuse mi-politique qui, depuis plus de trente ans déjà, s’efforçait de récupérer à l’Hindouisme tous ceux qui en étaient (ou dont les pères en étaient) sortis, pour quelque raison que ce fût. Pleine d’amertume à l’égard du Christianisme historique à cause du rôle qu’il a joué en Occident, — ardente, admiratrice de l’Empereur Julien et

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d’Hypatie, non moins que de Wittukind, déjà avant de m’apercevoir que j’étais, en fait, Hitlérienne, — je m’étais un jour présentée au président de la Mission, Swami Satyananda. Je lui avais offert mes services. Il m’avait demandé ce qui m’avait attirée aux Indes, et je lui avais cité, en les traduisant en Bengali, des vers que le poète Leconte de Lisle met dans la bouche d’un héros de l’Inde antique :

“Rama, Daçarathide honoré des Brahmanes,Toi dont le sang est pur, toi dont le corps est blanc,

Dit Lakshmana, salut, Dompteur étincelantDe toutes les races profanes ! ” [12]

Je lui avais déclaré que j’étais Hitlérienne et Païenne — regrettant toujours la conversion, par la bribe ou par la force, de mon Europe natale à la religion de Paul de Tarse — et que je voulais travailler à empêcher le seul et dernier pays à avoir gardé (en partie au moins) des Dieux aryens — l’Inde — de suivre le mauvais exemple de l’Occident et de tomber, lui aussi, sous l’influence spirituelle des Juifs. Je lui avais dit que je voulais contribuer à faire de l’Inde notre alliée, dans le combat contre les fausses “valeurs”. Il m’avait acceptée, et donné toute liberté d’expression pourvu que, m’avait-il dit, je me place, dans mes discours aux foules, “du point de vue hindou” et que’ je “tienne compte des circonstances particulières du pays”. “Je considère”, avait-t-il ajouté, votre Maître comme une Incarnation de Viçnou, une expression de la Force divine qui préserve ce qui mérite d’être préservé. Et ses disciples sont à mes yeux nos frères spirituels. Mais vous aurez ici des concessions à faire, au moins tant que les Anglais y seront ; sinon vous ne pourrez concurrencer la propagande des missionnaires chrétiens qui prêchent “l’homme”, indépendamment de la race. Songez-y !

Il m’a bien fallu “y songer” ! Aucun appel s’adressant à une masse, et surtout à une masse multiraciale, n’est possible sans certains compromis. On ne pouvait demander aux Soudras (ou aux Intouchables) convertis à des religions d’égalité, d’en sortir et de réintégrer l’Hindouisme, sans leur donner l’impression qu’ils n’y perdraient rien de leurs “droits” acquis. Et il fallait qu’ils réintégrassent l’Hindouisme, non pour le salut de leur âme, dont nul ne se souciait (et moi-même moins que tout autre) et que, d’ailleurs, l’Hindou le plus orthodoxe croit possible au sein de toute — ou même en dehors de toute — religion, mais… pour qu’il puisse y avoir une majorité hindoue à l’Assemblée du Bengale, à l’Assemblée de l’Assam, et à celle du Bihar (les trois provinces que j’avais à parcourir à tour de rôle en y prêchant la solidarité hindoue et le front commun contre les “religions étrangères envahissantes et intolérantes”). Il fallait qu’ils réintégrassent l’Hindouisme de leur plein gré, pour que l’élite raciale des Indes, hindoue elle aussi, pût rester au pouvoir, là où elle s’y trouvait, et prendre le pouvoir, là où elle ne l’avait pas. Or, ils n’avaient pas, en face du racisme aryen, l’attitude désintéressée de Khudiram, — sinon, ils n’auraient jamais 12. Leconte de Lisle (‘‘L’Arc de Çiva’’ ; Poèmes Antiques).

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quitté l’Hindouisme. Il ne fallait donc pas leur parler de racisme aryen, mais de “nationalisme indien”. Il fallait se servir du “nationalisme indien” à la fois pour attirer les basses castes et les Aborigènes convertis au Christianisme, et pour inciter les Hindous de haute caste à ne pas les repousser — et se priver par là de leurs voix aux élections législatives, puisqu’élections législatives il y avait, malheureusement, et puisque tous étaient électeurs.

L’administration anglaise, antiraciste en principe (malgré une ségrégation raciale limitée aux rapports mondains, et qui ne s’appliquait d’ailleurs pas aux Juifs) ne faisait aucune différence entre un Brahmane, Indo-européen de sang et de mentalité, et le dernier des Nagas ou des Koukis de l’Assam, surtout si celui-ci représentait à l’Assemblée soit les Chrétiens soit les “shedule castes”, c’est-à-dire les Intouchables, de sa province. Ce n’était pas ma faute, à moi, si elle avait cette attitude, et si elle tendait à “indianiser” le plus qu’elle pouvait et les corps législatifs et les services publics, dans cet esprit-là — qui n’était autre que celui de l’Europe décadente ; de cette Europe qui allait bientôt rejeter la renaissance hitlérienne avec la stupide véhémence que l’on connaît.

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Si nous avions gagné la guerre, l’Inde — qu’elle fût demeurée “britannique”, ce qui est peu probable, malgré le désir du Führer (avant la guerre) de ne pas toucher à l’empire colonial anglais, — ou qu’elle fut devenue indépendante — se serait très vite débarrassée des réformes démocratiques introduites par les Anglais, et serait revenue à sa tradition immémoriale : à la Tradition des Aryas. Elle aurait sans doute été gouvernée, nominalement, par le fameux Subhas Chandra Bose, le collaborateur officiel des Puissances de l’Axe Berlin-Tokyo, connu de tous, et en fait par l’homme qui avait présenté Subhas Chandra Bose aux Japonais, et persuadé ceux-ci, malgré leur hésitation, de l’accepter comme allié. Cet homme, — j’ose l’écrire sans vantardise, mais avec une légitime fierté — n’est autre que celui qui, tout au début de la guerre, m’a donné son nom et sa protection : Sri Asit Krishna Mukherji, l’ancien directeur de la revue “New Mercury”, (le seul périodique nettement hitlérien qui parût aux Indes de 1935 à 1937) et l’homme dont Herr von Selsam, Consul général d’Allemagne à Calcutta à cette époque, a écrit, dans une lettre que j’ai lue, “Personne, en Asie, n’a servi le Reich allemand avec autant de zèle et d’efficience que lui.”

J’ai eu l’honneur de connaître personnellement Subhas Chandra Bose, et cela bien avant de rencontrer Sri A. K. Mukherji.

Bengali de la caste très cultivée des scribes ou Kayasthas, c’était, avant tout, un nationaliste indien, c’est-à-dire un homme qui, dans son ardent désir de voir l’Inde devenir une nation, et dans son incompréhension des raisons profondes, exposées plus haut, pour lesquelles elle n’en peut être une, la considérait et la traitait déjà comme si elle en avait été une. Sri A. K. Mukherji était, et est encore,

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un Brahmane conscient de ses lointaines attaches nordiques, et un homme de tradition. La philosophie hitlérienne l’attirait parce qu’elle est en accord avec la vérité éternelle, exprimée dans les Ecritures sanscrites. Subhas Chandra Bose combattait la domination anglaise ; Sri A. K. Mukherji, l’application erronée de la démocratie (qui n’a de sens qu’entre égaux) à une immense population multiraciale. Tous deux collaboraient avec le Troisième Reich allemand et avec son allié, le Japon de Tojo, le premier, “par accident”, le second, par principe. Je m’explique. Si, dès 1936, Adolf Hitler avait pu réaliser son rêve d’entente avec l’Angleterre, dont il était prêt à “respecter l’empire colonial”, et si, d’accord avec elle, il s’était tourné d’emblée contre la Russie soviétique, Subhas Chandra Bose (et, avec lui, la grande majorité des nationalistes de l’Inde), aurait été l’allié de la Russie contre l’Angleterre et contre lui. Sa collaboration avec lui avait un caractère purement politique. Il l’a précisé lui-même à Calcutta, dès 1938, dans un discours retentissant auquel j’étais présente, et dans lequel il rapprochait l’alliance de l’Inde avec “les puissances de l’Axe Berlin-Rome-Tokyo”, et en particulier avec l’Allemagne nationale-socialiste, dans le cas d’une seconde guerre mondiale, de celle que Sir Roger Casement, patriote irlandais, avait essayé de nouer avec l’Allemagne de Guillaume II, contre l’Angleterre, durant la guerre de 1914–1918. Les ennemis de nos ennemis sont en principe nos amis, quelle que soit la foi qu’ils professent.

Mais dans ce cas-là, Sri A. K. Mukherji aurait été, lui indirectement — l’allié de l’Angleterre. Les amis de nos amis, et, à fortiori de ceux que nous tenons pour nos frères dans la foi, sont nos amis. Sri A. K. Mukherji voulait, certes, l’autonomie des Indes, mais pas n’importe quelle “autonomie”, et pas à n’importe quel prix. Il ne voulait pas d’une Inde “indépendante” dans laquelle dominerait soit l’influence marxiste, soit celle du parlementarisme tel que les Anglais l’avaient prêché : “One man, one vote”, tout mammifère à deux pattes, depuis l’Aryen le plus pur jusqu’au Kouki des montagnes de l’Assam, étant considéré comme “a man” — “un homme”. Mais après une guerre de laquelle l’Allemagne nationale-socialiste, alliée de l’Angleterre contre le Bolchevisme, serait sortie victorieuse, il n’aurait plus été question de “principes humanitaires et démocratiques”, d’égalité des races et autres sornettes, aux Indes ni ailleurs. L’Angleterre elle-même aurait émergé, profondément transformée, d’une guerre heureuse, dans laquelle elle aurait combattu aux côtés de la “Nation-sœur”, dans l’intérêt du monde aryen tout entier (au lieu de combattre, comme elle l’a fait, contre lui.)

Je me suis souvent demandé dans quelle mesure les quelques Anglais qui voulaient sérieusement la collaboration de leur pays avec le Reich allemand — ces Anglais qui furent, presque tous, dès le début de la Seconde guerre mondiale, internés “préventivement” au nom de la Loi 18 B, se rendaient compte de l’ampleur de la transformation que cela aurait entraînée, et des répercussions que cela aurait eues sur l’avenir de leur peuple et du monde. J’en ai bien connu un — Elwyn Wright, physiquement et moralement, un des plus beaux spécimens

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d’Aryen que j’aie rencontrés, — qui s’en rendait compte, et qui voulait cette collaboration justement à cause de cela. Mais combien y en avait-il comme lui ? Et combien y avait-il d’Hindous des castes aryennes qui, comme Sri A. K. Mukherji, ou comme Pandit Rajwade, de Poona, — cet Aryen des temps védiques, exilé dans l’Inde de notre époque — se rendaient compte de la signification profonde de l’Hitlérisme, et l’accueillaient à cause d’elle ? Bien peu, certes !

Bien peu, mais, toutefois, proportionnellement davantage qu’il n’y avait, en Occident, d’Aryens non-allemands qui cri, étaient conscients et qui, pour cette raison, collaboraient avec le Troisième Reich. La grande majorité, la presque totalité des, amis européens de l’Allemagne à l’époque hitlérienne, se plaçaient à un point de vue purement politique ; ne voyaient, dans l’Hitlérisme, rien autre qu’une doctrine politique, capable de fournir une solution adéquate aux problèmes de leurs payse respectifs.

L’une des tragédies de notre temps est que, pris en masse, ce sont les ennemis de l’Hitlérisme, et en, particulier les Juifs, et les Chrétiens intelligents, qui l’ont le mieux compris. Ils le détestaient, sans doute ; mais ils le détestaient justement pour ce qui en fait la grandeur et l’éternité : pour son échelle de valeurs, centrée, non sur “l’homme”, mais sur la vie ; pour sa possibilité de devenir très vite, — une fois associé à des rites — une vraie religion. Ils le détestaient parce qu’ils sentaient, plus ou moins confusément, — et parfois très clairement — que sa victoire signifierait la fin de tout ce que, depuis deux mille ans au moins, (sinon deux mille quatre-cents), le monde occidental a connu’ et aimé ; la négation des valeurs qui l’ont, depuis si longtemps, aidé à vivre.

Il est à noter que l’un au moins des collaborateurs, français les plus brillants — et l’un de ceux qui ont payé de leur vie leur amitié pour l’Allemagne régénérée — Robert Brasillach, a lui-même été conscient du caractère essentiellement “païen”, de la mystique hitlérienne. Il a collaboré avec l’Allemagne malgré cela ; non pas à cause de cela. Et il a à plusieurs reprises, en particulier dans son roman “Les Sept Couleurs”, souligné l’impression de dépaysement, d’étrangeté quelque peu effrayante, qu’il ressentait chez ses voisins d’outre-Rhin, en dépit de toute l’admiration qu’il avait pour leur renaissance à la fois politique et sociale. “C’est”, écrit-il en parlant de l’Allemagne d’Adolf Hitler, “un pays étrange, plus loin de nous que la plus lointaine Inde ou Chine,” — un pays païen.

Et il se demande en 1935, alors que le Reich régénéré est au faîte de sa gloire, si “tout cela va durer”, comme s’il savait que le combat du Führer était un combat “contre le temps” — un combat à contre-courant — et comme s’il en sentait l’inutilité, sur le plan matériel tout au moins. Mais il y a plus. Dans ses “Poèmes de Fresnes” — ses derniers poèmes, écrits quelques semaines, voire quelques jours avant qu’il ne tombe sous les balles d’un peloton d’exécution, — il ne s’agit nullement de l’Allemagne vaincue, mais promue malgré tout, par son rôle de champion d’un idéal pan-aryen, au rang de Terre Sainte de l’Occident ; il

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ne s’agit nullement de foi hitlérienne, mais de la France, ainsi que de la famille et des amis les plus chers du poète, et de sa foi chrétienne. Dans un poème daté du 9 Novembre, il n’y a pas un mot qui rappelle ce que cet anniversaire signifie, dans l’histoire du Mouvement national-socialiste. Et durant son court procès, Robert Brasillach déclarera qu’il a été “d’abord Français”, et ensuite seulement National-socialiste. Il aurait pu dire : “National-socialiste, parce qu’avant tout Français” ; car l’opposition à la démocratie parlementaire, et la lutte contre l’influence juive sur la politique de tous les pays, lui semblaient, appliquées à la France, l’une et l’autre excellentes — et cela, malgré la mystique hitlérienne, à laquelle il n’adhérait pas.

Je n’ai, parmi les collaborateurs français de même que parmi les “18 B’s” anglais, rencontré que très peu de gens sincèrement hitlériens bien que conscients des implications philosophiques de l’Hitlérisme. Je dirai plus : il y avait, même à l’époque de la plus grande gloire du Troisième Reich, bien peu de vrais Hitlériens parmi les millions d’Allemands qui acclamaient le Führer. Un des plus purs que j’aie eu la joie et l’honneur de connaître — l’ “Oberregierungs-und Schulrat” Heinrich Blume — me disait en 1953 que le nombre d’Allemands qui s’étaient donnés entièrement au Mouvement sachant pleinement ce qu’ils faisaient, n’a jamais dépassé trois cent mille. On est bien loin des quatre-vingt-dix-huit et demi pour cent des électeurs du Reich, qui avaient porté le Führer au pouvoir ! L’immense majorité de ceux-ci avaient voté pour la reconstruction de l’économie allemande et la régénération du corps social, non pour le retour aux vérités fondamentales de la vie et pour le “combat contre le temps” qu’impliquait l’Hitlérisme, et dont ils ne se rendaient même pas compte.

Bien plus : il y a des Allemands qui — tel Hermann Rauschning, l’auteur du livre “Hitler m’a dit” — se sont retirés du Mouvement dès qu’ils se sont aperçus du caractère païen de la Weltanschauung hitlérienne. Et il est à noter qu’ils ne s’en sont aperçus que lorsqu’ils eurent suffisamment gagné la confiance du Führer pour que celui-ci les admît dans son petit cercle d’initiés ou de partiellement initiés. Car il y avait une différence entre l’enseignement donné au peuple en général, et celui que recevaient les disciples ; une différence, non pas de contenu, mais de clarté. Par exemple, le Point 24 des fameux “Vingt-cinq Points” spécifie que le Parti, tout en proclamant la plus large tolérance religieuse, s’en tient à un “Christianisme positif” — en d’autres termes, à ce qu’il y a de “positif”, c’est-à-dire de vrai, de conforme à la Tradition, dans le Christianisme historique — mais qu’il condamne et combat toute religion ou philosophie “qui choque le sens moral de la race germanique, ou qui est dangereuse à l’État” [13]. Il omet (à dessein sans doute) de rappeler que toute religion qui tourne le dos aux réalités de ce monde, et en particulier aux réalités biologiques, au point de

13. “Wir fordern die Freiheit aller religiösen Bekenntnissen im Staat, solang sie nicht des-sen Bestand geführden oder gegen das Sittlichkeits — und Moralgefühl der germanischen Rasse verstofen.”

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permettre le mariage de gens de races différentes, pourvu qu’ils soient membres de la même “église”, de même que toute religion ou philosophie qui exalte “l’homme”, même déficient, même au dernier degré de la déchéance physique ou morale (ou physique et morale), ne peut être qu’un danger public, dans l’État national-socialiste.

Le Führer se défend dans “Mein Kampf” de viser le moins du monde à une réforme religieuse. “Il est criminel écrit-il, de tenter de détruire la foi acceptée par le peuple, “tant qu’il n’existe rien qui puisse la remplacer” [14]. Il écrit encore que la mission du Mouvement national-socialiste “ne consiste pas en une réforme religieuse, mais en une réorganisation politique du peuple allemand” [15]. Mais ce qu’il n’écrit pas — ce qu’il ne pouvait écrire dans un livre destiné à la grande masse d’un peuple christianisé depuis le neuvième siècle et se croyant, au moins en grande majorité, chrétien — c’est que tout régime basé, comme l’était le régime national-socialiste, sur la négation de la valeur intrinsèque de tout homme, indépendamment de sa race et de sa valeur individuelle, est forcément l’antithèse d’un ordre social chrétien. Car toute société chrétienne a pour principe le respect de “l’être humain” créé, quel qu’il soit, “à l’image et à la ressemblance” d’un Dieu transcendant et personnel, essentiellement ami de l’homme. Ce qu’Adolf Hitler ne pouvait pas dire à la grande masse, c’est que tout régime politique fondé sur une doctrine centrée, elle, sur la Vie et ses lois éternelles, a nécessairement une signification plus-que-politique. De la voix de la grande masse, dépendait en effet son propre succès, car il ne faut pas oublier qu’il a pris le pouvoir “légalement”, c’est-à-dire “démocratiquement”.

Cette signification plus-que-politique de l’Hitlérisme, seuls en Allemagne la saisissaient pleinement le Führer lui-même et l’élite nationale-socialiste : les initiés de la Thüle Gesellschaft ; les maîtres et les meilleurs élèves des Ordensburgen, où se formaient les membres de la S. S. La masse du peuple ne la sentait pas, et aurait été bien étonnée, si quelqu’un la lui avait montrée, avec toutes ses implications ; si, par exemple, quelqu’un lui avait fait comprendre que le Christianisme et l’Hitlérisme sont deux voies différentes et incompatibles, ouvertes sur l’éternel, et que la même personne ne peut suivre l’une et l’autre, mais doit choisir. Hors d’Allemagne — et hors de l’Inde, de tradition aryenne — une élite pensante aimait ou craignait ou haïssait l’Hitlérisme à cause de sa vraie nature. L’élite juive le maudissait pour des raisons autrement profondes que la sourde hostilité séculaire qui opposait Israël au monde germanique. L’énorme masse des hommes de tous les pays, — indifférente à “la politique,” — le redoutait sans savoir au juste pourquoi, en réalité parce qu’elle sentait vaguement en lui la négation de tout anthropocentrisme ; la “Sagesse de l’Espace étoilé” (comme je l’ai moi-même appelé) par opposition à “l’amour de l’homme” et au souci de son bonheur, dans ce monde ou dans un autre.

14. Adolf Hitler, “Mein Kampf” Edit. allemande 1935, pp. 293-294.15. Adolf Hitler, Ibid. p. 379.

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ANTHROPOCENTRISmE ET INTOLERANCE

« Gloire au Christ ! les bûchers luisent, flambeaux hurlants ;La chair se fend, s’embrase aux os des hérétiques,Et de rouges ruisseaux sur les charbons brûlants

Fument sous les cieux noirs au bruit des saints cantiques ! »”

Leconte de Lisle, (‘‘L’Agonie d’un saint’’ ; Poèmes Barbares).

Je te l’ai dit, et le répète, — car on ne saurait trop le répéter : “Défais-toi de la superstition de “l’homme”, ou rends grâce aux Dieux immortels si tu en es par nature libéré ; si “l’homme”, en tant que tel, ne t’intéresse pas ; si seul la Perfection t’intéresse et si tu n’aimes l’homme que dans la mesure où il se rapproche, — individuellement et collectivement — du type idéal de la Race ; dans la mesure où, être d’un jour, il reflète ce qui est éternel”.

As-tu assez médité sur l’histoire du monde pour avoir remarqué un fait déroutant, à savoir que peu de gens ont péché plus odieusement contre les hommes que ceux qui les aimaient le plus, et voulaient, avec le plus d’obstination, “faire leur bonheur” (fût-ce contre leur gré), soit dans ce monde, soit dans un Au-delà auquel ils croyaient fermement ? Nietzsche, peut-être le seul très grand maître de la pensée que l’Occident ait produit en marge du Christianisme, l’a remarqué, lui. “Les Chrétiens ne nous aiment plus assez”, dit-il, “pour nous brûler vifs sur les places publiques” [16].

On a, en effet, beaucoup parlé des horreurs commises par l’Église de Rome, au nom de la défense de l’orthodoxie chrétienne. Ce qu’on a presque toujours oublié de dire, c’est que la Sainte Inquisition, organe de cette Église, agissait par amour. Elle croyait — comme tous les bons Catholiques du douzième, treizième, ou même dix-septième siècle — que hors de l’Église, il n’y avait pas de salut ; que l’individu qui quittait la voie rigide du dogme, et cessait par là d’être un fidèle, allait, à sa mort, droit en enfer. Et elle savait que les 16. Dans “Jenseits von Gut und Böse.”

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hommes, inclinés au péché depuis la désobéissance d’Adam, suivent les mauvais exemples avec beaucoup plus de promptitude que les bons ; que l’hérétique était donc un danger public, — une “brebis galeuse qu’il fallait, au cas ou elle refusait la guérison offerte, c’est-à-dire l’abjuration de ses erreurs, la pénitence et le retour au sein du troupeau béni, retrancher à tout prix de l’ensemble de la population. Et plus la séquelle du procès d’hérésie serait spectaculaire et terrible, et moins les âmes simples, qui sont la majorité, seraient tentées de se rebeller à leur tour contre l’autorité de l’Église ; moins elles risqueraient d’être à jamais séparées de Dieu. La crainte de Dieu, qui est, dit-on, le commencement de la sagesse, se confondrait ici avec la crainte du feu visible, avec la crainte de la douleur physique, chez celui (ou celle) qui aurait, au moins une fois, assisté au “brûlement” d’un hérétique et vu et entendu l’homme se débattre dans ses liens et hurler au milieu des flammes.

Je crois, quant à moi, sincèrement, que les Pères Inquisiteurs n’étaient pas des monstres, et qu’il leur en coûtait, devant un refus formel d’abjurer, d’avoir à livrer un être humain “au bras séculier”, sachant quel supplice le dit “bras séculier” lui réservait. Cette décision, qui parait aujourd’hui, à tant de gens, si “contraire à l’amour chrétien”, leur était toutefois inspirée par l’amour chrétien tel qu’ils l’entendaient, compte tenu de leur interprétation de passages des Écritures concernant l’Au-delà. Ils aimaient trop les hommes, c’est-à-dire les âmes humaines, pour pouvoir accepter le risque de les savoir en danger de perdition, au contact des “maîtres d’erreurs”. S’il existe quelque chose contre quoi on doive se révolter à la pensée des horreurs de la Sainte Inquisition, (à moins qu’on ne soit entièrement d’accord avec celle-ci, — après tout, pourquoi pas, si on a la même foi qu’elle ?) ce n’est certes pas la “méchanceté” des pères inquisiteurs, mais bien cet amour inconditionné de tous les hommes, y compris des hérétiques et des mécréants (à ramener, ou à amener à Jésus-Christ) ; cet amour de tous les hommes pour la seule raison qu’ils sont considérés comme les seuls vivants “ayant une âme immortelle créée à l’image de Dieu”, amour dont les membres du Saint Office étaient, avec tous, ou presque tous les Chrétiens de leur époque, les premières victimes.

A celui qui n’aime pas particulièrement les hommes, la destinée de ceux-ci, — salut ou perdition, dans un hypothétique Au-delà, — est matière d’indifférence. La soi-disant “tolérance” des gens de notre époque n’est, en réalité, qu’une absence totale d’intérêt aux questions de dogme, en particulier, et aux questions métaphysiques en général ; un scepticisme profond en ce qui concerne l’Au-delà, — et une indifférence de plus en plus répandue (bien que de moins en moins avouée) à l’égard des hommes. A tout prendre, les hommes ne s’en portent pas plus mal : non seulement n’y a-t-il plus de bûchers sur les places publiques, dans les pays de civilisation chrétienne, catholiques ou réformés, (dans les pays chrétiens soumis à l’Église Orthodoxe d’Orient, il n’y en eut jamais), mais une excommunication majeure, lancée contre un individu par

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quelqu’Église que ce soit, n’aurait, en Occident, aucune conséquence sociale : l’excommunié continuerait à vivre le lendemain comme il vivait la veille. Personne ne s’apercevrait qu’il a été excommunié (sauf peut-être les dévotes de sa paroisse).

Si, à une date aussi récente que 1853, — il y a un peu plus d’un siècle, — un moine excommunié, Théophile Kaïris, a pu être incarcéré par ordre du gouvernement grec, et mourir en prison, ce n’est pas que les Hellènes étaient, à cette époque, “moins tolérants” que leurs frères de France ou d’Allemagne. C’est seulement que la Grèce n’était pas alors, (comme elle n’est pas davantage aujourd’hui) l’Occident, et que l’enseignement de l’Église Orthodoxe d’Orient y était (comme il y est toujours) tenu pour “religion nationale” — intangible parce que “nationale”, comme celui de l’Église romaine l’est en Espagne, en Irlande libre, ou… en Pologne, malgré le Communisme imposé au peuple, — ce qui est une contradiction vivante, étant donné le caractère largement humain et “non de ce monde” de tout vrai Christianisme.

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Il n’en demeure pas moins vrai que, partout où l’on affirme l’amour envers tous les hommes, il y a intolérance à l’égard de tous ceux d’entre eux qui conçoivent le “bonheur de l’homme” autrement que le philanthrope qui les juge, ou qui déclarent ouvertement ne pas se soucier de ce bonheur.

Et cela n’est pas vrai seulement de la recherche de la béatitude dans un Au-delà sur lequel, faute de connaissance précise, il est permis de discuter indéfiniment. Cela l’est aussi de la poursuite du bonheur en ce bas monde. On pourrait croire que cette notion-là est, elle au moins, assez claire. N’est-elle pas tirée de l’expérience de tous les jours ? Or, justement, l’expérience de tous les jours, même alors qu’elle paraît identique, ne suggère pas à tous les mêmes conclusions. Un Bédouin qui souffre de la faim et un chômeur européen (ou un vieux, n’arrivant pas à vivre de sa minable petite retraite) ne réagiront pas de la même façon à leur commune misère. Le premier s’y résignera sans murmure. “C’était”, pensera-t-il, “la volonté d’Allah”. Le second dira que c’est “la faute du gouvernement”, et ne se résignera pas. La solitude complète, qui parait à tant de gens urne torture, semble à d’autres un état très supportable, et à quelques-uns, une véritable bénédiction. Il n’existe pas de “minimum universel de bien-être physique, et surtout moral, en deçà duquel aucun homme ne peut être heureux. On a vu des gens — rares, il est vrai — garder jusque dans les supplices une sérénité qui semblait impossible. Et c’est dans les “sociétés de consommation” les plus prospères que les suicides de jeunes sont, statistiquement, les plus nombreux, — plus de treize mille par an, par exemple, en Allemagne fédérale, où rien ne manque… matériellement.

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Les dévots du bonheur humain sur terre, — qui, malgré ces faits, sont légions — sont tout aussi intolérants que les amis de leur prochain soucieux, avant tout, du salut des âmes. Malheur à celui qui ne pense pas comme eux ! Malheur à celui aux yeux de qui l’individu n’est rien, s’ils croient, eux, qu’il est tout et que son “bonheur” ou son plaisir, passe avant tout ! Malheur à celui aux yeux de qui le progrès technique, appliqué à la vie quotidienne, n’est pas un critère de valeur collective, s’ils y voient, eux, la seule base de discrimination entre les peuples ! Et surtout, malheur à celui qui proclame que certains individus, — dont lui-même — voire certains peuples, ont plus besoin de foi, d’enthousiasme, de fanatisme, que de confort matériel, fût-ce du “minimum nécessaire” de nourriture corporelle, s’ils se trouvent être, eux, les défenseurs de l’homme, de ceux-là que tout fanatisme, et surtout tout fanatisme guerrier, effraye ! Il n’y a, pour comprendre combien cela est vrai, qu’à considérer la façon dont les Marxistes qui, théoriquement, élèvent si haut “tous les travailleurs”, traitent les ouvriers et les paysans, aussi bien que les intellectuels, qui ne sont pas de leur bord, — à fortiori ceux qui font mine de s’opposer activement à leur système de “valeurs”, ou ne serait-ce qu’à leur administration, au nom de ces “valeurs” elles-mêmes. Il n’y a qu’à voir comment tant de Chrétiens, théoriquement humanitaires, traitent, aussitôt qu’ils sont nantis de quelque pouvoir, les Communistes, leurs frères. Il n’y a, surtout, qu’à se souvenir comment les combattants pour la cause de “l’homme”, aussi bien Marxistes que Chrétiens ou Déistes, et Francs-maçons de tout poil, nous ont traités toutes les fois qu’ils l’ont pu, nous, les détracteurs avoués de toute philosophie centrée sur l’homme et non sur la vie, nous qu’ils accusent de “crimes contre l’humanité”, comme si nous avions la monopole de la violence. (Ces gens n’ont pas, apparemment, le sens de l’ironie.)

Si l’on convient de décorer du nom de tolérance toute non-intervention dans les affaires d’autrui, il y a deux attitudes qui méritent cette appellation : celle de l’indifférent, étranger aux problèmes qui préoccupent d’autres hommes ; de celui à qui certains domaines de l’expérience humaine, du sentiment ou de la pensée, sont littéralement fermés, et qui n’aime assez aucun individu ou groupe d’individus pour chercher à se placer à son point de vue et à le comprendre ; et celle de l’homme qui croit à la diversité indéfinie des races humaines, des peuples, des personnes (fussent-elles souvent de même race) et qui s’efforce de comprendre toutes les cultures, toutes les religions et, dans la mesure où cela est possible, toutes les psychologies individuelles, parce que ce sont là des manifestations de la Vie. La première est l’attitude d’un nombre croissant de citoyens de nos “sociétés de consommation”, que la métaphysique n’intéresse pas, que la politique laisse “froids”, que les activités du voisin ne, concernent pas… à moins, bien entendu, qu’elles ne dérangent leur train de vie et ne suppriment quelques uns le leurs petits plaisirs. Ce n’est là de la “tolérance” que par un abus de langage. En bon français savoureux, cela s’appelle du je-m’enfoutisme. La seconde — la vraie tolérance — est celle de Ramakrishna et de tous les Hindous en matière religieuse. C’est celle de l’Antiquité, aussi bien aryenne

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que sémitique, amérindienne, extrême-orientale ou océanienne. C’est celle de tous les peuples d’avant l’ère chrétienne, sauf un seul : le peuple juif. (Et cette exception tragique, dont je reparlerai, ne semble s’être affirmée qu’assez tard dans l’histoire de ce peuple, par ailleurs insignifiant). C’est celle qui, malgré ce changement graduel de mentalité qui accompagne, au cours d’un même cycle temporel, le passage d’un âge au suivant et maigre la dégradation humaine du début à la fin de chaque âge, persiste plus ou moins, presque partout, jusqu’à la seconde moitié, environ, du dernier âge, — de celui que la tradition hindoue appelle Kali Yuga, ou Age Sombre.

Certes, l’exaltation de l’homme, quelle que soit sa race et sa valeur personnelle, au-dessus de tout ce qui vit, remonte à la nuit des temps. Mais tant que persiste, chez la vaste majorité des peuples, assez de sagesse antique pour que chacun admette qu’il y a des différences fondamentales entre lui et d’autres, et pour que, loin de haïr ces différences, il les observe avec sympathie, au moins avec curiosité, on peut dire que notre cycle n’est pas encore entré dans sa phase dernière, celle qui le conduira immanquablement au chaos. Ou, pour exprimer mon idée dans une formule brève et suffisamment vigoureuse pour retenir l’attention, je dirai que la superstition de “l’homme” amorce la décadence ; et que celle de l’uniformité humaine — uniformité des “besoins primordiaux”, des “devoirs”, etc.… — la précipite. Il est d’ailleurs certain que la seconde superstition procède de la première ; qu’elle est impensable sans elle. Il suffirait, pour s’en convaincre, de remarquer que les religions (et les philosophies) les plus tolérantes sont précisément celles qui ne sont pas centrées sur l’homme, mais traitent celui-ci comme une manifestation de la vie, un produit de la Nature parmi tant d’autres.

L’Hindouisme (si l’on en excepte quelques sectes) a cette attitude. Le Bouddhisme aussi. La légende veut que le Bouddha ait, déjà dans son enfance, ressuscité un cygne, tué par le mauvais Dêvadatta. Elle raconte aussi que, “dans une de ses vies antérieures”, étant ascète dans la forêt, il se dépouilla volontairement du rayonnement qui suffisait à le protéger des bêtes féroces, afin d’offrir son propre corps en pâture à une pauvre tigresse affermée — et à ses petits. Elle ajoute que, tandis que les ongles et les dents avides le déchiraient, son cœur débordait d’amour envers l’énorme belle “chatte” et les bébés félins.

Il est à noter qu’aucun miracle, même aucune bonne action — et à plus forte raison aucun acte d’abnégation tel que celui-ci — en faveur d’une bête, n’a été attribué par la tradition chrétienne à Jésus de Nazareth. Il est aussi à noter que, de toutes les grandes religions internationales, seul le Bouddhisme s’est propagé sans violence. (L’Hindouisme aussi, que professent tant de races différentes. Mais je l’ai déjà dit : l’Hindouisme n’est pas “une religion”, mais une civilisation). Le Christianisme, lui, s’est répandu par la violence en pays germaniques, et slaves ; par la bribe, dans le bassin de la Méditerranée, où le nombre des Chrétiens est soudain monté en flèche dès que la doctrine,

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jusqu’alors méprisée, fut proclamée “religion d’État” par l’Empereur Constantin, et que chacun servait sa propre carrière en y adhérant.

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On ne saurait trop le répéter, le souligner : l’intolérance, religieuse ou philosophique, est le propre des dévots de “l’homme” indépendamment de toute considération de race ou de personnalité. En conséquence de quoi, ce sont les vrais racistes qui font preuve de la plus grande tolérance.

Sans doute exigent-ils de leurs compagnons d’armes une fidélité absolue à la foi commune. Ce n’est pas là “de l’intolérance” ; c’est une question d’ordre. Chacun doit savoir ce qu’il veut, et ne pas adhérer à une doctrine pour faire ensuite des réserves à son égard. Celui qui a des objections à formuler — et surtout, des objections concernant les valeurs de base de la doctrine — n’a qu’à demeurer hors de la communauté des fidèles, et ne pas prétendre être le camarade de ceux dont il ne partage pas la foi entièrement. Sans doute aussi le raciste est-il prêt à combattre les hommes qui agissent, voire même qui pensent, en tant qu’ennemis de sa race. Mais il ne les combat pas en vue de les changer, de les convertir. S’ils restent à leur place, et cessent de s’opposer à lui et à ses frères de sang, il les laisse tranquilles — car ils ne l’intéressent pas assez pour qu’il prenne souci de leur sort, en ce monde ou en un autre.

Dans le troisième Livre de ses “Essais”, Montaigne déplore que, conquises pour conquises, les Amériques ne l’aient pas été “par les Grecs ou les Romains” plutôt que par les Espagnols et les Portugais. Il pense que le Nouveau Monde n’aurait alors jamais connu les horreurs commises en vue de sa conversion à une religion considérée par les conquérants comme la “seule” bonne, la seule vraie. Ce qu’il ne dit pas, ce que, peut-être, il n’avait pas saisi, c’est que ce sont justement l’absence de racisme et l’amour de “l’homme” qui sont à la racine de ces horreurs. Les Grecs et les Romains — et tous les peuples de l’Antiquité — étaient racistes, au moins à l’époque de leur grandeur. En tant que tels ils trouvaient tout naturel que des peuples différents aient différents Dieux, et des coutumes différentes. Ils ne se mêlaient pas d’imposer aux vaincus leurs propres Dieux et leurs coutumes, sous peine d’extermination. Même les Juifs ne faisaient pas cela. Ils méprisaient tellement tous ceux qui sacrifiaient à d’autres Dieux qu’Iaweh, qu’ils se contentaient — sur l’ordre de ce Dieu, dit la Bible, — de les exterminer sans chercher à les convertir. Ils leur imposaient la terreur de la guerre — non cette “terreur spirituelle” qui, comme l’écrit si bien Adolf Hitler, “est entrée pour la première fois dans le Monde Antique, jusqu’alors beaucoup plus libre que le nôtre, avec l’apparition du Christianisme” [17]. Les Espagnols, les Portugais, étaient Chrétiens. Ils imposèrent aux Amériques la terreur de la guerre et la terreur spirituelle.

17. “Mein Kampf,” Edit. allemande de 1935, p. 507.

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Qu’auraient fait, à leur place, des Grecs de l’ancienne Grèce, ou des Romains ou d’autres gens de race aryenne qui auraient eu, au seizième siècle, l’esprit de nos racistes du vingtième ? Ils auraient, sans nul doute, conquis les pays ; ils les auraient exploités économiquement. Mais ils auraient laissé aux Aztèques, aux Tlascaltèques, aux Mayas, etc., ainsi qu’aux peuples du Pérou, leurs Dieux et leurs coutumes. Bien plus : ils auraient exploité à fond la croyance de ces peuples en un Dieu “blanc et barbu”, civilisateur de leur pays, qui, après avoir quitté leurs ancêtres bien des siècles auparavant, devait revenir de l’Orient, régner sur eux, — leurs descendants, — avec ses compagnons, comme lui de teint clair. Leurs chefs auraient agi, et ordonné à leurs soldats d’agir, de telle sorte que les indigènes les prissent effectivement pour le Dieu Quetzalcohuatl et son armée [18]. Ils auraient respecté les temples — au lieu de les détruire et de bâtir sur leurs ruines les monuments d’un culte étranger. Ils auraient été durs, certes — comme le sont tous les conquérants. Ils n’auraient pas été sacrilèges. Ils n’auraient pas été les destructeurs de civilisations qui, même avec leurs faiblesses, valaient la leur.

Les Romains, si tolérants en matière de religion, ont, eux, à l’occasion, persécuté les fidèles de certains cultes. La religion des Druides a été, par exemple, interdite dans les Gaules par l’Empereur Claude. Et il y a eu ces persécutions des premiers Chrétiens, dont on n’a que trop parlé, sans toujours savoir ce qu’on disait. Mais toutes ces mesures de répression étaient d’ordre purement politique, non doctrinal — ni éthique. C’est en tant que chefs de la résistance clandestine des Celtes contre la domination romaine, et non en tant que prêtres d’un culte qui pouvait paraître insolite aux conquérants, que les Druides ont été dépouillés de leurs privilèges (en particulier, de leur monopole de l’enseignement des jeunes) et poursuivis. C’est en tant que mauvais citoyens, qui refusaient de rendre hommage à l’Empereur-Dieu, incarnation de l’État, et non en tant que dévots d’un Dieu particulier, que les Chrétiens furent, persécutés. Si, au seizième siècle, des conquérants Indo-européens, fidèles à l’esprit de tolérance qui a toujours caractérisé leur race, s’étaient rendus maîtres des Amériques en exploitant la croyance indigène au retour du Dieu blanc, Quetzalcohuatl [19], il n’y aurait eu aucune résistance à leur domination, donc aucune occasion de persécutions de la nature de celles que je viens de rappeler. Non seulement les peuples du Nouveau Monde n’auraient-ils jamais connu les atrocités de la Sainte Inquisition, mais leurs écrits, (pour ce qui est de ceux qui, comme les Mayas et les Aztèques, en possédaient) et leurs monuments auraient subsisté. Et dans Ténochtitlan, devenue au cours des siècles une des grandes capitales du monde, les imposantes pyramides à étages — intactes — domineraient aujourd’hui les rues modernes. Et les palais et les forteresses de Cuzco feraient encore l’admiration des visiteurs. Et les religions solaires et guerrières des peuples du Mexique et du Pérou, tout

18. Ou, au Pérou, pour le Dieu Viracocha et la sienne. Les Péruviens avaient d’ailleurs, au début, appelé les Espagnols des “Viracochas.”19. Ou Viracocha, au Pérou.

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en évoluant, probablement, au contact de celle des vainqueurs, au moins dans leurs formes extérieures, auraient gardé leurs principes de base, et continué de transmettre, de génération en génération, les vérités ésotériques éternelles sous leur symbolisme particulier. En d’autres termes, se seraient installées en Amérique centrale et dans l’ancien Empire des Incas, des dynasties aryennes, dont les rapports avec les pays conquis auraient été plus ou moins semblables à ceux qu’avaient autrefois entretenus, avec l’aristocratie et les peuples de l’Inde, les dynasties grecques qui, du troisième siècle avant au premier après l’ère chrétienne, avaient régné sur ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan, le Sindh et le Punjab.

Malheureusement, l’Europe elle-même avait, au seizième siècle, depuis longtemps succombé à cet esprit d’intolérance qu’elle avait, avec le Christianisme, reçu des Juifs. L’histoire des guerres de religion en fait foi, en Allemagne comme en France. Et quant au vieux sang helléno-égéen — le sang même du “Monde antique”, autrefois si tolérant — il était, gagné au service de l’Église romaine, représenté, parmi les conquérants du Pérou, en la personne de Pedro de Candia, aventurier crétois, l’un des plus impitoyables compagnons de François Pizarre.

On me dira que les cruautés commises au nom du salut des âmes, par les Espagnols dans leurs colonies (et par les Portugais dans les leurs : l’Inquisition fut, à Goa, peut-être pire encore qu’au Mexique, ce qui n’est pas peu dire !) ne sont pas plus imputables au vrai Christianisme, que ne le sont, au racisme aryen tel que l’entendait le Führer, les actes de violence inutiles, accomplis sans ordres, au cours de la Seconde guerre mondiale, par certains hommes revêtus d’uniformes allemands. On me dira que ni Cortez ni Pizarre ni leurs compagnons, ni les Inquisiteurs de Goa ou d’Europe, ni ceux qui approuvaient leur action, n’aimaient l’homme comme le Christ aurait voulu que ses disciples l’aimassent.

C’est vrai. Ces gens-là n’étaient pas des humanitaires. Et je n’ai jamais prétendu qu’ils l’aient été. Mais ils étaient des humanistes, non au sens étroit d’ ”érudits”, mais au sens large : d’hommes pour qui l’homme était, dans le monde visible tout au moins, la valeur suprême. C’étaient, de toute façon, des gens qui baignaient dans l’atmosphère d’une civilisation centrée sur le culte de “l’homme”, qu’ils ne dénonçaient ni ne combattaient, — bien au contraire ! Ils n’étaient pas forcément, — ils étaient même très rarement — bons envers l’être humain des autres races (voire de la leur !) comme Jésus voulait que chacun le fût. Mais jusque dans leurs pires excès, ils vénéraient en lui, fût-ce sans pour autant l’aimer, l’Homme, seul être vivant créé, selon leur foi, “à l’image de Dieu”, et pourvu d’une âme immortelle, ou du moins, — aux yeux de ceux qui, dans leur cœur, s’étaient déjà détachés de l’Église, comme, plus tard, à ceux de tant de colonialistes du dix-huitième ou dix-neuvième siècle — seul être vivant doué de raison”.

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Ils le vénéraient, malgré les atrocités qu’ils commettaient contre lui, individuellement ou collectivement. Et, même si certains d’entre eux, dans le secret de leurs pensées, ne le vénéraient pas plus qu’ils ne l’aimaient, ne lui accordant, s’il n’était qu’un “sauvage”, ni âme ni raison, — après tout, il a existé des Chrétiens qui refusaient d’attribuer aux femmes une âme semblable à la leur — cela ne change rien au fait que la “civilisation” dont ils se réclamaient, et dont ils étaient les agents, proclamait, elle, l’amour et le respect de tout homme, et le devoir de lui aider à accéder au “bonheur”, sinon dans cette vie terrestre, du moins dans l’Au-delà.

On a quelquefois soutenu que toute action entreprise dans les colonies, y compris l’action missionnaire, était, fût-ce à l’insu de ceux qui l’accomplissaient, téléguidée par des hommes d’affaires n’ayant, eux, en vue, que le profit matériel et rien d’autre. On a insinué que l’Église elle-même ne faisait que suivre les plans et exécuter les ordres de tels hommes — ce qui expliquerait en partie pourquoi elle semble s’être intéressée bien davantage aux âmes des indigènes qu’à celles des chefs conquérants et de leurs soudards qui, cependant, péchaient si scandaleusement contre “le” grand, “le” seul commandement du Christ : la loi d’amour. Même si toutes ces allégations reposaient sur des faits historiques susceptibles d’être prouvés, on serait malgré tout forcé d’admettre que les guerres coloniales auraient été impossibles, du seizième au dix-neuvième siècle (et surtout peut-être au dix-neuvième), sans la croyance, alors généralement répandue en Europe, qu’elles procuraient l’occasion de “sauver” des âmes, et de “civiliser” des “sauvages”.

Cette croyance que le Christianisme était la “vraie” foi pour “tous” les hommes, et que les normes de conduite de l’Europe marquée par le Christianisme étaient, elles aussi, pour “tous” les hommes, le critère de la “civilisation”, n’était, ouvertement au moins, mise en question par personne. Les chefs qui dirigeaient les guerres coloniales, les aventuriers, soldats et brigands, qui les faisaient, les colons qui en bénéficiaient, la partageaient, — même si, aux yeux de la plupart d’entre eux, l’espoir du profit matériel était au moins aussi important, sinon plus, que le salut éternel des indigènes. Et qu’ils l’eussent partagée ou non, ils n’en demeuraient pas moins soutenus, dans leur action, par cette croyance collective de leur lointain continent ; de la chrétienté tout entière.

C’est elle qui — officiellement — justifiait leurs guerres qui, faites dans les conditions dans lesquelles elles l’étaient, mais uniquement au noms du profit, voire de la sécurité, (comme l’avaient été, au treizième siècle, les guerres des conquérants mongols), auraient paru “inhumaines”. C’est elle qui, toujours officiellement, définissait l’esprit de leur conduite envers l’indigène. De là cette hâte à convertir celui-ci, de gré ou de force, ou au moyen de “pots de vin”, à leur foi chrétienne, ou à lui faire (plus tard), partager les “trésors” de leur culture, en particulier à l’initier à leurs sciences, tout en lui faisant perdre tout contact avec les siennes propres.

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Cette prétention du Christianisme historique, comme d’ailleurs de l’Islam, à être “la seule vraie foi”, est un héritage du Judaïsme, dont la tradition sert (en partie) de base aux deux religions.

Le monde antique — y compris celui des peuples apparentés aux Juifs par le sang, tels que les Canaanéens, les Amorites, les Jébusites, les Moabites, les Phéniciens et plus tard les Carthaginois — était, comme l’a écrit Adolf Hitler dans la citation rapportée plus haut, un monde de tolérance. Racine, sans doute sans se rendre compte que hommage il rendait par là aux ennemis du “peuple de Dieu”, a souligné ce fait quand, dans la première scène du troisième acte d’ “Athalie”, il a mis dans la bouche de cette reine, adoratrice des Dieux et Déesses de Syrie, les paroles qu’elle adresse à Joad, Grand-prêtre des Juifs :

“Je sais, sur ma conduite, et contre ma puissance,Jusqu’où de vos discours vous poussez la licence ;Vous vivez, cependant ; votre temple est debout…”

La fille d’Achab entendait par là que si, à sa place, les Juifs avaient eu le pouvoir, ce ne sont pas eux qui, auraient laissé debout les sanctuaires des Baalim, ni qui auraient laissé vivre leurs fidèles, et à plus forte raison leurs prêtres. La fin de la tragédie, — où l’on voit la reine traîtreusement enfermée dans le temple d’Iaweh, et massacrée sans pitié par ordre de Joad, — et toute l’histoire des Juifs telle que la rapporte l’Ancien Testament, confirment d’ailleurs sa clairvoyance..

Que dit en effet la sainte Bible, aux Juifs, à ce sujet ? “Quand le Seigneur votre Dieu vous amènera dans la terre que vous devez recevoir en héritage, et chassera devant vous bien des peuples : les Hittites et les Jerjessites, et les Amorites et les Canaanéens, les Pérézites et les Hévites et les Jébuséens, sept peuples, plus importants et plus forts que vous, et quand il les livrera entre vos mains, vous devez les écraser et les détruire par la violence ; vous ne devez pas faire avec eux de traités, ni montrer envers eux de pitié ; vous ne devez pas vous unir à eux. Ni : vous ne donnerez vos filles à leurs fils, ni vous ne prendrez leurs filles comme épouses pour vos fils, car elles les détourneraient de moi et les inciteraient à adorer d’autres Dieux”… “Voici comment vous devez agir envers ces peuples : vous renverserez leurs autels et briserez leurs statues et les réduirez en miettes ; vous couperez leurs bois sacrés, et brûlerez par le feu leurs images sculptées, car vous êtes le peuple saint aux yeux du Seigneur votre Dieu. Il vous a choisis, afin que vous soyez le peuple élu — parmi tous les peuples qui sont à la surface de la terre” [20].

Et une fois qu’après une conquête qui dépasse (et de loin !), en atrocité, celles qu’ont menées d’autres peuples, tant dans l’Antiquité que plus près de 20. Deutéronome, Chapitre 7, Versets 1 à 7.

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nous, les Juifs se sont enfin fermement établis en Palestine ; une fois qu’il y a deux royaumes juifs à peu près stables : l’un en Judée, l’autre dans le nord du pays, comment l’Ecriture juive — devenue Ecriture “sainte” aux yeux de tant de peuples, pour la seule raison que leur religion s’appuie sur la tradition et l’histoire d’Israël — comment cette Ecriture, dis-je, caractérise-t-elle chacun des rois qui succède à son père, sur le trône soit de Jérusalem, soit de Samarie ? Oh, c’est très simple ! Elle le déclare “bon” ou “mauvais”, sans nuances de jugement, et même sans référence à son comportement politique, en tant que roi ; “bon”, s’il a adoré Iaweh, le Dieu des Juifs, sans jamais courber le front devant d’autres divinités ; bien plus : s’il a persécuté les fidèles de tous les cultes autres que le sien ; s’il a rasé les bois sacrés des “faux” Dieux, détruit leurs images, interdit la célébration de leurs mystères, tué leurs prêtres [21] ; “mauvais si, au contraire, il a fait preuve d’un esprit de bienveillante tolérance, et surtout s’il a lui-même sacrifié aux Baalim ou aux Déesses-Mères, selon la coutume des peuples que les Juifs avaient “chassés devant eux”, du treizième au onzième siècle avant Jésus-Christ, lors de la conquête de la “terre promise”. L’alternance des “bons” et des “mauvais” rois est impressionnante par sa monotonie. Chaque histoire d’un règne commence de la même façon, — par les mêmes phrases — selon que l’Ecriture loue ou blâme le roi. “Et il fit ce qui était juste aux yeux du Seigneur, et suivit les traces de David, son ancêtre. Il supprima le culte de Baal sur les hauts lieux, et brisa les statues et coupa les bois sacrés …” [22]. Il s’agit ici d’Ezékias, fils d’Ahaz, roi de Judée, Mais il pourrait tout aussi bien être question de n’importe quel “bon” roi, au sens où l’Ecriture juive entend ce mot. Et voici la description du règne de Manassé, le fils et successeur d’Ezékias, qui avait douze ans lors de son accession au trône, et qui gouverna la Judée pendant cinquante-cinq ans. “Il fit ce qui était mauvais aux yeux du Seigneur, et suivit les abominations des peuples que le Seigneur avait chassés devant les enfants d’Israël. Il restaura les hauts lieux que son père, Ezékias, avait dévastés, et éleva des autels à Baal, et planta un bois sacré comme l’avait fait Achab, roi d’Israël ; et il plia le genou devant toute l’armée des corps célestes, et adora ceux-ci” [23]. Elle est identique à tous les débuts de comptes-rendus de “mauvais” règnes que l’on trouve dans l’Ancien Testament — “mauvais” à cause du seul fait que la tolérance y était pratiquée, selon l’esprit de tous les peuples de l’Antiquité.

Il est à noter que la masse des Juifs antiques ne semble aucunement avoir eu, par nature, cette intolérance qui a joué, dans l’histoire d’Israël, un rôle si lourd de conséquences. Le “Juif moyen” d’avant, et plus encore peut-être d’après, la conquête de la Palestine, avait tendance à considérer tous les Dieux des peuples voisins comme “des” Dieux. Les similarités que ces divinités présentaient avec Iaweh, son Dieu à lui, retenaient beaucoup plus son attention, apparemment,

21. Voir à la fin du Chapitre 12 du Second Livre de Samuel, le traitement infligé par le “bon” roi David aux prisonniers après la prise de la ville de Rabbah, capitale des Ammonites.22. La Bible, Rois II, Chapitre 18, versets 3 et suivants.23. La Bible, Rois II, Chapitre 21, versets 2 et suivants.

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que les différences qui les en séparaient. Et il fallait toutes les malédictions des prophètes et toute la sévérité (confinant souvent à la cruauté) des “bons” rois, pour l’empêcher d’offrir, à l’occasion, des sacrifices à ces Dieux étrangers. Ce sont Moïse, les prophètes, et quelques uns des rois juifs — tels David, ou Ezékias — qui ont, en le marquant du signe de l’intolérance religieuse, retranché Israël de la communauté des peuples du désert — des peuples “sémitiques”, comme on les appelle — et qui, en cultivant chez lui le mythe du “peuple élu”, indissolublement lié au culte du “Dieu jaloux”, l’ont préparé au rôle unique qu’il a, à partir du quatrième siècle avant Jésus-Christ, joué dans le monde. Ce sont eux qui sont, en dernière analyse, responsables de toutes les violences commises au cours des siècles, au nom de la “vérité” exclusive des religions issues du Judaisme, en particulier, de toutes les atrocités perpétrées au nom du Christianisme, depuis l’épouvantable meurtre d’Hypatie en l’an 415, jusqu’au massacre des quatre mille cinq cents chefs germains fidèles au Paganisme de leur race, à Verden, en l’an 782, et jusqu’aux bûchers de l’Europe médiévale et de l’Amérique conquise.

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On a beaucoup parlé du “racisme” juif. Et on a fait de la doctrine du “peuple élu” une expression de ce “racisme”. En réalité, aux yeux des Juifs de l’Antiquité, — j’entends, naturellement, des Juifs orthodoxes, — l’appartenance à leur race, c’est-à-dire à la “famille d’Abraham”, n’avait de valeur que si elle était alliée au service exclusif du “Dieu jaloux”, Iaweh, protecteur exclusif d’Israël. D’après la Bible, les Moabites et les Ammonites étaient, racialement, très près des Juifs. Les premiers ne descendaient-ils pas de Moab, fils de Lot et de sa propre fille aînée, et les seconds de Ben-Ammi, fils de Lot et de sa propre fille cadette [24] ? Or Lot, fils de Haran, était neveu d’Abraham [25]. Il ne semble pas que ce lien de parenté ait facilité les rapports entre les enfants d’Israël et ces peuples. Si le sang les unissait, leurs cultes respectifs les séparaient. Chemosh, le Dieu des Moabites, et Milcom, le Dieu des Ammonites étaient, aux yeux des Juifs, “des abominations” — comme tous les Dieux de la terre, sauf le leur — et leurs adorateurs, des ennemis à exterminer. Le racisme juif, indépendant de toute religion, l’attitude qui consiste à accepter comme Juif et à traiter en conséquence tout homme né tel, quelles que puissent être ses croyances — me paraît être quelque chose de récent, datant tout au plus du dix-huitième ou du dix-septième siècle, c’est-à-dire de l’époque où les maçonneries d’inspiration israélite ont commencé à jouer un rôle déterminant dans la politique des nations d’Occident. C’est peut-être un produit de l’influence du rationalisme occidental sur les Juifs, — malgré eux. Il a trouvé son expression la plus spectaculaire à la fin du dix-neuvième siècle et au vingtième, dans le Sionisme, qu’on pourrait appeler

24. La Bible. Genèse, Chapitre 19, versets 36, 37, 38.25. La Bible, Genèse, Chapitre 11, verset 27.

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un nationalisme juif d’avant-garde. Ce mouvement respecte, certes, la tradition religieuse du Talmud et de la Bible, mais sans s’identifier à elle en aucune façon. Sa foi politique est “nationale”, mais ne saurait être comparée à celle de l’Espagne ou de l’Irlande catholique, par exemple, ou à celle de la Grèce moderne, elle aussi inséparable de la religion d’État. Mais je l’appellerai un nationalisme plutôt qu’un “racisme”, car elle implique l’exaltation du peuple juif en tant que tel, sans la conscience enthousiaste d’une quelconque solidarité de sang unissant tous les peuples du désert que l’on a coutume d’appeler “sémitiques”.

Moderne dans son expression, ce nationalisme n’est pas, toutefois, dans son essence, différent de la solidarité qui, après l’introduction de la loi mosaïque, existait entre tous les enfants d’Israël, dès le treizième siècle avant l’ère chrétienne. La religion d’laweh jouait alors un rôle primordial. Mais ce rôle consistait justement à faire sentir à tous les Juifs, du plus puissant au plus humble, qu’ils étaient le peuple élu, le peuple privilégié, différent des autres peuples, y compris de ceux qui étaient le plus près d’eux par le sang, et exalté au-dessus d’eux tous. Cela, les Juifs l’ont senti de plus en plus, dans les Temps Modernes, sans le secours d’une religion nationale ; d’où l’importance décroissante de cette religion parmi eux (sauf dans les quelques foyers permanents d’orthodoxie juive).

En d’autres termes, les Juifs, qui pendant des siècles avaient été une peuplade insignifiante du Moyen Orient, parmi tant d’autres, — très près des autres, par le langage et la religion, avant Abraham et surtout avant la réforme mosaïque, — sont peu à peu devenus, sous l’influence de Moïse et de ses successeurs Josué et Kaleb, et puis, sous celle des prophètes, un peuple tout rempli de l’idée qu’il se faisait de lui-même ; n’ayant que mépris pour les hommes de même race que lui, qui l’entouraient, et à plus forte raison pour les gens d’autres races ; ne voyant en leurs Dieux que des “abominations” — mettant à part, sur l’ordre du prophète Ezra, lors du retour de la longue captivité de Babylone, ceux de ses enfants, demeurés en Palestine, qui avaient épousé des femmes cananéennes, et cela, sous prétexte que celles-ci ne pouvaient que relâcher le lien qui les unissait, eux et leur famille, à Iaweh, et affaiblir en eux la conscience de “peuple élu”, de peuple pas “comme les autres”.

Ils auraient pu demeurer ainsi indéfiniment, isolés du reste du monde par un orgueil national aussi incommensurable qu’injustifié, — car ils étaient, déjà dans l’Antiquité, passablement métissés, quant à la race, ne serait-ce que du fait de leur séjour prolongé en Egypte. (Le monde ne s’en fût certes pas plus mal porté, — au contraire). Ils ne le demeurèrent pas parce que, à l’idée de “Dieu unique” et de “Dieu ‘vivant” — de “vrai” Dieu, opposé aux “faux” Dieux, aux Dieux locaux et à puissance limitée des autres peuples, — ne pouvait moins faire que de s’ajouter, tôt ou tard, l’idée de vérité universelle et de communauté humaine. Un Dieu qui seul “vit”, alors que tous les autres ne sont qu’insensible matière, tout au plus habitée par des forces impures, ne peut être, logiquement, que le

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vrai Dieu de tous les adorateurs possibles, c’est-à-dire de tous les hommes. Pour refuser de l’admettre, il aurait fallu attribuer aux Dieux des autres peuples aussi, vie, vérité et bienfaisance, en d’autres termes, cesser de ne voir en eux que des “abominations”. Et à cela les Juifs se refusaient, après les sermons et les menaces de leurs prophètes. Le Dieu unique pouvait bien préférer un peuple. Mais il fallait qu’il soit, par nécessité, le Dieu de tous les peuples — celui que, dans leur folie, ils ignoraient, alors que seul le “peuple élu” lui rendait hommage.

La première attitude des Juifs, conquérants de la Palestine, envers les peuples adorateurs d’autres Dieux qu’Iaweh, fut de, les haïr et de les exterminer. Leur seconde attitude, — alors qu’en Palestine la résistance canaanénne avait depuis longtemps cessé d’exister, et surtout, alors que les Juifs perdaient de plus en plus le peu d’importance qu’ils avaient jamais eue sur le plan international, pour finir par n’être que les sujets de rois grecs, successeurs d’Alexandre, et plus tard, d’empereurs romains, — fut de jeter en pâture spirituelle à un monde en pleine décadence, en même temps que l’idée de l’inanité de tous les Dieux (sauf le leur), la conception fausse de “l’homme”, indépendant des peuples ; de “l’homme”, citoyen du monde (et bientôt “créé à l’image de Dieu”), qu’Israël, peuple élu, peuple de la Révélation, avait mission d’instruire et de guider au vrai “bonheur”. C’est l’attitude des Juifs, plus ou moins ostensiblement barbouillés d’Hellénisme, qui du quatrième siècle avant Jésus-Christ jusqu’à la conquête arabe au septième siècle après lui, formaient une proportion toujours plus influente de la population d’Alexandrie, ainsi que de toutes les capitales du monde hellénistique, puis romain. C’est l’attitude des Juifs de nos jours, celle, précisément, qui fait d’eux un peuple pas comme les autres, et un peuple dangereux : le “ferment de décomposition” des autres peuples

Elle vaut la peine que je tente de t’en faire l’historique.

Je l’ai dit : elle était en germe déjà dans le fanatisme de ces serviteurs du Dieu “unique” et “vivant” qu’étaient les prophètes juifs, de Samuel jusqu’aux rédacteurs de la Kabbale. Une chose qu’il ne faut surtout pas oublier, si on veut essayer de la comprendre, c’est que le “Dieu unique” des Juifs est un Dieu transcendant, mais non immanent. Il est en dehors de la Nature, qu’il a tirée du néant par un acte de volonté, et différent d’elle en son essence ; différent, non seulement de ses manifestations sensibles, mais encore de tout ce qui pourrait, d’une façon permanente, les sous-tendre. Il n’est pas cette Ame de l’Univers à laquelle croyaient les Grecs et tous les peuples indo-européens, — et en laquelle le Brahmanisme voit encore la Réalité suprême. Il a fait le monde comme un ouvrier d’art fabrique une merveilleuse machine : de l’extérieur. Et il lui a imposé les lois qu’il a voulues, et qui auraient pu être autres, s’il les avait voulues différentes. Il a donné à l’homme domination sur les autres êtres créés. Et il a “choisi” le peuple juif parmi les hommes, non pour sa valeur intrinsèque — cela est clairement spécifié dans la Bible — mais arbitrairement, à cause de la promesse, faite une fois pour toutes, à Abraham.

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Dans une telle optique métaphysique, il était impossible de considérer les Dieux des autres peuples — et cela, d’autant moins que ceux-ci figuraient, pour la plupart, des Forces naturelles ou des corps célestes, — comme “aspects” ou “expressions” du Dieu unique. Il était aussi impossible de souligner le moins du monde l’indéfinie variété des hommes et l’inégalité irréfutable qui a toujours existé entre les races humaines, voire entre les peuples plus ou moins de la même race. L”`homme”, quel qu’il fût, devait avoir en soi, et seul des êtres créés, une valeur immense, puisque le Créateur l’avait formé “à son image”, et établi, à cause de cela même, au-dessus de tous les vivants. La Kabbale le dit d’ailleurs très nettement : “Il y a l’Etre incréé, qui crée : Dieu ; l’être créé, qui crée : l’homme ; et… le reste : l’ensemble des êtres créés — animaux, plantes, minéraux, — qui, eux, ne créent pas.” C’est l’anthropocentrisme le plus absolu, — et une philosophie fausse au départ puisqu’il est évident que “tous les hommes” ne sont pas créateurs (il s’en faut bien !) et que certains animaux peuvent l’être [26].

Mais cela n’est pas tout. Dans cette nouvelle perspective humaniste, non seulement le Juif gardait-il sa place de “peuple élu” — de “peuple saint”, comme le dit la Bible — destiné à porter au monde la Révélation unique, mais tout ce que les autres peuples avaient produit ou pensé n’avait de valeur que dans la mesure où cela concordait avec la dite révélation, ou dans la mesure où cela pouvait s’interpréter dans ce sens. Ne pouvant nier l’énorme contribution des Grecs à la science et à la philosophie, des Juifs d’Alexandrie, de culture grecque, (et parfois de noms grecs, tel cet Aristobule du troisième siècle avant Jésus-Christ) n’ont pas hésité à écrire que tout ce que la pensée grecque avait créé de plus solide — l’œuvre de Pythagore, de Platon, d’Aristote, — n’était dû, en dernière analyse, qu’à l’influence de la pensée juive ! ! — avait sa source dans Moïse et les prophètes. D’autres, tel ce fameux Philon d’Alexandrie, dont l’influence sur l’apologétique chrétienne a été si considérable, n’ont pas osé nier l’évidente originalité du génie hellénique, mais n’ont retenu, des idées élaborées par lui, que celles qu’ils pouvaient fût-ce en les altérant, voire en les déformant tout à fait, amener à “concorder” avec la conception mosaïque de “Dieu” et du monde [27]. Leur œuvre est ce produit hybride qui porte dans l’histoire de la pensée le nom de “philosophie judéo-alexandrine”, ensemble de rapprochements ingénieux de concepts tirés plus ou moins directement de Platon (pas forcément dans l’esprit de Platon) et de vieilles idées juives (telles que la transcendance du Dieu unique et la création de l’homme “à son image”), échafaudage superflu, sans doute, aux yeux du Juif orthodoxe, à qui la Loi mosaïque suffit, mais merveilleux instrument

26. L’intelligence pratique des, animaux n’est plus mise en question ; or, elle aussi peut être créatrice, comme le montrent, en particulier, les expériences de Koehler. Mais que l’on songe surtout aux peintures — éminemment “abstraites” — exécutées par plusieurs des chimpanzés de Desmond Morris, créations que l’on pouvait prendre et que l’on a, en fait, actuellement prises, pour des œuvres humaines de même style.27. Edouard Herriot, “Philon le Juif”, Edit. 1898.

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de main-mise spirituelle sur les Gentils, au service de Juifs, (orthodoxes ou non) désirant ardemment arracher à d’autres peuples la direction le la pensée occidentale (et plus tard, mondiale).

La philosophie judéo-alexandrine et la religion, de plus en plus imprégnée de symbolisme égyptien, syrien, anatolien, etc., que professait le peuple, de race de plus en plus abâtardie, du monde hellénistique, constituent la toile de fond sur laquelle se détache peu à peu, dans les écrits de Paul de Tarse et des premiers, apologistes, et se précise au cours de la succession des Conciles, l’orthodoxie chrétienne telle que nous la connaissons. Comme le remarque Gilbert Murray, “c’est une étrange expérience… que d’étudier ces congrégations obscures, dont les membres, issus du prolétariat du Levant, superstitieux, dominés par des charlatans, et désespérément ignorants, croyaient encore que Dieu peut procréer des enfants dans le sein de mères mortelles, tenaient le “Verbe”, l’ “Esprit” et la “Sagesse divine” pour des personnes portant ces noms, et transformaient la notion de l’immortalité de l’âme en celle de “résurrection des morts”, et de penser que c’étaient ces gens-là qui suivaient la voie principale, menant à la plus grande religion du monde occidental.” [28]

Sans doute y avait-il, dans ce Christianisme des premiers siècles, prêché en grec (la langue internationale du Proche Orient à cette époque) par des missionnaires juifs, puis grecs, à des masses urbaines sans race, — si inférieures, à tout point de vue, aux hommes libres des anciennes poleis hellènes — nettement plus d’éléments non-juifs que juifs. Ce qui y dominait, c’était l’élément que je n’ose appeler “grec”, mais “égéen”, ou plutôt “méditerranéen pré-hellénique” — ou proche-oriental pré-hellénique, car les peuples de l’Asie Mineure, de la Syrie et de la Mésopotamie l’illustraient tous, eux aussi, plus ou moins, dans leurs cultes venus du fond des âges. C’était le mythe du jeune Dieu cruellement mis à mort — Osiris, Adonis, Tammouz, Attys, Dionysos — dont la chair (le blé) et le sang (le jus du raisin) deviennent nourriture et boisson des hommes, et qui ressuscite en gloire, tous les ans au printemps. Cet élément-là n’avait jamais cessé d’être présent dans les mystères de la Grèce, à l’époque classique tout comme auparavant. Transfiguré, “spiritualisé” par le sens de l’allégorie attaché aux plus primitifs des rites, il est manifeste dans les religions internationales “de salut”, rivales du Christianisme dans l’Empire romain : dans celle de Mithra ; dans celle de Cybèle et d’Attys. Comme Nietzsche l’a si bien vu, le génie de Paul de Tarse a consisté “à donner un sens nouveau aux mystères antiques,” — à s’emparer du vieux mythe préhistorique, à le revivifier, à l’interpréter de telle façon que, pour toujours, tous ceux qui accepteraient cette interprétation accepteraient aussi le rôle prophétique et le caractère de “peuple élu” du peuple juif, porteur de l’unique révélation.

Historiquement, on ne sait à peu près rien de la personne de Jésus de Nazareth, de ses origines, de sa vie avant l’âge de trente ans, tant et si bien que

28. Guibert Murray, “Five stages of Greek religion”, Edit. 1955 (New York) p. 158.

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des auteurs sérieux ont pu mettre en doute son existence même. D’après les Evangiles canoniques, il a été élevé dans la religion juive. Mais était-il Juif de sang ? Plus d’une des paroles qui lui sont attribuées tendraient à faire croire qu’il ne l’était pas. On a d’ailleurs dit que les Galiléens formaient en Palestine un îlot de population indo-européenne. De toute façon, ce qui est important, — ce qui est à l’origine du tournant de l’Histoire que représente le Christianisme — c’est que, Juif ou non, il est présenté comme tel, et, ce qui plus est, comme le Messie attendu du peuple juif, par Paul de Tarse, le vrai fondateur du Christianisme, ainsi que par tous les apologistes qui se suivent au cours des siècles. Ce qui est important, c’est qu’il est, grâce à eux, intégré à la tradition juive ; qu’il est le lien entre elle et le vieux mythe méditerranéen du jeune Dieu de la Végétation, mort et ressuscité, qu’elle n’avait jamais accepté : le Messie auquel on prête les attributs essentiels d’Osiris, de Tammouz, d’Adonis, de Dionysos, et de tous les autres Dieux morts et vainqueurs de la Mort, et qui les repousse tous dans l’ombre à son profit — et à celui de son peuple — avec une intransigeance qu’aucun d’eux ne connaissait, une intransigeance typiquement juive : celle de Paul de Tarse, de son maître Gamaliel et de tous les serviteurs du “Dieu jaloux”, Iaweh. Non seulement un “sens nouveau” est donné aux mystères antiques, mais ce sens est proclamé le seul bon, le seul vrai, les rites et les mythes de l’Antiquité païenne, depuis les temps les plus lointains, n’ayant fait que le “préparer” et le “préfigurer”, tout comme la philosophie antique n’avait fait que sensibiliser les âmes à la réception de la révélation suprême. Et cette révélation est, pour Paul comme pour les Juifs de l’école judéo-alexandrine avant lui, et pour tous les apologistes chrétiens — les Justin, les Clément d’Alexandrie, les Irénée, les Origène — qui le suivront, celle donnée aux Juifs par le Dieu “de tous les hommes”.

L’intolérance juive, confinée jusqu’alors à un peuple, (et à un peuple méprisé, que nul ne songeait à imiter) s’est, avec le Christianisme, et plus tard avec l’Islam, — cette réaction contre l’hellénisation de la théologie chrétienne, — étendue à la moitié du globe terrestre. Et, ce qui plus est, c’est cette intolérance même, qui a fait le succès des religions se rattachant à la tradition d’Israël.

J’ai mentionné les religions de salut — en particulier celle de Mithra et celle de Cybèle — qui florissaient dans l’Empire romain au temps où le Christianisme en était à ses débuts. A première vue, chacune d’elles avait autant de chances que lui d’attirer à soi les foules inquiètes à qui l’ordre romain ne suffisait pas, ou ne suffisait plus, et qui, de plus en plus abâtardies, se sentaient étrangères à tout culte national, quel qu’il fût. Chacune d’elles offrait à l’individu moyen tout ce que lui promettait — la religion de Jésus crucifié — et cela, avec des rites d’autant plus capables d’entraîner son adhésion, qu’ils étaient plus barbares.

Au troisième siècle de l’ère chrétienne, c’était le culte de Mithra, — ce vieux Dieu solaire indo-européen, contemplé à travers les mille miroirs déformants que représentaient les races et les traditions de ses nouveaux adorateurs, — qui

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semblait devoir s’imposer… pourvu qu’aucun facteur décisif n’intervînt en faveur d’un de ses rivaux. Le Dieu était populaire chez les légionnaires et chez leurs officiers. Des empereurs avaient trouvé bon de recevoir l’initiation à ses mystères, sous la douche de sang chaud du Taureau rédempteur. Un nombre croissant de gens du peuple suivaient le mouvement. On peut dire en toute assurance qu’il s’en est fallu de peu que le monde dominé par Rome ne fût devenu mithriaque — au lieu de chrétien — pour quelque vingt siècles. On peut dire avec non moins de certitude que, s’il ne l’est pas devenu, cela ne tient ni à une quelconque “supériorité” de la doctrine chrétienne du salut sur l’enseignement des prêtres de Mithra, ni à l’absence de rites sanglants chez les Chrétiens, mais bien à la protection accordée à la religion du Crucifié par l’Empereur Constantin, et à aucun autre facteur. Or, c’est précisément l’intolérance du Christianisme — elle surtout, sinon elle seule, — qui lui a valu la préférence du maître du monde romain.

Ce que l’empereur voulait en effet avant tout, c’était donner à ce monde immense, peuplé de gens de races et de traditions les plus diverses, une unité aussi solide que possible, sans laquelle il lui serait difficile de résister longtemps à la poussée de ceux que l’on appelait les Barbares. L’unité de culte était bien la seule qu’il pouvait espérer lui imposer, à condition encore qu’il y parvînt vite. Parmi les religions de salut, si populaires, celle de Mithra comptait, sans aucun doute, le plus grand nombre de fidèles. Mais elle ne promettait pas de se répandre assez rapidement, et cela, d’abord et avant tout, parce qu’elle ne prétendait pas être la seule Voie et la seule Vérité. Elle risquait de laisser longtemps subsister ses rivales, et l’unité tant désirée ne, se ferait pas, — ou mettrait des siècles à se faire, — alors que l’intérêt de l’Empire exigeait qu’elle se fît en quelques décades.

On pouvait en dire autant du vieux culte de Cybèle et d’Attys : ses prêtres ne proclamaient pas, à l’instar des Juifs, qu’eux seuls possédaient la vérité. Ils croyaient au contraire, comme tous les hommes de l’Antiquité (sauf les Juifs) que la vérité a d’innombrables facettes, et que chaque culte aide ses fidèles à en saisir un aspect. Ils auraient, eux aussi, laissé les religions rivales de la leur fleurir en toute liberté.

Le Christianisme, quoique pénétré qu’il fût déjà, au quatrième siècle, d’idées et de symboles empruntés soit au Néoplatonisme, soit au vieux fond mystique égéen, soit à des formes plus lointaines encore de l’éternelle Tradition, avait, lui, hérité du Judaïsme, l’esprit d’intolérance. Même ses apologistes les plus éclairés, les plus richement nourris de culture grecque classique, — tels un saint Clément d’Alexandrie ou un Origène qui, loin de rejeter la sagesse antique, la considéraient comme une préparation à celle des Evangiles — ne mettaient pas les deux sagesses sur le même plan. Il y avait, à leurs yeux, “progrès” de la première à la seconde, et la “révélation” juive gardait sa priorité sur l’écho plus lointain de la voix du Dieu unique que l’on pouvait déceler

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chez les philosophes païens. Quant à la grande masse des Chrétiens, elle tenait pour “abominations” — ou “démons” — tous les Dieux de la terre, sauf celui qui s’était révélé aux hommes de toutes races à travers les prophètes de l’Ancien Testament — les prophètes juifs — et à travers Jésus et son disciple posthume, Paul de Tarse, — ce dernier, Juif cent pour cent, le premier, considéré comme “Juif”, “Fils de David”, par l’Église, quoiqu’en fait on ignore tout de son origine, et qu’on ait même pu mettre en doute son historicité.

C’est le lien profond qui rattache le Christianisme (et, en particulier, le “saint Sacrifice de la messe”) aux mystères antiques, qui en a assuré la survie jusqu’à nos jours. Et ce fut, chez Paul de Tarse, un trait de génie (politique), que d’avoir donné aux plus anciens mythes du monde méditerranéen une telle interprétation qu’il a, par là, assuré à son propre peuple, sur ce monde et sur tous les peuples qu’il était, au cours des siècles, destiné à influencer, une domination spirituelle indéfinie. Ce fut, chez l’Empereur Constantin, un trait de génie (également politique), que d’avoir choisi d’encourager la diffusion de la religion qui, en se répandant le plus vite, allait donner au chaos ethnique que représentait alors le monde romain, la seule unité à laquelle il pouvait encore aspirer. Et ce fut, chez le chef germain Clodwig, connu sous le nom de Clovis dans l’histoire de France, encore un trait de génie (politique, lui aussi), que d’avoir senti que rien ne lui assurerait la domination permanente sur ses rivaux, autres chefs germains, autant que sa propre adhésion (et celle de ses guerriers) au Christianisme, dans ce monde déjà aux trois quarts chrétien, où les évêques représentaient une puissance à rechercher comme alliée. Génie politique, et non religieux ; encore moins philosophique — car dans tous les cas il s’agissait de pouvoir, personnel ou national ; de stabilité matérielle ; de succès, non de vérité au plein sens du mot, c’est-à-dire d’accord avec l’éternel. Il s’agissait d’ambitions sur le plan humain, non de soif de connaissance des Lois de l’être, ou de soif d’union, avec l’Essence de toutes choses, — âme, à la fois transcendante et immanente, du Cosmos. Car s’il en avait été autrement, il n’y aurait eu aucune raison pour que la religion du Nazaréen triomphât pour tant de siècles : ses rivales la valaient. Elle n’avait sur elles qu’un seul “avantage” — pratique : son fanatisme, son intolérance enfantine héritée des Juifs, — fanatisme, intolérance qui pouvait faire sourire le Romain ou le Grec cultivé des premiers temps de l’Église, et que le Germain, nourri, lui, dans sa belle religion à la fois cosmique et guerrière, pouvait avec raison trouver absurde ; mais qui allait donner au Christianisme un caractère militant, qu’il était seul à posséder, puisque le Judaïsme orthodoxe demeurait — et devait demeurer — la foi d’un peuple.

Le Christianisme ne pouvait désormais être combattu que par une autre religion à prétention également universelle, aussi intolérante que lui. Et c’est un fait que, jusqu’ici, il n’a reculé sur une grande échelle que devant l’Islam et, de nos jours, devant cette fausse religion qu’est le Communisme.

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L’Islam se rattachait comme lui à l’Ancien Testament des Juifs. Il était, tout comme lui, sorti du désert, mais était dépouillé de tout le symbolisme qui rattache le culte du Christ aux vieux mythes méditerranéens, égyptiens, chaldéens, etc., de la mort et de la résurrection du Blé sauveur, et aux rites préhistoriques qui les rendaient tangibles aux fidèles. (Pour le Mahométan, Jésus — Issa — est “un prophète”, non un Dieu, et surtout pas “Dieu”). La Syrie, l’Egypte, toute l’Afrique du, Nord, chrétiennes depuis trois ou quatre siècles, furent islamisées du jour au lendemain. L’Europe l’aurait été, si le hasard de la guerre n’avait pas voulu que Charles Martel et ses Francs eussent été victorieux, entre Tours et Poitiers, en 732 — à moins, bien entendu, qu’elle n’eût résisté des siècles durant, comme l’a fait l’Espagne.

Certes, une victoire arabe, suivie de la conquête de toute l’Europe selon le plan qu’en avait conçu, vingt ans plus tôt, le génial Moussa-al-Kébir, aurait été, du point de vue racial, une catastrophe de première magnitude. La race aryenne aurait perdu, sur tout le continent, la pureté qu’elle retenait encore au huitième siècle. Tout au plus seraient demeurés çà et là des îlots plus ou moins importants de population en majorité aryenne, comme demeurent en Afrique du Nord des régions peuplées surtout de Berbères, ou comme on trouve encore en Espagne, des endroits, où le type (nordique) des Visigoths a laissé plus de traces qu’ailleurs. Dans l’ensemble, l’Europe serait devenue, quant au sang, moins pure même qu’elle ne l’est aujourd’hui, — ce qui n’est pas peu dire. Mais du strict point de vue de l’évolution des idées et des mœurs de chacun de ses peuples, et plus particulièrement de sa psychologie religieuse, son histoire m’aurait peut-être pas été bien différente.

Il est vrai que l’arabe aurait sans doute supplanté le latin, et qu’il n’y aurait probablement pas eu de “Renaissance”, au dixième siècle de l’Hégire. Ou les lettrés grecs de Constantinople, (eux-mêmes islamisés ?) auraient-ils quand même, à l’approche des Turcs, émigré en Occident, vers des cours fort semblables à celles des capitales mauresques d’Espagne, et y auraient-ils-malgré tout éveillé la nostalgie de l’Antiquité classique ? N’oublions pas qu’Aristou (Aristote) et Aflatoun (Platon), étaient connus et admirés des lettrés arabes. Il n’y aurait certes eu ni peinture ni sculpture reproduisant la forme humaine : cela est contraire aux lois de l’Islam. Les artistes d’Italie, d’Allemagne, des Pays-Bas, les Léonard de Vinci, les Michel-Ange, les Dürer, les Rembrandt, — seraient nés. Assez de sang aryen aurait subsisté pour qu’ils naquissent. Et ils auraient donné de leur génie une expression tout aussi forte et sans doute tout aussi belle, toutefois autre. Mais il y a deux traits de la civilisation chrétienne d’Europe qui seraient demeurés tragiquement les mêmes : l’anthropocentrisme, et l’intolérance — l’intolérance sur tous les plans, prolongement normal de l’intolérance religieuse, et conséquence de ce que j’ai appelé la superstition de “l’homme”.

L’esprit de controverse, hérité de l’Hellénisme décadent, n’aurait pas manqué d’engendrer des sectes. L’esprit d’exclusivité ; religieuse, hérité des

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Juifs, — la manie de chacun de se croire, avec ses frères dans la foi, seul détenteur des secrets de l’Inconnaissable — aurait fait de ces sectes des partis se détestant mutuellement, et militant sauvagement les uns contre les autres, car il était et est encore du tempérament de l’Européen de se battre sauvagement, dès qu’il a accepté le combat. Il y aurait sans doute eu des guerres de religion, et une Sainte Inquisition qui n’aurait, sur le plan de l’horreur, rien laissé à désirer à celle qui a actuellement existé. Les Amériques auraient été découvertes et conquises, et exploitées. Les caravelles y auraient porté la foi du Prophète vainqueur au lieu de celle de Jésus crucifié, et l’étendard des Khalifes y aurait remplacé celui des rois très catholiques. Mais la conquête et l’exploitation et le prosélytisme y auraient été tout aussi impitoyables. Les vieux cultes y auraient ent été rigoureusement abolis, — comme l’avait été, vingt-cinq siècles plus tôt, le culte des Baalim et des Déesses-mères, partout où les “bons” rois juifs avaient étendu leur domination. Les téocalli et les huaca-huasi auraient été rasés. Peu importe que, sur leurs fondations, des mosquées eussent surgi, au lieu de cathédrales chrétiennes ! Dans l’optique de Quautemoc et d’Atahuallpa, et des populations du Mexique et du PéIu, cela aurait signifié la même chose : le choix entre la conversion ou la mort. Il est vrai que les Juifs de l’Antiquité n’avaient même pas laissé ce choix aux adorateurs de Baal et d’Astarté, et qu’en Amérique du Nord les Aryens, moralement on ne peut plus enjuivés (donnant une importance énorme à l’Ancien Testament), n’allaient guère le laisser aux Indiens qu’ils devaient décimer, presque jusqu’à extinction complète, par l’alcool, ne leur accordant même pas l’honneur de mourir pour leurs Dieux, les armes à la main. Les Espagnols — et les Portugais — se souciaient, apparemment, davantage, du sort des âmes immortelles de “tous les hommes”. Ils étaient plus près des Juifs, disciples de Jésus, et surtout de Paul de Tarse, qu’ils ne l’étaient des Juifs compagnons d’armes de Joshua, fils de Nunn, ou du roi David,… ou de Jéhu. N’empêche qu’ils étaient, de toute façon, ce que sont — ou doivent être — selon le Pape Pie XI, tous les bons Chrétiens : des “Sémites spirituels”, et que l’intolérance religieuse est un produit juif ; le produit juif, par excellence.

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Mais il me semble que j’entends s’élever de tous côtés l’objection que l’on n’a cessé de nous faire dès le début du Mouvement, dès les premiers discours du Maître, dès la première édition du Livre. On me cite les paroles mêmes, écrites en toutes lettres, noir sur blanc, à la page 507 de celui-ci, — ces paroles que j’ai, moi aussi, tant de fois rappelées, en public et dans des réunions privées, avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale : “Les partis politiques tendent au compromis ; les “Weltanschauungen”, jamais. Les partis politiques prennent en considération l’opposition d’adversaires possibles ; les “Weltanschauungen” proclament leur propre infaillibilité” [29]. Si ce n’est pas là la glorification la

29. Adolf Hitler, “Mein Kampf”, Edit. allemande de 1935, p. 507.

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plus cynique de l’intolérance, qu’est-ce donc que c’est ? Et je me souviens — et comment ! — de la réponse de tous les ennemis du National-Socialisme, des enthousiastes de la bonne Démocratie parlementaire jusqu’aux plus enragés Communistes, eux aussi défenseurs théoriques des “droits de l’homme”, à la moindre suggestion de traitement identique de tous les “engagés” ; y compris les Hitlériens : “Il ne saurait être question de tolérer les intolérants.”

Sommes-nous vraiment “intolérants” ? et le Führer a-t-il, dans le passage cité, ou ailleurs, exalté l’intolérance ? Oui, certes. Mais il ne s’agit pas de la même intolérance que celle que j’ai essayé de décrire tout au long des pages précédentes. Il s’agit de la réponse à celle-ci, de la réaction contre celle-ci, — ce qui est très différent.

Dans la lointaine Antiquité, avant que ne soit répandu par le monde le virus de l’intolérance juive, nous aurions été tolérants en même temps que racistes, comme l’étaient tous les Indo-européens, et tous les peuples de la terre, y compris les Juifs eux-mêmes, avant la grande réforme mosaïque. Je dirai plus : notre Mouvement, avec son intransigeance et son agressivité, n’aurait pas existé, — n’aurait pas eu de justification. Car il ne se comprend qu’à une époque de décadence accélérée. Il est la réaction suprême, désespérée — la réaction de gens qui n’ont rien à perdre vu que, quoi qu’il sorte de leur révolution, cela ne peut être pire que ce qu’ils voient autour d’eux — contre cette décadence. Or cette décadence est, comme j’ai tenté de le montrer, liée à deux attitudes qui se complètent l’une l’autre : à la superstition de “l’homme” et à celle du “bonheur”. Ce sont ces deux superstitions qui engendrent l’intolérance du type que j’ai décrit plus haut, — non vraiment “celle des Juifs” (à l’exception sans doute des prophètes), mais celle de toutes les doctrines qui ont leurs racines dans le Judaïsme ; celle dont les Juifs se servent, après l’avoir suscitée chez les autres peuples, pour inciter ces peuples à combattre pour eux, sans même le savoir. On ne peut, attaquer l’intolérance qu’à l’aide d’une autre intolérance, basée sur une autre foi qu’elle, tout comme on ne peut combattre “la terreur que par la terreur” [30] — une terreur exercée au nom d’une autre idée.

