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Honoré Vinck Société tribale et législation sur le travail Source: Aequatoria, 17e Année, No. 2 (1954), pp. 69-71 Published by: Honoré Vinck Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25838377 . Accessed: 14/06/2014 02:57 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Honoré Vinck is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Aequatoria. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.38 on Sat, 14 Jun 2014 02:57:25 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Société tribale et législation sur le travail

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Honoré Vinck

Société tribale et législation sur le travailSource: Aequatoria, 17e Année, No. 2 (1954), pp. 69-71Published by: Honoré VinckStable URL: http://www.jstor.org/stable/25838377 .

Accessed: 14/06/2014 02:57

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

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Society tribale et legislation sur le travail.

Le legislateur a besoin des lumieres de l'ethnologie pour prevoir et comprendre les

reactions suscitees par son intervention dans la societe primitive. Ainsi: le salaire ne joue aucun role dans cette societe ou Teconomie de profit est inconnue. L'introduction du sala riat permettra a l'individu d'echapper a ce que nous nommons la tyrannie du groupe mais en meme temps le deprive de la securite que son groupe lui donnait (Tauteur aurait, ce nous semble, pu ajouter qu'elle soumet l'indigene a la tyrannie de Teconomie europeenne et a la contrainte de l'etat moderne, Red.) Elle le rend absolument dependant du marche de la main-d'oeuvre et affaiblit la cohesion du groupe. Elle modifie, voire detruit l'autori

te, le travail d'equipe, l'assistance mutuelle, l'hospitalite, les arts, les relations familiales, la

propriete, l'heritage, la solidarity, etc.

De meme nous aurions interet a nous rendre compte des effets de notre enseignement sur des cultures qui ne connaissent pas Tecriture. L'introduction du livre detiuit le respect pour l'age. Les vieux sont les depositaries de la tradition, du savoir, de la sagesse. La pa role imprimee balaye le prestige du sage et meme de sa fonction stabilisante dans la so

ciete. Nous n'avons rien a mettre a la place; nous ne nous rendons pas meme compte que nous sommes entrain de rompre l'equilibre culturel (vraiment ? Tenseignement n'est-il pas, au contraire, frequemment presente comme un excellent moyen pour miner la culture an

cestrale ? Red.) Les meilleures reglementations ne peuvent etre jugees que sur leurs effets et puisqu'elles n'agissent que sur des individus dans un complexe culturel, il serait sage d'eviter de legiferer comme si ce complexe n'existait pas.

L'Europeen n'a cesse de repeter que l'Africain est paresseux et qu'il doit appren dre la ? saintete du travail ? au besoin par l'appui de sanctions penales a titre educatif.

Tout ce raisonnement et la legislation qui s'y appuie sont pleins de malentendus. La loi du travail n'est pas inconnue de l'Afrique tribale. Sans travail dur et persistant aucune po

pulation africaine n'aurait survecu. Tout ce que l'Africain possede a du etre arrache a un

milieu tenacement hostile; que ce soit sous forme de chasse, de peche, d'abatage, de fa brication de pirogues ou d'armes, d'outils, de poterie, ou la construction de huttes, etc.

La loi du travail que nous lui apportons comme un nouvel evangile est simplement notre

conception et notre forme du travail, que nous essayons de lui imposer sans nous rendre

compte qu'a ses yeux elles sont revolutionnaires, voire sacrileges, et sans nous soucier des

repercussions sur chaque aspect de sa culture.

Quoique cela puisse paraitre paradoxal, la remuneration est une consideration secon

daire pour TAfricain tribal, et elle est souvent inexistante. II ne compte pas etre pave pour l'obeissance a ses ancetre.s, qui sont ses vrais employeurs, pas plus qu'un moine ne demande a son superieur aucun payement. Le salaire fait partie de notre conception du travail Apres avoir solennellement proclame la saintete du travail et ajoute un mecanisme

peu allechant de sanctions penales pour ruptures de contrat, nous terminons sur un appel, non a la vertu du travail, mais au desir du gain. L'Africain a une dose remarquable de

logique et il voit clairement qu'il n'y a rien de sacre dans le motif du profit et que les

regies coutumieres ne s'appliquent point aux contrats bases sur le salaire. A moins d'e tre totalement deracine par le salariat, le travailleur se sent encore lie par ses devoirs envers son groupe d'origine et une part de son salaire ira a des personnes qui ne sont

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pas considerees comme dependantes dans nos codes. Nous n'avons aucune idee des in

convenients et des souffrances morales que nous infligeons au travailleur africain par la

fagon dont nous calculons son budget et fixons son salaire minimum. II ne suffit point que la legislation sur le travail soit humaine dans son intention. Elle doit aussi agir humaine ment avec prevision de tous les changements et dechirements qu'elle apportera a l'equili bre social et culturel.

L* Africain sait tres bien ce qu'est un contrat. Sa culture en connait maint exemple, II est done faux de penser que l'idee du travail sous contrat doit lui etre inculquee par la menace de punitions. Mais dans la loi tribale, les obligations contractuelles, au contraire des devoirs publics, sont basees du commencement a la fin sur le marchandage. Employeur et employe constituent une association, 1'employeur etant considere comme une sorte de chef de clan dont il a les fonctions de bienfaiteur et de protecteur : ses devoirs ne sont done pas jugees remplis lorsqu'il a pave le salaire du ; une autre conduite est sentie com me une injustice, ce qui engendre l'amertume et la revoke. C'est ainsi que le contrat

d'emploi peut produire des faineants, des rebelles, des voleurs et des chicaneurs dans une main-d'eeuvre originairement excellence.

