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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 204—207 ACTUALITÉS / Sous la direction de Florentin Clère Vacciner sans faire mal ? No pain during immunization? La vaccination est un moyen simple et rapide de prévenir de nombreuses maladies et leur cortège de morbidités, voire leur mortalité. Le schéma vaccinal classique de l’adulte pré- voit un rappel antitétanique tous les dix ans et recommande une vaccination antigrippale tous les ans. Pour autant, la proportion d’adultes vaccinés dans la population générale reste faible : pour quelles raisons ? Par peur, quelquefois pho- bique, de l’aiguille mais surtout par peur de la douleur au décours de l’injection, surtout en cas de modèle négatif (expérience douloureuse personnelle ou dans l’entourage). Or, l’amélioration du taux de vaccination est capitale en termes de santé publique : une meilleure prévention de la douleur induite pourrait permettre de limiter les appréhen- sions. Quels sont les moyens actuels ? C’est à cette question que tentent de répondre les auteurs canadiens d’une revue de littérature sur le sujet [1]. Au total, seulement six études, incluant 653 patients, ont contribué aux conclusions de cet article : il existe des preuves d’efficacité pour l’utilisation de l’association lidocaïne—prilocaïne en crème (blocage du message nociceptif) et la pression de la zone d’injection (effet gate control) : ces techniques méritent donc d’être recommandées ; le niveau de preuve est insuffisant pour recomman- der la vaporisation de froid sur la zone cutanée, l’utilisation d’injecteurs (risque de douleur plus intense), le réchauffement du produit ou le refroidissement de l’aiguille ; aucunes données ne sont disponibles en termes de taille d’aiguille, d’antalgiques par voie générale ou d’approche psychocorporelle. Au final pas de surprise : l’application d’anesthésiques locaux en crème et la pression de la zone d’injection restent bien d’actualité. Encore faut-il qu’elles soient réalisées, notamment chez l’adulte : leur systématisation pourrait per- mettre de dédramatiser le geste vaccinal, donc d’améliorer la couverture vaccinale de la population. Conflit d’intérêt Aucun. Référence [1] Hogan ME, Kikuta A, Taddio A. A systematic review of measures for reducing injection pain during adult immunization. Vaccine 2010;28:1514—21. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] Disponible sur Internet le 1 aoˆ ut 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.06.003 Superman et le chien qui vole... Superman and the flying dog Dans ce court article, l’auteur pose le constat suivant : le patient qui présente des lombalgies se voit souvent conseiller de renforcer sa ceinture abdominale en réalisant des « abdos » [1]. Or les muscles extenseurs du rachis sont au moins aussi importants à considérer mais ils semblent moins bien connus du grand public et des soignants pre- nant en charge des patients lombalgiques. Destiné aux patients eux-mêmes, cet article propose deux exercices d’autorééducation simples aux noms imagés : le « chien qui vole » : cet exercice se réalise à quatre pattes, les mains au sol au niveau des épaules et les genoux au sol à hauteur des hanches. L’étirement des muscles spinaux est réalisé grâce à une extension complète et simultanée d’un des deux membres supé- rieurs vers l’avant et du membre inférieur controlatéral vers l’arrière ; « Superman » : l’abdomen du patient repose sur un bal- lon de gymnastique, les genoux sont fléchis et les pieds reposent contre un mur. Les étirements sont réalisés après une poussée des pieds contre le mur : le patient se retrouve en extension du tronc et des quatre membres, les bras le long du corps, tel le super-héros en plein vol. L’auteur conseille de réaliser une à deux série(s) de dix exercices de ce type par jour. À tester et à faire tester... Conflit d’intérêt Aucun. 1624-5687/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Superman et le chien qui vole…

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a vaccination est un moyen simple et rapide de prévenire nombreuses maladies et leur cortège de morbidités, voireeur mortalité. Le schéma vaccinal classique de l’adulte pré-oit un rappel antitétanique tous les dix ans et recommandene vaccination antigrippale tous les ans. Pour autant, laroportion d’adultes vaccinés dans la population généraleeste faible : pour quelles raisons ? Par peur, quelquefois pho-ique, de l’aiguille mais surtout par peur de la douleur auécours de l’injection, surtout en cas de modèle négatifexpérience douloureuse personnelle ou dans l’entourage).r, l’amélioration du taux de vaccination est capitale enermes de santé publique : une meilleure prévention de laouleur induite pourrait permettre de limiter les appréhen-ions. Quels sont les moyens actuels ? C’est à cette questionue tentent de répondre les auteurs canadiens d’une revuee littérature sur le sujet [1]. Au total, seulement six études,ncluant 653 patients, ont contribué aux conclusions de cetrticle :il existe des preuves d’efficacité pour l’utilisation del’association lidocaïne—prilocaïne en crème (blocage dumessage nociceptif) et la pression de la zone d’injection(effet gate control) : ces techniques méritent donc d’êtrerecommandées ;le niveau de preuve est insuffisant pour recomman-der la vaporisation de froid sur la zone cutanée,l’utilisation d’injecteurs (risque de douleur plus intense),le réchauffement du produit ou le refroidissement del’aiguille ;aucunes données ne sont disponibles en termes de tailled’aiguille, d’antalgiques par voie générale ou d’approchepsychocorporelle.