Nous combattons l’intolérance des dévots de “l’homme” et des assoiffés de “bonheur” — aussi bien celle des religions ou philosophies directement nées du Judaïsme, que celle des rationalistes humanitaires à prétentions scientifiques, nourris des mêmes deux superstitions. Nous la combattons par notre intolérance, surgie, elle, non pas, certes, du naïf désir de rendre tous les hommes heureux dans ce monde ou dans un autre, mais de la volonté de conserver pure et forte cette minorité humaine, que représente l’élite biologique de notre race aryenne, afin que puisse sortir d’elle, un jour (sans doute après la fin du présent Cycle temporel), une collectivité aussi près de l’idée que nous nous faisons du surhomme, — sans tares et sans faiblesses — que le sont les tigres de l’idée du parfait félin. Peu nous importe que les individus qui composent cette élite

30. Adolf Hitler, “Mein Kampf”, Edit. 1935, p. 507.

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biologique soient “heureux” ou “malheureux” ! Les Forts — et ils en sont, ou doivent en être, — n’ont que faire de bonheur personnel. Leur fonction consiste à assurer, de génération en génération, à la fois la continuité de la race dans sa beauté et dans ses vertus, — dans sa “santé” — et la continuité de la foi en ses valeurs naturelles. L’orgueil qu’ils ressentent à remplir cette fonction, et le plaisir de défier ceux qui voudraient les attirer vers d’autres tâches, doivent suffire à leur “bonheur”. Le bonheur au sens où l’entend l’immense majorité des gens dans les sociétés “de consommation”, c’est-à-dire, le confort matériel, plus les satisfactions des sens et du “coeur”, est bon pour les bêtes qui, privées, elles, du mot, donc de la possibilité du retour sur elles-mêmes, ne ressentent aucune fierté particulière à remplir leurs fonctions, et n’ont ni adversaires idéologiques à harceler, ni “ré-éducateurs” à défier. Il est, comme je l’ai dit au début, leur droit. Même l’homme” des races inférieures devrait dédaigner de le rechercher, — à plus forte raison l’Aryen moyen, et surtout les Forts.

De plus, notre intolérance, à nous, se manifeste, comme celle des Hindous orthodoxes, sur le plan de la vie, de l’action, non sur celui de la pensée pure, car nous ne “croyons” pas que les propositions de base de notre Weltanschauung sont vraies : nous le savons. Les gens mal informés qui persistent à les nier, — ceux qui, par exemple, proclament à cor et à cris que “la race n’existe pas”, nous irritent, sans doute. Mais nous ne ressentons, au fond, pas plus d’hostilité envers eux qu’envers des fous qui s’en iraient répétant que deux et deux font cinq. Nous voyons que, si nous ajoutons deux cailloux à deux cailloux, et si nous comptons le tout, nous trouvons immanquablement quatre cailloux. Et, quoique cela relève d’un autre ordre d’idées ; du domaine des sciences naturelles, et non de celui de la mathématique, — nous voyons aussi, et fort clairement, qu’il y a, entre tous les gens qu’on appelle des Indo-européens, ou Aryens, des traits communs, bien définis. Que des fous — ou des perroquets, répétant ce que la propagande anti-raciste leur a servi à la télévision — le nient, cela ne change rien aux faits. Ce n’est pas pour “sauver” ces imbéciles, ou ces perroquets, de l’erreur, dans l’intérêt de leur âme, ou par respect pour leur “raison”, que nous sévirions contre eux si nous en avions le pouvoir, mais uniquement pour prévenir les répercussions que leurs discours pourraient avoir dans la société, et en particulier chez les jeunes. Leur “raison” est si peu raisonnable — et si peu “leur” ! — qu’elle ne nous inspire aucun respect. Et le sort de leur âme, s’ils en ont une, ne nous intéresse pas. Mais la survie de notre race — encore si belle, partout où elle est demeurée à peu près pure, — et les possibilités d’assertion et d’action qu’un avenir, quelque menaçant qu’il semble, peut, malgré tout encore lui réserver, nous intéressent profondément. C’est au nom d’elles que nous prendrions contre eux, si nous en avions le pouvoir, des mesures impitoyables. Dans une société depuis longtemps pénétrée de notre esprit, dans laquelle toute déclaration anti-raciste, égalitaire, pacifiste, contraire à la divine sagesse de la Nature, — toute expression de la superstition de “l’homme” — serait reçue avec d’irrésistibles éclats de rire, comme une grossière plaisanterie de foire, ou par

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une indifférence totale, plus meurtrière encore, peut-être ne sévirions-nous pas contre nos adversaires, mais les laisserions-nous japper tout leur saoul. Ils ne seraient pas dangereux, et d’ailleurs se lasseraient vite.

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J’ai rapproché notre “intolérance” de celle des Hindous orthodoxes, si différente de celle des Chrétiens et des Musulmans. Tu comprendras bientôt pourquoi.

Si quelque jeune Brahmane dit à son père qu’il se sent une dévotion toute particulière pour une certaine expression, visible ou invisible, du Divin, en dehors du Panthéon de l’Hindouisme, que ce soit Jésus, ou Apollonius de Tyane, ou quelque Chef européen de notre époque, chez lequel il croit découvrir la marque de l’ “Avatar” ou Incarnation divine, le père n’y trouvera, en général, rien à redire. Il proposera probablement à son fils de placer l’image de son Dieu, — celui-ci fût-il un homme, encore vivant, — sur l’autel domestique, parmi celles des divinités traditionnelles qui y figurent déjà. Le jeune homme acceptera, sans doute. Et personne, dans la famille, n’y verra d’inconvénient, car cela ne changera en rien, en pratique, le rythme de la vie au foyer : l’ordinaire y sera le même ; les rites journaliers, également ; les fêtes y seront célébrées de la même façon. Il n’y aura rien de changé. Il n’y aura qu’une image de plus, parmi les nombreuses images, dans le coin consacré aux Dieux, et… une pensée quelque peu différente de celle des autres Hindous sous le crâne d’un des membres de la famille. Mais les pensées ne se voient pas. Même exprimées, elles ne commencent à être gênantes que du moment où l’on sent qu’elles pourraient, alors qu’on s’y attend le moins, se traduire en actes choquants. Jusque là, elles sont tolérées ; et celui qui les a, fût-il, au fond de son cœur, Chrétien, ou même Communiste, est regardé comme un des fils de la maison et de la caste.

Mais qu’un autre fils de ce même Brahmane, sans se réclamer le moins du monde d’aucun maître, d’aucun enseignement, d’aucun Dieu étranger, vienne déclarer à son père qu’il a mangé des aliments interdits, et cela, en compagnie de gens de basse caste, avec qui la tradition lui défend de s’associer dans cet acte qui a valeur de rite, car il entretient la vie ; ou, pire encore s’il se peut, qu’il vienne dire qu’il vit avec une femme qui n’est pas de celles que la sainte tradition lui permet d’épouser, et qu’il a un enfant d’elle… Il sera, alors, — et cela, quelle que puisse être sa dévotion à des divinités hindoues ; quelle que soit la justification qu’il puisse inventer pour rattacher ses actes, bon gré malgré, à quelqu’épisode bien connu du passé hindou, — rejeté de la famille et de la caste ; excommunié ; refoulé au rang d’Intouchable par tous les Hindous orthodoxes. Il devra quitter son village, et aller vivre deux ou trois kilomètres plus loin, dans l’agglomération des aborigènes (des hommes de race inférieure) et… des descendants d’excommuniés.

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Il n’en sera, certes, peut-être pas ainsi aujourd’hui, dans tous les milieux hindous. Sous l’action violente ou subtile des forces de désintégration, la mentalité traditionnelle se perd, aux Indes comme ailleurs. Il n’en reste pas moins vrai qu’il en aurait été ainsi, il y a peu d’années encore ; et qu’il en serait encore ainsi maintenant, dans les milieux hindous dont l’orthodoxie a résisté et à l’exemple de l’étranger et à la propagande d’un d’un gouvernement pénétré d’idées étrangères. Il n’en demeure pas moins que cette attitude correspond bien à l’esprit de l’Hindouisme, je dirai plus : à l’esprit indo-européen, et même à l’esprit antique. Elle pourrait être exprimée, dans la phrase : “Pense ce que tu veux ! Mais ne fais rien qui puisse détruire la pureté de ta race, ou sa santé, ou contribuer à faire mépriser ou abandonner les coutumes qui en sont les gardiennes”. Alors que l’injonction par laquelle pourrait se traduire l’intolérance des religions sorties de la tradition juive mais destinées aux non-Juifs, serait à peu près la suivante : “Fais ce que tu veux, — ou à peu près. Il n’y a pas d’acte contre les lois religieuses (ou civiles) qui ne soit pardonnable. Mais ne pense rien qui puisse t’amener à mettre en doute les “articles de foi” — les proposition de base de la doctrine chrétienne ou mahométane, ou (de nos jours) libérale-humanitaire, ou Marxiste”. Penser, sentir, fût-ce au sujet de l’indémontrable et peut-être de l’inconnaissable, autrement que ne le doit un “fidèle”, est le pire des crimes. C’est pour l’avoir commis, — et non pour avoir agi de quelque façon que ce fût que des centaines de milliers d’Européens ont subi la torture, et finalement la mort par le feu ; au temps où le Saint Office était tout-puissant ; que des millions ont péri, en ou hors d’Europe, pour avoir refusé le message du Christianisme, de l’Islam ou, plus tard, du Marxisme triomphant.

Compare à cela l’attitude qui s’affirme dans le Point Vingt-quatre, déjà cité, des célèbres “Vingt-cinq Points” du programme du Parti National-socialiste, proclamé à Munich, le 24 Février 1920 : “Nous exigeons la liberté de toute confession religieuse dans l’État, dans la mesure où elle ne met pas en danger l’existence de celui-ci, et n’est pas en contradiction avec le sens de la bienséance et le sens moral de la race germanique…” [31]. C’est, évidemment, la porte ouverte à une certaine forme d’intolérance, mais pas à celle des meurtriers d’Hypatie, ni à celle des juges de Giordano Bruno — ou de Galilée. C’est la justification de la seule “intolérance” que le monde antique ait pratiquée — celle des autorités romaines qui poursuivaient les premiers Chrétiens, non pas comme adhérents d’une quelconque “superstition” (après tout — aux yeux des sages de l’époque, — ni plus ni moins stupide que tant d’autres qui pullulaient dans le menu peuple et… chez les femmes oisives des riches) mais comme séditieux qui refusaient d’honorer les images de l’Empereur-dieu du grain d’encens traditionnel ; comme ennemis de l’État. C’est la condamnation de toute autre

31. “Wir fordern die Freiheit aller religiösen Bekenntnisse im Staate, soweit sie nicht des-sen Bestand gefährden, oder gegen die Sittlichkeits und Moralgefühl der germanischen Rasse verstossen.”

(Point 24 des Vingt-Cing Points). “Das Programm der N.S.D.A.D.”

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forme d’intolérance, aussi bien de celle des prophètes et des “bons” rois juifs de l’Ancien Testament, que de celle des Pères Inquisiteurs.

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Une question, toutefois, se pose : celle de la frontière entre les deux intolérances, ou plutôt, entre les faits et gestes hostiles à l’ordre rêvé par le législateur, et les “pensées”, les convictions profondes, l’attachement aux valeurs en contradiction avec les propositions de base sur lesquelles repose cet ordre. Il est certain que les gestes, à moins qu’ils ne soient purement mécaniques, présupposent des pensées, des convictions, l’acceptation de valeurs bien définies. Et il est également certain que tout attachement ardent à des valeurs données finira tôt ou tard par s’exprimer en des gestes, — par créer des “faits”. Il le fera dès qu’il le pourra, c’est-à-dire dès que la pression des forces hostiles qui l’en ont jusque-là empêché, se relâchera. Et en attendant, si toute manifestation publique lui est interdite, — s’il est, même en tant que sentiment, tenu pour “subversif”, voire “criminel”, par les gens qui sont au pouvoir, — il s’exprimera tant bien que mal dans la clandestinité : par la parole et par le geste, à huis clos, entre “frères”. (C’est exactement ainsi que s’exprime, depuis un quart de siècle déjà, notre attachement aux valeurs du racisme aryen sous sa forme contemporaine, c’est-à-dire à l’Hitlérisme. Et nous ne sommes tolérés que dans la mesure où nous sommes invisibles, et que l’immense monde hostile au milieu duquel nous sommes dispersés, habitué qu’il est à ne se fier qu’à ses sens, nous croit inexistants. Toute pensée clandestine est forcément “tolérée” — ou plutôt ignorée, et pour cause !)

La tolérance de l’expression de la pensée ou de la foi d’autrui, dans une société basée sur des normes qu’elle semble mépriser, ne se justifie logiquement que dans deux cas. Ou bien on considère cette pensée ou cette foi comme n’étant, par sa teneur même, susceptible d’aucune influence sur la vie sociale de l’individu, et encore moins sur celle de ses frères de race ou simplement de ses concitoyens ; ou bien, on en admet la nocivité — le caractère subversif, le danger potentiel sur le plan pratique, — mais, soit qu’on n’en estime pas assez les représentants pour les juger capables d’acharnement soutenu, soit qu’on ne croie pas à l’efficacité de la pensée et de la foi, même exprimées, si l’action qu’elles appellent est trop longtemps impossible, on n’en admet pas le danger réel.

L’Hindou qui n’a pas d’objection à ce que l’un de ses fils adore Jésus, plutôt que les Incarnations divines connues et vénérées de ses pères, n’a en vue qu’une fonction de la religion : celle qui consiste à mener le fidèle à l’expérience vécue de “Dieu” à la réalisation du Soi universel au tréfonds de lui-même. Il présuppose que son fils, tout en tendant vers cette expérience suprême (celle de tous les initiés) à travers sa dévotion au Christ, ne rompra aucun des liens qui

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l’attachent à la société brahmanique. S’il pensait différemment, s’il soupçonnait, par exemple, que le jeune homme n’a plus le même respect pour les lois traditionnelles concernant la nourriture et le mariage ; s’il le croyait capable, désormais, de manger de la chair (et surtout de la chair de bovin) ou de procréer des enfants en dehors de sa caste, et cela parce que sa nouvelle foi a fait naître en lui mentalité nouvelle, il serait moins tolérant.

L’Européen auquel on refuse l’entrée d’un temple hindou, en est exclu non pas à cause de sa métaphysique, tenue pour fausse, encore moins à cause de sa race, s’il s’agit bien d’un Aryen, mais à cause des habitudes culinaires qu’on lui attribue (parfois à tort ; mais aucun règlement ne tient compte, hélas, de l’exception ! On m’a, à moi-même, et malgré que la société hindoue en général m’eût depuis longtemps acceptée, refusé l’entrée d’un des temples de Sringéri, — la patrie de Sankaracharya, dans l’Inde du Sud-ouest — sous prétexte que j’avais été, avant d’embrasser l’hindouisme, une “mangeuse de bœuf.” Et quand je m’élevai avec véhémence contre cette accusation, rappelant que j’avais toujours été végétarienne, tant avant ma venue aux Indes qu’après, le prêtre me déclara que “mes pères, sans doute” ne l’avaient pas été, et continua à me tenir éloignée du seuil. Je dois avouer, pour être juste, qu’on m’a admise dans presque tous les autres temples des Indes, y compris dans celui de Pandharpur, en pays mahratte.)

L’ “intolérance” hindoue étant, comme la nôtre, essentiellement défensive, il est bien entendu qu’elle se manifeste — et ne peut moins faire que de se manifester — à l’égard de toute idée ou croyance, ou attitude métaphysique ou morale, considérée comme tendant à saper l’ordre social traditionnel. Mais jamais elle ne s’exercera à l’égard d’un ordre traditionnel différent, en vue de le changer par la force ou même par la persuasion. C’est, je le répète — et on ne saurait trop le répéter — l’ “intolérance” de tous les peuples de l’Antiquité, moins les Juifs. Les juges qui ont condamné Socrate à boire la ciguë parce qu’il “ne croyait pas aux Dieux auxquels croyait la cité” n’auraient jamais rêvé d’aller imposer ces mêmes Dieux d’Athènes à un Egyptien ou à un Perse. S’ils avaient pu savoir dans quel sens les idées allaient évoluer et l’histoire se dérouler, le prosélytisme chrétien (ou musulman), les Croisades, la Sainte Inquisition, la suppression des religions indigènes d’Amérique, leur auraient paru aussi monstrueux qu’à nous, les “intolérants” tant détestés d’aujourd’hui. Et nous qui serions prêts à sévir avec la dernière violence contre toutes gens qui, par nature ou par choix, s’opposeraient à la résurgence d’un ordre social et politique basé sur les valeurs raciales aryennes chez les peuples aryens, considérerions comme absurde toute velléité de prêcher nos valeurs à des Nègres ou, d’une manière générale, à des peuples d’un autre sang que le nôtre. Même pour ce qui est de l’Europe, nous faisons une distinction entre “le Nord” et “le Sud,” — l’élément germanique et l’élément méditerranéen (même si, déjà dans l’Antiquité, ce dernier était assez mêlé au sang des conquérants nordiques : il y a, après toute

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conquête, un retour graduel à la race des conquis, si aucun “système de castes” ou, pour le moins, aucune législation concernant le mariage, ne garantit la survie des conquérants).

Si des Aryens ayant notre mentalité avaient pu, à la place des Espagnols et Portugais, conquérir les Amériques, ils auraient laissé intacts les temples et le culte des Dieux indigènes. Tout au plus, voyant que, dès l’abord, on les prenait eux-mêmes pour des Dieux, se seraient-ils laissé adorer,… tout en essayant, de tout leur pouvoir, de devenir et de demeurer dignes de l’être. Et ils auraient puni, avec une sévérité exemplaire, toute intimité ,entre leurs propres soldats et les femmes du pays, ou au moins empêché la naissance d’enfants d’unions mixtes, préservant ainsi la pureté des deux races.

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I V

LE mEPRIS DE L’HOmmE mOYEN

« Et la honte d’être homme aussi lui poignait l’âme. »”

Leconte de Lisle (“L’Holocauste” ; Poèmes Tragiques.)

“Cette logique effroyable”, me disait, le 9 Octobre 1948, Monsieur Rudolf Grassot, Assistant-Chef du Bureau d’Information de l’occupant français à Baden-Baden, en parlant de notre consistance intellectuelle,… sans se douter, bien entendu, un seul instant, “à qui” il en parlait. J’ai retenu ces paroles, qui nous flattent, parmi un certain nombre d’autres hommages — toujours involontaires — de l’adversaire, en Europe ou ailleurs.

Il y a peu de choses qui me choquent, moi, chez des mammifères qui font profession de “penser” — qui même ne cessent de souligner la supériorité que cette “pensée” est sensée leur donner sur les êtres vivants qui, croient-ils, en sont totalement dépourvus — autant que l’absence de logique. Elle me choque, parce qu’elle est manque d’accord entre la pensée et la vie d’un même individu, voire entre deux ou plusieurs aspects de sa pensée elle-même ; parce qu’elle est contradiction interne, négation d’harmonie, donc faiblesse et laideur. Et plus la personne chez qui elle se rencontre est haut placée dans la hiérarchie conventionnelle des “intellectuels”, c’est-à-dire des lettrés pourvus, de préférence, de diplômes universitaires, ou des techniciens sortis de quelque grande école, et plus cette carence de capacité discursive me choque. Mais elle m’est proprement insupportable chez quiconque se proclame à la fois Hitlérien et adhérent de quelque doctrine religieuse ou philosophique visiblement incompatible avec l’Hitlérisme.

Pourquoi cela ? Pourquoi, par exemple, les millions de gens disant “aimer les bêtes” et se défendant d’être les esclaves d’aucune coutume, qui, par ailleurs, mangent de la viande “pour ne pas se singulariser”, me paraissent-ils moins irritants que les dizaines de mille qui se disent à la fois Hitlériens et Chrétiens ? Les premiers sont-ils moins illogiques que les seconds ? Certes non ! Mais ils forment une majorité dont je sais d’avance qu’elle ment, et qu’elle est lâche ou

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faible, ce qui est presque la même chose ; une majorité que, malgré les quelques individus intéressants qui s’y trouvent, j’ai méprisée depuis ma plus lointaine enfance, et dont je n’attends rien. Les seconds sont mes frères dans la foi, ou ceux que j’ai, jusqu’ici, crus tels. Ils forment une élite que j’ai aimée et exaltée parce qu’elle porte, aujourd’hui comme hier, le même signe que moi — l’éternelle Croix gammée — et se réclame du même Maître ; une élite, dont j’attendais comme une chose qui va de soi, cet accord parfait de la pensée avec elle-même et avec la vie, cette logique absolue que l’un de nos ennemis, sans me connaître, qualifiait devant moi d’ “effroyable”, le 9 Octobre 1948, quarante-et-unième anniversaire de la naissance de Horst Wessel.

L’illogisme est ou bêtise ou mauvaise foi, ou compromis — bêtise, malhonnêteté, ou faiblesse. Or un Hitlérien ne peut, par définition, être bête, malhonnête ou faible. Quiconque est affligé d’une de ces trois disqualifications, ne peut être compté parmi la minorité militante, dure et pure, dédiée corps et âme à la lutte pour la survie et le règne des meilleurs — notre lutte. Malheureusement, il a bien fallu, — et il faudra longtemps encore, si nous voulons agir sur le plan matériel — accepter sinon l’allégeance, du moins les services d’une foule de gens qui, vus du dehors, paraissaient et paraissent peut-être Hitlériens, mais qui, en fait, ne l’étaient ni ne le sont, ne pouvaient et ne peuvent l’être, précisément à cause de l’absence de consistance inhérente à leur psychologie. Que faire ? Ils étaient et ils sont — et seront longtemps encore — le nombre et… l’argent, dont aucun mouvement ayant un programme d’action ne peut entièrement se passer.. Il faut les utiliser… sans toutefois placer trop de confiance en eux. Il ne faut pas discuter avec eux ; car s’ils sont bêtes, cela ne sert à rien ; s’ils sont de mauvaise foi, pas davantage. Et s’ils sont des faibles,… la révélation de leur inconsistance peut avoir sur eux un effet tout le contraire de celui que l’on aurait désiré.

Dès qu’Hermann Rauschning se, fut rendu compte qu’il ne pouvait être en même temps Hitlérien et Chrétien, il choisit le Christianisme, et écrivit le livre virulent, “Hitler m’a dit” que l’ennemi s’empressa de traduire en plusieurs langues. Moins avisé, il ne s’en fût jamais rendu compte, et eût continué, comme tant d’autres braves Chrétiens moyens, de prodiguer à la cause de l’Allemagne, et par delà celle-ci, à la cause aryenne, tous les services qu’il pouvait. Il était de ceux qu’il aurait fallu laisser dormir.

Tant d’endormis, — de logiquement inconsistant — sont, sur le plan pratique, plus utiles que nous, le petit noyau de militants sans compromis !

Dans sa lettre du 26 Juin 1966, feu G. L. Rockwell, le chef du Parti National-socialiste américain [32], qui était destiné, quatorze mois plus tard, à tomber sous la balle d’un assassin, m’écrivait, entre autres : “Un examen de nos revenus mettrait en lumière le fait indiscutable que la plus grande partie de notre argent nous vient de pieux Chrétiens (devout Christians). Les gens comme vous ne peuvent nous envoyer un centime, — et auraient même, apparemment, 32. Le A.N.P., devenu ensuite le N.S.W.P.P. (National Socialist White People’s Party).

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eux-mêmes besoin d’aide financière… .” Et un peu plus loin : “En un mot, sans munitions, même le plus grand stratège du monde perdrait une guerre. Et si les gens qui détiennent le monopole des munitions exigent que je répète tous les matins, trois fois, “abracadabra”, afin d’obtenir d’eux assez d’armes pour anéantir l’ennemi, ce n’est pas trois fois, mais neuf fois, que je dirai “abracadabra”, que ce soit là des sottises ou des mensonges ou n’importe quoi. Une fois que nous serons au pouvoir, notre position sera entièrement différente. Toutefois, je tiens à dire que, même alors, le Maître Lui-même ne s’est pas laissé entraîner au-delà de la mesure, dans la direction que vous indiquez. Il était d’accord avec nous, et avec tous les vrais Nationaux-socialistes sans compromis. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais il était aussi un réaliste, — et un réaliste qui a su s’imposer, et comment !”

Il répondait à ma lettre du 26 April 1966, dans laquelle j’avais très franchement exprimé la déception que j’avais éprouvée, à la lecture de certains numéros du “Bulletin” mensuel du Parti National-socialiste américain. (Dans l’un de ceux-ci s’étalaient côte à côte, dans trois rectangles, trois symboles, chacun avec un mot d’explication : une croix chrétienne, “notre foi” ! — un drapeau des États-Unis, “notre patrie”, — et enfin, une croix gammée, “notre race”). Il répondait à mes critiques, à mon intransigeance doctrinale, à mon exigence de logique. Et, du point de vue pratique, il avait cent fois raison. Celui qui donne cent dollars au N. S. W. P. P., est plus utile, certes, que celui qui écrit cent lignes non pas “de propagande” (adaptée aux préoccupations immédiates et aux goûts d’une majorité de gens, à un moment du temps), mais de vérités, c’est-à-dire de propositions dont la valeur intrinsèque sera la même dans dix-mille, et dans dix-mille fois dix-mille ans, et toujours, et qui justifient notre combat d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Mais il y a plus : l’homme et la femme de bon sang aryen qui, comme, hélas, tant de nos frères de race, détestent ardemment et notre Führer et nous-mêmes, mais font un enfant destiné à être, un jour, l’un des nôtres, sont bien plus utiles encore que l’individu qui donne à nos militants son appui financier. Les parents de Goebbels, qui n’avaient aucune sympathie pour le Mouvement hitlérien, ont fait plus pour lui, simplement en ayant ce fils, que les magnats de l’industrie lourde allemande qui, (sans plus savoir ce qu’ils faisaient que les “pieux Chrétiens” des U.S.A. que Rockwell mentionne dans sa lettre) ont financé les campagnes électorales des Nationaux-socialistes de 1926 à 1933. En fait, chacun est utile à sa façon. Et il y a des services de nature tellement différente qu’ils ne se comparent pas. Chacun a sa valeur. N’empêche que je relis avec fierté, la phrase que Rockwell m’écrivait un peu plus d’un an avant sa mort tragique : “Le Maître — le Führer — était d’accord avec vous, comme avec tous les vrais Nationaux-socialistes sans compromis. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute”. Il ajoutait, il est vrai, qu’il était “aussi un réaliste — un homme sachant agir en vue du succès immédiat — alors que je ne le suis pas, moi, sa disciple. Mais je ne suis

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pas un chef, moi. Et le Führer n’a-t-il pas lui-même, parfois, en prenant certaines de ses décisions les plus lourdes de conséquences, placé l’ “effroyable logique” de notre Weltanschauung au-dessus de son succès matériel immédiat ? Qu’a-t-il fait d’autre, par exemple, en attaquant la Russie, citadelle du Marxisme, le 22 Juin 1941? ou déjà en refusant les propositions de Molotoff, le 11 Novembre 1940 ? (Si exorbitantes qu’aient été celles-ci, les accepter eût été, semble-t-il, moins tragique que de risquer la guerre sur deux fronts.)

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Plus un raisonnement est rigoureux, impeccable du point de vue purement logique, et plus sa conclusion est fausse, si le jugement de base duquel il part, — celui qu’exprime sa “majeure”, dans le cas d’un syllogisme simple — est lui-même faux. C’est clair. Si je déclare que “Tous les hommes sont des saints”, et si je remarque ensuite que le Marquis de Sade et tous les pervers sexuels connus et inconnus, et tous les bourreaux d’animaux, ou d’enfants, “étaient ou sont des hommes”, je suis bien forcée de conclure que tous ces gens-là “étaient ou sont des saints”, assertion dont l’absurdité saute aux yeux. Une logique parfaite ne conduit à un jugement vrai que si elle s’applique à partir de prémisses elles-mêmes vraies. Les adjectifs par lesquels on caractérise une telle rigueur dans l’enchaînement des jugements, dépendent de l’attitude qu’on a vis à vis du ou des jugements dont il part. Si on accepte ceux-ci, on parlera d’une logique irréprochable, ou admirable. Si on les rejette avec véhémence, comme Monsieur Grassot rejetait les propositions de base du racisme aryen, autrement dit de l’Hitlérisme, — on parlera de “logique effroyable.” Cela n’a aucune importance, les jugements demeurant vrais ou faux, indépendamment de l’accueil, toujours subjectif, qu’on leur fait.

Or, qu’est-ce qu’un jugement vrai?

Tout jugement exprime un rapport entre deux états de fait, entre deux possibilités, ou entre un état de fait (et tous les états psychologiques relèvent de cette catégorie) et une possibilité. Si je dis, par exemple, “Il fait beau”, je pose le rapport entre tout un ensemble de sensations que j’éprouve actuellement, et la présence du soleil dans le ciel visible. Si je dis : “La somme des angles d’un triangle est égale à deux droits”, je pose que, si un polygone a les caractéristiques qui, mathématiquement, définissent le triangle, la somme de ses angles sera, et ne pourra qu’être égale à deux droits ; qu’il y a un rapport nécessaire entre la définition même du “triangle”, et la propriété à laquelle j’ai fait allusion. Si je dis : “Il vaut mieux perdre la vie que faillir à l’honneur !”, je pose un rapport, — non moins nécessaire en principe, — entre ma psychologie et toute situation possible, dans laquelle il me faudrait choisir ou bien de vivre déshonorée, ou bien de mourir en sauvant l’honneur.

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Le jugement est vrai si le rapport qu’il exprime existe. Il est faux dans le cas contraire. Cela est clair dans le cas des jugements — dits “catégoriques” — qui posent un rapport entre deux faits. Si je dis en plein jour qu’ “il fait nuit”, il est bien certain qu’il n’existe plus de connection entre ce que mes sens éprouvent et ce que je dis ; le jugement est donc faux à l’endroit et à l’heure où il est émis. Si je dis : “La somme des angles d’un triangle est égale à cinq angles droits”, je dis une absurdité, parce que le rapport que je pose là entre la définition du triangle et une propriété que je lui attribue, n’existe pas ; parce que l’affirmation de la propriété contredit le jugement qui définit le triangle. (Même dans l’espace non-euclidien à courbure positive, dans lequel la somme des angles d’un triangle “dépasse” deux angles droits, cette somme n’atteint pas “cinq droits”.)

Dans le cas des jugements catégoriques, qui expriment un rapport entre deux faits, comme dans celui de ces jugements hypothétiques parfaits que sont tous les théorèmes de la mathématique, la “vérité” ou la “fausseté” se mettent fort bien en évidences Il est certain que personne n’acceptera ce, que je dis, — si je déclare en plein jour qu’ “il fait nuit” ; — car tout œil sain est sensible à la lumière. Quant aux théorèmes mathématiques, ils se démontrent tous, à condition que l’on accepte, dans le cas où il s’agit de théorèmes, de géométrie, les postulats qui définissent l’espace particulier qu’ils concernent.

Les seuls jugements à propos desquels les gens se disputent — jusqu’à se faire la guerre à cause d’eux, — sont les jugements de valeur ; ceux qui supposent, chez quiconque les émet, une hiérarchie de préférences. C’est, en effet, toujours au nom d’une telle hiérarchie que l’on saisit un rapport entre un fait (ou un état d’âme) et une “possibilité” (future, ou bien… conçue rétrospectivement, comme ce qui aurait pu être). Les faits peuvent donner lieu à des discussions animées, sans douté, mais dépourvues de passion, et surtout de haine. On ne se querelle vraiment avec ses adversaires et, si on en a le pouvoir, on ne sévit contre eux, que si on tient les “faits”, qui font l’objet de la discussion, pour directement ou indirectement liés à des valeurs que l’on aime. L’Église n’a été hostile à ceux qui soutenaient que notre Terre est ronde et qu’elle n’est pas le centre du système solaire, que tant qu’elle a cru voir dans ces faits, — au cas où ils seraient prouvés, donc universellement acceptés, — la négation non seulement de la lettre des Ecritures, mais surtout de l’anthropocentrisme chrétien. Les faits biologiques qui servent de base à tout racisme intelligent sont niés par des organismes tels que l’U.N.E.S.C.O., qui se piquent de “culture,” pourtant, uniquement parce que ces organismes voient, dans leur acceptation sur une vaste échelle, la “menace’ d’une résurgence du racisme aryen, qu’ils détestent.

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Existe-t-il une objectivité dans ‘le domaines des valeurs ? A cette question, je réponds oui. Il y a quelque chose d’indépendant du “goût” de chaque critique

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d’art, qui fait qu’un chef-d’œuvre de peinture, de sculpture ou de poésie, est un chef-d’œuvre pour tous les temps. Il y a, derrière toute création parfaite, — et pas seulement dans le domaine de l’art proprement dit — des correspondances secrètes, tout un réseau de “proportions” qui elles mêmes “rappellent” des équivalences cosmiques inconnues, mais pressenties. Ce sont ces éléments-là qui rattachent l’œuvre à l’éternel, — en d’autres mots qui lui confèrent sa valeur objective.

Par contre, il n’y a pas d’échelle universelle des préférences. Même si on pouvait pénétrer le mystère de la structure des créations éternelles, qui ne sont humaines que de nom car l’auteur s’y est effacé devant la Force (les Anciens auraient dit : “le Dieu”), qui l’a un moment possédé, et a agi à travers elle et par elle ; — si on pouvait dis-je, expliquer en phrases claires comme celles des mathématiciens, pourquoi de telles créations sont éternelles, on ne pourrait jamais forcer tout le monde à préférer l’éternel au temporaire ; à trouver une œuvre qui reflète quelque chose de l’harmonie du cosmos, plus agréable, plus satisfaisante qu’une autre, qui n’en reflète rien. Il y a un bon et un mauvais goût. Et il y a des consciences morales qui se rapprochent plus ou moins de celle qu’aurait un homme dont l’échelle de valeurs serait objective. Mais il n’existe pas plus de conscience universelle que de goût universel. Il n’en existe pas et n’en saurait exister, pour la simple raison que les aspirations des hommes sont différentes, une fois dépassé le niveau des besoins les plus élémentaires. (Et même ces besoins-là sont plus ou moins impérieux, selon les individus. Il y a des gens qui, trouvent la vie supportable, voire belle, sans des conforts, des plaisirs ou des affections, dont le manque rendrait d’autres personnes franchement malheureuses.)

Qui dit aspirations différentes, dit préférences différentes. Qui dit préférences différentes, dit réactions différentes, en face des mêmes événements, décisions différentes face à des dilemmes identiques et partant, organisation différente de vies qui, sans cela, auraient pu se ressembler.

N’oublie jamais la diversité des hommes, fût-ce au sein de la même race, à plus forte raison si l’on passe d’une race à une autre. Comment des êtres si différents les uns des autres auraient-ils tous “les mêmes droits et les mêmes devoirs” ?

Il n’y a pas plus de devoir universel que de conscience universelle. Ou, si on veut absolument trouver une formule qui soit vraie pour tous, il faudra dire que le devoir de tout homme — bien plus : de tout être vivant, — est d’être jusqu’au bout, dans ses manifestations visibles ou secrètes, ce qu’il est dans sa nature profonde ; de ne jamais se trahir.

Mais les natures profondes diffèrent. D’où, malgré tout, la diversité des devoirs, comme des droits, et le conflit inévitable, sur le plan des faits, entre ceux qui ont des devoirs opposés. La Bhagawad-Gîta le dit : “Attache-toi à accomplir

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ton devoir propre (svadharma). Le devoir d’un autre comporte (pour toi) bien des dangers.”

Et qu’est-ce qui, dans la pratique, décidera de l’issue du conflit entre gens dont les devoirs sont opposés ? La force. Je ne vois vraiment qu’elle. Si elle me fait défaut, je suis bien obligée de supporter la présence, dans le monde, d’institutions que je considère comme criminelles, étant donnée mon échelle de valeurs à moi. Je peux les haïr. Je ne peux pas les supprimer d’un trait de plume, comme je le ferais si j’avais, le pouvoir. Et même ceux qui ont le pouvoir ne le peuvent pas, — dans la mesure où ils ont besoin de la collaboration de certains hommes, sinon d’une majorité, précisément pour se maintenir à la position qu’ils ont conquise. Mais je te parlerai plus tard de la force, condition de tout changement visible et brusque, c’est-à-dire de toute révolution victorieuse, sur le plan matériel. Je te dirai d’abord quelques mots des pères de la “conscience universelle” et de l’idée qui en dérive : l’idée d’un “devoir” qui serait le même pour tous. Je ne rappellerai les noms que de quelques-uns d’entre eux qui, dans d’autres domaines que la morale, se distinguent par quelque prééminence : par la fermeté de leur pensée ou la beauté de leur prose.

Il y a d’abord Emmanuel Kant, auquel il faut savoir un gré infini pour avoir tracé la ligne de démarcation entre la connaissance scientifique et la spéculation métaphysique ; entre ce qu’on sait, ou ce qu’on peut savoir, et ce dont on ne peut parler qu’arbitrairement, n’en sachant rien, ou pas du tout, la vision directe qu’on en a étant incommunicable. Toute la partie de l’œuvre de Kant qui a trait à la subordination de la pensée aux catégories de l’espace et du temps, et à l’impossibilité où nous sommes, cela étant, de dépasser, par notre intelligence conceptuelle, la sphère des “phénomènes”, est d’une solidité exemplaire. Les recettes que donne le penseur pour aider tout homme à découvrir “le devoir”, qu’il croit être le même pour tous, sont moins dignes de crédence, et cela précisément parce qu’elles ne relèvent pas de ce qui, selon les propres déductions de Kant, fait l’essence de l’esprit scientifique.

Nous sommes ici dans le domaine des valeurs, — non des “faits” ; non des “phénomènes”. Le seul “fait” que l’on pourrait noter en cette connection, n’est autre que la diversité des échelles de valeurs. Et Kant n’en tient aucun compte. Il croit baser sa notion de “devoir” sur celle de “raison”. Et comme la raison est “universelle”, les lois de la pensée discursive l’étant, — deux et deux font quatre pour le dernier des Nègres, aussi bien que pour l’un de nous — il faut bien, semble-t-il, que le devoir le soit aussi. Kant ne s’aperçoit pas, tant ses’ propres valeurs lui paraissent indiscutables, que ce n’est pas du tout “la, raison”, mais bien son austère éducation chrétienne, — piétiste, pour être plus précis — qui les lui a dictées ; qu’il les doit, non point à sa capacité de tirer des conclusions de prémisses données, — capacité qu’il partage en effet avec tous les hommes sains d’esprit, et peut-être avec les animaux supérieurs — mais bien à sa soumission spontanée à l’influence du milieu moral, dans lequel il a été élevé. Il oublie, — et

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combien l’ont oublié avant et après lui, et l’oublient encore ! — que la raison est impuissante à poser des fins ; à établir des ordres de préférences ; que, dans le domaine des valeurs, son rôle se borne à mettre en lumière le lien logique, — ou pratique — entre une fin donnée, et les moyens qui conduisent à sa réalisation.

La raison peut indiquer à un individu quel sera son “devoir” dans une circonstance précise, “si”, par exemple, il aime tous les hommes, ou mieux encore, tous les êtres vivants. Elle ne peut le forcer à les aimer, s’il ne ressent, lui, rien qui l’attire à eux. Elle peut lui suggérer ce qu’il lui faut faire, ou ne pas faire, s’il veut contribuer à “la paix dans le monde”. Elle ne peut pas le forcer à vouloir la paix. Et dans le cas où il ne la voudrait pas, où il la jugerait démoralisante ou simplement ennuyeuse, elle lui suggérerait, avec une égale logique, une prise de position et une action toute différentes — de même qu’elle dirigerait le misanthrope intelligent, donc lucide, vers une action tout autre que celle qu’elle commanderait au philanthrope. Elle ordonnera toujours à chacun de ceux qui réfléchissent, l’action qui correspond à la promotion de ce qu’il aime vraiment, et veut profondément. Comment pourrait-elle inspirer des devoirs, identiques quant à leur contenu, à des individus qui aiment des idéaux différents, voire incompatibles, et qui veulent chacun la révolution que son idéal implique ? Ou à des individus qui n’aiment que des personnes, et à d’autres qui, eux, n’aiment que des idées ? “Agis toujours,” dit Kant, “comme si le principe de ton action pouvait être érigé en loi universelle”. Comment appliquer cette “règle” à la fois à la conduite de celui qui, n’aimant que sa famille et ses amis, loin de sacrifier ceux-ci à quelqu’idée que ce soit, sentira que c’est “son devoir” de les protéger à tout prix, et à celle du militant qui, n’aimant, lui, qu’une cause, qui le dépasse, considère que ce serait “son devoir”, le cas échéant, de lui sacrifier et ses récents collaborateurs (dès qu’il les sentirait faiblir sur le plan de l’orthodoxie, et devenir dangereux), et à fortiori sa famille, étrangère à la sainte idéologie, dès qu’il verrait l’un de ses membres, quel qu’il fût, pactiser avec les forces hostiles ?

Et que dire de la règle : “Agis toujours en sorte que tu prennes la personne humaine comme fin, jamais comme moyen” ? — en d’autres termes : “Ne te sers jamais d’un homme. Et pourquoi pas ? — surtout si, en me servant de lui, je travaille dans l’intérêt d’une Cause qui le dépasse de beaucoup, par exemple, de la cause de la Vie, ou de l’élite humaine (cas particulier de l’élite de chaque espèce vivante) ou simplement de celle d’un peuple particulier, si celui-ci a une mission historique plus qu’humaine ? L’homme exploite sans scrupules l’animal et l’arbre, en faveur de ce qu’il croit être son intérêt à lui. Et Kant ne trouve apparemment à cela rien à redire. Pourquoi n’exploiterions-nous pas, nous, l’homme — la “personne humaine” de la prétendue “valeur” de laquelle on nous rabat les oreilles plus que jamais, depuis un quart de siècle — dans l’intérêt de la Vie elle-même ? Qu’est-ce qui nous en empêche, si nous n’avons pas, — comme Emmanuel Kant et tant d’autres ; comme la plupart des gens nés et élevés au sein d’une civilisation chrétienne (ou islamique, ou juive, ou

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simplement “laïque) — une échelle de valeurs centrée autour du sacro-saint mammifère à deux pattes ?

De moi-même, si j’aime “tous les hommes”, je ne me servirai d’aucun d’eux ; je ne prendrai aucun d’eux “comme moyen”, en vue d’une fin qui n’est pas lui. On n’exploite pas ce que l’on aime vraiment. C’est là une loi psychologique. Mais aucune “raison” ne peut me forcer à “aimer tous les hommes”, — pas plus qu’elle ne peut forcer la plupart des hommes à aimer toutes les bêtes. La “raison” de Kant lui ordonnait de n’exploiter aucun être humain, non pas parce que c’est là un commandement universel, mais parce qu’il aimait, lui, tous les hommes, en bon Chrétien qu’il était. Moi qui ne les aime pas tous, je ne sens nullement que ce “devoir” me concerne. Ce n’est pas mon devoir. Je refuse de m’y soumettre. Et si un homme qui trouve l’exploitation de l’animal et de l’arbre — et quelle exploitation — toute naturelle, a l’impudence de venir me prêcher (nous prêcher) le “respect de la personne humaine”, je l’envoie brutalement se mêler de ses affaires.

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Mais Kant, — si indépendant et si fort dans le domaine de la critique de la connaissance, — avait en morale, en dehors même de l’enseignement chrétien de sa famille, un maître à penser : Jean-Jacques Rousseau, dont l’influence continuait à se faire sentir, à cette époque, dans toute l’Europe.

Je puis difficilement m’imaginer deux hommes plus différents l’un de l’autre que Rousseau, le perpétuel errant, à la vie quel que peu désordonnée, — pour dire le moins, — et le méticuleux Herr Professor Emmanuel Kant, aux journées et aux années toute semblables, s’écoulant selon un horaire rigoureux, où il n’y avait pas la moindre place pour l’imprévu ou le caprice. Jean-Jacques Rousseau ne manque, dans ses œuvres, aucune occasion d’exalter “la raison”… ainsi que “la vertu”. Mais il ne semble avoir eu aucune règle de conduite autre que sa fantaisie, ou ses impulsions, avec le résultat que l’histoire de sa vie donne une impression d’inconsistance, pour ne pas dire de déséquilibre. Poète plutôt que penseur, il a rêvé son existence ; il ne l’a pas vécue — et surtout pas vécue selon des principes fixes. L’amour qu’il professe, toutes les fois qu’il le peut — sur le papier — pour les enfants, ne l’a pas empêché de mettre les cinq siens, l’un après l’autre, à l’Assistance Publique, sous prétexte que la femme qui les lui avait donnés, Thérèse Levasseur, aurait été incapable de les élever dans l’esprit qu’il aurait désiré. Et cet abandon cinq fois répété, ne l’a pas empêché d’écrire un livre sur l’éducation des enfants, et — ce qui est pire — n’a pas empêché le public de le prendre au sérieux ! On l’a pris au sérieux parce que, tout en se croyant sans doute fort original, il reflétait les tendances profondes de son époque, avant tout la révolte de l’individu contre la Tradition, au nom de “la raison”. Il n’est pas étonnant que des esprits ennemis des autorités traditionnelles visibles, c’est-à-

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dire des rois et du clergé, l’aient choisi avec enthousiasme comme guide, et aient placé sous son signe la Révolution Française, qu’ils organisaient. Il semble, à première vue, moins naturel que Kant ait subi si fortement son influence.

Mais Kant était de son temps, à savoir d’une époque où Rousseau avait séduit l’intelligentsia européenne, en partie par sa prose poétique et ses paradoxes, en partie par certains mots-clichés, qui reviennent à tout propos dans son œuvre : les mots de “raison”, de “conscience” et de “vertu”. Ce sont ces mots-clichés qui ont fourni au peu d’imagination que possédait Kant, l’occasion de toute l’envolée dont elle était capable, et qui ont donné au philosophe allemand la forme de sa morale. Le contenu de celle-ci — comme d’ailleurs de celle de Rousseau lui-même et de tous les “philosophes” du dix-huitième siècle et, avant eux, de celle de Descartes, ce vrai père spirituel de la Révolution Française — est tiré du vieux fond de l’éthique chrétienne, centrée sur le dogme de la “dignité” de l’homme, seul être créé “à l’image ; de Dieu”, et sur le respect de cet être privilégié. En d’autres termes, avec une méticuleuse honnêteté, et une application et une persévérance toute prussiennes, Kant s’est efforcé d’ériger en système la morale européenne courante, la morale humanitaire parce qu’avant tout chrétienne, que Rousseau avait glorifiée dans des effusions sentimentales, — cette morale que Nietzsche devait un jour avoir l’honneur de démolir par la plume, et que nous étions plus tard destinés à nier, par l’action.

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Sans doute tous les hommes ont-ils quelque chose en commun, ne serait-ce que la station droite et le langage articulé, que ne possèdent pas les autres espèces vivantes. Toute espèce est caractérisée par quelque chose que possèdent en commun tous les sujets qui en font partie, et dont les sujets des autres espèces sont privés. La souplesse et le ronron des félins sont des traits qu’aucune autre espèce ne peut revendiquer. Nous ne contestons pas que toutes les races humaines ont un certain nombre de traits communs, du seul fait qu’elles sont humaines. Ce que nous contestons, — et comment ! — c’est que ces traits communs — soient plus dignes de retenir notre attention que ne le sont d’une part les énormes différences qui existent entre une race humaine et une autre (et souvent entre individus humains de même race) et, d’autre part, les traits que tous les vivants, y compris les plantes, possèdent en commun.

A nos yeux un Nègre ou un Juif, ou un Levantin sans race bien définie, n’a ni les mêmes devoirs ni les mêmes droits qu’un pur Aryen. Ils sont différents ; ils appartiennent à des mondes qui, quels que puissent être leurs points de contact sur le plan matériel, demeurent étrangers les uns aux autres. Ils sont différents par nature ; — biologiquement autres. L’acquisition d’une “culture commune” ne saurait les rapprocher, sinon superficiellement, et artificiellement, — car la “culture” n’est rien, si elle n’a pas de profondes racines dans la nature. Notre

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point de vue n’est d’ailleurs pas nouveau. Déjà les “Lois de Manu” assignaient au Brahmane et au Soudra — et aux gens de chaque caste — des devoirs et des droits différents,… et des pénalités très différentes aux meurtriers éventuels de membres de castes différentes. Or la caste est — et était surtout dans l’Inde antique — avant tout liée à la race. (Elle s’appelle varna, qui veut dire “couleur”, et aussi jat : race). Moins loin de nous dans le temps, et dans cette Europe où les contrastes entre races n’ont jamais été aussi extrêmes, la législation des Francs mérovingiens, comme celle des Ostrogoths d’Italie, et des autres Germains établis en pays conquis, prévoyait pour le meurtre d’un homme de race nordique, — d’un Germain — des peines sans commune mesure avec celles qu’encourait le meurtrier d’un Gallo-romain ou d’un Italien, surtout si ce dernier était de condition servile. Aucune idée qui se justifie par un sain racisme, n’est neuve.

D’autre part, nous ne comprenons pas cette priorité accordée à “l’homme”, quel qu’il soit, sur quelque sujet que ce soit d’une autre espèce vivante, pour la seule raison que “c’est un homme”. Que les fidèles des religions centrées sur l’homme croient dur comme fer à cette priorité et en tiennent compte dans toutes les démarches de leur vie quotidienne, passe encore ! Elle est, pour eux, l’objet d’un article de foi, — la conséquence logique d’un dogme. Et la foi ne se discute pas. Mais que tant de penseurs et que de telles multitudes de gens qui, comme eux, ne se rattachent à aucune Église, qui, même, combattent toute religion dite révélée, aient exactement la même attitude et trouvent le dernier des déchets humains plus digne de sollicitude que la plus saine et la plus belle des bêtes (ou des plantes) ; qu’ils nous refusent le “droit” non seulement de tuer sans souffrance, mais même de stériliser les êtres humains déficients, alors que la vie d’un animal en pleine santé et en pleine force ne compte pas à leurs yeux et qu’ils feront sans remords couper un bel arbre dont la présence “les gêne”, voilà ce qui nous choque profondément ; ce qui nous révolte.

Apparemment, tous ces esprits qui se targuent d’indépendance, tous ces “libres” penseurs sont, tout autant que les croyants des religions centrées sur l’homme et la soi-disant “dignité humaine”, les esclaves des préjugés que l’Occident, et une grande, partie de l’Orient, ont hérités du Judaïsme. S’ils ont rejeté les, dogmes et la mythologie des religions anthropocentriques, ils en ont gardé intégralement les valeurs. Cela est vrai aussi bien des Déistes du dix-huitième siècle que de nos Communistes athées. Au fait, il existe — bien que la plupart des Chrétiens anti-communistes en repoussent l’idée avec indignation — un parallélisme profond entre Christianisme et Marxisme. Tous deux sont, originellement, des produits juifs. Tous deux ont reçu l’empreinte, d’une pensée aryenne plus ou moins décadente : de celle de la subtile philosophie hellénistique, surchargée d’allégories et prête à accepter les syncrétismes les plus inattendus, dans le cas du premier ; et de celle, non pas du vrai esprit scientifique, qui garde de l’erreur, mais de ce que j’appellerai le “scientisme” — propension à

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remplacer la foi aux idées traditionnelles par la foi en tout ce qui est présenté au nom de “la science” — dans le cas du second. Et surtout, tous deux sont, au fond, centrés sur les mêmes valeurs : sur le culte de l’homme, en tant que seul être créé “à l’image et à la ressemblance” du Dieu des Juifs ou bien, simplement en tant qu’être de même espèce que le Marxiste qui le glorifie. Le résultat pratique de l’anthropocentrisme est le même, quelle qu’en puisse être la source.

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C’est précisément cet anthropocentrisme, commun au Christianisme et au Communisme, et à tous les “humanismes”, qui a servi de ciment philosophique à l’alliance, en apparence incongrue, du monde occidental, chrétien ou “rationaliste”, et de l’Union Soviétique, pendant la Secondé Guerre mondiale.

Il était, aux yeux de plus d’un Chrétien, assez pénible de se sentir le glorieux allié du Communisme athée, dans la lutte contre nous, disciples d’Adolf Hitler. Bien plus, Chrétiens ou non, beaucoup d’Occidentaux sentaient plus ou moins confusément que cette alliance était, politiquement, une erreur ; que leur pays, quel qu’il fût, aurait eu davantage à gagner — ou moins à perdre — en tant qu’État, en donnant la main à Adolf Hitler (ou en acceptant celle que le Führer lui tendait), et en combattant “à ses côtés “contre le Bolchevisme”. La voix du Chef de l’Allemagne, qui les appelait de plus en plus désespérément à “sauver l’Europe”, les troublait, parfois. Et cependant… ce n’est pas dans les rangs de la Légion Volontaire française ou de quelqu’organisation similaire qu’on les retrouvait finalement, mais dans ceux des membres de quelque “Résistance”, anti-allemande sans doute, mais aussi et inévitablement anti-aryenne. C’est que, leur subconscient les avait avertis qu’en suivant la ligne d’action politiquement la plus sage, ils auraient trahi ce qui, pour eux était plus important que la politique : leur monde de valeurs. C’est qu’il leur avait soufflé ce que les auteurs d’après-guerre, issus de la Résistance, ne devaient pas se lasser, bientôt, de répéter à satiété pendant un quart de siècle (et qui sait combien de temps encore ?), à savoir que l’Hitlérisme, ou racisme aryen sous sa forme moderne, est, comme tout racisme basé sur l’idée d’élite naturelle (non “choisie” arbitrairement par quelque “Dieu” trop humain), “la négation de l’homme”. En conséquence, que cette Europe que le Führer les conviait à forger avec lui, — celle qui serait finalement sortie de notre victoire, — n’était pas celle qu’ils voulaient conserver. Et le “Bolchevisme athée”, — ou simplement le Bolchevisme opposé à la libre entreprise et à l’honnête propriété privée, dont notre propagande essayait de leur donner la crainte, leur paraissait, tout compte fait, moins effrayant que l’esprit de notre doctrine.

Mais il y a plus. Bien peu de ceux qui se croyaient sincèrement nos alliés et qui combattaient et mouraient avec les nôtres dans la lutte contre les valeurs anti-aryennes, avaient compris le sens véritable du message du Führer ; de

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l’appel de l’éternel Héros “contre le Temps”, qui revient d’âge en âge, quand tout semble perdu, réaffirmer l’idéal d’intégrale perfection que vivait l’impensable Age d’Or de notre Cycle. La plupart des combattants de la Légion Volontaire Française étaient des Chrétiens qui croyaient se battre pour les valeurs acceptées de la civilisation chrétienne occidentale. Robert Brasillach était profondément Chrétien, et il se rendait compte, lui, que nous étions — et sommes — “une Église”, et que cette Église ne pouvait et ne peut qu’être la rivale de celle qui a conquis l’Europe du quatrième au douzième siècle. Il préférait, d’ailleurs, semble-t-il, le Fascisme italien, et surtout espagnol, au National-socialisme allemand. C’est le côté social de l’un comme de l’autre — la camaraderie, l’entraide, la solidarité effective entre gens d’une même patrie, indépendamment de toute “philosophie”, — qui l’attirait. L’enthousiasme que lui inspirait cette fraternité nationale, sincèrement vécue, lui faisait fermer les yeux sur le “caractère païen” de l’Hitlérisme. Même parmi les nôtres — les Allemands qui avaient dès le début du Mouvement suivi la bannière à croix gammée — bien peu avaient compris ce qui se passait non pas sur le plan politique, mais sur celui des valeurs. Bien peu se rendaient compte que c’était une révolution spirituelle — une négation des valeurs anthropocentriques acceptées jusque-là par presque tous, sans discussion, depuis des siècles, et le retour aux valeurs naturelles, aux valeurs cosmiques d’une civilisation oubliée — qui était en train de s’opérer sous leurs yeux.

Quelques-uns s’en rendaient compte, se sentaient trompés dans leurs espérances de la première heure, et quittaient le Mouvement, comme Hermann Rauschning, ou le trahissaient (avec les conséquences tragiques que l’on connaît.) D’autres — une minorité — saluaient, et saluent encore, dans cette révolution sur le plan des valeurs, celle, précisément, à laquelle ils avaient eux-mêmes, plus ou moins consciemment, aspiré depuis toujours. Ceux-là sont le roc sur lequel l’Église hitlérienne est bâtie. Elle durera s’ils durent, c’est-à-dire s’ils sont capables de transmettre leur sang et leur foi à une suite ininterrompue de générations aryennes, jusqu’à la fin de ce Cycle.

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Quelles sont donc ces valeurs qui font de l’Hitlérisme une “négation de l’homme” aux yeux de presque tous nos contemporains ? Car c’est, en effet, une négation de l’homme tel que le Christianisme et Descartes et la Révolution Française nous ont appris à le concevoir. Mais n’est-ce pas, par contre, l’affirmation d’une autre conception de l’homme ?

On pourrait, philosophiquement, définir ou décrire l’Hitlérisme comme la recherche de l’éternel, dans et par l’amour et le service de la perfection tangible et vivante. La perfection d’une espèce vivante, c’est l’ “idée” de cette espèce, au sens platonicien du mot ; ou, si l’on préfère employer le langage d’Aristote, c’est

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son “entéléchie” : — ce vers quoi elle tend idéalement. Il est certain que, plus une espèce vivante est complexe — plus elle a de possibilités cachées — et plus il est difficile d’y découvrir des individus ou des groupes d’individus absolument fidèles à “l’idée” de cette espèce, c’est-à-dire parfaits. De tous les êtres visibles de notre Terre, l’homme étant celui qui présente la plus vaste gamme de possibilités, c’est chez lui que la perfection est le plus difficile à trouver. Et le critère qui permet — statistiquement, cela va de soi ; dans ce domaine toute vérité est une vérité d’ordre statistique — de parler de hiérarchie naturelle des races humaines, est la mesure dans laquelle chaque race est capable de faire de “l’idée d’homme” une réalité vivante ; de présenter, dans le visage et le corps de ses ressortissants, l’harmonie, qui est l’essence même du beau, et dans leur psychisme, les vertus qui distinguent l’homme supérieur, celui que j’ai parfois appelé “le candidat à la Surhumanité”.

J’insiste sur le fait que l’idée de “race supérieure” est statistique. Aucun de nous n’a jamais été assez bête pour croire que tous les spécimens d’une race humaine pouvaient être, du seul fait de leur appartenance à cette race, forcément “supérieurs” à tous les spécimens de toutes les autres races. Il y a des non-Aryens nettement supérieurs à certains Aryens, voire à l’Aryen “moyen”. Des saints hindous de basse caste — tel Tukaram, — ou même au-dessous de toute caste — tel Nandanar — étaient certainement plus près de l’éternel que bien des Aryens “deux-fois-nés”, surtout que bien des Aryens d’aujourd’hui, corrompus par la soif des biens matériels. Des héros japonais, tels un Yamato Daké, ou un Yashitsuné, et tant d’autres ; des chefs mongols, tels Genghis Khan, l’invincible génie, ou son lieutenant, Subodaï, l’incarnation même de la plus haute vertu militaire en même temps que le plus modeste, le plus désintéressé des hommes ; des chefs mexicains, tel Nezahualcoyotl, roi de Tezcuco, à la fois guerrier, ingénieur et poète, l’étaient aussi. Et que dire de Tlahuicol, ce guerrier tlascaltèque du milieu du quinzième siècle, qui, prisonnier des Aztèques et destiné à être sacrifié lors de la Fête du Feu, refusa la grâce et les honneurs que Montézuma ler, émerveillé à la vue de sa prouesse, lui offrait, et préféra “que la fête continuât” avec tout ce qu’elle allait comporter pour lui d’atroce, plutôt que d’accepter de servir, aux côtés des chefs ennemis, contre Tlascala ? Confronté, selon la coutume, au début de la solennité, seul, et sans autre arme qu’une épée de bois, avec cinq des meilleurs guerriers aztèques, armés d’épées de pierre, il les avait vaincus et tués — au lieu d’être terrassé par eux — ce qui lui avait valu l’admiration du prince et de toute la noblesse de Ténochtitlan, dont il rejeta l’accueil, par loyauté envers les siens. N’était-il pas nettement supérieur à certains Chrétiens, d’origine aryenne, ses contemporains d’Europe à un Commines, par exemple, traître à Charles le Téméraire, son bienfaiteur ?

Cela ne veut pas dire que, statistiquement, l’Aryen ne soit pas plus près de “l’idée de l’homme parfait”, que l’homme des autres races, même nobles, de même qu’au sein de la race aryenne elle-même, le Nordique est statistiquement le

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plus près de la même “idée”, au sens platonicien du mot. Le courage guerrier est peut-être une des vertus les plus également répandues à la fois chez l’Aryen et le non-Aryen de race pure (ou à peu près pure). Mais il y a des traits qui, s’ils ne sont l’exclusivité ni de l’Aryen ni plus particulièrement du Nordique, se rencontrent indubitablement plus fréquemment chez ce dernier qu’ailleurs. J’en citerai trois : la beauté physique, — qui compte, dès qu’on parle d’un être visible ; le fait qu’on peut compter sur lui, qu’il ne promet pas ce qu’il ne peut donner, qu’il ne ment pas (ou ment moins que la plupart des ressortissants des autres races) ; et enfin, le fait qu’il a plus de respect qu’ils n’en ont, eux, en général, pour l’animal et pour l’arbre, et plus de bonté qu’eux envers tous les êtres vivants. Et ce dernier trait me paraît essentiel. Je ne puis, en effet, considérer comme “supérieure” aucune race — aucune communauté humaine, si extérieurement belle et si douée qu’elle puisse être, — si un trop fort pourcentage des individus qui la composent, méprise et traite “comme des choses” les beaux êtres vivants qui, par nature, ne peuvent prendre position “pour” ou “contre” quelque cause que ce soit, et que, par conséquent, il est impossible de haïr. L’homme supérieur — le candidat à la surhumanité — ne peut être le tortionnaire, ni même l’exploiteur éhonté de la nature vivante. Il en sera l’admirateur — je dirai même, l’adorateur ; celui qui, pour me servir des mots d’Alfred Rosenberg, “voit le Divin dans tout ce qui vit : dans l’animal ; dans la plante” [33]. Il peut être, — il doit même être — sans merci envers l’homme ennemi de cet Ordre naturel, auquel il s’est lui-même identifié, et de la beauté de laquelle il est épris. Mais, loin d’infliger la douleur à une créature innocente, ou de permettre que d’autres l’infligent, directement ou indirectement, s’il peut les en empêcher, il fera tout ce qui dépend de lui pour que toute bête qu’il rencontre vive heureuse ; pour que tout arbre qui pousse sur son chemin échappe, lui aussi, à la barbarie innée de l’homme inférieur de l’homme prêt à tout sacrifier à son propre profit, à son propre confort, ou au profit et au confort des siens, voire de “l’humanité”.

Toute surestimation de soi-même est un signe de bêtise. Tout anthropocentrisme est une surestimation du “soi” collectif du mammifère à deux pattes, d’autant plus flagrante que ce soi-là n’existe pas ; qu’il n’y a que des “soi” collectifs, correspondant chacun à des groupes humains plus ou moins étendus et plus ou moins homogènes. D’où il découle que tout anthropocentrisme est un signe de double bêtise, — et généralement de bêtise collective.

Que nous reproche-t-on en disant que nous “nions l’homme” ? On nous reproche de rejeter l’anthropocentrisme. On nous reproche de placer la notion d’élite — d’aristocratie vivante, humaine ou non-humaine, — au-dessus de la notion d’homme quel qu’il soit, et de sacrifier non seulement le malade au sain, le faible au fort, le déficient à l’individu normal ou au-dessus de la normale, mais encore la masse à l’élite. On nous reproche de prendre l’élite de notre race

33. Cité par Maurice Bardèche dans “Nuremberg ou les faux-monnayeurs”, première Edit., p. 88.

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aryenne comme fin, et la masse (toutes les masses humaines, y compris celles de nos pays aryens) comme moyen. Et quand je dis “masse”, je ne parle pas de peuple, mais d’humanité moyenne et au-dessous de la moyenne, moins quant à ce que savent ses représentants, que quant à ce qu’ils sont : quant à leur caractère et à leurs possibilités. Notre Führer sortait “du peuple”, mais n’appartenait pas à “la masse”.

On nous reproche notre dégoût de la créature manquée, qui a irrémédiablement tourné le dos à l’archétype idéal de sa race notre horreur du morbide, du biscornu, du décadent, de tout ce qui s’éloigne sans retour de la simplicité cristalline de la forme élémentaire, de la sincérité absolue et de la logique profonde. On nous reproche notre nostalgie militante du temps où l’ordre visible du monde reflétait fidèlement l’ordre éternel — l’ordre divin ; — notre combat pour le rétablissement, à quelque prix que ce soit, du règne des valeurs éternelles — notre combat à contre-courant du Temps.

Or, comme je l’ai dit plus haut, l’homme est, de tous les vivants de la terre, le seul chez qui il y ait, et cela jusqu’au sein d’une même race, des élites et une lie physique, mentale et morale ; le seul qui, n’étant point strictement défini par son espèce, peut s’élever (et s’élève parfois) au-dessus de celle-ci, jusqu’à se confondre (ou presque) avec l’archétype idéal qui la transcende : le surhomme,… mais qui peut aussi s’abaisser (et s’abaisse, en fait, de plus en plus, à l’âge où nous vivons) au-dessous, non seulement du niveau minimum de valeur qu’on espérerait trouver dans sa race, mais au-dessous de toutes créatures animées, — de celles-là qui, prisonnières d’un instinct sûr et d’une intelligence pratique mise tout entière au service de cet instinct, sont incapables de révolte contre les lois non-écrites de leur être, en d’autres termes, de péché. On nous reproche de préférer la bête saine et belle — que dis-je ? L’arbre, sain et beau, — à l’homme déchu, (qu’il s’agisse de celui qui, né au sein d’une race inférieure en train de se rapprocher de plus en plus du singe, n’a aucune chance d’ascension vers la surhumanité, soit pour lui-même, soit en sa descendance ; ou qu’il s’agisse d’individus ou de groupes d’individus de race supérieure, mais auxquels toute possibilité d’une telle ascension est définitivement interdite, du fait de la corruption physique, psychique ou mentale — ou des trois à la fois — qu’ils ont héritée d’ascendants dégénérés, ou acquise en conséquence de la vie qu’ils ont eux-mêmes menée).

Dans la préface qu’il a écrite pour la première Edit. française des “Tischgespräche” attribués à Adolf Hitler, et publiés sous le titre de “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, le comte Robert d’Harcourt rappelle que le Führer “aimait les bêtes” et qu’il a, en particulier, “écrit des pages d’une fraîcheur charmante sur les chiens” [34]. L’académicien français met ce trait de caractère et ce fait en parallèle avec le cynisme du Chef d’État, aux yeux de qui la sagesse

34. “Libres Propos sur la Guerre et la Paix”, Edit. 1952, Préface, p. XXIII.

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politique était “en raison inverse de l’humanité” [35], “Humanité envers les bêtes”, dit-il encore ; “bestialité envers les hommes — nous avons connu ce mystère de coexistence”. Et il ajoute que ceux qui, dans les camps de concentration allemands, envoyaient leurs victimes aux chambres à gaz, “étaient les mêmes qui pansaient, avec des délicatesses d’infirmière, la patte d’un chien blessé” [36].

J’ajouterai, moi, à ces remarques d’un adversaire de l’Hitlérisme, tout ce que le Führer a fait pour l’animal (et l’arbre lui-même), dans l’esprit de l’immémoriale conception aryenne du monde : l’interdiction des trappes, ainsi que de la chasse à courre, et la restriction de la chasse, quelle qu’elle fût, dans toute la mesure où cela était encore possible dans la société allemande [37] : la suppression de la vivisection, — cette honte de l’homme —ainsi que de toutes les atrocités connectées avec l’abattage des bêtes de boucherie. L’usage du pistolet automatique était obligatoire dans tous les cas, y compris celui des porcs, et j’ai rencontré en Allemagne une paysanne qui m’a assuré avoir purgé une peine de quatre ans dans un camp de concentration, pour avoir tué un cochon au couteau, (par ladrerie pour ne pas avoir à payer l’homme auquel elle aurait dû confier l’abattage “sans douleur” de la bête). J’ajouterai que, lui-même végétarien, Adolf Hitler rêvait, en procédant par étapes, “après la guerre”, de supprimer complètement l’horrible industrie des abattoirs, même “humanisés”, il l’a, en particulier, déclaré à J. Goebbels, le 26 Avril 1942 [38]. Mais, bien loin de me choquer par leur “contraste” avec toutes les mesures d’exception prises contre des êtres humains tenus pour actuellement ou potentiellement dangereux, ces lois et ces projets m’apparaissent, à moi, comme une des gloires du Troisième Reich, et une raison de plus pour être fière de ma foi hitlérienne.

La Comte Robert d’Harcourt représente, lui, “l’opinion publique” de l’Occident en général, tant chrétien que rationaliste. Son point de vue est celui de tous ceux qui nous ont combattus, et même d’une partie de ceux qui ont collaboré avec nous, — collaboré pour des raisons étroitement politiques, malgré notre “négation de l’homme”, non pas à cause d’elle, au nom d’une échelle commune de valeurs.

On nous reproche de “nier l’homme” en placent le dernier des animaux sains, la moindre plante saine — le dernier des pissenlits, parfait, lui, à son niveau, — au-dessus du déchet humain, du débile mental, à fortiori de l’idiot, et l’aristocratie animale ou végétale, au-dessus de l’Untermensch, même apparemment “normal” ; de l’être humain sans race et sans caractère, pétri de suffisance et de lâcheté ; mesquin ; incapable de penser par lui-même, et essentiellement égoïste.

35. Idib, Préface p. XXIII.36. Idib, Préface p. XXII et XXIII.37. “Reichsjagdgesetz” ou le recueil complet des lois promulguées sous le Troisième Reich concernant la chasse.38. “Goebbels’ Diaries”, publiés après la guerre (en 1948) pas les autorities d’occupation en Allemagne ; Edit. américaine Eagle Books, trad. L. Lockuer. p. 220.

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On nous reproche de préconiser la suppression physique des déments, des “retardés profonds”, des idiots et des monstres qui, aux frais des contribuables, encombrent les asiles des pays “civilisés”, et la stérilisation des gens affligés d’une hérédité dangereuse. On nous reproche, peut-être plus que tout, d’avoir permis à des physiologues et médecins allemands d’expérimenter sur des êtres humains ennemis du Reich, tirés des camps de concentration, — alors qu’il leur était défendu de se servir de bêtes ; en d’autres termes, d’avoir eu plus d’égards pour l’animal que pour l’ennemi idéologique actuel, voire même potentiel. C’est à cela, surtout, que pensent le plus grand nombre de nos adversaires, farcis de propagande “dénazifiante” pendant plus de vingt-cinq ans, quand ils déclarent que nous “nions l’homme”.

Il s’agirait d’abord de s’entendre sur la connotation (et partant, sur la dénotation) de ce concept d’ “homme”, duquel on fait tant de cas. C’est, apparemment, la connotation qu’ils lui prêtent, qui intéresse le plus nos détracteurs. Ils appellent “homme” tout primate à station verticale, capable de langage articulé, auquel ils ‘attribuent automatiquement “la raison” et, de plus, — s’ils sont Chrétiens — “une âme immortelle créée à l’image de Dieu”. Mais ce sont la station verticale et le langage articulé — traits qui sautent aux yeux — qui renseignent, semble-t-il, ces amis de l’homme, sur la présence (moins évidente) des autres caractères, dont l’objet de leur sollicitude serait, selon eux, pourvu. En conséquence : le cas qu’ils font de tous les vivants qui présentent ces deux traits distinctifs — que dis-je ? Voire même de ceux, qui en sont totalement privés mais qui possèdent la forme humaine… . car nos adversaires placent l’idiot au-dessus de la plus belle des bêtes !

On voit, ici, une fois de plus, combien il est vrai que la dénotation d’un concept est en raison inverse de sa connotation. Ce qui, au fond, donne à nos adversaires l’impression persistante que nous “nions l’homme”, c’est que nous sommes beaucoup plus exigeants qu’eux quant à la connotation de ce terme, et que, partant, sa dénotation, à nos yeux, se rétrécit d’autant. Il ne nous suffit pas, en effet, pour accorder à un primate le nom d’homme, et le respect qui y est attaché dans les langues cultivées, que cette créature se tienne de préférence sur ses pattes de derrière, et soit capable d’émettre des sons articulés ayant, pour elle et pour d’autres, un sens. Il ne nous suffit pas, à plus forte raison, qu’elle ait, sans même présenter ces deux caractères, une silhouette vaguement semblable à celle de l’un d’entre nous. Nous voulons qu’elle possède ce minimum d’intelligence qui lui permettra de penser par elle-même, et ce minimum de noblesse qui la rendra incapable de certaines réactions devant l’obstacle, inaccessible à certaines “tentations”, imperméable à certaines influences avilissantes, et à fortiori incapable d’actes mesquins ou lâches ; d’actes laids. Nous voulons bien, sinon “aimer”, du moins respecter “tous les hommes” au même titre que nous respectons tous les beaux êtres vivants, animaux et plantes, dans lesquels nous sentons des reflets plus ou moins atténués du Divin, — de l’éternel. Mais pour

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cela, il faut qu’il s’agisse bien d’ “hommes”, au sens fort du mot. Nous sommes, prêts à respecter, en tant qu’individus, jusqu’aux gens, adversaires idéologiques, voire même ennemis de race, que nous avons : combattus collectivement hier, et que nous combattrons encore demain, — à les respecter si, pris à part, ils répondent à ce que-nous attendons de “l’homme” : s’ils allient, à une intelligence non-asservie, les qualités de caractère qui distinguent (statistiquement) les races que j’appelle supérieures — et d’abord, bien sûr, notre race aryenne — et même l’individu exceptionnellement noble des races statistiquement inférieures. Cela ne nous empêchera pas de les combattre, s’ils sont idéologiquement dangereux ; d’autant plus dangereux qu’ils ont plus de valeur intrinsèque. En d’autres termes, nous respectons comme “hommes” les gens qui, s’ils ne sont, idéologiquement, déjà des nôtres, seraient, à nos yeux, dignes de le devenir.

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Dès mon premier nouveau contact avec l’Europe, au lendemain du désastre de 1945, j’écrivais à un correspondant hindou, après avoir cité la phrase de Nietzsche sur le caractère intermédiaire de l’homme, “corde tendue entre l’animalité et la surhumanité” : — “Le fil est maintenant cassé. Il n’y a plus d’hommes sur ce continent abandonné des Dieux ; il n’y a qu’une minorité surhumaine de vrais Hitlériens, et… une immense majorité de singes”. Tel était alors le contraste entre l’éclatante élite des fidèles, que j’ai exaltée dans le premier de mes livres d’après-guerre [39] — “ces hommes d’or et d’acier, que la défaite ne peut décourager, que la terreur et la torture ne peuvent briser, que l’argent ne peut acheter,” — et le reste des Européens.

Depuis lors, j’ai vu cette précieuse minorité se renouveler peu à peu, tout en restant profondément identique à elle-même — telles les eaux d’un lac qu’alimente un fleuve. Nombre de “vieux militants” [40] des années glorieuses sont morts, et plus d’un s’est lassé d’attendre l’impossible retour de l’aube — ou de ce qu’il avait si longtemps pris pour “une aube” — de la renaissance aryenne, et, sans être mort selon la chair, s’est enlisé dans l’apathie de ceux qui n’espèrent plus alors que l’espérance leur était indispensable. Seuls sont demeurés ces Forts qui n’ont que faire d’espérance parce que, tout en contribuant par leur activité (et par la ferveur magique de leur pensée, alors que toute action leur est interdite), à l’immémorial combat contre les Puissances de désintégration, ils ont transcendé le Temps. Seuls sont restés debout ceux qui n’ont pas besoin de “croire”, parce qu’ils savent.

Et autour de ces quelques survivants du naufrage de la plus belle des races, j’ai vu, au cours de ce quart de siècle, se grouper — consciemment connue de chacun d’eux ou non, peu importe, — une élite dure et silencieuse

39. “Gold in the Furnace”, écrit en 1948 – 1949.40. “Alten Kämpfer”.

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de jeunes ; élite très peu nombreuse, sans doute, mais — ô joie ! — d’une qualité que le vaste monde hostile ne soupçonne pas, (et qu’il ne saurait altérer même si, un jour, elle s’imposait soudain à lui). J’ai vu croître, par-ci par-là, hors de ce qui peut paraître, aux yeux de l’historien, notre ruine définitive, les fruits miraculeux de l’épreuve sans pareille des garçons et des filles de vingt ans assez forts, déjà, pour se passer de l’espoir comme du succès ; assez intelligents pour comprendre une fois pour toutes que la Vérité ne dépend pas du visible. L’un d’eux [41] m’a dit, en 1956, et d’autres m’ont répété, plus de dix ans plus tard : “Je m’oppose et continuerai toute ma vie de m’opposer au courant de la décadence, persuadé que je suis de l’éternité de l’idéal hitlérien, bien que je sache qu’on ne verra plus, jusqu’à la fin des temps, l’équivalent du Troisième Reich allemand. Il faut combattre sans cesse et sans défaillance, même en se sachant d’avance submergé ; combattre, parce que c’est le devoir — la fonction — d’un Aryen de notre époque, et de toutes les époques à venir.”

J’ai alors songé aux paroles de Goebbels lancées du milieu de toute l’horreur du désastre : “Après le déluge, nous !”. Etait-ce le propre de ce désastre que de faire naître du continent dont la fausse civilisation est destinée — et combien justement ! — à être balayée, quelques jeunes (Allemands pour la plupart, mais pas nécessairement) dont la mentalité spontanée, correspondant exactement à l’enseignement de la Bhagawad-Gîta, rejoint celle du prototype même de l’Arya de toujours ? Et la résurrection, à notre époque, de l’éthique de l’imperturbable sérénité au sein même de l’action infatigable, — de la sagesse du Guerrier divin, — devait-elle résulter de la Passion de l’Allemagne ? Peut-être. S’il en est ainsi, il valait la peine de survivre au désastre, pour être témoin de cette résurrection. Il valait la peine d’errer d’année en année parmi tous les singes des “sociétés de consommation” pour s’assurer finalement, de plus en plus, que l’esprit du Chef et du Maître ne s’éclipserait pas à la mort du dernier des militants de la vieille garde, mais continuerait d’animer, dans sa dureté et sa pureté, une aristocratie spirituelle en même temps que raciale, qui n’était pas née en 1945.

Cette aristocratie spirituelle en même temps que raciale, — cette élite, consciente de l’éternité des principes de base de la doctrine d’Adolf Hitler, et vivant selon eux en toute simplicité, voilà, pour nous, “l’homme” véritable ; l’homme qui tend à la surhumanité par la discipline personnelle et collective, la sélection du sang, la culture de l’honneur ancestral et de la divine indifférence à tout ce qui n’est pas l’essentiel ; par l’humilité de l’individu devant la Race et devant l’éternité qu’elle reflète ; par le mépris de toute lâcheté, de tout mensonge et de toute faiblesse. Et je le répète : si nous découvrons quelques-unes de ces caractéristiques ailleurs que chez ceux qui confessent ouvertement ou en secret la même doctrine que nous ; si même nous en trouvons chez des gens qui nous combattent et nous détestent, ou croient nous détester parce que ne nous

41. Uwe G. né le 21 Juillet 1935.

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connaissant pas, — nous saluons, en ceux qui les possèdent, des êtres dignes de respect. Ils ont, en eux, ceux-là, l’étoffe de ce qu’ils pourraient et devraient être, mais ils ne l’utilisent pas ou l’utilisent mal. Ce sont, la plupart du temps, nos propres frères de race, ou bien des hommes d’autres races, parmi les plus douées. Quelque-chose, en eux, les rachète devant l’immanente et impersonnelle Justice qui envoie chaque être qui, à raison ou à tort, fait profession de penser, là où il mérite d’aller, et qui les a jusqu’ici empêchés, eux, — et empêchera toujours nombre d’entre eux, de glisser et de s’enfoncer dans cette masse qui ne sent ni ne pense selon sa propre loi ; dans la majorité simiesque de l’humanité qui, pareille aux liquides ou aux substances pâteuses, prend la forme des récipients qui la contiennent, ou la marque du sceau qui l’a, une fois pour toutes, frappée.

J’ai, au cours de ce quart de siècle, peu à peu redécouvert cette catégorie de gens, que mon choc atroce avec l’Europe d’après-guerre avait d’abord soustraits à mon attention : les hommes de bonne volonté ; les braves gens qui tiennent leur parole, et sont capables d’une bonne action qui ne leur rapporte rien ; qui, par exemple, sortiraient de leur chemin pour secourir une bête, sans, pour autant, être capables de sacrifices extrêmes, voire d’action soutenue, quotidienne, totale, au bénéfice de qui que ce soit. Ce ne sont pas des Forts, — et sûrement pas “des nôtres”. Mais ce ne sont pas des “singes”. Dans un tri intelligent, il faudrait les épargner. Parmi leurs enfants, il pourrait se trouver de futurs militants de l’Hitlérisme — comme de son contraire. Une lecture, une conversation au moment crucial, un rien, peut décider de l’évolution de chacun d’eux. Il faut être prudent : ne pas mépriser ce qui est sain, mais ne pas non plus perdre son temps et son énergie en essayant de retenir sur la pente ce qui, de toute façon, est prédestiné — condamné par nature — à sombrer dans la masse des non-pensants ; masse “utilisable” parfois, mais jamais respectable et à fortiori jamais aimable.

Ce n’est pas “l’homme” au sens où nous l’entendons, l’homme, candidat valable à la surhumanité vraie ; — ce n’est pas non plus le “brave homme”, sain de corps et d’âme, foncièrement honnête et bon, bien disposé envers tout ce qui vit, que nous “nions”. En d’autres termes, ce n’est pas à lui que nous refusons plus de “dignité” et partant plus de considération qu’à une simple chose ; pas à lui, mais à cette caricature d’homme, de plus en plus commune dans le monde au milieu duquel nous vivons. C’est elle que nous refusons d’englober dans la dénotation du concept d’ “homme”, pour la simple raison qu’elle n’en a pas la connotation, c’est-à-dire qu’elle ne possède pas les qualités et capacités essentielles qui servent tout naturellement d’attributs dans les jugements possibles où le mot “homme” est employé comme sujet.

Tout jugement dans lequel un concept est employé comme sujet, est forcément un jugement hypothétique. Dire que “l’homme pense”, ou qu’il est un “être pensant”, c’est dire que si un individu quelconque est “un homme” — s’il possède la station verticale, la parole, etc., s’il s’ensuit qu’il est aussi capable de

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penser. Au cas où il n’en serait pas capable, la station droite et le mot articulé, et les autres traits qui accompagnent ceux-ci, ne suffisent pas à le définir, — et n’obligent personne à le traiter comme “un homme”. Or, un individu ne pense pas s’il vous déclare, le plus sérieusement du monde, qu’une information est “certainement exacte” parce qu’elle lui a été transmise par son appareil de télévision, ou surtout qu’un jugement de valeurs doit “certainement” être accepté, parce qu’il en a, lui, lu l’énoncé dans un journal, une revue ou un livre, ou sur une affiche, peu importe où pourvu que ce soit quelque part en caractères d’imprimerie ! Il ne “pense” pas plus que ne le fait un gramophone dont l’aiguille suit fidèlement les spires gravées sur un disque. Changez le disque, et la machine changera de langage, — ou de musique. De même, changez les émissions de la télévision, que des millions de familles suivent tous les soirs de l’oreille et des yeux ; changez les programmes de la radio ; payez la presse pour qu’elle imprime une autre propagande, et encouragez la publication d’autres revues et d’autres livres, et en trois mois vous changerez les réactions d’un peuple — de tous les peuples — aux mêmes événements, aux mêmes personnalités politiques ou littéraires, aux mêmes idées. Pourquoi, grands Dieux, traiterions-nous en “hommes”, — en “roseaux pensants” — ces millions de gramophones de chair et de sang qui ne “pensent” pas plus que leurs confrères de métal et de bakélite ? Ceux-ci ne peuvent penser, et ce serait une absurdité que de le leur demander. Ils n’ont ni cerveau ni nerfs. Ce sont des objets. L’individu — le mammifère à deux pattes — qui vient me soutenir mordicus que “six millions” de Juifs, hommes, femmes et enfants, ont trouvé la mort dans les chambres à gaz des camps de concentration allemands, et qui se fâche, si je lui démontre que ce nombre a un zéro de trop (ou peut-être même deux), est pire qu’un objet. Il a un cerveau, mais ne s’en sert pas, ou ne s’en sert que pour s’abrutir chaque jour davantage, en refusant toute occasion d’exercer le peu d’esprit critique qu’il possède encore après plus de quarante ans de conditionnement anti-hitlérien (ce genre de propagande a commencé déjà avant 1933 ; entre 1920 et 1930. J’étais alors en Europe et m’en souviens — et et comment !). De plus, il a l’impertinence de trouver à redire chez autrui, ou chez les hommes d’autrefois, à la “foi aveugle” — la confiance absolue en un enseignement ou en un maître. Il blâme les gens “du Moyen Age” (ou s’en moque), parce qu’ils croyaient sans discuter tout ce que l’Église leur disait et tout ce qui est écrit dans les Evangiles, comme si l’autorité de l’Église et des Evangiles ne valait pas celle de la télévision, ou de la revue “Match” — ou “Bild”. Il refuse d’admettre, parce que la propagande qu’il a ingurgitée lui a dit le contraire, que nous ne sommes pas — que, du moins, ceux d’entre nous qui comptent, ne sont pas, et n’ont jamais été — “des conditionnés”.

Pourquoi, alors, lui accorderais-je plus de “respect” qu’à un objet, — surtout depuis que, précisément à cause de son endoctrinement à peu près parfait, il est devenu pour moi, pour la cause que je sers — totalement inutilisable ? et si de plus, il n’est même pas bon ? si je sais, pour l’avoir vu à l’œuvre, qu’il n’hésiterait pas à arracher une branche d’arbre qui le gêne, ou à lancer une

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pierre à un chien ? Pourquoi, — au nom de quoi — me croirais-je obligée de le “préférer” au chien qu’il a un jour blessé, ou à l’arbre qu’il a mutilé en passant ? Au nom de sa “dignité humaine” ? Belle dignité que celle d’un gramophone vivant et malfaisant, dangereux ; capable d’infliger gratuitement la souffrance et de créer de la laideur ! Je la nie, cette “dignité”-là. Dira-t-en que je dois l’aimer “parce qu’il est mon frère” ? L’arbre et le chien et tous les êtres vivants, beaux et innocents, qui n’ont, eux au moins, pas d’idées, ni les leurs propres ni celles de la télévision, sont mes frères. Je ne sens nullement que cet individu-là le soit davantage que l’un quelconque d’entre eux. Pourquoi lui donnerais-je, alors, la priorité sur eux ? Parce qu’il marche — comme moi — sur ses pattes de derrière ? Ce n’est pas là à mes yeux, une raison suffisante. Je me moque de la station verticale quand elle ne va pas de pair avec une vraie pensée, et un ‘vrai caractère d’homme supérieur ; un caractère d’où toute méchanceté, toute petitesse sont exclues. Et quand le mot articulé ne sert qu’à exprimer des idées qui n’ont été ni créées ni découvertes par celui qui croit les avoir, mais reçues telles qu’elles, toute faites — et fausses par surcroît — je lui préfère, et de loin, le silence des animaux et des arbres.

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L’HISTOIRE, L’ACTION ET L’ INTEmPOREL

« Le Temps, l’Etendue et le NombreSont tombés du noir firmament,Dans la mer immobile et sombre.

Suaire de silence et d’ombre,La nuit efface absolument

Le Temps, l’Etendue et le Nombre. »

Leconte de Lisle (‘‘Villanelle’’. Poèmes Tragiques)

T’es-tu parfois préoccupé de la fuite irrémédiable des heures, et de l’impossibilité d’en remonter le cours ? Et as-tu senti combien nous sommes prisonniers du temps, en tout ce qui concerne notre expérience sensible ? — prisonniers de l’espace, certes, puisque nous sommes des corps matériels, même si nous ne sommes pas que cela, et qu’un corps ne se conçoit pas indépendamment de sa position par rapport à des points de repère, mais bien davantage encore prisonniers du temps, puisqu’une succession temporelle est forcément orientée, et ne se vit que dans un sens du passé, figé dans son irrévocabilité, vers l’avenir, peut-être tout aussi irrévocable mais appréhendé comme une indéfinité de situations possibles, — de virtualités plus ou moins probables — tant qu’il n’est pas devenu “présent”, c’est-à-dire, en fait, passé ; histoire définitive ?