Nous avons developpe une idee de la justice qui est assez inhumaine et que nous

exprimons par l'adage : cuique suum; Cette notion de la justice ne cree pas les liens en tre les hommes ; elle tend plutot a les rompre. Aussi avons nous ete forces d'ajouter requi te et meme aussi la bienveillance, la solidarity, l'altruisme, Thumanite, etc.,mais sans expli quer pourquoi 1/horn me devrait etre plus juste que la justice et s'obliger a ce qui n'est pas

obligatoire. Dans la philosophic de la culture africaine il est difficile de trouver trace de ce concept abstrait de la justice. Dans le clan, qui est la source primaire, et souvent uni

que, des droits et des devoirs, le principe n'est pas que chacun doit recevoir ce a

quoi il a droit, mais ce dont il a besoin dans les circonstances donnees, eu egard, au rang, a l'age. aux neeessites, aux perils, aux malheurs, etc. Pour l'Africain qui est toujours trai

te dans son clan comme une personne humaine, il est choquant d'etre considere comme un

instrument. Aussi ne peut-il eomprendre les exigences de son employeur, p. ex. par regard a la ponctualite, dontil ne connait pas l'equivalent dans sa vie tribale. Mais comme une

entreprise industrielle ne peut marcher sans ponctualite, le travailleur devrait pouvoir s'a

dresser a une sorte de ? forum ? pour exposer son cas particulier et expliquer ses retards, ses absences, etc. Ce qui serait bien plus efficace que le tribunal avec ses sanctions.

La solidarity est un element essentiel de la culture bantoue. Meme les detribalises se

groupent en societes. Pourquoi alors les travailleurs ont-ils si difficile d'accepter le syndi* calisme? Les societes indigenes sont de nature amiable; elles ne sont dirigees contre rien ni

eontre personne. Le syndicat est un instrument de protestation, de lutte contre 1'employeur. Dans la culture bantoue pareille notion paraitrait aussi innaturelle et ridicule qu'tine alliance defensive des enfants contre leurs parents. L'a u tori re est indivisible. Excepte lors

qu'il a ete grandernent influence par la propagande europeenne, le travailleur africain ne

songe pas a protester ni a saboter. II ne demande que de pouvoir exprimer ses griefs et

son point de vue. La ou le syndicalisme a failli, un systeme de cons<eils de travail serait

presque certainement couronne de succes.

La tache du legislateur est assez ardue. Ne deviendrait-elle pas impossible si les regie ments devaient tenir compte de tout ce que les ethnologues decouvrent dans les cultures

indigenes? Pourtant l'ethnologue culturel peut eviter au legislateur de grossieres erreurs

en lui montrant que ce qui parait etre s ms iraporrance ou meme ridicule est au conrraire

tres important aux yeux et dans la culture de ceux pour lesquels la loi est faite. La loi

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est toujours dura, si meme elle donne protection. Nous essayons de diminuer sa s v rite

par une fiction politique: la loi est l expression de la volonte populaire. En Afrique ou meme cette fiction n'existe pas et ou la loi parait un intrus, est-il deraisonnable de de

mander que la legislation soit precedeepar une etude approfondie? (Resume de: P. Char

les, Iaternational Labour Review, LXV 4).

N.d.LR. Que cet exttait soit un hommage a la memoite du grand missiologue et amidu

Congo.

Langue Indigene ou Frangais? Les indigenes eux-memes veulent etre eduques en frangais, dit~on. Mais comment en

serait-il autrement. Leur a-t-on jamais donne une autre possibility d'acceder a un niveau culturel satisfaisant? Encore maintenant, lorsqu'on parle d'indigenes ? civilises ? ne consi dere-t-on pas comme tels, uniquement ceux qui sont plus ou moins ? assimiles ?, commesi

c'etait la une chose toute naturelle, et un postulat sur lequel on puisse batir les textes le

gaux de Fimmatriculation ? Est-il done impossible de concevoir une forme de civilisation

qui soit africaine et non europeenne, et de juger du degre de civilisation d'apres des criteres qui ne soient pas purement ? occidentaux ? ? II nous pa rait cependant inevitable

qu'un jour ou Fautre, on doive accorder des droits sociaux et des droits politiques, non

seulement aux indigenes qu'un contact prolonge avec les Wanes a plus ou moins ? euro

peanises mais a ceux qui ont evolue dans leur milieu ancestral et sont arrives a un de

gre de maturity suffisant. Nous ne voyons pas pourquoi dans la society indigene future un artisan chretien qui a appris a lire, a ecrire et a raisonner, n'aurait pas les memes droits

qu'un scribe qui tient les livres dans une entreprise europeenne. En attendant, les idyes que les Noirs se forment de la superiority des etudes en langue franchise, sont purement et

simplement le reflet de nos propres prejuges. Que Ton ne nous fasse dire cependant que nous desirons proscrire Fenseignement du

frangais aux indigenes ! Ce serait la une absurdity ! II est evident que la connaissance d'une

langue europeenne leur est indipensable dans leurs contacts avec les blancs, et que cette connaissance leur offre a la fois l'avantage de faciliter la comprehension et l'entente reci

proques, et celui de les initier a une culture dont ils peuvent apprecier dans une certaine mesure la valeur.

Mais Fenseignement du frangais n est pas la meme chose que Fenseignement en fran

$a& (J. Larochette: Problemes d*Afrique Centrale, n? 10, p. 29).

Changements politiques en Afrique Occidentale.

Les jours ou les gouvernements ne faisaient guere plus que garder l'ordre et peir cevoir les impots sont passes. L*em prise du gouvernement devient plus forte et est sen

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