Il y a, certes, une limite aux possibilités qu’a un corps de chair et de sang, — et de nerfs — comme le nôtre, de parcourir l’espace. Des hommes sont arrivés — au prix, il est vrai, d’énormes inconvénients, mais enfin sont arrivés, dans certaines conditions, — à quitter le champ d’attraction de la Terre, dont ils avaient été jusque-là les captifs, et à s’élancer au-delà. Oh, pas très loin ! Jusque sur la Lune, c’est-à-dire dans le voisinage le plus immédiat de notre planète. (Soit dit en passant que ce sont des Aryens — un Aryen surtout, le mathématicien von Braun, — qui ont rendu possible cet exploit, et d’autres Aryens qui l’ont

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accompli). Ce n’est qu’un début. Mais ce “premier pas” permet “tous les espoirs”, disent les experts qui ont étudié la question. Ce qu’ils appellent pompeusement “la conquête de l’espace”, ne serait qu’une affaire de progrès technique, donc d’étude et de patience.

Il y a, malgré tout, semble-t-il, une limite. Car si le progrès technique est indéfini, l’espace physique l’est aussi. Il est imprudent de faire, dans ce domaine, des prédictions. Qui aurait pu affirmer, il y a seulement quelques décades, que des hommes verraient un jour effectivement notre Terre “se lever” et “se coucher” — énorme disque lumineux, bleu et blanc, sur fond noir — à l’horizon lunaire ? Il me paraît quand même bien peu probable que l’homme puisse jamais s’aventurer hors de notre système solaire, si vaste, à notre échelle, si infime, à celle du cosmos. Mais il reste certain que, même s’il demeure pour toujours impossible dans la pratique de franchir une limite (que nous ignorons encore), nous pouvons malgré tout concevoir, imaginer une expansion indéfinie dans ce sens. Au-delà de la dernière limite atteinte — qu’elle soit à l’intérieur du système solaire ou plus loin — il y aura toujours “de l’étendue” ; une distance non-parcourue que l’on “pourrait parcourir si… .” on possédait des moyens plus puissants. Il n’y a pas de limite théorique. L’espace, c’est essentiellement ce qui peut être parcouru, — et cela, dans tous les sens. Il n’y aurait, au fait, pas de limite pratique pour un hypothétique explorateur qui n’aurait besoin ni de se nourrir ni de dormir (qui ne s’userait pas) et qui dirigerait un appareil de transport pouvant, lui aussi, se passer indéfiniment de renouveler son énergie motrice. Et même s’il n’est pas, même s’il ne peut jamais être matériellement réalisable, on peut imaginer un tel voyage qui durerait toujours, à travers l’espace.

Par contre on sait que, même aidé de la plus excellente mémoire, il est impossible de remonter effectivement le temps et, même aidé de beaucoup d’intuition politique et de psychologie individuelle et collective, d’en suivre le cours au-delà de demain, voire même de “ce soir”. J’ai mentionné plus haut l’irrévocabilité du passé, que l’on peut oublier, certes, ou que l’on peut déformer — que l’on déforme forcément, même alors qu’on essaye de le reconstruire impartialement, — mais qu’on ne peul changer ; qui est désormais hors d’atteinte, comme imprimé pour toujours dans une immense mémoire impersonnelle et infaillible : la mémoire de l’Univers ; hors d’atteinte, mais aussi hors de portée, inconnaissable, car non directement revivable.

On entend souvent dire que “le passé n’est rien” ; que “ce qui n’est plus est comme s’il n’avait jamais été”. Je n’ai, pour ma part, jamais pu comprendre cette assimilation du donné vivant d’hier et d’avant-hier à un pur néant. Sans doute ai-je trop de mémoire. Ce n’est pas l’absence du passé — l’impossibilité de la “rattraper” — qui me frappe le plus, mais au contraire son éternelle présence, — l’impossibilité d’en altérer le moindre détail. Ce qui est fait, ou dit — ou pensé — a été fait, ou dit, ou pensé. On peut faire autre chose ; dire autre chose ; diriger sa pensée dans une tout autre direction. Mais cet “autre

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chose”, cette pensée “convertie” (tournée dans un autre sens) sont de nouveaux irrévocables, qui se superposent aux premiers sans les détruire. J’ai, aussi loin que je puisse me souvenir, toujours senti cela. Tout enfant, je fréquentais une école “libre”, une école catholique, et suivais avec les autres petites filles les leçons de catéchisme. On nous y disait, entre autres choses, que “Dieu peut tout”. Ayant chaque fois réfléchi après une telle déclaration, je me hasardai un jour à demander la parole, et dis, dès que je fus libre de m’exprimer : “Je suis aujourd’hui venue en classe à huit heures du matin, heure de Lyon. “Dieu” peut-il faire en sorte que cela ne soit plus vrai, mais que je sois venue, disons, à huit heures et demie, toujours heure de Lyon, cela va sans dire ? Peut-il changer ce qui est passé ?”. Et l’institutrice n’ayant pu répondre à ma question de façon à satisfaire mon jeune esprit, je me détachai un peu plus de l’idée de ce “Dieu” trop humain qu’on me présentait — Dieu dont la choquante partialité envers “l’homme” avait commencé, dès l’aube de ma vie, à me repousser. Et l’irrévocabilité du passé — de l’instant présent, dès qu’il est tombé dans le passé — me hanta toujours : source de joie, source d’inquiétude ; connaissance précieuse, puisqu’elle a dominé la conduite de ma vie.

Plus de quarante ans plus tard, — en 1953, — je devais écrire un “poème en prose” dont chaque stance finit par les mots : “While we never forget ; never forgive” — “car nous n’oublions jamais ; ne pardonnons jamais”. J’y évoquais le souvenir de cette gloire que fut le Troisième Reich allemand, et aussi mon amertume (et celle de mes camarades) à la pensée de la persécution sans répit des nôtres, et de tous les efforts faits après la Seconde Guerre mondiale pour tuer notre foi hitlérienne. L’attitude n’était pas, chez moi, nouvelle. A huit ans, quelques mois à peine avant la Première Guerre, n’avais-je pas une fois déclaré que je “détestais le : Christianisme parce qu’il fait à ses fidèles un devoir de pardonner”, révoltée que j’étais à l’idée de “pardon” accordé aux enfants coupables d’avoir torturé des insectes ou quelqu’autres bêtes sans défense, ainsi qu’aux grandes personnes auteurs d’atrocités gratuites, à quelqu’époque que ce soit, pourvu que l’action lâche, et partant dégradante, ait été suivie d’un repentir, même tardif ?

Le pardon, — ou l’oubli — peut changer du tout au tout les rapports entre les gens, d’à partir du moment où il est donné de bon cœur, et total. Il ne peut changer ce qui est, une fois pour toutes, stéréotypé dans le passé. Il n’est même pas certain que les rapports entre individus et entre peuples s’amélioreraient tellement, si les premiers se mettaient à pratiquer le pardon des offenses, tant légères que graves, et si les seconds supprimaient, soudain, chez leurs jeunes, l’enseignement de l’histoire. Ils cesseraient de se haïr pour les raisons pour lesquelles ils se détestent ou au moins s’opposent, aujourd’hui. Mais étant donnée la nature humaine avec ses convoitises, sa vanité et son égoïsme, ils se découvriraient bientôt d’autres prétextes d’inimitié. (Les animaux ont la mémoire courte, — et combien ! Chaque génération, ignorante des cruautés répétées de

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l’homme, est prête à lui faire de nouveau confiance, et, dans le cas de bêtes domestiques, à lui vouer cet amour inconditionné, dont seuls sont capables des êtres qui ne raisonnent pas. Et pourtant,… cet oubli total n’améliore en rien la conduite des hommes envers le reste des vivants. L’oubli de l’histoire n’aurait-il pas, entre hommes cette fois, un résultat, ou plutôt un manque de résultat analogue ?).

De toute façon, aucun “recommencement”, même heureux, ne peut obnubiler ce qui s’est produit une fois. Avoir été, ne fût-ce qu’une fois, c’est, d’une certaine manière, être à jamais. Oubli ni pardon, ni même la succession indéfinie des millénaires, — n’y peut rien. Et les événements les moindres — les moindres à notre échelle — sont aussi indélébiles que ceux que nous considérons les plus importants. Tous “existent” également à la manière des choses “passées” — passées aux yeux d’individus qui ne peuvent vivre leur expérience que selon un “avant” et un “après”.

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Sans doute la notion d’ “existence” irrévocable du passé, ne procure-t-elle qu’une bien maigre consolation aux gens tourmentés de la nostalgie des époques “heureuses”, vécues ou imaginées. Le Temps refuse de “suspendre son vol” à la supplication du poète enamouré de la beauté fugitive — qu’il s’agisse d’une heure de communion silencieuse avec la femme aimée (et, à travers elle, et au-delà d’elle, avec l’harmonie des sphères), ou d’une “heure de gloire”, c’est-à-dire de communion, dans l’éclat des fanfares ou le bruit des armes, ou le rugissement des foules frénétiques, avec l’âme de tout un peuple et, à travers elle et au-delà d’elle, encore et toujours, avec le Divin —un autre aspect du Divin.

Il, est possible, parfois, et généralement sans avoir fait pour cela un effort spécial de mémoire, de revivre, comme dans un éclair, un moment de son propre passé, et cela, avec une intensité incroyable, comme si la conscience de soi était soudain hallucinée sans que les sens ne le soient le moins du monde. Un rien, — une saveur, bien actuelle, comme celle de la “petite madeleine” que cite Proust, dans sa célèbre analyse du “revécu” ; une odeur furtive, autrefois respirée ; une mélodie qu’on avait crue oubliée, un simple son comme celui de l’eau tombant goutte à goutte, — suffit à mettre, pour un instant, la conscience dans un état qu’elle “sait” être le même que celui qu’elle a connu, des années et parfois des décades, plus d’un demi-siècle auparavant ; état d’euphorie ou d’inquiétude, voire d’angoisse, selon le moment resurgi comme par miracle de la brume du passé, — moment qui n’avait pas cessé d’ “exister” à la façon des choses révolues, mais qui prend tout à coup la netteté et le relief d’un présent, comme si un mystérieux projecteur, braqué sur lui, l’éclairait du jour de l’actualité vivante.

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Ces expériences sont toutefois rares. Et s’il est possible de les provoquer, elles durent peu, même chez les gens capables d’évoquer leurs souvenirs avec une très grande puissance. Et puis, elles ne concernent, sauf cas tout à fait exceptionnels et d’ailleurs, la plupart du temps, discutables, que le passé personnel de celui qui “revit” tel état ou tel épisode, non le passé historique. Or il y a des gens que l’histoire de leur peuple — même celle d’autres peuples, — intéresse bien plus que leur propre passé. Et, quoique des savants, dont c’est là le métier, réussissent à reconstituer tant bien que mal, à partir de vestiges et de documents, ce qui, à première vue, apparaît comme “l’essentiel” de l’histoire, et quoique certains érudits étonnent parfois leurs lecteurs ou leurs auditeurs par le nombre et la minutie des détails qu’ils connaissent sur les habitudes de tel personnage, les intrigues de telles chancelleries, ou la vie quotidienne de tel peuple disparu, il n’en demeure pas moins certain que le passé du monde civilisé — le plus facile à saisir, pourtant, puisqu’il a laissé, lui, des traces visibles, — nous échappe. Nous le connaissons indirectement, et par bribes, que nos investigateurs s’efforcent de mettre ensemble, à la manière d’un jeu de patience dont il manquerait la moitié ou les trois quarts des cubes. Et même si nous en possédions tous les éléments, nous ne le connaîtrions encore pas, parce que connaître, c’est vivre, — ou revivre — et qu’aucun individu soumis à la catégorie du Temps ne peut vivre l’histoire. Ce que cet individu peut, tout au plus, connaître directement, c’est-à-dire vivre, et ce dont il peut ensuite se souvenir, parfois avec une hallucinante netteté, c’est l’histoire de son époque dans la mesure où il a lui-même contribué à la faire ; en d’autres termes, c’est son histoire à lui, située dans un ensemble qui la dépasse et souvent l’écrase.

C’est sans doute là une histoire plus vraie que celle que reconstruiront un jour les savants. Car ce qui paraît être “l’essentiel” d’une époque, étudiée à travers des documents et des vestiges, ne l’est pas. L’essentiel, c’est l’atmosphère d’une époque, ou d’un moment au sein d’une époque : atmosphère qui seule peut être saisie à travers l’expérience directe qu’en a celui qui la vit : celui dont elle baigne l’histoire personnelle. Guy Sajer, dans son livre admirable “Le Soldat oublié”, nous a donné l’essentiel de la campagne de Russie de 1941 à 1945. Il a su mettre dans ses pages une telle force de suggestion, justement parce que, cette campagne de Russie, il l’a faite — à côté de milliers d’autres, dans les rangs de la Wehrmacht, puis de la division d’élite “Grossdeutschland” ; parce qu’elle représente une franche de sa propre vie. Quand, dans trois mille ans, des historiens voudront avoir une idée de ce que fut la Seconde Guerre mondiale, sur ce front particulier, ils en acquerront une bien plus juste en lisant le livre de Sajer (qui mérite de survivre) qu’en essayant de reconstituer, à l’aide de documents sporadiques impersonnels, l’avance et la retraite des armées du Reich. Mais, je le répète, ils en acquerront une idée, pas une connaissance, une idée, un peu à la manière dont nous en avons aujourd’hui une du déclin de l’Egypte sur la scène internationale, à la fin de la Vingtième Dynastie, à travers ce qui nous reste du savoureux rapport de Wenamon, envoyé spécial de Ramsès

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XI (ou plutôt du grand-prêtre Hrihor) auprès de Zakarbaal, “roi” de Guébal, ou Gubla, que les Grecs appellent Byblos, en 1117 avant Jésus-Christ.

Rien ne nous donne plus intensément l’expérience de ce que j’ai appelé dans d’autres écrits la “servitude du Temps”, que cette impossibilité où nous sommes de laisser voyager notre “moi” dans le passé historique que nous n’avons pas vécu, et dont nous ne pouvons donc pas “nous souvenir”. Rien ne nous fait sentir notre isolement au sein de notre époque, comme notre incapacité de vivre directement, à volonté, telle autre époque, dans tel pays ; de voyager dans le temps comme nous voyageons dans l’espace. Nous pouvons visiter toute la terre telle qu’elle est aujourd’hui, non la voir telle qu’elle fut autrefois. Il nous est impossible, par exemple, de nous plonger effectivement dans l’atmosphère du temple de Karnak — voire même seulement d’une rue de Thèbes — sous Thotmosé III ; de nous trouver à Babylone au temps d’Hammurabi, — ou chez les Aryas, avant qu’ils ne quittassent la vieille patrie arctique ; ou au milieu des artistes en train de peindre les fresques dans les grottes de Lascaux ou d’Altamira, aussi réellement que nous sommes quelque part sur terre à notre époque, après nous y être rendus à pied ou en voiture, par le train, en bateau ou en avion. Et cette impression de barrière définitive, — ou de voile, qui laisse deviner quelques contours mais nous interdit à jamais une vision plus précise, — est d’autant plus pénible, peut-être, que la civilisation que nous aimerions connaître directement est chronologiquement plus près de nous, tout en étant qualitativement plus différente de celle au milieu de laquelle nous sommes forcés de demeurer.

L’histoire m’a toujours fascinée ; l’histoire du monde entier, dans toute sa richesse. Mais il m’est particulièrement pénible de savoir que je ne pourrai jamais connaître directement l’Amérique précolombienne,… en allant y vivre pour quelque temps ; qu’il ne sera jamais plus possible de voir Ténochtitlan, ou Cuzco, telles que les Espagnols ont vu ces villes pour la première fois, il y a quatre cent cinquante ans, ou moins, c’est-à-dire hier. Adolescente, j’ai maudit les conquérants qui ont changé la face du Nouveau Monde. J’aurais voulu que personne ne découvrît celui-ci afin qu’il demeurât intact. On aurait alors pu le connaître sans remonter le cours du temps ; le connaître tel qu’il était à la veille de la conquête, ou plutôt tel qu’une évolution naturelle l’aurait peu à peu modifié au cours de quatre ou cinq siècles, sans en détruire les traits caractéristiques.

Mais il va sans dire que mon vrai tourment, depuis le désastre de 1945, a été de savoir qu’il m’était désormais impossible d’avoir une expérience directe de l’atmosphère du Troisième Reich allemand, dans laquelle je n’ai pas, hélas, vécu. (Croyant qu’elle devait durer indéfiniment, — qu’il n’y aurait pas de guerre ou que, s’il y en avait une, l’Allemagne hitlérienne en sortirait victorieuse, — j’avais la fausse impression que rien ne me pressait de retourner en Europe, et que, de plus, j’étais “utile” à la cause aryenne, là où je me trouvais). Maintenant que tout est fini, je songe avec amertume qu’on pouvait, il y a trente ans seulement [42], se

42. Ceci a été écrit en 1969 ou 1970.

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plonger immédiatement sans l’intermédiare de textes, d’images, de disques, ou de récits de camarades, dans cette ambiance de ferveur et d’ordre, de puissance et de mâle beauté, qui fut celle de la civilisation hitlérienne. Trente ans ! Ce n’est pas “hier”, c’est aujourd’hui ; c’est “il y a quelques minutes”. Et j’ai la sensation d’avoir manqué de très près et la vie et la mort — la mort glorieuse, au service de notre Führer — qui auraient dû être les miennes.

Mais on ne “remonte” pas plus cinq minutes que cinq cent mille ans, ou cinq cent millions d’années, dans l’inaltérable passé, devenu “éternité” — existence intemporelle. Et il est aussi impossible d’assister aujourd’hui au Congrès du Parti National-socialiste de Septembre 1935, qu’il l’est de parcourir la terre à l’époque où elle semblait être devenue pour toujours le domaine des grands sauriens ; impossible… sauf pour l’un de ces très rares sages qui se sont, par l’ascèse, — la transposition de la conscience — libérés des liens du temps.

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Il est à noter que la nostalgie du passé est à peu près universelle — pas la nostalgie de la même époque, sans doute ; et pas forcément celle d’un passé historique, que l’individu n’a appris à admirer que par le témoignage d’autres hommes. Il y a des gens qui sacrifieraient volontiers les trois quarts d’une expérience chèrement acquise, pour redevenir jeunes — beaux, et pleins de santé ; pleins d’enthousiasme, aussi, dans l’ignorance de tout ce que la société humaine leur réservait. La plupart voudraient pouvoir, sans artifice, garder leur corps et leur visage de vingt ans, — ou de dix-huit — et la force joyeuse de la jeunesse, sans avoir à payer ces trésors de la perte de leur expérience ; pouvoir retenir et la sagesse de l’âge et la fraîcheur, la santé et la force de la jeunesse. Mais chacun sait que cela est impossible — aussi impossible que de se replacer effectivement à une époque quelconque de l’histoire.

A tout prendre, il est douteux qu’il y aurait avantage à redevenir jeune au prix de la perte de l’expérience accumulée : on donnerait dans les mêmes erreurs, on commettrait les mêmes fautes, étant redevenu ce qu’on avait été ; et on ne jouirait pas de la comparaison entre les deux âges, ayant perdu toute conscience de l’état de vieillesse.

Il est certain, aussi, que “retourner à Thèbes au temps de Thotmosé III” serait devenir un Egyptien, voire un étranger en Egypte, de cette époque, donc incapable d’apprécier le privilège de s’y trouver, et regrettant probablement le temps des grands. Pharaons bâtisseurs de pyramides. Ce que désirent vraiment tous ceux qui aspirent à se replacer dans le passé, c’est de s’y replacer sans perdre leur mentalité actuelle et le souvenir de notre époque, sans lequel aucune comparaison n’est pensable, et aucun “retour en arrière” n’a, en conséquence, d’intérêt. Mais leur aspiration paraît alors absurde. L’est-elle en effet si, au lieu de s’en tenir à son contenu, on considère ce que j’appellerai sa signification ?

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Mis à part le dix-neuvième siècle — le dix-neuvième siècle moins ces “dissidents” de génie que sont Nietzsche, Richard Wagner, et, en France, Leconte de Lisle et quelques autres peut-être, — il y a, je crois, peu d’époques aussi gonflées que la nôtre d’elles-mêmes, de leur science, et surtout de leurs réalisations techniques. Il y a deux domaines sur lesquels une intense propagande, à l’échelle mondiale, attire l’attention des foules, afin de leur inculquer l’orgueil du présent : celui des “conquêtes spatiales” et celui des progrès de la médecine et de la chirurgie, — le second, plus encore peut-être que le premier. On tient, apparemment, à rendre tous les ressortissants des “sociétés de consommation” fiers, autant que se peut, d’être à la fois “de plus en plus malades et de mieux en mieux soignés”, et à faire adopter, au moins aux “intellectuels” des pays dits sous-développés, l’idéal humanitaire et utilitaire des sociétés de consommation, ainsi que leur préoccupation du présent et d’un avenir orienté dans le même sens que celui-ci.

Eh bien, malgré cette propagande qui, en Europe, commence à l’école primaire, que constate-t-on, si on pose à des élèves de quatorze ou quinze ans, comme sujet de composition, française, la question : “A quelle époque et où aimeriez-vous vivre, si vous aviez le choix ?”. Les trois quarts de la classe déclarent préférer à leur temps quelqu’époque passée. Je le sais, pour en avoir maintes fois fait l’expérience. Et les réponses seraient tout aussi concluantes, sinon plus, si l’on s’adressait non à des jeunes, mais à des adultes. Il y a presque toujours un passé que chacun tient, de son point de vue, pour meilleur que le siècle dans lequel il vit. Les points de vue étant différents, les époques choisies ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Mais elles appartiennent toutes — ou presque toutes — au passé. On dirait que, malgré les réalisations stupéfiantes de notre temps, dans le domaine technique (et dans celui de la science pure, il faut bien le dire), et malgré l’énorme publicité donnée à ce progrès, il subsiste partout une immense nostalgie de ce qui ne peut revenir ; et qu’une insurmontable tristesse, que l’ennui ne suffit pas à expliquer, plane sur le monde. Et, — qui plus est — il semble qu’aussi loin que l’on puisse par la pensée remonter en arrière, il en a toujours été ainsi.

Je le disais plus haut : l’Egyptien du temps de Thotmosé III, c’est-à-dire de l’époque où son pays était au faîte de la gloire, regrettait probablement le temps où avaient été bâties les grandes Pyramides, — et celui de ce temps-là… l’époque où les dieux eux-mêmes gouvernaient la Vallée du Nil. Tous les peuples antiques, chez qui la Tradition était encore vivante : Germains, Celtes, Hellènes, Latins, Chinois, Japonais, Amérindiens, — ont eu la nostalgie du règne des Dieux, en d’autres termes de l’aube du cycle temporel près de la fin duquel nous vivons aujourd’hui. Et les peuples plus jeunes, même qu’ils aient oublié l’enseignement des sages et qu’ils fassent profession de ne plus croire en rien sinon en la puissance de la science humaine, source de progrès indéfiniment accru, ne peuvent se défendre de la conscience d’un manque, impossible à expliquer, — manque

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qu’aucun bien-être matériel, non plus qu’aucun perfectionnement des techniques de la jouissance, ne peut combler.

De temps en temps, — de plus en plus rarement, d’ailleurs, à mesure que le monde succombe à l’emprise des “civilisations” de consommation, — apparaît un sage (tel, par exemple, René Guénon ou Julius Evola) qui dénonce dans ses écrits la vraie nature de l’insatisfaction universelle, ou un poète (tel, quelques décades auparavant, Leconte de Lisle) qui la rappelle en mettant dans la bouche d’un personnage des paroles aux résonances magiques, qui semblent venir du fond des âges :

“Silence ! Je revois l’innocence du monde,J’entends chanter encor aux vents harmonieux

Les bois épanouis sous la gloire des cieux ;La force et la beauté de la terre féconde

En un rêve sublime habitent dans mes yeux.Le soir tranquille unit, aux soupirs des colombes,Dans le brouillard doré qui baigne les halliers,

Le doux rugissement des lions familiers ;Le terrestre Jardin sourit, vierge de tombes,

Aux anges endormis à l’ombre des palmiers.”

et plus loin, dans le même poème, [43]

“Eden, ô le plus cher et le plus doux des rêves,Toi vers qui j’ai poussé d’inutiles sanglots ...”

C’est l’évocation de l’impensable Age d’Or de toutes les traditions antiques, — et de celles qui en dérivent ; le rappel du temps où l’ordre visible reflétait l’ordre éternel, sans distorsion ni bavure, à la manière d’un miroir parfait. Et c’est aussi le cri de désespoir de celui qui se sent emporté malgré lui toujours plus loin de ce monde idéal, mais inaccessible parce que passé ; qui sait qu’aucun combat “contre le Temps” ne le lui rendra. C’est l’expression de la nostalgie universelle de l’aube glorieuse de notre cycle, et de celle de tous les cycles, — nostalgie qui se traduit dans la vie quotidienne par cette tendance de tous les hommes, ou presque, y compris de la plupart des jeunes eux-mêmes, à préférer au moins un visage du passé au présent de plus en plus décevant.

Celui qui déclare qu’il aurait aimé vivre à une autre époque que la sienne ne sait pas ce qu’il dit. Il est probable que s’il pouvait, même en gardant sa personnalité présente et le souvenir de la laideur de son temps, se transporter effectivement en un passé de son choix, il ne tarderait pas à en être déçu. Une fois émoussé l’effet de contraste, il commencerait à remarquer tout ce qui, vu de près, le choquerait dans ce passé, que l’éloignement lui permettait d’idéaliser. Ce qu’il cherche en réalité, ce à quoi il aspire sans le savoir, c’est ce seul âge de

43. Leconte de Lisle, dans le poème “Qaïn” des Poèmes Barbares.

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notre cycle (comme de tous les cycles) qui, étant l’image fidèle de l’ordre divin, la perfection visible, reflet de l’Invisible parfait, ne saurait être “idéalisé” par aucune perspective flatteuse ; le seul qui ne puisse décevoir.

Toute nostalgie individuelle du passé couvre et exprime l’immense regret universel de l’Age d’Or, ou Age de Vérité (le Satya Yuga des Ecritures sanscrites). Toute mélancolie de l’homme mûr ou du vieillard, à la pensée de sa propre jeunesse, symbolise elle aussi, au degré le plus bas, la nostalgie de la jeunesse du monde, latente chez tous les vivants, et de plus en plus intense chez quelques hommes, dès qu’un cycle temporel approche de sa fin.

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L’avenir, personnel ou historique, est aussi impénétrable, aussi impossible à vivre, que le passé. Nous pouvons tout au plus, en raisonnant par analogie, ou en nous laissant porter par le rythme de l’habitude, déduire ou imaginer ce qu’il sera dans l’immédiat. Nous pouvons dire, par exemple, que la route sera demain couverte de verglas puisqu’il vient de pleuvoir ce soir et qu’ensuite le thermomètre s’est brusquement mis à descendre au-dessous de zéro centigrade ; ou que le prix des denrées va augmenter puisque les grévistes des services de transport ont obtenu satisfaction ; ou que tel magasin, “ouvert tous les jours sauf le lundi”, sera ouvert jeudi prochain. Par contre, il est totalement impossible à quiconque n’est qu’un homme de prévoir à quoi ressemblera l’Europe dans trois mille ans, de même que personne ne pouvait, à l’âge du Bronze, se représenter l’aspect actuel du même continent, avec des cités industrielles à à la place de ses antiques forêts.

Cela ne veut pas dire que l’avenir n’ “existe” pas déjà d’une certaine façon, en tant que seul ensemble de virtualités destinées à se réaliser, et que cette “existence” ne soit pas aussi irrévocable que celle du passé. Pour une conscience libérée de la servitude de l’ “avant” et de l’ “après”, tout existerait au même titre, l’avenir comme le passé, dans ce que les sages appellent l’ “éternel Présent”, — l’intemporel. Prédire un état ou un évènement futur, ce n’est pas le déduire de données connues, au risque de se tromper (en omettant de tenir compte de certaines données cachées, voire inconnaissables) ; c’est le voir, à la manière dont un observateur, assis dans un avion, saisit un détail du paysage terrestre, au milieu de beaucoup d’autres qu’il appréhende ensemble, alors que le voyageur sur le sol ne peut, lui, le distinguer qu’au cours d’une succession dont il fait lui-même partie, “avant” tel autre détail ; “après” tel autre. En d’autres termes, ce n’est que vu de “l’éternel Présent” que ce que nous concevons, — nous, prisonniers du Temps, — comme une possibilité discutable, devient un véritable fait ; un “donné”, aussi irrévocable que le passé. C’est une affaire de perspective — et de clairvoyance (même contemplé de haut, un paysage est plus net pour l’observateur doué d’une bonne vue. Mais il suffit qu’on le domine pour

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en avoir une vision d’ensemble, que l’homme au sol ne possède pas, quelque rapides que puissent être ses déplacements).

L’histoire relate que le 18 Mars 1314 Jacques de Molay, avant de monter au bûcher, assigna “au tribunal de Dieu” les deux hommes responsables de la suppression de son Ordre : le Pape Clément V, “dans un mois”, et le roi Philippe le Bel, “dans l’année”. Les deux hommes sont morts dans les délais fixés, ou plutôt vus dans l’optique de l’éternel présent par le dernier Grand Maître des Chevaliers du Temple. Et plus de dix-huit cents ans plus tôt, Confucius, interrogé par ses disciples sur l’influence qu’aurait son enseignement, leur aurait, dit-on, répondu que celui-ci “dominerait la Chine pendant vingt-cinq siècles”. A cinquante ans près, il disait vrai. Il avait, lui-aussi, et dans cette même optique du sage qui s’est élevé “au-dessus du temps”, vu, du commencement à la fin, une évolution qu’aucun calcul ne pouvait faire prévoir.

Mais je le répète : le sage capable de transcender le temps est déjà plus qu’un homme. L’avenir, déjà “présent” pour lui, qu’il lit, demeure, dans la conscience soumise à l’ “avant” et à l’ “après”, quelque chose qui se construit à chaque instant, en prolongement du présent vécu ; qui devient à chaque instant présent, ou plutôt passé, le “présent” n’étant qu’une limite mouvante. Inaltérable, il l’est, sans doute, tout comme le passé, puisqu’il existe de rares consciences qui peuvent vivre l’un et l’autre à la manière d’un présent. N’empêche que, tant qu’il n’est pas devenu passé, il est senti, par l’homme qui vit au niveau du Temps, comme dépendant plus ou moins d’un choix de tous les moments. Il n’y a que le passé dont la conscience liée au Temps ait la certitude qu’il est donné, irrévocablement ; — résultat d’un ancien choix, peut-être, (si tel on le croit), mais qu’il est trop tard de vouloir modifier, de quelque manière qu’on s’y prenne.

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“Mais si”, me dira-t-on, “dans l’optique de l’homme au-dessus du Temps, l’avenir est “donné” au même titre que le passé, que deviennent les notions de liberté et de responsabilité ? Si un sage est capable de voir, des siècles à l’avance, jusqu’à quand une doctrine civilisatrice est destinée à conserver son crédit auprès d’un ou de plusieurs peuples, à quoi sert-il de militer “pour” ou “contre” quoi que ce soit ?”

Je crois qu’il y a, en réponse à cela, quelques remarques à faire. Il y a d’abord à préciser que toute action — dans le sens où nous l’entendons quand nous parlons de “combat” et de “militants”, ou quand nous avons en vue les gestes de la vie de tous les jours, — est intimement liée à la notion de temps (de temps, pour le moins, sinon, par surcroît, d’espace). Il faut noter ensuite que les concepts philosophiques de liberté et de responsabilité n’ont de sens qu’en connection avec une action, directe ou indirecte, — actuelle ou possible, voire même matériellement impossible à diriger ou à modifier de la part de

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celui qui la conçoit, comme c’est, par exemple, le cas de toute action pensée rétrospectivement, — mais toujours avec une action, qui aurait pu ou dû être pensée. Il faut enfin bien comprendre qu’en conséquence de ceci, ces notions n’ont plus de sens quand, de l’état temporel, on s’élève à celui de la conscience hors du temps.

Pour celui qui se place dans “l’éternel présent”, c’est-à-dire hors du temps, il n’est question ni de liberté ni de responsabilité, mais uniquement d’être et de non-être ; de possibilité et d’absurdité. Le monde que nous voyons et sentons, que d’autres ont vu et senti ou bien verront et sentiront, — ensemble de possibilités indéfinies qui ont pris ou qui prendront corps, — est tout simplement ce qu’il est et, vue la nature intime de chacune des existences limitées (individuelles) qui le composent, ne saurait être autre chose. La conscience au-dessus du Temps le “voit”, mais n’en fait pas partie, dût-elle même y redescendre parfois, en tant qu’instrument clairvoyant d’une action nécessaire.

Les êtres qui, privés du mot, donc de l’idée générale, ne peuvent penser, agissent, mais ne sont pas responsables. Ils se comportent chacun selon sa nature, et ne pourraient se comporter différemment. Et “être libre”, pour eux, consiste sommairement à ne pas être contrariés dans la manifestation de leur spontanéité au-dans l’exercice de leurs fonctions, par quelque force extérieure à eux : à ne pas être enfermés entre quatre murs ou entre les grillages d’une cage ; à ne porter ni harnais ni muselière ; à ne pas être attachés, ou privés d’eau ou de nourriture, ou de l’accès aux individus de même espèce et de sexe opposé, et — dans le cas des plantes — à ne pas être privées d’eau, de terre et de lumière, et à ne pas être déviées dans leur croissance par quelqu’obstacle. On peut ajouter que la plupart des humains ne sont, bien que pouvant parler, ni plus libres ni plus responsables que la plus humble des bêtes, ou même des plantes. Ils font, exactement comme le reste des vivants, ce que leurs instincts, leurs appétits, et la sollicitation du moment les poussent à faire, et cela, dans la mesure où les obstacles et contraintes extérieurs le leur permettent. Tout au plus, nombre d’entre eux se croient-ils responsables, pour avoir entendu répéter que c’est là “le propre de l’homme”, et se sentent-ils, dans leurs “habitations à leurs moyens” — entre le frigidaire, la machine à laver et le poste de télévision — ainsi que dans les usines et les bureaux où ils passent huit heures par jour sous l’aveuglante lumière au néon, moins captifs que les malheureux tigres du Jardin Zoologique. (Ce qui tend seulement à montrer que les tigres sont plus sains qu’eux de corps et d’esprit, puisqu’ils ont conscience, eux, de leur captivité, et qu’ils en souffrent.)

La liberté [44] et la responsabilité sont à chercher à des degrés différents entre ces plans extrêmes que sont soit l’action dans le temps sans pensée, soit la conscience hors du temps, sans action, ou accompagnée d’une action

44. Il s’agit, naturellement, ici, de la liberté au sens où ce mot est généralement compris, non de la “liberté” au sens métaphysique où l’entend par exemple René Guénon.

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complètement détachée, impersonnelle, accomplie en accord avec une nécessité objective. En d’autres termes, d’une manière absolue, personne n’est “libre”, si “liberté” signifie pouvoir d’orienter l’avenir à sa guise. L’avenir est apparemment tout orienté, puisqu’il existe de rares sages qui le connaissent d’avancé, ou plutôt qui l’appréhendent comme un “présent”. Mais il est indéniable que l’homme de bonne volonté qui vit et pense dans le temps, a, chaque fois qu’il a une décisions à prendre, l’impression de choisir entre deux ou plusieurs possibilités ; qu’il a l’impression que l’avenir, tout au moins dans son cours immédiat, — et aussi dans son cours lointain, s’il s’agit d’une décision de portée historique évidente — dépend en partie (et parfois en totalité, à l’échelle de notre Terre) de lui. Ce n’est, sans doute, qu’une impression. Mais c’est une impression d’une telle ténacité qu’il est impossible de n’en pas tenir compte, du point de vue psychologique. Elle fait tellement partie de l’expérience de tout homme à l’âme un tant soit peu complexe, qui doit agir dans le temps, qu’elle persiste, même si cet homme est renseigné d’avance — soit par une invincible intuition, soit par l’évidence des faits qui se succèdent, soit par quelque prophétie à laquelle il donne créance, — sur ce que sera l’avenir malgré son action personnelle.

Parfois même, si son âme est moins complexe, c’est-à-dire, en l’occurrence, moins divisée contre elle-même, l’agent qui pressent, voire qui sait quel sera l’inéluctable cours des événements, se décidera — et cela, sans qu’il soit besoin, pour lui, de “délibérer”, — en faveur de l’action la plus inutile du point de vue pratique. Téjas, dernier roi des Ostrogoths en Italie, savait qu’il était désormais impossible aux siens de demeurer les maîtres de la péninsule. Cela ne l’a pas empêché de se lancer sans la moindre hésitation dans la lutte contre Byzance et de trouver, à la fameuse “bataille du Vésuve” — en 563 — une mort digne de lui. On lui prête les paroles historiques, qui, même s’il ne les a pas effectivement prononcées, rendent bien son attitude : “Il ne s’agit pas, pour nous, de quitter ou de ne pas quitter l’Italie ; il s’agit de la quitter avec ou sans honneur”. Paroles d’un seigneur et… paroles d’un homme “contre le Temps”, c’est-à-dire vaincu d’avance sur le plan matériel.

On peut dire qu’à mesure que se déroule ce que les Ecritures sanscrites appellent l’Age Sombre, et qu’un cycle temporel approche de sa fin, de plus en plus de seigneurs — à la fois au sens biologique et au sens psychologique du mot — sont des hommes “contre le Temps”, vaincus d’avance sur le plan matériel. Ils ne s’en sentent pas moins “libres” dans leur choix spontané de l’acte pratiquement inutile. L’impression de liberté n’est donc pas du tout liée à l’hésitation et à la “délibération” avant la décision. Elle est liée à la capacité qu’a l’agent d’imaginer un avenir différent de celui qui découlera de son acte, — celui, en fait, qu’il voudrait voir s’en découler, si cela était possible — et à l’illusion qu’il a d’être lui-même source et principe de cet acte, alors qu’il n’est que l’instrument de réalisation de possibilités seules destinées, dans notre monde du temps, à passer du virtuel à l’actuel, parce qu’existant déjà, à l’état d’actualités, dans

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l’ “éternel Présent”. En d’autres mots, cette impression de libertê est liée à la fois à la pensée de l’agent, et à son ignorance. Pour l’homme qui agit dans le temps, la vraie liberté consiste en l’absence de contrainte extérieure ou intérieure (c’est-à-dire provenant des contradictions profondes de son “moi”), et en la paternité totale du “moi” par rapport à la décision et à l’acte. L’ignorance de cet avenir qui découle en partie parfois de l’acte, — mais qui peut n’en pas découler du tout, dans le cas d’un acte pratiquement inutile — peut aider certains hommes à agir. (N’a t-on pas dit que le fait de savoir d’avance le sort qui attendait toute leur civilisation avait brisé le ressort des chefs de l’Amérique du seizième siècle, tant Aztèques qu’Incas, au point de les empêcher de résister aux Espagnols aussi vite et aussi vigoureusement qu’ils auraient pu le faire, s’ils n’avaient jamais eu connaissance des prophéties de destruction ?). Elle peut donner l’illusion d’une absence de contrainte — à savoir de l’absence de la contrainte du Destin — et permettre ainsi l’éclosion de l’espérance, qui est une puissance d’action.

Mais, comme je l’ai dit plus haut, les Forts n’ont pas besoin de ce secours pour accomplir ce que, leur dicte le sens de l’honneur, lequel est toujours la conscience d’une fidélité à un Chef, ou à une idée, ou à tous les deux, et du devoir que cela implique. Même en pleine connaissance que l’avenir leur échappe, que leur vérité bien-aimée demeurera désormais sous le boisseau, et cela, indéfiniment, ils se décideront pour l’action, inutile, certes, mais honorable ; pour l’action belle, fille de tout ce qu’il y a de plus permanent, de plus fondamental dans leur “moi” de seigneurs, action dont ils seront rigoureusement responsables et qu’ils ne regretteront jamais, parce qu’elle est “eux”.

Ils peuvent, certes, imaginer un avenir différent de celui qu’ils n’envisagent qu’avec horreur ou dégoût, et auquel toute leur attitude les oppose. Mais ils ne peuvent pas s’imaginer eux-mêmes en train d’agir différemment. Il n’y a, chez eux, ni “délibération” oiseuse, ni choix, mais réaction de tout leur être en face de l’alternative élémentaire : être soi, ou se nier soi-même ; nécessité interne — exactement comme chez le sage “au-dessus du Temps”, quand celui-ci agit. La seule différence est que chez ceux qui ne “voient” pas encore l’avenir du point de vue de l’éternel, cette nécessité interne ne se confond pas forcément avec celle qui régit le cosmos visible et invisible, et l’Etre lui-même, au-delà de ses manifestations. Elle peut, par accident, se confondre avec elle. Mais elle peut aussi, les sages étant rares, et un grand caractère ne se mettant pas toujours — hélas ! — au service d’une idée vraie, d’une cause éternelle, ne représenter que la fidélité de l’action au “moi” de l’agent. Cela suffit à rendre l’agent absolument responsable. Car on est responsable de tout ce avec quoi on se sent solidaire : d’abord de sa propre action, dans la mesure où celle-ci exprime son vrai “moi” ; et puis, des actions de tous ceux avec qui on est lié par une foi commune. Tant pis pour l’homme qui donne son énergie à une doctrine qui l’éloigne de l’éternel au lieu de l’en rapprocher ! Aucune valeur de l’individu en tant que tel, aucune noblesse de caractère ne peut rendre vraie une idée

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fausse, et objectivement défendable une cause centrée sur des idées fausses ou des demi-vérités.

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Celui qui s’est haussé au-dessus du temps et qui, malgré cela, — ou à cause même de cela, s’il se sait quelque mission à accomplir — juge bon d’agir dans le temps, agit avec la sûreté des êtres qui ne choisissent pas ; avec celle de la plante qui croît au soleil, que dis-je ?, avec celle de l’aimant qui attire le fer, ou des corps qui se combinent pour donner les composés qu’étudie la chimie. Avec la conscience par surcroît, certes ; mais sans délibération ni choix, puisqu’il “sait” clairement, et qu’il n’y a de choix que pour la conscience qui ne sait pas, ou qui ne sait qu’imparfaitement. (On ne “choisit” pas entre les deux jugements “Deux et deux font quatre” et “Deux et deux font cinq”. On sait que le premier est vrai, le second, faux. On ne “choisit” pas, non plus, de penser qu’un objet est blanc, si on le voit tel. On se sent dans l’impossibilité de porter sur lui tout jugement qui en exclurait la “blancheur”.)

Qu’est-ce qui peut inciter à la décision celui qui est encore prisonnier du temps, — qui ne “sait” donc pas, qui ne “voit” pas, ce que sera l’avenir à la création duquel il contribue, et qui a, lui, l’impression de “choisir” son action ? Qu’est-ce qui peut l’inciter alors surtout que, s’il ignore tout de l’avenir, il sait pourtant que celui-ci se déroulera contre lui, et contre tout ce qui lui est le plus cher au monde, et que son action, à lui, est, sur le plan pratique, parfaitement inutile ? Qu’est-ce qui pouvait soutenir dans leur comportement des hommes tels que Téjas, dernier roi des Goths en Italie ? ou tels que ces princes et guerriers amérindiens, qui, malgré le décret de leurs propres Dieux, déchiffré dans le ciel par les sages de leur pays, ont tout de même, bien que trop tard, lutté — et avec quel héroïsme désespéré — contre les Espagnols ? ou, plus près de nous, tels que ces milliers d’Allemands et d’Aryens du monde entier [45] qui, quand bien même qu’ils savaient que tout était perdu, quand bien même qu’il ne restait, du grand Reich national-socialiste, que quelques mètres carrés pilonnés par l’artillerie russe, continuaient de se battre, un contre cinq cents, comme des lions ? Qu’est-ce qui peut bien soutenir dans leur action, dans leur refus de céder, dans leur défi, dans leur attitude inutile, non pas ces martyrs qui entrevoient, au-delà de la mort, un avenir de béatitude qui les dédommagera des pires supplices en ce monde, mais ces fer vents de toutes les causes perdues qui, eux, n’ont d’espérance ni en ce monde ni en un autre, — qui, même, ne sont pas assez éclairés pour s’imaginer le triomphe de leur vérité à l’aube d’un cycle temporel futur et qui, humainement parlant, devraient avoir l’impression de combattre, de souffrir et de mourir pour rien ? Que peuvent-ils opposer à ce néant, qui vaille tous les sacrifices ?

45. Entre autres les Français, membres de la Waffen S.S., qui ont défendu Berlin jusqu’au bout.

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Ils peuvent lui opposer — et lui opposent, sans doute, ne fût-ce que dans leur subconscient, — la seule certitude qui demeure quand tout le reste s’écroule : celle de l’irrévocabilité du passé. Il ne s’agit plus, pour eux, de l’avenir de leur peuple et du monde, sur lequel ils n’auront aucune influence. Il s’agit encore moins de leur avenir personnel, qui a depuis longtemps cessé de les intéresser. Il s’agit de la beauté du moment qu’ils vont vivre, tout de suite, dans une seconde, dans une heure, peu importe quand ; il s’agit de la beauté de ce moment que représente, dans le temps sans fin, la dernière scène de leur combat, moment qui, dès qu’il aura été vécu, revêtira cette inébranlable stabilité, qui est l’essence même du passé ; qui “existera” encore, à la façon du passé tout entier, dans des millions et des milliards d’années, quand il n’y aura plus, depuis longtemps, sur terre, aucune mémoire qui s’en souvienne, — quand il n’y aura plus de terre ; plus de système solaire ; quand tous les mondes visibles d’aujourd’hui auront cessé d’exister matériellement. Ils sentent que ce moment est tout ce qui dépend encore d’eux ; tout ce qui leur soit encore donné de créer. Ils sentent qu’il est en leur pouvoir de faire qu’il soit beau, ou laid : beau, s’il s’insère dans la structure même de leur être, tel le détail parfait qui couronne une œuvre d’art, la dernière phrase parfaite d’une composition musicale. sans laquelle celle-ci serait tronquée, manquée, coupée dans son élan ; laid, s’il la contredit, s’il la trahit ; si, loin de la compléter et de la couronner, il lui ôte sa valeur ; s’il la détruit, à la façon dont un dernier coup de pinceau peut changer un sourire en rictus, ou dont une goutte de liquide impur peut souiller, détruire à jamais, le plus exaltant des parfums. Ils sentent, — ils savent — qu’il dépend d’eux de faire qu’il soit beau ou laid, suivant qu’il proclamera, et cela pour l’éternité, leur honneur ou leur honte ; leur fidélité à leur vraie raison d’être, ou leur reniement. (Car qu’est-ce que renier, dès qu’ils deviennent impopulaires, des principes qu’on a professés, un roi ou un chef qu’on a prétendu aimer et servir tant qu’il y avait quelqu’avantage tangible à le faire ? Ce n’est pas prouver qu’on “s’était trompé de voie”, — sinon, on en aurait changé plus tôt — mais c’est montrer qu’on ne tient pour valant la peine d’être recherchés que le confort et les jouissances achetables, et qu’on est incapable d’allégeance désintéressée, non seulement envers les chefs qu’on a trahis, mais envers qui que ce soit ; qu’on n’a ni honneur ni courage, en d’autres mots, qu’on n’est pas “un homme”, même si on a forme humaine. Car un lâche n’est pas un homme.)

L’horreur d’une éternité de laideur — car le recul de l’homme d’honneur devant l’action ou l’attitude avilissante, n’est pas autre chose, — est peut-être plus déterminante encore que l’aspiration du fidèle, vaincu sur le plan matériel, à demeurer lui-même au-delà de la défaite. En fait, s’il est rare qu’un homme se connaisse avant que les circonstances ne lui aient révélé sa vraie échelle de valeurs, du moins se connaît-il, dans une certaine mesure, négativement. S’il ne sait pas, en général, de quoi il est capable, du moins a-t-il, — et cela, apparemment, dès l’éveil en lui de la conscience de lui-même — une idée ou un sentiment assez net de quelques actions qu’il ne saurait jamais accomplir ; de

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quelques attitudes qui ne pourraient jamais être les siennes, quelles que fussent les circonstances. L’homme de bonne race recule spontanément devant l’action ou l’attitude dégradante. Il sent qu’une fois accomplie, ou prise, — une fois devenue partie intégrante du passé, désormais inchangeable — elle le marquerait pour l’éternité, autrement dit le souillerait et l’enlaidirait irrémédiablement. Et c’est contre cette projection de son “moi” dégradé, — contre ce contraste entre la noblesse, la beauté qu’il sent en lui, et l’image qu’il se fait de la laideur, inséparable de toute lâcheté, que revêtirait Son être déchu — qu’il se révolte. Tout, plutôt que cela ! Tout, plutôt que de devenir un objet aussi repoussant ! — et cela pour toujours, car aucune contrition ne peut effacer ce qui a une fois été ; aucun pardon ne peut changer le passé.

Et ce que l’on peut dire du vaincu de ce monde qui agit “contre le Temps”, — c’est-à-dire inutilement, du point de vue de son entourage hostile, — est vrai de ceux-là, aussi, à qui toute action proprement dite est défendue, sans qu’ils aient forcément, eux non plus, transcendé le domaine temporel, et qui continuent de vivre, jour après jour, pendant des années et des décades, dans l’esprit d’une doctrine à contre-courant du Temps. Ils laissent, par le seul déroulement de leur existence, à l’expression de plus en plus entravée, une page indélébile de l’Histoire non-écrite. Le plus humble d’entre eux pourrait se réclamer d’une parenté spirituelle, lointaine, sans doute, mais indéniable, avec certaines figures illustres : avec une Hypatie, dans l’Alexandrie du quatrième et du cinquième siècle, de plus en plus gagnée au Christianisme ; un Pleuthon, au quinzième, dans l’ambiance, tout imprégnée de théologie chrétienne, de l’Hellénisme byzantin. Il pourrait, à ses moments de dépression, songer à tous ceux qui, dans une inactivité forcée, à peu près complète, — ou un fantôme d’activité, que leurs persécuteurs s’ingénient à rendre inutile [46] — continuent, dans une captivité indéfinie, d’être les plus éloquents témoins de leur foi. ( Je pense, moi, en écrivant ces lignes, à Rudolf Hess et à Walter Reder, enfermés, le premier trente ans déjà, ou presque, le second vingt-sept, derrière les barreaux d’une prison. [47]). Il pourrait avec raison se dire qu’il est, que ses frères dans la foi sont, et cela pour toujours ; que tout ce qu’ils représentent est prolongé en eux, déjà dans notre monde visible et tangible. L’Hellénisme antique vit en Pleuthon, ainsi qu’en quelques autres hommes du quinzième siècle, dans la mesure où ceux-ci en ont gardé l’esprit. De même la “vraie Allemagne”, c’est-à-dire celle qui a, dans l’Hitlérisme, retrouvé son esprit de toujours, vit dans la cellule de Rudolf Hess — et plus invinciblement que partout ailleurs, certes, puisque le captif de Spandau est l’un des initiateurs spirituels du Mouvement plus-que-politique que représentait “le Parti” à ses origines, et probablement l’un des co-initiés du Führer. Elle vit aussi, — leur vérité et leur vision, — chez Walter Reder et chez tous les fidèles Allemands encore captifs, s’il en est, au même titre que dans les

46. Les légumes et les fruits que l’on permettait aux “sept” de Spandau de cultiver, étaient. à maturité, systématiquement détruits. Personne n’en profitait !47. Cette phrase a été écrite en Décembre 1970.

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immortelles figures de l’irrévocable passé que sont, par exemple, le Docteur J. Goebbels et son épouse, entraînant dans leur éclatant trépas, plutôt que de survivre au Troisième Reich, les six enfants qu’ils avaient donnés à celui-ci. Je ne mentionne pas le Führer lui-même, dont toute la vie est celle de l’Homme à la fois “hors du Temps” et “contre le Temps” — “hors du Temps”, si on le considère du point de vue de la connaissance, “contre le Temps” (contre le courant de décadence universelle, de plus en plus évident en notre fin de cycle), si on en parle du point de vue de l’action.

Mais j’ajouterai que, à moins qu’on ait comme lui transcendé le Temps par la conscience directe de “la signification originelle des choses” [48], il n’est pas possible d’entraîner, ne fut-ce que pour quelques brèves années, des millions de gens dans un combat contre la tendance générale de la manifestation temporelle, surtout près de la fin d’un cycle. Celui qui, encore prisonnier de “l’avant” et de “l’après”, ne peut en toute objectivité rattacher son action ou son attitude à la “signification originelle des choses”, ne se justifie que par la beauté de cet épisode de l’Histoire non-écrite qu’est, et que demeurera, même inconnue à jamais, sa propre histoire. La conscience de cette beauté de quelque chose que rien ne peut plus détruire, est pour l’individu ce qu’il y a de plus exaltant — d’autant plus que toute beauté est, même s’il ne s’en rend pas compte, le rayonnement d’une vérité cachée.

Mais en tant qu’expérience vécue, elle ne concerne que lui et ceux qui acceptent les mêmes valeurs. Elle peut être suffisante pour lui. Pour beaucoup d’entre eux, déjà, ce passé immuablement beau ne sera bientôt qu’un passé. Seul celui qui, s’étant élevé hors du Temps, sait que son action “contre le Temps” reflète la vérité de toujours — la vérité, dont la Source est l’ordre divin — peut transmettre à des multitudes non pas cette vérité, (qui est incommunicable, et qui, d’ailleurs, ne les intéresserait pas) mais sa foi en l’action nécessaire ; sa conviction qui son combat contre les valeurs inversées, mais longtemps prêchées et acceptées, contre les idées erronées, contre le renversement des hiérarchies naturelles, est le seul digne de tous les sacrifices. Seul il le peut parce qu’il y a, chez lui, en même temps que la joie du combat, même pratiquement inutile, au nom d’une idée vraie, la vision de notre cycle historique, à sa place au cours du déroulement rythmé indéfini de tous les cycles, dans “l’éternel Présent” ; parce qu’il y a, dans l’objectivité de cette vision, une lumière capable de se projeter ne fût-ce qu’un instant — quelques années, — sur notre monde, comme un reflet annonciateur de l’aube du prochain cycle ; une force capable un instant de le retenir dans sa course à la désintégration.

Les multitudes sont séduites par cette lumière, et sentent cette force, — mais pas pour longtemps. Toute masse est, par nature, inerte. L’homme de vision que fut Adolf Hitler a, pour un temps, attiré à lui les foules privilégiées, comme l’aimant attire le fer. Celles-ci ont senti qu’elles avaient pour chef un Dieu — un

48. “der Ursinn der Dinge”, (“Mein Kampf”, édit. 1935 p. 440.)

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homme en contact avec “le sens originel” — éternel — “des choses”. Mais elles ne l’ont pas compris. Lui disparu, elles sont redevenues des foules modernes. Elles sont restées, toutefois, marquées dans leur substance du souvenir d’une expérience unique, et empreintes d’une immense nostalgie : une nostalgie que le tourbillon de la vie hantée par l’idée de l’argent, de la production, du confort et sursaturée de plaisirs achetables, ne peut dissiper. On m’a dit que plus de treize mille jeunes se suicident tous les ans, dans la seule Allemagne occidentale.

Il y a, heureusement, aussi une jeunesse qui, sachant pleinement qu’elle ne verra jamais, elle, l’équivalent de ce que fut le Troisième Reich, vit avec courage et conviction la foi à contre-courant du temps — la foi en l’éternité de la Race, symbole concret de l’éternel au-delà du monde visible et transcendant — dont le Führer lui a laissé la garde dans son testament dit “politique”. Elle la vit avec courage et sans espoir, à la manière des Forts qui n’ont besoin ni de soutien ni de consolation. Quand ces jeunes, qui ont maintenant douze, quinze ou dix-huit ans, seront devenus des vieux et des vieilles, ceux d’entre eux qui seront demeurés indéfectiblement fidèles tous les jours de leur existence, — en pensée, par leur silence ; dans leurs discours, toutes les fois que cela leur aura été possible ; par leur comportement dans les “petites” choses comme dans les grandes, — ceux-là, dis-je, pourront, même sans jamais s’élever au-dessus de l’ “avant” et de l’ “après”, considérer cette page de l’Histoire non-écrite que représentera leur vie, et en être contents comme d’une œuvre de beauté. A cette page, leurs enfants en ajouteront une autre. Et la foi se transmettra.

Il y a, enfin, quelques très rares fidèles qui, sentant dans l’enseignement du Führer une doctrine plus-que-politique, s’attachent à son étude afin de découvrir ce qui, indépendamment de la guerre perdue et de l’hostilité tenace du monde entier, conditionné par l’ennemi, en fait l’inébranlable valeur. Ceux-là se rendent peu à peu compte que l’Hitlérisme — le racisme aryen dans son expression d’hier et d’aujourd’hui — n’est, si on l’examine dépouillé des contingences qui en ont marqué l’éclosion, rien autre qu’une voie, qui implique chez son Fondateur la vision, chez tous ceux qui le suivent en esprit, l’acceptation, des vérités métaphysiques à la base de toutes les traditions antiques, autrement dit de la vérité suprême. Et ils s’efforcent de se rapprocher du Chef disparu, en se rapprochant de Celui qu’il était en effet : de Celui qui, dans la Bhagawad-Gîta, enseigne au Guerrier aryen le mystère de l’union au Soi infini, à travers l’action violente, dépourvue de tout attachement ; de Celui qui revient d’âge en âge combattre “pour la Justice”, c’est-à-dire pour la restauration de l’ordre divin, contre le courant du Temps. En d’autres termes, ils cherchent l’éternel, sûrs que là seulement ils le retrouveront.

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V I

D EV E LO P PE m E N T T E C H N I QU E E T T R A D I T I O N

« Plus de fracas sonore aux parois des abîmes ;Des rires, des bruits vils, des cris de désespoir.

Entre des murs hideux, un fourmillement noir,Plus d’arceaux de feuillage aux profondeurs sublimes. »

Leconte de Lisle (“La Forêt vierge” ; Poèmes Barbares.)

Depuis le désastre de 1945 on entend parier du “monde libre” et de “l’autre,” c’est-à-dire du monde où règne la Démocratie et de celui qui est dominé par le Communisme, — la seule idéologie totalitaire dont les fervents soient au pouvoir où que ce soit, après la destruction du Troisième Reich allemand.

Je te dirai ce que je pense de chacun de ces mondes ennemis. Leurs différences, qui sont superficielles, te frappent au point de détourner ton attention de leurs ressemblances, que dis-je ? de leurs affinités, qui, elles, sont profondes. Et on t’a parlé et on continue de te parler de ces différences et d’y insister, afin que tu ne te rendes pas compte où on te conduit. Et on te répète que tu n’aurais “pas été plus libre” sous le régime hitlérien tel que l’Allemagne l’a connu pendant douze ans, que tu ne le serais aujourd’hui sous un totalitarisme marxiste, quel qu’il soit. On te le répète en vue de t ôter d’avance toute nostalgie possible de ce régime que nous, — qui l’avons admiré et soutenu, — présentons comme basé sur le “travail dans la joie”.

S’il existe quelque chose de certain, c’est bien que, dans le monde dit “libre” tout au moins, — je n’ai pas vécu dans l’autre, et ne le connais que par les critiques d’une propagande hostile et les louanges que lui prodigue sa propre propagande, — pas une personne sur dix-mille ne travaille “dans la joie”, et cela parce que pas une sur dix-mille n’aime vraiment son gagne-pain, ou son “état”, pour parler comme autrefois. Elle ne l’aime pas, et à juste titre. Car l’activité qu’elle est tenue d’avoir, durant tout le temps qu’elle vend, afin de pouvoir vivre, à un employeur individuel, un employeur collectif (une société anonyme, par

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exemple), ou à l’État, est, le plus souvent, si rébarbative, si ennuyeuse, qu’il est, avec la meilleure volonté impossible de l’aimer. Et cela est d’autant plus général qu’une société est techniquement plus avancée, c’est-à-dire qu’elle est plus mécanisée. Que l’on songe seulement aux milliers d’ouvriers qu’un sort sinistre a condamnés au travail “à la chaîne” : à la répétition indéfinie, huit heures sur vingt-quatre, du même geste facile et dépourvu de toute utilité sentie (puisque l’ouvrier ne voit jamais le produit achevé, — automobile, avion ou machine perfectionnée — à la fabrication duquel chacun de ses gestes monotones a contribué) ; d’un geste sans signification réelle pour celui qui l’accomplit. Que l’on songe à la femme, assise dans quelque “box” au pied d’un escalier du métro”, qui, elle aussi, tous les jours, huit heures sur vingt-quatre, poinçonne des billets, semant autour d’elle autant de confettis beiges qu’il y a de gens qui débouchent de l’escalier pour aller s’engouffrer dans les wagons à portières automatiques qui les attendront quelques secondes, toutes les deux ou trois minutes. Que l’on songe à la “dactylo” qui “tape” à longueur de journées, des lettres dont le contenu ne l’intéresse pas et ne peut l’intéresser.

On pourrait allonger indéfiniment la liste des travaux qui, de par leur nature même, ne peuvent avoir d’intérêt pour personne. Le nombre de telles corvées “indispensables” à l’économie d’une société moderne ne dépend pas du régime politique sous lequel vivent les gens, mais uniquement du degré de mécanisation des rouages ale la production et de l’échange. Et s’il est quelquefois possible d’en supprimer une ou deux, en remplaçant une personne par une machine — par exemple, par une poinçonneuse automatique de billets, comme il en existe maintenant dans les autocars d’Allemagne et de Suisse, — on ne parviendra jamais à les supprimer toutes. L’évolution des techniques en créera d’ailleurs de nouvelles : il faudra des ouvriers pour fabriquer les pièces des machines “dernier modèle”. Et il faudra que ces nouvelles machines fonctionnent sous le surveillance de quelqu’un. Or il est impossible de rendre intéressante, — et encore moins aimable, — la tâche qui consiste à produire ad infinitum des pièces, toutes identiques, ou à surveiller une machine, toujours la même. Et si on se représente cette tâche accomplie à la lumière aveuglante des tubes au néon, et dans le bruit continuel (ou avec un fond sonore de musique légère et de chansonnettes, plus irritant encore, pour certaines oreilles, que n’importe quel vrombissement de machines), on conviendra que pour un nombre croissant d’hommes et de femmes, le gagne-pain est une corvée, sinon, un supplice.

Mais il n’y a pas que les travaux ennuyeux en soi, et par cela même épuisants malgré la facilité qui les met à portée du premier venu. Il y a ceux qui, sans doute, intéresseraient certaines gens, mais qui n’intéressent pas une proportion considérable des salariés qui les exécutent, et cela, ou bien parce que ces salariés n’ont pas choisi leur activité professionnelle, ou bien parce qu’ils l’ont choisie pour de mauvaises raisons. Et la question se pose : comment se fait-il qu’à une époque où (dans le “monde libre” au moins) on met une telle emphase

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sur les “droits de l’individu” et où, dans les pays techniquement avancés, il existe tant d’institutions dont le but est précisément d’aider les parents à orienter leurs enfants dans la voie où ceux-ci doivent être à la fois les plus heureux et les plus utiles, comment se fait-il, dis-je, qu’il y ait une telle foule de mécontents, de “ratés”, d’aigris, de déracinés et de déclassés, en un mot de gens qui ne sont pas là où ils devraient être, et ne font pas ce qu’ils devraient faire ?

La réponse présuppose un certain nombre de constatations, dont la première est qu’il est impossible de demander à une masse, même de race supérieure, de résister longtemps, — voire seulement quelques décades — à la pression de son environnement. Il est certainement faux d’affirmer avec Karl Marx que l’homme n’est pas autre chose que ce que son milieu économique fait de lui. L’hérédité raciale et l’histoire entrent pour une part dans la formation de la personnalité des individus et des peuples. Cela est indéniable. Mais il faut tout de même admettre que, plus on a affaire à une masse, et plus l’influence du milieu, et en particulier celle du milieu technique, est importante dans la formation de la personnalité collective, ou plutôt dans l’évolution qui aboutit, chez les gens pris dans leur ensemble, à un manque de plus en plus frappant de personnalité. En d’autres termes, plus on a affaire à une masse, et plus la proposition de base du Marxisme — “l’homme est ce que le fait son milieu” tend à se vérifier dans la pratique. On pourrait presque dire qu’à la limite, Marx aurait raison, si l’humanité ne se composait que de masses. Et il est compréhensible que des gens qui aiment l’homme par-dessus tout, et que la vie en masse ne rebute pas, soient Marxistes. (Pour ne pas l’être, et pour être sûr de n’être jamais tenté de le devenir, il faut aimer non “l’homme”, quel qu’il soit, mais les élites humaines : les aristocraties de race et de caractère.)

Le milieu technique agit sur la masse : lui dicte, au moyen de la publicité, les “besoins” qu’elle doit avoir, ou s’empresser d’acquérir, afin d’encourager des recherches toujours plus poussées aboutissant à des applications toujours plus variées et plus perfectionnées des lois de la nature — au “bonheur” de l’homme. Il lui propose une véritable électrification des travaux ménagers ainsi que des loisirs : la maison moderne idéale, où il n’y a qu’à tourner un bouton pour chauffer la soupe, achetée toute prête ; pour nettoyer le parquet, laver le linge, ou voir, sur le petit écran, le film du jour (le même pour cinquante millions de spectateurs), et écouter les dialogues qui en sont partie intégrante. Seul peut résister toute sa vie aux suggestions lancinantes du milieu technique, voire même ne pas en être conscient, tant ces suggestions sont, pour lui, dépourvues d’intérêt, un homme qui sait d’avance ce qu’il veut et ce dont il n’a que faire ; un homme, donc, beaucoup plus conscient de sa propre psychologie (et en particulier de son échelle de valeurs) que ne le sont quatre-vingt-quinze pour cent de nos contemporains ; en un mot, un homme qui, par la grâce des Dieux, n’appartient pas à la masse.

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Celui-là se sera pas “à sa place” dans le monde moderne et cela, probablement, quelle que puisse être sa profession. Le seul fait de se trouver heureux là où les trois quarts des gens n’éprouveraient qu’ennui, et de s’ennuyer, au contraire, — d’avoir l’impression on ne peut plus irritante de “perdre son temps” au milieu des distractions que la majorité recherche, le met à part. Il n’est vraiment à son aise que parmi ses rares semblables, — lui qui ne possède ni transistor, ni radio, ni appareil de télévision, ni machine à laver, et dont la lumière au néon blesse la vue et dont la musique dite “moderne” écorche les oreilles ; lui qui persiste à demeurer fidèle à lui-même, et qui refuse d’aimer “sur commande” ce que les publicités et les propagandes lui présentent comme “un progrès”, s’il n’en sent pas, lui, — l’avantage ou le charme. Il est naturel qu’il ne veuille rien faire pour contribuer à “sauver” une civilisation dont il souhaite la perte, et que les gens qui admirent celle-ci flairent, plus ou moins vaguement, en lui, l’ennemi. Il est non moins naturel qu’une doctrine à contre-courant du Temps, — une doctrine prêchant, au nom d’un idéal d’Age d’Or, la révolte, et même l’action violente, contre les “valeurs” de notre âge de décadence et les institutions qui y correspondent, — soulève son enthousiasme et s’assure son adhésion : il est lui-même un individu de ceux que j’ai appelés des “hommes contre le Temps”.

Mais pourquoi les gens qui sont, eux, des fils soumis et obéissants de notre époque, se révèlent-ils si insatisfaits et si inquiets ? Comment se fait-il que ce “progrès”, auquel ils croient si fermement, ne leur apporte pas, dans l’exercice de leur profession, ce minimum de joie sans lequel tout travail est une corvée ? C’est que le milieu technique ne fait pas qu’agir sur les masses ; il les crée de toutes pièces. Dès que le développement technique dépasse un certain “point critique”, d’ailleurs difficile à préciser, la communauté humaine, naturellement hiérarchisée, tend à se disloquer. C’est peu à peu la masse qui la remplace ; la masse, c’est-à-dire avant tout le grand nombre, peu ou pas hiérarchisé, parce que de qualité instable, mouvante, imprévisible. La qualité est (statistiquement, cela s’entend), toujours en raison inverse de la quantité. Et la technique la plus néfaste de ce point de vue — la plus directement responsable de toutes les conséquences de la formation indiscriminée de masses humaines à la surface du globe, — est sans aucun doute l’art médical ; la plus néfaste, parce que celle qui est en opposition la plus flagrante avec l’esprit de la Nature d’un bout à l’autre de l’échelle des êtres vivants ; celle qui, au lieu de chercher à conserver la santé, et toute manière de priorité biologique des forts, s’efforce de guérir les maladies et de prolonger la vie des faibles, quand elle ne se mêle pas de garder en vie les incurables, les monstres, lés idiots, les fous, et toutes sortes de gens dont une société, fondée sur des principes sains, considérerait la suppression comme chose allant de soi.

Le résultat des progrès réalisés par cette technique-là, — réalisés au prix des expériences les plus hideuses, pratiquées sur des bêtes parfaitement saines

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et belles, que l’on torture et que l’on disloque, toujours au nom du “droit” de l’homme de tout sacrifier à son espèce, est que le nombre des hommes sur terre augmente dans des proportions alarmantes, en même temps que leur qualité diminue. On ne peut pas avoir qualité et quantité. Il faut choisir.

C’est aujourd’hui un fait que la population du globe croît en progression géométrique ; que, surtout, celle des pays jusqu’ici “sous-développés” croît plus vite que toute autre. Ces pays n’ont pas encore atteint le niveau technique des pays industrialisés, mais on leur a déjà envoyé une foule de médecins ; on les a déjà endoctrinés de manière à leur faire prendre des “mesures d’hygiène” qu’ils ne connaissaient pas, quand on ne les leur a pas purement et simplement imposées. En conséquence, les occupations traditionnelles — les travaux de la terre, les divers artisanats, — ne suffisent plus à absorber les innombrables énergies disponibles. C’est le chômage et la famine, à moins que l’on n’installe partout des industries mécanisées, c’est-à-dire qu’on ne fasse, de l’immense majorité des populations dont le nombre quadruple en trente ans, des prolétaires ; qu’on ne l’arrache à ses traditions, partout où elle en a conservé quelqu’une, — et qu’on ne l’enfourne dans des usines et ne la force à s’appliquer à des travaux qui, par leur nature même, (parce qu’ils sont mécaniques) ne peuvent être intéressants. La production montera alors en flèche. Il faudra écouler — vendre — ce qui aura été fabriqué. Il sera, pour cela, nécessaire de persuader les gens d’acheter ce dont ils n’ont nul besoin et nulle envie, de leur faire croire qu’ils en ont besoin et de leur en inculquer à tout prix le désir. Ce sera la tâche de la publicité. Les gens se laisseront prendre à cette tromperie car ils sont déjà trop nombreux pour être moyennement intelligents. Il leur faudra de l’argent pour acquérir ce dont ils n’ont pas besoin, mais dont on les a persuadés qu’ils ont envie. Pour en gagner vite, — afin de le dépenser tout de suite — ils accepteront de faire des travaux ennuyeux, des travaux dans lesquels il n’entre aucune part de création, et que, dans une société moins nombreuse, à la vie plus lente, personne ne voudrait faire. Ils les accepteront, parce que la technique et la propagande auront fait d’eux un magma humain : — une multitude de plus en plus uniforme, ou plutôt informe, dans laquelle l’individu existe, en fait, de moins en moins, tout en s’imaginant avoir de plus en plus de “droits”, et en aspirant à plus en plus de jouissances achetables ; une caricature de l’unité organique des vieilles sociétés hiérarchisées, où l’individu ne se croyait rien, mais vivait sainement et utilement, à sa place, comme une cellule d’un corps fort et florissant.

La clef du mécontentement dans la vie quotidienne, et spécialement dans la vie professionnelle, est à chercher dans les deux notions de multitude et de hâte.

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Tu sais sans doute ce que me répondent les fervents du “progrès” indéfini, Marxistes ou non. Ils disent : “Tout cela est provisoire. Patientez ! La machinisme n’est qu’à son début ; il n’a pas donné sa mesure. Aujourd’hui, certes, la multiplicité des besoins nouveaux a pour conséquences la hâte de gagner de l’argent, et le fait que de plus en plus de gens acceptent d’en gagner en s’adonnant aux occupations les plus déshumanisantes. Aujourd’hui, certes, de plus en plus d’ouvriers tendent à devenir des robots pendant un tiers de leur vie, à savoir pendant leurs heures de travail ; et, dans une certaine mesure, après leurs heures de travail (par habitude acquise). Mais tranquillisons-nous ! Tout cela va changer, grâce au sacro-saint progrès ! Déjà nous voilà dans les grandes entreprises, pourvus de machines ultra-compliquées — ordinateurs ou “cerveaux électroniques” — capables de résoudre en quelques secondes, automatiquement, à partir de leurs données, des problèmes dont un homme mettrait une demi-journée à calculer la solution. L’ouvrier travaillait douze heures, voire quinze heures par jour, il y a moins d’un siècle. Aujourd’hui, il travaille huit heures, et cela, cinq jours par semaine seulement. Demain, grâce à l’apport des machines dans toutes les branches de son activité, il travaillera cinq heures, puis bientôt deux heures par jour, ou moins encore. Ce sont les machines qui feront la besogne, — des machines si parfaites qu’il suffira d’un seul homme pour en surveiller toute une équipe. A la limite, l’homme ne fera pratiquement plus rien. Sa vie sera un congé illimité, durant lequel il aura tout le temps voulu pour “se cultiver”. Quant aux inconvénients de la surpopulation, on y aura remédié d’avance par la limitation des naissances, — le fameux “family planning”.

Il y a là, au premier abord, de quoi séduire les optimistes. Mais la réalité sera moins simple que la théorie. Elle l’est toujours.

Tout d’abord, il faut bien se rendre compte qu’aucune politique malthusienne ne peut être, à l’échelle mondiale, pleinement efficace. Il est plus aisé d’installer des usines dans les pays techniquement les moins développés, et de donner aux gens qui ont jusqu’ici vécu près de l’état de nature, le goût de commodités modernes telles que machines à laver et postes de télévision, que d’inciter ces mêmes gens à n’engendrer qu’un nombre limité d’enfants. Même la population de l’Europe de l’Ouest et du Nord, ou des U.S.A., au sein de laquelle les méthodes les plus modernes de contraception sont largement appliquées, croit, — bien que moins vite que celle d’autres régions du globe, — et ne cessera de croître tant qu’il y aura des médecins pour prolonger fa vie des souffreteux, des infirmes, des débiles mentaux, et de tous ceux qui devraient être morts.

Les gens des pays dits “sous-développés” sont beaucoup moins perméables que les citoyens de l’Europe occidentale ou des U.S.A. à la propagande anticonceptionnelle. Si vraiment on voulait, chez eux, ramener le chiffre de la population à des proportions raisonnables, il faudrait stériliser de force neuf personnes sur dix, ou bien… supprimer la profession médicale et les hôpitaux, et laisser la sélection naturelle faire son œuvre, comme avant la folie de l’âge

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technique. Mais il n’y a que nous, les affreux “barbares”, qui serions prêts à avoir recours à de telles mesures. Et nous ne sommes pas au pouvoir, et ne comptons pas y être de si tôt. Les amis de l’homme, qui sont en même temps des fervents du progrès technique indéfini, devront donc s’accommoder d’un monde où l’espace vital humain deviendra de plus en plus restreint, dût-on même, au profit du primate dit “pensant”, réduire au minimum les surfaces encore occupées par la forêt, la savane, le désert, derniers refuges des nobles vivants autres que lui. Ce ne seront plus les masses, déjà grouillantes, des pays présentement surpeuplés. Ce seront des foules deux fois, trois fois, dix fois plus compactes que celle qui, aujourd’hui, couvre littéralement l’immense “Esplanade” de Calcutta autour de six heures du soir, quand la chaleur tombe. On sera, où qu’on aille, frôlé, coudoyé, bousculé, — et à l’occasion, sans doute, renversé et piétiné — par des gens et encore des gens qui, grâce aux machines, n’auront presque plus rien à faire.

Il faut être naïf pour croire que, dès que la fatigue quotidienne résultant du travail aura pour eux cessé d’exister, ces milliards d’êtres humains vont s’adonner à l’étude, ou pratiquer quelqu’art d’agrément dans lequel entrera une part importante de création. Il n’y a qu’à regarder autour de soi et à constater comment les travailleurs d’aujourd’hui, qui triment quarante heures par semaine au lieu de quatre-vingt-dix, comme il y a cent ans, emploient leurs loisirs. Ils vont au café, au cinéma assistent à quelque compétition sportive ou, le plus souvent, écoutent chez eux les émissions radiodiffusées, ou demeurent assis devant leur poste de télévision et suivent avec avidité ce qui se passe sur le petit écran. Ils lisent quelquefois. Mais que lisent-ils ? Ce qu’ils trouvent à la portée de la main — car pour savoir ce qu’on veut lire, et pour s’efforcer de le trouver, il faut déjà être mieux informé que la plupart des gens ne le sont. “Ce qui leur tombe sous la main”, sans qu’ils ne se donnent la peine de le chercher, est, généralement, ou bien quelque périodique ou livre qui, sans être pernicieux, est superficiel. et ne les fait penser en aucune façon, ou bien quelque produit d’une littérature ou décadente ou tendancieuse — quelqu’écrit qui leur fausse le goût ou leur fausse l’esprit, (ou l’un et l’autre), ou leur fournit une information inexacte, ou interprétée à dessein de manière à leur inculquer une opinion donnée — celle que les gens au pouvoir veulent qu’ils professent, — ou à susciter en eux les sentiments que les gens au pouvoir veulent qu’ils éprouvent. Ils lisent “France-Soir”, ou “Caroline chérie”, ou “La mort est mon métier” [49], ou quelqu’article pseudo-scientifique sur la “conquête de l’espace” qui leur donne l’impression d’avoir été initiés aux, mystères de la science moderne, alors qu’en fait ils sont demeurés aussi ignares qu’auparavant, mais sont devenus un peu plus prétentieux. Il existe, d’ailleurs, malgré le nombre énorme d’ouvrages qui paraissent tous les ans sur tous les sujets imaginables, de moins en moins de “livres de fond” : de ceux qu’un homme qui pense relit cent fois, en en tirant toujours quelque nouvel enrichissement, et auxquels il doit des intuitions de

49. De Robert Merle. Récit fantaisiste sur les camps de concentration allemands.

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grandes vérités cosmiques — voire de vérités humaines au nom desquelles il serait capable de recommencer sa vie, s’il le pouvait. Et les individus qui recherchent de tels livres n’appartiennent pas a la masse.

Que feront donc de leur temps les milliards d’humains du monde de demain ? Cultiveront-ils leur esprit, comme le pensent nos optimistes invétérés ? Non pas ! Ils feront à longueur de journées ce que font nos bons prolétaires de 1970 au retour de l’usine ou du bureau — ou pendant leur mois de congé payé : ils regarderont leur petit écran, et croiront très docilement ce que les hommes au pouvoir (ou ceux qui auront mis ces derniers à la place qu’ils occuperont) auront fait introduire dans les programmes afin qu’ils le croient. Ils iront au cinéma ; assisteront à des conférences gratuites, organisées pour eux, toujours dans l’esprit des dirigeants du moment — qui seront probablement les mêmes qu’aujourd’hui, à savoir les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale : les Juifs et les Communistes : les fervents de la plus ancienne et de la plus récente foi de notre Age Sombre, centrées, l’une comme l’autre, sur “l’homme”. Ils feront des voyages organisés, avec guides indispensables — et musique légère, indispensable elle aussi, dans les véhicules de transport, autobus comme avions, à l’aller et au retour. En un mot, la vie de perpétuel ou presque perpétuel loisir sera réglée, dirigée, — dictée à ceux qui devront la vivre — par des comités, élus au suffrage universel, après propagande adéquate auprès des masses.

Et ce sera tant pis pour ceux qui auraient préféré poursuivre dans le silence une création qu’ils aimaient parce qu’ils la sentaient belle ; ou qui auraient voulu organiser le monde sur d’autres bases et selon un autre idéal. Tant pis pour ceux — de plus en plus rares — qui refuseront de se laisser “conditionner” ! Ce sera, — à quelque chose près, “Le meilleur des Mondes” d’Aldous Huxley [50] — avec cette différence qu’au lieu de robots travaillant devant des machines, ce seront des robots se distrayant sur commande et en accord avec la planification officielle des jouissances, pendant que les machines assureront leur subsistance. On n’y choisira pas plus la manière d’employer ses loisirs que la majorité des gens ne choisit aujourd’hui l’occupation qui lui assurera “le vivre et le couvert”. Il y sera présupposé, — comme cela l’est déjà, par exemple dans certains autobus de tourisme, où l’on est forcé, tout le long du parcours, d’entendre la radio, qu’on le veuille ou non, — que tous les hommes ont pratiquement les mêmes besoins et les mêmes goûts, ce qui est en flagrante contradiction avec l’expérience de tous les jours parmi des gens non-conditionnés (il en reste encore, heureusement, aujourd’hui, quelques-uns.)

On s’y efforcera, par un conditionnement toujours plus perfectionné, toujours plus “scientifique”, de leur donner, à tous, les mêmes besoins et les mêmes goûts.

ç50. C’est le titre français du fameux “Brave new world” de cet auteur.

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Remarque que je ne dis rien du régime politique probable dans ce monde d’automates vivants. Je n’essaye pas de me demander ce qu’il pourrait bien être, car là question est sans intérêt. En effet, plus on s’enfonce dans l’uniformité par le bas, créée et maintenue par un dirigisme sans autre idéal que celui de la production sans cesse accrue, en vue du bien-être du plus grand nombre, en d’autres termes, plus le monde s’éloigne du type de l’organisme social hiérarchisé. un dans sa diversité ordonnée, comme l’est une œuvre d’art ; plus il renonce à être une pyramide vivante — comme il l’était autrefois dans toutes les civilisations qui étaient en même temps des cultures, — pour devenir une bouillie sans nom, toute grise, brassée non par des artistes, encore moins par des sages, mais par des malins, ceux-mêmes dépourvus de toute conscience de valeurs extra-humaines, et travaillant pour l’immédiat, au sens le plus étriqué du mot, plus il en est ainsi, dis-je, et moins la forme du gouvernement a d’importance.

Il existe encore, théoriquement tout au moins, une différence entre la condition d’un ouvrier à la chaîne aux usines Cadillac, de celle d’un ouvrier à la chaîne dans quelque complexe industriel du inonde marxiste ; entre la condition d’une vendeuse dans un super-marché d’Europe occidentale ou des U.S.A. et celle d’une distributrice de nourriture dans une cantine, où que ce soit derrière le “rideau de fer”. Et la liste des parallèles pourrait s’allonger indéfiniment.

En principe, le travailleur du “monde libre” n’est pas obligé d’accepter le conditionnement. Quand sonne la sirène, ou quand le magasin-monstre ferme ses portes, il peut faire ce qu’il veut, aller où il veut, employer ses loisirs comme il lui plaît. Rien ne le force physiquement à payer à boire à ses camarades au café du coin, ni à s’acheter, par mensualités, l’indispensable appareil de télévision, et bientôt la non moins “indispensable” voiture. Il n’y a pas de réunions politiques, ou semi-politiques semi-“culturelles”, auxquelles il soit forcé d’assister, sous peine de se trouver, le lendemain, sans travail ou, pire encore, soupçonné de “déviationnisme” et incarcéré, ou du moins “inquiété”,… tandis qu’en U.R.S.S. ou en Chine… (d’après les échos que nous en avons ; je répète : je ne connais pas, de première main, le monde marxiste) il y en a et comment !

Rien n’empêcherait à priori un ouvrier ou un employé de bureau ou une vendeuse du monde libre d’utiliser ses loisirs comme je les utiliserais moi-même à sa place si, pour une raison ou pour l’autre, je devais, pour vivre, travailler dans une usine, un bureau ou un supermarché. Rien ne l’en empêcherait… pourvu encore qu’il ou elle trouve un logement assez retiré ou assez bien “insonorisé” pour n’y point être incommodé de la radio ou de la télévision des voisins, et… un régisseur ou un propriétaire d’immeuble assez complaisant pour lui permettre, au cas où cela ferait sa joie, de garder auprès de soi quelque bête domestique. Alors peut-être, ses heures de loisir seraient-elles vraiment des heures bénies, et son modeste appartement, un havre de paix. Alors peut-être pourrait-il (ou elle), après avoir passé une heure ou deux dans le silence, à se libérer totalement de l’emprise persistante du bruit des machines (ou de la

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musique légère, imposée dans certains ateliers ou magasins) ; de l’éclat aveuglant dess lumières, de l’ambiance des gens, souper tranquillement, seul ou au milieu des siens, promener son chien sous les arbres de quelque boulevard pas trop fréquenté, et s’absorber, avant l’heure du sommeil, dans quelque belle lecture.

Alors peut-être, mais alors seulement, plus le progrès du machinisme lui garantirait de loisirs, qu’il emploierait effectivement “à se cultiver”, plus il redeviendrait “homme”, au sens le plus honnête du mot ; et plus on pourrait, dans une certaine mesure, parler de “technique libératrice” — bien qu’on ne me puisse jamais persuader que même deux heures par jour passées dans l’atmosphère déprimante de l’usine ou du bureau, ou du grand magasin moderne, ne sont pas, tout compte fait, plus épuisantes que dix ou douze heures employées à quelque travail intéressant, — à quelqu’art, comme celui du potier ou du tisserand des siècles révolus.

Mais, pour cela, il faudrait que l’ouvrier — le prolétaire — des pays du “monde libre”, qui, en principe, peut, après ses heures de travail, “faire ce qu’il veut”, puisse vouloir autre chose que ce qu’on le conditionne à vouloir. Sa “liberté” ressemble à celle d’un jeune homme, élevé depuis l’enfance dans l’ambiance d’un pensionnat jésuite, auquel on dirait : “Tu es maintenant majeur. Tu es libre de pratiquer la religion qui te plaît”. Un élève sur dix millions pratiquera autre chose que le catholicisme le plus strict ; et celui-là même qui s’en détachera, en gardera, la plupart du temps, l’empreinte, pour le restant de ses jours. De même, fût-ce dans le “monde libre” où, en théorie, toutes les idées, toutes les fois, tous les goûts sont acceptés, l’homme de la masse et, de plus en plus, aussi celui de la “libre” intelligentsia, est, dès l’enfance, pris par l’ambiance de la civilisation technique, et abruti par elle et par toute sa publicité “progressiste”, humanitaire ou pseudo-humanitaire, et pseudo-”scientifique” — la propagande du “bonheur universel” par le confort matériel et les plaisirs achetables. Et il ne désire plus s’en dégager. Un individu sur dix millions s’en dégage avec violence, et lui tourne le dos, avec ou sans ostentation, comme l’a fait le peintre Delvaux ; comme le font tous les jours quelques anonymes sans même se donner la peine de quitter l’immeuble banal où ils ont fait de leur chambre le sanctuaire d’une vie qui est anachronique sans nécessairement le paraître.

La seule chose qu’il y aurait peut-être à dire en faveur du “monde libre”, par opposition à son frère ennemi, le monde marxiste, est qu’il ne prend pas de sanctions d’ordre policier contre cet individu d’exception,… à moins, bien entendu, que l’hostilité de ce dernier à “aujourd’hui” ne s’exprime sous la forme d’un Hitlérisme par trop voyant. (Et même en ce qui concerne cela il y a un peu moins de contrainte que chez les Communistes actuellement au pouvoir : on peut, partout dans le “monde libre”, sauf, sans doute, dans la malheureuse Allemagne, de qui les vainqueurs de 1945 voudraient tuer l’âme, avoir sur sa table de nuit un portrait du Führer, sans crainte d’inspections indiscrètes suivies de sanctions légales).

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Ce que l’on pourrait, par contre, dire en faveur du monde marxiste, c’est que ce dernier a, malgré tout, une foi — basée sur des notions fausses et de véritables contre-valeurs, cela est indéniable si on se place au point de vue de l’éternel, qui est celui de la Tradition, mais enfin, une foi, — tandis que le monde dit “libre” n’en a proprement aucune. En conséquence de quoi, le militant de valeurs autres que celles qu’exalte la propagande communiste officielle risque fort de se trouver un jour dans quelque camp… “de redressement” [51], s’il pousse la témérité au point d’oublier qu’il est dans la clandestinité, et doit y demeurer. Mais la masse des endoctrinés, qui forme là-bas la majorité de la population, aura, elle, l’impression de travailler — et durement — à l’avènement de quelque chose qui lui parait grand, et qu’elle aime, que ce soit la Révolution mondiale des prolétaires, l’union de tous les Slaves sous l’égide de la sainte Russie (cet idéal est, parait-il, celui de plus d’un Communiste russe), ou la domination de la race jaune à travers le Communisme universel. La production industrielle ou agricole, — celle au nom de laquelle tant et tant de travaux éminemment ennuyeux doivent être accomplis — débouche, en dernière analyse, sur de tels buts grandioses. C’est plus excitant que la petite vie assurée, proprette, avec, comme point culminant, la sortie en voiture du samedi, — ou du vendredi soir — au lundi matin.

Les deux mondes sont, en fait, l’un comme l’autre, d’abominables caricatures des sociétés hiérarchisées qui autrefois, prétendaient être, ou au moins voulaient être, des images aussi fidèles que se pouvait de l’ordre éternel, dont le cosmos est la manifestation visible. A l’unité dans la diversité que possédaient par là même ces sociétés, la civilisation technique du “monde libre” oppose la désespérante uniformité de l’homme fabriqué en série, sans direction, sans élan, — pas celle de l’eau d’un fleuve, mais celle d’un tas de sable dont les grains, tous insignifiants et tous semblables, se croiraient chacun très intéressant. La dictature d’un prolétariat de plus en plus envahissant lui oppose, elle, une uniformité de robots en marche, tous mus par la même énergie, robots dont l’absence d’individualité est une méchante parodie du renoncement voulu de l’individu conscient de sa place et de son rôle, en faveur de ce qui le dépasse. L’ardeur au travail et l’irrésistible poussée en avant de ces mêmes automates qui croient se dévouer au “bonheur de l’homme”, contrefait non moins sinistrement l’antique efficience des masses qui bâtissaient, sous la direction de vrais maîtres, “pour Dieu”, ou pour quelque Roi-Dieu, des monuments de beauté et de vérité : les pyramides, avec ou sans étages, d’Egypte, de Mésopotamie ou d’Amérique centrale ; la Grande Muraille de Chine ; les temples de l’Inde et ceux d’Angkor ; le Colisée ; les cathédrales byzantines, romanes, ou gothiques… .

On peut dire que, des deux caricatures, c’est la seconde — la marxiste — qui est, dans sa grossièreté, plus habile, au fond que l’autre. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à voir le nombre de gens d’une réelle valeur humaine qui s’y sont

51. Il est inconvenant après 1945, de parler de camps de “concentration” non-hitlériens.

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laissé prendre, et qui, en toute sincérité, persuadés qu’ils étaient guidés par un idéal de libération et de service désintéressé, sont allés grossir les rangs des militants de la plus fanatique des formes, jusqu’ici apparues, de l’Anti-Tradition. Cela se constate aussi bien en Europe que dans d’autres régions — aux Indes, en particulier, où les dirigeants communistes se recrutent surtout parmi les membres des castes aryennes, si étrange que cela soit. Il y a, dans la rigueur même du Communisme, quelque chose qui attire certains caractères avides à la fois de discipline et de sacrifice ; quelque chose qui leur fait apparaître le pire esclavage sous le déguisement de l’abnégation, et la plus risible étroitesse d’esprit, sous celui d’une intolérance sacrée, vraie “chasse à l’erreur”.

La caricature que représente le “monde libre” est moins dangereuse en ce sens qu’elle est, extérieurement, “moins ressemblante”, et partant moins capable de séduire des caractères d’élite. Mais elle est plus dangereuse en ce que, moins outrée, elle choque au premier abord moins ceux que le Marxisme repousse, précisément parce qu’ils y ont découvert les traits d’une fausse religion. N’ayant aucun des attributs d’une “foi”, elle les rassure, les encourageant à croire qu’à l’abri de la “tolérance” démocratique, — tolérance qui, comme je l’ai dit, s’étend à tous, sauf à nous, Hitlériens, — ils pourront continuer à professer en paix tous les cultes (tous les exotérismes) qui heur sont chers : Christianisme, — ou Judaisme, — en Occident ; Islam, Judaïsme, Hindouisme, Bouddhisme, ailleurs ; voire même l’un de ceux-ci dans le domaine historique d’un autre ; pourquoi pas, quand l’individu se croit tout, et s’arroge, partant, le droit de tout choisir ? Ils ne réalisent pas que la mentalité même du monde technocratique, avec toute l’emphase qu’il met sur l’immédiatement et matériellement utile, le “fonctionnel”, donc sur les applications de plus en plus étendues des sciences et pseudo-sciences au dépens de tout détachement, est, l’antithèse de toute soif désintéressée de connaissance comme de tout amour des œuvres d’art et aussi des êtres à cause de leur seule beauté. Ils ne se rendent pas compte qu’elle ne saurait, en conséquence, qu’accélérer la coupure de toute religion ou philosophie exotérique d’avec l’ésotérisme sans lequel elle n’a aucune valeur d’éternité, et que précipiter ainsi la ruine de toute culture. Ils ne s’en rendent pas compte parce qu’ils oublient que connaissance désintéressée, épanouissement de l’art digne de ce nom, et protection des êtres (y compris de l’homme dans la mesure où celui-ci répond à ce que son nom — ; “anthropos” ; “celui qui regarde ou tend vers le haut” — en laisserait attendre) vont de pair, la beauté étant inséparable de la vérité, et la culture n’étant rien, si elle n’exprime l’une et l’autre.

Ils oublient, — ou n’ont jamais su — que, privées de leur connection avec les grandes vérités cosmiques — et ontologiques — qu’elles devraient illustrer, les religions exotériques deviennent très vite des fables auxquelles personne n’attache plus crédence, les philosophies dégénèrent en vain bavardage, et les doctrines politiques en recettes de succès électoraux ; et que le monde technocratique, par son approche éminemment utilitaire de tous les problèmes,

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par son anthropocentrisme doublé de sa hantise de la quantité, détourne jusqu’aux meilleurs esprits de la recherche et de la contemplation des vérités éternelles.

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Mais alors deux questions se posent : les progrès techniques sont-ils inévitables et indispensables ? Et un peuple peut-il conserver son âme malgré l’emprise croissante du machinisme ?

Mahatma Gandhi aurait répondu “non” à l’une comme à l’autre. Comme chacun sait, il rêvait d’une Inde sans usines, où la production artisanale aurait suffi à des gens qui, de leur plein gré, auraient réduit leurs besoins au minimum, et évité leur accroissement démographique par la pratique d’une continence rigoureuse après la naissance d’un ou deux enfants. Gandhi aurait aussi accueilli avec enthousiasme la mise en congé de la plupart des médecins. Il rejetait sans compromis toute médication résultant de recherches expérimentales faites aux dépens d’animaux, quels qu’ils fussent. (Il tenait, comme je le fais moi-même, toutes ces recherches, depuis la vivisection proprement dite jusqu’aux odieuses inoculations de maladies à des bêtes saines, pour criminelles. Et il considérait la médecine occidentale dans son ensemble, comme une entreprise diabolique de vaste échelle).

Mais, contrairement à nous, le Mahatma avait une confiance naïve en l’homme — en l’Indien non moins qu’en l’étranger, malgré toute l’évidence que cet être “privilégié” n’a cessé de fournir de sa faiblesse et de sa malignité. Il le croyait apparemment capable de vivre, en masse, selon une norme qui présuppose ou bien une volonté de fer doublée d’une ascèse constante, ou bien une absence rassurante d’énergie génésique, c’est-à-dire, dans un cas comme dans l’autre, une nature d’exception. Il pensait aussi, sans doute, qu’un pays peut refuser de s’industrialiser sans pour cela devenir la proie d’ennemis techniquement mieux équipés, alors qu’il semble bien — hélas ! — que cela relève aussi de l’utopie. L’exemple récent du Tibet, envahi et subjugué par la Chine communiste, et maintenu sous la férule malgré sa sourde résistance, le prouve assez.

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L’exemple du Japon de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, s’ouvrant soudain sans restrictions au commerce et aux techniques du monde mécanisé, sous la menace des canons du Commodore Perry ; bien plus, relevant le défi de tous les peuples pour qui la réussite sur le plan économique est tout, et acceptant de les concurrencer sur leur propre terrain, tout en s’efforçant de ne rien perdre de sa propre tradition, semble être, lui, la réponse affirmative la plus éclatante, aux deux questions posées plus haut. Il semble proclamer que, si un

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certain degré (parfois très avancé) de mécanisation est inévitable aujourd’hui à un peuple qui refuse de devenir — ou de demeurer — la proie d’un conquérant, ou le vaincu affaibli, humilié, ruiné, d’une guerre, il ne s’ensuit pas qu’il doive automatiquement délaisser ce qui fait qu’il est lui-même, considérer son passé comme un “état d’enfance” à laisser derrière soi, changer de Dieux et d’échelle de valeurs.

Sans doute, une usine est-elle une usine, et un bureau un bureau, et un supermarché un endroit d’une utilité trop purement matérielle pour être attrayant sous quelque climat que ce soit dans doute les immenses agglomérations industrielles d’Osaka, de Kobé ou de Tokyo doivent-elles singulièrement décevoir le touriste en quête de “couleur locale” et plus encore l’artiste en quête de beauté. Le Japon d’avant 1868 qui, fermé depuis presque deux siècles et demi à tout contact avec l’étranger, vivait dans un Moyen-Age prolongé, était sans aucun doute, plus fascinant à voir. Mais ce n’est pas là une constatation limitée à un pays. Toute la Terre, y compris l’Europe, était plus belle à contempler, au Moyen-Age et dans l’Antiquité, qu’après l’avènement de la grande industrie. Ce qu’il y a de remarquable, d’admirable, c’est que malgré les laideurs inhérentes à toute mécanisation sur une grande échelle, il soit encore resté, dans l’Empire du Soleil Levant, tant de beauté, et surtout que cette beauté soit si évidemment liée à la conservation de la Tradition sous l’expression particulière que le peuple et son histoire, et son environnement géographique, lui ont donnée — de la Tradition vivante et active, capable, tout comme dans le passé, d’imprégner la vie entière d’une élite, et même de créer une ambiance dans laquelle baigne le pays tout entier, usines y compris. Ce qu’il y a d’admirable, c’est qu’il existe encore au Japon des maîtres comme ce Kenzo Awa, qui a enseigné à l’Allemand Herrigel l’art sacré du tir à l’arc selon les règles et selon l’esprit du Bouddhisme Zen, et toute une légion de disciples assoiffés de connaissance vraie — de cette connaissance qui amène celui qui l’acquiert à “être” davantage. Ce qu’il y a d’admirable, c’est la survivance, jusque dans la politique, de ce Shintoisme dont l’origine se perd dans la préhistoire et auquel les grands penseurs japonais du dix-huitième siècle, — Moturi et Hirata, — ont définitivement donné ce caractère de nationalisme sacré — version extrême-orientale de notre culte du Sang et du Sol — qu’il a gardé jusqu’à nos jours.

Quelques jours avant le 7 Décembre 1941, nos alliés japonais ont, le plus naturellement du monde, envoyé une délégation officielle au Temple d’Isé — une ambassade du Gouvernement impérial aux Dieux de l’Empire et aux ancêtres des empereurs-Dieux : “Vous est-il agréable que nous déclarions la guerre aux États-Unis d’Amérique ?”. Et ce n’est qu’après réponse favorable des Dieux (ou de leurs prêtres) que la guerre fut déclarée. Quatre ans plus tard, après l’explosion de la bombe à Hiroshima, c’est encore avec la permission des Dieux que la capitulation fut décidée, comme l’avait été, en 1868, l’ouverture du Japon au commerce étranger et à la technique moderne, comme suprême

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mesure de salut de l’Empire. Ce qu’il y a, avec tout cela, d’admirable, c’est la persistance au Japon de l’esprit du bushido, en plein vingtième siècle ; c’est ce culte de l’honneur national dans son expression la plus haute, et ce mépris total de la mort, tant chez les fameux Kamikazés (pilotes des “bombes vivantes” de la Seconde Guerre mondiale) que chez ces vingt-cinq mille Japonais de l’île de Saïpan, en plein Pacifique, qui se tuèrent tous à l’arrivée des Américains ; c’est la résistance, inébranlable dans sa politesse souriante, à l’occupation des Yankees et à leur prosélytisme politico-philosophique : la réintégration, dans les programmes scolaires, immédiatement après la signature du traité de paix, du Kojiki ou histoire des Dieux nationaux, interdit sous le régime des Croisés de la Démocratie ; c’est la construction, à Gamagori, d’un temple à Tojo et auxautres Japonais pendus par les Américains comme “criminels de guerre” — temple où les enfants des écoles vont s’incliner et brûler un bâton d’encens devant l’image des martyrs et défier toute “conquête morale” du peuple du Soleil, après avoir visité… l’emplacement (en partie seulement reconstruit) de Hiroshima.

Tout cela se tient : cet enseignement, aussi vivant que jamais, de l’ésotérisme traditionnel sous ses formes nationales, et ce refus de tout un peuple, que pénètre, sans même qu’il s’en rende compte, le rayonnement de son élite, de renoncer à son âme sous l’emprise de la technique et en réponse aux mensonges des hommes qui lui ont imposé celle-ci. Il se peut que l’ouvrier japonais, qui travaille au rabais dans les grandes entreprises et contribue à inonder le monde d’objets manufacturés — produits palpables de l’expansion industrielle de son pays, dont les prix défient toute concurrence — ait une vie matérielle presqu’aussi dure que celle d’un prolétaire russe dans un kolkhoze. Mais il sait qu’il travaille à la gloire de l’Empire, au sein duquel il a sa place. Et cet Empire est, lui, contrairement à l’État marxiste, le gardien d’une Tradition qui le dépasse immensément. Il est le lien entre cet homme du peuple et l’éternel. (Car la croyance en le divinité de l’Empereur et en celle de là terre nipponne, — elle-même jaillie du corps d’une Déesse [52] — n’est pas morte, au Japon, malgré sa bruyante négation officielle, répétée à satiété dans le but de donner à l’étranger la conviction d’un “progrès” , durable dans le sens démocratique.)

Par contre, le rêve d’une dictature mondiale du prolétariat — voire même celui du monde slave, (ou “jaune”), unifié sous une telle dictature en vue d’une production sans cesse accrue et du confort d’un nombre toujours plus impressionnant d’individus, — n’est, s’il constitue “un idéal”, en dernière analyse, qu’un idéal borné. Il ne dépasse ni le plan matériel ni l’homme. Des hommes, même très frustes, ne peuvent s’en contenter à jamais que, précisément, en devenant des robots.

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52. lzana-mi, épouse d’Izana-gi. L’Empereur, lui, descend de la Déesse du Soleil : Amaté-rasu-ohomi-kami.

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Les Indes s’industrialisent rapidement, — trop rapidement, aux yeux de plus d’un Hindou conscient des dangers du machinisme, — et cela, malgré l’influence, encore sensible, de Gandhi, et de tous ceux qui, avec lui ou parallèlement à son mouvement, ont milité et militent encore, mus par les mêmes motifs que lui ou par d’autres, en faveur d’un encouragement systématique de l’artisanat. Elles s’industrialisent, non pas parce que les masses y aspirent, comme en Europe, à toujours plus de confort, mais parce que leurs dirigeants en ont décidé ainsi. (Les masses, elles, ne demandent rien, et se passeraient bien de tous les “progrès” qu’on leur impose !). Et les dirigeants en ont ainsi décidé parce qu’ils sont convaincus que seule une industrialisation de plus en plus poussée pourrait d’abord aider à absorber les énergies disponibles de plus en plus nombreuses qu’offre, d’un bout à l’autre du pays, une démographie galopante, et puis, faire des Indes un État moderne, prospère et puissant, et par là même les empêcher de tomber aux mains d’un quelconque envahisseur impatient de s’approprier les richesses de leur sol et de leur sous-sol. Cela est peut-être en partie vrai. Les gens qui sont de cet avis citent l’exemple du Japon — avec peu de justification, d’ailleurs, car ils oublient que, si on en excepte les Aïnos, aborigènes refoulés tout au nord de leurs îles, les Japonais sont un peuple, alors que les Hindous ne le sont pas, ne le Seront, espérons-le, jamais — (ils ne pourraient le devenir qu’à la suite d’un gigantesque brassage de races, dont résulterait la perte irréparable de leurs éléments Aryens et Dravidiens ; leur disparition dans un magma sans nom, biologiquement inférieur aux uns et aux autres d’autant plus que les quelque cent millions d’aborigènes, et les basses castes contenant une forte proportion de sang aborigène, s’y seraient fondus.)

Or l’industrialisation implique toujours des déplacements et des rapprochements de gens, hommes et femmes. Elle est donc beaucoup plus dangereuse quand ceux qu’elle jette en présence les uns des autres sont, comme aux Indes, de races différentes, que lorsqu’ils sont d’une origine plus ou moins homogène. Jusqu’à présent, — c’est-à-dire moins d’un quart de siècle après la proclamation de leur indépendance, — les Indes ont, malgré une industrialisation partielle et tous les efforts faits par ailleurs, dans le sens du nivellement, — malgré l’abolition officielle du système des castes par décret d’un Gouvernement anti-traditionnaliste, calqué sur les démocraties d’Occident, — résisté à ce danger.

Je l’ai constaté en particulier en 1958 à Joda, près de Barajamda, et dans toute la région autour de Jamshedpur qui, est, ou du moins était encore, à l’époque, le plus grand centre métallurgique d’Asie. On construisait alors à Joda le funiculaire aérien qui devait servir à transporter le minerai de fer du sommet d’une colline, d’où il serait extrait, aux wagons qui le recevraient, au pied de celle-ci. J’étais “interprète de chantier” pour la durée des travaux. J’ai vu les ouvriers, dans la salle de tôle ondulée qui leur tenait lieu de cuisine, préparer leurs repas sur autant de foyers séparés que l’on comptait parmi eux de castes ou plutôt de sous-castes, et manger, groupés selon le même principe, — chacun au milieu des

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siens — au grand ahurissement des ingénieurs allemands, directeurs des travaux, auxquels cette volonté de séparation semblait d’autant plus étrange qu’on leur avait parlé de la “suppression des castes” dans “l’Inde démocratique”. C’étaient de pauvres Soudras, ou moins encore, mais aussi attachés à leurs coutumes ancestrales que n’importe quels autres Hindous orthodoxes. Et il est à présumer qu’ils ne mettaient pas moins d’insistance à rester fidèles à celles-ci, alors qu’il ne s’agissait plus de nourriture, mais du mariage de leurs enfants. On ne pouvait, en les regardant vivre, se défendre de songer que, malgré l’importation accrue des techniques d’Occident, l’atmosphère immémoriale de l’Hindouisme n’était pas prête à se détériorer.

Et cette impression était confirmée sinon renforcée, à la vue de la part active que ces ouvriers, et tous ceux des ateliers et usines de la région, prenaient aux fêtes de toujours. Les mêmes hommes qui, durant la journée, avaient fixé des rivets aux pylônes destinés à soutenir les câbles aériens du funiculaire, dansaient jusqu’à une heure avancée de la nuit au rythme des tambours sacrés en répétant les noms mystiques : “Hari ! Krishna !” devant la statue de terre peinte, où l’esprit du plus populaire de tous les Dieux était sensé résider tant que durerait la fête. Et les ouvriers préposés à la surveillance et à l’entretien des énormes machines ultramodernes, importées d’Allemagne pour la plupart, décoraient ces monstres d’acier de guirlandes de fleurs rouges de jaba, le jour où tout labeur cessait en l’honneur de Viswakarma, “Architecte de l’Univers”, divin patron des travailleurs. Ils les décoraient avec le même amour avec lequel leurs pères, une génération plus tôt, avaient orné leurs instruments, marteaux ou pioches, de guirlandes toute semblables aux leurs. Et les ateliers, pour une fois silencieux, s’emplissaient de fumées d’encens. Et, à moins, bien sûr, qu’il ne fût un ennemi avéré de la Tradition, l’étranger qui contemplait la scène : ces hommes, recueillis dans la pensée du Divin, pénétrés du caractère rituel de leur labeur quotidien, devant ces masses métalliques noires, d’où pendaient des fleurs écarlates, enviait les Indes, où la technique n’a pas encore désacralisé le travail.

Il en venait à se demander pourquoi, après tout, elle le désacralisait. Ces monstrueuses machines, moitié êtres moitié choses, “êtres” dans la mesure où leur automatisme clame la puissance du génie Européen, et plus particulièrement du génie nordique, — sont, comme la sacro-sainte Tradition elle-même, que les Indes ont héritée des Sages des temps védiques, des produits de l’intelligence aryenne. Elles illustrent, certes, un aspect de cette intelligence autre que celui dont témoigne l’enseignement libérateur des Sages. Mais elles sont, en un âge différent du même Cycle temporel, des produits de l’intelligence conquérante de la même race. En les associant, une fois par an, à l’antique culte de Viswakarma, ces hommes à peau brune savent-ils cela, — dans la profondeur de leur inconscient collectif ? Et rendent-ils hommage au génie aryen, — divin, jusque dans ses manifestations les plus grossières de l’Age Sombre — en même temps

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qu’au Créateur dont il reflète la puissance ? On le voudrait. De toute façon, une telle attitude ne pourrait que renforcer l’esprit du système des castes ; — la seule force qui soit, à la longue, capable de s’opposer au nivellement biologique que la mécanisation tend à imposer, tôt ou tard, à une société multiraciale, même traditionnellement hiérarchisée comme l’est celle des Indes.

Personnellement, je crois toutefois que la possibilité, pour les Indes (comme d’ailleurs pour le Japon, ou tout autre pays de culture véritable) de conserver son âme tout en subissant de plus en plus l’emprise inévitable de l’industrialisation, est liée là la persistance, chez elles, d’une élite de race et de caractère. qui soit en même temps une aristocratie spirituelle ; une gardienne vivante de la Tradition, en d’autres termes, de l’ésotérisme qui sous-tend, de plus ou moins loin, toutes les manifestations habituelles de la “religion”, confondue avec la vie sociale. Même la pureté du sang chez un peuple plus ou moins homogène dans son ensemble, — ou, dans une civilisation multiraciale hiérarchisée, la continuation de la séparation effective des races, — ne saurait dispenser de la nécessité de conserver à tout prix une telle élite. Sans elle, la meilleure des races finira par s’abrutir sous l’influence toujours plus puissante de la technocratie. Elle perdra peu à peu son échelle naturelle de valeurs pour attacher de plus en plus de prix aux biens achetables. Et si elle conserve quelques manifestations visibles de foi ancienne, celles-ci finiront par se vider de toute signification, à tel point que les gens les abandonneront graduellement, sans même qu’on les y pousse. (Pour qu’une coutume subsiste, il faut qu’un minimum de croyance sincère y demeure attachée. Qui songerait, par exemple, en Europe d’aujourd’hui, à trancher un différend en faisant appel au “jugement de Dieu” par l’ordalie du feu ou de l’eau ? Et pourtant, il faut bien croire que ces méthodes ont eu autrefois assez d’efficacité pour les justifier, sans quoi elles n’auraient pas été employées pendant si longtemps.)

Il est, certes, à déplorer, que cette élite spirituelle à laquelle je faisais allusion — en l’occurrence, la minorité des Brahmanes initiés, dignes de leur caste, — n’ait, aux Indes, à notre époque, pas plus d’influence sur la direction des affaires publiques. Et il est peut-être encore plus regrettable que tant de gens au pouvoir y soient des adversaires acharnés de la Tradition, des anti-racistes, empoisonnés d’un anthropocentrisme de mauvais aloi, puisé chez les Libéraux britanniques, chez les missionnaires chrétiens, ou chez les Communistes — partout, sauf chez les auteurs sacrés qui ont transmis aux Indes la sagesse aryenne de toujours. Ces gens-là ne font que continuer la politique de promotion des éléments raciaux les plus inférieurs, commencée par les Britanniques : la politique du suffrage universel et de l’instruction “gratuite, laïque et obligatoire”, instaurée par toutes ou presque toutes les puissances européennes, chez elles d’abord, puis dans leurs colonies ; la politique qui va de pair avec l’industrialisation à outrance et le pullulement humain qu’une tardive propagande malthusienne n’arrive pas à enrayer. Même bien intentionnés, ils

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sont les agents de ces Forces de désintégration qui, à mesure que l’Age Sombre se précipite vers sa fin, ont de plus en plus libre actions. Il n’y a, évidemment, aucune raison pour que les Indes ne soient pas englobées dans la décadence générale de la Terre.

Il demeure, malgré tout, indéniable qu’a vécu et que vit encore sur leur sol, une des rares civilisations qui durent depuis des millénaires et qui gardent, aujourd’hui comme hier, la Tradition qui leur a fourni dès le début leurs principes de base. Sans qu’on s’aventure à faire des prédictions, il semble plausible que, tant que cette civilisation restera vivante, grâce au lien, même ténu, qui la rattache à sa vraie élite, les Indes ne succomberont pas à la technocratie, quelques concessions qu’elles soient contraintes de lui faire afin de pouvoir subsister dans un monde surpeuplé et mécanisé.

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Contrairement aux Indes — et au Japon — l’Europe n’a malheureusement pas su, ou pu, conserver, ininterrompue, une forme visible de la Tradition, qui fût bien à elle, et dont l’origine se perdît dans la nuit des temps. En d’autres mots elle n’a, même depuis l’aurore de son histoire, sans parler de sa pré-histoire, nulle part continué d’adorer les mêmes Dieux.

D’autre part, ce sont ses fils, — et même seulement ceux d’un Occident très restreint — qui, après avoir longtemps cultivé les sciences expérimentales, ont inventé l’une après l’autre toutes les techniques industrielles modernes, ainsi que l’art médical et les mesures d’hygiène “préventive” d’aujourd’hui et déjà d’hier, qui ont si lamentablement contribué au surpeuplement du continent, et bien vite de la planète, et au sacrifice de la qualité des hommes à leur nombre. Et de plus en plus, dans cet Occident au sens étroit du mot, l’attachement des gens aux fastes, aux coutumes et à l’enseignement du Christianisme exotérique, s’est relâché au profit d’un engouement toujours plus marqué pour “la Science” et surtout pour les applications des sciences, source de richesse, de jouissances faciles, et de pouvoir, tant individuel que collectif.

Cela date surtout du dix-neuvième siècle, si on a en vue les réalisations matérielles, les progrès ahurissants des sciences du monde mesurable et des industries qui en dépendent, et la confiance naïve, de plus en plus répandue, en un progrès général, dans tous les domaines (y compris le domaine (“moral”), parallèle au progrès des sciences et à la généralisation de leurs applications. Mais qu’on ne soit pas dupe ! Le culte de la science positive basée sur l’étude expérimentale des phénomènes, et le rêve d’asservissement de la Nature à l’homme — et au premier venu, parmi les hommes ! — par l’application des découvertes scientifiques à la recherche du bien-être humain, ont des origines bien plus lointaines. Il faut, pour les comprendre, remonter au dix septième siècle : au rationalisme cartésien et à l’anthropocentrisme qui en est inséparable.

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Il faut remonter plus haut encore, à cette fièvre de curiosité universelle, unie à la volonté prométhéenne de domination de “l’homme”, qui sont les traits caractéristiques de la Renaissance. Le physiologiste Aselli, qui a étudié le processus de la digestion dans les entrailles ouvertes de chiens encore vivants, fait “pendant” à Claude Bernard, à deux siècles de distance. Et Descartes lui-même, avec son anthropocentrisme forcené, — sa fameuse théorie des “animaux-machines” — ainsi que son ardeur à tout examiner, à tout disséquer, à tout vouloir connaître par le seul moyen de la “raison”, et F. Bacon, pour qui la science est avant tout le moyen qui assure le “triomphe de l’homme” sur la Nature, et tant d’autres qui, entre les années 1500 et 1750, ont pense et senti de même, sont, eux aussi, les pères, ou les frères aînés, de tous les enthousiastes plus récents de la science, de la technique, et du salut de l’homme par l’une et l’autre, — des Victor Hugo et des Auguste Comte, non moins que des Louis Pasteur, des Jenner, des Koch, et, plus près de nous, des Pavlov, des Démikhov [53], et des Barnard.

Certes, le Moyen-Age européen avait, à côté de ses grandeurs indéniables, des faiblesses et des barbaries qui le classent sans discussion parmi les époques de l’Age Sombre avancé. Il avait, entre autres, toutes les insuffisances liées à sa foi étroitement chrétienne, et par là même rigoureusement anthropocentrique — foi dont même l’aspect ésotérique n’embrassait rien au-delà de “l’Être” [54]. Il mérite les attaques, parfois virulentes [55] des penseurs et artistes qui lui ont témoigné le plus d’hostilité, mais… à condition qu’il soit bien spécifié que les siècles qui l’ont suivi, loin d’être meilleurs que lui, du point de vue de l’essentiel, ont été pires ; pires, parce qu’ils ne se sont débarrassés (et combien lentement !) de certaines de ses superstitions et atrocités, que pour les remplacer par des superstitions d’un autre ordre, mais tout aussi grossières, et par des atrocités tout aussi révoltantes, et cela, sans rien retenir de ce qui avait fait sa grandeur. Il mérite les attaques de ses détracteurs, à condition que ceux-ci soient justes, et reconnaissent qu’au sein de l’Age Sombre, qui couvre à peu près tout ce que nous connaissons de précis concernant l’histoire du monde, il représente, malgré tout un “redressement” culturel et surtout spirituel ; — une période où, avec, toute l’étroitesse d’esprit, toute l’intolérance religieuse héritée des auteurs de l’Ancien Testament, et tout l’anthropocentrisme inhérent au Christianisme tel qu’il nous est parvenu, l’Europe occidentale (et orientale, car tout ceci est vrai également de Byzance) était alors plus près de l’ordre idéal traditionnel qu’elle ne l’était au temps de la décadence du Paganisme gréco-romain et surtout qu’elle ne l’a été depuis le seizième siècle. L’ésotérisme chrétien que vivaient, alors encore, les initiés d’une élite spirituelle, dont l’existence — jusqu’au quatorzième siècle

53. Le physiologiste russe qui s’est occupé, dans les années “50” et “60”, de greffer des têtes de chien sur d’autres chiens vivants.54. Contrairement à l’ésotérisme hindou, pour lequel le Non-Etre est aussi une manifesta-tion de la “Non-Dualité” fondamentale.55. Comme celle de Leconte de Lisle dans le poème “Les siècles maudits” , Poèmes barba-res.

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au moins, et peut-être même après, pour quelques décades encore, — ne fait pas de doute, assurait cette connection de l’édifice social tout entier [56] avec son archétype secret. La lumière d’une connaissance plus qu’humaine pénétrait d’en haut, par symboles, jusque dans la vie du peuple, et en particulier dans celle des artisans-maçons, sculpteurs sur bois, verriers, forgerons, tisserands, orfèvres. Elle s’exprimait dans le monde des formes et des couleurs par toute la richesse de création anonyme et désintéressée que nous connaissons, depuis les cathédrales romanes ou gothiques, ou byzantines, jusqu’aux délicates enluminures d’or, d’azur et de vermillon ; création, je le répète, anonyme et désintéressée, d’une beauté dont le secret était à chercher dans des vérités indépendantes du temps. L’utilité pratique des œuvres d’art qu’elle inspirait — quand celles-ci, comme c’était évidemment le cas en général, en avaient une était malgré tout moins importante que leur “signification”, révélatrice d’un monde tenu pour plus réel que le visible.

Il est curieux, pour le moins, de remarquer que c’est, précisément, quand la connaissance initiatique — donc, la connaissance de l’éternel, — s’obscurcit chez l’élite qui, jusqu’alors, la détenait, et quand par là même, le “sens” spirituel de toute œuvre de beauté échappe de plus en plus à l’artiste comme à l’artisan, que commence à se répandre la soif d’investigation du devenir au moyen de l’expérimentation systématique. C’est d’à partir de ce moment que se rencontrent, de plus en plus souvent, l’exigence de la preuve visible et tangible de tout savoir, le refus de croire à l’existence du supra-humain ou, au moins, de s’y intéresser, et enfin la préoccupation croissante de la mise en valeur des richesses matérielles du monde au profit du plus grand nombre d’hommes possible — en d’autres termes, que s’imposent, de plus en plus, les sciences expérimentales et les techniques, aussi bien industrielles que médicales, qui en dérivent.

Et il est intéressant de noter que ce n’est pas là un état de choses unique, apparu seulement avec le déclin du Christianisme à l’aurore des Temps Modernes. Le même phénomène moral et culturel, le même transfert de valeurs, s’est manifesté, avec l’affaiblissement de la foi traditionnelle, durant la longue et lente agonie du Monde grec antique, de la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ, jusqu’au quatrième siècle après. C’était alors, déjà dans le domaine des lettres, (et bien davantage encore qu’au temps de la Renaissance), le règne de la quantité au dépens de la qualité. C’était un pullulement de polygraphes, un peu comme à notre époque, et une absence à peu près complète d’œuvres de tout premier plan, si l’on met à part celle — gigantesque, elle, il est vrai, — d’Aristote, encore toute récente alors que cette période ne faisait que commencer. C’était une époque de grammairiens, non de poètes ; de savants du verbe, non de créateurs par le verbe ; d’érudits, de gens qui connaissaient bien, et étaient capables d’analyser en détails, l’œuvre de leurs prédécesseurs, non de littérateurs dont l’œuvre propre — comme, par exemple, celle des auteurs tragiques de l’époque

56. La pyramide féodale où, en principe, chacun était à sa place.

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grecque classique, — devait dominer les siècles à venir. Les génies du verbe et de la pensée pure, — les Virgile, les Lucrèce, — apparaissent, au célèbre “siècle d’Auguste”, non plus en Grèce, ou en Sicile hellénisée, ou à Alexandrie, mais en Italie proprement dite, déjà dans la sphère de cet Occident d’où finira par sortir, toujours sous l’influence des peuples du Nord, la jeune Europe, qui sera la seule vraie.

Mais ce monde hellénique lentement décadent, — qui ne renaîtra, après avoir subi le Christianisme, que pour se détacher de plus en plus de “l’Europe” sans pouvoir et sans vouloir, même aujourd’hui, s’y intégrer, — est caractérisé par l’essor qu’y prennent les sciences expérimentales et les applications de ces dernières. La soif d’étudier les phénomènes de la Nature et d’en découvrir les lois, les “explications”, qui satisfont la raison, — s’y généralise, à mesure que lu science traditionnelle des prêtres de Grèce comme d’Egypte, fruit d’un intuition intellectuelle directe du principe même de ces lois, y devient plus rare. Et surtout, on s’y acharne de plus en plus — comme on le fera plus tard, à l’époque de la Renaissance, et plus encore au dix-neuvième et vingtième siècles, — à se servir de ces lois physiques pour construire des appareils d’utilité pratique, telles la vis sans fin, la “vis inclinée” et les quarante autres machines dont on attribue l’invention à Archimède ; tels encore ces “miroirs ardents”, énormes verres grossissants au moyen desquels ce même homme de génie incendiait à distance les vaisseaux romains qui bloquaient Syracuse, ou les “fontaines de compression”, ou les robots, de Héron.

L’anatomie, la physiologie, et l’art médical, qui s’appuie sur sur l’une et l’autre, y sont, — et cela aussi est à noter, — de plus en plus en honneur. S’il est vrai qu’au dix-septième siècle Aselli et Harvey font déjà pressentir Claude Bernard, il l’est non moins qu’à la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ déjà, — deux mille ans plus tôt — Erasistratos et Hérophile faisaient pressentir non seulement Aselli et Harvey, mais aussi les fameux physiologistes, médecins et chirurgiens du dix-neuvième et du vingtième siècle. Certes, il y a loin des automates de Héron aux ordinateurs modernes, comme il y a loin, aussi, des dissections d’Hérophile et, quatre cents ans plus tard, de celles de Galien, si horribles qu’aient pu être les unes et les autres, aux atrocités des transplanteurs d’organes, — ou de têtes — voire à celles des spécialistes du cancer, perpétrées aujourd’hui au nom de la curiosité scientifique et “dans l’intérêt de l’homme”. Il y a loin quant aux résultats, de la technique embryonnaire du monde hellénistique, et plus tard romain, à celle que nous voyons se développer dans tous les domaines autour de nous, voire même à celle du seizième siècle. Mais il n’en demeure pas moins vrai que, à ces deux époques où une forme de religion traditionnelle se relâche, avant de se couper définitivement de sa base ésotérique, se fait jour une recrudescence d’intérêt porté aux sciences expérimentales et à leurs applications, un réveil du désir de domination de l’homme sur les forces de la Nature et sur les êtres vivants d’autres espèces que la sienne, eu vue du profit ou

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de la commodité du plus grand nombre possible de gens. Ce ne sont pas encore la mécanisation à outrance et la production en masse qu’inaugurera en Europe le dix-neuvième siècle et qu’intensifiera le vingtième, avec toutes les conséquences que l’on connaît. Mais c’est déjà l’esprit des savants dont l’œuvre a, de près ou de loin, préparé cette évolution : l’esprit de la recherche expérimentale en vue des applications de l’information conquise au confort matériel de l’homme, à la simplification de son travail, et au prolongement de sa vie corporelle, c’est-à-dire en vue de la lutte contre la sélection naturelle. La machine permet, en effet, à l’individu ou au groupe de réussir sans force ou habileté spéciale innée, et la drogue — ou l’intervention chirurgicale — empêche le malade même le plus inutile et le moins intéressant de quitter la planète et de laisser sa place à l’homme sain, de plus de prix que lui.

Il est difficile de ne pas être impressionné par la place toujours plus importante que prend, tant pendant les derniers siècles du Monde Antique que dès le début des Temps modernes et à notre époque, l’expérimentation pratiquée sur des êtres vivants, en vue d’une information plus complète concernant la structure et les fonctions des corps et de son application à l’art de guérir — de guérir, ou d’essayer de guérir, à n’importe quel prix. Ce sont, des époques où, comme aujourd’hui, le médecin, le chirurgien et le biologiste sont honorés comme de grands hommes ; et où la vivisection, — plus ancienne, certes, puisque déjà au sixième siècle avant Jésus-Christ, Alcméon disséquait, dit-on, des animaux, mais de plus en plus encouragée, grâce à un anthropocentrisme sans restrictions, — est regardée comme une méthode tout à fait légitime de recherche scientifique.

Il y a donc des “précédents”. Et l’on en trouverait sans doute d’autres, correspondant à d’autres déclins collectifs, si l’histoire du monde était mieux et plus uniformément connue. Mais il semble bien que plus on remonterait dans le temps et moins seraient accusés certains traits qui rapprochent les civilisations antiques les plus sophistiquées du monde mécanisé d’aujourd’hui. Je pense, par exemple, à ces très vieilles métropoles de la civilisation dite “de la Vallée de l’Indus”, Harappa et Mohenjo-Daro, dont les archéologues ont attesté l’existence de bâtisses de sept ou huit étages, et souligné l’énorme production en série de vases de terre et autres objets, tous d’une facture parfaite, mais tous désespérément semblables. Comment ne pas être frappé par cette uniformité dans la quantité et ne pas s’imaginer, dans les ateliers d’où sortaient ces objets faits en masse, et peut-être “à la chaîne”, une “robotisation” de l’ouvrier préfigurant déjà, à cinq ou six mille ans de distance, celle du “matériel humain” de nos usines ? Et comment ne pas voir, dans les invasions aryennes successives qui, d’à partir du quatrième millénaire avant l’ère chrétienne, sinon plus tôt, se sont heurtées à ce monde ultra organisé, — mécanisé, autant que se pouvait alors, — et qui l’ont détruit (tout en s’assimilant, certes, ce que son élite pouvait offrir de meilleur), comment, dis-je, ne pas voir en elles les instruments bénis d’un redressement ?

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Comment ne pas voir en leur œuvre : l’installation de la civilisation védique dans l’Inde, — un arrêt au moins momentané dans la marche descendante que représente le cours de notre Cycle, surtout à l’Age Sombre, alors près de son commencement ; une tentative de combat “contre le Temps”, entreprise par les Aryas, sous l’impulsion des Forces de vie, comme devaient en entreprendre, des siècles plus tard, toujours mus par ces même Forces, à tour de rôle, en d’autres pays, des envahisseurs de la même race que ceux-ci : les Hellènes et les Latins, au déclin des cultures égéenne et italique, techniquement trop avancées ; les Romains, au déclin du monde hellénistique, les Germains, au déclin du monde romain?

Mais l’emprise de la mécanisation sur la civilisation de Harappa et de Mohenjo-Daro, — “mécanisation” toute relative, d’ailleurs, puisqu’il ne s’agissait là, encore, que de production artisanale en série, — devait être moins fatale que celle qu’allait subir le monde méditerranéen puis le monde occidental, respectivement à l’époque d’Archimède, puis de Héron, — et des ergastules de Carthage, d’Alexandrie, puis de Rome, — et au dix-huitième siècle et surtout au dix-neuvième, et de nos jours. Le monde de la Vallée de l’Indus avait encore, même, dans son déclin, autre chose à donner à ses successeurs que des recettes de production. Il paraîtrait que c’est de lui qu’ils auraient appris certaines formes, au moins, de Yoga, ce qui, — si cela est vrai, — est énorme. De même, et jusque dans sa décadence la plus avancée, le monde hellénistique, puis gréco-romain, a gardé, ne fût-ce que chez les Néo-Pythagoriciens et les Néo-Platoniciens, quelque chose de ce que l’ésotérisme antique avait d’essentiel. Cela a été, — avec ce qu’il y avait d’éternel dans l’enseignement d’Aristote, — assimilé au Christianisme ésotérique. Cela a survécu, à Byzance, et a donné là, ainsi qu’en Occident, durant tout le Moyen-Age la floraison de beauté que l’on connaît : le beau est le rayonnement visible du Vrai.

Mais des trésors du Moyen-Age, — de tout ce qu’il avait conservé de l’éternelle Tradition indo-européenne, malgré son rejet des formes que celle-ci avait prises, en Germanie et dans tout le nord du continent, comme en Gaule, avant l’apparition du Christianisme, — l’esprit étroitement “scientifique” de la Renaissance, et surtout des siècles suivants, n’a rien voulu, ou pu, retenir. Si on en croit René Guénon et quelques autres auteurs apparemment bien renseignés, ces trésors auraient, dès le quatorzième siècle, ou tout au plus dès le quinzième, dès la disparition des derniers héritiers directs de l’enseignement secret de l’Ordre du Temple, été mis hors de portée de l’Occident.

L’intérêt que tant d’auteurs du dix-neuvième siècle ont porté au Moyen-Age demeure, — tout comme l’engouement des gens du seizième pour l’Antiquité classique et la mythologie gréco-romaine, — attaché à ce qu’il y a à la fois de plus pittoresque et de plus superficiel dans ce passé. La preuve en est que, chez eux, il va de pair avec la croyance la plus naïve au “progrès” et à l’excellence de l’alphabétisme généralisé comme moyen le plus sûr de hâter celui-ci. (Que l’on

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se souvienne des pages d’un Victor Hugo à ce sujet). Le lien avec l’immémoriale sagesse indo-européenne, voire avec le peu que le Christianisme a réussi à s’en assimiler après en avoir détruit — par la bribe ou par la violence, de la Méditerranée à la Mer du Nord et à la Baltique, — toutes les expressions exotériques, est bel et bien coupé. Et c’est à la place de cette antique sagesse que l’Occident voit prendre corps et se répandre et florir une véritable religion du laboratoire et de l’usine ; une foi obstinée au progrès indéfini de la puissance de l’homme, et je le répète, de n’importe quel “homme”, qu’assurerait l’ “asservissement” des forces de la Nature, c’est-à-dire leur utilisation, parallèlement à la connaissance indéfiniment accrue de ses secrets. C’est à sa place qu’il la voit s’imposer, et non plus à côté d’elle, comme aux Indes ou au Japon, et partout où des peuples de civilisation “traditionnelle” ont, à contre-cœur, et tout en se cramponnant à leur âme, accepté les techniques modernes.

Cela aboutit à la “conquête de l’atome” et à la “conquête de l’espace” (en fait, jusqu’ici, du tout petit espace entre notre Terre et la Lune ; moins d’un demi-million de nos pauvres kilomètres. [57]). Mais on ne se décourage pas. Bientôt, disent nos savants, ce sera le système solaire tout entier qui tombera dans le “domaine de l’homme” ; le système solaire et puis — car pourquoi s’arrêterait-on ? — des portions toujours plus vastes de l’Au-delà physique, “sans fond ni bord” [58]. Cela aboutit aussi, — au prix de quelles horreurs au niveau de l’expérimentation à l’échelle mondiale ! — au rêve luciférien du prolongement indéfini de la vie corporelle avec, déjà, la terrible conséquence pratique des efforts accomplis jusqu’ici pour le réaliser : le pullulement effréné de l’homme — et plus particulièrement de l’homme inférieur — aux dépens de la flore et de la faune la plus noble de la terre, et de l’élite raciale humaine elle-même.

57. 480.000 (environ).58. “Par l’espace éclatant qui n’a ni fond ni bord…”

Leconte de Lisle (“La Tristesse du Diable” ; Poèmes Barbares.)

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DEVELOPPEmENT TECHNIQUE ET

“COmbAT CONTRE LE TEmPS”

« Quel soleil, échauffant le monde déjà vieux,Fera mûrir encor les labeurs glorieux

Qui rayonnaient aux mains des nations viriles ? »

Leconte de Lisle (“L’Anathème” ; Poèmes Barbares.)

Il est à noter que les Églises qui, théoriquement, devraient être les gardiennes de tout ce que le Christianisme peut contenir de vérité éternelle [59], ne se sont opposées aux savants que lorsque les découvertes de ceux-ci tendaient à mettre en doute ou contredisaient ouvertement la lettre de la Bible. (Chacun connaît les démêlés de Galilée avec le Saint Office au sujet du mouvement de la Terre). Mais il n’a, à ma connaissance, jamais été question pour elles de s’insurger contre ce qui me semble être la pierre d’achoppement de toute recherche non-désintéressée des lois de la matière ou de la vie, à savoir, contre l’invention de techniques visant à contrecarrer la finalité naturelle, — ce que j’appellerai des techniques de décadence. Elles n’ont, surtout, pas davantage, dénoncé et condamné catégoriquement, à cause de leur caractère odieux en soi, certaines méthodes d’investigation scientifique, telles, par exemple, que toutes les formes de vivisection. Elles ne le pouvaient pas, étant donné l’anthropocentrisme inhérent à leur doctrine même. J’ai rappelé plus haut que la vision qu’ouvrait à ses initiés d’Occident, au Moyen-Age, l’enseignement ésotérique du Christianisme, ne dépassait pas “l’Etre”. Mais aucune forme exotérique du Christianisme n’a jamais dépassé “l’homme”. Chacune d’elles affirme et souligne le caractère “à part” de cet être, privilégié quelle que soit sa valeur (ou son absence de valeur) individuelle, quelle que soit sa race ou son état de santé. Chacune clame le souci qu’elle a de son intérêt véritable, et l’aide qu’elle lui offre en vue de la recherche de son “bonheur” dans l’au-delà, certes, mais déjà en ce bas monde. Chacune n’a

59. Offerte aux fidèles à travers le symbolisme des récits sacrés, comme à travers celui de la liturgie.

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de sollicitude que pour lui, — “l’homme”, toujours l’homme, contrairement même à tous les “exotérismes” d’origine indo-européenne (Hindouisme ; Bouddhisme), qui, eux, insistent sur les devoirs de leurs fidèles “envers tous les êtres”.

C’est, je pense, justement à cet anthropocentrisme intrinsèque que le Christianisme doit la courte durée de son rôle positif en Occident, — dans la mesure où, malgré toute l’horreur attachée à l’histoire de son expansion, un certain rôle positif peut lui être attribué. Une fois affaiblie, puis morte, l’influence de sa vraie élite spirituelle, — de celle qui, jusqu’au quatorzième ou quinzième siècle peut-être, se rattachait encore à la Tradition, — rien n’a été plus facile pour l’Européen que de passer de l’anthropocentrisme chrétien à celui des rationalistes, théistes ou athées ; que de remplacer le souci du salut individuel des “âmes” humaines, toutes tenues pour infiniment précieuses, par celui du “bonheur de tous les hommes” — aux dépens des autres êtres et de la beauté de la terre, — grâce à la généralisation des techniques de l’hygiène, du confort et des jouissances à la portée des masses. Rien ne lui a été plus aisé que de continuer à professer son anthropocentrisme en se contentant de lui donner une justification différente, à savoir, en passant de la notion de “l’homme”, créature privilégiée parce que “créée à l’image de Dieu” — et, ce qui plus est, d’un “Dieu” éminemment personnel — à celle de “l’homme”, mesure de toutes choses et centre du monde parce que “raisonnable”, c’est-à-dire capable de concevoir des idées générales et de les utiliser dans des raisonnements ; capable d’intelligence discursive, donc de “science”, au sens courant du mot.

Certes, le concept d’”homme” a subi quelque détérioration au cours du processus. Comme l’a fort bien montré A. de Saint-Exupéry, l’individu humain, privé désormais du caractère de “créature à l’image de Dieu” que lui conférait le Christianisme, devient finalement un numéro au sein d’une pure quantité et un numéro qui a de moins en moins d’importance en soi. On comprend alors que chacun soit sacrifié “à la majorité”. Mais on ne comprend plus pourquoi “la majorité”, voire une collectivité de “quelques uns”, se sacrifierait, ou même se dérangerait pour un seul. Saint-Exupéry voit la survivance d’une mentalité chrétienne dans le fait qu’en Europe, encore aujourd’hui, des centaines de mineurs risqueront leur vie pour essayer de tirer l’un d’entre eux du trou où il gît emprisonné, sous les débris dûs à une explosion. Il prévoit que nous nous acheminons peu à peu vers un monde où cette attitude, — qui semble encore si naturelle à chacun de nous, — ne se concevra plus. Peut-être ne se conçoit-elle déjà plus dans la Chine communiste. Et il est à remarquer que, même en Occident, où elle se conçoit encore, les majorités sont de moins en moins portées à s’imposer de simples inconvénients pour épargner, à un ou deux individus, non certes, la mort, mais la gêne, et même une véritable souffrance physique. L’homme qu’une certaine musique irrite au plus haut point, et qui n’est pas en cure suffisamment développé spirituellement pour s’en isoler par sa seule ascèse, est forcé de supporter, dans les autobus, et parfois même dans les trains

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ou les avions, la radio commune, — ou le transistor d’un autre voyageur, — si la majorité des passagers la tolère ou, à plus forte raison, en jouit. On ne lui demande pas son avis.

On peut, si l’on veut, avec Saint-Exupéry, préférer l’anthropocentrisme chrétien à celui des rationalistes athées, fervents des sciences expérimentales, du progrès technique et de la civilisation du bien-être. C’est une affaire de goût. Mais il me semble impossible de ne pas être frappé par la logique interne qui mène, sans solution de continuité, du premier au second, et, de celui-ci à l’anthropocentrisme marxiste, pour lequel l’homme, — lui-même pur “produit de son milieu économique” — pris en masse, est tout, pris individuellement, ne vaut que ce que vaut sa fonction dans l’engrenage, de plus en plus compliqué, de la production, de la distribution et de l’utilisation des biens matériels, au profit du plus grand nombre. Il me semble impossible de ne pas être frappé par le caractère tout autre que “révolutionnaire” et du Jacobinisme, à la fin du dix-huitième siècle, et du Marxisme (et Léninisme), tant au dix-neuvième qu’au vingtième.

C’est l’effusion de sang, dont ces mouvements idéologiques ont vu s’accompagner leur prise de pouvoir, qui fait illusion. On s’imagine volontiers que tuerie est synonyme de révolution ; et que plus un changement est, historiquement, lié à des massacres, et plus il est, en soi, profond. On s’imagine aussi qu’il est d’autant plus radical qu’il affecte plus visiblement l’ordre politique. Or, il n’en est rien. L’un des changements les plus réels, et les plus lourds de conséquences durables, dans l’histoire connue, le passage de multitudes d’Hindous de toutes castes du Brahmanisme au Bouddhisme, entre le troisième et le premier siècle avant l’ère chrétienne, — s’est effectué, non seulement sans effusion de sang, sans “révolution” au sens populaire du mot, mais encore sans le moindre bouleversement politique. N’empêche que le Bouddhisme, même qu’il ait été, plus tard, pratiquement éliminé de l’Inde, a bel et bien marqué ce pays pour toujours [60].

Le Marxisme-Léninisme est, lui, malgré les persécutions, les batailles, les exécutions en masse, les tortures, les morts lentes dans les camps de concentration, et les renversements politiques qui en ont partout accompagné la victoire, beaucoup trop “dans la ligne” de l’évolution de l’Occident — et du monde, dominé de plus en plus par la technique occidentale, pour mériter le nom de “doctrine révolutionnaire”. Fondamentalement, il représente la suite logique, la suite inévitable, du système d’idées et de valeurs qui sous-tend et soutient le monde surgi à la fois de la Révolution Française et de l’industrialisation de plus en plus poussée qui s’affirme au dix-neuvième siècle ; système dont le germe se trouvait déjà dans le respect quasi religieux des Jacobins pour la “science” et son application au “bonheur” du plus grand nombre d’hommes,

60. On pourrait en dire autant du Jaïnisme, qui y compte encore un ou deux millions de fidèles.

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tous “égaux en droits”, et avant cela, dans la notion de “conscience universelle”, liée à celle de “raison”, la même pour tous, telle qu’elle apparaît chez un Kant, un Rousseau, un Descartes. Il représente la suite logique de cette attitude qui tient pour légitime toute révolte contre une autorité traditionnelle au nom de la “raison”, de la “conscience”, et surtout des soi-disant “faits”, mis en lumière par la recherche “scientifique”. Il complète la série de toutes ces étapes de la pensée humaine, dont chacune constitue une négation de la diversité hiérarchisée des êtres, y compris des hommes ; un abandon de l’humilité primitive du sage d’une heure, devant la Sagesse éternelle ; une rupture avec l’esprit de toutes les traditions d’origine plus qu’humaine. Il représente, au stade où nous sommes arrivés, l’aboutissement naturel de toute une évolution qui se confond avec le déroulement même de notre cycle — déroulement qui s’accélère, à mesure qu’il approche de sa fin, selon la loi immuable de tous les cycles. Il n’a, certes, rien “révolutionné” du tout. Il a seulement accompli les possibilités d’expression de la tendance permanente du cycle, alors que l’expansion de plus en plus rapide de la technique — du mécanisme, sous toutes ses formes, — coïncide avec l’accroissement de plus en plus envahissant de la population du globe.

En un mot, il est “dans la ligne” du cycle, — et plus spécialement de la dernière partie de celui-ci.

Le Christianisme représentait, certes, pour le Monde antique, un changement au moins aussi spectaculaire que celui qu’offre, dans le monde d’aujourd’hui, le Communisme victorieux. Mais il avait, lui, un côté ésotérique qui le rattachait, malgré tout, à la Tradition, et d’où il tirait sa justification en tant que religion. C’est son aspect exotérique qui en a fait, aux mains des puissants qui l’ont encouragé ou imposé, — et tout d’abord aux mains d’un Constantin, — l’instrument d’une domination assurée par un abaissement plus ou moins rapide des élites raciales ; par une unification politique par le bas. [61] C’est ce même aspect exotérique — en particulier l’importance énorme qu’il a donnée à toutes les “âmes humaines”, quelles qu’elles fussent, — qui oblige Adolf Hitler à voir dans le Christianisme la “préfiguration du Bolchevisme”, la “mobilisation, par le Juif, de la masse des esclaves, en vue de miner la société” [62], la doctrine égalitaire et anthropocentrique ; — antiraciste au plus haut degré, — propre à gagner “les innombrables déracinés” [63] de Rome et du Proche Orient romanisé. C’est lui qu’il attaque dans toutes ses critiques de la religion chrétienne, en particulier dans le rapprochement qu’il fait constamment entre le Juif Saül de Tarse, — le saint Paul des Églises, — et le Juif Mardoccai, alias Karl Marx.

61. La pureté de race ne jouait plus aucun rôle sous Constantin. Et même dans l’empire germanique, mais chrétien, de Charlemagne, beaucoup plus tard, un Gallo-romain chré-tien avait plus de considération qu’un Saxon ou autre Germain païen.62. “Libres Propos sur la Guerre et la Paix”, p. 8.63. “Libres Propos sur la Guerre et la Paix”, p. 76.

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Mais on pourrait dire que l’anthropocentrisme chrétien séparé, bien entendu, de sa base théologique, existait déjà dans la pensée du monde hellénistique, puis romain ; qu’il représentait même, de plus en plus, le dénominateur commun des “intellectuels”, tout autant que de la plèbe, de ces mondes. Je me demande même si on ne le voit pas se dessiner de plus loin, car au sixième siècle avant l’ère chrétienne, Thalès de Milet remerciait, dit-on, les Dieux de l’avoir créé “être humain, et non animal ; homme, et non femme ; Hellène, et non Barbare,” c’est-à-dire étranger.

Il est plus que probable qu’à l’époque alexandrine déjà, un “sage” aurait rejeté les deux dernières (la dernière surtout !) de ces trois raisons de rendre grâce au Ciel. Mais il aurait retenu la première. Et il est douteux qu’il l’eût justifiée avec autant de simple bon sens que Thalès. Or toute exaltation de “l’homme” considéré en soi, et non en tant qu’échelon à dépasser, — non en tant que “moyen”, en vue d’une fin plus qu’humaine, — conduit automatiquement à la surestimation et des masses et des individus les mains intéressants ; à un souci morbide de leur “bonheur” à n’importe quel prix ; donc, à une attitude avant tout utilitaire en face de la connaissance comme de l’action créatrice.

En d’autres mots si, d’une part, dans la monde hellénistique — puis romain, des doctrines ésotériques se rattachant plus ou moins à la Tradition — donc des doctrines “au-dessus du Temps” — ont flori au sein de certaines écoles de sagesse antique — chez les Néo-Platoniciens, les Néo-Pythagoriciens, et chez certains Chrétiens, il est, d’autre part, bien sûr que tout ce que le Christianisme conquérant, (exotérique, lui, et à quel degré !) présentait de soi-disant “révolutionnaire” était, tout comme l’intérêt largement porté alors aux applications des sciences expérimentales, dans le sens du Cycle.

Que les Églises se soient, plus tard, au cours des siècles, opposées a l’énoncé de plusieurs vérités scientifiques, “contraires au dogme” ou supposées telles, cela n’y change rien. Il s’agit là, en effet, d’une pure rivalité entre pouvoirs visant, l’un et l’autre, au “bonheur de l’homme” — dans l’autre monde ou dans celui-ci, — et se gênant mutuellement comme deux fournisseurs de commodités semblables. Si les Églises, aujourd’hui, cèdent de plus en plus de terrain, si elles sont toutes (y compris l’Église romaine), plus tolérantes envers ceux de leurs membres qui — comme Teilhard de Chardin — font à “la science” la part la plus large, c’est qu’elles savent que les gens s’intéressent de plus en plus au monde visible et aux avantages qui découlent, pour eux, de sa connaissance ; de moins en moins à ce qui ne se voit ni ne se “prouve”, — et qu’elles font ce qu’elles peuvent pour garder leurs ouailles. C’est qu’elles “suivent le mouvement”, tout en faisant remarquer le plus souvent possible, que les “valeurs” anthropocentriques des athées sont, au fond, les leurs ; que c’est même à elles qu’ils les doivent, sans s’en rendre compte.

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Aucune doctrine, aucune foi liée à ces valeurs n’est “révolutionnaire”, quels que puissent être les arguments — tirés d’une morale “révélée”, ou d’une “science” économique, — sur lesquels elle s’appuie.

Les vrais révolutionnaires sont ceux qui militent non contre les institutions d’un jour, au nom du “sens de l’histoire”, mais bien contre le sens de l’histoire, au nom de la Vérité intemporelle ; contre cette course à la décadence, caractéristique de tout cycle qui approche de sa fin, au nom de leur propre nostalgie de la beauté de tous les grands recommencements, de tous les débuts de cycles. Ce sont ceux qui, précisément, prennent le contre-pied des soi-disant “valeurs”, en lesquelles s’est graduellement affirmée et continue de s’affirmer l’inévitable décadence, inhérente à toute manifestation dans le Temps. Ce sont, à notre époque, les disciples de Celui que j’ai appelé “l’Homme contre le Temps”, Adolf Hitler. Ce sont, dans le passé, tous ceux qui ont, comme lui, combattu, à contre-courant, la poussée croissante de Forces de l’abîme, et préparé son œuvre de loin ou de près — son œuvre, et celle du divin Destructeur, immensément plus dur, plus implacable, plus loin de l’homme, que lui, que les fidèles de toutes les formes de la Tradition attendent sous divers noms ; “à la fin des siècles”.

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La plupart des gens qui croient connaître l’Hitlérisme, et bon nombre de ceux qui ont assisté de près, voire même participé à sa lutte pour le pouvoir, trouveront paradoxale cette interprétation du Mouvement qui, en transfigurant l’Allemagne a failli — et de combien peu ! — rénover la Terre. C’était, diront-ils, tout le contraire d’un mouvement destiné à mettre fin au présent “règne de la quantité”, avec toute la mécanisation du travail et de la vie elle-même, qu’il implique. C’était une doctrine qui s’adressait visiblement aux masses laborieuses, — masses “de sang pur”, ou supposé tel, à l’instinct sain, sans aucun doute biologiquement supérieures aux éléments enjuivés de l’ “intelligentsia”, mais “masses” tout de même. L’organisation qui en représentait l’instrument de diffusion ne portait-elle pas le nom éloquent de “Parti national-socialiste des ouvriers allemands” [64] ? Et le Führer, lui-même issu du peuple, ne répétait-il pas à satiété, dans ses discours, que seul ce qui vient du peuple, ou du moins y plonge ses racines, est sain, est fort, est grand ? Au fait, le mot “völkisch” est d’une telle résonance dans la terminologie nationale-socialiste, qu’il est devenu on ne peut plus suspect après le désastre de 1945. On l’évite en Allemagne “rééduquée” d’après-guerre, presqu’autant que les mots Rasse (race) et Erbgut (hérédité).

Mais il y a plus : le Führer semble avoir, comme l’ont fait dans le monde moderne peu d’hommes responsables des destinées d’un grand peuple, visé trois buts des plus en accord avec l’esprit de notre époque : un perfectionnement

64. “National Sozialistische Deutscher Arbeiter Partei” (d’où N.S.D.A.P.)

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technique toujours plus poussé ; un bien-être matériel de plus en plus général ; et un accroissement démographique indéfini : — des naissances toujours plus nombreuses dans toutes les familles allemandes saines, voire même en dehors du cadre familial, pourvu que les parents fussent sains et de bonne race.

Il est certain que la plupart des déclarations qui illustrent le premier et le dernier de ces buts se justifient par l’état de guerre qui menaçait, ou que subissait l’Allemagne, au moment où elles ont été faites. En voici une, par exemple, du 9 février 1942 : “Si je disposais maintenant d’un bombardier capable de voler à plus de sept cent cinquante kilomètres à l’heure, j’aurais partout la suprématie… Cet appareil serait plus rapide que les plus rapides des chasseurs. Aussi, dans nos plans de fabrication, devrions-nous d’abord nous attaquer au problème des bombardiers”… “Dix-mille bombes lâchées au hasard sur une ville n’ont pas l’efficacité d’une seule bombe lâchée avec certitude sur une centrale électrique, ou sur les stations de pompage dont dépend le ravitaillement en eau.” Et plus loin : “Dans la guerre des techniques, c’est celui qui arrive à point nommé avec l’arme qui s’impose, qui emporte la décision. Si nous réussissons à mettre en ligne, cette année, notre nouveau panzer, à raison de douze par division, nous surclasserons de façon écrasante tous les blindés de nos adversaires… Ce qui est important, c’est d’avoir la supériorité technique en tout cas sur un point décisif. Je le reconnais : je suis un entiché de la technique. Il faut arriver avec des nouveautés qui surprennent l’adversaire, afin de conserver toujours l’initiative.” [65]

On pourrait ad infinitum multiplier de pareilles citations, extraites d’entretiens du Führer avec ses ministres ou ses généraux. Elles ne feraient que prouver, chez lui, un sens des réalités, dont l’absence serait pour le moins étonnante auprès d’un chef de guerre.

Il en va de même des idées d’Adolf Hitler sur la nécessité d’un grand nombre d’enfants sains. Son point de vue est celui du législateur, donc du réaliste ; et non seulement de celui qui sait tirer de justes conclusions des observations qu’il a lui-même pu faire, — qui, entre autres choses connaît les conséquences qu’a eues, pour la France, une pernicieuse politique de dénatalité [66] mais de celui qui comprend les leçons de l’histoire, et veut en faire bénéficier son peuple. Le Monde Antique, soulignait-il, a dû sa perte à la restriction des naissances parmi les patriciens, et au passage du pouvoir aux mains d’une plèbe de races les plus diverses “le jour où le Christianisme effaça la frontière qui, jusqu’alors, séparait les deux classes” [67]. Et il concluait, un peu plus loin : “C’est le biberon qui nous sauvera” [68]. Son point de vue est aussi celui du conquérant conscient de la pérennité de la loi naturelle, qui veut que “le plus digne” soit ultimement, aux

65. “Libres propos sur la guerre et la paix”, traduction de Robert d’Harcourt, p. 297-98.66. Ibid. p. 254.67. Ibid. p. 254.68. Ibid. p. 154.

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yeux du Destin, le plus fort ; conscient, donc, de la nécessité, pour un peuple missionné, — un peuple d’avenir, — d’étre le plus fort.

Adolf Hitler rêvait d’expansion germanique à l’Est. Il l’a dit, et répété. Il apparaît, toutefois, qu’il existait une différence entre ce rêve et celui de ces conquérants d’Orient ou d’Occident qui n’ont euu en vue que l’aventure lucrative. “Je considérerais, comme un crime”, dit-il encore, dans ce même entretien de la nuit du 28 au 29 Janvier 1942, “d’avoir sacrifié la vie de soldats allemands simplement pour la conquête de richesses matérielles à exploiter dans le style capitaliste. Selon les lois de la nature, le sol appartient à celui qui le conquiert. Le fait d’avoir des enfants qui veulent vivre ; le fait que notre peuple éclate dans ses frontières étriquées, cela justifie toutes nos prétentions sur les espaces de l’Est. Le débordement de notre natalité sera notre chance. La surpeuplement contraint un peuple à se tirer d’affaire. Nous ne risquons pas de demeurer figés à notre niveau actuel. La nécessité nous forcera à être toujours à la tête du progrès. Toute vie se paye au prix du sang.” [69]

Ailleurs, — dans un entretien de la nuit du ler au 2 Décembre 1941 — il dit : “Si je puis admettre un commandement divin, c’est celui-ci : “Il faut conserver l’espèce”. La vie individuelle ne doit pas être estimée à un prix trop élevé.” [70]

En résumé, c’est “l’espèce” (dans d’autres passages, il est question de la “race”), c’est-à-dire ce qu’il y a de plus permanent, de plus impersonnel, de plus essentiel dans le “peuple” lui- même, qui, aux yeux du Chef du Troisième Reich allemand, compte. Le peuple, — son peuple allemand tant aimé, — devait s’étendre à l’Est, coloniser par la charrue les espaces immenses conquis par la guerre, y édifier une culture qu’il voulait sans précédent ; et cela, non pas parce qu’il était “son” peuple, mais parce qu’il représentait, dans son esprit, la pépinière par excellence d’une surhumanité collective ; parce que, considéré objectivement, il se distinguait par des qualités de santé, de beauté physique, de caractère — de conscience : de dureté à la tâche ; d’honnêteté, de courage et de fidélité ; d’intelligence à la fois pratique et spéculative et de sens esthétique, — qualités qui en faisaient le type idéal de “l’espèce” : l’ensemble humain historique le plus proche de “l’Idée de l’Homme”, au sens platonicien du mot. Il devait, parce que le Führer sentait qu’il le pouvait, et était même, à notre époque, le seul à le pouvoir, jeter les bases d’un “Grand Reich”, qui aurait été bien autre chose qu’une entité politique. Il devait, au cours des siècles qui auraient suivi une victoire de l’Allemagne nationale-socialiste, fonder peu à peu une civilisation nouvelle, saine et belle, fidèle aux Lois fondamentales de la vie (contrairement à la société moderne qui, elle, les nie, ou essaye du moins de les contrecarrer) ; une civilisation propre, certes, à l’Age Sombre, dans lequel nous sommes plongés, mais centrée, à l’inverse de celle de l’Europe d’aujourd’hui, sur

69. “Libres propos sur la guerre et la paix,” traduction de Robert d’Harcourt, p. 254-255.70. Ibid. p. 139.

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l’incessant combat contre les Forces de désintégration ; contre tout amollissement et tout enlaidissement ; contre “le sens de l’histoire”, qui n’est que décadence.

Et c’est pour être à la hauteur de cette tâche grandiose qu’il devait pratiquer la politique de la vie débordante ; encourager la natalité, certes, mais aussi ne pas s’opposer à la sélection naturelle ; éliminer sans hésitation les tarés, les débiles, les métissés, et assurer la survie des meilleurs.

L’élite des meilleurs, — l’aristocratie naturelle — constituant forcément une minorité, (et cela, de plus en plus, à mesure qu’on avance dans l’Age Sombre), il fallait bien exalter la famille nombreuse, honorer d’une manière spectaculaire les mères les plus fécondes, tout faire pour l’enfant sain, de bonne race, afin que cette minorité soit quand même assez importante pour fournir les cadres d’une organisation indéfiniment conquérante, ainsi que le noyau créateur — les géants de l’art et de la pensée — d’une culture supérieure. Le Führer a d’ailleurs maintes fois souligné son projet d’incorporation totale des élites nordiques, — scandinaves, néerlandaises, danoises, etc. — au Grand Reich qu’il voulait bâtir, et sollicité la collaboration des Aryens (pas obligatoirement “Nordiques”) du monde entier. Cela seul suffirait à montrer combien sa philosophie raciste et ses buts de guerre transcendaient l’Allemagne, tout en y gardant leurs racines. Et il va sans dire qu’il aurait, s’il en avait eu le pouvoir, — à savoir, s’il avait gagné la guerre, — étendu à toute l’élite aryenne de la terre sa politique d’encouragement de la fécondité.

Deux faits prouvent abondamment qu’il s’agissait là, pour lui, de tout autre chose que de projets “dans le sens du Temps”. La quantité des naissances n’était prévue que parce que, sans elle, la qualité — déjà rare, aujourd’hui, même au sein des races supérieures, — risquait de devenir, encore plus rare : les enfants destinés à devenir des hommes d’une valeur exceptionnelle ne sont pas obligatoirement parmi les deux ou trois premiers-nés de leur famille [71]. On sait ce que perd la race quand meurt un adulte, voire un jeune plein de promesses. On ne “sait pas ce de quoi on prive peut-être la race, chaque fois qu’on empêche un enfant d’être conçu, ou qu’on le supprime avant sa naissance.

D’autre part, l’équilibre naturel entre l’homme et son milieu — autrement dit, le non-pullulement indéfini de l’homme, (même supérieur) — devait être assuré non par une limitation quelconque des naissances (ou des grossesses), mais, d’un côté par l’abolition de toute intervention tendant à encourager la survie des faibles ou des mal-constitués ; de l’autre, par la quasi-permanence de l’état de guerre aux frontières, toujours susceptibles d’extension, du Grand Reich aryen, et par l’attrait que toute activité à la fois utile, ou simplement belle et dangereuse, aurait exercé sur la jeunesse.

Le monde aryen, dominé de près ou de loin par l’Allemagne régénérée, devait être un monde des Forts ; un monde où, tout au moins, l’échelle de valeurs des Forts devait exprimer l’éthique collective. On devait y cultiver l’amour de la

71. “Libres propos sur la guerre et la paix”, traduction de R. d’Harcourt, p. 74.

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vie et de l’action dure et belle, le mépris de la souffrance humaine et de la mort ; en bannir la préoccupation du “bonheur”, la recherche des illusions consolantes, la peur de l’inconnu, et toute manière de faiblesses, de petitesses, de futilités inséparables des civilisations décadentes. On devait en faire un milieu capable d’engendrer et de promouvoir une aristocratie plus qu’humaine — la complète antithèse du règne abrutissant du matérialisme anthropocentrique, soit des Communistes, soit des “sociétés de consommation”.

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Mais ce monde nouveau, inspiré de principes éternels, ce milieu générateur de demi-dieux de chair et de sang, il fallait le forger à partir du matériel humain déjà existant et des conditions, tant économiques que psychologiques, dans lesquelles celui-ci se trouvait. Ces conditions ont d’ailleurs évolué au cours des années qui ont précédé et suivi la Prise de pouvoir, — surtout des années de guerre. C’est de cela qu’il faut tenir compte, si l’on veut comprendre et l’histoire du régime national-socialiste, et le trait que le Troisième Reich allemand a possédé en commun avec toutes les sociétés fortement industrialisées de l’époque moderne, à savoir la place qu’il a donnée aux applications des sciences, ainsi que l’emphase qu’il a mise sur la prospérité matérielle à la portée de tous, sur la vie confortable, voire même luxueuse, présentée comme but immédiat à des millions de gens.

Il ne faut jamais oublier que “c’est du désespoir de la nation allemande qu’est sorti le National-socialisme” [72]. Il ne faut jamais perdre de vue le tableau que présentait l’Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale : l’effondrement économique faisant suite à la catastrophe militaire ; l’humiliation gratuite du peuple le plus vigoureux de l’Europe ; le sentiment qu’avait celui-ci d’avoir été trahi : — livré, pieds et poings liés, à la merci des vainqueurs, alors qu’il s’était battu loyalement et aurait pu, aurait dû triompher ; l’insistance des Commissions alliées sur les réparations à fournir selon les clauses de l’infâme Traité de Versailles ; la menace croissante, puis la tragique réalité de l’inflation ; le chômage ; la faim — et l’usurier juif répondant à la mère de famille allemande, venue lui vendre son alliance pour une somme déjà dérisoire : “Gardez-la ! Vous reviendrez la semaine prochaine me l’offrir pour la moitié de ce prix !”

Mais… “La nuée est déjà moins sombre, où l’aube brille, Et la mer est moins haute, et moins rude le vent.” [73]

Celui qui, “d’âge en âge” prend forme humaine, et revient “quand la Justice est piétinée, quand le mal triomphe”, et rétablit l’ordre… pour un temps, veillait, incognito, perdu dans la foule des désespérés. Il s’est levé ; il a parlé — comme

72. “Libres propos sur la guerre et la paix”, p. 252.73. Leconte de Lisle, “Les Erinnyes”, 2ème partie, III.

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parla autrefois Siegfried à la Walkyrie ; comme Frédéric Barberousse, surgi de sa mystérieuse caverne, doit un jour parler à son peuple. Et l’Allemagne prostrée sentit passer sur elle le Souffle divin. Et elle entendit l’irrésistible Voix, — la même ; l’éternelle. Et la Voix disait : “Ce ne sont pas les guerres perdues qui ruinent les peuples. Rien ne peut les ruiner, si ce n’est la perte de ce pouvoir de résistance qui réside dans la pureté du sang” [74]. Elle disait : “Deutschland erwache !” — “Allemagne éveille-toi !”. Et les faces hagardes, et les faces lasses, — les faces des hommes qui avaient fait leur devoir, et cependant tout perdu ; de ceux qui avaient faim de pain et faim de justice — se sont dressées ; les yeux éteints ont rencontré le regard lumineux du vivant Soldat inconnu, simple caporal de l’armée allemande, qui avait comme eux “fait la guerre”. Et ils ont vu en lui le regard immortel de Frédéric à la barbe rousse, dont l’Allemagne attend le retour ; de Celui qui est revenu cent fois au cours des siècles, en divers lieux sous divers noms, et dont la terre entière attend le retour. Du fond de la poussière, l’Allemagne lui a crié son allégeance. Galvanisée, transfigurée, elle s’est levée et l’a suivi. Elle s’est donnée à lui dans la ferveur de sa jeunesse reconquise — à lui en qui son intuition atavique avait reconnu le Dépositaire de la Vérité totale. Elle s’est donnée à lui comme la Walkyrie à Siegfried, vainqueur du Dragon, maître du Feu.

“Nulle part au monde n’existe un amour aussi fanatique de millions d’hommes pour un seul” [75], écrit Dr. Otto Dietrich, dans un livre de l’époque consacré à la personne du Führer. C’est cet amour, l’amour inconditionnel des petites gens : des ouvriers d’usine et artisans sans travail ; des boutiquiers ruinés ; des paysans dépossédés ; des employés sans emploi ; de tout le brave peuple d’Allemagne et d’une minorité d’idéalistes inspirés — qui porta au pouvoir suprême le Dieu de toujours, revenu sous la forme de l’éloquent ancien combattant de la guerre précédente. C’est à la magie de son verbe, au rayonnement de son visage, à la puissance qui émanait de chacun de ses gestes, qu’ils L’ont reconnu. Mais c’est sa fidélité à ses promesses du temps de la lutte pour le pouvoir qui les attacha à lui, indéfectiblement, jusque dans le brasier sans, répit de la Seconde Guerre mondiale et, — plus souvent que l’observateur superficiel ne le croit, — jusqu’au-delà du désastre absolu de 1945.

Que leur avait-il promis? Avant tout : “Arbeit und Brot” — du travail et du pain ; “Freiheit und Brot” — la liberté et du pain ; la suppression de ce “Diktat” de Versailles : de ce traité imposé à l’Allemagne, le couteau à la gorge, et prétendant sceller à tout jamais sa position de nation vaincue et démembrée, — une place au soleil pour le peuple allemand ; le droit, pour lui, de vivre dans l’honneur, l’ordre et la prospérité, grâce aux vertus dont le nature l’a comblé ; le droit pour lui, enfin, de récupérer dans son sein ses frères de sang, arrachés à la patrie commune

74. ‘‘Mein Kampf’’, éditions 1935 p. 324.75. “Nirgends auf der Welt gibt es eine derart fanatische Liebe, von millionen Menschen zu einem …”

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contre leur volonté. (Le parlement autrichien avait, en 1918, — on l’oublie trop souvent, — voté à l’unanimité le rattachement du pays à l’Allemagne).

Les politiciens, et surtout ceux qui accèdent au pouvoir “par la voie légale et démocratique” — comme Adolf Hitler y a accédé, — tiennent rarement les promesses qu’ils ont faites du haut des tribunes électorales, ou inscrites en toutes lettres sur leurs affiches et pamphlets de propagande. Les patriotes sincères ne tiennent pas forcément les leurs ; il leur arrive d’être dépassés par les événements ; de se tromper, même quand ils n’ont pas menti. Seuls les Dieux ne mentent ni ne se trompent. Eux seuls sont fidèles, toujours. Adolf Hitler a tenu intégralement toutes les promesses qu’il avait faites au peuple allemand avant la Prise de pouvoir. Bien plus : il a donné au-delà de ce qu’il avait promis. (Et si la fatalité même de l’Age dans lequel nous vivons n’avait mis obstacle à son élan ; s’il n’avait pas été trop tard pour qu’un dernier redressement à contre-courant du Temps fût possible, et trop tôt pour espérer, si vite (et à si peu de frais) la fin de ce cycle temporel et l’aube du suivant, il aurait donné bien davantage encore, et à son peuple et au monde entier).

C’est à sa volonté de tenir intégralement tout ce qu’il avait promis, qu’il faut rattacher l’énorme développement industriel, technique — matériel — du Reich, dont il a été l’inspirateur bien avant la guerre de 1939, dès sa mainmise sur le gouvernement Il avait promis à son peuple “du travail et du pain”. Plus de sept millions de chômeurs avaient les yeux fixés sur lui. Ils avaient voté pour lui ; pour son parti ouvrier, ils l’avaient — et leurs fils l’avaient bien souvent, avec eux, — aidé à tenir la rue, dans les échauffourées où s’étaient affrontés, pendant treize ans, ses fidèles et les Communistes. Il ne pouvait les décevoir. D’ailleurs, il les aimait. Dix ans plus tard, — au faîte de la gloire — il parlera encore avec émotion “des humbles” qui s’étaient joints à son Mouvement “alors qu’il était petit”, et pouvait être cru voué à l’échec.

Or, il était impossible d’occuper sept millions de chômeurs, et de rendre à un pays de quatre-vingt millions d’habitants la force et la prospérité — la prospérité, première source de force — sans encourager intensément l’industrie tout en entreprenant toutes sortes de travaux publics. Aussi, bien vite, les usines que l’instabilité de la situation politico-économique du temps de la République de Weimar avait contraintes de fermer leurs portes, se mirent-elles à fonctionner à plein rendement, et y eut-il, d’un bout à l’autre du Reich, une fièvre sans précédent de construction, de transformation, de remaniements gigantesques. C’est alors que furent aménagées ces centaines de kilomètres d’autobahns à quadruple voie, bordées de forêts, objets d’admiration de tous les voyageurs qui ont eu le bonheur de visiter l’Allemagne à cette époque (ou même plus tard, car la plupart de ces routes grandioses subsistent encore). C’est alors que furent exécutés certains de ces grands ensembles architecturaux qui étaient la gloire de l’Allemagne hitlérienne, — tels, à Munich, le monument à la mémoire des Seize tombés le 9 Novembre 1923, ou la Maison Brune ; ou à Berlin, la

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Nouvelle Chancellerie du Reich ; ou à Nuremberg, au stade de Zeppelin Wiese, l’escalier monumental, dominé par un double péristyle reliant trois énormes pylônes aux portes de bronze massif, — un central ; deux latéraux, — escalier du haut duquel, lors des grandes solennités du Parti, le Führer voyait défiler les formations S.A. et S.S., celles de la Hitler Jugend, du “Front du Travail”, et de l’Armée allemande, et d’où il haranguait les multitudes qui débordaient les tribunes et l’immense terrain. Ces travaux d’art et de maçonnerie, que Robert. Brasillach a qualifiés de “mycéniens” pour bien en montrer la puissance écrasante, — que d’autres ont rapprochés des œuvres les plus imposantes de l’architecture romaine — étaient, dans l’esprit d’Adolf Hitler, destinés à durer. Et ils auraient duré, — défié les siècles, — si l’Allemagne avait gagné la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient occupé des milliers d’ouvriers, tout en les saisissant de leur propre grandeur en tant qu’Allemands. Adolf Hitler voulait aussi que l’industrie la plus moderne, — celle qui permet à un pays, toujours plus peuplé au sein d’un monde à démographie galopante, d’augmenter indéfiniment sa production et d’élever son “standard de vie”, tout en se rendant et en demeurant indépendant de l’étranger sinon en le battant sur son propre terrain, — aidât l’homme de son peuple à se saisir de sa propre grandeur.

Sans doute comprenait-il fort bien, lui, que non seulement la technique n’était pas tout, mais qu’elle était même peu de chose, en regard d’autres domaines, — de celui de la qualité de l’homme, par exemple. Mais il se rendait aussi compte que, sans elle, il n’y avait, dans le monde actuel, le monde correspondant au stade avancé de l’Age Sombre — ni puissance ni indépendance possible ; ni survie digne de ce nom. Il était tout aussi conscient de ce fait qu’ont pu l’être, au moment de leur choix forcé, en 1868, les chefs réalistes du Japon traditionnel, ou que devaient l’être, après 1947, certains des hommes qui, aux Indes, ont pris sur eux de rejeter la conception archaïque que Gandhi avait eue de l’autarcie, et de procéder à l’industrialisation du pays, contre son gré. Mais il était, de plus, en tant qu’Européen, et surtout en tant qu’Allemand, conscient du fait que, pour imparfaite qu’elle soit, comparée aux splendides créations aryennes passées, récentes ou lointaines, la technique moderne, fille de la science expérimentale, n’en reste pas moins, en soi, un exploit de la race des maîtres, et un argument de plus en faveur de sa supériorité. Il ne la mettait certes pas sur le même plan que l’œuvre des musiciens allemands classiques, en particulier, que celle de Richard Wagner, son compositeur préféré, ni qui celle des bâtisseurs de cathédrales gothiques ou de temples antiques ; ni que celle des sages aryens, de Nietzsche jusqu’aux bardes védiques, en passant par la pensée grecque. Mais il voyait en elle la preuve que le dernier et le plus grossier accomplissement de l’homme à l’Age Sombre, le seul grand accomplissement dont il soit encore capable, quand ni l’art véritable ni la pensée pure ne l’intéresse plus, est encore un produit du génie aryen.

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C’est cela sans doute qui, avec son désir de donner à son peuple le moyen de rester fort, au milieu d’un monde de plus en plus mécanisé, l’a porté à promouvoir l’industrie nationale et à tout faire pour élever le niveau de vie matérielle de chacun de ses compatriotes.

Il est certain qu’il s’intéressait aux machines — à toutes les machines, des engins de guerre les plus perfectionnés, jusqu’aux vulgaires machines à écrire, qui évitent de perdre le temps “à déchiffrer les griffonnages” [76]. Il parlait, dit-on, de chacune, avec une telle précision de connaissances techniques, — lui, l’autodidacte, en ce domaine comme en tous les autres ! — que les spécialistes en demeuraient bouche-bée.

Il avait une nette sollicitude pour la voiture automobile. Non seulement en pouvait-il discuter les différents modèles de moteurs avec n’importe quel technicien chevronné [77], mais il aimait ce mode de transport. Parlant, dans un entretien du 3 au 4 Février 1942, de ses souvenirs de la Kampfzeit, — de l’époque de sa lutte pour le pouvoir, il dit, entre autres : “La première chose que je fis en sortant de la prison de Landsberg, le 20 Décembre 1924, fut d’acheter ma Mercedes à compresseurs. Bien que je n’aie jamais conduit moi-même, j’ai toujours été un passionné de l’automobile. J’ai aimé tout particulièrement cette Mercedes. De la fenêtre de ma cellule, dans la forteresse, je suivais des yeux les voitures qui passaient sur la route de Kaufbeuern, et je me demandais si le temps reviendrait où je roulerais de nouveau” [78]. Tout le monde connaît la part qu’il a eue à la création et au lancement de la “Volkswagen”, la voiture populaire, au mécanisme solide, qu’il aurait voulu voir en la possession de chaque famille ouvrière ou paysanne allemande.

Et il semble avoir été, dans d’autres domaines encore de la vie quotidienne, tout autre qu’un adversaire de la standardisation. Voici, par exemple, ce qu’il dit dans un entretien du 19 Octobre 1941, rapporté dans ces “Conversations autour de la table” (“Tischgespräche”) traduites en français sous le titre de “Libres propos sur la Guerre et la Paix” : “Construire une maison ne devrait consister en rien d’autre qu’en un montage, ce qui n’entraînerait pas obligatoirement une uniformisation des logements. On peut varier le nombre et la disposition des éléments, mais ils doivent être standardisés. Celui qui veut en faire plus qu’il ne faut saura ce que cela lui coûte. Un Crésus n’est pas en quête de “trois pièces” au prix le plus bas. A quoi cela sert-il d’avoir cent modèles différents de lavabos ? Pourquoi ces différences dans les dimensions des fenêtres et des portes ? Vous changez d’appartement, et vos rideaux ne peuvent plus servir. Pour mon auto, Je trouve partout des pièces de rechange ; pas pour mon appartement… Ces

76. “Libres propos”, p. 75.77. “Je continue de m’intéresser à chaque progrès nouveau dans ce domaine”, dit-il dans un entretien de la nuit du 24 au 25 Janvier 1942, dont la plus grande partie est consacrée à ses chauffeurs et à des problèmes concernant les voitures.78. “Libres propos”, p. 276.

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pratiques ne subsistent que parce qu’elles constituent, pour ceux qui vendent, une possibilité de gagner plus d’argent. D’ici une année ou deux, il faudra que ce scandale ait cessé.”… Il faudra également dans le domaine de la construction, moderniser l’outillage. L’excavateur dont on se sert encore est un monstre préhistorique, comparé au nouvel excavateur à spirale. Quelles économies on réaliserait ici par la standardisation ! Le désir qui est le nôtre, de donner à des millions d’Allemands des conditions de vie meilleures, nous contraint à la standardisation, et donc à nous servir d’éléments normalisés, partout où la nécessité n’impose pas de formes individualisées.

La masse ne pourra jouir des agréments matériels de la vie que si on l’uniformise. Avec un marché de quinze millions d’acheteurs, il est tout à fait concevable qu’on puisse construire un appareil de radio bon marché et une machine à écrire populaire”. [79]

Un peu plus loin, dans le même entretien, il dit : “Pourquoi ne pas donner à l’école primaire des cours de dactylographie ? A la place de l’enseignement religieux, par exemple. Cela ne me gênerait pas.” [80]

Il semble difficile d’aller plus résolument dans ce que j’ai appelé “la direction du temps”, — d’en accepter plus volontiers le côté peut-être le plus rebutant : cette tendance, précisément, à l’uniformisation par le bas : à l’éclosion en série d’objets tous semblables, de goûts identiques, d’idées interchangeables ; d’hommes et de femmes interchangeables ; de robots vivants, car comment ne pas sentir que l’uniformité de l’environnement intime facilite l’uniformité des gens ? Est-ce le Combattant contre cette décadence générale qui caractérise notre “fin de cycle” ; est-ce Celui qui revient d’âge en âge prendre la relève dans la lutte de plus en plus héroïque, de plus en plus désespérée, à contre-courant du Temps, ou est-ce un flatteur de l’appétit du confort bon marché, — un démagogue, — qui parle dans cet entretien ?

Si on peut, certes, encore rendre hommage au génie aryen dans les inventions les plus éblouissantes de la technique moderne, il ne saurait plus, ici, s’agir de cela. Doit-on alors admettre l’existence d’une contradiction profonde dans la personnalité même du Führer ? — d’une opposition entre l’Architecte de la surhumanité, et le politicien désireux de plaire à la plèbe en lui fournissant “des conditions de vie meilleures” ?

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On pourrait peut-être l’admettre, s’il était question d’un politicien. Mais le Chef de l’Allemagne nationale-socialiste était tout autre chose. Il représentait, comme je l’ai répété, la plus récente des manifestations visibles et tangibles de

79. “Libres propos”, p. 75.80. Ibid. p. 75.

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Celui qui revient périodiquement se mettre à la tête de ce combat “contre le Temps”, qui dure, en s’intensifiant, depuis la fin de l’impensable Age d’Or, loin, très loin derrière nous, et qui, en même temps, annonce le prochain Age d’Or, bienheureux début du cycle suivant. Toute action qu’il a pu avoir dans le sens du Temps ne s’explique pleinement qu’à la lumière de sa mission contre le Temps de son effort désespéré de redressement, accompli, — cela va de soi — dans les conditions actuelles du monde, c’est-à-dire très près (relativement) de la fin du présent cycle. C’est l’action d’un initié, donc d’un visionnaire (non au sens de “victime d’hallucinations”, mais au sens d’homme capable de considérer le temps — y compris celui où il vivait, et les gens qui y vivaient avec lui, — du point de vue de l’éternel Présent) ; l’action d’un prophète, — réaliste comme tous les vrais prophètes le sont.

Il voyait très clairement — et point n’était pour cela nécessaire d’être initié ou prophète, — l’intérêt croissant des masses pour “les agréments matériels de la vie”, et l’absurdité de tout effort visant à les en détourner. Il comprenait qu’à une époque dominée de plus en plus par la technique, il ne peut en être autrement. Bien plus, il comprenait qu’il n’en avait, au fond, jamais été autrement ; que seule la nature des “agréments matériels” pouvait changer, non la tendance de la majorité des gens à leur donner une énorme importance, — et cela pour la simple raison que les masses sont les masses, partout et toujours. Il savait que, si les races humaines sont inégalement douées, les hommes le sont aussi au sein d’une même race, voire d’un même peuple ; qu’en particulier, à côté de l’élite allemande que tous ses efforts — tendaient à promouvoir, il y avait — et y aurait toujours, même après l’installation de “l’ordre nouveau” national-socialiste, — la masse.

Dans un entretien rapporté par Hermann Rauschning — cet homme qui est devenu l’ennemi de la foi hitlérienne dans la mesure même où il s’est mis à en saisir au moins quelques aspects, et que, par conséquent, nous devons croire toutes les fois que les paroles qu’il cite sont vraiment dans l’esprit de celui qui est sensé les avoir prononcées, — le Führer expose, dès l’été de 1932, sa conception de l’ordre social allemand, tel qu’il doit, A ses yeux, émerger de la révolution qu’il dirige. “Il y aura”, dit-il, “une classe de seigneurs provenant des éléments les plus divers, qui sera recrutée dans le combat et trouvera ainsi sa justification historique. Il y aura la foule des divers membres du Parti, classés hiérarchiquement. C’est eux qui formeront les nouvelles classes moyennes. Il y aura aussi la grande masse des anonymes, la collectivité des serviteurs, des mineurs ad aeternum. Peu importe que, dans la ci-devant société bourgeoise, ils aient été des propriétaires agricoles, des travailleurs ou des manœuvres. La position économique et le rôle social d’autrefois n’auront plus la moindre signification.” [81]

81. H. Rauschning, “Hitler m’a dit”, traduit de l’allemand par A. Lehmanu treizième Edit., Paris 1939, p. 61.

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Il y avait, donc, et il devait y avoir, pour lui, même au sein du bon et brave peuple allemand qu’il aimait, une masse irréductiblement “mineure” — masse sympathique, certes, car de bonne race aryenne, malgré sa lourdeur et sa naïveté, et dont pourraient surgir et se détacher, parfois, des individus exceptionnels ; mais, dans l’ensemble, une masse tout de même, avec toute la médiocrité que ce mot suggère. C’est à elle que le Führer offrait une vie de plus en plus standardisée, pleine d’agréments à sa portée, agréments “matériels” surtout, cela va sans dire : la maison bon marché (démontable et remontable), dont les pièces, les mêmes partout, seraient faciles à trouver ; la radio, la machine à écrire, et autres commodités au rabais. Il suffit de se souvenir combien il était artiste jusqu’au plus profond de son être et, en particulier, combien il possédait le sens inné de tout ce qui “avait de l’allure”, pour s’imaginer le secret mépris qu’il devait ressentir à l’égard de toute uniformité par le bas, piteuse caricature de l’unité, principe de synthèse créatrice. Il suffit de penser à son propre style de vie — à sa frugalité légendaire, dans un cadre aussi beau que possible ; au fait qu’à Vienne, par exemple, durant les années de misère qui devaient le marquer si profondément, il se passait de nourriture afin de se payer une place au “poulailler” et d’entendre et de voir jouer quelqu’opéra de Wagner — pour mesurer l’abîme qui le séparait de toute humanité vulgaire, et plus spécialement d’un certain type adipeux de plébéien teuton, dont la conception du bonheur est évoquée schématiquement, mais avec force et justesse, dans le titre d’un disque émané de l’Allemagne repue de 1969, “Sauerkraut und Bier” — “Choucroute et bière”. Ce type, lui, n’a pas attendu 1969 pour apparaître, mais était largement représenté parmi les foules qui, entre 1920 et 1945, ont acclamé Adolf Hitler ; ont voté pour lui ; ont — surtout après la prise de pouvoir, — afflué dans les rangs du Parti et contribué à porter le nombre de ses membres à quatorze millions.

Cet abîme qui existait entre le Führer et les hommes de son peuple les plus épais (physiquement et intellectuellement) ou seulement les plus médiocres ne l’empêchait pas, je le répète, de les aimer. Il voyait, au-delà de leur individualité bornée, les beaux enfants qui pouvaient jaillir d’eux, le sang ayant bien des mystères. Et il voyait le Reich, qu’il était entrain de reformer de fond en comble afin d’en faire le centre d’un Empire pan-aryen, et il savait qu’ “à leur place”, ils en faisaient partie. Et si, comprenant leurs limitations et l’impossibilité de les leur faire dépasser, il leur offrait à chacun une vie matérielle confortable, “agréable” dans sa croissante uniformité, — vie qu’il ne proposait absolument pas à l’élite, comme il est à noter, il leur offrait aussi, dans les cérémonies publiques de plus en plus grandioses : les défilés interminables, à la musique des chants de combat, à travers les rues pavoisées ; les processions nocturnes, à la lumière de vraies torches ; les fêtes de la Moisson ; les fêtes du Travail ; les fêtes de la Jeunesse ; les magnifiques assises annuelles du Parti, à Nuremberg, des jours durant, dans le déploiement d’innombrables drapeaux rouges à croix gammée noire sur cercle blanc, au pied des pylônes géants au haut desquels se tordait la flamme surgie des massives coupes de bronze, du matin au soir au grand soleil, et du soir jusqu’au

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milieu de la nuit, sous la phosphorescence irréelle des colonnes de lumière faillies des projecteurs tout autour de l’immense champ de réunion, piliers de ce qu’on appelait alors une “cathédrale de lumière” — “Lichtdom” ; il leur offrait, dis-je, dans tout cela, ainsi que dans ses propres discours radiodiffusés, et surtout dans le magnétisme de sa présence, une ambiance, telle qu’aucun peuple n’avait encore eu le privilège d’en connaître. Les gens les moins intuitifs, les moins artistes, — les plus lourds — subissaient cette atmosphère magique qui les soulevait, malgré eux, au-dessus d’eux-mêmes ; qui les transformait peu à peu, à leur insu, par le seul fait de l’enivrement quasi-quotidien qu’elle leur versait : enivrement de la beauté ; vertige de la force ; contact répété avec l’égrégore même de l’Allemagne, qui les possédait, les tirant de leur insignifiance, et les rendant un instant à ce qu’il y avait en eux d’éternel, au rythme envoûtant des “Sieg ! Heil !”, lancés de cinq cent mille poitrines.

Ils subissaient cette ambiance et, tant qu’ils demeuraient “sous le charme”, ils étaient grands — plus grands que tous les peuples ; plus grands que les hommes, Allemands ou visiteurs étrangers, qui, individuellement plus raffinés, plus intelligents, meilleurs que chacun d’eux, restaient, pour une raison ou pour une autre, insensibles à ce charme au sens fort du mot. Car ils participaient alors à la puissance divine qui émanait de Celui qui les appelait au combat contre les Forces sinistres de la décadence. Ils étaient alors englobés dans la beauté de son rêve. Et il suffit de se souvenir des imposantes solennités du Troisième Reich, si on en a vu quelqu’une, ou d’en lire une description de visu (celle, par exemple, que Robert Brasillach a faite du Congrès du Parti à Nuremberg, en Septembre 1935, dans son roman “Les Sept Couleurs”), ou seulement d’en regarder de bonnes photographies dans les quelques albums de l’époque qui nous restent encore, pour se rendre compte combien elles étaient belles ; — belles et populaires ; — et combien elles différaient par là même des fêtes officielles, même accompagnées de parades militaires, d’autres pays, sous d’autres régimes.

A l’inverse. de ce qui se passe dans les déploiements organisés de ferveur patriotique collective, dont les gouvernements du “monde libre” régalent périodiquement — en fait, de plus en plus rarement, — leurs citoyens, on n’y remarquait ni faces lasses, ni veux éteints ; pas le moindre signe de participation à contrecoeur, ou d’ennui. Et, contrairement aux manifestations collectives parallèles du monde communiste, elles ne présentaient rien de vulgaire. On n’y voyait, placardés aux constructions environnantes ou défilant avec les formations politiques, militaires et paramilitaires, — brandi bien haut, au-dessus de leurs rangs, — aucun de ces daguerréotypes monstrueux, aux dimensions démesurées, figurant le dictateur, ou quelqu’idéologue “père du peuple”, vivant ou mort ; aucune de ces bandes hétéroclites, barbouillées de slogans démagogiques ; rien, je le répète, rigoureusement rien de l’attirail de carton-pâte du prolétaire en délire.

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Il y a plus. Elles étaient, ces extraordinaires solennités de l’Allemagne nationale-socialiste, belles au sens où le sont les œuvres d’art à signification cosmique. Non seulement s’y étalait à profusion, sur les plis des étendards rouges, blancs et noirs (elles-mêmes, couleurs symboliques), sur les oriflammes immenses, sur les brassards des hommes, sur le granit des tribunes du haut desquelles le Führer communiait avec son peuple, l’immémoriale Croix gammée, symbole métaphysique et non pas simple image rappelant telles ou telles activités humaines, ou idées à la mesure de l’homme, mais encore les gestes qui s’y accomplissaient, les paroles qui s’y répétaient, immuables, à chaque occasion, étaient symboliques, liturgiques. (Que l’on songe, entre autres, à la consécration des nouveaux drapeaux qu’Adolf Hitler mettait, un à un, en contact avec le vieil “Etendard du Sang”, tout chargé du magnétisme des morts du 9 Novembre ; ou au dialogue rituel du Führer avec les chefs de file et les jeunes recrues des formations paysannes de l’Arbeitsdienst, debout en ordre parfait devant lui, armés de leur pelle comme des soldats de leur fusil : “Etes-vous prêts à féconder la sainte terre allemande?” — “Oui ; nous sommes prêts.”)

Elles étaient, ces solennités, elles-mêmes symboliques. Elles étaient de gigantesques drames sacrés ; des mystères, où l’attitude, le verbe, le rythme créateur, — et le silence dans lequel les centaines de mille communiaient avec le Centre de leur être collectif, — évoquaient le sens caché, le sens éternel de l’Ordre Nouveau.

Seul Celui qui revient d’âge en âge pouvait, en plein règne de la technique à outrance — et de la standardisation abrutissante, saisir entraîner, ravir hors d’elles-mêmes des masses ouvrières, et les faire participer à de tels mystères ; les transfigurer ; leur insuffler ne fût-ce que pour quelques brèves années, — même à elles ! même aux spécimens humains les plus épais parmi elles ! — l’enthousiasme des régénérés.

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V I I I

LES DEUX GRANDS mOUVEmENTS mODERNES ET LA TRADITION

« Toutes les fois que la justice est en péril, ô Bharata, et que l’injustice est exaltée, alors, Moi-même Je reviens. Pour la

protection des bons, pour la destruction des méchants, et pourl’établissement d’un règne de justice, je renais d’âge en âge. »

La Bhagawad-Gîta, IV, versets 7 et 8.

Au fait, l’évidente différence de “style”, comme d’esprit, qui sépare les grandes manifestations collectives de foi hitlérienne, sous le Troisième Reich, des expressions parallèles du Marxisme en Russie (ou en Chine) et, à plus forte raison, des cortèges sans ordre des jeunes débraillés de la “Nouvelle Gauche”, d’une part, et d’autre part, des parades officielles des ploutocraties libérales, recouvre une opposition fondamentale de nature : l’opposition entre la Tradition et l’Anti-tradition, pour employer le langage de René Guénon ou d’Evola.

J’ai, tout au début de ces entretiens, essayé de montrer qu’une doctrine visiblement “politique” peut, parfois, servir de base à une religion, pourvu qu’elle soit associée à des rites, — c’est-à-dire à un symbolisme, — et qu’elle devienne, pour l’ensemble de ses adhérents, objet de foi. Mais je rappelle qu’elle ne peut servir de fondement à une vraie religion que si les propositions sur lesquelles elle s’étaye sont l’expression de vérités éternelles, ou ne se justifient qu’à la lumière de telles vérités, en d’autres termes, se rattachent légitimement à la Tradition. Une vraie religion est l’ensemble des croyances et des gestes symboliques — rites et coutumes, liés à ces croyances — qui, dans une “civilisation traditionnelle”, donne expression à la conscience du sacré. D’autre part, une “civilisation traditionnelle” est, d’après René Guénon, “celle qui repose sur des principes au sens vrai de ce mot, c’est-à-dire, où l’ordre intellectuel domine tous les autres, où tout en procède directement ou indirectement et, qu’il s’agisse de sciences ou d’institutions sociales, n’est, en définitive, qu’applications contingentes,

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secondaires et subordonnées, des vérités intellectuelles.” [82]. Et il est bon d’ajouter que ce que le sage entend ici par “vérités purement intellectuelles” et “ordre intellectuel”, ce sont les lois mêmes de l’existence universelle, manifestée ou non-manifestée, et l’ordre permanent derrière tout ce qui passe ; l’éternel.

Il est à peine nécessaire de souligner que les “valeurs” et les “vérités” nominalement exaltées dans les solennités civiles des Démocraties d’Occident, — voire même dans l’enseignement laïc, donné aux jeunes de ces dites Démocraties — non seulement ne s’insèrent dans aucune forme particulière de la Tradition, mais ne possèdent même plus, serait-ce en tant que simples mots, assez de résonances pour susciter l’esquisse d’un quelconque puissant système anti-traditionnel — sans parler de “fausse religion”, c’est-à-dire de religion fondée sur une négation voulue de la Tradition : une contre-initiation. Non. Si un empiétement toujours plus implacable de la technique rapproche le monde des ploutocraties du monde communiste à un tel point qu’on peut, théoriquement au moins, dire qu’il n’y a rien à choisir entre l’un et l’autre, il y a tout de même, entre eux, une différence. Le monde des ploutocraties (et de leurs satellites) n’a aucune foi, et ne se rattache (et cela, depuis longtemps déjà) à aucune vision, au-delà du sensible et du passager. Si quelques individus ou groupes d’individus y possèdent encore une connaissance de l’éternel, ils n’ont plus aucune influence sur l’ensemble de la société ; ils se taisent, et attendent, s’efforçant tout au plus de demeurer eux-mêmes et de se reconnaître entre eux. Les masses y sont abandonnées à la dispersion dans la grisaille des petits soucis et des petits plaisirs quotidiens. Elles n’y sont pas embrigadées du tout. D’autre part, de la vieille foi de leurs Églises, elles n’ont retenu qu’un vernis de conformisme qui s’effrite de plus en plus, et que cet anthropocentrisme commun à tout enseignement imaginé par des Juifs, pour consommation aryenne. Les élites, ou soi-disant telles, n’en ont, à quelques individus près, guère retenu davantage.

L’Occident vit de son acquis — pour combien de temps encore ?

Vidé de toute volonté de puissance, refusant tout risque, maudissant toute agressivité (sauf celle qu’il a lui-même déployée, de 1939 à 1945 et au-delà-dans ses efforts de “dénazification” de l’Allemagne — contre le seul peuple et la seule foi qui auraient pu l’entraîner dans un prodigieux redressement), il se laisse glisser dans la déchéance confortable, il s’enlise dans un précaire bien-être, se mécanise, s’américanise, se prolétarise, jusqu’à ce qu’il tombe un jour de lui-même, à la suite de croissantes infiltrations d’idées et… d’agents d’autant plus efficients qu’ils sont plus silencieux, sous le dépendance du monde communiste, ou qu’il en devienne, par droit de conquête, partie intégrante.

Mais, s’il est vrai que la Démocratie libérale, avec ses superstitions du suffrage universel, de l’instruction primaire (et bientôt, secondaire !) obligatoire, et de la vaccination généralisée, en d’autres termes, avec son culte de l’égalité 82. René Guénon, “Orient et Occident”, p. 150.

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et de la quantité — mène droit au Marxisme, elle n’est pas le Marxisme. La décadence à laquelle elle préside est toute pénétrée, certes, d’esprit nettement anti-traditionnel, — toute décadence l’est ; c’est là son essence même. Mais elle représente un processus naturel, signe de sénilité, tout au plus encouragé par certains agents conscients des Forces sombres, oeuvrant en sourdine, en haut lieu, dans le sens de l’anti-tradition. Elle n’est pas liée à un effort systématique, longtemps et froidement coordonné, et magistralement dirigé, de subversion voulue de l’ordre traditionnel, comme l’est celle que les zélateurs du Marxisme ont, sinon provoquée, du moins accélérée dans tous les pays où ils ont pris le pouvoir.

En d’autres termes il y a, entre le monde dit “libre”, aux élites désabusées, aux multitudes n’aspirant qu’au bonheur facile et au succès immédiat, et le monde communiste, aux masses farouchement disciplinées, dominées par des dirigeants dont certains, — tels Lénine, Staline, ou Mao-Tsé-Toung — laisseront dans l’histoire une marque indélébile, (et dont les plus puissants ne sont pas nécessairement les plus connus), à peu près la même analogie qu’entre un homme qui se laisse vivre, sans foi, sans élan quel qu’il soit au-delà du domaine des sens, sans participation à aucun rite, et un homme qui assiste à des messes noires. C’est la différence entre l’absence de toute velléité de développement initiatique, et la réelle contre-initiation. Et c’est précisément pour, cette raison que “la petite marge de liberté matérielle que le monde de la démocratie accorde encore, dans quelques activités … à qui ne se laisse pas intérieurement conditionner”… “disparaîtrait certainement sous un régime communiste” [83]. Une société sans ordre est, cela va sans dire, moins intolérante en pratique qu’une société édifiée sur l’ordre “à rebours” — ou que celle dont la structure reflète l’Ordre véritable.

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J’ai déjà insisté sur la contrevérité à la base du Marxisme, à savoir sur cette assertion selon laquelle l’homme se réduirait à ce que fait de lui son milieu économique. Je n’y reviendrai pas. Qu’il me suffise de souligner le caractère contre-nature — contre la loi fondamentale de toute manifestation — de la démarche qui consiste à présenter un être comme le produit de quelque chose qui lui est extérieur et qui n’intéresse, de toute façon, que ce qu’il y a en lui de moins essentiel, de moins spécifiquement “sien” ; métaphysiquement parlant, de moins permanent : ses besoins et son confort physiques. Une telle démarche serait, du point de vue de l’ordre universel, tout aussi absurde en ce qui concerne l’animal, — ou la plante — que l’homme. Aucun être ne saurait être réduit à son apparence et à ses fonctions les plus matérielles, et encore moins au résultat de l’action du “milieu économique”, c’est-à-dire, en dernière analyse, des possibilités de nutrition, sur cette apparence — et sur ces fonctions. La dernière des herbes tire son existence de ce qu’il y a de permanent — d’éternel — dans la graine 83. Julius Evola, ‘‘Chevaucher le tigre’’.

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d’où elle est sortie. Le milieu peut, certes, l’aider à se développer, ou au contraire l’en empêcher ; il ne peut pas la faire devenir ce qu’elle n’est pas — changer un bouton d’or en pissenlit ou vice-versa, — pas plus qu’il ne peut détruire ce qu’il y a, dans le monde visible et au-delà, de permanent dans un homme, c’est-à-dire son hérédité physique et psychique : — sa race.

Nul n’est fou au point de nier l’influence du milieu sur la vie d’un homme : — sur ses occupations ; sur les occasions qu’il a ou n’a pas de réaliser certaines de ses possibilités. Mais réduire l’être de ce dernier au “résultat de l’influence du milieu”, et surtout du seul milieu “économique”, et, par surcroît, édifier sur ce véritable retournement du processus de passage de l’essence à l’existence, tout une philosophie politique, c’est proposer aux hommes d’action une sagesse à rebours, autrement dit, un renversement de la Sagesse cosmique originelle et impersonnelle. C’est donc faire œuvre anti-traditionnelle.

Suffiraient à le prouver, si preuve était nécessaire, les quelques mots qui résument, avec une clarté aveuglante, la méthode et le but des Marxistes : “lutte des classes”, et “dictature du prolétariat.”

Certes à l’époque avancée de l’Age Sombre, dans laquelle nous vivons depuis fort longtemps déjà, les “classes” ont perdu leur signification. Elles l’ont perdue dans la mesure où elles ne correspondent plus à des castes, c’est-à-dire où elles représentent de moins en moins des différences véritables de caractère et d’aptitudes entre les gens qui les composent, différences liées à l’hérédité. Il n’est donc pas mauvais du tout, — il est même fort souhaitable — qu’elles disparaissent dans une refonte totale des sociétés — une refonte qui tendrait à rétablir l’ordre idéal, autant que se peut. Il est, pour quiconque veut s’opposer à la décadence générale, que seuls les fanatiques du “progrès” refusent de voir tout autour de nous, surtout urgent de faire cesser le scandale des privilèges achetables. Cet état de choses ne date pas d’aujourd’hui. Il fut, semble-t-il, instauré en Europe occidentale, — en France tout au moins, — au seizième siècle, avec les toute premières acquisitions de titres de noblesse à prix d’argent. Il fut sanctionné, et renforcé, par la Révolution de 1789, faite (en partie) par le peuple, mais au profit de la bourgeoisie et sous sa direction, Révolution dont le résultat a été de substituer, au pouvoir émanant de la seule naissance, le pouvoir octroyé par l’argent seulement. Rien ne saurait être plus urgent que de changer cela. Non que le riche soit condamnable en soi parce qu’il s’est enrichi, ou que ses pères, enrichis, lui ont transmis une fortune. Il ne l’est nullement, pourvu, bien entendu, que son argent n’ait pas été acquis par l’exploitation de la misère ou du vice, c’est-à-dire au détriment de la communauté. Mais il le devient dès qu’il s’imagine que cet argent lui donne d’autres droits que ceux qui découlent des qualités et capacités héritées avec son sang, donc inhérentes à son être même. Il le devient, s’il s’imagine pouvoir légitimement tout acheter avec cet argent, y compris la responsabilité du commandement et l’obéissance de ses compatriotes. En un mot, il n’y a pas à “combattre”, encore moins à supprimer,

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la bourgeoisie, ou l’aristocratie, ou la classe ouvrière ou paysanne. Toutes ont leur raison d’être et leur rôle. Il faut seulement veiller à ce que tout homme soit vraiment à sa place, et y reste.

Du point de vue de cet ordre idéal qui reflète et symbolise la hiérarchie intangible des états de l’Etre, — du point de vue de l’éternel, l’idée de “lutte des classes” ayant pour enjeu le pouvoir politique est donc un non-sens. Le pouvoir devrait être aux mains des meilleurs — des “aristo” — c’est-à-dire de ceux qui sont dignes et capables de l’exercer. Et si le fait de le perdre révèle toujours quelque manque ou défaillance, voire même, parfois, quelqu’indignité profonde, chez celui qui se le voit arracher, il ne s’ensuit pas qu’il suffise de l’usurper pour en devenir digne. La “lutte des classes” n’est concevable qu’à une époque où ces “classes” ne sont plus, précisément, distinguables les unes des autres, excepté par ce qu’elles possèdent, et non par ce qu’elles sont. Elle n’est, en d’autres mots concevable, que lorsque c’est la propriété seule, ou la propriété avant tout, qui détermine “l’être” factice de chaque classe, au lieu que ce soit l’être vrai de celle-ci, c’est-à-dire l’hérédité physique et psychique de ses membres, qui détermine ce que ceux-ci ont le droit de posséder ; que lorsque, je le répète, les “classes” ne correspondent plus aux castes respectives.

La “lutte”, — le “combat” ; j’y reviendrai plus tard, à propos de tout autre chose que le Marxisme, — devient alors le seul moyen d’établir un certain ordre au sein d’une société n’ayant déjà plus aucun lien avec les principes éternels. Il y a forcément violence — lutte — quand ces principes sont méconnus dans le monde visible. Il en est ainsi depuis la fin de l’Age de Vérité [84]. C’est le sens qu’on donne à cette lutte : — pour ou contre l’Ordre idéal — qui, en fin de compte, la justifie ou la condamne.

Or, elle doit, pour les Marxistes, aboutir à ce qu’ils appellent la “dictature du prolétariat”, autrement dit, au passage du pouvoir aux mains des masses, c’est-à-dire des gens qui sont le moins qualifiés pour l’exercer. Elle tend donc à un renversement complet de la hiérarchie sociale telle qu’elle était à toutes les époques où elle reflétait, même de très loin — on montrait quelque velléité à refléter — l’ordre éternel. Cela seul devrait suffire à caractériser le Marxisme comme une philosophie à rebours ; et à faire tenir son effort d’éradication des élites existantes et de réduction des masses elles-mêmes à l’état d’un magma humain de plus en plus facile à “conditionner”, donc, à téléguider, dans le sens de la production économique, exclusivement, pour une entreprise diabolique.

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Le présent Cycle étant beaucoup plus près de sa fin que de son lumineux début, sans doute n’est-ce pas la première fois qu’une telle entreprise a lieu. J’ai mentionné plus haut la Révolution de 1789, qui, au nom de l’idée d’égalité

84. Le Satya Yuga des Ecritures sanscrites.

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“en droit” de tous les hommes de toutes races, a abouti, en France, — en fait — à l’usurpation du pouvoir par la bourgeoisie, et, dans un Occident géographiquement combien plus lointain, à la création de la grotesque république nègre de Saint-Domingue. J’aurais pu mentionner le Christianisme lui-même, malgré la part indéniable, mais visiblement limitée, de symbolisme universel vrai, qu’il peut contenir. Sa diffusion n’a-t-elle pas, au nom de cette même idée, aussi subversive qu’erronée, d’égalité, consommé la désintégration du Monde gréco-romain, (déjà amorcée, il est vrai, dès l’époque hellénistique) ? Et son anthropocentrisme outrancier en fait, de toute façon, une religion incomplète. L’aristocratie européenne, c’est-à-dire germanique, et l’aristocratie byzantine, ou slave byzantinisée, se sont accommodées de lui par politique, s’en servant comme d’un prétexte tout trouvé de conquêtes prosélytisantes et comme force unificatrice des peuples conquis ; tandis que certains de leurs membres, et des plus éminents, ont accueilli, en lui, parfois, l’occasion d’un pur masochisme spirituel, sinon physique par surcroît [85]. Tout compte fait, et malgré l’inspiration que tant d’artistes en ont tirée, son œuvre a été, pratiquement, tout comme au sens absolu du mot, plus subversive que constructive.

J’aurais pu mentionner n’importe laquelle de ces sagesses, toujours plus ou moins tronquées, que Nietzsche appelle “religions d’esclaves”. Car toutes celles-là, même, et peut-être surtout celles qui se placent le plus ostensiblement “au-dessus du Temps”, du seul fait qu’elles nient la hiérarchie, serait-ce seulement dans la société et non en soi, et ne tiennent aucun compte de la race, sous prétexte que le visible a peu d’importance, aboutissent en pratique à un encouragement du nivellement par le bas [86], et constituent ainsi, (en pratique, toujours) des facteurs de désintégration agissant dans le sens du Temps. Elles contribuent toutes à la vaste œuvre de subversion, au sens propre du terme : — de retournement de l’ordre idéal — qui se poursuit, en s’intensifiant, durant tout le cours du cycle.

Je dirai plus. Sans doute y a-t-il “subversion” de cet ordre principiel toutes les fois qu’un homme, ou un groupe naturel d’hommes, — une caste ; une race, — mû par une fausse estimation de ses “droits’ (ou même de ses “devoirs”) usurpe ou tente d’usurper la place normale d’un autre ; toutes les fois par exemple, qu’un prince rejette l’autorité spirituelle, à laquelle son royaume, et peut-être sa civilisation, doit son lien — même lointain, et ténu, — avec les sources les plus cachées et les plus hautes de la Tradition. C’est d’un crime de cette nature dont Philippe le Bel, par ailleurs un grand roi, semble s’être rendu coupable en détruisant avec la connivence d’un pape plus homme politique que prêtre, l’Ordre des Chevaliers du Temple. Mais tout cela ne fait que préparer et préfigurer, de loin ou de près, la subversion ultime : celle qui consiste à appeler

85. Comme cela pourrait bien être le cas d’Elisabeth de Thuringe, princesse de Hongrie, qui se faisait flageller par Conrad de Marbourg, son directeur de conscience.86. J’ai essayé de le montrer dans un long passage de mon livre “Gold in the furnace”, Edit. 1951, Calcutta, pages 212 et suivantes.

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la masse — et la masse de toutes races ; le “prolétariat mondial” — au pouvoir ; et ce qui pis est, celle qui prétend tirer d’elle, et d’elle seule, le principe et la justification du pouvoir.

Cette subversion-là, — qu’un Guénon appelle “le règne du Soudra” — est la pire de toutes celles qui se sont succédées au cours des âges. Elle est la pire, non pas parce qu’un non-Marxiste se trouverait soumis à plus d’inconvénients sous un régime communiste que sous un autre, mais avant tout parce qu’il s’agit, avec elle, non plus seulement de changements arbitraires, contraires à l’esprit de la hiérarchie vraie, au sein de la société visible, mais d’un renversement complet des situations idéales et des valeurs essentielles. Il en résulte que cette société, au lieu de tendre, comme elle devrait le faire, à refléter ce qu’elle peut de l’ordre éternel, reflète, symbolise, concrétise dans le monde de la manifestation, exactement le contraire. La pyramide qui figure, dans la vision supra-rationnelle du sage, l’étagement organique de la société idéale, image des états hiérarchisés de l’existence cosmique, visible et invisible, est, dans le rêve sacrilège du Marxiste, complètement retournée. Elle est plantée en équilibre — oh, combien instable ! — sur ce qui devrait être, sur ce qui, du point de vue des correspondances formelles, est, son sommet. Et c’est sa base naturelle qui lui sert de sommet artificiel ; un “sommet” qui n’en est pas un, parce qu’il est, précisément, masse, — masse informe et lourde ; masse écrasante, débordant tout, — et non point.

C’est du point de vue métaphysique que le Marxisme est un non-sens, quelle que puisse être la subtilité trompeuse des arguments sur lesquels son fondateur, Mardoccai, dit Marx, a tenté de l’étayer, à partir de considérations économiques et politiques concernant la production, le bénéfice de l’employeur, le salaire de l’ouvrier, la “plus-value”, etc.… Aucune dialectique ne peut mettre une doctrine en accord avec la vérité cosmique, quand elle ne l’est pas déjà. Et, (dans le domaine pratique, cette fois) aucune force de coercition ou de persuasion, ou de conditionnement, ne peut à la longue, stabiliser, au cours d’un cycle, un état particulier de détérioration. La pyramide sociale ne peut demeurer indéfiniment en équilibre précaire sur son sommet, la base en l’air. Ou bien un “redressement partiel” tendra à la remettre d’aplomb, — avec un succès de plus en plus illusoire, et d’ailleurs, de moins en moins durable, à mesure que le cycle approche de sa fin ; ou bien la pyramide, entraînée par l’inertie même de la masse qu’on a voulu lui donner pour “sommet,” s’effondrera, se désagrégera, s’en ira en miettes. Et ce sera le chaos, la complète anarchie succédant à l’ordre à rebours. Ce sera, — pour imiter le langage imagé, teinté d’Hindouisme, de l’auteur de la “Crise du monde moderne”, le règne du Chandala succédant au règne du Soudra ; la fin du cycle.

(Peut-être en avons-nous des aperçus encore sporadiques dans quelques manifestations d’excentricité grégaire et de nihilisme tapageur, telles que celles des “Existentialistes de Saint-Germain-des-Prés”, des jeunes de la “Nouvelle Gauche”,

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ou des “hippies” de tout poil — anarchistes par paresse ; pacifistes par mollesse, drogués, mal lavés, non peignés, bruyants, dépenaillés, — individualistes et tolérants tant que l’individualité du voisin ne les gêne pas ; prêchant : “Faites l’amour ; ne faites pas la guerre !”, et prêts à sauter sur le premier qui, lui, préfère faire la guerre, — ou l’un et l’autre).

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Il ne manque pas d’adversaires du Marxisme. Il y en a de toutes sortes, depuis ceux qui condamnent toute violence, et que les épisodes connus de la “lutte des classes”, tant en Russie qu’en Chine, effrayent, jusqu’à ceux qui reprochent aux Communistes leur athéisme et leur matérialisme, en passant par ceux qui possèdent quelque bien, et ont peur de le perdre au cas où il leur faudrait vivre sous le signe de la Faucille et du Marteau.

Beaucoup s’opposent à lui au nom de quelque doctrine politique — généralement incarnée dans un “parti” — qui, si elle s’attaque au caractère “subversif” du Marxisme, n’en est elle-même pas moins subversive, et cela, dans le même sens, et pour les mêmes raisons profondes. C’est le cas des adhérents de tous les partis démocratiques, dont le dénominateur commun est à chercher dans la croyance en “l’égalité en droit” de tous les hommes, et partant, au principe du suffrage universel ; du pouvoir émanant de la majorité. Ces gens ne s’aperçoivent pas que le Communisme est en germe dans ce principe même, comme il l’était déjà dans l’anthropocentrisme chrétien (même qu’il s’agisse là de la valeur des âmes humaines, aux yeux d’un Dieu personnel qui aime infiniment tous les hommes). Ils ne se rendent pas compte qu’il l’est et ne peut que l’être, pour la raison que la majorité sera toujours la masse, — et cela de plus en plus, dans un monde surpeuplé.

Ne s’opposent profondément, fondamentalement au Marxisme, que les fidèles de toute expression adéquate de l’immémoriale Tradition, en particulier ceux de toute religion vraie, ou de toute Weltanschauung capable de servir de base à une religion vraie, c’est-à-dire, de toute Weltanschauung fondée, elle aussi, en dernière analyse, sur la connaissance de l’éternel et la volonté d’en faire le principe de l’ordre socio-politique.

Or, faisant fi de l’apparence de paradoxe que revêt, sans doute, une telle assertion, vingt-cinq ans après l’effondrement du Troisième Reich allemand, j’ose répéter que la seule doctrine proprement occidentale qui (après les très vieilles religions nordiques, que le Christianisme a persécutées et peu à peu tuées, entre le sixième et le douzième siècle), remplisse cette condition, est l’Hitlérisme : — la seule Weltanschauung infiniment plus que “politique” qui soit nettement “contre le Temps” : en accord avec l’éternel. Ce sera donc la seule qui, à la longue, triomphera à la fois et du Marxisme et du chaos généralisé auquel il aura mené le monde, — et cela, quelle qu’ait été, hier l’énormité de la défaite de ses fidèles

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sur le plan matériel, et quelle que puisse être aujourd’hui, l’hostilité de millions d’hommes à leur égard. Seul, en effet, un redressement total peut succéder à la subversion totale ; un glorieux début de cycle, à une lamentable fin de cycle.

Mais nos adversaires ne manqueront pas d’attirer l’attention de chacun sur le caractère éminemment “anti-traditionnel” de plus d’un aspect du National-socialisme, tant durant la Kampfzeit, avant 1933, — qu’après la prise de pouvoir. Si c’est, me dira-t-on, être “subversif” du point de vue des valeurs éternelles, que de prêcher la “lutte des classes” en vue de la “dictature du prolétariat”, n’était-ce pas l’être tout autant, que de s’élever au pouvoir “démocratiquement” — grâce au suffrage universel — en s’appuyant par surcroît, durant toute une succession de campagnes électorales, sur la protection de jeunes combattants, pour la plupart aussi “prolétaires”, dans leur comportement, que les Communistes dont ils repoussaient les attaques au cours des réunions, et qu’ils terrassaient dans les batailles de rue ? N’était-ce pas l’être, que de garder ce pouvoir, issu, en fait, du peuple — des masses, — et d’omettre de rétablir la vieille monarchie, malgré la dernière et fervente recommandation du Maréchal von Hindenburg, Président du Reich ? N’était-ce pas l’être aussi, d’autre part, que d’accepter que nombre de banques allemandes [87] ainsi que de magnats de l’industrie [88], subventionnassent la N.S.D.A.P, faisant ainsi dépendre, en partie, de la puissance de l’argent, le succès de la Révolution nationale-socialiste, et risquant, cette fois, de faire considérer celle-ci, malgré son allure populaire, comme la suprême défense de l’ordre “capitaliste”, tel qu’il existait déjà, c’est-à-dire d’une société extrêmement éloignée de l’idéal traditionnel ? Enfin, dira-t-on encore, comment nier que, même après la prise de pouvoir, le Troisième Reich allemand était loin de présenter l’aspect d’un organisme inspiré de haut en bas par la vision de la hiérarchie cosmique ? Le célèbre auteur Hans Günther lui-même, apparemment désabusé, m’écrivait en 1970 qu’il avait, malheureusement, vu en lui “une ochlocratie”, plutôt que le régime aristocratique qu’il avait rêvé. Et on ne saurait catégoriquement repousser sans discussion ce jugement de l’un des théoriciens du racisme hitlérien les plus en vue avant le désastre de 1945. Le jugement, tout en étant, sans nul doute, excessif, doit, dans plus d’un cas particulier, certes, exprimer quelque regrettable réalité.

N’oublions jamais que nous approchons de la fin d’un cycle, et que les meilleures institutions ne sauraient, partant, plus avoir qu’exceptionnellement un semblant de la perfection d’autrefois. Car il y a partout — et l’après-guerre l’a amplement prouvé — de plus en plus de mammifères à deux pattes et de moins en moins d’hommes au sens fort du mot. On ne doit donc juger aucune doctrine par ce qui a été accompli dans le monde visible en son nom. La doctrine est vraie ou fausse, selon qu’elle est ou non à l’unisson avec cette connaissance directe de

87. La “Deutsche Bank”, la “Commerz und Privat Bank”, la “Dresdener Bank”, la “Deuts-che Credit-Gesellschaft”, etc. etc.88. Les E. Kirkdorf, Fritz Thyssen, Voegler, Otto-Wolf von Schröder, puis, Krupp.

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l’universel et de éternel que seule possède une minorité constamment décroissante de sages. Elle l’est — on ne le répétera jamais assez — indépendamment de la victoire ou de la défaite de ses fidèles, ou soi-disant tels, sur le plan matériel, et de leurs faiblesses, de leur sottise, voire de leurs crimes. Ni les atrocités de la Sainte Inquisition, ni les scandales attachés au nom du pape Alexandre VI Borgia, n’enlèvent quoi que ce soit de sa part de vérité à la vision du “monde intelligible” qu’a pu avoir, à travers le symbolisme chrétien, un maître Eckhart, par exemple, ou quelque Templier initié. Et il en va de même pour toutes les doctrines.

Il faut donc bien se garder d’imputer à l’Hitlérisme les fautes, les faiblesses ou les excès des gens nantis de pouvoir, à quelque degré que ce fût, sous le Troisième Reich ou durant la période de lutte (Kampfzeit) de 1920 à 1933, et surtout les fautes ou excès commis contre l’esprit de la “Weltanschauung” et contre le rêve du Führer, comme il y en eut, semble-t-il, tant. Il ne faut voir, dans la société allemande telle qu’elle fut, sous l’influence croissante puis sous le gouvernement effectif du Führer, pendant la Kampfzeit et après, que les efforts de celui-ci, destinés à la mouler selon son rêve, ou à l’empêcher d’évoluer contre ce même rêve. Il faut essayer de comprendre ce qu’il voulait en faire.

Déjà dans les textes nationaux-socialistes officiels adressés au grand public : — dans les Vingt-cinq Points, qui forment la base du programme du Parti ; et surtout dans “Mein Kampf” où les grandes directives philosophiques de celui-ci sont tracées avec plus de netteté encore, il est visible que le Mouvement était dirigé contre les idées les plus chères et les usages les plus caractéristiques de la société éminemment décadente, issue du Libéralisme du dix-huitième et du dix-neuvième siècles. Le prêt à intérêt, la spéculation financière, et toute manière de gain étranger à un effort créateur, ainsi que l’exploitation du vice ou de la sottise dans une presse, une littérature, un cinéma, un théâtre, envisagés avant tout comme moyens de réaliser des profits, y sont condamnés avec la dernière rigueur. Bien plus : les principes mêmes de la civilisation occidentale moderne : — l’égalité en droit de tous les hommes et de toutes les races humaines ; l’idée que le “droit” est l’expression de la volonté de la majorité, et la “nation” la communauté de ceux qui, quelle que puisse être leur origine, “veulent vivre ensemble” ; l’idée que la paix perpétuelle dans l’abondance, fruit de la “victoire de l’homme sur la nature”, représente le bien suprême, — y sont attaqués, ridiculisés, démolis d’une façon magistrale. La loi naturelle, — la loi du combat pour la vie, — y est reconnue et exaltée sur le plan humain comme sur tous les autres plans. Et l’importance primordiale de la race et de la personnalité, — ces deux piliers de la foi nouvelle, — y est proclamée à chaque page. Enfin, cette foi nouvelle, ou plutôt cette conception nouvelle de la vie (neue Audassung) — car il s’agit, pour le Führer et pour les quelques uns, non de “foi”, mais de véritable connaissance, y est clairement caractérisée comme “correspondant au sens

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originel des choses” [89] ce qui en dit très long, ce “sens originel des choses” n’étant autre que celui qu’elles prennent à la lumière de la Tradition.

On peut donc, sans aller plus loin, affirmer que tout ce qui, dans l’histoire du Parti national-socialiste semble ne pas coïncider avec l’esprit d’un combat “contre le Temps”, relève de la tactique du combat, non de sa nature, non de son but. C’est sous la pression de la dure nécessité, et seulement après avoir échoué, le 9 Novembre 1923, dans sa tentative de saisir le pouvoir par la force, qu’Adolf Hitler, libéré de sa prison de Landsberg, mais privé désormais de tout moyen d’action, a — à contre-coeur, certes, — eu recours à la lente et longue “voie légale” c’est-à-dire à l’appel réitéré aux votants, et à la conquête graduelle d’une majorité au Reichstag. Chacun sait que son premier geste après la prise de pouvoir “par la voie démocratique”, fut de remplacer à tous les échelons l’autorité du grand nombre par celle d’un seul, à savoir la sienne ; en d’autres termes de supprimer la démocratie, — de remettre, dans la mesure du possible, l’ordre politique en accord avec l’ordre naturel.

C’est sous la pression d’une nécessité matérielle non moins impérieuse : — celle de faire face aux dépenses énormes qu’impliquait, avec ses inévitables campagnes électorales, la lutte pour le pouvoir dans le cadre d’un régime parlementaire, — qu’il dut accepter l’aide des Hugenberg, des Kirkdorf, des Thyssen, du Docteur Schacht, et plus tard de Krupp, ainsi que d’une quantité d’industriels et de banquiers. Sans elle, il n’aurait pu s’élever au pouvoir assez vite pour en barrer la route aux forces de subversion les plus dangereuses : — aux Communistes. Car l’argent est, plus que jamais, dans un monde qu’il domine de plus en plus, le “nerf de la guerre”… et de la politique. Cela veut-il dire que le Führer ait été asservi à l’argent ou à ceux qui lui en avaient donné durant la Kampfzeit ? Cela veut-il dire qu’il leur ait fait la moindre concession après la prise de pouvoir ? Loin de là ! Il leur a permis de s’enrichir dans la mesure où, ce faisant, ils servaient effectivement l’économie nationale et donnaient aux masses ouvrières ce qu’il leur avait lui-même promis : l’abondance grâce au travail ; dans la mesure où, soumis à son autorité, ils continuaient d’aider le Parti, — c’est-à-dire l’État — dans la paix et dans la guerre. Il les a maintenus à leur place et dans leur rôle, — comme un roi, la “caste” des marchands, dans une société traditionnelle, — montrant par là à la fois son réalisme et sa sagesse.

D’autre part, l’ “ochlocratie”, — au moins partielle — qu’on a si souvent inscrite au débit du National-socialisme, n’était, en fait, que l’inévitable corollaire de l’obligation dans laquelle se trouvait Adolf Hitler d’accéder au pouvoir en s’appuyant — fort démocratiquement — sur la majorité des électeurs. Elle n’aurait pas existé si le putsch du 9 Novembre 1923 avait réussi, et lui avait donné champ libre pour reforger l’Allemagne selon son rêve immense. Elle n’aurait pas existé, parce qu’il n’aurait pas eu, alors, besoin de la collaboration de

89. “... unsere neue Auffassung, die ganz dem Ursinn der Dinge entspricht…” (Mein Kampf, Edit. 1935, p. 440.)

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centaines de milliers de jeunes, prêts à tout, — à asséner des coups, comme à en recevoir, — pour maintenir, aux abords de ses réunions de propagande massive, et dans les salles elles-mêmes, un ordre constamment menacé par les attaques physiques des éléments les plus violents, les plus implacables, de l’opposition communiste. Pour conquérir l’Allemagne “démocratiquement”, il lui fallait se montrer, se faire entendre, des centaines et des centaines de fois ; transmettre au public son message : une partie de son message, au moins celle qui devait inciter les masses à voter pour son parti. Le message était irrésistible. Encore fallait-il le faire connaître. Et cela eût été impossible sans la meute de loups, — la “S.A.” [90] — maîtresse de la rue, qui, au péril de sa vie, assurait au Führer le silence et la sécurité au milieu de son auditoire.

Adolf Hitler aimait ses jeunes fauves éperdument attachés à sa personne, avides à la fois de violence et d’adoration, dont plus d’un quelqu’ancien Communiste, que la fascination de sa parole, de son regard, de son comportement non moins que de sa doctrine — en laquelle le fils de prolétaire devinait quelque chose de plus outré, de plus brutal, donc de plus exaltant que le Marxisme, — avaient gagné à la sainte Cause. Il les aimait. Et il aimait le dernier en date de leurs chefs suprêmes de la Kampfzeit, Ernst Rôhm, sous les ordres de qui il avait lui-même autrefois fait la guerre ; Ernst Rôhm revenu de Bolivie — du bout du monde — à son appel [91]. Il fermait volontiers les yeux sur ses moeurs déplorables pour ne voir en lui que le parfait soldat et l’organisateur de génie. Et cependant… il s’est, malgré tout, résigné à faire tuer, ou à laisser tuer, ce vieux compagnon de lutte — presque le seul homme de son entourage qui le tutoyât [92] — ainsi que nombre de chefs moins importants de la S.A., dès qu’il fut persuadé que la turbulence de cette troupe, si fidèle pourtant, son esprit d’indépendance, et surtout l’opposition grandissante qui se faisait jour entre elle et l’armée allemande régulière, — la prétention plus ou moins déguisée de Rôhm de faire d’elle, désormais, la seule armée allemande, — ne pouvaient précisément conduire qu’à l’ochlocratie, sinon à guerre civile, de toute façon qu’à l’affaiblissement de l’Allemagne.

On pourrait rapprocher cette “purge” tragique, mais apparemment nécessaire, du 30 juin 1934, des règlements de comptes les plus machiavéliques de l’histoire, par exemple, de l’exécution sans jugement de don Ramiro di Lorqua, sur ordre de César Borgia, — avec cette différence capitale pourtant, que, tandis que le Duc de Valentino n’avait en vue que le pouvoir pour lui-même, le Führer, lui, visait infiniment plus haut. Il voulait le pouvoir pour tenter, en un effort désespéré, de renverser contre elle-même la marche du Temps, au nom de valeurs éternelles. Il n’y avait rien de personnel dans son combat, et cela, à aucune étape de celui-ci.

90. “Sturmabteilungen”, ou “Sections d’assaut.”91. En 193092. Avec quelques autres de ses collaborateurs de la première heure, tel Gregor Strasser.

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Et s’il a, malgré le désir fervent du Maréchal et Président du Reich, von Hindenburg, repoussé toute idée de restauration de la monarchie, ce ne fut pas, non plus, par ambition. C’est qu’il était conscient de la vanité d’une telle démarche, sur le plan des valeurs et des hiérarchies vraies. La monarchie “de droit divin”, la seule normale du point de vue traditionnel [93], avait, depuis des siècles déjà, perdu en Europe tout sens et toute justification. Le Führer le savait. Il ne s’agissait pas, pour lui, d’essayer de restaurer un ordre chancelant, en réinstallant une monarchie parlementaire présidée (il n’y a pas d’autre mot) par Guillaume II ou quelqu’un de ses fils. Il voulait bâtir un ordre nouveau, ou plutôt faire resurgir l’ordre le plus ancien, l’ordre “originel”, sous la forme la plus vigoureuse et la plus durable qu’il pût revêtir en ce siècle. Et il savait que, de par le choix de ces Forces de vie qui, tout au long d’un cycle temporel, quel qu’il soit, s’opposent inlassablement à l’inéluctable courant de dissolution, il détenait lui-même, — Lui, l’éternel Siegfried, à la fois humain et plus qu’humain, — et le pouvoir légitime en ce monde visible et l’autorité légitime, émanée d’au-delà ; le “pouvoir des deux Clefs”. Avec lui à son sommet, la pyramide des hiérarchies terrestres devait reprendre peu à peu sa position naturelle, recommençant à figurer en miniature, en Allemagne d’abord, puis dans toute l’Europe et dans tout le monde aryen, l’Ordre invisible que le Cosmos figure en grand.

C’est au nom de cette vision grandiose des correspondances idéales qu’il a repoussé, avec une vigueur égale, le Marxisme, doctrine de subversion totale, le Parlementarisme sous toutes ses formes, toujours basé sur la même superstition de la quantité, et l’ochlocratie, source de désordre, donc de constante instabilité.

Mais le caractère traditionnel de sa sagesse est à chercher bien plus encore dans les quelques textes qui nous livrent ses entretiens secrets, ou au moins, intimes, — ses confidences, à cœur ouvert, devant quelques personnes choisies, — que dans ses écrits ou discours qui s’adressent au grand public.

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Les “Tischgespräche”, entretiens du Führer avec quelques hauts fonctionnaires du Parti, officiers supérieurs de la S.S. ou invités étrangers [94], sont instructifs à cet égard. Le sont plus encore, peut-être, certains reportages hostiles à l’Hitlérisme, d’autant plus virulents que leurs auteurs s’en veulent davantage de s’être d’abord trompés de voie en suivant Adolf Hitler, et de se sentir rétrospectivement des sots — à tort, sans doute ; car il devait être bien malaisé de saisir la vraie pensée du Maître avant de faire partie du cercle étroit

93. La royauté élective des anciens Germains — celle du guerrier Franc élevé sur le pa-vois par ses pairs — était aussi “de droit divin”, si on admet que le “divin” n’est autre que le sang pur d’une noble race.94. Traduits en français sous le titre “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, par R. d’Har-court.

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des gens qui jouissaient de sa confiance. Tel est, par exemple, le livre de l’ancien Président du Sénat de la Ville libre de Danzig, Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, qui eut, en son temps, quelque notoriété, puisqu’en 1939 en paraissait déjà la treizième Edit. française — un excellent livre, malgré la hargne qui y perce à chaque ligne. Car le fait que Rauschning semble lui-même tout ignorer de la conception cyclique de l’histoire et, d’une manière générale, des vérités supra-humaines qui sont à la base de toutes les sagesses antiques, rend d’autant plus éloquents les jugements qu’il croit porter contre le Führer en l’accusant (sans le savoir) de mener son combat précisément au nom de ces vérités. Enfin, rien ne saurait éclairer certains aspects de l’Hitlérisme comme le livre de Hans Grimm “Warum ? Woher ? aber Wohin ?”, ouvrage d’un non-Hitlérien impartial, ou le récit que fait Auguste Kubizek, homme sans aucune allégeance politique, des années d’amitié qu’il a vécues avec le futur Führer, alors âgé de quinze à dix-neuf ans, dans son livre “Adolf Hitler, mein Jugendfreund” [95].

La première chose qui frappe, à la lecture de ces divers textes, c’est la conscience qu’avait Adolf Hitler de la rapidité avec laquelle tout se désagrège à notre époque, et du total retournement de valeurs que signifierait le moindre redressement. C’est aussi le sentiment très net qu’il semble avoir eu, que son action représentait la dernière chance de la race aryenne en même temps que la dernière possibilité (au moins théorique) de redressement, avant la fin du présent cycle. Ce sentiment était doublé de la conviction qu’il n’était pas, lui-même, “le dernier” combattant contre les forces de désintégration ; pas Celui qui ouvrirait le glorieux “Age d’Or” du cycle suivant. Cinq ans avant la prise de pouvoir, le Führer le disait en toute simplicité à Hans Grimm : “Je sais que Quelqu’un doit apparaître, et faire face à notre situation. J’ai cherché cet homme. Je n’ai pu nulle part le découvrir, et c’est pour cela que je me suis levé, afin d’accomplir la tâche préparatoire, seulement la tâche préparatoire urgente, car je sais que je ne suis pas Celui qui doit venir. Et je sais aussi ce qui me manque. Mais l’Autre demeure absent, et personne n’est là, et il n’y a plus de temps à perdre.” [96]

Il y a même lieu de croire qu’il pressentait — sinon connaissait ; je reviendrai sur ce point, — la fatalité du désastre et la nécessité, pour lui, de se sacrifier. Mais, de même que, tout en étant centrée sur le peuple allemand, sa vision dépassait immensément l’Allemagne, ainsi sa défaite devait-elle être une catastrophe à l’échelle planétaire (ce qu’elle fut, en effet) et son sacrifice devait-il revêtir une signification insoupçonnée. Il l’a dit à Hermann Rauschning : “Si nous ne parvenons pas à vaincre, nous entraînerons dans notre chute la moitié du monde, et personne ne pourra se réjouir d’une victoire sur l’Allemagne” [97] et : “il est prescrit que je me sacrifie pour le peuple à l’heure du plus grand

95. Une traduction française (abrégée) en a paru chez Gallimard.96. Hans Grimm, “Warum ? Woher ? aber Wohin ?” édité au Klosterhaus Verlag, Lippolds-berg, en 1954 ; p. 14.97. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, 1939, p. 142.

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danger” [98]. “Il ne pouvait, autrement, accomplir sa mission” [99], note cet auteur, sans se rendre apparemment compte de la portée d’une telle assertion.

Quelle était donc cette “mission”, si impérieuse malgré que Celui qui s’en savait chargé ait pu, parfois, envisager d’avance son échec ? C’était celle de tous ces êtres à la fois humains et plus qu’humains — aux Indes, on les appelle des “avatars” ou “descentes” de l’Esprit divin dans le monde visible et tangible, — qui, d’âge en âge, ont lutté à contre-courant du Temps, pour la restauration d’un ordre matériel à l’image de l’Ordre éternel : celle du Dieu Krishna, celle du Prophète Mahomet, et, dans la légende germanique, plus vraie que l’histoire, celle du héros Siegfried, comme eux à la fois initié et guerrier. Une telle mission implique toujours la destruction du monde décadent, sans laquelle la restauration d’une société hiérarchisée selon les valeurs éternelles serait impensable. Elle implique donc la reconnaissance du règne du mal, — du “triomphe de l’injustice” [100], c’est-à-dire de ce qui est contraire à l’Ordre divin, à l’époque même du combattant, — et l’exaltation du combat. Sans doute, les gens qui militent par la violence contre un ordre établi, déjà mauvais, en faveur d’un “monde nouveau” pire encore du point de vue des hiérarchies naturelles, sont-ils, eux aussi, des insatisfaits que la lutte armée n’effraye pas. Mais, comme j’ai essayé de le montrer plus haut, c’est la nature de leur rêve, et non les méthodes employées en vue de sa réalisation, qui les classe exactement à l’opposé des combattants contre le temps.

Il y a des combattants inconscients, irresponsables — aussi bien dans le sens de l’évolution temporelle que contre celle-ci. Il y a des millions de gens “de bonne volonté” — libéraux, individualistes, pacifistes, “amis de l’Homme” de tout poil, — qui, le plus souvent par pure ignorance, ou par paresse d’esprit, suivent les suggestions trompeuses des agents des Forces sombres, et contribuent, avec les intentions les plus généreuses du monde, à accélérer la cadence de la dégénérescence universelle. Il y a aussi des gens parfaitement inconscients des lois éternelles de l’Univers visible aussi bien que subtil, qui militent avec enthousiasme pour la sélection dans le combat, la ségrégation des races, et, d’une manière générale, pour une conception aristocratique du monde, d’instinct ; — simplement par horreur de la laideur physique et morale des hommes, et par haine des préjugés et des institutions qui en encouragent la généralisation. Nombre des nôtres sont de ceux-ci. Plus nobles que les premiers, puisque centrés sur la beauté qui, dans son essence, se confond avec la Vérité, ils sont, malgré tout, aussi peu responsables, au sens fort du mot, car tout aussi attachés au domaine de l’impression, c’est-à-dire du subjectif.

Mais il en va autrement avec les chefs,… à fortiori avec les fondateurs de fois nouvelles.

98. Hermann Rauschning. “Hitler m’a dit”, même Edit., p. 279.99. Ibid. p. 279.100. La Bhagawad-Gîta, IV, verset 7.

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Le véritable initiateur d’un mouvement subversif au sens que j’ai donné plus haut de ce mot, ne peut être qu’un homme en possession d’un certain degré d’indéniable connaissance. Mais il se sert de celle-ci à rebours : — à des fins contraires à l’esprit des hiérarchies vraies ; donc contraires à celles que devrait se donner l’action d’un sage. Par contre, le fondateur et Chef responsable d’une foi “contre le Temps” — comme l’était Adolf Hitler, — ne peut, lui, être que l’un de ces hommes que j’ai, dans un autre livre [101], appelés “au-dessus du Temps” : un sage ; un initié en union avec le Divin, et simultanément un guerrier — et peut-être aussi “un politicien” — prêt à employer, au niveau des contingences du monde visible, tous les moyens qu’il sait être efficaces, et ne jugeant un moyen que par son efficacité. Il ne peut être qu’un homme à la fois au-dessus du Temps, quant à son être, et contre le Temps, quant à son action dans le monde ; en d’autres termes un guerrier (ou un politicien ou l’un et l’autre) combattant l’ordre, les institutions et les puissances de son époque, avec n’importe quelles armes, en vue d’un “redressement” (au moins temporaire) de la société, inspiré par un idéal d’Age d’Or : — une volonté d’accord entre l’ordre “nouveau” et l’Ordre éternel.

Or, je le répète, les textes, les faits, toute l’histoire et toute l’atmosphère du National-socialisme ne deviennent pleinement compréhensibles que si, une fois pour toutes, on admet qu’Adolf Hitler était un tel homme : la manifestation la plus récente, parmi nous, de Celui-qui-revient d’âge en âge “pour la protection des justes, pour la destruction de ceux qui font le mal, pour le ferme établissement de l’ordre selon la nature des choses” [102].

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Il est certain que la décision du jeune caporal Hitler, du seizième régiment bavarois d’infanterie, de “devenir politicien” [103] — décision prise à l’annonce de la capitulation de Novembre 1918, dans les tragiques circonstances que chacun connaît [104] — ne suffit pas à expliquer l’extraordinaire carrière de celui qui allait devenir un jour le maître de l’Allemagne sinon de l’Europe. Bien plus, la “politique”, si paradoxal que cela puisse paraître, n’a jamais été, pour le Führer, l’issue principale. Il avoue, dans un entretien de la nuit du 25 au 26 janvier 1942, s’y être consacré “contre son goût” et ne voir en elle “qu’un moyen en vue d’une fin” [105]. Cette “fin”, c’était la mission à laquelle je faisais allusion plus haut. Adolf Hitler en a parlé dans “Mein Kampf” et dans maint discours, comme, par exemple celui qu’il prononça le 12 Mars 1938 à Linz, et où il a dit notamment : 101. “The Lightning and the Sun”, écrit de 1948 à 1956, édité à Calcutta en 1958.102. La Bhagawad-Gîta, IV, verset 8.103. “Ich aber beschloss, Politiker zu werden”, “Mein Kampf”, édit. 1935, p. 225.104. Adolf Hitler, les yeux rongés par les gaz, menacé de cécité, apprit la nouvelle à l’hô-pital militaire de Pasewalk où il avait été évacué.105. En présence de Himmler, Lammers, Zeitzler, “Libres Propos”, p. 244.

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“Si la Providence m’a un jour appelé hors de cette ville pour diriger le Reich, c’est qu’Elle avait une mission pour moi, en laquelle j’ai cru, et pour laquelle j’ai vécu et combattu.”

L’assurance qu’il avait d’agir, mû par une Volonté impersonnelle, à la fois transcendante et immanente, dont sa volonté individuelle n’était que l’expression, a été signalée par tous ceux qui l’ont approché de près ou de loin. Robert Brasillach a mentionné la “mission divine”, dont le Führer se sentait investi. Et Hermann Rauschning dit qu’il “se tient pour un prophète, dont le rôle dépasse de cent coudées celui d’un homme d’État“. “Aucun doute”, ajoute-t-il, qu’il ne se prenne tout à fait au sérieux comme l’annonciateur d’une nouvelle humanité” [106]. Cela rejoint d’ailleurs cette déclaration d’Adolf Hitler lui-même, rapportée elle aussi par Rauschning : “Celui qui ne comprend le National-Socialisme que comme un mouvement politique n’en sait pas grand chose. Le National-socialisme est plus qu’une religion ; c’est la volonté de créer le surhomme.” [107]

De plus, malgré son alliance politique avec l’Italie de Mussolini, le Führer se rendait parfaitement compte de l’abîme qui séparait sa Weltanschauung à base biologique, du Fascisme, qui restait étranger à “l’enjeu de la lutte colossale” qui allait s’engager, c’est-à-dire au sens de sa mission, à lui. “Il n’y a que nous, les Nationaux-socialistes, et nous seuls,” disait-il encore, qui ayons pénétré le secret des révolutions gigantesques qui s’annoncent. Et c’est pourquoi nous sommes le seul peuple, choisi par la Providence, pour donner sa marque au siècle à venir” [108]. Au fait, peu de Nationaux-socialistes allemands avaient pénétré ce secret. Mais il suffisait qu’il l’eût pénétré, lui, Adolf Hitler, le Chef et l’âme même de l’Allemagne, pour justifier le “choix” des Forces de vie, car un peuple est solidaire de son chef, du moins lorsque celui-ci est, racialement, l’un de ses fils. Autrement dit, la priorité de l’Allemagne était en cette occurrence, une conséquence de la lucidité de son Chef ; de la “vision magique” — de la conscience de l’initié vivant dans l’éternel Présent, — que, seul de tous les hommes politiques et généraux de son temps, celui-ci possédait.

C’est dans cette “vision” qu’il faut chercher la source de l’hostilité du Führer à l’égard du monde moderne, — tant “capitaliste” que marxiste — et de ses institutions. Il est inutile de revenir sur le procès de la superstition de l’égalité, du parlementarisme, de la démocratie, etc., qui n’est rien d’autre, au fond, que la superstition de “l’homme”, appliquée à la politique — ce procès que le fondateur du Troisième Reich a fait et refait, dans “Mein Kampf” comme dans tous ses discours, devant les multitudes comme devant les quelques uns. Adolf Hitler s’attaque aussi à des traits de notre époque qui, s’ils ne sont pas à la racine de cette superstition — qui est, elle, infiniment plus ancienne, ne laissent pas, néanmoins, d’en renforcer le caractère tragique. Il s’agit, en particulier, de la

106. Hermann Rauschning, op. cité.107. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième éd. française, 1939, p. 147.108. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième éd. française, 1939, p. 147 et 148.

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disparition rapide du sens du sacré, de la recrudescence de “l’esprit technique”, et surtout, peut-être, du pullulement désordonné de l’homme, en raison inverse de sa qualité.

Tout en sachant qu’elles étaient et, ne serait-ce qu’au nom de l’anthropocentrisme chrétien, qu’elles ne pouvaient qu’être ses pires adversaires, Adolf Hitler s’est bien gardé d’attaquer les Églises ouvertement, sans parler de les “persécuter”. Il s’en est bien gardé, par habileté politique ; aussi par crainte d’enlever au peuple une foi existante, avant qu’une autre ne se soit assez profondément infiltrée dans les âmes pour pouvoir la remplacer avantageusement.

Cela ne l’empêchait pas de constater que le temps du Christianisme vivant était révolu ; que les Églises ne représentaient plus qu’un “appareil religieux creux, fragile et mensonger” [109] qu’il ne valait même pas la peine de démolir de l’extérieur, vu que, de l’intérieur déjà, il s’effritait de lui-même, et craquait de tous les côtés. Il ne croyait pas en une résurrection de la foi chrétienne. Celle-ci n’avait jamais été, dans les campagnes allemandes, qu’un “vernis”, qu’une “carapace” qui avait conservé, intacte, sous elle, la vieille piété qu’il s’agissait maintenant de ranimer et de diriger. Et chez les masses citadines, il ne voyait “plus rien” qui révélât une conscience quelconque du sacré. Et il se rendait compte que “là où tout est mort, on ne peut plus rien rallumer” [110]. De toute façon le Christianisme n’était, à ses yeux comme aux nôtres, qu’une religion étrangère, imposée aux peuples germaniques, et fondamentalement opposée à leur génie. Adolf Hitler méprisait les hommes responsables qui avaient pu si longtemps se contenter de puérilités comme celles que les Églises enseignaient aux masses. Et il n’était jamais à court de sarcasmes lorsque, devant les quelques-uns à qui il savait qu’il pouvait étaler l’aspect le moins populaire, peut-être, de sa pensée, il parlait du Christianisme “invention de cerveaux malades.” [111]

Ce qu’il lui reprochait surtout, semble-t-il, c’était le fait qu’il éloigne ses fidèles de la Nature ; qu’il leur inculque le mépris du corps et, avant tout, se présente à eux comme la religion “consolante” par excellence : la religion des affligés ; de ceux qui sont “travaillés et chargés” — et n’ont pas la force de porter courageusement leur fardeau ; de ceux qui ne peuvent se faire à l’idée de ne pas revoir leurs bien-aimés dans un Au-delà naïvement humain. Il lui trouvait — comme Nietzsche, — je ne sais quel relent de roture pleurnicharde et servile, et le tenait pour inférieur aux mythologies même les plus primitives qui, elles au moins, intègrent l’homme dans le Cosmos ; inférieure à plus forte raison à une religion de la Nature, des ancêtres, des héros, — et de l’État national — telle que ce Shintoïsme, dont l’origine se perd dans la nuit de la préhistoire, et que

109. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, Edit. citée, p. 69.110. Hermann Rauschning, Ibid. p. 71.111. “Libres propos sur la la Guerre et la Paix”, p. 141.

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ses alliés les Japonais avaient eu l’intelligence de conserver, en l’adaptant à leur vie moderne [112].

Et il évoquait volontiers, par contraste, la, beauté de l’attitude de ses propres fidèles qui, libres de l’espoir aussi bien que de la peur, accomplissaient avec détachement les tâches les plus dangereuses. “J’ai”, disait-il le 13 Décembre 1941, en présence du Docteur Goebbels, d’Alfred Rosenberg, de Terboven, et d’autres, “six divisions S.S. composées d’hommes absolument indifférents en matière de religion. Cela ne les empêche pas d’aller à la mort avec une âme sereine.” [113]

Ici, “indifférence en matière de religion” signifie seulement “indifférence” au Christianisme et, peut-être, à tout exotérisme religieux ; certainement pas indifférence au sacré. Bien au contraire ! Car ce que le Führer reprochait au Christianisme, et sans doute à toute religion ou philosophie centrée sur le “trop humain”, c’était précisément l’absence en lui (comme en elle) de cette véritable piété qui consiste à sentir et à adorer “Dieu” — le Principe de tout être ou non-être, l’Essence de la lumière et aussi de l’Ombre, — à travers la splendeur du monde visible et tangible ; à travers l’Ordre et le Rythme, et la Loi immuable, qui en est l’expression ; la Loi qui fond les contraires dans la même unité, reflet de l’unité en soi. Ce qu’il leur reprochait, — c’était leur incapacité de faire en sorte que le sacré pénètre la vie, toute la vie, comme dans les sociétés traditionnelles.

Et ce qu’il voulait justement, lui, — et, comme j’essayerai bientôt de le montrer, la S.S. devait avoir là un grand rôle à jouer, — c’était un retour graduel de la conscience du sacré, à divers niveaux, dans toutes les couches de la population. Non pas une résurgence plus on moins artificielle du culte de Wotan et de Thor, — le Divin ne revêt jamais de nouveau, aux yeux des hommes, les formes qu’il a une fois délaissées — mais un retour de l’Allemagne, et du monde germanique en général, à la Tradition, saisie à la manière nordique, dans l’esprit des vieilles sagas, y compris celles qui, comme la légende de Parsifal, ont conservé, sous des dehors chrétiens, les valeurs inchangées de la race ; l’empreinte des valeurs éternelles dans l’âme collective de la race. Il voulait rendre au paysan allemand “l’appréhension directe et mystérieuse de la Nature, le contact instinctif, la communion avec l’Esprit de la Terre” ; gratter, chez lui, “le vernis chrétien”, et lui rendre “la Religion de la race” [114], et, peu à peu, — surtout dans tout l’immense nouvel “espace vital” qu’il rêvait de conquérir à l’est, — refaire, de la masse de son peuple, un peuple libre de paysans-guerriers, comme autrefois comme au temps où l’immémorial Odalrecht, le plus ancien droit coutumier germanique, réglait les rapports des hommes entre eux et avec leurs chefs.

112. Idib. p. 141.113. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, traduction cime, p. 140.114. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 71.

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C’est à partir des campagnes qui, elles, il le savait, vivaient encore, derrière un vain jeu de noms et de gestes chrétiens, “sur des croyances païennes” [115] qu’il comptait un jour évangéliser ces masses des grandes villes, premières victimes de la vie moderne chez qui, selon ses propres paroles, “tout” était “mort”. (Ce “tout” signifiait pour lui “l’essentiel” : la capacité de l’homme, et spécialement de l’Aryen de sang pur, de sentir à la fois son néant, en tant qu’individu isolé, et son immortalité en tant que dépositaire des vertus de sa race ; sa conscience du sacré dans la vie quotidienne.)

Il voulait rendre ce sens du sacré à tout Allemand — à tout Aryen — chez qui il s’était estompé ou perdu, au cours des générations, au contact des superstitions répandues par les Églises comme de celles qu’une fausse “science” popularise aujourd’hui de plus en plus. Il savait que c’était là une tâche ardue et de longue haleine, dont il ne fallait pas attendre de succès spectaculaire, mais dont la conservation du sang pur était la condition sine qua non de l’accomplissement (car au-delà d’un certain degré, très vite atteint, de métissage, un peuple n’est plus le même peuple).

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J’ai mentionné plus haut l’intérêt que portait Adolf Hitler aux techniques modernes, spécialement — et pour cause ! — à celles de la guerre. Cela ne veut pas dire que les dangers de la mécanisation de la vie, et surtout de la spécialisation à outrance, lui aient échappé. Même dans ce domaine bien particulier de la stratégie, où il se mouvait, lui, l’ancien caporal, avec une facilité que le génie lui-même peut difficilement expliquer, il se montrait sceptique vis à vis des spécialistes et de leurs inventions, et, en dernière analyse, ne se fiait qu’à la vision supra-rationnelle du vrai chef, — sans, bien sûr, rejeter pour autant la mise à profit de toute invention, dans la mesure où elle représente un moyen efficace en vue de la victoire. “Quelle est,” disait-il à Rauschning, “l’invention qui, jusqu’à présent, a pu révolutionner les lois de la conduite de la guerre d’une manière durable ? Chaque invention est elle-même suivie, presqu’immédiatement, d’une autre, qui neutralise les effets de la précédente”. Et il concluait que tout cela ne conférait “qu’une supériorité momentanée, et que la décision d’une guerre dépend toujours des hommes” plutôt que du matériel, — quelqu’important que puisse être celui-ci. [116]

Ce n’est donc pas la technique en elle-même qui le rebutait. Esprit universel, il était à l’aise dans ce domaine-là comme dans tant d’autres, et il en reconnaissait la place dans le combat à notre époque. Ce qui l’irritait jusqu’à la révolte, c’était l’effet que la formation technique et le maniement des appareils de précision ainsi que des données statistiques, peuvent avoir, et ont presque toujours, sur

115. Hermann Rauschning, Ibid. p. 71.116. Hermann Rauschning, Ibid. p. 21.

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l’homme, même “bien doué”, qui s’y spécialise ; c’est la constatation qu’ils tuent, chez lui, la souplesse d’esprit, l’imagination créatrice, l’initiative, la vision claire au milieu d’un labyrinthe de difficultés imprévues ; la faculté de saisir, et de saisir à temps — immédiatement, si possible, — le rapport entre une situation nouvelle et l’action efficace qui doit y faire face ; en un mot, l’intuition exacte — selon lui la forme supérieure de l’intelligence. “C’est toujours en dehors des milieux de techniciens qu’on rencontre le génie créateur” [117], disait-il. Et il conseillait à ses collaborateurs — et cela, d’autant plus vivement qu’ils occupaient des postes de plus lourde responsabilité, — de prendre leurs décisions “par intuition pure” ; se fiant “à leur instinct”, jamais à des connaissances livresques ou à une routine qui, dans les cas épineux, est le plus souvent en retard sur les exigences de l’action. Il leur conseillait de “simplifier les problèmes” comme lui-même les simplifiait ; de “faire litière de tout ce qui est compliqué et doctrinaire” [118]. Et il répétait que “les techniciens n’ont jamais d’instinct” [119], empêtrés qu’ils sont dans leurs théories, “comme des araignées dans leur toile” et “incapables de tisser autre chose” [120]. Et Hermann Rauschning lui-même, dont la malveillance à son égard saute aux yeux, est forcé de convenir que “ce don de simplification était le pouvoir caractéristique qui assurait la supériorité d’Adolf Hitler sur son entourage.” [121]

Il suffirait, pour le prouver, de relire, dans le livre de Léon Degrelle, “Hitler pour mille ans” [122], les pages lumineuses qui ont trait à la campagne de France et à celle de Russie, — notamment à cette dernière, au sujet de laquelle tant et tant de gens — et pas même de ceux-là dont la guerre est le métier — reprochent au Führer de s’être obstiné à ne pas écouter les techniciens de la stratégie. Le grand soldat que fut le chef de la légion Waffen S.S. “Wallonie” y montre avec éclat que le refus d’Adolf Hitler de se laisser convaincre par ces fameux spécialistes qui, en l’hiver 1941–1942, réclamaient un repli de cent ou deux cents kilomètres, “sauva l’armée”, car “une retraite générale à travers ces interminables déserts blancs et dévorants eût été un suicide” [123]. “Contre ses généraux, Hitler avait raison”, insiste-t-il, — et non seulement pendant les sept mois de l’épouvantable hiver russe 1941–1942, mais encore en Janvier 1943, quand il insistait pour que von Paulus, encerclé à Stalingrad, tentât, comme il le pouvait, de se jeter vers les blindés du général Hoth, dépendant du Maréchal von Manstein, qu’il avait envoyés à son secours, et qui ne se trouvaient plus qu’à quelques kilomètres. Selon Degrelle, von Paulus “eût pu, en quarante-huit heures, sauver ses hommes” [124], 117. Hermann Rauschning, Ibid. p. 22.118. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française. p. 209.119. Hermann Rauschning, Idib. p. 209.120. Hermann Rauscbning, Idib. p. 210.121. Hermann Rauschning, Idib. p. 210.122. Paru aux “Éditions de la Table Ronde”, en 1969.123. Léon Degrelle, “Hitler pour 1000 ans”, p. 129.124. Ibid. p. 130.

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mais “théoricien incapable sur le terrain,” tourneboulé par sa manie tatillonne de regroupements méticuleux à base de paperasses” [125], ne le fit pas, préférant capituler, alors que “le salut était sous son nez, à quarante-huit kilomètres” [126]. Il ne le fit pas, parce que, chez lui, l’étude méticuleuse avait pris la place de l’instinct ; parce que le don de simplifier les problèmes et d’aller intuitivement à l’essentiel, lui manquait. Cela tenait sans doute à sa nature. Mais ces déficiences avaient dû être singulièrement renforcées du fait que “presque toute sa vie, von Paulus l’avait passée parmi la bureaucratie des États-majors” [127], devant ses cartes, dans le cadre étroit de sa spécialité.

Certes, les spécialistes sont nécessaires — à leur place. Le malheur veut que, dans certaines circonstances exceptionnelles, on soit parfois obligé de faire appel à eux en dehors du domaine de leur routine, et de leur demander plus qu’ils ne peuvent donner. Et plus la vie, sous tous ses aspects, se mécanise, grâce aux applications des sciences, et plus il y a, et plus il y aura, du haut en bas de l’échelle sociale, de techniciens spécialisés. Et de plus en plus rares seront ceux d’entre eux qui, tout en ayant, dans leur capacité particulière, le maximum de connaissances, pourront dominer celles-ci, en gardant la vision et l’inspiration, et les inestimables qualités de caractère, qui font l’homme supérieur. Le Troisième Reich a eu de tels hommes : hommes “modernes” par ce qu’ils pouvaient sur le plan matériel, (militaire ou civil) ; d’autre part, égaux des plus grandes figures du passé par ce qu’ils étaient : un Gudérian, un Skorzeny ; un Hans-Ulrich Rudel ; une Hanna Reitsch ; un Docteur Todt ; gens assez forts pour penser et agir en grand tout en se servant des machines de notre époque et en s’astreignant aux manipulations précises qu’elles exigent ; contre-partie occidentale de ces guerriers japonais de la même Deuxième Guerre mondiale qui joignaient au maniement intelligent des armes les plus modernes, la fidélité au code du bushido et, plus souvent qu’on ne pense, la pratique de quelque discipline spirituelle immémoriale.

Le Führer aurait voulu que les meilleurs de ses Allemands devinssent, plus ou moins, de ces nouveaux “maîtres du feu” capables de dominer notre fin de cycle où la technique est, avec tous ses inconvénients, indispensable à qui veut survivre dans un monde surpeuplé. Il savait en effet que ce rôle ne pouvait et ne pourra jamais être joué que par une minorité. Et c’est cette minorité-là, éprouvée au combat, qui devait, précisément, constituer l’aristocratie guerrière du monde nouveau ; monde à contre-courant de la décadence universelle, qu’il rêvait de bâtir, et dans lequel d’ailleurs, “après la victoire” — une fois disparue l’urgence de la guerre totale, — la mécanisation de la vie cesserait graduellement, et où l’esprit traditionnel, au sens ésotérique du mot, s’implanterait de plus en plus.

125. Léon Degrelle, “Hitler pour 1000 ans”, p. 174.126. Ibid. p. 175.127. Ibid. p. 170.

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I X

LE RENVERSEmENT DES VALEURS ANTHROPOCENTRIQUES

« Eveillez, secouez vos forces enchaînées,Faites couler la sève en nos sillons taris ;Faites étinceler, sous les myrtes fleuris,

Un glaive inattendu, comme aux Panathénées. »

Leconte de Lisle (“L’Anathème” : Poèmes Barbares)

L’accroissement démographique est, comme j’ai essayé de 1e montrer plus haut, à la fois conséquence et cause toujours renouvelée du développement des techniques, — conséquence de la conservation, grâce aux perfectionnements de la médecine et de la chirurgie, d’un nombre de plus en plus considérable de gens qui, normalement, ne devraient pas vivre ; et cause des efforts d’esprits inventifs, en vue de créer des moyens de satisfaire les besoins, réels ou supposés, d’une population qui se multiple, souvent malgré l’absence d’hygiène protectrice, à plus forte raison si une telle hygiène s’y répand. C’est un cercle vicieux, et d’autant plus tragique qu’il ne peut vraisemblablement être rompu qu’à l’échelle mondiale. Il serait criminel, en effet, d’encourager, chez les peuples les plus nobles et les plus doués, une dénatalité qui les exposerait, à armes égales, — ou simplement dans la paix fatale d’une “société de consommation” indéfiniment étendue, au fur et à mesure des progrès techniques — à s’effacer devant des variétés humaines qualitativement inférieures à eux, mais dangereusement prolifiques, et dont la démographie échappe à tout contrôle.

Personne n’était, plus qu’Adolf Hitler, conscient de ce fait, auquel il accorde, dans sa politique, une place qu’il n’avait jamais eue sous aucun régime, même raciste, du passé. Et c’est peut-être en cela plus qu’en tout autre chose qu’apparaît l’opposition flagrante du Troisième Reich allemand aux tendances maîtresses du monde moderne.

Ces tendances s’expriment dans le précepte cent mille fois rabâché : “Live and let live” — “Vivre et laisser vivre” — appliqué (et cela est à souligner) aux

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hommes de toutes races comme de tous degrés de santé ou de maladie physique ou mentale, mais à l’homme seul. C’est le précepte contraire que nos protecteurs du sacro-saint mammifère à deux pattes appliquent aux quadrupèdes, cétacés, reptiles, etc. ainsi qu’à la gent ailée et à la sylve. Là, il s’agit de “laisser vivre” tout au plus ce qui ne gêne pas l’expansion indéfinie de n’importe quelle variété d’hommes et même, à la limite, uniquement ce qui favorise cette expansion — comme c’est, semble-t-il, le cas, en Chine communiste, où n’ont “droit de vivre” que les animaux “utiles”, c’est-à-dire exploitables.

L’éternelle gloire d’Adolf Hitler, — et, peut-être, le signe le plus éclatant qu’il était, par excellence, l’homme “contre le Temps” ; l’homme de la dernière chance de redressement non plus partiel, mais total — est, justement, d’avoir renversé cet ordre de choses. C’est sa gloire à tout jamais d’avoir, — et cela, jusque dans un pays en pleine guerre, où tant de problèmes urgents s’imposaient en priorité, — “laissé vivre” la Nature : protégé (dans la mesure du possible) les forêts et leurs habitants ; pris nettement position contre la vivisection ; repoussé, pour lui-même, toute nourriture carnée et rêvé de supprimer graduellement les abattoirs, “après la victoire” (quand il aurait eu les mains libres) [128]. C’est sa gloire d’avoir, bien plus, raillé le zèle déplacé des amateurs de chiens, chats, ou chevaux “de race”, indifférents à la pureté de leur propre descendance, et appliqué cette fois-ci, à l’homme au nom de l’élite humaine, le principe même qui avait, pendant des millénaires, réglé le comportement de l’homme vis à vis de la bête et de l’arbre : “laissé vivre” seulement ce qui ne gênait pas l’épanouissement de cette élite ; à la limite, seulement ce qui le favorisait — ou du moins fait tout ce qui était matériellement possible dans ce sens, dans un monde où, malgré son pouvoir, il devait encore compter avec une opposition constante.

J’ai rappelé plus haut [129], l’encouragement que donnait le Führer à la natalité allemande. Le peuple allemand, à la fois le plus doué d’Occident, le plus discipliné et le plus dur à la guerre, devait être le principal réservoir de la future aristocratie européenne. (N’avait-il pas déjà été celui de l’ancienne aristocratie du continent ? le peuple d’où étaient sortis, avec les Francs, tous les seigneurs de l’Europe du Moyen-Age ?) [130]. Il fallait que ce réservoir demeurât inépuisable. Or, “l’être d’exception, dans une famille, est souvent le cinquième, le septième, le dixième ou la douzième enfant” [131] et la limitation des naissances amène, à plus ou moins longue échéance, la chute des peuples les plus forts, — comme elle a, remarquait le Führer [132], entraîné la fin du monde antique en affaiblissant numériquement ses maisons patriciennes, en faveur d’une plèbe qui se multipliait

128. Déclaration d’Adolf Hitler à J. Goebbels, le 26 Avril 1942. (Voir plus haut, p. 104).129. P. 177, 178, 179.130. Sauf ceux d’origine scandinave, eux aussi, d’ailleurs, des Germains.131. “Libres propos sur la Guerre et la Paix’ p. 74.132. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, p. 254.

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sans cesse et fournissait de plus en plus de fidèles au Christianisme niveleur. Il fallait donc honorer les mères de familles nombreuses.

Mais il ne s’ensuit pas qu’à l’instar de nos amis de l’homme, Adolf Hitler ait contemplé avec satisfaction l’idée d’une Terre indéfiniment exploitée par une population indéfiniment accrue. Loin de là ! Même en Allemagne, l’encouragement systématique de la natalité ainsi que la protection de l’enfant sain et de bonne race, étaient doublés d’une sévère politique de sélection que, dès avant la prise de pouvoir, la diffusion de “Mein Kampf” avait révélée au public [133]. Expression même de cette politique, la loi du Troisième Reich prévoyait la stérilisation des malades incurables, des tarés, des déficients, ainsi que des Allemands plus ou moins métissés de sang non-aryen, — juif, ou autre, — qui risquaient de transmettre leurs infirmités, physiques ou mentales, ou leur infériorité raciale, à des descendants. Elle interdisait formellement, sous peine de travaux forcés, aussi bien tout mariage que toutes relations sexuelles extra-conjugales entre Juifs et Allemands on gens “d’un sang apparenté” [134] (artverwandt), c’est-à-dire aryen, et plus spécialement germanique.

Stricte, comme on le voit, pour l’ensemble du peuple, elle l’était encore bien davantage pour les membres de ce corps d’élite — véritable aristocratie nordique, à tous les points de vue, — que représentait la S.S. Ceux-ci étaient tenus de se marier. C’était, pour eux, un devoir envers la race, — et aussi un ordre du Reichsführer S.S., Heinrich Himmler [135]. Et on leur demandait d’avoir le plus d’enfants possible. Mais ils ne pouvaient choisir leur épouse qu’avec l’autorisation du “Bureau S.S. des races” (S.S. Rassenamt) qui examinait avec la dernière rigueur l’arbre généalogique de la jeune fille, ainsi que son état de santé et celui de ses antécédent.

Et, s’ils devaient donner la vie à profusion, ils devaient aussi se montrer prodigues de leur propre sang, sur tous les champs de bataille. C’est à eux qu’étaient confiées les missions, qui exigeaient le courage le plus soutenu, l’endurance la plus surhumaine, le mépris le plus total de la souffrance et de la mort. Il suffit de comparer les pertes subies par ces hommes sur tous les fronts, mais surtout sur le front de l’Est, à celles des autres unités militaires allemandes et des meilleures armées étrangères, pour sentir combien la vie d’un individu d’élite, et à fortiori celle d’un individu quelconque, comptait peu, en Allemagne nationale-socialiste, quand il s’agissait du service du Reich. Certes, la natalité y était encouragée, et cela d’autant plus que la qualité — physique et psychique — des parents était plus parfaite. Certes, aucun Allemand et aucune Allemande de sang pur ne devait chercher à tromper la nature en se servant de contraceptifs, et risquer ainsi de priver la race d’un sujet exceptionnel [136]. Mais, d’autre part, la

133. “Mein Kampf”, en particulier les pages 279-280 des éditions ultérieures (1935, 1936, etc.)134. Lois de Nuremberg, de Septembre 1935.135. Ordre An° 65. du 31 Décembre 1931.136. “Sait-on ce qu’on perd du fait de la limitation des naissances ? L’homme tué avant sa

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guerre, dont le Führer prévoyait, même “après la victoire”, la quasi-permanence en bordure des territoires conquis, comme autrefois aux frontières mouvantes de l’Empire romain ; la guerre, “état naturel de l’homme” [137] — comme il disait lui-même, se chargeait, et continuerait de se charger de la limitation du nombre des adultes, tant et si bien qu’une famille de S.S. ne pouvait entrevoir de probabilité de survie, … que si elle comptait au moins “quatre fils” [138].

En d’autres termes, au rêve de paix perpétuelle dans un un monde rabougri, où l’homme aurait fait de la Nature la servante de ses petits plaisirs et de sa petite santé, Adolf Hitler a opposé celui de la lutte permanente — de la “révolution perpétuelle” — à la fois joie et devoir des Forts, seuls debout au milieu de l’universelle déchéance. A la confortable loi du moindre effort, il a opposé la vieille Loi de la Jungle : l’idéal de la vie à la fois débordante et précaire ; de la vie dangereuse. A la formule qu’une jeunesse dépenaillée, vidée, prétentieuse et pouilleuse, devait bientôt diffuser dans le monde de cauchemar qui a suivi l’effondrement du Reich : “Make love ! Don’t make war !”, il a opposé d’avance la loi de l’aristocratie anglaise d’autrefois : “To breed ; to bleed ; to lead”, — “procréer ; verser son sang ; être les chefs.”

Mais ce n’est pas tout. Un des traits les plus déprimants de l’Age Sombre tirant à sa fin est, certes, le pullulement désordonné de l’homme. Malthus en avait, il y a plus a de cent cinquante ans, déjà signalé les dangers, mais en se plaçant du seul point de vue économique. Nos optimistes d’aujourd’hui tentent de lui répondre en évoquant les nouvelles possibilités d’exploitation de la terre, et même de la mer, qui permettraient, selon eux, de voir sans inquiétude quintupler, voire décupler, la population humaine de la planète. Mais les dangers subsistent, et s’affirment de plus en plus, car l’accroissement global du nombre d’hommes s’effectue aujourd’hui en progression non plus “arithmétique” mais géométrique. Et il semble bien que maintenant, — plus d’un quart de siècle après la défaite de l’Allemagne nationale-socialiste, — le point ait été atteint au-delà duquel rien, sinon une gigantesque intervention extérieure, humaine ou … divine, ne saurait l’arrêter, — à plus forte raison faire décroître la population du monde jusqu’au niveau où elle cesserait de mettre en péril l’équilibre naturel.

Or, plus que tout autre, le Führer était conscient de la catastrophe que représentait déjà, (et que représente de plus en plus), le surpeuplement de certaines régions de la terre — et pas seulement en raison de l’inévitable poussée à plus ou moins brève échéance, des “affamés” contre les “nantis”. Ce qu’il redoutait surtout, c’était la disparition graduelle des élites naturelles, des élites raciales, sous la marée montante de multitudes biologiquement inférieures même si, çà et là, quelque digue pouvait être érigée afin de les protéger. Car ii

naissance, c’est l’énigme.” (Mots prononcés par Adolf Hitler dans un entretien du 19-20 Août 1941. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, p. 29.137. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, p. 22.138. “Libres propos”, p. 74.

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est à noter que, du moins à notre époque, ce sont, en général, les races les moins belles et les moins douées et, au sein d’un même peuple, les éléments les moins purs, qui sont les plus prolifiques.

Ce que le Défenseur de l’élite aryenne redoutait aussi, c’était l’abaissement du niveau physique, intellectuel et moral — la perte de qualité — des générations à venir. C’est là, en effet, un résultat, statistiquement fatal, de l’accroissement illimité du nombre des humains, même “de bonne race”, dès que la sélection naturelle est battue en brèche par l’application généralisée de la médecine, de la chirurgie, et surtout de l’hygiène préventive, facteurs de sélection à rebours. Aussi, son programme d’assainissement du peuple allemand, (et, s’il avait gagné la guerre, des peuples d’Europe) comportait-il, parallèlement à la stérilisation des incurables, capables, malgré tout, de justifier leur propre existence par quelque travail utile, la pure et simple suppression physique (sans souffrance, cela s’entend,) des êtres n’ayant d’humain que la forme — et encore ? — tels que les monstres, les idiots, les débiles mentaux, les fous, etc. Il était conçu dans le sens d’un retour définitif à la saine Nature, qui pousse l’oiselle à jeter l’oisillon mal-conformé hors du nid ; aussi, dans l’esprit de l’éleveur qui, des portées de ses chiennes ou de ses juments, retire et supprime sans hésitation les sujets difformes, ou trop faibles pour survivre sans des soins constants. Il était conçu dans l’esprit du divin Lycurgue, législateur de Sparte. Et l’on sait que les lois de Lycurgue lui avaient été dictées par l’Apollon de Delphes, — “l’Hyperboréen.”

Malheureusement, ce programme n’a connu qu’un début d’application. L’opposition farouche des Églises chrétiennes, tant catholique que protestantes, a résulté en une “remise à plus tard” des mesures draconiennes qu’il comportait. Adolf Hitler était trop réaliste pour heurter de front, en pleine guerre, les préjugés que onze cents ans d’anthropocentrisme chrétien avaient ancrés dans le psychisme de son peuple, — et pour braver les sermons indignés de quelques évêques, tel von Galen, de Münster. Il aurait été difficile de mettre ces prélats (et, on particulier, celui-ci) en état d’arrestation, sans risquer de provoquer, chez leurs ouailles, une désaffection on ne peut plus inopportune, à l’égard du régime. C’est ainsi que (entre autres) les quelque dix-mille débiles mentaux de l’asile de Béthel, près de Bielefeld, ont survécu à la chute du Troisième Reich, — je le répète : malheureusement.

Il reste vrai que l’élimination physique des déchets humains était, avec la stérilisation des malades incurables mais encore “utilisables” à titre de “facteurs économiques”, un aspect essentiel de la lutte d’Adolf Hitler contre la décadence. La suppression pure et simple de la médecine et de l’hygiène préventive, devait, logiquement, en être un autre aspect. Et elle en aurait, sans doute, été un autre aspect, dans une Allemagne victorieuse qui aurait dominé l’Europe, et n’aurait plus rien eu à craindre de la menace de multitudes prolifiques, massées à l’Est, sous le commandement de chefs qui avaient identifié la vieille cause du Panslavisme avec celle du Marxisme-Léninisme. Mais, vue la tragique réalité de

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cette menace, — et de celle que représentait, à plus longue échéance, et pour de tout autres raisons, le surpeuplement de la Terre entière — c’était d’abord à cette prolifération étrangère qu’il fallait mettre un frein.

Dans un entretien du 15 janvier 1942, le Führer fait allusion à l’augmentation “alarmante” de la population des Indes ; augmentation de cinquante-cinq millions en dix ans [139] — d’autant plus alarmante, devrait-on dire, que, dans ce lointain et dernier bastion d’une tradition, religieuse et métaphysique proprement aryenne, ce sont les basses castes, les aborigènes et les Eurasiens, — les non-Aryens et les métisses, — qui se multiplient à la cadence la plus folle, tandis que les quelques millions d’Aryens qui ont réussi, soixante siècles durant, à survivre, plus ou moins. purs, dans une vaste ambiance multiraciale, représentent une minorité de plus en plus restreinte, et jouissent (et jouissaient déjà en 1942), grâce au parlementarisme introduit par les Britanniques, de moins en moins d’influence politique. Mais cette tragédie ne concernait pas l’Allemagne en guerre. Le Führer poursuit ; “Nous assistons au même phénomène en Russie ; les femmes y ont chaque année un enfant. La principale raison de cette augmentation, c’est la diminution de la mortalité, due aux progrès de l’hygiène. A quoi pensent nos médecins ?” [140]. Là, il s’agit de la menace directe de masses indéfiniment accrues, qui risquent de submerger et de dissoudre dans leur sein les futurs colons allemands des Marches de l’Est et, en attendant, d’amollir les combattants de l’armée allemande les moins détachés de l’humain-trop-humain ; masses aryennes, sans doute, mais non germaniques, et que la fatalité de l’histoire a opposées aux Germains dès le Moyen-Age, et, plus tard, parfois métissées de sang mongol. Il s’agit d’un danger pour le peuple allemand et pour l’équilibre du monde nouveau que le Führer rêvait de fonder : l’Empire pan-européen, sinon pan-aryen, dominé par l’Allemagne.

Adolf Hitler voulait parer à ce danger, et il se doutait bien que l’interdiction des mesures d’hygiène préventive n’y suffirait pas. Aussi avait-il, si l’on en croit le reportage de Rauschning, envisagé des mesures plus radicales — toujours dans l’esprit de l’immémoriale Loi de la Jungle ; de la “lutte pour la vie”, que l’homme supérieur a à appliquer avant tout à d’autres hommes, de qualité inférieure à la sienne, car ce sont eux ses véritables rivaux sur terre : eux, et non les nobles fauves, aristocrates de la forêt, de la savane ou du désert, ses “équivalents” dans le monde privé du mot ; eux, et non les arbres, parure du sol. “La Nature est cruelle”, avait déclaré le Combattant “contre le Temps” ; “nous avons donc le droit de l’être aussi. Au moment où je vais lancer dans l’ouragan de fer et de feu la fleur du Germanisme, sans éprouver le regret du sang précieux qui va couler à flots, qui pourrait me contester le droit d’anéantir des millions d’hommes de races inférieures, qui se multiplient comme des insectes, et que je ne ferai d’ailleurs pas exterminer, mais dont j’empêcherai systématiquement l’accroissement ? — par

139. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, p. 203.140. Ibid. p. 203.

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exemple en séparant pendant des années les hommes des femmes” [141].… Et encore : “Depuis tant de siècles qu’on parle de la protection des pauvres et des misérables, le moment est peut-être venu de préserver les forts, que menacent leurs inférieurs.” [142]

Enfin, il est à peine utile de rappeler que cette “économie dirigée des mouvements démographiques” [143], au moyen de laquelle il espérait pouvoir, en dehors du monde germanique, enrayer cette tendance au surpeuplement caractéristique de l’Age Sombre, ne représentait qu’un aspect de son activité à contre-courant des tendances de cet Age. Une action parallèle, plus visible et plus brutale, — comme celle, tant décriée et si mal comprise, des Einsatzgruppen, devait, plus tard la compléter. Tandis que toute la sagesse du Führer doit être présentée comme un retour aux Principes éternels, ses méthodes ne manquent pas de rappeler celles de l’Antiquité, par la totale absence de “cas de conscience” et partant, de remords, tarit chez lui, qui en était le responsable, que chez les hommes qui les appliquaient. La suppression des déchets humains au sein même de son propre peuple, fait penser au traitement sommaire réservé, à Sparte, aux nouveaux-nés mal-venus, que les éphores jugeaient indignes — d’être élevés. Et l’action de ses Einsatzgruppen en Pologne et en Russie, — parmi la pléthore des populations asservies et toujours prêtes à la révolte — rappelle singulièrement celle de l’impitoyable kryptéia spartiate parmi les Hilotes. L’une et l’autre furent avant tout une action de défense préventive, contre un grouillement de vaincus que la seule conscience de leur nombre incitait à relever la tête, et qu’un rien pouvait pousser à s’ériger en force contre leurs conquérants.

Une déclaration enthousiaste du Führer montre, d’ailleurs, mieux que de longs commentaires, son attitude éminemment révolutionnaire et son mépris du monde moderne, qu’il savait, de toute façon, condamné, et qu’il rêvait de détruire : “Eh bien, oui, nous sommes des Barbares, et nous voulons être des Barbares. C’est un titre d’honneur. Nous sommes ceux qui rajeuniront le monde. Le monde actuel est près de sa fin. Notre seule tâche est de le saccager.” [144]

De le saccager afin de construire sur ses ruines un monde en accord avec les valeurs éternelles ; avec le sens original des choses.” [145]

ç

On peut rapprocher l’action entreprise, en Allemagne et dans les pays occupés par les armées du Troisième Reich, contre les Juifs, de celle des Einsatzgruppen dans les territoires de l’Est.

141. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 159-60.142. Ibid. p. 160.143. Ibid. p. 160.144. Ibid. p. 160.145. Adolf Hitler, “Mein Kampf”, Edit. allemande de 1935, p. 440.

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Dans les deux cas il s’agissait, selon les instructions transmises par Reinhardt Heydrich, en Mai 1941, aux chefs de ces dernières, de “détruire sans merci toute opposition passée, présente et future au National-socialisme” [146], c’est-à-dire d’éliminer le plus possible d’ennemis actuels ou potentiels de la nouvelle foi et du nouvel Empire germaniques. Dans les deux cas, l’action révélait une échelle de valeurs en parfaite opposition avec tout anthropocentrisme, — ou encore, une échelle de valeurs complètement dénuée d’hypocrisie. Car la guerre est en soi la négation de toute foi ou philosophie anthropocentrique, — surtout la guerre entre hommes de race et de civilisation différentes, dont les uns considèrent l’habitat des autres comme nécessaire, ou favorable, à leur propre développement. Himmler faisait remarquer que les pionniers anglo-saxons en Amérique du Nord avaient “exterminé les Indiens qui ne demandaient qu’à vivre sur leur terre natale” [147]. Et les plus farouches anti-Hitlériens sont bien forcés d’admettre qu’il disait vrai, et qu’il n’existe aucun “respect de la personne humaine” dans l’attitude des fondateurs des U.S.A. vis à vis des véritables Américains. Il est trop facile, après-coup, quand on a installé sa démocratie sur toute la surface d’un continent pratiquement vidé de ses habitants, dont on a détruit la race de la manière la plus lâche : — par l’alcool, il est facile alors, dis-je, de proclamer que l’ère de la violence est révolue ; d’interdire à d’autres de se tailler un “espace vital” comme on s’en est soi-même taillé un et, au cas où leur effort se solde par un échec, de les faire comparaître devant un “Tribunal international” de parodie, en tant que “criminels contre l’humanité”. C’est facile. Mais cela accuse le mensonge ; la mauvaise foi. Cela accuse aussi une secrète et sordide envie : — celle du nain, à l’égard du géant ; celle du ploutocrate en quête de nouveaux marchés, à l’égard du guerrier capable de violence franche et détachée ; celle, aussi, de tous les fiers citoyens de puissances coloniales branlantes, à l’égard du Troisième Reich conquérant, au faîte de sa gloire.

Dans ces deux actions, — celle des Einsatzgruppen en Pologne et en Russie, et celle contre les Juifs, partout, — les responsables du Troisième Reich ont fait traiter ou laissé traiter des hommes de pays conquis comme les fondateurs des U.S.A. avaient traité les Peaux-Rouges, mais avec la tartuferie en moins. Ils ont ouvertement admis que “la tragédie de la grandeur est de créer une vie nouvelle en foulant des cadavres” [148] — cadavres dont peu importe le nombre, si la “vie nouvelle” est plus près de son prototype divin, si elle est plus fidèle aux valeurs suprêmes, que la vie qui disparaît. Et ils ont sincèrement cru qu’elle l’était, ou le serait. (Et elle l’aurait, en effet, été, si l’Allemagne avait gagné la guerre.)

De plus, ils ont agi et fait agir sans haine et sans sadisme.

Au procureur américain Walton, qui l’interrogea durant son procès, après le désastre, le Gruppenführer S.S. Otto Ohlendorf, Commandant en chef de

146. Cité par André Brissaud dans “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, p. 319.147. Confidences à Kersten (Voir le livre de Kersten : “Les mains du miracle”, p. 319.)148. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. de 1969, p. 309.

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l’Einsatzgruppe D, déclara qu’un homme “qui montrait du plaisir à ces exécutions, était renvoyé” [149] — ce qui veut dire que ces exécutions étaient considérées en haut lieu, ainsi que dans les rangs de la S.S., comme une désagréable nécessité ; comme une tâche à accomplir sans hésitation certes, mais sans joie comme sans dégoût, avec une sereine indifférence, dans l’intérêt du Reich allemand et bientôt pan-aryen, qui était aussi “l’intérêt de l’Univers” [150]. En effet, dans l’esprit du Chef suprême, Adolf Hitler, l’expansion et la transformation du Reich devaient amorcer un “redressement” mondial, au sens traditionnel du mot.

Mais si, dans la pratique, un “Commissaire du Peuple”, Communiste slave [151], était tué comme “ennemi du Reich”, aussi bien qu’un Juif, il reste vrai qu’il y avait une nuance, — une différence de signification — entre ces deux actions. Le Communiste slave était, — de même que tout Communiste ; de même que bon nombre de non-Communistes, tels que ces nationalistes de l’intelligentsia polonaise, eux aussi fusillés par les commandos des Einsatzgruppen, — considéré comme personnellement dangereux. En le tuant, on éliminait un ennemi, vrai ou supposé. (On n’avait pas le temps d’examiner chaque cas particulier et de voir si, peut-être, quelques individus de valeur n’auraient pas pu être, à la longue, amenés à donner leur adhésion à la nouvelle Europe dominée par l’Allemagne). Le Juif, — en plus du danger qu’il pouvait représenter, et qu’il représentait souvent, personnellement, — était, lui, tenu pour dangereux dans son essence même : de par son appartenance au peuple dont le rôle historique a été de répandre dans le monde les contre-vérités et les contre-valeurs, source de subversion, source d’ “Anti-nature” ; le peuple “élu” des Puissances d’En-bas (exacte antithèse de l’Aryen et surtout de l’Allemand), sans lequel n’auraient vu le jour ni le Marxisme, ni le Jacobinisme, ni le Christianisme — ce “Bolchevisme de la société antique”, comme l’a si bien dit le Führer, — ni aucune des formes de la superstition de “l’homme” et de son “bonheur” à tout prix. Il symbolisait la victoire de l’Age Sombre, que les initiés savent inévitable, mais qu’ils s’efforcent, malgré tout, de repousser le plus longtemps possible, s’ils ont une âme éprise de combat. Son élimination était, plus encore que celle des gens de toutes races qui avaient cru à ses mensonges, un défi jeté aux Forces de désintégration. Car il était l’élément “impur”. Himmler l’a, dans plus d’un discours, assimilé aux insectes parasites dont la présence dégrade la chevelure la plus belle, le corps le plus robuste. Et il voyait dans sa suppression “non une question d’idéologie, mais une affaire de propreté.”

Et cependant… S’il existe un ordre aux chefs des Einsatzgruppen d’éliminer sans merci “les ennemis du National-socialisme” (y compris les Juifs, cela s’entend), il n’existe aucun document allemand prouvant que la

149. Cité par André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 324.150. La Bhagawad-Gîta, III, verset 25.151. Beaucoup de Commissaires du Peuple en Russie soviétique étaient alors Juifs, mais ils me l’étaient pas tous, tant s’en faut.

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“solution finale du problème juif” signifiait la “liquidation physique totale des Juifs”. Dans le fameux Protocole de la Conférence de Wamsee, du 18 Janvier 1942, dont un auteur aussi impartial qu’André Brissaud met d’ailleurs en doute l’authenticité [152], on a, au cours des procès échafaudés après la guerre, avec la mauvaise foi qu’on sait, à l’égard de la S.S, du S.D. (Sicherheitsdienst), de la Gestapo, etc., traduit par “extermination des Juifs dans l’espace vital allemand” la phrase qui signifie en réalité “refoulement des Juifs hors de l’espace vital allemand” : — Zurückdrângung der Juden aus dem Lebensraum des deutschen Volkes [153]. Et il semble bien que, d’abord, ce soit seulement de “refoulement” et non d’extermination indiscriminée qu’il se soit agi, et cela, malgré la hargne des Juifs du monde entier, malgré la retentissante “déclaration de guerre au Reich allemand” lancée de New-York, dès le début d’Août 1933, par Samuel Untermayer, Président de l’ “International Jewish Economic Federation to combat the Hitlerite oppression of Jews”… alors qu’il n’y avait encore eu, en Allemagne, ni “oppression” ni persécution ; malgré l’appel de Wladimir Jabotinski, — futur chef de l’organisation terroriste juive Irgoun Zwi Leumi, — dans la revue juive Masha Rietsch de Janvier 1934, à “l’extermination de tous les Allemands”.

Cela semble d’autant plus vrai qu’avant la guerre, le sous-groupe IV 134 du Reichssicherheitshauptamt (R.S.H.A.) lui-même s’occupait, en collaboration étroite avec la Haganah, organisation sioniste clandestine, de l’envoi des Juifs du Reich en Palestine, alors sous mandat britannique, et cela, malgré l’opposition du Gouvernement de Londres. C’est ainsi que, en 1938 et durant les premiers mois de 1939, près de quatre cent mille Juifs quittèrent le territoire allemand, en plein accord avec les autorités nationales-socialistes. [154] Je ne parle pas de ceux qui le quittèrent sans y être forcés, de 1933 à 1938, ou avant 1933.

Bien plus, les célèbres “Lois de Nuremberg”, de Septembre 1935, qui reflètent on ne peut mieux l’esprit de la révolution hitlérienne et du racisme aryen le plus pur, tout en niant aux Juifs (comme d’ailleurs à tous les non-Aryens) la possibilité d’acquérir la nationalité allemande et en leur interdisant “d’arborer les couleurs allemandes ou de hisser le drapeau national du Reich”, leur donnait le droit “de hisser les couleurs judaïques”. L’exercice de ce droit, il était spécifié, était “placé sous la protection, de l’État” [155], ce qui prouve bien qu’à cette époque encore, les Israélites étaient — et cela, malgré leur rôle historique de “ferment de décomposition”, — considérés en Allemagne national-socialiste, certes comme des étrangers, dont il convenait de se méfier et qu’il fallait tenir à distance, mais non pas comme “une vermine” à détruire.

Les choses vont changer en 1941 et surtout en 1942, et de plus en plus à mesure que la Seconde Guerre mondiale deviendra plus implacable, plus

152. A. Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, p. 309.153. Citée in extenso par Hans Grimm, “Warum ? Woher ? Aber Wohin ?”, éd. 1954, p. 187.154. A. Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 307.155. Article 4 de la Troisième Loi de Nuremberg.

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“totale,” et cela, grâce surtout à ces “millions de Non-Juifs, amis des Juifs”, dont Samuel Untermayer avait prévu, presque dix ans auparavant, la bienveillante collaboration avec ses frères de race, dans leur lutte à mort contre le Troisième Reich.

Car dès Mai 1940, commence l’attaque massive de l’aviation anglaise, dirigée délibérément contre la population civile allemande. Le général anglais Spaight s’en vante assez dans son ouvrage “Bombing vindicted” (“Le bombardement justifié”). Et le déluge de phosphore et de feu ne fait que s’intensifier après l’entrée en guerre des U.S.A. jusqu’à transformer, nuit après nuit, des villes allemandes entières en brasiers. On évalue à environ cinq millions le nombre de civils allemands, femmes, vieillards, enfants, qui sont morts au cours de ces bombardements féroces : écrasés sous les décombres fumants ; ou brûlés, vifs dans leurs abris envahis par l’asphalte liquide, en flammes, qui s’y déversait des rues en fusion.

Le Führer n’avait pas, dès 1933 au lendemain de la “déclaration de guerre” de plusieurs des leurs au nom d’eux tous, fait interner tous les Juifs d’Allemagne, comme il l’aurait alors pu [156]. Il se sentait assez fort pour être généreux, et d’ailleurs, le côté lumineux l’emportait, dans sa psychologie, sur le côté implacable. Il avait laissé partir tous ceux qui le désiraient — partir avec leur argent, dont ils se servirent immédiatement pour dresser l’opinion mondiale contre lui et contre son pays. Il avait tout fait, tout essayé, pour leur faciliter l’enracinement paisible hors de l’espace vital germanique ; mais aucun gouvernement n’avait accepté de les accueillir en masse sur son territoire ou dans ses colonies. Maintenant, c’était la guerre. Et c’était une guerre juive, comme ils le proclamaient eux-mêmes à qui voulait bien les entendre ; une guerre faite par des Aryens, dont la propagande juive avait, pendant des années, exploité le sens de l’intérêt (mal compris), le nationalisme étroit et jaloux, et surtout cette superstition de “l’homme” héritée à la fois du Christianisme et de Descartes ; une guerre faite contre les Allemands en tant qu’ “ennemis de l’humanité” et contre la Weltanschauung nationale-socialiste en tant que “négation de l’homme”. C’était l’enfer déchaîné contre l’Allemagne par les Juifs, au nom de “l’homme”.

Personne, certes, s’il n’est de ceux qui “vivent dans l’éternel”, ne peut se targuer de connaître la pensée profonde d’Adolf Hitler. Toutefois, il est logique de présumer qu’à l’origine du durcissement qui s’est manifesté dès 1941, mais surtout plus tard, dans son attitude envers les Juifs, il y a eu, chez lui, une réaction violente contre cette superstition de “l’homme” et toute la morale qui en découle, à la vue de l’horreur quotidienne et sans cesse croissante des “nettoyages au phosphore”, comme leurs auteurs, les bombardiers anglo-américains, les

156. Si, par la bouche de ses représentants responsables, une nation, quelle qu’elle soit, déclare la guerre à la France, tous les ressortissants de cette nation, domiciliés en France, ne seront-ils pas immédiatement internés ?

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appelaient [157]. Si c’était là l’application de la morale de “l’homme”, acharnée à écraser le National-socialisme en brûlant vif, femmes et enfants compris, le peuple qui l’avait acclamé et porté au pouvoir, alors, pourquoi hésiter davantage à lui opposer, jusque dans ses dernières conséquences, l’immémoriale morale de la Jungle : celle de la lutte à mort entre espèces incompatibles ?

Le Führer n’a peut-être pas ordonné les suppressions massives de Juifs, sans distinction de sexe ou d’âge, tant dans les espaces conquis de l’Est (où ils se confondaient d’ailleurs très souvent avec les plus dangereux francs-tireurs et saboteurs), que dans les camps de concentration. Mais il a laissé agir ses collaborateurs les plus portés aux mesures radicales — tel un Goebbels qu’il avait pourtant sévèrement réprimandé [158] au lendemain de la nuit bien connue du “pogrom” populaire du 9 au 10 Novembre 1938, dite Kristallnacht. Heinrich Himmler et Reinhardt Heyrich n’ont fait qu’exécuter les mesures suggérées, dont le Führer acceptait toute la responsabilité.

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Mais c’est surtout l’aspect proprement constructif de l’Hitlérisme qui en fait la philosophie de combat de l’élite contre le nivellement — contre la “réduction en masse” (Vermassung) — et l’instrument d’un redressement in extremis de l’humanité aryenne et, à travers elle, de toute vie terrestre, contre le courant du Temps.

Je l’ai dit et répété tout au long de ces entretiens : l’ “Ordre nouveau” du Führer — celui qu’il voulait et que, malheureusement, la pression des Forces sombres du monde entier devait écraser avant son installation, — n’avait rien de “nouveau”. C’était l’ordre le plus ancien qui puisse être : l’ordre “originel” des choses, solidement basé sur les vérités éternelles qui dominent et conditionnent cette manifestation particulière de l’Etre qu’est la vie.

Mais sa résurgence à notre stade avancé de l’Age des contre-vérités par excellence (et à fortiori, plus tard encore), ne pouvait et ne pourra jamais avoir lieu que grâce au combat. C’est pour cela que l’idée de combat sans relâche, — de “révolution perpétuelle” [159] — est inséparable de l’Hitlérisme. Elle en sous-tend aussi bien les créations les plus positives, dans tous les domaines, que les mesures de défense les plus implacables contre la corruption de la race ou contre les saboteurs du régime. L’intolérance hitlérienne n’est, jusque dans son agressivité, qu’une intolérance défensive : — une réaction, comme j’ai essayé de le montrer, contre l’intolérance millénaire du Judaïsme et de son “Dieu jaloux”, et contre celle des entités non moins “jalouses” (“conscience universelle”, “démocratie”, etc.) auxquelles croit un monde de plus en plus judaïsé. L’Hitlérisme lui-même n’est,

157. Sauvageon, auteur d’après-guerre, à donné ce titre cynique à l’un de ses romans.158. Hans Grimm, “Warum ? Woher ? Aber Wohin ?” p. 84.159. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 59.

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jusque dans son élan conquérant, qu’un mouvement de défense, de protection, de résurrection des valeurs fondamentales de la Vie, niées en Occident depuis des siècles. C’est la défense de l’Ordre idéal, plus ou moins apparent dans les sociétés antiques les plus vénérables, contre tous les métissages, tous les nivellements, toutes les sélections à rebours, tous les renversements contre-nature ; contre la pression désintégrante de ce qu’il est convenu d’appeler “progrès” et qui n’est, au fond, que l’affirmation toujours plus lancinante de l’anthropocentrisme. Il est, je le répète encore, impensable en dehors de l’Age Sombre.

Quand je parle de son “aspect constructif”, je n’ai pas spécialement en vue les réalisations spectaculaires, matérielles, sociales ou même culturelles du Troisième Reich allemand : pas la remise sur pied de l’économie nationale, presque du jour au lendemain ; pas les diverses initiatives ou institutions que l’on pourrait appeler “philanthropiques”, si les dirigeants du régime eux-mêmes ne les avaient simplement tenues que pour des marques de justice sociale : — l’aide à la mère et à l’enfant ; les distributions de charbon aux vieillards, pendant l’hiver ; les croisières aux Îles Baléares, ou aux Canaries, organisées pour ouvriers d’usine en congé payé ; — pas les royales autobahns à quadruple voie, qui d’enfonçaient à perte de vue dans la splendeur des forêts restaurées. Tout cela n’était qu’une série de signes évidents de la révolution victorieuse, — série qui ne faisait que commencer. D’autres signes, moins patents, plus subtils que les premiers, faisaient déjà leur apparition dans tous les domaines de la vie. Les nouveaux-nés recevaient, de plus en plus souvent, de beaux noms germaniques, évocateurs d’un passé de légende. Les meubles, — du moins dans certains foyers privilégiés, tels que ceux des membres de la S.S. par exemple, — se décoraient de motifs symboliques, dont l’influence occulte se faisait sentir même sur ceux qui ne se l’expliquaient pas. Mais, quelle qu’ait pu être leur importance, ce n’étaient, là encore, que des signes. Ce n’était pas la révolution.

La révolution véritable, positive, créatrice, — unique, parmi les bouleversements politiques de tous les siècles, depuis l’Antiquité, — c’était le retour aux sources, sous le commandement d’un Chef et Maître qualifié : à la fois initié et stratège, et détenteur suprême de l’autorité politique ; prophète de la Doctrine “nouvelle” (ou plutôt éternelle) et fondateur de l’ordre visible correspondant ; investi, comme je le disais plus haut, du “pouvoir des Deux Clefs”, — élu de ces Forces de Vie qui militent avec de plus en plus d’acharnement impersonnel, à contre-courant des tendances fatales du Cycle près de sa fin. La révolution véritable, c’était l’effort de restauration d’une société traditionnelle, hiérarchisée selon les valeurs intangibles de toujours ; reposant solidement sur le terre tandis qu’elle porterait son élite de race, de caractère et de connaissance, au-delà de l’humain, comme la plante aux longues tiges serpentines maintient à la surface de l’étang, loin au-dessus de la boue nourissante, ses lotus mystiques, éclos à la lumière.

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La société européenne, sinon pan-aryenne, que voulait le Führer, ne devait pas être autre chose que cela. Centrée politiquement autour du “grand Reich” — c’est-à-dire de l’Allemagne, complétée par les espaces conquis à l’ouest et surtout à l’est, — elle aurait été dominée par l’élite germanique de la S.S. à laquelle on aurait de plus en plus incorporé des Aryens d’origine non-allemande, jugés dignes de former avec leurs frères de sang, l’aristocratie guerrière du monde nouveau. Et une partie au moins de cette jeune aristocratie aurait été, — était déjà, en fait, — une élite spirituelle : un groupe initiatique, rattaché, par l’intermédiaire d’une tradition très ancienne, d’expression germanique, à la Tradition primordiale.

Gouverné dès 1933 par l’Incarnation même du divin Libérateur qui revient sans cesse et, dans la suite des années, par celui de ses paladins qu’il aurait lui-même désigné, le Reich devait redevenir ce qu’avait été, des siècles avant le Christianisme et avant Rome, le sol des vieilles tribus germaines : une “Terre sainte” au sens ésotérique du mot ; le berceau d’une civilisation nourrie du rayonnement d’un puissant centre de réalisation initiatique. Et il est notoire que cette nouvelle civilisation aryenne, à élite germanique, ait été cette fois inspirée par exactement les mêmes principes que la vieille société de l’Inde védique et postvédique, du temps où le système des castes basé, lui aussi sur “la race et la personnalité”, correspondait encore effectivement à la hiérarchie naturelle des hommes. Il y a, dans les deux cas, à la racine de toute la structure sociale, — et, sauf exceptions, à la base des rapports entre conquérants et conquis, — la même notion d’irréductible inégalité congénitale entre les races humaines, voire même entre les subdivisions plus ou moins nettes d’une même race fondamentale, inégalité qu’aucun anthropocentrisme religieux ou philosophique ne vient atténuer, et qu’il est du devoir du sage législateur de renforcer, si cela se peut ; jamais de combattre. L’abîme qui, dans l’esprit du Führer, sépare l’Aryen digne de ce nom des “sous-hommes”, rappelle à plus d’un titre, celui qui, dans les Ecritures sanscrites, sépare et oppose l’Arya, “deux fois né”, du Dasyu. Le Führer va, d’après Rauschning, jusqu’à parler d’une “nouvelle variété d’homme”, résultat d’une véritable “mutation”, au sens scientifique et naturel du mot” [160], qui “dépasserait de loin l’homme actuel” et irait s’éloignant de plus en plus de “l’homme du troupeau” déjà entré, selon lui, “dans le stade du dépérissement et de la survivance.” [161]

Il semble bien qu’il ait envisagé cette “mutation” — qui, comme l’initiation des “deux-fois-nés” de l’Inde antique, ou encore celle des hommes libres de la Grèce païenne aux “mystères”, ne concernait que la race des maîtres — comme l’aboutissement d’une dure série d’épreuves. Il jugeait qu’il était trop tard pour imposer une telle ascèse à la génération déjà mûre. Cest la jeunesse, cette “splendide jeunesse” qu’Adolf Hitler aimait tant, — celle dont il devait encore

160. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 272.161. Ibid. p. 272-273.

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essayer de guider les destinées “dans les siècles à venir”, en rédigeant son Testament politique sous le tonnerre des canons russes, — qui devait la subir, et en sortir transformée, durcie, embellie, élevée à un échelon supérieur de l’être ; échelon qu’une élite au sein de l’élite devait encore dépasser.

C’est dans les “forteresses” (Burgs) de l’Ordre à la fois guerrier et mystique de la S.S. — ces véritables pépinières de Kshatriyas d’Occident, — que les maîtres d’armes et les maîtres spirituels de la nouvelle aristocratie devaient procéder à l’éducation des jeunes candidats à la surhumanité. “Ma pédagogie est dure”, déclarait le Législateur inspiré du nouveau monde aryen. “Je travaille au marteau et détache tout ce qui est débile ou vermoulu. Dans mes Burgs de l’Ordre, nous ferons croître une jeunesse devant qui le monde tremblera ; une jeunesse violente, impérieuse, intrépide”… une jeunesse qui “saura supporter la douleur. Je ne veux en elle rien de faible ni de tendre. Je veux qu’elle ait la force est la beauté des jeunes fauves… l’innocence et la noblesse de la Nature” [162]. Et plus loin, toujours au cours de la même conversation avec Rauschning : “La seule science que j’exigerai de ces jeunes gens, c’est la maîtrise d’eux-mêmes. Ils apprendront à dompter la peur. Voilà le premier degré de mon Ordre : le degré de la jeunesse héroïque. C’est de là que sortira le second degré : celui de “l’homme libre”, de l’homme “au centre du monde”, de “l’homme dieu.” [163]

Qu’était-ce que cet “homme-dieu” ? cet “homme au centre du monde”? — dont la nature semble avoir totalement échappé à Rauschning, comme sans doute à nombre d’autres interlocuteurs du Führer. Qu’était-ce, — que pouvait-ce être — sinon ce que les sages, au sens traditionnel du mot, appellent “l’homme primordial” ou “l’homme édénique” : celui qui a réussi, grâce, précisément, à sa “maîtrise de soi”, à s’identifier avec le centre de son être (qui est, comme celui de tout être, humain ou non, le centre même du monde manifesté) et qui, par là a retrouvé l’innocence originelle, parce que “tout en agissant, il n’agit plus” ? [164]

Mais il y avait une “étape future de la maturité virile”, d’autres degrés d’initiation, plus élevés, dont il n’était, selon Adolf Hitler, “pas permis de parler”. Il y avait des révélations, qui devaient venir “plus tard”, “longtemps, peut-être, après sa mort”. Il savait que cette mort, — comme celle, au moins apparente, de tout cet univers de vérité qu’il était en train de recréer par le fer et par le feu, — serait indispensable à l’accomplissement ultime de sa mission. Il en avait eu, à l’âge de seize ans, l’intuition extraordinaire, je devrais dire : la vision. Il n’a, semble-t-il, jamais exprimé à personne le tréfond de sa pensée, ni l’ampleur (et l’horreur) de ce que, de l’angle de l’ “éternel Présent”, son œil intérieur pouvait découvrir de l’avenir immédiat de l’Allemagne et du monde ; ni les raisons profondes — plus qu’humaines — qui rendaient son combat nécessaire malgré la vieille certitude et la perspective de plus en plus évidente de l’inévitable effondrement. Il n’en a

162. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 278.163. Ibid. p. 279.164. La Bhagawad-Gîta, IV, Verset 20.

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jamais rien exprimé parce que la connaissance métaphysique, qui seule justifiait tout ce qu’il aurait pu dire, est, comme tout savoir de cet ordre, incommunicable. Parmi ses collaborateurs les plus dévoués, ne pouvaient le suivre, sans acte de foi, que ceux qui — tel Rudolf Hess, — sans être comme lui des aspects de Celui-qui-revient-d’âge-en-âge, étaient quand même des initiés. Ceux-là n’avaient besoin d’aucune transmission, verbale ou écrite, pour saisir tout ce qui, dans la pensée secrète du Führer, bien qu’impénétrable à l’intelligence discursive, ne dépassait pas leur niveau.

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Le refus absolu d’une instruction “gratuite et obligatoire” — et la même pour tous est encore un des grands traits qui rapprochent la société qu’Adolf Hitler rêvait d’instaurer — et déjà celle du Troisième Reich elle-même, — des sociétés traditionnelles du passé. Déjà dans “Mein Kampf”, l’idée d’une éducation identique des jeunes gens et des jeunes filles est rejetée avec la dernière rigueur [165], On ne saurait donner le même enseignement à des adolescents que la Nature destine à des fonctions différentes et complémentaires. De même, on ne saurait apprendre les mêmes choses, et dans le même esprit, fût-ce à des jeunes de même sexe mais qui, plus tard, devront s’adonner à des activités sans rapport les unes avec les autres. Ce serait leur charger la mémoire d’un amoncellement d’information dont ils n’ont, pour la plupart, que faire, tout en les privant, sans doute, de connaissances précieuses, et en négligeant la formation de leur caractère [166]. Cela est vrai, certes, quand ils sont fils d’un même peuple. Cela l’est plus encore quand ils ne le sont pas. Il suffit, pour s’en rendre compte, de songer aux incongruités auxquelles aboutit la manie de la diffusion générale d’une instruction uniforme dans un pays de races et de cultures multiples, comme le sont, par exemple, les Indes ; ou à celles que provoque l’enseignement du programme de littérature française du baccalauréat à des Khmers du vingtième siècle, ignorants, pour la plupart, de leur propre culture.

Adolf Hitler voyait, dans ces sinistres sottises, un des symptômes les plus alarmants de cette gangrène universelle qu’est l’Anti-tradition. Il voulait qu’on n’enseignât aux gens que ce qu’il était bon et souhaitable qu’ils sussent, afin de tenir, dans la hiérarchie humaine, la place qu’ils devaient y occuper, de par leur hérédité totale : — race et capacités personnelles innées. Peu de penseurs ont attaqué avec autant de véhémence que lui l’action “civilisatrice” des missionnaires chrétiens en Afrique noire et ailleurs, leur obstination à imposer aux gens d’autres climats un accoutrement ridicule [167], et des valeurs qui ne servent qu’à les désaxer et à en faire des révoltés. Peu ont été aussi catégoriques que lui dans la condamnation d’un enseignement général uniforme, distribué 165. “Mein Kampf’’ Edit. 1935, pp. 459-460.166. “Libres propos sur la Guerre et la Paix’’, traduction citée, p. 309 et 344.167. Idib, p. 309.

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sans discrimination dans les écoles primaires, aux enfants des masses, même européennes ; — même allemandes. Il jugeait particulièrement inutile, pour la grande majorité des fils (et plus encore des filles) du peuple, l’étude superficielle des langues étrangères, ainsi que des sciences. On devait, selon lui, se contenter d’enseigner tout juste assez de ces matières “pour mettre sur la bonne voie” [168] ceux des élèves qui y prendraient un intérêt véritable, et prolongeraient leur scolarité.

Mais il y a plus, et beaucoup plus. Dans la société européenne dominée par son élite germanique, telle que le Führer l’aurait reconstruite, s’il l’avait pu, l’instruction et la culture, et à fortiori la probabilité pratique d’un développement spirituel avancé, devaient retrouver le caractère secret — proprement initiatique, — qu’elles avaient eu dans la plus lointaine antiquité, chez les peuples aryens et chez les autres : chez les Germains de l’âge du bronze comme dans l’Egypte des pharaons, et aux Indes. Elles devaient être réservées à des privilégiés.

Surgis “à l’origine”, c’est-à-dire à l’âge héroïque du National-socialisme, de l’épreuve décisive du combat, ces privilégiés étaient nécessairement issus de toutes les classes de la société “pré-hitlérienne”. Il ne pouvait en être autrement à une époque où la “classe”, ne correspondant plus à la pureté du sang et à ses qualités inhérentes, n’a plus aucune justification. Mais ces soldats de la première heure devaient, peu à peu, avec les jeunes rigoureusement sélectionnés et endurcis dans les “Burgs” de l’Ordre S.S. dans l’ascèse du corps, de la volonté et de la connaissance, former une aristocratie désormais héréditaire, fortement enracinée, — propriétaire de vastes domaines familiaux dans les espaces conquis, — et elle-même hiérarchisée. Ils devaient, ces membres des corps d’élite par excellence, parmi lesquels se coudoyaient maintenant les plus beaux, les plus valeureux fils de paysans, les plus brillants universitaires de bonne race, et de nombreux jeunes représentants de l’ancienne et rigide noblesse allemande, se fondre graduellement en une vraie caste, inépuisable réservoir de candidats à la surhumanité.

Et, je le répète, dans cette noblesse nouvelle du monde occidental, qu’il s’agissait de créer, devaient être admis également les Aryens “d’autres nationalités”, qui se seraient “montrés sympathiques” au combat que le Führer menait [169] certes, “pour le grand Reich” , mais aussi pour le retour de la Terre entière à une vie basée sur la vérité traditionnelle ; “pour le grand Reich” parce que lui seul pouvait être l’instrument de ce redressement in extremis, si tout redressement quelque peu durable n’était pas déjà impossible. Déjà la Waffen S.S. qui sans la fatalité propre à notre fin de cycle, aurait pu être la barrière contre l’immense entreprise de subversion que représente le Marxisme, comportait des contingents d’une trentaine de pays, y compris une Légion indienne et un

168. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, p. 344.169. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 62.

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“Britische Freiwilligen Korps” ou “Légion anglaise de Saint Georges”, — tant il est vrai que “les grands empires naissent bien sur une base nationale, mais la laissent très vite derrière eux” [170]. Et ce qui est exact d’un “empire”, l’est d’autant plus d’une civilisation.

La “liberté totale de l’instruction” devait donc être le privilège de l’élite de sang et de caractère, — de l’élite naturelle, — et de “ceux qu’elle admettrait dans son sein” [171]. (Et elle allait en admettre de moins en moins à mesure que, grâce à la rigoureuse sélection raciale dont elle devait être l’objet, elle s’élèverait de plus en plus au-dessus des masses moins pures, moins parfaites). A la limite, complètement libérée “de tous les préjugés humanitaires et scientifiques”, et rejoignant en cela celles des premiers âges du monde, la future civilisation hitlérienne devait accorder “à la grande masse de la classe inférieure” et, à fortiori, aux races inférieures d’étrangers conquis, que le Führer désignait d’avance sous le nom d’ “esclaves modernes”, le “bienfait de l’analphabétisme” [172]. Et partout où, pour le maintien de l’harmonie entre la communauté, hiérarchie visible, et la hiérarchie réelle du monde des Essences, une certaine connaissance et une certaine qualité d’existence seraient jugées nécessaires ou avantageuses, elle devait dispenser des degrés différents de savoir et d’ascèse, ou en encourager l’acquisition — “un degré d’instruction pour chaque classe, et, dans la classe, pour chaque échelon” [173]. Et cela, jusque parmi l’élite, qui, je le répète, devait, comporter des “paliers” correspondant à des capacités innées de développement et d’action.

Dans plusieurs entretiens, le Führer a avoué beaucoup devoir à ses adversaires, en particulier à l’Église catholique, dont il admirait la solide structure et la durée, et, au sein de l’Église, à l’Ordre des Jésuites, avec ses exercices spirituels et sa discipline de fer. Il a avoué avoir emprunté aux Franc-maçonneries la pratique du secret, — cela même qui faisait leur force, et les rendait dangereuses à ses yeux. Il voulait, disait-il, battre les Juifs “avec leurs propres armes”, et déclarait — avec justesse — que “celui qui n’apprend rien de ses ennemis est un sot” [174]. Mais ces apports, pour importants qu’ils aient pu être, n’auraient jamais suffi à donner à l’Hitlérisme vrai, le caractère traditionnel que j’ai essayé, tout au long de ces pages, de mettre en évidence. Ils n’auraient pas suffi, parce que l’Église et les Franc-maçonneries étaient, dans leur ensemble, (en tant que groupes spirituels), coupées, depuis des siècles déjà, de la Tradition primordiale, et parce que les Juifs, facteur de nivellement voulu, organisé, de toute l’humanité non-juive, ne pouvaient, à ce titre, (c’est-à-dire, en dehors des individus isolés, apolitiques, assoiffés de spiritualité pure, qui existent peut-

170. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 62.171. Ibid. p. 62.172. Ibid. p. 62.173. Ibid. p. 62.174. Ibid. p. 266.

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être parmi eux) représenter que l’Anti-tradition : — le cerveau inspirateur et directeur de la subversion sociale, elle-même expression tangible de la subversion au sens ésotérique du mot. Il fallait autre chose : — non plus des emprunts à l’image déformée, sinon renversée, de la Tradition, telle qu’elle apparaît dans les organisations, et dans la communauté pseudo-religieuse, pseudo-raciale, que l’Allemagne nationale-socialiste avait à combattre, mais un lien puissant, effectif, véritable avec la Tradition, lien assuré et maintenu par le seul moyen par lequel il ait jamais été rétabli et consolidé : l’initiation.

Si l’on songe à ce total rejet des préjugés modernes, par lequel l’Hitlérisme s’oppose à toutes les doctrines politiques de notre temps comme des siècles qui l’ont immédiatement précédé ; si on se souviens de ce rêve de hiérarchie universelle, basé avant tout sur le sang, qui fut et demeure le sien ; et, surtout, peut-être, si on considère cette retentissante négation de la grande idée jacobine du “droit de tous les hommes” à l’instruction au moins primaire, on ne peut se défendre de rapprocher l’esprit du Führer de celui des législateurs antiques, porte-paroles des Dieux. J’ai, à propos de la suppression des idiots, débiles mentaux et autres déchets humains, voulue par Adolf Hitler, et de tout l’effort de sélection biologique pratiquée sous ses ordres, spécialement au sein de l’élite S.S., évoqué les lois que l’Apollon Delphien avait autrefois dictées à Lycurgue. (Et la perfection physique qui était exigée des volontaires de l’Ordre noir, fait immédiatement penser à celle que ce même Dieu, Aryen par excellence, demandait de ses prêtres auxquels une vue faible, ou une seule dent ayant nécessité des soins, barrait la possibilité du noviciat).

Le caractère secret de toute science, — même profane, — dans la future civilisation hitlérienne, et les efforts accomplis déjà sous le Troisième Reich, pour limiter, autant que se pouvait, les méfaits de l’instruction générale — ce “poison le plus corrosif” du libéralisme, — évoquent la malédiction qui, il y a des milliers d’années, et dans toutes les sociétés traditionnelles, visait tous ceux qui auraient divulgué à tort et à travers — et spécialement à des gens d’un sang tenu pour impur, les connaissances dont les prêtres (et ceux qu’ils en jugeaient dignes) avaient l’exclusivité. Ils rappellent les très vieilles “Lois de Manu” et la défense formelle qui s’y trouve d’enseigner aux Soudras, (et, à plus forte raison, aux Chandalas, Poukhasas, et autres gens, eux, de sang mêlé) la science des Livres sacrés et les formules incantatoires [175]. Les pénalités les plus sévères frappaient, dans l’Inde ancienne, et l’Arya qui se serait permis d’énoncer un texte secret en présence d’un homme des castes serviles, et le Soudra, ou le métisse, qui l’aurait entendu, même sans avoir écouté. Des lois similaires existaient chez tous les peuples encore rattachés, chacun par l’intermédiaire de son élite de sang et de science, à la Tradition originelle, toute science étant, alors encore, “sacrée” et secrète.

175. Lois de Manu, Livre IV, 80-81.

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Dans son livre plein de fiel où abondent pourtant les hommages involontaires au Führer — les critiques les plus malveillantes qui, en fait, sont des louanges qui s’ignorent — Hermann Rauschning qualifie l’Hitlérisme d’ “irruption du monde primitif dans l’Occident” [176]. En réalité, ce n’est pas du “monde primitif” qu’il s’agit ici, — pas, du moins, du “monde primitif” au sens où Rauschning l’entend — mais du monde primordial ; du monde d’avant toute rupture avec la Tradition d’origine plus qu’humaine. Les “sauvages” auxquels fait allusion le Chrétien, furieux de s’être trompé de voie, ne sont nullement des “primitifs”, mais des dégénérés : — ce vers quoi s’achemine précisément l’Occident, qui vient de rejeter le dernier en date de ses Sauveurs. La civilisation que ce dernier eût fondée, si, par son refus, l’Europe n’avait montré qu’il était déjà “trop tard”, avait tous les traits de ces puissants “redressements” qui se produisent tout au long du cycle, chaque fois plus courts, mais toujours inspirés par la même nostalgie du plus en plus impensable Age d’Or, au Age de Vérité.

Certes, d’irrésistibles forces, essentiellement telluriques, possédaient, à l’appel d’Adolf Hitler, les foules fascinées. Et des grandioses défilés nocturnes, à la lumière des torches, au son des chants de guerre, des tambours et des fanfares, se dégageait un véritable envoûtement collectif. Pourquoi pas ? Cela aussi faisait partie de l’art de l’éveil des instincts immémoriaux ; du “retour à la Nature”, avec sa profondeur et sa richesse, — et son innocence — après des siècles de mensonges et d’émasculation. Malgré cela, ce n’était pas “le tamtam des peuplades sauvages” qui, comme l’écrit Rauschning, dominait la structure mouvante du Troisième Reich, et surtout, la pensée et les aspirations du Führer et des grands chefs, connus ou cachés, de l’Ordre de la S.S, — élite au sein de l’élite. C’était, muette aux oreilles charnelles, mais partout présente, subtile, indestructible, planant même au-dessus de l’Allemagne en flammes, même au-dessus de l’Europe dégradée d’après le désastre de 1945, l’éternelle “musique des sphères” dont parlait Platon.

Et ceux qui étaient (et sont) susceptibles d’en saisir le rythme, l’entendaient, — et devaient continuer de l’entendre après la défaite : jusque devant les nains, déguisés en “juges”, des tribunaux carnavalesques d’après-guerre ; jusqu’au pied des potences, et dans les camps de concentration des vainqueurs ; jusque dans l’avachissement de la “société de consommation” imposée au Reich démembré et à l’Europe colonie des U.S.A., — société aux arsenaux vides, aux garde-mangers pleins à craquer, selon l’exigence des Juifs, qui n’avaient rien oublié, mais, hélas, beaucoup appris depuis le temps de la République de Weimar. Car ce qui est éternel ne saurait être détruit. Et l’initié est celui qui vit dans l’éternel, et agit au nom des principes mêmes qui régissent l’Univers. Un Hindou de ceux qui, au début de la Seconde Guerre mondiale et déjà avant, avaient salué en la personne d’Adolf Hitler un “avatar de Viçnou”, et le “chef de tous les Aryas”, me disait qu’il le reconnaissait pour tel au fait

176. Hermann Rauschning, Idib., p. 287.

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qu’il voulait “rendre au système des castes son sens originel, puis, l’étendre au monde entier”. En lui, précisait-il, était réapparu Celui qui, il y a quelques milliers d’années, déclarait au héros Arjuna : “De Moi sont émanées les quatre castes, créées par la distribution différente des qualités.” [177]

Cela rejoint et confirme tout ce que je viens de dire, — l’initié étant consciemment identique au Principe de tout être ou non-être, (ayant “réalisé” l’identité de son essence avec Lui).

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Malgré les polémiques que le nom du Führer déchaîne toujours, plus d’un quart de siècle après la disparition de sa personne physique, son initiation à un groupe ésotérique puissant, en connection directe avec la Tradition primordiale, ne fait plus aujourd’hui aucun doute.

Certes, ses détracteurs, — et ils sont nombreux ! — ont essayé de le présenter comme un homme entraîné à tous les excès, après avoir été poussé par son “hybris”, sa démesure, à trahir l’esprit de ses maîtres spirituels. Ou bien, ils ont vu en lui un maître d’erreur, disciple de “magiciens noirs”, lui-même âme et instrument de la subversion (au sens métaphysique) en ce qu’elle a de plus tragique. Mais leur clairvoyance est suspecte du seul fait qu’ils se placent tous du point de vue “moral” — et d’une moralité fausse, puisque soi-disant “la même pour tous les hommes”.

Ce qui, en effet, les rebute, et les empêche à priori de reconnaître la vérité de l’Hitlérisme, c’est son absence totale d’anthropocentrisme, et l’énormité des “crimes de guerre” et “crimes contre l’humanité”, auxquels il est historiquement lié. En d’autres termes, ils lui reprochent d’être en désaccord avec “la conscience universelle”. Or, la trop fameuse “conscience universelle” n’existe pas ; n’a jamais existé. Elle n’est, tout au plus, que l’ensemble des préjugés communs aux gens d’une même civilisation, dans la mesure où ceux-ci ne sentent ni ne pensent par eux-mêmes, — ce qui veut dire qu’elle n’est “universelle” en aucune manière. Et de plus, le développement spirituel n’est pas une affaire de morale, mais de connaissance ; de vision directe des Lois éternelles de l’être et du non-être. Il est écrit dans ces antiques “Lois de Manu”, dont l’esprit est si près de celui des fidèles les plus éclairés du Führer, qu’ “un Brahmane possédant le Rig-Véda tout entier”, — ce qui ne veut pas dire : sachant par cœur les 1 009 hymnes qui composent ce plus ancien de tous les écrits de langue et d’inspiration aryennes, mais possédant la connaissance suprême, — l’initiation — qu’impliquerait la compréhension parfaite des symboles qui s’y cachent sous les mots et les images qu’ils évoquent, — il est écrit, dis-je, que ce Brahmane “ne serait souillé d’aucun crime, même s’il avait tué tous les habitants des trois mondes, et accepté de la

177. La Bhagawad-Gîta, IV, Verset 13.

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nourriture de l’homme le plus vil” [178]. Certes, un tel homme, ayant transcendé toute individualité, ne pourrait agir que sans passion et, comme le sage dont il est parlé dans la Bhagawad-Gîta, “dans l’intérêt de l’Univers”. Mais il ne s’ensuit nullement que son action correspondrait à une moralité centrée sur “l’homme”. Il y a même lieu de penser qu’elle pourrait, le cas échéant, s’en éloigner de beaucoup. Car rien ne prouve que “l’intérêt de l’Univers” — l’accord de l’action avec les exigences profondes d’un moment de l’histoire, que l’initié saisit, lui, de l’angle de l’ “éternel Présent”, — ne demande pas, parfois, le sacrifice de millions d’hommes, voire des meilleurs.

On a fait grand état de l’appartenance d’Adolf Hitler (ainsi que de celle de plusieurs personnalités très influentes du Troisième Reich, entre autres, de Rudolf Hess, d’Alfred Rosenberg, de Dietrich Eckart), à la mystérieuse société, fondée en 1912 par Rudolf von Sebottendorf. On a aussi beaucoup parlé de l’influence déterminante qu’auraient eue sur lui des lectures d’un caractère ésotérique et messianique très particulier, entre autres les écrits de l’ancien moine cistercien Adolf Josef Lanz, dit Jörg Lanz von Liebenfels, fondateur [179] et Grand Maître de l’ “Ordre du Nouveau Temple”, et sa revue, Ostara [180]. On n’a pas manqué de rappeler son étroite connection avec le géopoliticien Karl Haushofer, membre de la “Société du Vril”, versé dans la connaissance de doctrines secrètes, qui lui auraient été révélées aux Indes, au Thibet et au Japon, et très conscient de l’immense “puissance magique” de la Croix gammée [181]. On a, enfin, souligné le rôle particulier d’initiateur qu’aurait joué auprès de lui au moins Dietrich Eckart, — sinon Dietrich Eckart et Rudolf Hess, quoique l’un et l’autre se soient toujours présentés dans la vie publique comme ses fidèles disciples et collaborateurs. Dietrich Eckart aurait, en Décembre 1923, sur son lit de mort, déclaré devant quelques uns de ses frères de la Société de Thulé, que les maîtres de la dite Société, dont lui-même : il aurait dit “nous” en parlant d’eux, — auraient donné à Adolf Hitler “le moyen de communiquer avec Eux”, c’est-à-dire, avec les “Inconnus supérieurs” ou “Intelligences hors de l’humanité”, et qu’il aurait, lui, en particulier, “influencé l’histoire plus qu’aucun autre Allemand.” [182]

Il convient toutefois de ne pas oublier que, quel qu’ait pu être l’entraînement initiatique qu’il a suivi plus tard, il semble certain que le futur Führer ait déjà été, “entre douze et quatorze ans” [183] et peut-être même plus tôt encore, en possession des directives fondamentales de son “moi” historique ; qu’il ait, alors déjà, montré son amour pour l’art en général, et surtout pour l’architecture et la musique ; son intérêt à l’histoire allemande (et à l’histoire tout court) ; son

178. “Lois de Manu”, Livre onzième, verset 261.179. En 1900.180. Fondée en 1905.181. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, p. 53.182. Ibid. p. 61-62.183. Ibid. p. 39.

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patriotisme ardent ; son hostilité envers les Juifs (qu’il sentait déjà être l’antithèse absolue des Germains) ; et enfin, son admiration sans bornes pour toute l’œuvre de Richard Wagner. Il semble certain, si l’on s’en rapporte au récit que son ami d’adolescence, Auguste Kubizek, nous a laissé de sa vie jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, que son grand, son véritable “initiateur” — celui qui a vraiment éveillé en lui une vision plus qu’humaine des choses avant toute affiliation à un groupe d’enseignement ésotérique quel qu’il fût, — ait été Wagner, et Wagner seulement. Adolf Hitler a gardé toute sa vie l’enthousiaste vénération qu’il avait, à peine sorti de l’enfance, vouée au Maître de Bayreuth. Personne n’a jamais compris, senti, comme lui, la signification cosmique des thèmes wagnériens — personne ; pas même Nietzsche, qui, cependant, avait indubitablement parcouru un certain chemin dans le sens de la connaissance des Principes premiers. La création de “Parsifal” est demeurée une énigme pour le philosophe du “surhomme”, qui n’en a saisi que l’enveloppe chrétienne. Le Führer, lui, savait s’élever au-delà de l’opposition apparente des contraires, — y compris de celle qui paraît exister entre “l’Enchantement du Vendredi Saint” et la “Chevauchée des Walkyries”. Il voyait plus loin. Il saluait, derrière “le décor poétique du drame wagnérien”, … “l’enseignement pratique de la lutte obstinée pour la sélection et la rénovation” [184], et dans le Graal, Source de vie éternelle, le symbole même du “sang pur”. Et il faisait gloire au Maître d’avoir su donner à son message prophétique aussi bien la forme de Parsifal que celle, toute païenne de la “Tétralogie”. C’est que la musique de Wagner avait le don de lui évoquer la vision non seulement de “mondes antérieurs”, mais de scènes de l’histoire “en puissance”, en d’autres termes, de lui ouvrir les portes de “l’éternel Présent”, — et cela, apparemment, dès l’adolescence, si on en croit l’admirable scène que rapporte Auguste Kubizek, et qui aurait pris place à la suite d’une représentation du “Rienzi” de Wagner à l’Opéra de Linz, alors que le futur Führer avait seize ans. La scène est trop belle pour qu’on se permette de ne la point citer in extenso.

En sortant, donc, du théâtre de Linz, où ils venaient d’assister à une représentation du “Rienzi” de Richard Wagner, les deux jeunes gens, — Adolf Hitler et Auguste Kubizek, — au lieu de rentrer chez eux, prirent, bien qu’il fût plus de minuit déjà, “le chemin qui menait au sommet du Freienberg”. Ils aimaient ce lieu désert pour y avoir passé, seuls au milieu de la nature, de beaux après-midis de dimanche. Maintenant, c’était Adolf Hitler qui, visiblement bouleversé au sortir du spectacle, avait insisté pour qu’ils y retournassent, malgré l’heure tardive, — peut-être à cause d’elle. “Il” (c’est-à-dire Adolf Hitler) “marchait”, écrit Kubizek, “sans dire un mot, sans tenir compte de ma présence. Je ne l’avais jamais vu aussi étrange, aussi pâle. Plus nous montions, et plus le brouillard se dissipait”… “J’avais envie de demander à mon ami où il voulait aller ainsi, mais l’expression farouche et fermée de son visage m’empêcha de lui poser la question.”… “Arrivés au sommet, le brouillard — dans lequel la ville était encore plongée — avait disparu. Au-dessus de nos têtes les étoiles brillaient

184. Hermann Rauschning. “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 257.

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de tous leurs feux dans un ciel parfaitement pur. Adolf se tourna — alors vers moi et me saisit les deux mains qu’il serra fort entre les siennes. C’était un geste que je ne lui avais encore jamais vu faire. Je sentis à quel point il était ému. Ses yeux brillaient d’animation. Les mots ne sortaient pas de sa bouche avec facilité, comme d’habitude, mais de façon hachée. Sa voix était rauque, et trahissait son bouleversement.

Peu à peu, il se mit à parler plus librement. Les mots jaillissaient à flots de sa bouche. Jamais auparavant je ne l’avais entendu, et plus jamais je ne devais l’entendre parler comme alors que seuls, debout sous les étoiles, nous avions l’impression d’être les uniques créatures sur terre.

Il m’est impossible de rapporter en détails les mots que mon ami prononça en cette heure-là, devant moi.

Quelque chose de tout à fait remarquable, à quoi je n’avais jamais prêté attention quand, auparavant, il me parlait avec excitation, me frappa alors : c’était comme si un autre “Je” parlait à travers lui — un Autre, au contact duquel il était lui-même aussi bouleversé que moi. On ne pouvait en aucune façon croire qu’on avait alors affaire à un orateur, que ses propres paroles auraient grisé. Bien au contraire ! J’avais plutôt l’impression qu’il éprouvait lui-même avec étonnement, je dirais même avec ahurissement, ce qui jaillissait de lui avec la violence élémentaire d’une force de la Nature. Je n’ose porter aucun jugement sur cette observation. Mais c’était chez lui un état de ravissement, dans lequel il transposait en une vision grandiose, sur un autre plan, à lui propre, — sans faire directement allusion à cet exemple et modèle, et pas seulement comme une simple répétition de cette expérience, — ce qu’il venait de vivre à propos de “Rienzi”. L’impression que lui avait fait cet opéra n’avait, bien plutôt, été que l’impulsion extérieure qui l’avait contraint de parler. Telle la masse d’eau, jusqu’alors retenue par un barrage, se précipite, irrésistible, si celui-ci est brisé, ainsi se déversait de lui le torrent d’éloquence, en images sublimes, d’une invincible force de suggestion, il déroula devant moi son propre avenir et celui du peuple allemand… Puis, ce fut le silence. Nous redescendîmes vers la ville. Les horloges des clochers marquaient trois heures du matin. Nous nous séparâmes devant la maison de mes parents. Adolf me serra la main. Stupéfait, je vis qu’il ne rentrait pas chez lui, mais reprenait le chemin de la colline. “Où veux-tu encore aller ?”, lui demandai-je, intrigué. Il répondit laconiquement : “Je veux être seul”. Je le suivis longtemps des yeux, tandis qu’enveloppé de son manteau sombre, il remontait la rue vide, dans la nuit” [185].

“Et”, ajoute Kubizek, “bien des années devaient s’écouler avant que je ne comprisse ce que cette heure sous les étoiles, durant laquelle il avait été ravi au-dessus de toutes choses terrestres, avait signifié pour mon ami” [186]. Et

185. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, Edit. 1953, p. 139-40-41.186. Auguste Kubizck, Idib., p. 141.

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il rapporte un peu plus loin les paroles mêmes que prononça Adolf Hitler, bien plus tard, après avoir raconté à Frau Wagner [187] la scène que je viens de rappeler — paroles inoubliables : “C’est alors que tout a commencé”. Alors, c’est-à-dire quand le futur maître de l’Allemagne avait, je le répète, seize ans.

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Il est, pour le moins, curieux, que cet épisode extraordinaire — qui outre sa propre “résonance” de vérité, a pour garantie l’ignorance même que Kubizek semble avoir eue du domaine supra-humain, — n’ait été, à ma connaissance, commenté par aucun de ceux qui ont essayé de rattacher le National-socialisme à des sources “occultes”. Même les auteurs qui ont — bien à tort ! — voulu attribuer au Führer une nature de “médium”, n’ont pas, que je sache, tenté de s’en servir. Ils ont, au lieu de cela, insisté sur l’immense pouvoir de suggestion qu’il exerçait non seulement sur les foules (et les femmes), mais sur tous ceux qui entraient, ne fût-ce qu’occasionnellement, en contact avec lui, sur des hommes aussi froidement détachés qu’un Himmler ; sur des soldats aussi réalistes qu’un Otto Skorzeny, qu’un Hans-Ulrich Rudel ou qu’un Degrelle.

Or, c’est ignorer jusqu’aux premiers éléments de la science des phénomènes para-psychiques que de considérer comme “médium” celui qui jouit d’un tel pouvoir. Un médium, — ou “sujet” — est celui qui reçoit, qui subit la suggestion ; pas celui qui est capable de la faire subir à d’autres, et surtout à tant d’autres. Ce pouvoir-là est le privilège de l’hypnotiseur, ou magnétiseur et, en l’occurrence, d’un magnétiseur d’une envergure qui confine au surhumain ; d’un magnétiseur capable de faire, à son profit, — ou plutôt à celui de l’idée, dont il se veut le promoteur, — jouer le rôle de “médiums” aux plus forts, aux plus rassis, aux plus réfractaires à toute influence. On n’est pas à la fois magnétiseur et médium. On est l’un ou l’autre, sinon ni l’un ni l’autre. Et si on veut faire entrer une part de “para-psychique” dans l’histoire de la carrière politique d’Adolf Hitler, — comme je crois qu’on est en droit de le faire, le magnétiseur, c’est alors lui, dont la puissance d’exaltation et de transformation des humains, par la seule parole, est comparable à celle qu’exerçait dit-on, autrefois, Orphée, par l’enchantement de sa lyre, sur les gens et les fauves. Le “médium”, c’est le peuple allemand, tout entier ou presque, — et quelques non-Allemands à travers le monde, auxquels la radio transmettait la Voix envoûtante.

L’épisode cité plus haut, — dont j’ai traduit le récit qu’en a fait Auguste Kubizek [188], — pourrait fort bien, lui, servir d’argument en faveur de la présence de “dons médiumniques” chez le jeune Adolf Hitler si ces soi-disant dons

187. Auguste Kubizek, Idib., p. 141-142.188. Il existe une Edit. française du livre d’Auguste Kubizek “Adolf Hitler, mein Jugend-freund”, parue chez Gallimard. Mais le texte original y a été malheureusement écourté. Les passages les plus intéressants de ce récit n’apparaissent pas dans la traduction.

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n’étaient pas démentis d’une façon retentissante, précisément par l’ahurissante puissance de suggestion qu’il n’a cessé d’exercer, tout au long de sa carrière, sur les multitudes et sur pratiquement tous les individus. Kubizek nous dit, en effet, qu’il eut l’impression très nette qu’un “autre Je “avait alors parlé à travers son ami ; que le flot d’éloquent prophétique avait paru jaillir de lui comme d’une force étrangère à lui. Or, si l’orateur adolescent n’avait rien du “médium” ; s’il n’était en aucune façon possédé par “un Autre” — Dieu ou le Diable, qu’importe ; en tout cas Non-lui-même, — qu’était-ce alors que cet “autre ‘Je’”, qui semblait se substituer à lui, pendant cette heure inoubliable au sommet du Freienberg, sous les étoiles ? Et s’y substituer si totalement que l’ami aurait eu quelque peine à le reconnaître, s’il n’avait continué de le voir ?

On comprend qu’Auguste Kubizek n’ait “pas osé porter de jugement” là-dessus. Il parle toutefois d’ “état extatique”, de “complet ravissement” (völlige Entrückung) et de transposition .d’une expérience vécue par le visionnaire, sur “un autre plan, à sa mesure” (auf eine andere, ihm gemässe Ebene). Bien plus, cette expérience vivante et récente — l’impression produite sur lui par l’histoire du tribun romain du quatorzième siècle, traduite et interprétée par la musique de Wagner, — n’avait été, nous dit le témoin, que “l’impulsion extérieure” qui l’avait conduit à la vision de l’avenir personnel comme de l’avenir national ; en d’autres termes, qui avait servi d’occasion à l’accès de l’adolescent à une conscience nouvelle : une conscience dans laquelle l’espace et le temps, et l’état individuel qui est lié à ces limitations, sont transcendés. Ce qui voudrait dire que “l’autre plan à la mesure” du jeune Adolf Hitler, n’était rien moins que celui de l’ “éternel Présent” et que, loin d’avoir été “possédé” par quelqu’entité étrangère que ce fût, le futur maître des multitudes était devenu maître du Centre de son propre être ; qu’il avait, sous l’influence mystérieuse de son Initiateur, — Wagner — accompli le grand pas décisif sur le chemin de la connaissance ésotérique, subi la première mutation irréversible, — l’ouverture du “Troisième Œil” qui avait fait de lui un “homme édénique”. Il venait d’acquérir le degré d’être correspondant à ce qu’on appelle, en langage initiatique, les Petits Mystères. Et l’ “autre ‘Je’”, qui avait parlé par sa bouche de choses que son moi conscient quotidien ignorait encore, ou ne percevait peut-être qu’à demi, “comme à travers un voile”, quelques heures auparavant, était son vrai “Je”, et celui de tous les vivants : l’Être, avec lequel il venait de réaliser sa propre identification.

Il peut sembler étrange à l’immense majorité de mes lecteurs — y compris à ceux-là qui, aujourd’hui encore, vénèrent en lui “notre Führer pour toujours” — qu’il ait pu, étant si étonnemment jeune, faire preuve d’un tel éveil aux réalités supra-sensibles. Parmi les hommes qui aspirent de toute leur ardeur à la connaissance essentielle, combien y en a-t-il, en effet, qui vieillissent dans la méditation et les exercices pieux sans encore atteindre ce palier ? Mais s’il existe un domaine où règne l’inégalité la plus fondamentale et l’apparence la plus flagrante d’ “arbitraire”, c’est bien celui-là.

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“Dieu met son signe auguste au front de qui lui plaît ;Il a délaissé l’aigle, et choisi l’oiselet,

Dit le Moine. Pourquoi ? Qui le dira ? Personne !” [189]

Il n’y a aucune impossibilité à ce qu’un adolescent exceptionnel franchisse à seize ans la barrière qu’ouvre à l’esprit en quête de vérité principielle, l’initiation aux Petits Mystères. D’après ce que l’on raconte encore aux Indes de sa vie, le grand Sankaracharya aurait été de ceux-là. Et vingt-deux siècles plus tôt, Akhnaton, roi d’Egypte, avait lui aussi seize ans, lorsqu’il commença à prêcher le culte d’Aton, Essence du Soleil, dont le “Disque” n’est que le symbole visible. Et tout laisse penser qu’ils y en eut d’autres, de moins en moins rares à mesure qu’on remonte le cours du cycle dont nous vivons les derniers siècles.

Si, d’autre part, on voit en Adolf Hitler une des figures — et sans doute l’avant-dernière, — de Celui-qui-revient quand tout semble perdu ; le plus récent des nombreux Précurseurs de la suprême Incarnation divine ou du dernier messager de l’Eternel (du “Mahdi” des Mahommétans ; du Christ revenu en gloire des Chrétiens ; du Maitreya des Boudhistes ; du Saoshyant des Mazdéens ; du Kalki des Hindous, ou de quelque nom qu’on veuille — L’appeler, qui doit mettre fin à ce cycle et ouvrir l’Age d’Or du suivant), alors, tout s’éclaire. Car alors il est naturel qu’il ait été un adolescent, et avant cela, déjà un enfant exceptionnel ; un enfant dont un signe, un mot, un rien (ou ce qui pouvait paraître “un rien”, aux yeux de tout autre) suffisait à éveiller l’intuition intellectuelle. Alors, il n’est pas interdit de penser que, dès les années scolaires 1896–97, 1897–98 (et en partie 1898–99) qu’il passa comme élève au collège de l’abbaye bénédictine de Lambach-an-Traun, en Haute Autriche, la magie de la sainte Croix gammée — symbole cosmique puissant, évocateur immémorial de Vérité principielle, — ne l’ait saisi, pénétré, dominé ; qu’il se soit, au-delà de l’exaltante solennité du culte catholique, identifié à elle pour toujours. Car le révérend Père Théodorich Hagen, abbé de Lambach, avait, trente ans plus tôt, fait graver ce signe sacré sur les murs, sur les boiseries, dans tous les coins du monastère, si paradoxale qu’une telle action, “sans exemple” dans un couvent chrétien [190], puisse paraître. Et tandis qu’il chantait dans la chorale, le jeune Adolf Hitler, âgé de neuf ans en l’année 1898, de dix ans en 1899, avait “juste en face de lui”, sur “le haut dossier du fauteuil abbatial,” au centre même de l’écu héraldique du Père Hagen, l’antique Symbole désormais destiné à demeurer à jamais attaché à son propre nom.

Alors, il est naturel qu’il ait eu très tôt, parallèlement à son ouverture sur le monde des Essences, la conscience de ce qu’il fallait faire en ce monde visible et tangible pour y amener, à la onzième heure, un “redressement” ; ou même seulement pour y en suggérer un — pour y faire retentir le dernier, le suprême avertissement des Dieux, au cas où la décadence universelle y serait

189. Leconte de Lisle, (dans le poème intitulé “Hiéronymus” ; Poèmes tragiques).190. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, p. 23.

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(comme il semble bien, en effet, qu’elle soit), irrémédiable. Et, d’après ce que rapporte Kubizek, tout porte à penser qu’il en a été ainsi, puisque, lors même de son extraordinaire éveil, le futur Führer parla de la “mission” (Auftrag) qu’il devait un jour recevoir, de guider le peuple “de la servitude aux sommets de la liberté.” [191]

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Si, maintenant, on se demande quelle influence, à part celle de la musique de Wagner et celle, moins immédiate, peut-être, mais toujours vivante, de la Croix gammée, a bien pu aider le jeune Adolf Hitler à acquérir si tôt le pouvoir de transcender ainsi l’espace et le temps, on est tout de suite amené à penser à son seul amour de jeunesse : à la belle Stéphanie aux lourdes tresses blondes enroulées autour de sa tête comme une couronne [192] souple et brillante ; Stéphanie à qui il n’osa jamais adresser la parole, parce qu’il ne lui avait “pas été présenté” [193] mais qui était devenue à ses yeux “la contre-partie féminine de sa propre personne” [194]. Auguste Kubizek insiste sur l’exclusivité de cet amour très particulier ; aussi sur le plan “idéal” sur lequel il demeura toujours. Il nous dit que le jeune Adolf Hitler, qui identifiait Stéphanie à l’Elsa de “Lohengrin” et à “d’autres figures d’héroïnes du répertoire wagnérien” [195], ne ressentait pas le moindre besoin de lui parler ou de l’entendre, sûr qu’il était que “l’intuition suffisait à la compréhension mutuelle de gens hors de l’ordinaire”. Il était satisfait de la voir passer de loin ; de l’aimer de loin comme une vision d’un autre monde.

Une fois cependant, par un beau dimanche de juin, il arriva quelque chose d’inoubliable. Il “la” vit ; — comme toujours, au côté de sa mère, — dans un défilé de chars de fleurs. Elle tenait un bouquet de coquelicots, de bleuets et de marguerites : les mêmes fleurs que celles sous lesquelles disparaissait son char.

Elle approchait. Jamais il ne l’avait regardée de si près, — et jamais elle ne lui avait paru plus belle. Il en fut, dit Kubizek,… “ravi de terre” [196]. Puis, les yeux lumineux de la jeune fille se posèrent un instant sur lui. Elle lui sourit avec insouciance, dans l’atmosphère de fête de ce dimanche ensoleillé, prit une fleur de son bouquet et la lui lança [197]. Et le témoin de cette scène ajoute que “jamais plus” — apparemment, pas même alors qu’il le revit en 1940, au lendemain

191. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, p. 140.192. Le nom de Stéphanie évoque l’idée de couronne (“Stéphanos”, en grec).193. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, p. 88.194. Auguste Kubizek, Idib. p. 88, “die weibliche Entsprechung der eigenen Person”.195. Auguste Kubizek, Idib. p. 78.196. Auguste Kubizek, Idib. p. 78.197. Auguste Kubizek, Idib. p. 84.

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de la campagne de France, au faîte de la gloire, — il n’a vu Adolf Hitler “plus heureux.”

Mais même alors, le futur Führer ne fit rien pour se rapprocher de Stéphanie. Son idylle en resta là ; “des semaines, des mois, des années”. Non seulement il n’attendait plus rien de la jeune fille après le geste que je viens de rappeler, mais “toute initiative qu’elle aurait pu prendre au-delà du cadre rigide des conventions, aurait détruit l’image qu’il se faisait d’elle, en son coeur.” [198]

Quand on se souvient quel rôle jouait, dans la vie et l’évolution spirituelle du chevalier du Moyen-Age, la “Dame de ses pensées”, — qui, elle aussi, pouvait être, (bien qu’elle ne l’était pas nécessairement) une figure tout juste entrevue, voire même quelque princesse lointaine, dont le dévoué chevalier ne connaissait que par ouï-dire la beauté et les vertus, — et quand on sait, de plus, quels liens profonds existaient entre les Ordres de Chevalerie et l’enseignement hermétique, c’est-à-dire initiatique, on ne peut se défendre de faire des rapprochements.

Auguste Kubizek nous assure que, du moins durant les années qu’il vécut à Vienne en sa compagnie, le futur Führer ne répondit pas une seule fois aux sollicitations des femmes, ne fréquenta aucune d’elles, ne s’approcha d’aucune d’elles, bien qu’il fût “corporellement et sexuellement tout à fait normal” [199]. Et il nous dit que l’image adorée de celle qui, à ses yeux, “incarnait la femme allemande idéale” l’aurait soutenu, dans ce refus délibéré de toute aventure charnelle.

Il est instructif de noter la raison de ce refus, que Kubizek rapporte en toute simplicité, se rendant mal compte des implications des paroles de son ami de jeunesse. Adolf Hitler voulait, nous dit-il, garder en lui, “pure et non amoindrie” [200], ce qu’il nommait “la flamme de la Vie”, en d’autres termes, la force vitale. “Un seul moment d’inattention, et cette flamme sacrée est éteinte pour toujours” — du moins pour longtemps, — écrit-il, nous montrant par là le prix que le futur Führer y attachait. Il essaye, sans y parvenir, d’élucider ce de quoi il s’agit. Il n’y voit que le symbole du “saint amour” qui s’éveille entre gens qui se sont gardés purs de corps et d’esprit, et qui “sont dignes d’une union destinée à donner au peuple une descendance saine” [201]. La préservation de cette “flamme” devait être, écrit-il encore, “la tâche la plus importante” [202] de cet “État idéal” auquel pensait, durant ses heures solitaires, le futur fondateur du Troisième Reich allemand. Cela est vrai, sans doute. Mais il n’y a pas que cela.

Il y a là, semble-t-il, de la part du jeune Adolf Hitler, un refus voulu de vie sexuelle, non pas, certes, dans un but de vaine “mortification de la chair,”

198. Auguste Kubizek, Idib. p. 87.199. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, p. 276.200. Ibid. p. 280.201. Ibid. p. 280.202. Ibid. p. 280.

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mais en vue de l’utilisation de la “flamme sacrée de la vie” à la conquête des états supérieurs de son être et, finalement, à la conquête de la réalisation, de l’expérience de l’Impensable au-delà de l’Être et du Non-Être du “Ciel suprême” de Dante ; de l’Un de Plotin ; du Brahman des Écritures sanscrites. La révolution qu’il méditait déjà ne pouvait venir que “d’En-haut”, car c’était une vraie, la seule vraie révolution : le renversement des valeurs anthropocentriques qui ne sont autres que le produit de la risible vanité de l’homme déchu. Il le savait. Et tel, sans doute, plus d’un chevalier aspirant à “Dieu”, c’est-à-dire à la connaissance du Principe suprême, résista plus aisément aux tentations des sens en évoquant l’image idéalisée de sa “Dame” ; tel Dante se vit accompagner durant les deux tiers de son ascension aux paradis successifs par la radieuse Béatrice qu’il n’avait, sur le plan matériel, fait qu’entrevoir deux fois, sans jamais lui avoir parlé, — tel aussi Adolf Hitler gravit-il, pensons-nous, intérieurement accompagné de la blonde Stéphanie, les premiers échelons du développement spirituel au-delà du stade où il avait pu arriver sans elle. Il voyait en elle quelques unes des grandes figures féminines du drame wagnérien. Il voyait en Elle “la femme allemande par excellence” ; l’Allemagne vivante. Il était naturel qu’elle concrétisât pour lui sous forme humaine la puissance de suggestion, — l’éloquence symbolique — et de la musique du Maître de Bayreuth et de l’immémoriale Croix gammée.

Car l’initiation du futur Führer aux vérités les plus universelles devait se faire sous le signe de la Germanie, à la tradition particulière de laquelle il allait se rattacher, s’identifier, de plus en plus. Car il était à la fois l’Empereur endormi, surgi soudain de sa caverne à l’appel du désespoir de son peuple, et Siegfried, le Guerrier “plus libre que les Dieux”, créateur d’un monde de surhommes : — la forme germanique de Celui-qui-revient d’âge en âge.

Il est remarquable que, “en pleine possession de lui-même” [203], il ait eu, déjà à l’époque dont il s’agit ici, la position qu’il devait prendre plus tard dans “Mein Kampf” en face de tous le problèmes sociaux soulevés par le sexe : qu’il ait ressenti la même répulsion pour l’amour vénal (même légalisé), ainsi que pour toute manière d’érotisme malsain ; le même respect pour la “Flamme sacrée de la vie” — force divine, source de l’immortalité raciale, qu’il convient non de détourner de son but pour le seul plaisir de l’individu, mais de mettre au service de la race. Il est remarquable que pour tout ce qui concernait le domaine sexuel en général (comme d’ailleurs les autres domaines), il se plaçait déjà, pour les autres, du point de vue du législateur, tandis que pour lui-même ne comptaient que la connaissance et le pouvoir qui y est lié, et la voie qui y mène : — la préparation au rôle extraordinaire qu’il devait jouer dans l’histoire. Au milieu de la grande ville corrompue, il s’entoura, nous dit Kubizek, “d’un écran de principes inébranlables, qui lui permettait de construire sa vie” — je dirais, moi, son “être” — “en complète liberté intérieure, indépendant de l’ambiance

203. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, p. 276.

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menaçante” [204]. On pense, en lisant ces mots, au “cercle magique” qui entoure et protège l’homme qui a atteint un certain palier de réalisation initiatique, et l’aide à poursuivre son développement dans un isolement véritable, quoique non-apparent.

Combien de temps durèrent pour Adolf Hitler cet isolement et cette “sévère ascèse monacale” [205], dont parle Kubizek ? Vraisemblablement, jusqu’à ce qu’il ait atteint le degré suprême de la connaissance, en d’autres termes l’état où il eut enfin pleine conscience non seulement d’être (comme le tribun Rienzi) “chargé d’une mission” auprès du peuple, mais d’avoir lui-même choisi cette tâche et décidé de “prendre forme humaine” dans le monde visible afin de l’accomplir, et cela, même si elle devait se solder par un échec total, car elle était malgré tout inscrite dans l’ordre éternel des choses. A ce stade là, la mutation finale — irréversible ; celle qui correspond à l’initiation aux “Grands Mystères” — étant effectuée, toute ascèse devenait superflue — comme le vaisseau dont l’exilé, ramené enfin au port, n’a désormais que faire.

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On sait qu’à un moment donné “Béatrice s’efface devant saint Bernard pour guider Dante dans les ultimes étapes [206] de son ascension jusqu’au sommet des paradis successifs”. On peut se demander qui a, après Stéphanie, aidé Adolf Hitler à gravir les échelons les plus élevés de la connaissance secrète, et à quelle époque il les a gravis : alors qu’il vivait encore à Vienne ? Ou à Munich ? Ou peu après sa décision, à l’annonce de la capitulation de l’Allemagne en 1918, de “devenir un homme politique” ? — c’est-à-dire, comme cela avait été le cas d’au moins un autre initié qui a changé la face du monde, à savoir du Christ lui-même, autour de l’âge de trente ans ? Ou plus tôt ? Ou plus tard ? Il est à peu près impossible de répondre à cette question avec certitude.

Deux choses sont cependant hors de doute. La première est que, toute sa vie, le Führer a continué à baigner dans l’atmosphère spirituelle de Wagner — plus encore que dans celle de Nietzsche — et à en tirer son inspiration. “Je connais à fond toutes les pensées de Wagner. Aux diverses étapes de ma vie, je reviens toujours à lui” [207], devait-il un jour dire à Hermann Rauschning, tandis qu’il trouvait que, chez Nietzsche, — et bien que ce penseur ait “déjà entrevu le surhomme comme une nouvelle variété biologique,”… “tout est encore flottant” [208]. Je le répète : Wagner, lui-même initié au plus haut degré — son œuvre en fait foi — fut, à travers cette œuvre, le vrai maître spirituel d’Adolf Hitler.

204. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, p. 286.205. Auguste Kubizek, Idib. p. 286.206. René Guénon, “L’ésotérisme de Dante”.207. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, p. 257.208. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, p. 273.

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La seconde chose certaine est que, soit directement par la Thulegesellschaft, soit, antérieurement à ses premiers contacts avec elle, par d’autres contacts, — à Vienne peut-être, déjà, — avec ces gens ayant les mêmes préoccupations, les mêmes rêves, et surtout des connaissances du même ordre, que ses membres, Adolf Hitler a connu la vieille Tradition hyperboréenne, selon Guénon la Source de toutes les autres, au sein de laquelle il a reçu son initiation suprême. Car le fait, pour lui, d’être une des “descentes” sur terre (en sanscrit : avatara) de Celui qui revient, à chaque époque de tragique décadence, combattre à contre-courant du Temps et tenter “un redressement”, ne le dispensait pas de l’enseignement secret des Maîtres d’une forme particulière de la Tradition éternelle. Ces Maîtres, de la tutelle desquels il pouvait fort bien s’échapper ; bien plus ; avec qui, — comme le suggère André Brissaud [209] — il n’était pas dit qu’il n’entrât jamais en conflit, ont eu malgré tout leur rôle à jouer dans soi éveil à Lui-même. D’autres très grandes figures du passé, qui ont laissé leur empreinte dans l’histoire, — entre autres, le Bouddha lui-même, considéré dans l’Hindouisme comme une “Incarnation de Viçnou”, — ont eu des maîtres, même si elles devaient rapidement les dépasser.

Il faudrait avoir été soi-même membre de la Thülegesellschaft (la Société de Thulé), pour pouvoir dire avec exactitude ce qui distinguait son enseignement de celui d’autres organisations initiatiques ou se prétendant telles. Cela n’a d’ailleurs pas tellement d’importance si, comme semble le penser A. Brissaud, Adolf Hitler s’est très vite libéré de l’influence du ou des maîtres qu’il a pu avoir (à part, bien entendu, de celle de Wagner, dont la musique, à la fois épique et initiatique, a sous-tendu sa vie entière et l’a même accompagné au-delà de la mort) [210]. Ce qui est important, c’est de se rendre compte qu’il a — on ne saurait certes dire précisément quand, mais sûrement avant la prise de pouvoir — effectivement reçu l’initiation suprême qui le mettait au-dessus des contingences de ce monde et au-dessus du bien et du mal ; en d’autres termes, qu’il s’est “éveillé” complètement et définitivement à ce qu’il était de toute éternité et demeure absolument.

Comme je le faisais remarquer plus haut, les restrictions particulières qu’il avait pu s’imposer jusqu’alors, dans un esprit d’ascèse, devenaient inutiles. Et s’il a continué d’en observer quelques unes, s’il s’est, entre autres, obstinément abstenu de boissons alcooliques et de tabac, c’était par disposition naturelle plutôt que par souci de discipline. Et s’il a aussi refusé toute nourriture carnée, c’est qu’il y avait, au fond de lui — l’artiste et l’ami des bêtes — un dégoût de plus en plus profond de cette laideur et horreur que représentent l’abattoir et la boucherie. Cela dit, il vécut dès lors comme un homme harmonieusement équilibré, se mêlant, sans gêne et sans étonnement, à la société la plus raffinée s’il le jugeait

209. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 109.210. Après l’annonce de la mort tragique du Führer en 1945, la radio allemande a joué la dernière partie de l’opéra de Richard Wagner : “Götter Dämmerung”, le célèbre “Crépus-cule des Dieux”.

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nécessaire à son œuvre ou si, après des heures de contact avec ses rudes S.A. et avec le peuple, il y trouvait un délassement. Il appréciait la compagnie des femmes et, — comme Siegfried, comme le Prophète Mahomet, comme Krishna, le Dieu incarné, et d’autres illustres Combattants “contre le Temps” — il connut l’amour, sporadiquement au moins, à ce qu’il semble ; quand il en avait le loisir ! Il vécut, surtout, allant au devant de toutes les satisfactions que pouvait. lui procurer l’art sous toutes ses formes ; l’art qu’il plaçait si haut qu’il n’admettait pas qu’un homme qui y était insensible dût jamais prendre la tête d’un État national-socialiste. Des gens qui, comme l’écrivain français Malraux, — qu’on ne peut certes pas soupçonner de partialité à son égard ! — l’ont rencontré dans des réunions mondaines, à des dîners d’ambassades, admettent qu’il avait “de l’esprit”, voire même “de l’humour” ; qu’il “savait danser”, au sens où Nietzsche entendait cette expression.

Mais, parallèlement à cela, il demeura toujours et avant tout l’homme de son combat. Et il semble avoir été de plus en plus conscient de la nécessité, pour ceux qui dirigeaient ce combat sous lui et en collaboration avec lui, d’avoir, eux aussi, part à la connaissance secrète, d’origine plus qu’humaine. D’où son rêve d’un Empire allemand hiérarchisé — et, au-delà de lui, d’un monde hiérarchisé — selon l’esprit de la Tradition ; d’un “système de castes à l’échelle planétaire”, pour reprendre l’expression d’un Hindou, admirateur intelligent du Troisième Reich germanique. D’où, aussi, ses efforts en vue de la création de l’Ordre — “véritable sacerdoce laïque”, comme écrit Rauschning, — qui devait être le gardien de la Tradition au sommet de la pyramide sociale du grand Reich et, après l’inévitable effondrement, au sommet de celle des fidèles survivants. Cet Ordre, je l’ai dit, c’était celui des Schuzstaffel ou “Échelons de protection”, communément désigné par ses initiales : — S.S. — Ordre que le Führer voulait à la fois “militant” et “triomphant”, au sens où ces qualificatifs s’appliquent à l’Église, dans la théologie catholique ; c’est-à-dire guerrier, préoccupé avant tout de la défense et de l’expansion des Forts de l’élite aryenne en ce monde, et ayant atteint au moins un certain degré d’être, le séparant du reste des hommes, comme les “élus” sont séparés du “monde” — les initiés des non-initiés — dans toutes les sociétés traditionnelles.

Sans l’existence d’un tel Ordre, le renversement des fausses valeurs sur tous les plans (y compris le plan matériel) était inconcevable.

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L’ESOTERISmE HITLERIEN ET LA TRADITION

« Les fous Me méprisent quand revêtu de l’apparence humaine ;Mon Essence, source suprême des êtres, leur échappe. »

La Bhagawad-Gîta, IX, verset 11

Il y avait, naturellement, des échelons parmi les élus. (Curieusement, le nom de cette élite de santé physique et de beauté, de courage guerrier et, plus ou moins, de connaissance secrète, dont le vaste public ne sait que les initiales, signifie, comme je l’ai dit plus haut, “échelons de protection”). J’ai, je crois, aussi mentionné cela en faisant allusion aux Ordensburgen, dans lesquelles avaient lieu l’entraînement militaire, l’éducation politique et, dans une certaine mesure, métaphysique, des S.S, et spécialement de leurs cadres, — car la Weltanschauung hitlérienne est inséparable de la métaphysique qui la sous-tend. Cela est si vrai qu’un critique du National-Socialisme et de l’œuvre de René Guénon a pu dire que cette dernière était “de l’Hitlérisme moins les divisions blindées” [211], — et cela, sans que l’initié du Caire eût jamais écrit un seul mot de “politique”.

Tous les candidats — je devrais dire “les novices” — S.S, n’étaient pas entraînés et éduqués dans la même Ordensburg. Et tous ceux de la même Ordensburg ne recevaient pas, — surtout aux échelons supérieurs, — le même enseignement. Cela dépendait des tâches auxquelles on les jugeait aptes, au sein de l’élite même. Car celle-ci comportait plusieurs organisations, depuis la Waffen S.S. la plus visible, — la plus célèbre aussi, à cause de l’héroïsme surhumain dont elle a tant de fois fait preuve durant la Seconde Guerre mondiale, — jusqu’à la plus secrète, l’Ahnenerbe, (“Héritage des ancêtres”), fondée en 1935, et d’autant plus difficile à connaître que beaucoup de documents (eux aussi, secrets, cela va sans dire), qui s’y rapportaient, furent détruits “avant l’arrivée des Alliés en Allemagne”, et que “les membres de cette organisation qui ont survécu à l’effondrement du Troisième Reich”… “se taisent avec une fermeté étrange” [212].

211. Louis Pauwels et Jacques Bergier : “Le Matin des Magiciens”, édit. Gallimard, 1960, p. 326.212. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 283.

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Il est au moins logique de penser que c’était vraisemblablement l’Ahnenerbe qui, dans l’ “Ordre Noir” d’Adolf Hitler, était le dépositaire de la Tradition, — et plus particulièrement, certaines sections de l’Ahnenerbe, car il en comportait de nombreuses, dont “cinquante-deux scientifiques” [213], — c’est-à-dire s’occupant de recherches objectives, quoique pas forcément dans l’esprit et à l’aide des méthodes en usage dans les sciences expérimentales. D’après les déclarations de Wolfram Sievers devant le tribunal des vainqueurs, à Nuremberg, auxquelles on doit cette précision, le même Institut “exécutait ou faisait exécuter plus de cent missions de recherches de grande étendue” [214]. La nature de certaines de ces recherches révèle un intérêt très net aux questions ésotériques. C’est ainsi que l’on étudia “le symbolisme de la harpe en Irlande ; aussi, la question de la survivance de vrais Rose-Croix — en d’autres termes, de groupes initiatiques possédant encore la tradition intégrale des Templiers (dont les premiers Rose-Croix auraient recueilli l’héritage). C’est ainsi que l’on reconsidéra la Bible et la la Kabbale, en essayant d’en tirer le sens caché — se demandant, en particulier le rôle que le symbolisme des nombres peut jouer dans l’une et l’autre. C’est ainsi, encore, que l’on étudia la structure physique et mentale de spécimens humains de différentes races — celle des Nordiques, avec le soin tout spécial que l’on devine, — afin d’assurer au concept d’hérédité et de race, si fondamental dans l’Hitlérisme, toute sa valeur. C’est ainsi que l’on consacra des efforts systématiques et soutenus à toutes recherches ayant pour but de révéler aux Allemands la gloire de leur propre Antiquité, historique ou pré-historique — et de leur Moyen-Age — et de mettre en relief l’importance des sites correspondants.

Sans nier qu’il y ait, dans le Christianisme comme dans le Judaïsme lui-même, et dans toutes les religions ou philosophies se rattachant, de près, ou même de loin, à la Tradition, une part de vérité ésotérique, on mettait l’emphase sur la forme traditionnelle propre aux peuples germaniques. Les traces de celle-ci se retrouvent dans les symboles, gravés sur roc, de la plus lointaine préhistoire, et, après l’éradication sanglante du culte de Wotan par Charlemagne et ses successeurs immédiats, jusque dans certains rites, pratiqués au Moyen-Age, dans les Ordres de Chevalerie ou dans la Sainte Vehme. Il serait intéressant de savoir si cette dernière, qui, elle, n’a pas cessé d’exister comme organisation secrète, a, ou a eu, à un moment donné, quelque rapport avec la Société de Thulé.

Heinrich Himmler — le Chef de la S.S., et l’homme dont la carrière, tant décriée hors des cercles hitlériens, est (à part celle du Führer lui-même) empreinte plus que toute autre, de ce détachement dans la violence, signe d’une qualité supérieure d’être, — insiste là-dessus, serait-ce “d’une façon voilée”, “volontairement vague” [215], dans son discours de Janvier 1937, qui contient sa seule référence publique ou semi-publique à l’Ahnenerbe. Il y exalte

213. Ibid. p. 285.214. Ibid. p. 285.215. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 283.

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l’importance idéologique de découvertes archéologiques faites par l’Institut de ce nom à Altchristenburg, en Prusse orientale : mise à jour de plusieurs couches de fortifications germaniques, de plus en plus anciennes, réfutant l’opinion selon laquelle la Prusse orientale serait une terre slave. Mais il y a plus : il y préconise la “remise en ordre” et “l’entretien”, de centres culturels consacrés “à la grandeur allemande et au passé allemand”,… “dans chaque région où se trouve une compagnie S.S.” [216]. Et il donne des exemples de tels centres. L’un est le Sachsenhain près de Verden, — où 4500 blocs erratiques, transportées chacun d’un village saxon, avaient été dressés les uns à la suite des autres, de chaque côté des chemins en pleine forêt, à la mémoire des quatre mille cinq cents Saxons, décapités là, sur les bords de l’Aller, en 782, par ordre de Charlemagne, parce qu’ils persistaient à refuser le Dieu étranger qu’il voulait leur imposer. L’autre est le site des Externsteine, impressionnants rochers verticaux marquant, près de Horn, l’un des grands centres spirituels du monde, depuis toujours, et le lieu sacro-saint du culte chez les anciens Germains. Au sommet du plus haut des rochers, à la place de l’antique Irminsul d’or arraché en 772 par les soldats du même conquérant chrétien, flottait, désormais, victorieux, libérateur, symbole de la réconciliation de tous les aspects opposés de l’histoire allemande dans la conscience de son unité profonde, le drapeau rouge, blanc et noir à Croix gammée, du Troisième Reich,

Et. les exemples montrent assez qu’il s’agissait non seulement de “culture”, mais de connaissance secrète, ou, de culture nationale pour l’Allemand en, général, et, pour les initiés de l’Ordre S.S. et en particulier de l’Ahnenerbe, de connaissance secrète des grandes vérités cosmiques, appréhendées à travers le symbolisme traditionnel tel que les peuples germaniques l’ont connu, et tel qu’une minorité silencieuse l’a conservé.

Car, — et c’est là un point à noter, — malgré le très-fort courant “païen” qui sous-tend l’Hitlérisme, et qui se manifeste surtout par le refus sans réserves de tout anthropocentrisme comme de tout Dieu personnel, il n’a jamais été question de repousser, même de sous-estimer quoi que ce soit qui, dans le patrimoine ancestral allemand — et européen — fasse honneur au génie aryen.

Le Führer avait, dit André Erissaud, “le sentiment” — je dirais, moi, la certitude, — que “tout ce qui, dans l’Occident le plus récent, avait pris la forme d’une religion, et de la religion chrétienne particulièrement,”… “appartenait au “trop humain”, donc n’avait pas grand chose à voir avec les valeurs vraiment transcendantes, et, de plus, “offrait un climat général ou une ligne intérieure peu compatible avec ses dispositions et sa vocation propres, situées par delà les vérités et les dogmes de la foi proposée a l’homme ordinaire” [217]. Or, c’est tout l’ensemble de la civilisation occidentale qui est à la fois “récent” et “chrétien”. Il ne faut jamais l’oublier.

216. Ibid. p. 284.217. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 111.

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Cela n’empêchait cependant pas Adolf Hitler, qui était impartial comme l’est nécessairement tout sage (à plus forte raison toute expression humaine du Divin), d’admirer Charlemagne : — le Sachsenschlüchter ou “exterminateur des Saxons”, comme l’appelaient Alfred Rosenberg, Johann von Leers, Heinrich Himmler, et bon nombre d’autres grands dignitaires, penseurs et hommes d’action du Troisième Reich. Il voyait en lui le conquérant à l’immense volonté de puissance, et surtout le premier unificateur des Germains ; celui qui, seul à soit époque, avait eu l’idée du Reich, même s’il s’était servi, pour l’imposer, de l’unité artificielle de “foi”, et si cette “foi” était la foi chrétienne, c’est-à-dire une foi étrangère. On se souvient qu’Adolf Hitler insistait sur l’action dissolvante du Christianisme sur le monde gréco-romain, et qu’il le qualifiait de “pré-bolchevisme”. Mais peu importe ce qu’était (et ce qu’est encore) cette foi, si elle fut le ciment d’un Empire germanique conquérant et, plus tard, l’occasion de toute la floraison d’art que l’on connaît. Dans la mesure où cet art est beau, il présuppose, de toute façon, une certaine connaissance de ce qui est éternel. Le Führer reçut donc avec respect, comme un héritage allemand, une réplique de l’épée de l’Empereur d’Occident.

Il admirait aussi les grands empereurs Hohenstaufen, surtout Frédéric Barberousse, Celui-qui-doit-revenir, — et qui était revenu, en lui (pour bien peu de temps, hélas !) ; et Frédéric II, Stupor Mundi, en qui tant de ses contemporains avaient cru voir l’Antéchrist, — comme les hommes de nos jours, aveuglés par la propagande, devaient voir en lui, le Fondateur du Troisième Reich, l’incarnation même du Mal. Il admirait Frédéric Il de Prusse ; Bismark, tous ceux en qui s’était exprimé l’élan conquérant du peuple allemand, dont la mission culturelle — et bien plus que culturelle, — ne faisait pas, pour lui, le moindre doute.

Et Heinrich Himmler lui-même, tout en rendant un hommage éclatant aux guerriers saxons, martyrs de l’antique foi nationale, à Verden, en l’an 782 du Dieu étranger, professait un véritable culte à l’égard de l’Empereur Henri Ier, et exaltait les Chevaliers de l’Ordre Teutonique, — non certes pour ce que ces derniers ont, à grand renfort de brutalité, forcé les Slaves (et finalement les Prussiens [218]) à accepter le Christianisme, mais pour ce qu’ils ont, par l’épée, “préparé la voie à la charrue allemande” : rendu possible la colonisation allemande de vastes territoires à l’est.

Ce qu’il y avait, d’ailleurs, d’éternel, dans la religion guerrière de Wotan et de Thor, — et, avant celle-ci dans l’immémoriale religion nordique du Ciel, de la Terre, et du “Fils” de l’une et de l’autre, qu’a étudiée le Dr. Hermann Wirth, — devait survivre dans l’ésotérisme chrétien, et dans l’ésotérisme tout court. Celui-ci a, parallèlement à l’enseignement des Églises, continué tout au long de l’histoire à avoir ces initiés, de moins en moins nombreux, sans doute, mais toujours présents, et parfois très actifs. (On compte, en effet, parmi eux,

218. Les Prussiens étaient encore “païens”, c’est-à-dire fidèles à leurs Dieux germaniques, au quatorzième siècle.

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d’immortels créateurs, tels que le Grand Dürer et, plus tard, Goethe, Wagner, et jusqu’à un dertain degré, Nietzsche. Et on sait que Frédéric II le Grand, roi de Prusse, — le héros par excellence du Führer — fut Grand Maître des Loges Vieilles-Prussiennes). La signification profonde de l’antique Irminsul, Axe du monde, n’est pas, au fond, différente de celle de la Croix détachée de toute la mythologie chrétienne, c’est-à-dire de l’histoire du supplice de Jésus considéré comme un fait dans le temps. La pointe du vénérable symbole germanique vise en effet l’Etoile Polaire, qui figure “l’Un” ou Principe suprême ; et ses branches incurvées sont censées soutenir le cercle du Zodiaque, symbole du Cycle de la manifestation, se mouvant autour de son centre immobile. Il existe dans certaines très vieilles églises d’Allemagne, jusqu’à des “crucifixions” dans lesquelles la croix elle-même a les branches incurvées de l’Irminsul “païenne”, l’ensemble suggérant comme la fusion des deux religions dans leur symbolisme le plus élevé et le plus universel. D’autre part, — d’après le Professeur von Moth, de Detmold, — la Fleur de Lys, liée, comme chacun le sait, à l’idée de pouvoir royal ou impérial, serait, quant à sa forme, un répliquât quelque peu stylisé de l’Irminsul, ou “Pilier-du-Tout”, ayant comme elle une signification polaire et axiale. Tout pouvoir légitime vient en effet d’En-haut. Et la Croix gammée, elle aussi “essentiellement le signe du Pôle” [219] ainsi que celui du “mouvement de rotation qui s’accomplit autour d’un centre ou d’un axe immuable” et, — le mouvement représentant la vie, — celui “du rôle vivifiant du Principe par rapport à l’ordre cosmique” [220], s’apparente par là et à l’Irminsul et à la croix.

Ce qui, donc, était important, c’était d’exalter tout ce qui avait contribué, ou pouvait contribuer, à renforcer la volonté de puissance germanique, — condition du “redressement” universel, que seule une Allemagne régénérée pouvait amorcer. C’était d’autre part, de garder vivant le dépôt de vérité traditionnelle, c’est-à-dire de vérité plus qu’humaine — cosmique — transmis du fond des âges. L’expression de cet héritage, la forme sous laquelle il était présenté, pouvait, certes, varier d’une époque à l’autre au gré des fluctuations politiques du monde visible, mais le fond en demeurait un, et expliquait aussi bien la suprême beauté des vieilles sagas nordiques, que celle de la musique, d’inspiration éminemment chrétienne, de Jean-Sébastien Bach, et, cela va sans dire, celle de l’œuvre tout entière (musicale et littéraire), également initiatique, de Richard Wagner.

Ce dépôt, plus précieux que tout, provenait de la mystérieuse Hyperborée, patrie originelle des “hommes transparents”, fils des “Intelligences du Dehors” ; de l’Hyperborée dont le centre, — la “capitale” — était Thulé.

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219. René Guénon, “Symboles fondamentaux de la Science sacrée”, p. 89.220. Ibid. p. 90.

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Il est sans doute inutile de faire remarquer que la “transparence” dont il est question ici n’a rien de matériel, et par conséquent, de visible. Elle figure un état d’être plus subtil que celui que nous connaissons ; plus ouvert au contact direct avec l’intangible et même l’informel. En d’autres termes, les Hyperboréens, détenteurs de la Tradition primordiale, auraient été capables d’intuition intellectuelle à un degré que nous ne concevons pas.

Qui étaient-ils ? Et, — s’il a vraiment existé — où s’étendait leur territoire ? Les allusions plus ou moins évocatrices qui y sont faites par les Anciens, — par Sénèque, dans sa “Médée” ; par Pline l’Ancien, Virgile, Diodore de Sicile, Hérodote, Homère (dans l’Odyssée) et l’auteur ou les auteurs de la Genèse, et surtout de l’énigmatique Livre d’Enoch — sont assez vagues, quoique se rapportant toutes au “grand Nord”. Et l’évocation de la “blancheur” extrême des Hyperboréens, de l’indicible beauté de leurs femmes et des “extraordinaires dons de clairvoyance” [221], de certaines d’entre elles, ferait penser à une race aryenne immensément supérieure à la moyenne des Nordiques actuels, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il s’agit d’un passé qui se perd dans la nuit des temps. Mais il y a plus : le savant Bal Gangadhar Tilak, plus connu sous le nom de Lokomanya Tilak, érudit et sage Hindou [222], a, dans son ouvrage The Arctic Home in the Vedas (“La patrie arctique dans les Védas”), très clairement rattaché la plus ancienne tradition des Indes à une région située sous les hautes latitudes ; une région connaissant et la longue nuit polaire et le soleil de minuit, et… les aurores boréales ; une région où les astres ne se lèvent ni ne se couchent, mais se déplacent, ou semblent se déplacer, circulairement le long de l’horizon.

Le Rig-Véda, qu’il a étudié tout spécialement, et dont il tire la plupart des citations à l’appui de sa thèse, aurait été, ainsi que l’ensemble du “Véda” — ou connaissance “vue”, c’est-à-dire directe, — révélé à ces “Aryas”, c’est-à-dire “Seigneurs” de l’extrême Septentrion, et conservé précieusement par eux lors des migrations qui les ont, au cours des siècles, peu à peu amenés jusque dans l’Inde.

Tilak place l’abandon de la patrie arctique au moment où celle-ci perdit son climat tempéré et sa verdoyante végétation, pour devenir “glaciale”, c’est-à-dire au moment où l’axe de la Terre bascula de plus de vingt-trois degrés, il y a quelque huit mille ans. Il ne précise pas si l’ile ou la portion de continent ainsi frappée de soudaine stérilité a été engloutie, comme le veut la Légende de Thulé, ou continue d’exister quelque part dans le voisinage ou à l’intérieur du Cercle polaire. Il ne mentionne, pas, non plus, les étapes que les dépositaires du Véda éternel — Sagesse cachée sous les textes sacrés de ce nom, — durent parcourir entre leur patrie arctique et les premières colonies qu’ils fondèrent dans le nord-ouest de l’Inde. Et, son ouvrage ne s’adressant pas à des initiés — qui n’en

221. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. citée (1969), p. 58.222. Né le 3 juillet 1856 ; mort le ler août 1920. C’était un Brahmane du Maharashtra, de la sous-caste des Chitpavan.

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auraient d’ailleurs nul besoin — mais seulement à des savants orientalistes de bonne foi, qu’il sait insensibles à tout argument non étayé de preuves, il ne dit évidemment rien des centres initiatiques “souterrains”, Agartha et Shamballa, dont il est si souvent question, dans l’enseignement secret que la “Société de Thulé” donnait à ses membres — enseignement qu’ont donc reçu, entre autres, Alfred Rosenberg, Rudolf Hess, Dietrich Eckart et, vraisemblablement par l’intermédiaire de ce dernier, Adolf Hitler lui-même. (Agartha, ou Agarthi, serait le centre placé “sous la roue du Soleil d’Or, c’est-à-dire celui auquel se rattachent les contemplatifs qui refusent d’avance de participer aux affaires de ce monde : celui des sages que j’ai appelés “hommes au-dessus du Temps”. Shamballa serait, par contre, le centre spirituel des hommes “contre le Temps” : des initiés qui, tout en vivant dans l’éternel, acceptent d’agir dans ce monde “dans l’intérêt de l’Univers”, selon les valeurs immuables, ou, pour employer les paroles mêmes du Führer, selon le “sens originel des choses”. C’est, naturellement, à ce second centre des Maîtres de l’Action qu’Adolf Hitler se rattacherait).

Il est remarquable que les noms d’Agartha et de Shamballa “apparaissent plusieurs fois sur les lèvres de plus d’un chef S.S. au cours des procès de Nuremberg, et, plus particulièrement, des S.S. qui furent parmi les responsables de l’Ahnenerbe” [223]. Cette organisation a, entre autres, on le sait, envoyé au Tibet “une expédition dirigée par l’ethnologue Standartenführer S.S. Docteur Scheffer” [224]. Les fragments, les comptes-rendus de celle-ci, qui existent, microfilmés, “aux Archives nationales, à Washington”, ont paru “extraordinaires” à André Brissaud, qui les a lus. Pourquoi une telle expédition ? Certes pas pour tenter de retrouver, en Asie Centrale, “les origines de la race nordique”, comme semble le laisser croire Brissaud. Sous le Troisième Reich, même les enfants des écoles savaient, pour l’avoir lu dans leurs manuels, — dont quelques-uns, tel celui de Klagges/Blume, “So ward das Reich”, étaient remarquables, — que cette race s’était étendue du nord vers le sud et vers l’est, et non inversement [225]. Non. Ce que voulaient, sans doute, le Docteur Scheffer et ses collaborateurs, c’était, plutôt, essayer de pénétrer le mystère d’Agartha et de Shamballa ; peut-être essayer, avec l’aide du ou des chefs d’un centre spirituel où il se manifeste, d’entrer en contact avec le principe (car c’est un principe, non un personnage) que René Guénon appelle le “Roi du Monde” [226]. Cela semble d’autant plus plausible que, parmi ces sections de l’Ahnenerbe dont le travail était classé “affaire secrète du Reich” et “dont on ignore tout”, “l’une comprenait, outre l’étude des langues anciennes, de la cosmologie et de l’archéologie, celle “du Yoga et du Zen”, et une autre s’intéressait “aux doctrines ésotériques, et aux influences magiques sur le comportement humain.” [227]

223. André Brissaud “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. citée, pp. 59-60.224. Ibid. p. 59-60.225. Klagges/Blume, “So ward das Reich”, p. 15.226. René Guénon, “Le Roi du Monde” ; p. 13.227. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, p. 285.

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D’ailleurs, ce n’est pas seulement avec les initiés de la Cité interdite de Lhassa (et peut-être avec le Dalaï-Lama lui-même) que l’élite spirituelle de l’Ordre S.S. — qui était celle d’une nouvelle civilisation traditionnelle en puissance, sinon actuellement en gestation, — cherchait à prendre contact. A mon humble connaissance, il y eut aussi de semblables rencontres aux Indes ; — rencontres que peu de gens soupçonnent en Occident — et cela, tout à fait en dehors des conversations politiques qui ont pu avoir lieu avec certains chefs hindous, tel Subhas Chandra Bose, aux Indes et en Allemagne, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il paraissait à Calcutta, depuis 1935, une revue “culturelle”, The New Mercury, très habilement éditée par Sri Asit Krishna Mukherji, en collaboration avec Sri Vinaya Datta et quelques autres. Les discours du Führer, dont la presse officielle, tant en anglais qu’en bengali, ne rapportait que des extraits, s’y étalaient in extenso, surtout s’ils présentaient, comme c’était souvent le cas, un intérêt débordant “la politique”. L’un d’eux, qui avait alors particulièrement attiré mon attention, portait sur le sujet : “Architecture et nation”. Mais la dite revue publiait aussi des études sur tout ce qui pouvait tendre à mettre en lumière une connection profonde, non-politique, remontant très loin et très haut, entre la civilisation traditionnelle hindoue telle qu’elle n’a cessé d’exister, et la civilisation traditionnelle germanique, telle qu’elle avait existé, longtemps avant le Christianisme, et aspirait à renaître en ce qu’elle avait d’essentiel. Ces études révélaient chez leurs auteurs, outre l’érudition archéologique indispensable, une connaissance sérieuse du symbolisme cosmique. Plusieurs étaient, cela va sans dire, centrées sur la Croix gammée. Elles semblaient vouloir montrer — indirectement — le caractère exceptionnel d’un grand État moderne qui reconnaissait pour “sien” un Signe d’une telle portée universelle, qui le gravait sur tous ses monuments publics, l’imprimait sur tous ses étendards. Elles suggéraient en même temps l’aspiration de ce grand État à renouer contact avec la Tradition primordiale — dont l’Europe s’était détachée depuis des siècles déjà, mais dont l’Inde avait gardé le dépôt inestimable.

Je n’ai aucune preuve que les services de l’Ahnenerbe aient joué un rôle quelconque dans la publication de la revue “New Mercury”. Cela me paraît, au fait, d’autant moins probable que cette section spéciale de la S.S. n’a été elle-même fondée qu’en 1935 ; — la même année que la dite revue. Mais je sais que cette dernière était en partie au moins, soutenue financièrement par le gouvernement du Troisième Reich. Les Allemands, et les représentants, — Allemands ou non — de firmes allemandes aux Indes, étaient censés s’y abonner. Et l’un d’entre eux au moins, à ma connaissance, fut rappelé en Allemagne, après avoir été démis de la direction de la succursale qu’il régissait depuis des années, pour avoir refusé de

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le faire et déclaré que “cette propagande d’un nouveau style” (sic) ne l’intéressait pas.

Le fondateur et éditeur du périodique, Sri A. K. Mukherji, demeura en contact étroit avec Herr von Selzam, Consul Général d’Allemagne à Calcutta, tant que celui-ci resta à ce poste. Et ce représentant officiel d’Adolf Hitler lui remit, la veille de son départ, un document adressé aux autorités allemandes, dans lequel il était spécifié en toutes lettres que “personne en Asie n’avait rendu au Reich des services comparables aux siens”. J’ai vu ce document. Je l’ai lu et relu, avec joie, avec fierté — en tant qu’Aryenne et Hitlérienne, et épouse de Sri A. K. Mukherji. J’y ai déjà fait allusion au cours de ces entretiens.

Il ne m’est pas possible de dire si les “services” dont il y était question avaient ou non débordé les limites, assez étroites, des activités de Sri A. K. Mukherji en tant qu’éditeur d’une revue bimensuelle, traditionaliste, à la fois hindoue et pro-allemande. Il semblerait bien qu’ils les aient dépassées, — car la revue n’avait duré que deux ans, les autorités anglaises l’ayant interdite vers la fin de 1937, peu après le “tournant” définitif dans l’évolution de la politique britannique vis à vis du Reich. De toute façon je ne connaissais pas encore personnellement Sri A. K. Mukherji à cette époque : son nom évoquait seulement, pour moi, l’existence de l’unique revue de tendances nettement hitlériennes que je connusse aux Indes. Mais une chose me porte à croire que la connaissance qu’il possédait dès lors, et même auparavant, de l’Hitlérisme ésotérique, c’est-à-dire de la connection profonde de la doctrine secrète du Führer avec la Tradition éternelle, n’avait aucune commune mesure avec les vagues impressions que je pouvais avoir, moi, sur le même sujet. Au cours de la toute première conversation que j’eus avec lui, après avoir eu l’honneur de lui être présentée, le 9 Janvier 1938, — celui qui, moins de deux ans plus tard, était destiné à me donner son nom et sa protection, me demanda incidemment ce que je pensais de… Dietrich Eckart.

Je savais qu’il s’agissait là de l’auteur du célèbre poème “Deutschland erwache” ; du combattant des tout premiers jours de la Kampfzeit, mort quelques semaines après le “putsch” manqué du 9 Novembre 1923, à l’âge de cinquante-cinq ans ; du camarade auquel Adolf Hitler avait dédié la seconde partie de “Mein Kampf”. J’ignorais encore jusqu’à l’existence de la Thülegesellschaft, et étais par conséquent loin de soupçonner le rôle que le poète de la révolution nationale avait pu jouer auprès du Führer.

J’étalai avec enthousiasme ma pitoyable petite érudition. Mon interlocuteur qui avait rendu, — et allait bientôt rendre — au Troisième Reich (et plus tard à ses alliés japonais) “des services comparables à ceux de nul autre”, sourit et passa à un autre sujet.

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L’opinion selon laquelle Adolf Hitler aurait été un agent des Forces diaboliques, que son initiation n’aurait été qu’une monstrueuse contre-initiation, et son Ordre S.S. qu’une sinistre confrérie de magiciens noirs, est — on s’en doute ! — on ne peut plus répandue parmi les Anti-hitlériens plus ou moins barbouillés d’occultisme. (Et ceux-ci ne manquent pas).

L’argument le plus probant là-contre me semble venir des Indes. En Occident, en effet, la confusion sur le plan de la connaissance des principes est aujourd’hui telle qu’il est difficile de, dire s’il y existe encore un groupe pouvant légitimement se targuer d’une filiation véritable avec la Tradition. Il n’y a donc pas de point de comparaison entre l’attitude des vrais initiés et celle des charlatans. Selon René Guénon, pratiquement toutes les sociétés d’Europe qui se prétendent de nos jours “initiatiques”, seraient à classer sous cette dernière rubrique. Or, ce sont leurs membres qui se font entendre, qui s’agitent, qui prennent position contre l’Hitlérisme — comme l’ont fait, toutes les fois qu’ils l’ont pu, Louis Pauwels et le Juif Bergier, dans la revue “Planète”. Au fait, je ne connais pas un seul groupe européen intéressé aux doctrines ésotériques, qui ne soit nettement anti-hitlérien. ( Je puis me tromper, certes. Je voudrais, sur ce point, me tromper).

Mais il n’en va pas de même aux Indes.

D’abord, on fait face, là, à un “paysage spirituel” tout différent. Au lieu d’avoir affaire à des groupes à prétentions plus ou moins “initiatiques” se mouvant au milieu d’une immense société profane, entichée de sciences expérimentales et de “progrès”, et préoccupée surtout de son bien-être matériel, nous sommes en présence d’une civilisation traditionnelle, bien vivante malgré l’emprise croissante de la technique. L’homme des masses, non-empoisonné de propagande puisqu’il jouit encore du “bienfait de l’analphabétisme” (pour reprendre ici une expression chère au Führer), y pense davantage que l’individu de même niveau social en Occident — ce qui, entre nous, n’est pas un exploit ! Il y pense, surtout, dans l’esprit de la Tradition, témoin ce jeune Soudra dont j’ai rappelé l’histoire au début de ces “Souvenirs et réflexions”.

L’Hindou qui, lui, a fréquenté les écoles, et même celui qui a fait ses études en Europe ou aux U.S.A. n’en est pas pour autant hostile à la Tradition. L’idée de hiérarchie naturelle, d’hérédité biologique — donc raciale — intimement liée au karma de chacun, lui est familière. Et dans l’immense majorité des cas, il vit selon les règles immémoriales de sa caste — même alors que le gouvernement “progressiste” d’une Inde dite “libre” (en réalité : grotesque copie des Démocraties d’Occident) a proclamé la suppression des castes et imposé le suffrage universel. Dans certains cas, bien sûr, il rapporte de ses contacts avec l’étranger des idées subversives ou des habitudes choquantes. Mais alors, il est méprisé des siens, et la société orthodoxe se détourne de lui, — aucun gouvernement n’ayant le pouvoir de la forcer à l’accepter bon gré mal gré. Quant aux groupes initiatiques traditionnels et aux maîtres isolés d’une science secrète vraie, ils continuent

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d’exister comme par le passé : — en silence ; inaperçus du grand public. Ils se tiennent, en principe, hors du tourbillon de la politique, et ne donnent pas de conférences de presse. Tout au plus un mot, une réflexion formulée auprès d’un visiteur respectueux de la Tradition bien que lui-même non-initié, peut parfois laisser deviner où vont les sympathies terrestres de tel ou tel sage.

Il y a aussi, comme il fallait s’y attendre à une époque de décadence universelle, des personnes qui font profession de “spiritualité” et des groupes qui se réclament de maîtres transcendants et prétendent en transmettre la soi-disant “initiation” sans en avoir l’ombre d’un droit. Les charlatans en tunique orangé — ou nus, le corps couvert de cendres — qui traînent autour des temples, spécialement dans les lieux de pèlerinage, vivant de mendicité ou d’escroquerie, se posant en “gurus” auprès de veuves crédules, ne manquent pas. Ce sont des fripons, mais de petite envergure et de nuisibilité limitée. Infiniment plus dangereux sont les individus ou les groupes qui travaillent à faire pénétrer aux Indes — autant que se peut — l’anthropocentrisme inhérent aux doctrines religieuses ou politiques influencées plus ou moins directement par le Judaïsme ou par les Juifs. Je désigne par là tous les individus ou groupes qui, sous le couvert d’une mensongère fidélité à la Tradition, qu’ils tordent, et défigurent à leur gré, prêchent des principes égalitaires, la démocratie, l’horreur de toute violence, même détachée, quand celle-ci s’exerçe contre “des hommes”, quels qu’ils soient — alors que la monstrueuse exploitation de la bête (et de l’arbre) par l’homme les dérange à peine (s’ils n’y sont pas totalement indifférents, voire même, s’ils ne la justifient pas !). Je pense à tous ceux qui prétendent rendre hommage à la “sagesse antique véritable” en niant obstinément toute hiérarchie raciale naturelle, en condamnant le système des castes jusque dans son principe, en prêchant le “droit” de gens de races différentes de s’épouser, s’ils croient par là, trouver leur “bonheur”. Je pense à ceux qui voudraient remplacer, chez les Hindous, les vieux privilèges de caste par des privilèges basés sur “l’instruction” (au sens occidental du mot) et le souci d’orthodoxie métaphysique par une préoccupation toujours plus intense du “social”, de l’ “économique”, de “l’amélioration des conditions de vie pour les masses”. Je pense aux organisateurs de “Parlements des religions” ; aux avocats d’une fusion entre “l’Orient et l’Occident” aux dépens de l’esprit de la Tradition, commune, à l’origine, aux deux, et que l’Hindouisme seul a conservée comme base de civilisation ; aux missionnaires d’une morale universelle centrée sur “l’homme”, comme la conçoivent et l’Occident chrétien et l’Occident rationaliste.

La “Mission” qui se réclame du divin Ramakrishna — un véritable initié, lui, qui a vécu au siècle dernier, — semble de plus en plus donner dans ce sens, sous l’influence de bienfaiteurs occidentaux, surtout Américains. Mais cette tendance ne date pas d’aujourd’hui. Il y a plus de cent cinquante ans qu’elle s’est fait jour avec la fondation du Brahmo Samaj, société de déistes profondément marqués par leur éducation universitaire anglaise et la forme “protestante” du

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Christianisme. Cette secte, sous prétexte de ramener l’Hindouisme à une soi-disant “pureté originelle”, l’a interprété selon cet “esprit moderne”, dont René Guénon a si justement déploré l’emprise sur l’Europe. Mais, comme le dit encore Guénon, ses adhérents sont, malgré la position sociale et, qui plus est, la haute caste des plus connus d’entre eux, rejetés des Hindous orthodoxes. Ceux-ci refusent de leur donner leurs filles en mariage, — ou d’accepter les leurs pour leurs fils. Et dans les villages, ils n’accepteraient pas d’eux un verre d’eau — et, je le répète, aucun gouvernement ne pourrait les y contraindre. Cette attitude vient de ce que les Brahmo Samajistes rejettent le principe du système des castes : l’inégale “dignité” des hommes, selon leur hérédité. Elle vient de ce que le Brahmo Samaj n’est pas l’Inde — pas plus que ne le sont les autres sectes de même esprit, quelles qu’elles soient. [228]

Je ne veux pas m’étendre en détails sur celles-ci. Cela entraînerait le lecteur trop loin. Mais il ne m’est pas possible de passer sous silence deux organisations qui ont pris naissance dans l’Inde du Sud : l’une, la Société de Théosophie, à Adhyar près de Madras ; l’autre, la communauté qui s’est formée à Pondicherry, autour du sage bengali, Aurobindo Ghosh, aujourd’hui décédé.

La première est une vaste institution internationale de subversion au sens profond du mot, comme Guénon l’a fort bien montré dans son livre “Le Théosophisme, une fausse religion” [229]. Ce qu’on voudrait y faire passer pour “doctrine” est un salimigondi de constructions arbitraires de l’esprit et de quelques notions et croyances dont les noms — karma ; transmigration des âmes, etc. — sont tirés de la tradition hindoue, et bouddhiste. Les notions et croyances elles-mêmes sont tout aussi arbitraires, tout aussi peu orthodoxes, que les théories où elles entrent, — telle, par exemple, cette idée d’ “âme collective” (group soul) des animaux, chère à Leadbeater ; tel, aussi, tout ce qu’enseignent les Théosophes sur leurs divers “Maîtres” : Kouthoumi, Rajkoski, et autres. L’illustre Lokomanya Tilak, dont j’ai cité plus haut l’un des ouvrages, a comparé Annie Besant, Présidente de la Société de Théosophie jusqu’à sa mort en 1933 — et pendant un temps, Présidente du Congrès National Indien — à la diablesse Putna, envoyée comme nourrice à l’Enfant-Dieu, Krishna, afin de le tuer de son lait vénéneux. Tilak espérait que, semblable au jeune Dieu qui, tout en assimilant impunément le poison, a finalement tué Putna en la vidant de toute sa substance, la société hindoue saurait se défendre, et confondre ceux qui essayent de la séduire par des contre-vérités habilement travesties.

L’autre institution s’est développée autour d’un sage apparemment véritable. Toutefois elle tendait, déjà durant la vie de celui-ci, à tomber au rang d’une entreprise d’exploitation très habile et très lucrative. Elle achetait, en effet, l’une après l’autre, toutes les maisons de Pondicherry qui étaient à vendre, si bien

228. Par exemple l’Arya Samaj, qui n’a d’ “Arya” que le nom car il rejette, lui aussi, l’idée de hiérarchie naturelle des races.229. Livre aujourd’hui pratiquement introuvable.

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qu’elle comprenait en 1960, en dehors du centre où quelques disciples se livraient à la méditation, de nombreux ateliers de poterie, de menuiserie, de tissage, etc, etc,… dont les produits étaient — et sont encore aujourd’hui — vendus au profit de ses œuvres ; des écoles mixtes, avec classes sportives ; une université, pourvue de laboratoires richement équipés.

Cette prospérité serait, m’a-t-on dit, en grande partie due au génie des affaires que possèdent et la “Mère” de l’ashram — femme d’origine juive, veuve d’un Juif, puis d’un Français [230] — et le fils qu’elle a de son premier mari. Des membres de l’organisation, pleins à la fois de zèle et de sens pratique, et jouissant de la confiance de ces deux personnes, en sont aussi, peut-être, responsables, chacun suivant ses talents. De toute façon, dès la salle de réception, où sont en vente de nombreuses photographies, grandes et petites pour toutes les bourses, — du défunt guru et de la “Mère”, on est impressionné par l’atmosphère business-like du lieu, impression qui se précise et s’intensifie au cours d’une visite des ateliers. Et l’on se remémore, par contraste, le rayonnement spirituel qui se dégage de certains écrits d’Aurobindo Ghosh : — de ses Commentaires sur la Bhagawad-Gita ; de sa “Vie divine” ou de sa “Synthèse des Yogas”. On a le sentiment d’un profond décalage entre cette organisation plus que florissante, qui couvre les deux tiers d’une ville de plus de cent mille habitants, et le sage qui y a vécu dans l’isolement le plus complet : — invisible à la foule et même aux disciples, sauf pour quelques heures par an.

Or, il y a un fait qui me semble éloquent, et le voici : au milieu de cette civilisation traditionnelle qu’est encore celle des Indes, c’est précisément des organisations les plus profanes, les plus “modernes”, en un mot les plus anti-traditionalistes, que sont venus les gestes, les écrits ou les déclarations hostiles à l’Hitlérisme.

Aurobindo Ghosh n’a, lui, à ma connaissance, jamais exprimé de jugement “pour” ou “contre” aucune des grandes figures ou des grandes fois politiques (ou plus-que-politiques) contemporaines. Il avait définitivement quitté l’action — et quelle action ! [231] — pour la contemplation, et il s’est confiné au domaine spirituel. Mais sur la fin de 1939, — ou était-ce en 1940 ? — les journaux de Calcutta publiaient que “l’Ashram de Pondicherry” avait fait au Gouvernement colonial des Indes un don de dix-mille livres sterling “pour aider l’effort de guerre britannique”. Monsieur de Saint-Hilaire, dit Pavitra, secrétaire de l’Ashram, que j’interrogeai sur ce point en 1960, me répondit qu’il “ne pouvait pas me dire” si l’information recueillie et publiée vingt ans plus tôt dans la presse de Calcutta, était exacte. Mais il me déclara que “cela se pouvait bien”, attendu que l’Hitlérisme allait, selon lui (et sans doute aussi selon plus d’une personne

230. Monsieur Paul Richard. Son premier mari s’appelait Alfassa. La “Mère”, encore vivan-te quand ces pages furent écrites, est morte depuis lors, — en 1973 — à l’âge de 95 ans.231. Il avait, au début du siècle, joué un rôle de premier plan dans le mouvement “terro-riste” (anti-britannique) du Bengale.

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ayant à l’ashram quelqu’influence), “contre le sens de l’évolution humaine”. (Contre l’évolution ? Et comment ! Rien ne saurait être plus vrai ! Mais loin d’être une raison de le combattre, c’en serait là, au contraire, une, de le soutenir. La décadence universelle est un signe, de plus en plus visible, que notre cycle s’avance rapidement vers sa fin. Tout combat contre elle, tout “retour aux principes éternels, va nécessairement “contre le sens de l’évolution humaine”. C’est une phase de la lutte perpétuelle, à contre-courant du Temps. Mais c’est là, je le répète, et j’y insiste, une raison, — la raison majeure, — de l’exalter, plutôt que de le condamner.)

Par ailleurs, les chefs de la Société de Théosophie — selon René Guénon, maîtres de contre-initiation, malgré leurs prétentions contraires — ont prouvé, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, combien ils haïssaient (et haïssent encore) la doctrine d’Adolf Hitler. Arundale, alors Président de la dite Société, parcourait les Indes à la recherche de prêtres complices, c’est-à-dire, achetables, et leur commandait des prières pour la victoire des “Croisés” [232] contre le National-socialisme. Et il n’y a qu’à ouvrir un numéro quelconque de “Conscience”, l’organe officiel de la Théosophie, pour y voir étalée, noir sur blanc, une propagande anti-hitlérienne qui n’a rien à envier à celle des journaux d’Angleterre ou des U.S.A. de la même époque, voire même à celle de la presse de l’Union Soviétique (après, cela s’entend, la rupture du Pacte germano-russe du 23 août 1939). Il n’est pas jusqu’aux hypothétiques “maîtres” invisibles des Théosophes, Kouthoumi, Rajkoski et autres, auxquels on n’ait attribué des “activités cachées” pour le succès des Nations Unies. [233]

En dehors de la Société de Théosophie — elle-même en liaison étroite avec certaines Loges maçonniques d’Occident, — c’est parmi les Hindous des sectes dissidentes, telles que le Brahmo Samaj, que j’ai rencontré les seuls Anti-hitlériens qui aient, aux Indes, croisé mon chemin, — à part, bien entendu, la grandes majorité des Européens non-Allemands, et tous les Communistes sans exception. Je n’en citerai, pour exemple, que ce milieu Brahmo Samajiste par excellence que représentait alors, et que représente toujours, l’Université en plein air de Shantinikétan. Le poète Rabindranath Tagore, son fondateur, était encore vivant quand, en 1935, je passai six mois à la dite Université afin d’y améliorer ma connaissance de la langue bengalie et d’y apprendre le hindi. Je n’y remarquai rien de spécial hors mis la présence, en tant que “professeur d’Allemand,” d’une Juive de Berlin, Margaret Spiegel, dite Amala Bhen, qui y était venue, après deux ans de séjour dans l’ashram de Gandhi, répandre sa haine du Troisième Reich auprès des élèves qui lui étaient confiés et des collègues Hindous qu’elle pourrait endoctriner. Je sus bientôt que “Govinda”, le moine

232. “Crusade to Europe” est le titre du livre du général Eisenhower sur sa campagne contre l’Allemagne.233. En 1947 Gretar Fels, Président de la Société de Théosophie de Reykjavik, m’assurait que “maître Rajkoski” avait “aidé les Alliés à combattre le Nazisme.

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bouddhiste dont la robe couleur de safran et le beau parasol birman ajoutaient une note pittoresque au paysage, était aussi un Juif venu d’Allemagne. On me parla aussi de l’amitié profonde qui liait le poète à Andrews, un Britannique, ancien missionnaire chrétien. Mais personne ne m’exprima d’hostilité envers ma foi hitlérienne, — sauf Amala Bhen.

Celle-ci, à qui on avait cru bon de me présenter “en tant qu’Européenne” dès mon arrivée à Shantiniketan, s’était, au bout d’une demi-heure à peine de conversation, fort bien rendue compte de la nature “pan-aryenne” de l’Hitlérisme tel que je le concevais et le conçois toujours. Elle s’empressa de me déclarer — elle qui était venue au bout du monde “pour ne plus voir l’ombre d’un Nazi”, — que j’étais “pire que toute la bande réunie” [234] de ceux qu’elle voulait tant éviter. Ceux-là, en effet, me dit-elle, défilaient dans les rues des villes du Reich en chantant : “Aujourd’hui l’Allemagne nous appartient ; demain, le monde entier !”, mais ils pensaient surtout à l’Allemagne, malgré les paroles de leur chant. Tandis que moi, en insistant sur la profonde identité de l’esprit hitlérien et de celui de l’Hindouisme orthodoxe, je préparais la voie à la future conquête militaire et morale, et à l’influence illimitée d’un Reich allemand qui déborderait largement sur l’Asie.

Ces propos me flattaient bien au-delà de mes mérites. Mais l’hostilité de Margaret Spiegel, dite Amala Bhen, — et sans doute celle de “Govinda”, à qui on se garda bien de me présenter, — me paraissait encore confinée à l’élément non-Hindou de l’Université de Shantinikétan.

Ce fut pour moi une surprise que d’apprendre, quelques mois avant la Seconde Guerre mondiale, que le poète Rabindranath Tagore lui-même avait envoyé au Führer un télégramme de protestation contre l’invasion de la “malheureuse Tchéchoslovaquie”. De quoi se mêlait-il ? — lui dont je ne pouvais m’empêcher d’exalter l’œuvre en tant qu’artiste. Ne se rendait-il donc pas compte que c’étaient surtout les malheureux Allemands des Sudètes qui avaient le droit d’être protégés ? Ne savait-il pas que la Tchéchoslovaquie n’avait jamais été qu’un État artificiel, un assemblage d’éléments on ne peut plus disparates, édifié de toutes pièces pour servir d’épine permanente au flanc du Reich allemand ? Mais que dis-je ? Aurait-il même été capable d’en tracer la carte ? Alors, pourquoi cette intervention indiscrète ? Lui avait-elle été suggérée — ou inspirée — par les étrangers, Chrétiens ou Juifs, que je viens de nommer, et par d’autres, tous humanitaires et anti-racistes — du moins anti-aryens, — qui hantaient occasionnellement Shantinikétan, ou qui y vivaient ?

Ou ne devais-je pas plutôt admettre que, quelqu’artiste qu’il pût être — quelque lumineuse et musicale qu’ait pu se révéler, sous sa plume de génie, une langue néo-sanskrite, telle que le bengali, — un Brahmane qui rejetait en bloc le système des castes ne pouvait être qu’anti-hitlérien ? La prise de position du poète contre le Défenseur de l’élite aryenne d’Europe, dans un conflit 234. “Worse than the whole pack rolled in one”.

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européen, me choquait d’autant plus que Rabindranath Tagore avait un teint d’ivoire et les traits les plus classiques de la race blanche : — signes physiques d’une filiation à peu près sans mélange avec ces Aryas conquérants, qui ont transmis à l’Inde ancienne la Tradition d’Hyperborée. Mais j’aurais pu — j’aurais dû — penser que, si ces mêmes signes visibles de noblesse aryenne n’avaient pu l’empêcher de joindre sa voix à celle des contempteurs de la “Loi de la couleur et de la fonction sociale” — varnashramdharma — aux Indes, il était peu probable qu’ils eussent pu devenir en lui l’occasion d’un éveil de conscience ancestrale lié, comme se devait, à une quelconque sympathie pour cette forme européenne et moderne de “l’esprit brahmanique”, qu’est l’Hitlérisme.

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J’ai toujours, par contre, été agréablement frappée par la compréhension que j’ai rencontrée, en tant qu’Hitlérienne, chez les Hindous orthodoxes de toutes castes.

J’ai, au début de ces entretiens, raconté l’épisode du jeune Soudra, au beau nom historique de Khudiram [235], qui montra plus de sens des vraies valeurs — et une appréciation plus exacte du rôle d’Adolf Hitler, — que tous les Démocrates d’Europe et d’Amérique réunis [236]. J’ai aussi cité Satyananda Swami, le fondateur de la “Hindu Mission”, pour qui, pourtant, la création d’un front commun hindou contre l’emprise de l’Islam, des missionnaires chrétiens, et du Communisme, comptait bien plus encore que la stricte observance de l’orthodoxie. Celui-ci tenait notre Führer pour “une Incarnation de Viçnou — la seule en Occident.” [237]

Je pourrais, sur ce sujet-là, multiplier les souvenirs ; rappeler, par exemple, cet admirable Brahmane de Poona, Pandit Rajwadé, aussi versé dans la connaissance de l’œuvre de Nietzsche que dans celle des textes sacrés (qu’il commentait, deux fois par semaine, devant un étroit cercle de disciples) et qui professait la plus profonde admiration pour “le roi chakravartin d’Europe” venu “pour rétablir l’ordre vrai”, dans un monde à la dérive. Je pourrais rapporter les propos de cet autre homme peu ordinaire — moins lettré peut-être, mais doué d’un étrange pouvoir de voyance — que je rencontrai au début de la guerre dans une famille amie, dont il était le guru, ou maître spirituel. Ce sage me dit : “Votre Führer ne peut qu’être victorieux car ce sont les Dieux eux-mêmes qui lui dictent sa stratégie. Tous les soirs, il se dédouble, et s’en vient ici, dans les Himalayas, recevoir leurs instructions.”

235. C’est le nom d’un jeune héros du Bengale, qui a donné sa vie pour l’indépendance des Indes.236. Voir plus haut, pp. 36, 37, 38.237. Voir plus haut, p. 43.

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Je me demandai ce qu’Adolf Hitler aurait pensé de cette explication inattendue des victoires de l’armée allemande. Je dis alors au saint homme : “Il est, dans ce cas, certain qu’il gagnera la guerre.”

“Non”, me répondit-il ; “car il viendra un temps où ses généraux rejetteront son inspiration divine et lui désobéiront — le trahiront !”

Et il ajouta : “Il ne peut en être qu’ainsi ; s’il est une Incarnation, il n’est pas l’Incarnation suprême — la dernière de ce cycle,” — Hélas !

Mais ce n’est pas tout. Comment oublierais-je l’atmosphère des familles hindoues orthodoxes que je connais le mieux ? celle, par exemple, de la maison d’un de mes beaux-frères, alors encore vivant, et médecin à Médinipur [238], chez qui je me trouvais lors de la campagne de Norvège et au début de la campagne de France ? Tous acceptèrent avec enthousiasme ma suggestion d’aller au temple de la Déesse Kali — à la “Maison de Kali”, comme on dit en bengali — rendre grâces à Celle qui à la fois bénit et tue, pour l’avance triomphale des soldats du grand Reich allemand. Nous y allâmes en procession, chargés d’offrandes de riz, de sucre, de farine, de fruits, de guirlandes de fleurs écarlates — à défaut du sacrifice sanglant dont la famille rejetait autant que moi l’idée. Je me revois encore, entourée d’une jeunesse fière, elle aussi, de son ascendance aryenne, debout devant la terrible Image au sabre recourbé. Inhalant les fumées d’encens, bercée par la musicalité envoûtante des formules liturgiques sanskrites, je fermais parfois les yeux pour mieux voir en esprit, telle une fresque grandiose, le défilé des blindés allemands le long des routes d’Europe. Je vivais intensément mon rôle de trait d’union entre la plus vieille civilisation aryenne vivante d’Orient et cet Occident aryen qu’Adolf Hitler était entrain de conquérir afin de le rendre à lui-même et de le régénérer. Puis je promenais mes regards sur mes neveux et nièces, et les jeunes Brahmanes, leurs voisins et camarades d’études, qui m’avaient accompagnée. Et je rêvais du jour ou je verrais enfin le nouvel Empereur — l’éternel Empereur — des Pays du Crépuscule, éveillé et surgi de sa mystérieuse caverne, et où, le saluant de mon bras tendu, je lui dirais : “Mein Führer, je vous apporte l’allégeance de l’élite des Indes !”

Cela ne paraissait pas alors un rêve impossible.

Comment oublierais-je la joie générale à Calcutta — et sans doute aussi dans le reste de la péninsule, — à la nouvelle de l’entrée des troupes d’Adolf Hitler à Paris ou, quelque vingt mois plus tard, à l’annonce de l’avance foudroyante de nos alliés les Japonais jusqu’à la frontière de l’Assam et au-delà ? Les gamins eux-mêmes, vendeurs de journaux, le visage rayonnant, jetaient triomphalement au public les noms des villes prises, — tous les jours de nouvelles : Kualalumpur, Singhapur, Rangoun, Mandalay, Akyab,… Imphal, en territoire indien — les unes après les autres. Le gouvernement colonial avait interdit d’écouter la radio allemande. Les gens qui entendaient l’allemand l’écoutaient clandestinement.

238. Qu’on écrit encore, souvent, Midnapore. Ville du Bengale occidental.

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Je connais des Hindous qui y prêtaient l’oreille sans en comprendre un mot — simplement pour entendre la voix du Führer. Ils sentaient qui Celui qui parlait au monde aryen dans une langue “indo-européenne” qui leur était inconnue, s’adressait aussi à eux, — du moins à l’élite raciale de leur continent.

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Mais cela n’est encore rien. Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que ce culte du Führer a survécu, dans ce pays, à l’effondrement du Troisième Reich. Je l’ai retrouvé vivant, lors de mon séjour aux Indes de 1957 à 1960, et je le retrouve, à ma joie, et malgré une propagande communiste intensifiée, en 1971, et cela, je le répète, surtout dans les milieux les plus fidèles à la Tradition.

Dans le livre qu’elle a consacré à l’Inde, dans la collection “Petite Planète”, l’orientaliste Madeleine Biardeau, elle-même nettement hostile à notre Weltanschauung, se voit obligée de le constater — avec regret, pour ne pas dire avec amertume. “Dans aucun pays”, écrit-elle, “je n’ai entendu plus de louanges d’Hitler. Des Allemands sont félicités pour la seule raison qu’ils sont ses compatriotes” [239]. Et elle est aussi obligée d’admettre que le ressentiment des Hindous à l’égard de la domination britannique — maintenant d’ailleurs révolue, — ne suffit pas à rendre compte de ce culte. L’érudite a, sous la main, comme on pouvait s’y attendre, une explication qui lui est propre. L’Hindou, dit-elle, sent et salue la présence du Divin dans tout ce qui est “grand” — serait-ce “grand dans le mal”. En d’autres termes il est, lui, libre de ce dualisme moral qui sous-tend encore, presque toujours, les jugements de valeur que porte l’homme d’Occident.

Cela est certes vrai. Mais cela ne suffit pas comme explication. La seule justification de ces louanges à l’adresse d’un Chef aryen étranger à l’Inde réside, non pas dans le fait que l’Hindou transcende facilement le dualisme moral, mais dans la raison qui rend compte de ce fait. Cette raison est à chercher dans l’attachement de l’Hindou à la Tradition, pas ailleurs ; dans son acceptation de la connaissance sacrée avec une confiance entière, même s’il ne l’a pas lui-même acquise. C’est au nom de cette science plus qu’humaine qu’il trouve naturel que, dans certaines conditions, ce qui, à l’échelle humaine moyenne, semblerait “un mal”, n’en est pas un. C’est à la lumière de la doctrine de la violence nécessaire, exercée sans passion “dans l’intérêt de l’Univers” — c’est-à-dire de la Vie, non de “l’homme” — c’est à la lumière de la vénérable Bhagawad-Gîta, qui proclame l’innocence d’une violence de cette nature-là, que l’Hindou orthodoxe peut précisément voir, dans le Maître du Troisième Reich, — et cela malgré toutes les histoires de camps de concentration dont la propagande l’a abreuvé, comme tout le reste des hommes de cette Terre, pendant plusieurs décades, — autre chose que “l’incarnation du Mal”.

239. Madeleine Biardeau, “L’Inde”, collection “Petite Planète”.

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De plus, il lui est impossible de ce pas être frappé par la similitude d’esprit qui existe entre l’Hitlérisme et, non pas, certes, les philosophies de non-violence, qui se sont détachées du tronc brahmanique, ou les sectes hindoues dissidentes, mais le brahmanisme le plus rigoureux et le plus ancien. L’un et l’autre sont centrés sur l’idée de pureté de sang, et de transmission indéfinie de la vie saine — surtout de la vie de l’élite raciale ; de la vie dont peut sortir l’homme que la maîtrise de lui-même élève au rang d’un Dieu. L’un et l’autre exaltent la guerre dans une attitude de détachement — la “guerre sans haine” [240] — parce que “rien ne peut arriver de meilleur au Kshatriya” — ou au parfait guerrier S.S. — “qu’un juste combat” [241]. L’un et l’autre proposent à la Terre — comme le font par ailleurs toutes les doctrines “traditionnelles” — un ordre visible calqué sur les réalités cosmiques et les Lois mêmes de la vie.

Ce culte du Führer, prolongé aux Indes, et en dépit de tant de propagandes ennemies, bien au-delà du désastre de 1945, est une preuve de plus — si besoin en était d’une, — que l’Hitlérisme, dépouillé de ce que son expression allemande peut avoir de contingent, se rattache bien, lui aussi, à la Tradition primordiale hyperboréenne, — dont le Brahmanisme semble être la forme vivante la plus ancienne. Il s’y rattache sans doute par ce qui a, malgré l’imposition du Christianisme, survécu en Allemagne d’une forme traditionnelle très vieille et proprement germanique, découlant d’une Source commune de la sainte “patrie arctique” des Védas… et de l’Edda.

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Il est impossible de dire dans quelle mesure la Thülegesellschaft était en possession de cet héritage inestimable, venu du fond des âges. Sans doute certains de ses membres — Dietrich Eckart, Rudolf Hess, et, bien entendu, le Führer lui-même, — l’étaient-ils. L’un des traits propres à l’initié serait la capacité de feindre, toutes les fois qu’il le juge convenable à ses desseins, la colère, la folie, l’imbécillité, ou tout autre état humain. Or le Führer se contraignait, il le dit lui-même [242], à “paraître dur”. Et ses trop fameux accès de fureur — sur l’existence desquels l’ennemi s’est jeté avec délectation, comme sur une source de ridicule, exploitable ad infinitum, — étaient, selon Rauschning, “soigneusement prémédités” et “destinés à déconcerter son entourage et à le contraindre à capituler” [243]. Hermann Rauschning qui, au moment où il écrivait son livre, apparemment détestait son ancien maître, n’avait aucune raison de détruire, comme il le fait, d’un trait de plume, la légende qui visait à déconsidérer celui-

240. C’est là le sous-titre d’un livre paru après la guerre, sur la carrière du Feldmarschall Rommel.241. La Bhagawad-Gîta, Chant II, verset 31.242. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 34.243. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième Edit. française, p. 84.

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ci aux yeux de plus d’un homme pondéré. Ou plutôt, s’il en avait une, ce ne pouvait être, malgré tout, qu’un reste d’honnêteté intellectuelle.

Quant à Rudolf Hess, la comédie de l’ “amnésie” qu’il a si magistralement jouée au procès de Nuremberg, a trompé les psychiatres les plus avertis. Et le ton “normal”, parfois même enjoué, de ses lettres à son épouse et à son fils [244], — ton qui déconcerte le lecteur, chez un homme plus de trente ans captif, suffirait à prouver sa surhumanité. Seul en effet un initié peut écrire, après trois décades passées en cellule, de la manière légère ; et détachée d’un mari et d’un père en vacance loin de sa famille, pour trois semaines.

Le Führer a, selon toute apparence, dépassé ses maîtres de la Société de Thulé (ou d’ailleurs), et échappé à l’emprise que certains d’entre eux — on ne saura jamais au juste lesquels, — auraient voulu avoir sur lui. Il devait le faire, étant souverain ; étant l’un des visages de Celui-qui-revient.

Et si, brusquement, la guerre a pris un mauvais cours ; si ce qui est pour le moins, troublant, — l’irréparable s’est précisément joué à Stalingrad qui, selon certains, serait le site même de l’antique Asgard, forteresse des Dieux germaniques, c’est sans doute que, pour quelque raison cachée, il devait en être ainsi. Et le jeune Adolf Hitler n’en avait-il pas eu la révélation sous le ciel nocturne, au sommet du Freienberg, aux portes de sa chère ville de Linz, à l’âge de seize ans?

La cause matérielle immédiate, ou plutôt l’occasion du tournant fatal, a dû être non une faute de stratégie de la part du Führer — il est reconnu qu’il ne se trompa jamais dans ce domaine — mais quelque raidissement, aussi soudain que malencontreux, dans son attitude vis à vis de l’adversaire. Siegfried, le surhomme, fit autrefois preuve d’une fierté aussi lourde de conséquences en refusant, pour ne pas avoir l’air de céder à la menace, donc à la peur, de rendre aux Filles du Rhin l’Anneau qui leur appartenait de droit. Ce geste eût sauvé Asgard et les Dieux. Le refus du héros en précipita l’effondrement. Le nouveau Siegfried, sans doute, lui aussi, pour ne pas paraître “faible”, bien qu’aucun défi ne lui eût été lancé, a refusé d’exploiter, comme il l’aurait certainement pu, la bonne volonté de ces populations de l’Ukraine, — anti-communistes, aspirant à leur autonomie, — qui avaient d’abord reçu ses soldats en libérateurs.

L’a-t-il fait sciemment, se rendant compte que la perte de la guerre, inscrite dans les astres, de toute éternité, était une catastrophe nécessaire à l’Allemagne et au monde aryen tout entier, que seule l’épreuve du feu pourrait un jour purifier ? Il n’y a que les Dieux qui le sachent. La rapidité avec laquelle l’Allemagne a, dès les premières années de l’après-guerre, mordu à l’appât de la prospérité matérielle sans aucun idéal, montre combien, malgré l’enthousiasme des grands rassemblements nationaux-socialistes, elle n’était qu’incomplètement dégagée de

244. Frau Ilse Hess a publié deux recueils de lettres de son époux prisonnier : “Londres, Nuremberg, Spandau” et “Prisonnier de la Paix”.

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son confortable moralisme humanitaire, et que superficiellement armée contre l’emprise juive, tant “politique” que profonde, c’est-à-dire s’exerçant dans de domaine des valeurs.

Il reste vrai que, dans son célèbre Testament, le Führer fait appel aux Aryens — à tous les Aryens, y compris les non-Allemands — “des siècles à venir”, les exhortant à “garder leur sang pur”, à combattre les doctrines de subversion, en particulier le Communisme, et à demeurer confiants en eux-mêmes et invinciblement attachés à l’idéal aristocratique pour lequel il a lui-même lutté. Le parti national-socialiste peut être dissout ; le nom du Führer peut être proscrit, ses fidèles traqués, forcés au silence, dispersés. Mais l’Hitlérisme, nourri à la Source de la connaissance supra-humaine, ne peut pas mourir.

Il reste vrai, aussi, que les hommes de l’Ahnenerbe n’ont pas tous été, après 1945, pendus comme “criminels de guerre” ou tués à petit feu dans les cachots ou les camps de concentration des vainqueurs. Quelques-uns semblent même avoir joui d’une étrange immunité, comme si un cercle magique les avait entourés et protégés, jusque devant les “juges” des procès de Nüremberg.

La section de l’ “Ahnenerbe” qui s’occupait tout spécialement de doctrines ésotériques avait, dit André Brissaud, “un éminent collaborateur en la personne de Friedrich Hielscher, ami de l’explorateur suédois Sven Hedin, de Karl Haushofer, de Wolfram Sievers, d’Ernst Junger et même de… Martin Buber, philosophe juif” [245] (Pourquoi pas, en effet, si ce Juif avait atteint un haut degré de connaissance dans la “métaphysique pure”, et n’avait aucune activité politique ? D. H. Lawrence n’écrit-il pas quelque part [246] que “les fleurs se recontrent et mêlent leurs couleurs au sommet” ?). André Brissaud “ne sait pas” si Friedrich Hielscher était membre de la Thülegesellschaft. Il le présume. Mais il sait que cet officier supérieur S.S. “joua certainement un grand rôle dans l’activité secrète-ésotérique de l’Ahnenerbe, et eut une grande influence sur son disciple, le Docteur Wolfram Sievers” [247], Standartenführer S.S. et secrétaire général de cet Institut. “Lors du procès de ce dernier à Nuremberg”, continue l’historien de “l’Ordre Noir”, “Friedrich Hielscher, qui ne fut pas poursuivi, vint témoigner d’une curieuse manière : il fit des diversions politiques pour “noyer le poisson” et tint des propos racistes volontairement absurdes, mais ne dit rien de l’Ahnenerbe. Sievers non plus, ne parla pas. Il écouta l’évocation de ses “crimes” avec un apparent détachement et s’entendit condamner à mort avec une indifférence totale. Hielscher obtint des Alliés l’autorisation d’accompagner Sievers à la potence, et c’est avec lui que le condamné dit des prières particulières à un culte dont celui-ci ne parla jamais, ni au cours des interrogatoires, ni au cours de son procès.” [248]

245. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, p. 285.246. Dans “Le Serpent à plumes”.247. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969 ; p. 285.248. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, Edit. 1969, pp. 285-286.

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On peut se demander combien d’anciens S.S. membres comme Hielscher de quelque section de l’ “Ahnenerbe”, — cette gardienne de l’orthodoxie profonde de l’Hitlérisme, c’est-à-dire de la connaissance ésotérique qui en constitue la base, — ont échappé à la vengeance des vainqueurs, et vivent encore aujourd’hui à la surface de notre Terre, peu importe où. Il y en a peut-être en Allemagne même, que l’on côtoie, mais que l’on ne connaît pas, car ils portent le Tarnhelm du divin Siegfried : le casque qui permet au guerrier d’apparaître sous quelque forme qui lui plaise, et même de se rendre invisible. Il serait encore plus intéressant de savoir combien de jeunes de moins de vingt-cinq ans sont déjà affiliés, dans le plus absolu secret, à la fraternité des chevaliers de l’Ordre Noir, dont “l’honneur s’appelle fidélité”, et s’apprêtent, sous la direction des anciens, à en gravir les échelons initiatiques — ou en ont, peut-être, gravi les premiers.

Aucun livre comme celui d’André Brissaud, ou de René Alleau, ou de qui que ce soit, ne fournira jamais, sur ce point-là, aux curieux, une information dont ils n’ont que faire et qui, une fois en leur possession, risquerait tôt ou tard de s’ébruiter à travers d’irresponsables bavardages. Pour les vrais disciples du Führer, que ceux-ci l’aient ou non rencontré dans le monde visible, l’existence d’un tel réseau ultra-secret, pan-européen, voire pan-aryen, ne fait plus aucun doute. La raison d’être de cette fraternité invisible et silencieuse est précisément de conserver le noyau de connaissance traditionnelle — plus qu’humaine — sur lequel est centré l’Hitlérisme, et qui en assure la pérennité. Les Hitlériens sincères, mais encore sans expérience de l’initiation, y viendront si les maîtres, gardiens de la foi, les en jugent dignes. Mais alors, ils ne parleront pas plus que Friedrich Hielscher ou Wolfram Sievers, ou tant d’autres. “Celui qui parle ne sait pas ; celui qui sait ne parle pas”, disait Lao-Tsé, dont la sagesse demeure intangible et entière, même si son pays — la très vieille Chine — l’a aujourd’hui rejetée.

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X I

L’IRREmEDIAbLE DECADENCE

« Non plus géant, semblable aux Esprits, fier et libre,Et toujours indompté, sinon victorieux ;

Mais servile, rampant, rusé lâche, envieux,Chair glacée où plus rien ne fermente et ne vibre,L’homme pullulera de nouveau sous les cieux. »

Leconte de Lisle, (‘‘Qaïn’’ ; Poèmes Barbares.)

« Un air impur étreint le globe dépouilléDes bois qui l’abritaient de leur manteau sublime ;Les monts sous des pieds vils ont abaissé leur cime ;

Le sein mystérieux de la mer est souillé. »

Leconte de Lisle (‘‘L’Anathème’’ ; Poèmes Barbares.)

La pérennité de l’Hitlérisme en tant qu’expression de la Tradition éternelle, plus qu’humaine, — et en particulier de la forme germanique de cette Tradition — adaptée à notre époque, ne signifie, toutefois, nullement la résurgence, dans un avenir plus ou moins proche, de la nouvelle civilisation qui était en train de prendre corps, dans le cadre du Troisième Reich.

Comme j’ai essayé de le montrer dans une autre étude [249], tous les chefs religieux ou politiques (ou les deux), dont l’action s’exerce contre la décadence, contre les fausses valeurs inséparables de la puérile surestimation de “l’homme”, échouent, à la longue, même quand ils paraissent réussir — car la décadence est le sens même du Temps, contre lequel nul ne saurait, au cours d’un cycle, s’ériger victorieusement pour toujours. Malgré tout, il en est qui parviennent à mettre sur pied une civilisation se rattachant, par ses principes de base, à quelque forme particulière de la Tradition. Ils y parviennent au prix de certains compromis indispensables sur le plan exotérique, lesquels leur assurent la ferveur permanente des foules, conséquence du succès spectaculaire. Une législation

249. Dans “The Lightning and the Sun”, livre achevé au début de 1956, et publié à Calcu-tta en 1958.

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basée sur leur enseignement régit encore des États, sinon des continents, des siècles après leur mort. Et bien que leur œuvre s’effrite et se désagrège d’autant plus vite qu’ils sont, eux, plus tard-venus dans la succession des promoteurs de “redressements” ; bien que, s’ils pouvaient “revenir”, ils reconnaîtraient à peine leur création dans ce que sont devenues, au cours du Temps, les civilisations qu’ils avaient fondées, ils ont laissé quelque chose de visible ; quelque chose de pitoyablement sclérosé — parfois même, de dégénéré, — mais au moins, d’historiquement important.

Mais il en est d’autres, dont la création contre les tendances directives de leur temps prend fin avec eux. Cela arrive quand les chefs inspirés refusent ces compromis qui, de plus en plus à mesure que les âges se suivent, sont la condition sine qua non du succès en ce monde. Mais cela arrive aussi toutes les fois que de tels chefs vivent et agissent à une époque “condamnée”, c’est-à-dire à une époque où aucun “redressement” de quelqu’envergure (et de quelque durée) n’est plus possible, — et cela, quelle que puisse être la valeur et l’habileté de celui ou de ceux qui en prennent l’initiative. Seul alors Kalki, — le dernier des avatars de Viçnou, — ou de quelque nom que les hommes qui se rattachent aux diverses expressions de la Tradition unique, se plaisent à l’appeler, — est assuré du “succès” dans un combat à contre-courant du Temps. Et ce succès sera alors total, ne consistant en rien moins qu’en ce retournement absolu des valeurs qui caractérise la fin d’un monde et la naissance d’un monde inconnu et très longtemps impensable. Accompagné de destructions sans précédent, il signifiera la fin du présent cycle, — la fin de l’Age Sombre, dont rien de bon ne pouvait plus jaillir ; la fin de cette humanité maudite, et l’apparition de conditions de vie et de moyens d’expression semblables à ceux de chaque Age d’Or.

Les chefs qui ont mené, ou qui mèneront, quelque phase de l’éternelle lutte “contre le Temps” après le point-limite où un dernier grand redressement aurait encore été possible, après ce que Virgil Ghéorghiou nomme “la Vingt-cinquième heure”, — n’ont pu et ne pourront rien laisser derrière eux dans ce monde visible et tangible, à part une poignée de disciples clandestins. Et ceux-ci n’ont, et n’auront, rien à attendre — sinon la venue de Kalki ; ou du Soashyant des Mazdéens, du Bouddha Maitreya des Bouddhistes, du Christ glorieux et combattant tel que l’attendent les Chrétiens lors de sa “Seconde Présence” [250] ; du Mahdi des Mahométans ; de l’immortel Empereur des Germains, resurgi en armes de son énigmatique Caverne, à la tête des Chevaliers justiciers. Celui qui revient pour la dernière fois au cours de notre cycle, porte bien des noms. Mais Il est le Même, sous chacun d’eux.

Or, on Le reconnaît à son action, c’est-à-dire a sa victoire sur toute la ligne, suivie de l’aurore éblouissante du cycle suivant : du nouveau Satya Yuga, ou Age de Vérité.

250. La “Deutéra Parousia” dont parle l’Église grecque orthodoxe.

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La défaite dans ce monde d’un Chef qui a combattu contre la décadence universelle, donc contre le sens même du Temps, suffit à prouver que ce Chef, quelque grand qu’il ait été, n’était pas Lui. Il pouvait certes bien être Lui quant à son essence : le Sauveur éternel, non de “l’homme”, mais de la Vie, “revient” d’innombrables fois. Mais il n’était certainement pas Lui, sous la forme ultime sous laquelle Il doit réapparaître à la fin de tout cycle. Adolf Hitler n’était pas Kalki — bien qu’il ait été, de même, essentiellement parlant, que l’antique Rama Chandra ; ou que le Krishna historique, ou que Siegfried, ou que le Prophète Mahomet, le Chef d’une vraie “guerre sainte” (c’est-à-dire d’un combat incessant contre les Forces de désintégration ; contre les Forces de l’abîme). Il était, comme tout grand Combattant contre le courant du Temps, un Précurseur de Kalki. Il était, toujours quant à son essence, l’Empereur de la Caverne. Avec lui, celui-ci est réapparu, intensément éveillé, et en armes, comme il était réapparu déjà sous la figure de divers grands chefs allemands, en particulier de Frédéric II de Prusse, qu’Adolf Hitler vénérait tant. Mais ce n’était pas là sa dernière et définitive réapparition en ce cycle.

Dans un cas comme dans l’autre, il s’était éveillé à l’écho de la détresse de son peuple. Emporté par l’enthousiasme de l’action, il s’était, avec ses fidèles barons, élancé quelques pas hors de la Caverne. Puis, il tétait rentré dans l’ombre, les Corbeaux omniscients lui ayant dit que ce n’était, en dépit de signes impressionnants, “pas encore l’heure”. Frédéric Il fonda les Loges Vieilles Prussiennes, grâce auxquelles la vérité plus qu’humaine devait, après lui, continuer d’être transmise à quelques générations d’initiés. Adolf Hitler laissa son admirable Testament, dans lequel il exhorte, lui aussi, les meilleurs, à garder leur sang pur, â résister à l’envahissement de l’erreur et du mensonge, — de la contre-Tradition, et à attendre.

Il savait que la “vingt-cinquième heure” avait sonné, — et depuis longtemps. Il avait eu, à seize ans, comme je l’ai rappelé, la vision anticipée de son propre combat, matériellement inutile, mais malgré tout nécessaire.

En tant qu’Allemand, en tant qu’Aryen, en tant qu’homme conscient de l’excellence de la race aryenne indépendamment du fait qu’il en était lui-même partie intégrante, il voulait ardemment vaincre le monde coalisé contre lui et contre son peuple. Il tendait de toutes ses forces, de tout son génie, vers l’édification d’une société supérieure durable, reflet visible de l’ordre cosmique ; vers le Reich de ses rêves. Et y tendait contre tout espoir, contre toute raison, dans un effort démesuré pour arrêter à tout prix le nivellement, l’abêtissement, l’enlaidissement de la variété d’hommes la plus belle et la plus douée ; pour prévenir et empêcher à tout jamais sa réduction à l’état de masse sans race et sans caractère. Et il luttait, avec toutes l’amertume d’un artiste, contre la destruction éhontée du milieu naturel vivant et beau, en laquelle il voyait, à juste titre, un signe de plus en plus patent de la victoire imminente des Forces de désintégration. Sa confiance, irrationnelle en un salut in extrémis, grâce à

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“l’arme secrète” ; son attente fébrile, sous Berlin en flammes, de l’entrée en action de “l’armée du général Wenck”, qui depuis longtemps n’existait plus, rappellent, en dramatique absurdité, quoiqu’en puissent penser les Chrétiens, l’attitude du Christ à Gethsémani, — priant pour que s’éloignât de ses lèvres le calice de souffrance qu’il était cependant venu boire jusqu’à la lie.

Adolf Hitler — et cela d’autant plus qu’il était, lui, un combattant contre le Temps, dont le royaume, s’il appartenait à l’éternel, était aussi “de ce monde” — s’est cramponné jusqu’à la fin à l’illusion d’une victoire totale et, malgré tout, d’un redressement immédiat. Il s’y est cramponné, je le répète en tant qu’Allemand et en tant qu’homme. En tant qu’initié, il savait que ce n’était là qu’une illusion ; qu’il était “trop tard” — déjà en 1920. Il l’avait vu, en cette nuit extraordinaire au sommet du Freienberg, en 1905. Et les vrais Chefs de l’ “Ordre Noir”, — en particulier ceux de l’Ahnenerbe, instruits comme lui de l’inévitable, conscients comme lui de la fatalité du cycle proche de sa fin, — préparaient, déjà avant 1945, la survie clandestine de l’essentiel, au-delà de l’effondrement de l’Allemagne nationale-socialiste.

Et nous qui les suivons et le suivons, savons aussi qu’il n’y aura jamais de civilisation hitlérienne.

“Non, vous n’espérez plus de nous revoir encor,Sacrés murs que n’a pu conserver mon Hector.”

Je me souviens de ces vers que Racine met dans la bouche d’Andromaque, dans la scène IV du premier acte de sa tragédie de ce nom. Et je songe que les grandioses défilés au rythme du Horst Wessel Lied, sous les plis de l’étendard rouge, blanc et noir, à Croix gammée, et toute cette gloire que fut le Troisième Reich allemand, noyau d’un Empire pan-aryen, sont aussi irrévocablement passés que les fastes de la prestigieuse Troie ; aussi “passés” et aussi immortels, car un jour la Légende les recréera, quand la poésie épique sera de nouveau une nécessité collective.

Celui qui revient d’âge en âge, à la fois destructeur et conservateur, fera de nouveau son apparition tout à la fin de votre cycle, afin d’ouvrir aux meilleurs l’Age d’Or du cycle suivant. Comme je l’ai rappelé au cours de ces pages, Adolf Hitler L’attendait. Il disait à Hans Grimm, en 1928 : “Je sais que je ne suis pas Celui qui doit venir,” — c’est-à-dire le dernier, et le seul pleinement victorieux des Hommes contre le Temps, de notre cycle. “Je me charge seulement de la tâche de préparation la plus urgente (die dringlichste Vorarbeit), car nul n’est là pour s’en charger”. [251]

Un incommensurablement plus dur que lui accomplira la tâche finale — la tâche de redressement — sur les débris d’une humanité qui s’est cru tout permis

251. Cité plus haut, p. 210.

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parce que douée d’un cerveau capable de calculs, et qui a largement mérité sa déchéance et sa perte.

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Que veut dire l’impossibilité irrévocable de “redressement”, eu sens où un fervent de la théorie cyclique de l’Histoire — tel, aux Indes, le premier venu des Hindous orthodoxes, tel, en Occident, un René Guénon, ou un Evola, — entendrait ce mot ?

Cela veut dire — et c’est là presqu’une “lapalissade” — la continuation de la marche des événements et des courants de pensée, et de l’évolution du monde humain et non-humain, telle que nous la connaissons depuis qu’il existe une histoire, c’est-à-dire, depuis qu’à l’aide de vestiges et de documents, nous sommes en mesure de nous faire une idée, aussi peu arbitraire que possible, du passé.

Nous ne pouvons guère remonter au-delà de quelques millénaires si nous voulons nous en tenir à l’histoire proprement dite, c’est-à-dire à un passé humain plus ou moins explicable. Nous sommes tout juste capables de jeter un regard quelques dizaines de millénaires en arrière, en partant d’objets d’art, mystérieusement conservés, dont nous ne connaissons ni la signification ni l’usage, mais dont nous admirons néanmoins l’évidente perfection.

J’ai vu, il y a quelques années, au petit musée du château de Foix, une statuette de silex d’un tel modelé, et d’une telle expression, qu’aucun des chefs-d’oeuvre de Tanagra ne la surpasse en beauté. Le sculpteur anonyme qui a laissé cette merveille, vivait, me dit le guide, “il y a quelque trente mille ans”. Qu’a-t-il voulu faire en passant sans doute plusieurs années de sa vie à donner une âme à cet insignifiant fragment de la pierre la plus dure qui soit ? A-t-il voulu représenter une divinité : — créer une forme concrète qui l’aide, lui et d’autres, à la concentration de l’esprit, premier pas vers la “réalisation” de l’Impensable ? A-t-il voulu immortaliser un visage aimé ? Attirer en un point des forces éparses — et lesquelles ? — dans un but défini — et lequel ? Seuls les hommes qui vivent réellement “dans l’éternel” et qui peuvent, à travers un objet créé, entrer en contact effectif avec son créateur, toujours présent pour eux, pourraient le dire. Je ne le puis pas. Mais je sais l’impression profonde que cette statuette m’a laissée : l’impression d’un monde interdit, séparé du nôtre par quelque voile impénétrable, et d’une qualité très supérieure à celle du nôtre ; d’un monde où “l’homme moyen” — le simple artisan — était combien plus près de la Réalité cachée que les plus grands de nos artistes relativement récents (sans parler, bien entendu, de tous les producteurs d’ “art moderne” !)

Trente mille ans ! Dans la perpétuité sans commencement ni fin, c’était hier. Certains archéologues, dont je ne puis, dans mon ignorance, juger l’exactitude

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ou l’erreur des évaluations, attribuent dix fois cet âge aux énigmatiques blocs taillés et sculptés de Tiahuanaco. En admettant qu’ils disent vrai, ou qu’ils ne se trompent que de quelques millénaires, c’était encore hier. Il est, au-delà d’un certain éloignement, difficile de distinguer, dans le passé, des différences. Cela s’applique déjà à cette très courte période que représente une vie humaine. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, mes plus anciens souvenirs clairs se rapportent au temps où j’avais entre un an et demi et deux ans. Je revois très bien, avec ses meubles, l’appartement que mes parents habitaient à cette époque. Je revis aisément l’impression que me faisaient certains bibelots, et plusieurs épisodes connectés avec la voiture d’enfant dans laquelle ma mère me promenait. Mais ces souvenirs, qui remontent, disons, à 1907, me paraissent à peine plus anciens que celui du premier film, “Quo vadis ?”, que j’ai vu — en Avril 1912, puisqu’il était précédé d”actualités” dont l’une, la plus importante et la seule que ma mémoire ait retenue, n’était autre que le fameux naufrage du “Titanic”. Si je devais vivre plusieurs siècles, je mettrais sans doute “sur le même plan” les souvenirs se rapportant à ma dixième et à ma cinquantième année, (à la manière dont l’Egypte “pré-dynastique” et celle du Pharaon Tjeser [252], me paraissent, dans le brouillard du temps, presque contemporaines).

Tout ce que je puis dire des bornes plus ou moins lointaines que les savants, spécialistes de la préhistoire, découvrent le long du chemin parcouru par des hommes créateurs, — nous ne savons même pas lesquels — c’est qu’elles évoquent toutes un passé qui, en tout ce qui pour moi compte, et en particulier en beauté, surpasse étrangement le présent que je vois autour de moi.

On m’a enseigné, comme à tout le monde, que l’homme préhistorique était “un barbare”, dont j’aurais peur si, telle que je suis, je me retrouvais, par l’effet de quelque miracle, en sa présence. J’en doute fort, quand je pense à la perfection des crânes de la “race de Cro-Magnon”, de capacité supérieure à ceux des plus beaux et des plus intelligents hommes d’aujourd’hui. J’en doute quand je me remémore les extraordinaires fresques de Lascaux ou d’Altamira, — la rigueur du dessin, la fraîcheur et l’harmonieux assemblage des couleurs, l’irrésistible suggestion du mouvement, — et surtout quand je les compare à ces peintures décadentes, sans contours, et qui plus est, sans relation aucune avec la saine réalité visible ou invisible, que les autorités culturelles du Troisième Reich jugeaient (avec raison) propres à meubler le “musée des horreurs”. J’en doute quand je me souviens qu’on n’a trouvé dans ces grottes, et dans bien d’autres, aucune trace de noircissement de la pierre dû à une quelconque fumée.

Cela porterait à croire que les artistes d’il y a douze mille ans, — ou plus [253] — ne travaillaient ni à la lumière de torches ni à celle de lampes à mèche. Quel éclairage artificiel connaissaient-ils donc, qui leur permît de décorer les

252. “The great king of the IIIrd Dynasty” (H. R. Hall ; “Ancient History of the Near East”, 9éme Edit.).253. Les peintures des grottes de Lascaux datent du “magdalénien moyen.” (Larousse).

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parois de grottes aussi obscures que des oubliettes ? Ou possédaient-ils sur nous et sur nos prédécesseurs des grandes époques d’art, cette supériorité physique de pouvoir voir dans les ténèbres les plus épaisses, au point de s’y diriger à loisir et d’y travailler sans éclairage ? S’il en était ainsi, — comme certains (à tort ou à raison ?) l’ont supposé, — la réaction normale d’un esprit épris de perfection, en face de ces représentants de la pré-histoire tout au moins, devrait être non pas une angoisse rétrospective, mais une admiration sans réserves.

Remonter au-delà de toute époque à laquelle ont sûrement vécu des hommes créateurs d’art et de symboles, serait prendre position dans la vieille controverse des origines biologiques de l’homme. Le peut-on, sans entrer dans le domaine de la pure hypothèse ? Peut-on voir, dans les vestiges classifiables d’un passé d’un million d’années et plus, des “preuves” d’une quelconque filiation corporelle entre certains primates d’espèces éteintes et “l’homme”, — ou certaines races d’hommes, — comme l’a fait R. Ardrey sur la base des observations d’un nombre impressionnant de paléontologues ? L’assomption que certains primates “hominides” d’espèces éteintes, ou même vivantes, seraient plutôt des spécimens de très vieilles races humaines dégénérées, n’expliquerait-elle pas tout aussi bien, sinon mieux, les données de l’expérience ? Les hommes des races très inférieures actuelles, qu’on appelle à tort des “primitifs”, sont, au contraire, les restes sclérosés de civilisés qui, dans la nuit des âges, ont perdu tout contact avec la source vive de leur ancienne sagesse. Ils sont ce que la majorité des “civilisés” d’aujourd’hui pourraient bien devenir, si notre cycle durait assez pour leur en laisser le temps. Pourquoi les primates “hominides” ne seraient-ils pas, eux aussi, des restes d’hommes, survivants déchus de cycles révolus, plutôt que des représentants de races humaines “en gestation” ? N’étant moi-même ni paléontologue ni biologiste, je préfère demeurer en dehors de ces discussions auxquelles je ne pourrais apporter aucun nouvel argument valable. L’esprit scientifique interdit de parler de ce qu’on ne sait pas.

Je ne sais, à vrai dire, ni l’âge des ruines de Tiahuanaco ou de Machou-Pichou — ni le secret du transport et de l’érection de monolithes de centaines de tonnes ; ni celui de la peinture — et de quelle peinture ! — sans torches et sans lampes, dans des grottes où il fait aussi noir que dans un four, ou un cachot du Moyen-Age. Mais je sais que les êtres humains qui ont peint ces fresques, dressé ces blocs, gravé dans la pierre le calendrier plus complexe et plus précis que le nôtre, d’après lequel on a voulu donner une date approximative à la civilisation de Tiahuanaco, étaient supérieurs aux hommes que je vois autour de moi, même à ces camarades de combat, devant qui je me sens si petite.

Ils leur étaient supérieurs, non certes quant à la capacité, que partagent tous les modernes, d’obtenir des résultats immédiats, à volonté, rien qu’en appuyant sur des boutons, mais quant à celle de voir, d’entendre, de sentir, de connaître directement, et le monde visible, proche ou éloigné, et le monde invisible des Essences. Ils étaient plus près que nous, et que les plus remarquables

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de nos prédécesseurs des civilisations “historiques” les plus parfaites, de cet état édénique, dont toutes les formes de la Tradition font, au début des temps, un privilège de l’homme non encore déchu. S’ils n’étaient pas, — ou n’étaient plus — tous des sages, il vivait au moins, parmi eux, proportionnellement beaucoup plus d’initiés même que dans notre plus lointaine Antiquité, plus ou moins datable.

Mais ce n’est pas tout. Le monde visible autour d’eux était infiniment plus beau que celui qui s’étale aujourd’hui — ou s’étalait déjà hier et avant-hier, — dans le voisinage des agglomérations humaines. Il était plus beau parce qu’il y avait alors peu d’hommes, et beaucoup de bêtes, et d’arbres, et d’immenses espaces inviolés.

Il n’y a pas de pire ennemi de la beauté du monde que le pullulement illimité de l’homme. Il n’y a pas de pire ennemi de la qualité de l’homme lui-même que ce pullulement : il faut — on ne saurait trop le répéter, — choisir entre “quantité” et “qualité”. L’histoire de notre cycle est — comme celle de tout cycle — l’histoire d’un combat indéfiniment prolongé entre la qualité et la quantité, jusqu’à la victoire de cette dernière : victoire complète, mais très courte, puisqu’elle coïncide forcément avec la fin du cycle, et la venue du Vengeur, que j’ai appelé de son nom sanscrit : Kalki.

Si je dis que la tentative héroïque, mais pratiquement inutile, de “redressement”, que représente l’Hitlérisme, est la dernière, — celle au-delà de laquelle tout effort de quelque magnitude, à contre-courant du Temps, est voué à l’échec immédiat — c’est que je ne connais, dans le monde actuel, aucune force capable d’arrêter la décadence universelle, en particulier de réduire impitoyablement le nombre des hommes tout en rehaussant la qualité des survivants ; aucune, c’est-à-dire, en dehors de celle du seul champion des Puissances de Lumière et de Vie, pleinement victorieux : Kalki. Malgré tous les moyens et tout le prestige dont il disposait, Adolf Hitler n’a pas pu créer, — recréer — les conditions qui étaient et demeurent indispensables à l’éclosion d’un Age d’Or. Il n’a pu ni supprimer la technique, ni réduire dans le monde entier le nombre des hommes à quelque chose de l’ordre d’un millième de ce qu’il est, c’est-à-dire, pratiquement à ce qu’il devait être durant les siècles qui ont précédé notre Age Sombre.

Il est possible et même probable que, victorieux, il eût tenté de le faire, graduellement. Encore aurait-il fallu que sa victoire fût complète, et à l’échelle non seulement européenne, mais mondiale ; et qu’il n’y eût pas eu sur terre de puissance rivale de la sienne et capable de contrecarrer son œuvre. Mais alors, il aurait été Kalki Lui-même, et nous vivrions aujourd’hui à l’aurore d’un nouveau cycle. En fait, il avait besoin c e la technique, et au moins d’une population allemande de plus en plus nombreuse, pour mener, dans les conditions actuelles, son combat à contre-courant du Temps. Si, comme plusieurs de ses grands prédécesseurs qui ont laissé derrière eux des civilisations nouvelles, il avait, sur

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le plan matériel, partiellement réussi, son œuvre, du seul fait qu’elle se serait insérée dans une époque si proche de la fin du cycle, aurait à peine duré. Tout laisse supposer qu’elle se serait détériorée en quelques années, étant donnés l’égoïsme sordide et la stupidité de l’immense majorité de nos contemporains, même des meilleures races. Le cuisinier le plus habile ne peut préparer une omelette appétissante et saine avec des œufs pourris. Si atroce que celle-ci puisse nous paraître, avec ses conséquences immédiates et lointaines, mieux valait encore la défaite militaire de 1945, que la dégénérescence galopante d’une civilisation hitlérienne apparue trop tard : après la clôture définitive de l’ère des redressements possibles, même éphémères !

Il y a, jusque dans l’effondrement du Troisième Reich allemand, jusque dans l’horreur des derniers jours du Führer et de ses ultimes fidèles dans le Bunker de la Chancellerie, sous le brasier qu’était devenu Berlin, une grandeur digne des tragédies d’Eschyle ou de la Tétralogie wagnérienne. Le combat sans espoir et sans faiblesse du héros surhumain contre l’inflexible Destin, — le sien, et celui du monde ; — s’est rejoué là, sans doute pour la dernière fois. La prochaine fois, ce ne seront ni des géants ni des demi-dieux, mais de misérables nains qui subiront la destruction inévitable : — des milliards de nains, d’une laideur banale, sans caractère, qui disparaîtront devant le Vengeur comme une fourmilière anéantie par une coulée de lave. De toute façon, et que nous devions ou non survivre à l’enfantement douloureux du nouveau cycle, nous ne serons pas parmi ces nains. L’épreuve de 1945 et surtout des années d’après guerre, — l’épreuve, victorieusement surmontée, de la prospérité tentatrice, — aura fait de nous, les quelques-uns, ce que nous sommes et restons. Et dans le rugissement de puissance déchaînée qui marquera la fin de tout ce que nous méprisons si cordialement, nous saluerons avec un frisson d’extase la Voix de la vengeance divine, dont le triomphe sera le nôtre, même si nous devons périr.

Mieux cela, cent fois, que la participation à la dégénérescence universelle sous un titre glorieux, mais de plus en plus vide de toute signification ! — ce qui aurait indubitablement été notre lot, si le Reich victorieux avait survécu à la “vingt-cinquième heure”.

ç

Que reste-t-il donc à faire à ceux qui vivent maintenant, dévoués corps et âme à notre idéal de perfection visible (et invisible) sur tous les plans ? A l’échelle mondiale, ou même nationale, strictement rien. Il est trop tard. La “vingt-cinquième heure” a sonné, voilà trop longtemps.

A l’échelle individuelle, ou au moins “restreinte”, il reste à préserver, dans la mesure où cela est encore en notre pouvoir, la beauté du monde : — humaine, animale, végétale, inanimée ; toute beauté ; — à veiller obstinément et efficacement auprès des minorités d’élite, prêts à les défendre à tout prix — toutes les nobles

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minorités, qu’il s’agisse de celle des Aryens d’Europe, d’Asie ou d’Amérique, conscients de l’excellence de leur race commune, ou de celle des splendides grands félins menacés d’extinction, ou de celle des nobles arbres menacés de l’atroce déracinement au bulldozer, en vue de l’installation sur leur sol nourricier, de multitudes envahissantes de mammifères à deux pattes, moins beaux et moins innocents qu’eux. Il reste à veiller et à résister ; et à aider toute belle minorité attaquée par les agents du chaos ; à résister, même si cela ne doit retarder que de quelques décades la disparition des derniers aristocrates, hommes, animaux ou arbres. Il n’y a rien autre que l’on puisse faire, sinon, peut-être, maudire en son cœur, jour et nuit, l’humanité actuelle (à de très rares exceptions près), et travailler de tous ses efforts à son anéantissement. Il n’y a rien à faire, sinon à se rendre responsable de la fin de ce cycle, au moins en la souhaitant sans cesse, sachant que la pensée, — et surtout la pensée dirigée — est, elle aussi, une force, et que l’invisible régit le visible.

Toi qui es des nôtres, — fils et père des Forts et des Beaux, — regarde autour de toi sans préjugés et sans passion, et dis ce que tu vois ! D’un bout à l’autre de la Terre, les Forts reculent devant les faibles armés de malice ingénieuse ; les Beaux, devant les malingres, les difformes, les laids, armés de tromperie ; les sains, devant les malades armés de recettes de combat arrachées aux démons, avec qui ils ont pactisé. Les géants cèdent le pas aux nains détenteurs de puissance divine usurpée au moyen de recherches sacrilèges. Tout cela, tu le vois, plus clairement que jamais, depuis le désastre de 1945.

Mais ne crois pas que cela date de 1945. Certes non ! L’effondrement du Troisième Reich allemand et la persécution de la Religion des Forts, qui sévit depuis lors avec plus d’acharnement que jamais, ne sont que la conséquence d’une lutte désespérée, aussi vieille que la chute de l’homme et la fin de l’ “Age de Vérité”. Ce sont les phases récentes d’une graduelle et inexorable perte de terrain, qui dure depuis des millénaires, et n’est que plus apparente depuis notre effort infructueux en vue d’y faire obstacle.

Considère les arbres. Parmi les Forts, ce sont eux les plus anciens. Ce sont nos frères aimés : les vieux rois de la Création. Pendant des millions d’années, ils ont seuls possédé la Terre. Et comme la Terre devait être belle, au temps où, à part quelques insectes géants, et la vie naissante au sein des océans, elle ne nourrissait qu’eux !

Les Dieux savent quel enthousiasme m’a saisie, lors de mon retour en Allemagne en 1953, à la vue des industries ressuscitées du bassin de la Ruhr ! En chaque nuage de peroxyde d’azote qui déferlait en volutes ardentes des cheminées d’usines reconstruites, je saluais un nouveau et victorieux défi à l’infâme plan Morgenthau. Et cependant… une image me hante et me fascine : celle du bassin de la Ruhr à l’époque où la future houille qui, avec le fer, en fait aujourd’hui la richesse, existait “en puissance” sous la forme de forêts sans fin de fougères arborescentes. Je crois les voir, ces fougères de cinquante mètres

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de haut, serrées à l’infini les unes contre les autres, rivalisant de force dans leur poussée vers la lumière et le soleil. Il faisait nuit entre leurs fûts innombrables, tant le plafond, toujours vert, de leurs feuilles enchevêtrées, était épais : une nuit humide, lourde des vapeurs qui s’élevaient de la vase chaude et noirâtre, dans laquelle plongeaient leurs racines ; une nuit que le vent, soufflant à travers les gigantesques frondaisons, emplissait d’un harmonieux gémissement, ou que les pluies torrentielles emplissaient de vacarme. Partout où se trouvent aujourd’hui des houillères s’étendaient alors de telles forêts.

Mais il y a, à mes yeux, une image plus nostalgique encore. C’est celle de la forêt aux essences multiples, peuplée d’oiseaux bariolés, de reptiles magnifiquement marqués de brun, de jaune pâle, d’ambre et d’ébène, et de mammifères de toute espèce — en particulier de félins : les plus beaux parmi les êtres vivants — forêt des centaines de millénaires qui ont précédé l’apparition de l’homme sur notre planète, et forêt du temps où l’homme, peu nombreux, n’était pas encore la bête nuisible qu’il est devenu depuis. Le domaine des arbres s’étendait alors à peu près partout. Et c’était aussi le domaine des animaux. Il englobait celui des plus anciennes civilisations, qui étaient également les plus belles. Et l’homme, à qui le rêve de “dominer la Nature” et d’en renverser à son profit l’équilibre, aurait alors paru absurde et sacrilège, trouvait normale son infériorité numérique. Dans une de ses plus suggestives évocations poétiques de l’Inde antique, Leconte de Lisle fait dire à un de ses personnages :

“Je connais des sentiers étroits, mystérieux,Qui conduisent du fleuve aux montagnes prochaines .Les grands tigres rayés y rôdent par centaines…” [254]

Dans les forêts chaudes et humides des bords du Gange (ou du Mékong), c’étaient les tigres, les léopards et lés éléphants. Dans le nord de l’Asie et de l’Europe, c’étaient les aurochs et les loups, par milliers, par millions. Les premiers chasseurs, — les premiers pâtres, rivaux des prédateurs à quatre pattes — en tuaient certes quelques-uns, dans le but de garder pour eux seuls la chair des troupeaux domestiqués. Mais de la forêt sans limites, en sortaient d’autres. L’équilibre naturel entre les espèces n’était pas encore rompu, et ne devait pas l’être de longtemps. Il nie le fut que du jour où la forêt, — ou la savane — a définitivement reculé devant l’homme ; où la “civilisation” a empiété sur elle sans arrêt.

Pendant des siècles, toutefois, celle-ci était destinée à demeurer confinée à des régions fort restreintes. Dans l’Antiquité, aussi bien en Egypte qu’en Assyrie, ou en Mésopotamie, en Syrie, en Afrique du Nord, et jusqu’en Europe du Sud, on rencontrait des lions à quelques kilomètres des villes. Tous les récits des Anciens, depuis ceux que rapporte la Bible jusqu’à celui des aventures d’Androclès (combien récentes, en comparaison !) en font foi. On chassait ces fauves, hélas !

254. Leconte de Lisle, “Çunacépa” ; Poèmes Antiques.

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Et de cela aussi les témoignages, écrits ou sculptés, font abondamment état. Personnellement, j’ai toujours, — moi, l’amie des félins, — été outrée à la lecture de l’inscription qui relate le succès du jeune Amenhotep III, censé avoir, en une seule battue, tué “cent quatre” de ces royales bêtes. Et les célèbres bas-reliefs du Musée d’Oxford qui, avec ce réalisme, effrayant, dont l’art assyrien possède au plus haut degré le secret, représentent Assur-nasir-pal et sa suite entrain de transpercer de flèches toute une armée de lions, — dont quelques uns, — les reins brisés, se tordent, et semblent littéralement hurler de douleur, — ne m’inspirent rien moins qu’une ardente haine de l’homme.

Et cependant… je dois admettre que, pas plus à l’aube du quatorzième siècle qu’au cours du neuvième avant l’ère chrétienne, ce primate n’était encore devenu, à l’échelle où il allait bientôt l’être, le fléau du monde vivant. Il chassait, il est vrai, de même que d’autres prédateurs. Et il possédait la flèche, qui frappe de loin, au lieu de l’honnête griffe et de la dent, qui n’atteignent que de près. Mais il n’exterminait pas des espèces entières, comme il était destiné à le faire plus tard, et comme ne l’a fait aucune autre bête de proie. La forêt, la savane sans fin, le désert — l’espace qu’il ne pouvait occuper tout entier, et dans lequel il n’était même pas en mesure de faire sentir sa présence d’une façon plus ou moins permanente, — demeuraient le domaine libre sinon inviolé, de la vie non-humaine. Aucune civilisation n’avait encore accaparé au profit de “l’homme” tout le territoire sur lequel elle florissait. L’Egypte elle-même, — dont le peuple était, de loin, le plus prolifique de l’Antiquité, gardait, outre ses luxuriantes palmeraies, sa faune de lions, de crocodiles et d’hippopotames. Et, qui plus est, grâce à ses représentations thériomorphiques de la Divinité, et grâce surtout au pieux amour dont elle entourait certaines bêtes, — tels les innombrables chats, nourris et choyés par les prêtresses de le Déesse Bastet [255] — elle maintenait avec cette faune un lien d’un ordre plus subtil et plus fort, comparable à celui qui existe, aujourd’hui encore, entre l’Hindou et la Vache, certains singes et certains serpents, entre autres animaux symboliques.

Il aurait semblé à un observateur superficiel que, malgré les chasses, malgré les sacrifices, malgré le vaste usage du bois dans la construction des maisons comme des navires, les espèces animales et les essences sylvaines pouvaient compter sur un avenir indéfiniment prospère.

Toutefois, déjà à cette époque relativement lointaine, l’homme était devenu “le seul mammifère dont l’accroissement numérique ne cesse pas” [256]. En d’autres termes, l’équilibre qui avait si longtemps été maintenu entre toutes les espèces vivantes, y compris l’homme, était — et cela depuis quelques siècles déjà, — rompu en faveur de ce dernier.

255. Ces chats étaient momifiés après leur mort. On en a trouvé des centaines de mille, dans les nécropoles où ils avaient été déposés.256. ...“der einzige Säuger, der sich in ständiger Vermehrung befindet”, (“Tier”, onzième année, N°. 5, p. 44. Article : “Die Uberbevölkerung droht als nahe Weltkatastrophe”)

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Il est pour le moins curieux de noter que cette expansion, lente encore, peut-être, mais désormais inexorable, du mammifère à deux pattes, commence, selon l’estimation des chercheurs, “autour de quatre mille ans avant l’ère chrétienne” [257], c’est-à-dire, selon la tradition hindoue, quelques siècles avant le début de l’Age Sombre, ou Kali Yuga, dans lequel nous vivons. Il n’y a là rien d’étonnant. Le “Kali yuga” est, par excellence, l’âge de l’universelle et irrémédiable décadence, — ou plutôt, l’âge au cours duquel l’irrémédiable décadence, imperceptible à l’aube du cycle, puis, relativement lente, s’accélère, jusqu’à devenir, à la fin, vertigineuse. C’est l’âge au cours duquel on assiste de plus en plus au renversement des valeurs éternelles dans la vie des peuples, et dans celle de la majorité croissante des individus, et à la persécution, toujours plus acharnée (et plus efficace, hélas !), des êtres qui vivent et veulent continuer de vivre selon ces valeurs de l’élite humaine, — des élites de toutes les civilisations traditionnelles, qui, originellement, sont toujours des élites biologiques, — et du monde animal et végétal tout entier.

C’est l’âge où, contrairement à l’ordre primitif, la quantité a, de plus en plus, préséance sur la qualité ; où l’Aryen digne de ce nom recule devant les masses des races inférieures, de plus en plus nombreuses, compactes, et uniformément barbouillées d’instruction obligatoire. C’est l’âge aussi, où d’autre part, le roi des animaux et, avec lui, tous les aristocrates de la jungle, reculent devant l’homme moyen (et moins que moyen), — moins beau qu’eux, moins fort qu’eux ; décidément plus loin de l’archétype parfait de son espèce, qu’ils ne le sont, eux, de celui de la leur.

Ce n’est pas le triomphe de l’homme au sens où nous entendons ce mot ; de cet “homme-dieu” dont il est parfois question dans certains propos d’Adolf Hitler, tel que Rauschning les a rapportés. Cet homme-là est mort, le plus souvent sous l’uniforme de la S.S. sur tous les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale, ou dans les cachots des vainqueurs de 1945, ou pendu à leurs potences. S’il survit exceptionnellement, — ou si, né après le désastre, il respire parmi nous, orné de jeunesse, — c’est dans la plus stricte clandestinité. Il vit dans un monde qui n’est pas le sien, et qui, il le sait, ne le deviendra jamais, du moins jusqu’au jour où l’Empereur endormi — Celui-qui-revient-d’âge-en-âge, — sortira définitivement de l’ombre où Il attend, et rebâtira le visible à l’image de l’éternel. Jusqu’à ce jour-là le surhomme, ou du moins le candidat à la surhumanité, sait qu’il est et demeurera “le vaincu” : — celui qui n’a de place nulle part ; celui dont l’action reste inutile, si héroïque qu’elle soit.

L’homme qui règne aujourd’hui — le vainqueur de 1945 et, avant lui et avec lui, le vainqueur dans tous les conflits décisifs d’idées d’importance vraiment mondiale, — c’est l’homme-insecte. Innombrable, et de plus en plus uniforme, banal, malgré toutes les contorsions qu’il peut faire, individuellement,

257. Revue “Tier”, onzième année, N°. 5, p. 44. Article : “Die Überbevölkerung droht als nahe Weltkatastrophe”.

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pour se donner l’air “original”, et se croire tel ; irrésistible par la seule poussée de son pullulement sans limites, il prend possession de la terre au dépens de tous les êtres qui ont relativement peu changé, alors qu’il se dégradait, lui, de plus en plus rapidement au cours de ce cycle, et particulièrement au cours de l’Age ténébreux.

Ce sont encore des vers de Leconte de Lisle, — ce nostalgique chanteur de toutes les beautés détruites par l’inexorable marche du Temps, — qui me reviennent à la mémoire quand je pense à “ce vermisseau plus faible que les herbes” [258] de l’antique Forêt, mais fort de la toute-puissance de son intelligence vouée à l’œuvre de désintégration ; — à l’œuvre diabolique (“à rebours” de l’ordre idéal). Le poète s’adresse à la Forêt, qui semblait devoir durer toujours, et lui dit :

“Pareil à un essaim de fourmis en voyage,Qu’on écrase et qu’on brûle, et qui marche toujours,

Les flots t’apporteront le roi des derniers jours ;Le destructeur des bois, l’homme au pâle visage.” [259]

Paroles qui ne sont que trop vraies, avec cette restriction que, si le “Blanc” a en effet été, jusqu’au milieu du vingtième siècle, l’impitoyable destructeur de la forêt, comme de la faune, — le massacreur de quarante millions de bisons en Amérique du Nord ; et celui qui a littéralement vidé l’Afrique du Nord et l’Asie antérieure de leurs lions, et l’Inde de la plupart de ses tigres et de ses léopards, le “Noir”, et le basané de toutes teintes, se sont, avec un sinistre enthousiasme, empressés d’emboîter le pas, et de poursuivre, avec un acharnement de néophytes, la guerre de “l’homme” contre l’arbre et l’animal. Ils se sont mis au service du “Blanc” — pas nécessairement et pas toujours Aryen, — et ont cru ses mensonges, ont accepté son argent, et l’ont secondé dans l’œuvre de destruction. Ils ont tué pour lui les éléphants dont il trafiquait l’ivoire ; chassé ou trappé les grands félins, dont il voulait la magnifique peau. Et, tout pénétrés de l’anthropocentrisme nouvellement appris dans ses écoles, et tout fiers de posséder quelques-unes au moins de ses techniques, ils ont continué la boucherie après qu’il avait, lui, commencé à s’en lasser ; voire après qu’un remord tardif — ou un tardif éveil du sens de son propre intérêt — l’avait incité à “protéger” désormais les espèces menacées d’extinction. C’est toute l’humanité qui est coupable de l’usurpation du sol au dépens de la forêt et de ses anciens habitants ; toute, sauf les quelques individus ou groupes, toujours minoritaires, qui ont protesté là-contre, toute leur vie, et prouvé, par tout ce qu’ils ont dit, écrit ou fait, qu’ils avaient, dans cette guerre aussi odieuse qu’ancienne, et apparemment interminable, nettement pris position pour l’animal et pour l’arbre, contre l’homme, de quelque race qu’il soit.

258. Leconte de Lisle, “La Forêt Vierge” ; Poèmes Barbares.259. Leconte de Lisle, “La Forêt Vierge” ; Poèmes Barbares.

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A la racine de cette usurpation indéfinie il y a, sans doute, la technique, qui est, il faut bien l’avouer, une expression — la plus inférieure, certes, mais une expression quand même, — du génie aryen. Même à l’époque romaine, où les malheureux fauves étaient capturés par centaines et par milliers, pour être envoyés, à plus ou moins brève échéance, à la mort dans les cirques, jamais le massacre de la faune africaine, asiatique (et européenne) [260] n’a atteint les proportions qu’il était destiné à prendre à notre époque, et déjà au siècle dernier, grâce aux méthodes modernes de chasse, et en particulier aux armes à feu.

Mais la technique sous toutes ses formes, y compris celle-ci, ne s’est développée qu’en tant que solution avantageuse — parfois, que seule solution possible — de problèmes de survie de masses d’hommes de plus en plus compactes. Ce n’est qu’au-delà d’une certaine limite numérique que l’homme, de quelque race qu’il soit, devient un fléau pour tout ce qui vit sur la terre qu’il habite, et, s’il est d’une des races inférieures (généralement, hélas, les plus fécondes), un dangereux rival des races les plus nobles — une véritable peste, à tous les points de vue.

En même temps que le passage du poème cité plus haut, me vient à l’esprit le titre d’un livre publié en France il y a, quelques années : un cri d’alarme à l’idée de ce que sera, dans une génération ou deux, l’amplitude de l’expansion humaine à la surface de notre malheureuse planète : “Six milliards d’insectes”.

Six milliards d’insectes, c’est-à-dire six milliards de mammifères à deux pattes ayant de plus en plus les habitudes et la mentalité de la termitière, et… plus aucune, ou presque plus aucune, des belles bêtes qui ont orné la Terre depuis l’aube des temps ! Car il n’y a pas que les fauves que l’homme tue de sa main. Il y a ceux qu’il condamne à mort du seul fait qu’il leur enlève l’espace vital indispensable : la forêt, la savane, voire (dans le cas de ces petits demi-fauves que sont les chats), le banal “terrain vague”, où vivaient leurs proies coutumières.

Toute forêt, déracinée sans pitié au bulldozer, pour qu’on installe, sur le sol qu’elle occupait, une agglomération humaine, certainement moins belle qu’elle, et généralement de valeur culturelle à peu près nulle, est un hymne à la gloire de l’éternel qui disparaît pour faire place à “des rires, des bruits vils, des cris de désespoir” [261]. Bien plus : c’est un habitat volé aux nobles bêtes fauves, — ainsi qu’aux écureuils, aux oiseaux, aux reptiles, et autres formes de vie qui s’y perpétuaient toujours en parfait équilibre les unes par rapport aux autres. L’action qui la supprime au profit de l’homme — ce parasite insatiable, — est un crime contre la Mère universelle, dont le respect devrait être le premier devoir d’un vivant soi-disant “pensant”. Et il est presque consolant, pour ceux

260. ... Et américaine. Il est impossible, ici, de ne pas faire allusion au massacre des pho-ques — en particulier des bébés-phoques — si atroce que nombre de nos contemporains eux-mêmes en ont été indignés.261. Leconte de Lisle, “La Forêt Vierge” ; Poèmes Barbares.

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qui pensent vraiment, et ne sont pas particulièrement enamourés du mammifère à deux pattes, de voir que la Mère réagit parfois à cet outrage en se manifestant sous son aspect terrible. On installe un millier de familles sur l’emplacement aplani, désherbé, asphalté, arraché à la forêt. Et à la suivante saison des pluies, les arbres massacrés n’étant plus là pour retenir les eaux, de leurs puissantes racines, les fleuves débordent, entraînant, dans leur course furieuse, dix fois plus de gens de la région et de toutes les régions environnantes. L’usurpateur est puni. Mais cela ne lui apprend rien, hélas, car il se multiplie à une cadence vertigineuse, la technique étant là pour contrecarrer la sélection naturelle et empêcher l’élimination des malades et des faibles. Et il continuera de déboiser, pour subsister aux dépens des autres êtres.

Mais les fauves, les oiseaux de proie, et en général les bêtes qui vivent libres, ne sont pas les seules victimes de l’expansion indéfinie de l’homme. Le nombre des animaux domestiques lui-même, — sauf celui des représentants de ces espèces que l’homme élève spécialement pour les tuer et les manger, ou pour les exploiter d’une façon ou de l’autre — diminue rapidement. La maudite technique, en modifiant la Nie de l’homme dans les pays fortement mécanisés, et en enlevant au pullulement humain la salutaire restriction que lui opposaient encore, il y a quelques décades, les épidémies périodiques, est à la base de ce résultat.

Je me souviens avec nostalgie des beaux chats qui abondaient, il y a plus d’un demi-siècle, dans les rues et les maisons de la bonne ville de Lyon où je suis née, et où j’ai grandi. Rares étaient alors les magasins où l’on ne voyait pas l’un de ces félins assis à la porte, ou confortablement étendu sur le comptoir, ou roulé en boule dans “son” panier, quelque part dans un coin, — bien nourri, aimé, confiant, prêt à se laisser caresser par l’enfant que j’étais. Rares étaient les familles où l’on n’en voyait pas un, — à moins qu’il n’y eût à sa place un chien, lui aussi aimé, choyé, heureux (en général). La plupart des citadins n’avaient pas, alors, de vacances ; certainement pas de vacances payées. Et les quelques uns qui, peut-être, en avaient, ne se croyaient pas tous obligés de les passer hors de chez eux. Ou, s’ils devaient s’absenter, un membre au moins de la famille demeurait pour s’occuper de la ou des bêtes ; ou une voisine, qui ne quittait pas la ville, ou une concierge complaisante, s’en chargeait. Mes parents avaient un chat dès avant ma naissance. Et aussi loin que je puisse me souvenir, je me revois en train de passer la main avec délice dans une fourrure soyeuse, chaude et ronronnante, tandis qu’une belle tête de velours se frottait contre moi, et que deux yeux d’ambre, à demi-clos, me regardaient avec un abandon total.

Aujourd’hui, dans la même ville et dans tant et tant d’autres, de plus en plus rares sont les enfants qui grandissent en la compagnie quotidienne d’animaux domestiques aimés, chiens ou chats. C’est que la question se pose : “Que ferait-on de ceux-ci au moment des indispensables vacances ? Et que ferait-on d’eux au cas où il faudrait changer d’immeuble et où on ne serait pas

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autorisé à avoir des bêtes dans le nouvel appartement ?”. On ne conçoit plus une vie entière passée dans la même maison, sans vacances annuelles, sans voyages, sans changements. On se passe de bêtes familières plutôt que de randonnées en voiture. Peu de gens renoncent à tout déplacement par amour pour les animaux qu’ils ont pris sous leur protection [262], au cas où ils ne peuvent les emmener et où ils ne trouvent personne sur qui ils puissent compter pour s’en occuper. Par contre, à l’époque de la ruée annuelle des vacanciers hors des villes, on rencontre dans les rues, le long des routes, et jusque dans les bois (parfois attachées aux troncs d’arbres, et destinées de ce fait à mourir lentement de soif et de faim) [263], des bêtes abandonnées ; des bêtes qui, dans leur innocence, avaient fait confiance à des hommes et leur avaient donné un amour sans conditions, et que ces mêmes hommes avaient, pour quelque temps, paru aimer : qu’ils avaient nourries et choyées, — et qu’ils ont, finalement, jetées d’un coup de pied hors de leur voiture, pour s’en aller, d’un cœur léger, sans responsabilités, sans “embarras”, jouir de leur congé ; en fait, qu’ils n’avaient jamais aimées.

S’il existe une Justice immanente, il est à souhaiter que de tels gens crèvent de faim et de soif, abandonnés, reniés de tous ceux en l’affection de qui ils croient, sur quelqu’île déserte ou au fond d’un cachot. Ils sont, parfois, punis d’une façon inattendue, tels cet homme et cette femme dont le Journal de la Société Protectrice des animaux de Lyon a relaté le châtiment, sans toutefois publier leur nom. Parents d’un garçonnet de six ans, ils avaient, malgré les pleurs et les supplications de cet enfant, poussé hors de la portière de leur voiture le chien qui leur avait, lui, voué tout son amour, puis étaient repartis à toute vitesse, étaient arrivés à leur lieu de villégiature, s’étaient installés à l’hôtel et endormis sans remord. Mais la sereine Justice veillait. Le lendemain, les deux êtres indignes trouvèrent leur fils unique mort, dans une mare de sang il s’était ouvert les veines avec la “gilette” de son père. Sur la table de nuit ils trouvèrent, écrits de sa main d’enfant, quelques mots : son verdict contre eux et contre tous ceux qui leur ressemblent ; de quoi se souvenir jour et nuit, le restant de leur vie : “Papa et maman sont des monstres. Je ne peux pas vivre avec des monstres !”.

Cet acte d’héroïsme d’un tout jeune enfant n’a pas pu, hélas, rendre à la malheureuse bête le foyer perdu. Mais il garde une valeur de symbole. Il proclame, dans sa tragique simplicité, que, dans ce monde de l’Age Sombre touchant presque à sa fin, où tout appartient à l’homme, et où l’homme, appartient de plus en plus aux Forces de l’abîme, il vaut mieux mourir que naître. Il s’apparente, en son essence, et en dépit des circonstances entièrement différentes qui l’ont provoqué, à tous les suicides glorieux motivés par un intense dégoût du milieu naguère encore respecté sinon admiré, à la brusque révélation de sa vilenie véritable, car

262. J’en connais cependant quelques-uns qui l’ont fait.263. On a découvert, il y a peu d’années, plusieurs milliers de chiens ainsi abandonnés dans la forêt de Fontainebleau.

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toute vilenie, — en particulier toute trahison, — est lâcheté. Il s’apparente à tous les actes similaires d’héroïsme — suicides ou, parfois, meurtres demandant plus de désespoir encore que le suicide, — motivés par la conscience que l’avenir inévitable, conséquence du présent, ne peut être qu’un enfer (je pense, en particulier, aux paroles que la sublime Magda Goebbels adressait à l’aviatrice Hanna Reitsch, quelques jours avant de donner à ses six enfants le somnifère et puis, le poison, qui devaient leur éviter de connaître l’horreur de l’après-guerre : “Ils croient au Führer et au Reich”, avait-elle dit. “Quand ceux-ci ne seront plus, ils n’auront de place nulle part dans le monde. Que le Ciel me donne la force de les tuer !”. Dans le monde que le Führer avait rêvé, la lâcheté — et surtout la lâcheté de la part de gens de race aryenne, — serait devenue impensable. Le garçonnet dont j’ai rappelé la mort y aurait été, lui, à son aise, car il ne demandait qu’à vivre au milieu de gens aussi nobles que lui (et sans doute que ses ancêtres). Il aurait sûrement senti, dans le Défenseur des valeurs éternelles — comme lui ami des bêtes, et surtout des chiens, — un chef digne de son allégeance totale. Mais la dernière tentative de redressement avait échoué, quinze ans avant sa naissance. Le monde présent, le monde d’après-guerre, se révélait à lui en la personne de ses abominables parents. Car ce ne sont pas seulement ceux qui ont cru et croient encore “au Führer et au Reich”, mais tous les caractères “bons et braves”, tous les Aryens dignes de ce nom, qui n’y ont aucune place, et qu’on y rencontre — comme cela était à prévoir, — de moins en moins.

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D’autre part, le vieux lien d’affection qui liait si souvent, autrefois, l’homme à son cheval, ou à son bœuf de labour, — son fidèle compagnon de travail — existe de moins en moins. Le paysan français dont Pierre Dupont, il n’y a pas tellement longtemps, chantait l’attachement à ses bœufs [264], se sert maintenant d’un tracteur. Le paysan européen ou bien l’a précédé, ou bien le suit, dans ce “progrès”. Le laboureur des pays “sous-développés” le suivra tôt ou tard, grâce à l’aide technique des U.S.A. ou de l’Union Soviétique, et à une propagande intensive. Le bœuf sera de moins en moins utilisé,… sinon comme bête de boucherie. Le cheval aussi, — hélas !

Certes, le “bon vieux temps” admettait bien des cruautés. Je me souviens clairement de l’indignation (et de la haine de l’homme) qui me soulevaient, enfant, à la vue de la brutalité de certains charretiers, tant en ville qu’à la campagne. Et la vénérable Antiquité, — y compris l’Antiquité égyptienne, la plus douce, avec celle des Indes, — nous a laissé quelques exemples de scènes qui n’ont rien à envier à celles qui, entre 1910 et 1920, provoquaient, en même temps que mon impuissante colère, l’intervention, verbale et, souvent aussi légale de ma mère. Entre autres images de la vie quotidienne qui s’étalent sur les murs d’un

264. On se souvient de la chanson bien connue : “J’ai deux grands bœufs dans mon éta-ble, deux grands bœufs blancs, marqués de roux…”

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tombeau égyptien du vingt-huitième siècle avant Jésus-Christ, il y en a une qui représente un homme entrain de rouer de coups un malheureux âne qui, ses longues oreilles aplaties en arrière, ses grands yeux pleins de terreur, semble le supplier. Le vingt-huitième siècle, c’était déjà l’Age Sombre, malgré toute la science qu’impliquait alors, chez l’élite, la construction, encore toute récente, des Pyramides de Gizeh.

J’ai, plus haut, fait allusion aux chasses de l’Antiquité et aux jeux sanglants dans les cirques romains, ainsi qu’à la vivisection pratiquée (que je sache) dès le sixième siècle avant l’ère chrétienne, sous l’incitation de la “curiosité scientifique” de certains Grecs. Et le monde n’a fait, dans l’ensemble, tout au long de ce cycle (comme de tout cycle) qu’aller de mal en pis. On pourrait, en dehors de la grande misère des ânes et des chiens dans les pays d’Orient, et en particulier dans les pays musulmans, — misère qui dure encore — évoquer l’horrible traitement infligé aux chats, et spécialement aux chats noirs, en Europe occidentale, au Moyen-Age et jusqu’au dix-huitième ou même dix-neuvième siècle, — longue pratique d’abominations sans nom [265], dont l’effet dans l’invisible a été, peut-être, de rendre le continent, collectivement responsable, indigne de tout “redressement” au cours de ce cycle, — en particulier, indigne de l’Hitlérisme, qui aurait pu en retarder, de quelques décades, la dégénérescence. On pourrait aussi rappeler la recrudescence de la vivisection, qui coïncide avec le renouveau de l’intérêt porté aux sciences expérimentales, dès le seizième, et surtout au dix-septième et au dix-huitième siècles et depuis. Le malheur a voulu que cette infamie, qui a pris, au siècle dernier et de nos jours, des proportions effrayantes chez les peuples pourris d’anthropocentrisme tant chrétien que rationaliste, se répandît, précisément en même temps que cette attitude anthropocentrique, dans tous les pays colonisés politiquement ou moralement (ou des deux manières) par l’Occident européen ou américain, c’est-à-dire, s’étendit pratiquement à la terre entière.

Pour ne citer qu’un exemple, mais des plus significatifs, le Gouvernement indien, — démocratique et humanitaire, comme se doit dans le monde que dominent les vainqueurs de 1945, — a, durant ces dernières années, encouragé l’exportation de milliers de singes, sachant pleinement que ceux-ci seraient soumis à des expériences criminelles (qu’il tenait, lui, sans doute, pour “louables”, puisque faites “dans l’intérêt de la science”, donc, de “l’homme”).

Et sur le sol même des Indes, depuis la dite “indépendance du pays comme du temps des Anglais, existent et de multiplient les divers centres de recherches, en particulier de recherches contre le cancer, dans les laboratoires desquels ont lieu les mêmes horreurs que dans ceux de Paris, de Londres, de Chicago ou de Moscou. Et dans les grandes villes, les chiens errants, considérés

265. Voir les livres du Docteur Fernand Méry, “Sa Majesté le Chat” et “Le Chat”, dans lesquels il est rappelé que les malheureux animaux dits “diaboliques” étaient “crucifiés, écorchés vifs, jetés hurlants dans les brasiers”.

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comme “inutiles” par les néophytes de l’anthropocentrisme meurent dans des souffrances atroces, systématiquement empoisonnés à la strychnine, comme j’en ai vu mourir en Grèce en 1970. [266] (et que dire du traitement des chiens de Constantinople, ramassés le plus brutalement du monde — au lasso ; à la pince — et jetés sur une île déserte de la mer de Marmara, pour y mourir de faim et de soif, par ordre du Gouvernement “Jeune Turc” quelques mois après l’accession de celui-ci au pouvoir, en 1908 ?). [267]

Toutefois, malgré toutes ces horreurs et beaucoup d’autres, il existait encore, il y a quelques décades, un lien très puissant entre nombre d’êtres humains et leurs bêtes domestiques chiens ou chats (en Europe occidentale, au début de ce siècle) ; chevaux de guerre ou de trait ; bœufs et buffles de labour.

L’attachement de l’Arabe à son cheval ou à son chameau était proverbial. La mécanisation progressive du monde est maintenant entrain de briser ce lien, dans tous les pays.

A mon retour aux Indes en 1971, cela a été pour moi une grande joie que de revoir, dans la campagne inondée de pluie de mousson, tant de bons gros buffles, bien nourris, plongés avec délice jusqu’au museau dans les innombrables étangs, et ruminant paisiblement.

Il y en avait, et il y en a encore, des milliers. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que, — comme ailleurs les chevaux et les bœufs, — les tracteurs les remplacent. Et les tracteurs les remplaceront infailliblement, si des étendues de plus en plus vastes de terre fertile doivent être, — aux Indes comme partout dépouillées de leurs forêts pour nourrir une population dont le nombre monte en flèche — double tous les trente ans.

Le pullulement de l’homme est, comme je l’ai réputé, à la racine de la mécanisation de la vie, — processus impensable, parce que parfaitement superflu, chez une population aussi peu dense qu’elle l’était il y a quelques millénaires encore. D’autre part, la technique médicale, mise au service de l’anthropocentrisme envahissant, contribue de plus en plus au pullulement de l’homme en agissant contre la sélection naturelle. C’est un cercle vicieux, qu’il faudrait à tout prix briser. Nous étions et nous sommes, nous, les racistes aryens, les fervents d’Adolf Hitler, les seuls êtres humains à vouloir sérieusement le briser en redonnant libre cours à la sélection naturelle salvatrice. Mais la “vingt-cinquième heure” ayant apparemment déjà sonné bien des années, sinon

266. Maintenant, en 1976, les chiens de Delhi sans collier ni médaille sont électrocu-tés — ou envoyés à la “All India Institute of medical sciences” pour y servir d’objets d’ex-périmentation. La municipalité en a ainsi cette année supprimé plus de trente mille.267. Il est intéressant de rappeler que les trois principaux membres du gouvernement “Jeune Turc” — Enver Pasha, Talat Pasha, et Essad Pasha, — étaient trois Juifs d’origine dont les familles avaient été “converties” à l’Islam.

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des siècles, avant 1933, nous n’avons pas pu garder le pouvoir en gagnant la guerre.

Et le processus d’avilissement graduel de l’homme, en même temps que d’extermination des plus nobles bêtes et de destruction des forêts, — le processus de désécration et d’enlaidissement de la Terre, — continue. Il ne peut que continuer, vue l’attitude mentale des hommes actuellement au pouvoir.

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L’APPEL DE LA FIN

« Et toi, divine Mort, où tout rentre et s’efface,Accueille tes enfants dans ton sein étoilé,

Affranchis-nous du Temps, du Nombre et de l’Espace,Et rends-nous le repos que le vie a troublé. »

Leconte de Lisle. (“Dies Irae” : Poèmes Antiques).

Il convient de répéter — et d’insister sur le fait — qu’en même temps que les grands félins, vrais chefs-d’œuvres de la Création, que les éléphants et autres nobles herbivores, et que les saintes forêts elles-mêmes, le pullulement de l’homme menace de mort (lente, mais certaine) les plus belles et les plus douées des races humaines, en particulier celle qui nous intéresse avant toute autre : notre propre race aryenne. Cela est inévitable, à moins d’une intervention en sens contraire, et à temps, dirigée par des législateurs, et appuyée s’il le faut, par la force. Cela est inévitable, dis-je, pour la simple raison que les races inférieures sont, par nature, nettement plus prolifiques que les autres. (Il en est de même chez les différentes espèces de mammifères à quatre pattes : les souris et les rats se multiplient combien plus vite que les lions et les tigres !).

Il est clair qu’une élite raciale ne peut subsister qu’à la condition de garder son sang pur. Et il est clair qu’elle ne peut, même alors, continuer de jouer son rôle naturel, qui est de commander, tant sur le plan politique que dans les autres domaines, que si elle s’insère dans une civilisation qui, à l’encontre des Démocraties d’aujourd’hui, aussi bien “populaires” que ploutocratiques, rejette toute idée de priorité à accorder au plus grand nombre. Dès que l’on accepte le principe du suffrage universel : — un homme ; une voix quel que soit l’homme ; — dès que l’on attribue à tout homme (de n’importe quelle race, serait-ce de la moins belle et de la moins douée, et même de n’importe quel niveau de dégradation personnelle), une “valeur” immense, supérieure, du seul fait qu’il est “un homme”, à celle de l’animal ou de l’arbre le plus noble, on met l’élite humaine en danger. Et la menace d’impuissance, de détérioration, et

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finalement de mort, qu’on fait ainsi peser sur elle, est d’autant plus redoutable, et plus imminente, que les techniques sanitaires préventives empêchent plus effectivement la mortalité infantile et les épidémies de toutes sortes de lever leur tribut sur les faibles de toute race, et de tenir en échec la tendance des races inférieures à pulluler à la cadence des rongeurs. Car si rien n’est fait pour ralentir à tout prix le rythme de reproduction de ces races-là, et si, par ailleurs, on leur impose ou permet un minimum d’instruction de plus en plus élevé, ce seront automatiquement elles qui auront le dernier mot à dire, dans un monde régi par “la majorité” des humains — elles, ou plutôt quelques démagogues sans race et sans foi, habiles à les manipuler, et, derrière ceux-ci, — le Juif international. Car il est, lui, l’éternel ennemi de tout racisme, (sauf du sien) — capable de susciter ou de supprimer à prix d’or, les démagogies les plus diverses.

Aux Indes, ce processus suit son cours depuis des décades déjà, voire depuis un siècle ; depuis le moment où eux-mêmes victimes de la croyance mensongère en la “valeur de tout homme”, les Britanniques se sont cru en devoir non seulement d’indianiser leurs services administratifs, mais de les indianiser par le bas, en donnant de plus en plus d’avantages aux castes (c’est-à-dire, aux races) inférieures des Indes, aux dépens des, castes aryennes. Ce sont eux, les Anglais, et eux seuls, — je n’ai cessé de le répéter, — qui sont directement responsables de la décadence accélérée de ce vaste pays, non pour l’avoir “exploité” à outrance, économiquement, mais pour avoir insufflé à ceux qui allaient devenir ses chefs effectifs, leurs idées démocratiques et humanitaires.

Ils en sont responsables de deux façons. D’abord, ils ont installé partout leurs hôpitaux et leurs dispensaires, leurs facultés ; et leurs laboratoires de recherches médicales. Ils ont inauguré, sur une vaste échelle, le combat contre les épidémies et surtout contre la mortalité infantile — contre l’élimination rapide des faibles — et ont, par tous les moyens, incité les Indiens à le continuer après leur départ. Et puis, tandis qu’en conséquence de ceci, la population a augmenté dans des proportions effrayantes (elle double tous les trente ans !) ils ont appliqué à ses masses énormes — de races différentes, mais, en majorité croissante, de races inférieures, — ces mêmes principes démocratiques qui n’ont cessé d’infecter l’Europe depuis 1789. Ils ont formé à leur école les Indiens (Hindous de toutes castes mais, de plus en plus, de basses [268] castes ; Mahométans, Chrétiens) auxquels ils ont ensuite, d’abord sous leur égide coloniale, puis sans restrictions, dès l’ “indépendance” qui a suivi leur départ, transmis le fardeau du pouvoir. Ils ont introduit — imposé — le suffrage universel ; donné, en tant qu’électeur, la même importance, (si petite soit-elle) au sauvage Kouki de l’Assam, au Naga, au Santal, au Gund, et au Brahmane au teint le plus clair, aux traits réguliers, frère de sang des meilleurs Européens, et plus cultivé que beaucoup d’entre eux. Ils ont choisi, pour leur succéder, des Indiens — éduqués à leur

268. Grâce au “Communal Award”, dont j’ai parlé plus haut, voir p. 38.

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école, — psychologiquement morts à l’esprit raciste de la Tradition hindoue, et sûrs de continuer leur œuvre de désintégration.

Ces Indiens-là font maintenant l’impossible pour la promotion des masses de races inférieures, toujours plus compactes, plus grouillantes, plus envahissantes grâce au recul de la mortalité. Ils ont mis sur pied une législation qui donne partout, d’emblée, le plus grand nombre de postes aux ressortissants de ces masses, dès qu’ils ont assimilé un minimum d’alphabétisme. Il en résulte une pagaille généralisée ; une incroyable incompétence à tous les échelons : — un télégramme “express” expédié de Delhi, met quatre jours pour parvenir à Jammu ; les autobus de Delhi partent à la convenance de leur conducteur, et arrivent quand ils peuvent, etc., etc. Il en découle aussi la corruption à tous les degrés, dans tous les services. Mais cela importe peu. L’essentiel est qu’on dit, maintenant, à l’étranger, “l’Inde”, au lieu de dire “les Indes”, et qu’ainsi est née l’illusion d’une “nation” indienne. L’essentiel est que cette “nation”, ou plutôt cet État, que l’esprit des Britanniques dégénérés, enjuivés, humanitaires et pacifistes, continue en fait de régir, est une Démocratie et, qui plus est, une Démocratie “séculière” — sans religion officielle (car on refuse ce titre à l’Hindouisme immémorial), voire contre toute religion traditionnelle, à la manière de la France d’Emile Combes ; un État dans lequel, certains osent l’espérer, le culte de la Science et de l’Humanité — de la Science appliquée au bien-être et au “bonheur” de “tous les hommes” — remplacera de plus en plus le culte des Dieux antiques, selon le rêve suranné d’Auguste Comte. L’essentiel est que cet État est une Démocratie multiraciale, dans laquelle toutes les nuances d’humanité inférieure sont en révolte ouverte ou larvée, bruyante ou silencieuse, contre les quelques millions de Brahmanes et de Kshattriyas, — même contre ceux d’entre eux (comme c’est le cas de tant de Brahmanes du Sud) aux ancêtres desquels les privilèges et honneurs de la caste ont originellement été accordés à cause de leurs mérites extraordinaires, sans qu’ils aient été de race aryenne.

Il est heureux qu’aux Indes les masses soient profondément conservatrices, et douées d’une force d’inertie peu commune. Il n’est pas impossible que, par pure indifférence, et sans même vaguement se rendre compte de ce qu’elles font, elles ne résistent avec succès à toutes les pressions exercées sur elles pour les arracher à la Tradition, ou à ce qu’elles en ont su retenir. Elles résisteront peut-être même à l’alphabétisme, — je veux dire aux effets néfastes que celui-ci a si souvent eu sur des populations confiantes et crédules, de civilisation traditionnelle. Elles ne perdront pas forcément foi en leurs Dieux et en tout ce qui, dans leur façon de vivre, leur semble les rattacher de près ou de loin, à l’ordre divin. J’ai, au cours de ces pages, fait allusion au culte de Viswakarma tel que je l’ai vu pratiquer en 1958 par les ouvriers d’usine de Joda, en Orissa. Il n’est pas impossible que, pendant longtemps encore, voire jusqu’à la fin de cet Age Sombre, — et pas seulement à Joda mais dans les grandes agglomérations de plus en plus industrialisées, — les “masses travailleuses” des Indes ne continuent

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de décorer rituellement de fleurs écarlates — une fois l’an, en l’honneur de l’Ouvrier cosmique, — les monstres d’acier aux rouages compliqués, qui leur aident à “produire” toujours davantage. Aucun Gouvernement, apparemment, n’y ferait objection.

D’ailleurs, les objections gouvernementales dérangent peu les masses indiennes, même ouvrières (et à plus forte raison rurales). L’un des premiers gestes du premier Gouvernement de l’ “Inde indépendante” fut de “supprimer le système des castes” et d’ouvrir les temples aux intouchables, qu’il est de bon ton d’appeler, selon l’expression inventée par Gandhi, “Harijans” ou “Gens de Dieu” — comme si tous les vivants ne participaient pas, plus ou moins, à la divinité de la Réalité en soi, dans l’optique hindoue du monde.

Toutefois, depuis mon retour aux Indes en Juin 1971, je ne me suis pas aperçue que, dans l’ensemble, la caste ait moins de sens aux yeux des Hindous et moins d’importance dans leur vie qu’il y a quarante ans. Il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir n’importe quel grand ou petit quotidien et d’y lire les annonces matrimoniales. On y trouve, à longueur de pages, des phrases comme celle-ci : “Demande jeune homme Agarwala” (il s’agit là d’une sous-caste des Vaishyas, répandue dans les Provinces Unies) “pour belle jeune fille de dix-sept ans, de la même sous-caste ; bonne ménagère et bien dotée,” ou bien “Demande jeune fille de Brahmane Saraswati” (c’est là une sous-caste des Brahmanes du Maharashtra), “pour jeune homme de la même sous-caste, revenu d’Europe, avec brillante situation d’avenir. Désirerait dot en rapport,” ou bien encore : “Demande fille de Brahmane, de la sous-caste de Chitpavan” (encore une communauté du Maharashtra) “Jeune, jolie, de santé robuste et de teint clair, versée dans les arts domestiques, pour jeune Brahmane de la même communauté, de belle prestance et de teint clair, avec emploi d’avenir. La dot peut être minime, si la fille est belle, de teint clair ; et si elle sort d’une famille orthodoxe” (c’est-à-dire fidèle à la tradition). Ne dirait-on pas qu’en particulier l’auteur de cette dernière annonce est “l’un des nôtres” ? Et cependant il a écrit simplement en tant qu’Hindou profondément attaché à son antique tradition. Mais il est vrai que la Tradition est la même. Ce Brahmane de 1971 a, sans le savoir, la nostalgie de l’immémoriale Hyperborée. Et il y en a, aux Indes, des millions comme lui.

Des annonces, pareilles à celles que je viens de citer, couvrent des pages entières. On trouve aussi, bien sûr, de temps en temps, la demande de quelque père (ou frère) aux idées “larges” (c’est-à-dire fortement influencées par la propagande étrangère) dans laquelle il est spécifié que “peu importe la caste”. Il y avait déjà il y a quarante ans de telles annonces — une sur cent — dans les quotidiens des grandes villes. Elles émanaient, pour la plupart, de “Brahmosamajis”. La mentalité qu’elles reflètent est inconnue dans les villages des Indes, où vivent les quatre-vingt-quinze centièmes de la population.

Quant à l’immense masse des “Harijans,” le Gouvernement a beau lui ouvrir toute grandes les portes des temples, elle n’a cure d’y entrer. Elle sait

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que cela est contraire à la coutume, et que coutume est sacrée, alors que le Gouvernement ne l’est point. Elle continue de se tenir à l’écart comme par le passé.

Malgré tout, le poison de l’anti-Tradition, le virus d’une mentalité nouvelle, anti-raciste, et avant tout anti-aryenne, — contraire à celle qui a régi la vie des Hindous pendant soixante siècles, — a été injecté dans l’âme d’un nombre croissant de jeunes des deux sexes et de toutes les castes. Il y a été injecté déjà du temps des Anglais, et, comme je l’ai si souvent répété, par les Anglais eux-mêmes, par leurs professeurs comme par leurs missionnaires, — ou par les Juifs de hauts degrés de Maçonnerie qui agissaient derrière eux et par eux, le plus souvent à leur insu. Il se peut que la civilisation hindoue lui résiste jusqu’à la fin même de ce dernier âge de notre Cycle. Il se peut qu’à la longue, elle cesse de lui résister, et succombe. Tout dépendra du temps que notre cycle doit encore durer, — et surtout, de la rapidité de pullulement des castes hindoues non-aryennes. La révolte de celles-ci [269], qui se fait aujourd’hui partout sentir chez leurs membres instruits, est, et ne peut demeurer, dans une “démocratie” multiraciale, que directement proportionnelle à leur accroissement numérique, c’est-à-dire au succès des mesures d’hygiène préventive, et de thérapie, qui favorisent celui-ci. Le Gouvernement indien actuel, aux vues profondément anthropocentriques, héritées de l’Occident humanitaire, sinon chrétien, ne peut que continuer à appliquer de telles mesures, dont la suppression pure et simple lui paraîtrait “monstrueuse”.

L’Aryen indien, certes, subsistera aux Indes. Mais il y aura (comme l’Aryen d’ailleurs, partout où se multiplient à ses côtés des populations de race inférieure, jouissant de “droits” égaux aux siens), de moins en moins de pouvoir. Le système démocratique, s’il n’est, à temps, brisé par la violence, l’empêchera d’agir, voire de s’affirmer par la parole et par le livre.

Il faudrait donc que, dans un immense et irrésistible élan contre le courant de l’Age Sombre, les Indes répudient et la démocratie et l’anthropocentrisme, et se remettent à vivre dans l’atmosphère de l’antique racisme des castes hiérarchisées, — l’Aryen, Brahmane et Kshattriya, au sommet, ayant seul le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle, celui-là tirant de celle-ci sa légitimité. Mais si, comme tout porte à le croire, la “vingt-cinquième heure” a vraiment sonné, personne, avant Kalki Lui-même, ne peut susciter et guider à bien un tel élan. Ce que notre Führer bien-aimé, Précurseur de Kalki, n’a pas réussi à faire au sein d’une majorité nordique, avec la collaboration de plus d’un million de combattants S.S., élite guerrière et mystique du monde, totalement dévouée à la cause aryenne, personne ne réussira à en faire où que ce soit l’équivalent ;

269. Révolte qui a pris corps, en particulier, dans le Sud des Indes, avec la lutte du “D.M.R.” — Dravida Munetra Khazgham — contre les Brahmanes, la culture Sanskrite, le culte de Rama (le héros aryen déifié), et, en général, contre tout ce qui, dans la vie et les institutions, rappelle la présence aryenne.

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personne, sauf Kalki, le dernier “homme contre le Temps”, qui doit clore ce cycle.

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Et ce que je dis là du recul de l’Aryen n’est pas confiné aux Indes. C’est un fait observable dans tout pays de population multiraciale, dans lequel l’État s’oppose à la promotion des éléments ethniques supérieurs, au lieu de l’encourager à tout prix et par tous les moyens. C’est, en particulier, un fait évident dans tout pays à population multiraciale dans lequel l’État se cramponne au régime démocratique, où le pouvoir repose sur la majorité. C’est un fait qui, par un retour ironique des choses, menace de plus en plus de s’imposer en Grande Bretagne même, à mesure qu’une multitude croissante de non-Aryens de races les plus diverses, et de gens sans aucune race, en envahit (pacifiquement) le territoire, et y pullule.

Interdite de séjour en Angleterre depuis ma participation au camp hitlérien de Costwolds d’Août 1962, je ne puis, malheureusement donner ici le résultat d’observations personnelles toute récentes. Je puis toutefois affirmer que la situation créée, il y a neuf ans et plus, par la présence, sur le sol britannique, de presque deux millions d’Africains, de Jamaïcains et de Pakistanais, sans compter, bien entendu, celle des Juifs, accourus dès 1933, était déjà alarmante, sinon tragique. Et, d’après les échos que j’ai pu en avoir, elle n’a, depuis lors, fait qu’empirer, aucune mesure n’ayant été prise en vue de l’expulsion de tous ces éléments allogènes.

On a bien, paraît-il, essayé — ou fait semblant d’essayer — d’exercer un contrôle quelque peu plus rigoureux sur l’entrée de ces sujets du Commonwealth en Angleterre. Mais là n’est pas la solution du problème. Les non Aryens, et surtout les Africains et les Jamaïcains (ces derniers, originellement, eux aussi, Nègres d’Afrique), se multiplient à une cadence neuf fois plus rapide que l’Aryen moyen d’Europe. Il est donc clair qu’il ne suffirait sûrement pas d’en interdire absolument fût-ce toute nouvelle immigration, pour enrayer le danger qui menace la Grande Bretagne dans sa substance même.

En supposant que pas un seul non-Aryen, Nègre ou Juif, ou Soudra des Indes converti de plus ou moins longue date à l’Islam, (car c’est là, en général, ce qu’est un “Pakistani”) ne débarque ou n’atterrisse en Angleterre à partir d’aujourd’hui, même en vue d’un séjour temporaire, cela ne changerait pratiquement rien à la situation à la longue, c’est-à-dire à ce qui constitue déjà la tragédie du problème racial, dans le pays qui s’est follement donné pour mission de combattre par les armes le racisme hitlérien. Cela n’y changerait rien parce que, je le répète, les immigrants non-aryens qui sont déjà installés en Angleterre — qui y travaillent, qui y vivent avec leur famille, qui en ont acquis, pour la plupart, la citoyenneté, — se multiplient beaucoup plus vite que les Anglais ;

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et parce que les avantages, et en particulier les avantages médicaux, qui leur sont prodigués, ne font que favoriser leur accroissement démographique. Toute nouvelle immigration étant, supposons-le, interdite, la proportion numérique de la population aryenne à la population non-aryenne de Grande Bretagne au cours des prochaines décades, et à fortiori au cours des siècles à venir, n’en irait pas moins se modifiant en faveur des non-Aryens, et parmi ceux-ci, des Nègres : des gens qui se multiplient le plus vite.

Il faut aussi compter avec les inévitables mélanges de races, d’autant plus fréquents (et plus révoltants) qu’à la perversité grandissante des hommes et des femmes de l’Age Sombre avancé, il faut ajouter l’influence de toute une littérature destinée à éveiller et à entretenir une curiosité sexuelle morbide. Aujourd’hui, déjà hier ; il y a dix ans et plus, — il n’est (et n’était) pas rare de voir dans les rues de Londres quelque belle Anglaise blonde poussant devant elle, une voiture d’enfant dans laquelle reposent (ou reposaient) un ou parfois deux petits métisses eurafricains.

On en voit (et voyait) jusque dans les petites villes. ( J’en ai vu à Croydon, à Chettleham, et ailleurs). Il ne serait possible de mettre un point final à ces unions honteuses — contre-nature — et à cette production de métisses, qu’en changeant de fond en comble la mentalité d’une jeunesse jusqu’ici de plus en plus endoctrinée d’antiracisme, tout en prenant des mesures radicales en vue de l’éloignement définitif, sinon de la suppression physique des indésirables actuels ou potentiels. Il faudrait, si on devait les garder en vie et utiliser leur travail, stériliser tous les métisses sans exception, ainsi que les femmes aryennes coupables de crime contre la race — car celles-ci, une fois imprégnées, ne fût-ce qu’une fois, par une semence, étrangère, ne sont plus sûres. On a connu des cas où l’enfant d’un mari fort acceptable ressemblait dangereusement à l’amant (inacceptable, lui) que sa mère avait quitté très longtemps avant sa conception. Et il faudrait obliger tous les Nègres, Juifs, et autres éléments non-aryens à quitter le territoire national, au moins à n’y vivre qu’à titre exceptionnel, et, dans ce cas, soumis à des lois et régulations qui les tiennent à leur place — telles les célèbres “Lois de Nuremberg” (du 15 Septembre 1935) qui protégeaient l’intégrité raciale des Allemands sous le Troisième Reich.

Mais pour que cela fût possible, il faudrait que la Grande Bretagne eût un Gouvernement dictatorial du même type que celui de l’Allemagne de 1935, et inspiré comme lui par l’antique foi en l’excellence de la pureté du sang. Peut-elle jamais, espérer en avoir un ?

Un tel Gouvernement a pu, outre Rhin, en 1933, arriver au pouvoir “par la voie légale”, c’est-à-dire “démocratiquement”, en s’appuyant sur une majorité d’électeurs (et quelle majorité !) au suffrage universel. Il l’a pu parce que le peuple allemand, sans avoir l’homogénéité raciale que rêvait le Führer, avait au moins une unité biologique suffisante pour sentir son intérêt lié à celui du sang aryen. Si rien n’est fait, — et fait à brève échéance, — pour enlever aux

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non-Aryens de Grande Bretagne toute participation aux affaires publiques, il est clair que, vu leur nombre, qui monte en flèche, ceux-ci joueront un rôle de plus en plus décisif dans la politique intérieure et extérieure du pays, et dans sa vie culturelle. (Le théâtre, le cinéma et la télévision semblent déjà être, et depuis longtemps, devenus la “chasse réservée” des Juifs, sans l’approbation desquels rien ne s’y joue).

Les Aryens devront finalement abdiquer la position de commandement que les vertus, inhérentes à leur race, avaient donnée à leurs pères, au temps où la démocratie ne se concevait qu’entre égaux, et où il n’y avait ni Nègres ni Juifs en Angleterre [270]. Ils pourront, certes, demeurer purs de sang. Et encore faudra-t-il, pour cela, qu’ils prennent grand soin que l’esprit de leurs enfants ne soit pas contaminé par l’influence de plus en plus lancinante de l’école multiraciale, de la radio, de la télévision, du cinéma, de la presse, des livres, (en particulier des manuels scolaires), en un mot, de tous les moyens de diffusion que la majorité, hostile à tout “orgueil racial”, aura de plus en plus fermement pris en main. Ce qui est certain, c’est que leur nombre diminuera de plus en plus, et surtout diminuera en proportion de celui des hommes d’autres races qui s’appelleront alors, sans y avoir aucun droit, “le peuple anglais”, (comme tant d’Indiens de nos jours, Dravidiens, voire métissés d’aborigènes qui, sans y avoir davantage droit, se targuent de faire partie de l’ “Aryajati” — de la race aryenne, celle de l’élite biologique de leur pays).

Finalement, dans quelques siècles, ils seront cent mille, cinquante mille, vingt mille, dispersés sur toute la surface des Îles Britanniques, alors surpeuplées de métisses de différentes teintes. Ils seront noyés dans quelque cent ou deux cents millions de robots à peau généralement sombre, aux traits les plus variés, termitière dirigée par l’intelligence diabolique de quelques technocrates juifs. Ils seront, dans cette termitière, les seules créatures dignes du nom d’ “hommes” au sens où nous l’emploierions. Mais le monde d’alors n’aura que faire de telles créatures.

Peut-être cultiveront-ils en eux une conscience aryenne tardivement éveillée. Peut-être s’arrangeront-ils, malgré les distances, pour se réunir de temps en temps, par petits groupes, et s’entretenir avec nostalgie d’ “old England” de la “vieille Angleterre”, désormais plus morte que l’Athènes de Périclès. Peut-être, au cours de quelqu’une de ces pitoyables réunions, — à l’occasion de quelqu’anniversaire historique, — se lèvera-t-il un homme à la fois bien informé et doué d’intuition, qui exposera à ses frères de race les causes lointaines et profondes de leur abaissement. “Voici”, leur dira-t-il sans doute, “nous payons le prix de la folie de nos pères du dix-neuvième et du vingtième siècles ; de ceux qui, dans ce qui fut autrefois notre Empire, ont encouragé la propagande des

270. Il n’y a eu aucun Juif en Angleterre, de 1290 — date à laquelle le roi Edouard Ier les a expulsés, — jusqu’au milieu du XVIIème siècle, lorsque Cromwell, qui devait des sommes énormes à leurs banquiers, les rappela.

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missionnaires chrétiens, la vaccination obligatoire, et l’adhérence des “lettrés” aux principes démocratiques ; de ceux, surtout, qui, en outre, ont obstinément refusé la main que leur tendait sincèrement le plus grand de tous les Européens : Adolf Hitler ; de ceux qui, en réponse à son offre réitérée d’alliance et à sa promesse de nous laisser la domination des mers, ont déchaîné contre lui la Seconde Guerre mondiale, noyé son pays sous un déluge de phosphore et de feu, et brûlé vifs près de cinq millions de ses compatriotes, femmes et enfants, sous les décombres embrasés ou dans les abris où l’asphalte liquéfiée des rues pénétrait en coulées ardentes. Nous payons le prix des crimes des sieurs Churchill et consorts et de tous ceux qui ont cru en eux et combattu l’Allemagne nationale-socialiste, notre sœur, défenderesse de notre race commune. Ces hommes, direz-vous, étaient de bonne foi, mais avaient la vue courte. C’est possible. Mais cela ne les excuse pas devant l’histoire. La bêtise est elle-même un crime, quand l’intérêt de la nation, et surtout de la race, est en jeu. On ne peut pas faire ce que nos pères ont fait, — à leur honte et à la nôtre, — et échapper au châtiment !”

Le châtiment, ce sera de savoir premier ministre de Grande Bretagne quelque Chrétien aux cheveux laineux, à la face simiesque, — descendant d’immigrants d’Afrique équatoriale annoblis pour “services rendus”, et peut-être prénommé Winston, en souvenir du fossoyeur de l’ex-Empire britannique. Le châtiment, ce sera de vivre au milieu d’une Angleterre brunâtre et camuse — elle aussi, en grande partie au moins, aux cheveux laineux, — dont les anciens habitants, les habitants légitimes, les Aryens, tant Normands que Saxons ou Celtes, compteront aussi peu que les Amérindiens des réserves comptent aujourd’hui aux U.S.A.

Alors, peut-être, des groupes de vrais Anglais, plus obstinés que les autres dans leur rancœur de vaincus et de trahis, plus combatifs sinon moins désespérés, brûleront-ils, tous les 8 Mai, quelqu’effigie de Churchill, grotesque à dessein, sa grosse figure bouffie et lippue munie du légendaire cigare, et barbouillée comme celle d’un clown ; son gros ventre bourré de poudre. Le 8 Mai sera, en effet, enfin reconnu anniversaire de la honte de l’Angleterre autant que du malheur de la “Nation sœur”, autrefois haie, depuis lors adorée avec toute la passion qui accompagne un remord qu’on sait inutile. Peut-être ces mêmes Anglais, et d’autres, rendront-ils un culte public à Adolf Hitler, le Sauveur que leurs ancêtres d’hier ont rejeté et que leurs ancêtres d’aujourd’hui — nos contemporains — insultent encore. Peut-être y aura-t-il, parmi les Aryens de moins en moins nombreux du monde entier, une minorité militante, sereine, presqu’heureuse dans, son inébranlable, fidélité, qui lui rendra un culte — en attendant de devenir (elle ou sa descendance) la garde de corps du Vengeur qu’il faisait pressentir, mais qu’il n’était pas : Kalki.

Mais tous les tardifs repentirs, et toutes les dévotions rétrospectives, resteront sans effet, tant en Europe que chez les minorités aryennes d’autres pays, en particulier d’une Amérique de plus en plus enjuivée et négrifiée. Rien ne pourra arracher la plus jeune des races nobles de l’humanité au sort qui lui doit échoir

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en conséquence des crimes commis ou tolérés par trop de ses représentants, sous l’influence d’un anthropocentrisme de mauvais aloi. Ces forfaits seront suivis de “chocs en retour”, lentement sans doute, mais d’autant plus irrésistiblement que ceux qui les ont commis ou tolérés étaient plus responsables (ou auraient dû l’être) tout en étant moins détachés, plus centrés sur eux-mêmes et sur leurs notions bornées, que sur “l’Univers” — le Cosmos et l’Essence du Cosmos. Il y en a de toutes sortes, dont le salaire s’accumule depuis des millénaires crimes contre toutes les aristocraties animales, des puissants bisons aux daims pleins de grâce, des grands félins aux vulgaires chats, tigres en miniature ; crimes contre la forêt massacrée ; contre l’impassible mer, souillée de toutes les immondices de l’industrie envahissante ; crimes contre toutes les aristocraties humaines, en particulier contre la race aryenne elle-même — contre les Germains en Europe ; contre les plus purs Aryas des Indes, en Asie, au nom du Christ ou des “valeurs” chrétiennes ; au nom de la Démocratie ou du Marxisme ; toujours au nom de quelque foi ou philosophie inventée et diffusée par des Juifs.

Il est déjà trop tard de regretter le passé. Il fallait y penser avant la Seconde Guerre mondiale, — et ne pas déchaîner celle-ci ! — avant l’industrialisation à outrance de l’Occident, puis du monde ; avant le massacre intensifié des forêts et des fauves, et toutes les horreurs commises ou permises, sur la bête, toujours innocente ; sur la bête, incapable d’être “pour” ou “contre” quelqu’idéologie que ce soit — au nom de l’intérêt de l’homme, ou de son bien-être (ou simplement de son amusement). Il fallait y penser avant la progression irrésistible — la progression géométrique — du pullulement du mammifère à deux pattes aux dépens de sa qualité, source ultime de tous les maux et de toutes les dégradations.

Il est trop tard aujourd’hui déjà, sans parler du temps où la dégénérescence de l’homme, sous le règne généralisé du Chandala, sera un fait accompli. Il n’y a, pour l’élite, que peu de choses à faire. Il n’y a qu’à garder, contre vents et marées, sa foi aux valeurs éternelles, non-humaines ; qu’à maudire ces hommes que les Puissances de l’abîme ont choisis comme instruments de leur victoire inévitable et, de toutes ses forces, de toute sa soif de beauté et de justice, à appeler Kalki, le dernier héros “contre le Temps”, le Vengeur de tous Ses précurseurs glorieux ; Celui qui doit réussir là où ils ont tous échoué, et amener la fin de cet Age sombre.

Il n’y a, toutes les fois qu’on passe à travers une campagne surpeuplée, où des maisons vite bâties et des champs destinés à nourrir la multitude humaine, s’étendent indéfiniment à la place des forêts abattues, qu’à essayer de se mettre en contact avec le Principe impassible et caché de l’action et de la réaction, et à prier intensément : “Rendez, ô patient Seigneur, la terre à la jungle, et à ses anciens rois ! Traitez l’homme, individuellement et collectivement, comme il les a traités et les traite encore !”

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On m’objectera que je suis injuste envers les élites humaines, créatrices de culture. On me fera remarquer que sans un certain empiétement sur la jungle, la savane ou la forêt, donc sans restriction du domaine naturel des fauves, il n’y aurait jamais eu ni villes ni monuments, ni tout ce qu’on englobe sous le nom de “civilisation”, — les arts étant tous plus ou moins liés les uns aux autres, ainsi qu’à certaines techniques fondamentales.

Cela est vrai, et nul ne saurait le nier. Ou plutôt, cela était vrai, du temps où l’on pouvait encore penser qu’il valait la peine d’abattre quelques arbres pour ériger, au sommet d’un promontoire, ou sur quelqu’autre “haut lieu”, un temple parfait, — ou pour construire, au milieu d’une plaine, une ou plusieurs pyramides au symbolisme puissant, dont les mesures correspondaient à celles mêmes de la Terre, sinon du système solaire. Cela était vrai du temps où, partie intégrante de la Nature, l’homme ne s’était pas encore dressé contre elle, dans le risible orgueil de ses avantages sur les autres espèces vivantes ; du temps où, dans les meilleures sociétés, qui étaient toutes plus ou moins des sociétés traditionnelles, les esprits les plus éminents, loin de s’exalter, comme Francis Bacon ou Descartes, à l’idée de la “domination de l’homme” sur l’Univers, ne rêvaient que d’exprimer allégoriquement, dans l’œuvre taillée, peinte, chantée ou écrite, ou par le son rythmé et le danse, leur connaissance intuitive des vérités cosmiques, — leur vision de l’éternel.

Alors, la création humaine, — d’ailleurs, toujours contenue — dans certaines limites, — s’insérait harmonieusement dans le milieu naturel. Elle ne l’abîmait pas ; ne le désécrait pas. Il ne pouvait en être autrement, étant donné qu’alors, n’était tenu pour “art” que ce que René Guénon appelle “l’art objectif”, c’est-à-dire l’œuvre dont les normes sont directement liées à la connaissance que l’artiste possède des normes de l’Univers visible et invisible, humain et non-humain. Ainsi sont nés les colosses de Tiahuanaco, les pyramides d’Egypte et d’Amérique, les temples grecs, hindous ou japonais, les peintures préhistoriques ou relativement récentes, au fond des grottes : — Altamira, Lascaux, Ajanta, — les cathédrales byzantines, romanes ou gothiques, les grandes mosquées du monde ; et toute la musique sacrée ou initiatique, de l’Antiquité à Bach et à Wagner ; et les danses sacrées des Indes et du monde entier. Rien de tout cela n’enlève au milieu natal son âme, — au contraire ; tout l’exprime, le traduit dans le langage de l’éternel ; le complète en l’y rattachant.

Mais tout cela, c’était hier ; c’était surtout autrefois. Cela date d’avant, — et, en général, de longtemps avant — l’apparition de l’homme-insecte et d’avant sa soudaine multiplication en progression non plus arithmétique mais géométrique, résultat des techniques de protection des faibles.

Je le répète : qualité et quantité s’excluent mutuellement. Les gens dont le nombre s’accroît en progression géométrique, — doublant, et dans certains pays, triplant, tous les trente ans, — ne peuvent que ruiner la terre, le paysage, et le sol lui-même, auquel ils s’agrippent comme des sangsues. Il leur faut absolument des

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habitations : n’importe lesquelles ; des habitations vite construites, et coûtant le moins possible ; laides, — cela n’entre pas en ligne de compte, pourvu que, dans les pays techniquement avancés, elles présentent de plus en plus de confort ; qu’elles permettent une vie de plus en plus automatique. Dans les autres pays, il suffira qu’elles s’alignent, toute semblables, bâties en série, sur l’emplacement des forêts déracinées. La tôle ondulée, brûlante, y remplacera le chaume frais. Et des fragments de bidons rouillés, grossièrement fixés ensemble, en formeront les parois, au lieu des feuilles de palmiers, devenues plus rares. Ainsi ces repaires au rabais ne valent, certes, ni les plus primitives cases africaines ou océaniennes, ni les antiques cavernes. Mais ils présentent l’avantage que leur fabrication peut aller de pair avec la cadence du pullulement humain.

Quant à l’œuvre d’art, reflet visible de l’éternel, destiné à durer des millénaires, — la pyramide, le tombeau, le temple ou le colosse dégagé du roc vif, ou dressé comme un hymne de pierre au milieu de la plaine ou au haut d’un escarpement, — il n’en est plus question depuis longtemps. L’homme ne bâtit plus sous la direction des sages, pour donner corps à une vérité inexprimable par des mots, mais sous celle d’entrepreneurs avides de gain rapide, — peut-être sous celle de l’État, ami des masses, — pour loger le plus grand nombre possible de gens et de n’importe quels gens. Le paysage est sacrifié, la forêt, arrachée, et ses habitants, — les fauves, les reptiles, les oiseaux, — repoussés là où ils ne peuvent plus vivre, ou carrément tués. L’homme, autrefois partie intégrante de la Nature (et quelquefois son couronnement) est devenu le bourreau de toute beauté, l’ennemi de la Mère universelle, le cancer de la planète.

Même les races supérieures ne créent plus de symboles. Elles ont remplacé, ou remplacent de plus en plus, les temples et les cathédrales par des usines et des centres de recherches médicales. Et elles “décorent” leurs places publiques de caricatures en ciment ou en fil de fer. La musique qu’aiment leurs jeunes, celle qu’ils laissent s’épandre à longueur de journées de leurs transistors, comme fond sonore de toutes leurs activités, de tous leurs discours, de tout ce qui peut leur rester de pensée, est une mauvaise imitation de musique nègre.

Sans doute, la dernière grande création aryenne collective d’Occident est-elle celle qu’avait ébauchée le Troisième Reich allemand, avec les architectes de la nouvelle Chancellerie et du Stade de Nuremberg, avec les sculpteurs Arno Brecker et Kolbe, et les artistes interprètes de Wagner, — en particulier, l’extraordinaire chef d’orchestre Fürtwangler. Elle fut le résultat d’un élan prodigieux de toute l’Allemagne, sous l’inspiration du suprême Artiste, — Adolf Hitler, — à contre-courant de la décadence mondiale. Cet élan a été brusquement interrompu, au bout de six ans à peine, par la déclaration de guerre de l’Angleterre à l’Allemagne, immédiatement suivie de la coalition de haine que l’on connaît, sous la direction ouverte ou subtile des Juifs.

Tout ce que l’Occident non-allemand a produit récemment de vraiment grand, — en France, par exemple, l’œuvre d’un Robert Brasillach, d’un Henry

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de Montherlant, d’un Céline, d’un Benoîst-Méchin, d’un Saint-Loup, — a été, de près ou de loin, touché par l’esprit du Reich. Il y plane, d’ailleurs, d’un bout à l’autre, un pessimisme profond, comme une prescience de la mort inévitable ; du “déclin de l’Occident” qu’annonçait déjà Spengler.

Et l’Orient ne vaut pas mieux. Il vit sur son acquis de sagesse traditionnelle ; il accomplit ses rites immuables ; il cite ses Ecritures sacrées, dont le contenu est plus vieux que la préhistoire, puisqu’il est la Vérité elle-même — la Vérité non-humaine. Mais il ne semble pas avoir la force d’en tirer de quoi se régénérer de fond en comble. (C’est, je le rappelle, une minorité hindoue, aussi bien d’ailleurs qu’européenne, et une minorité sans influence politique, hélas, qui a compris quel lien éternel existe entre l’Hitlérisme et la Doctrine de l’action violente dans l’absolu détachement, telle que la prêche le Seigneur Krishna au guerrier aryen Arjuna, dans la Bhagawad-Gîta).

J’ai, par contre, maintenant, en 1971, trouvé aux Indes plus d’échos que jamais à l’expression de mon attente passionnée de l’avatar Kalki, et de la fin de l’Age Sombre. D’autres l’attendent comme moi, sans sentir, eux non plus, qu’il y ait quoi que ce soit à déplorer à la pensée de la fin de l’homme — exception faite des quelques-uns que la dernière Incarnation divine accueillera comme collaborateurs, les jugeant dignes d’ouvrir avec Elle l’Age d’Or du prochain Cycle.

Il n’y a, en effet, aucune raison de s’attrister à l’idée que les innombrables laideurs que nous voyons s’étaler partout, sur tous les continents, seront un jour définitivement balayées, avec ceux qui les ont produites, encouragées ou tolérées, et qui continuent sans arrêt d’en produire de nouvelles. Il n’y a même pas de quoi s’attrister à la crainte que les vieilles et belles créations humaines — les Pyramides de Gizeh, le Parthénon, les temples de l’Inde du Sud, Ellora, Angkor, la cathédrale de Chartres, — pourraient bien être balayées en même temps qu’elles, dans la colossale fureur de la Fin. Les laideurs que l’homme a accumulées, les désécrations de la Terre dont se sont rendues coupables, en ce siècle de déchéance universelle, même les meilleures races, neutralisent de loin tout ce que le génie des Anciens a produit de plus grand et de plus beau. Elles font oublier les taureaux ailés de Babylone et d’Assyrie, les frises des temples grecs et les mosaïques byzantines, et font pencher le fléau de la balance en faveur de la disparition de l’espèce humaine. D’ailleurs, les œuvres éternelles ne sont plus à leur place dans le monde d’aujourd’hui. On ne les voit même plus. Les horribles bâtisses de verre et d’acier, — “pour bureaux” — érigées récemment en plein centre d’Athènes, autour de la Plateia Syntagmatos [271], cachent entièrement la vue de l’Acropole à quiconque se trouve sur cette place. Le cadre des villes de quatre mille ans est détruit. Le Lycabète, aux trois quarts dépouillé de sa belle forêt de pins, n’est plus le Lycabete aux yeux de ceux qui l’ont connu et aimé il y a cinquante ans.

271. “Place de la Constitution”.

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Et il en va partout ainsi. C’est, — ou ce sera, demain, — à l’échelle planétaire, la réalisation du rêve sacrilège de Descartes et de tous les dévots de l’anthropocentrisme. C’est le triomphe de l’immense fourmilière humaine sur la savane, sur le désert, sur tous les espaces terrestres où l’homme supérieur pouvait encore être seul, et, à travers la beauté visible et le contact avec l’innocence de la Vie privée du mot, communier avec l’éternel.

A quand la venue du Vengeur inévitable ? de Celui qui rétablira l’ordre, et remettra “chaque être à sa place” ?

Est-ce la dévotion que je lui porte qui me fait — et m’a toujours fait — tant aimer toutes les Forces qui dominent de très haut et semblent vouloir écraser cet insolent ver de terre qu’est l’homme ? Est-ce elle, en particulier, qui, en Avril 1947, m’a fait saluer la vue (et le rugissement souterrain !) de l’Hékla en pleine éruption comme on salue aux Indes les divinités dans les temples, et, dans une extase de joie, entonner en bengali l’hymne à Shiva : “Danseur de la Destruction, ô Roi de la Danse” [272] ?

Est-ce elle qui m’a poussée à marcher toute la nuit le long d’une des sept coulées de lave, sous un ciel d’un violet pâle, inondé de clair de lune, strié d’aurores boréales vertes frangées de pourpre, barré d’un long nuage noir de fumée volcanique — ciel contre lequel les cratères (il y en avait plusieurs) lançaient leurs jets de flammes et leurs quartiers de roc incandescents ? Est-ce elle qui, dans le grondement ininterrompu, jailli des entrailles de la terre qui tremblait, et parfois éclatait en soudaines bouches de feu, m’a fait reconnaître — la Syllabe sacrée “Aum !” — celle-là même que j’avais entendue, et que je devais entendre depuis, toujours avec adoration, sortir de la gueule des lions ?

Etait-ce la conscience plus ou moins obscure qu’ils étaient eux-mêmes de la race de Celui-qui-revient-d’âge-en-âge, et, comme Lui, défenseurs de la beauté de la Terre, — Vengeurs des Forts contre toutes les superstitions anthropocentriques et partant égalitaires, et en particulier, contre le Christianisme, alors nouvellement imposé aux fiers Germains ; — était-ce cette conscience, dis-je, qui poussait les Vikings du Jütland, ancêtres de ma mère, à chanter leurs hymnes à Donner et à Thor, seuls au milieu du brouillard, sur la Mer du Nord en furie, joyeux d’entendre, dans les roulements du tonnerre, la réponse deus Dieux ?

Peut-être. Ce qui est certain, c’est que j’ai toujours été pour la Nature indomptée, — contre l’homme ; pour le lion et le tigre, contre le chasseur, parfois très laid et, de toute façon, si beau qu’il puisse être, moins beau qu’eux, qui vivent en marge de la décadence mondiale. Ce qui est certain, aussi, c’est que j’ai toujours été pour l’homme supérieur, pour le fort, le conquérant (à moins que, comme les envahisseurs européens du Nouveau Monde [273], il n’emploie sa

272. 273. Avec la diffusion du Christianisme, le métissage prit — en Amérique latine surtout, — une extension sans précédent.

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force à répandre quelque doctrine de nivellement, justifiant tous les métissages) contre le pacifique, engourdi dans ses plaisirs ; contre le coupeur de cheveux en quatre ; et contre le “savant”, travaillant “pour l’humanité” aux dépens des bêtes innocentes ; toujours été pour le S.S., contre le Juif, et ses serviteurs plus méprisables que lui.

Il y a quarante ans, ou presque, que je suis venue aux Indes, chercher (faute de mieux) l’équivalent tropical de l’Europe aryenne et païenne, — de ce Monde antique, où régnait une tolérance éclairée, et le culte du Beau, synonyme du Vrai ; tirant son essence même du Vrai. J’y suis venue et restée ; j’en suis partie et j’y suis revenue, toujours en disciple d’Adolf Hitler, Visage moderne de Celui-qui-revient ; toujours animée de l’esprit du “combat contre le Temps”, qu’il incarne, lui, avec tous ses prédécesseurs glorieux, et avec Kalki, le Vainqueur qui doit un jour lui succéder, et leur succéder.

Maintenant qu’il n’y a plus rien d’autre à faire, mes camarades, vivez avec moi l’attente ardente de la fin de cette humanité, qui nous a rejetés, notre Führer et nous. Elle ne vaut pas la peine qu’on la sauve. Qu’elle aille à tous les diables, ensevelie sous les ruines de ses hôpitaux, de ses laboratoires, de ses abattoirs et de ses “boîtes de nuit” !

Je vous cite les vers que Leconte de Lisle adresse à la Forêt vierge, brûlée, arrachée, déchiquetée par l’homme :

“Les larmes et le sang arroseront ta cendre,Et tu rejailliras de la nôtre, ô Forêt !”

Ce sont pour moi des paroles de joie anticipée.

Je vous rappelle aussi les mots de Goebbels à l’heure de l’effondrement de ce Reich, pour lequel nous vivions : “Après, le déluge : nous !”

Il ne reste plus qu’à souhaiter, qu’à appeler de toutes nos forces “le Déluge” — la Fin ; qu’à nous rendre personnellement responsables de sa venue, en la souhaitant jour et nuit.

Je la désirerais, je l’appellerais, même si on me persuadait que pas un de nous — y compris moi, bien entendu ; y compris ceux que j’admire et aime le plus, — n’y survivrions. Le monde est trop laid, sans ses Dieux véritables, — sans le sens du sacré au sein de la vie, — pour que les Forts n’aspirent pas à sa fin.

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Mes camarades, joignez-vous à moi, et lançons à tous les échos, avec Wotan, le Chant de la Fin :

“Eins will ich : das Ende ; das Ende !”

Le monde sans l’homme est, et de très loin, préférable, au monde dans lequel aucune élite humaine ne commandera plus. Le rugissement du lion s’y fera de nouveau partout entendre, au cours des nuits, sous le ciel resplendissant de clair de lune, ou sombre et plein d’astres. Et de nouveau les vivants y trembleront devant un Roi digne d’eux.

Recommencé (tant bien que mal) le 20 Avril 1969, à Montbrison (France), après la perte de son début — 80 pages d’un premier manuscrit, impossibles à réécrire ; — continué à Athènes, de Septembre 1969 à août 1970, puis en Allemagne, puis à Ducey (Normandie) d’octobre 1970 à mai 1971, puis à Poona (Indes), ce livre fut achevé a New-Delhi, le 12 septembre 1971.