Au final pas de surprise : l’application d’anesthésiquesocaux en crème et la pression de la zone d’injection restentien d’actualité. Encore faut-il qu’elles soient réalisées,otamment chez l’adulte : leur systématisation pourrait per-ettre de dédramatiser le geste vaccinal, donc d’améliorer

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1] Hogan ME, Kikuta A, Taddio A. A systematic review of measuresfor reducing injection pain during adult immunization. Vaccine2010;28:1514—21.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 1 aout 2010

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ans ce court article, l’auteur pose le constat suivant :e patient qui présente des lombalgies se voit souventonseiller de renforcer sa ceinture abdominale en réalisantes « abdos » [1]. Or les muscles extenseurs du rachis sontu moins aussi importants à considérer mais ils semblentoins bien connus du grand public et des soignants pre-

ant en charge des patients lombalgiques. Destiné auxatients eux-mêmes, cet article propose deux exercices’autorééducation simples aux noms imagés :le « chien qui vole » : cet exercice se réalise à quatrepattes, les mains au sol au niveau des épaules etles genoux au sol à hauteur des hanches. L’étirementdes muscles spinaux est réalisé grâce à une extensioncomplète et simultanée d’un des deux membres supé-rieurs vers l’avant et du membre inférieur controlatéralvers l’arrière ;« Superman » : l’abdomen du patient repose sur un bal-lon de gymnastique, les genoux sont fléchis et les piedsreposent contre un mur. Les étirements sont réalisésaprès une poussée des pieds contre le mur : le patient seretrouve en extension du tronc et des quatre membres,les bras le long du corps, tel le super-héros en plein vol.

L’auteur conseille de réaliser une à deux série(s) de dixxercices de ce type par jour. À tester et à faire tester. . .

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Actualités

Référence

[1] Lieberson C. The missing link in protecting against back pain. JBodywork Mov Ther 2010;14:99—101.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 31 juillet 2010

doi:10.1016/j.douler.2010.06.004

Cancer du poumon : quel traitement pourquelle douleur ?

Lung cancer: What treatment for what sort of pain?

Au-delà de son mauvais pronostic (80 % des patients sontdécédés un an après sa découverte), le cancer du pou-mon est fréquemment à l’origine de douleurs. Celles-cisont présentes chez 47 % des patients, et cette prévalenceatteint 90 % en phase terminale de la maladie. Mercadanteet Vitrano ont donc choisi de s’adresser aux professionnelsimpliqués dans la prise en charge globale du cancer du pou-mon en publiant un article sur les douleurs qui surviennentdans un tel contexte [1]. En effet, il s’agit de douleurs mul-tiples et variées, liées soit à la progression tumorale, soitaux traitements ; elles peuvent être nociceptives, neuropa-thiques ou mixtes. Lorsque la tumeur est à l’origine de ladouleur, c’est bien sûr le thorax qui devient douloureux,et souvent le rachis étant donnée la fréquence des méta-stases osseuses. Dans les deux cas, la douleur peut devenirmixte dès lors qu’une structure nerveuse est lésée (nerfintercostal, plexus brachial, voire racine nerveuse ou moelleépinière). Les traitements du cancer du poumon sont eneux-mêmes pourvoyeurs de douleurs. Les taxanes, les selsde platines et les vinca-alcaloïdes peuvent provoquer unepolyneuropathie douloureuse. La radiothérapie peut être àl’origine d’une plexopathie brachiale, le plus souvent tran-sitoire, mais pouvant s’inscrire dans la durée. Enfin, lathoracotomie laisse fréquemment la place à des douleurschroniques, le plus souvent neuropathiques, d’où l’intérêtdes techniques chirurgicales les moins invasives et d’uneanalgésie périopératoire optimale. Sur le plan thérapeu-tique, cet article décrit de manière détaillée l’utilisationdes opioïdes en traitement de fond, en abordant les inté-rêts respectifs des différentes voies d’administration. Pourles pics douloureux, l’intérêt des nouvelles formes de fen-tanyl d’action rapide (buccale effervescente, sublinguale,nasale) est mis en avant, pour des questions de mania-bilité et de rapidité d’action. Les antidépresseurs et lesanti-épileptiques sont présentés comme les traitements deréférence des douleurs neuropathiques. Les antagonistesdes récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), les infu-

sions intrarachidiennes de morphine et/ou d’anesthésiqueslocaux et la cordotomie sont décrits comme potentiellementintéressants pour les douleurs les plus réfractaires. Au total,cet article propose un point complet sur les douleurs liéesau cancer du poumon : une référence à conserver.

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éférence

1] Mercadante S, Vitrano V. Pain in patients with lung cancer:pathophysiology and treatment. Lung Cancer 2010;68:10—5.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 31 juillet 2010

oi:10.1016/j.douler.2010.06.005

ccès douloureux paroxystique : quezako ?

reakthrough pain: What is it?

a douleur du cancer reste une problématique importanteconsidérer, puisqu’elle touche 70 à 90 % des patients en

hase avancée de la maladie. La stratégie antalgique neeut être efficiente que si les caractéristiques cliniques dea douleur sont bien étudiées : le clinicien part alors à laecherche d’éventuels accès douloureux paroxystiques (ADP,reakthrough pain en anglais).

Mais, savons-nous réellement de quoi il s’agit ? Le groupeuropéen de recherche en soins palliatifs a récemment étu-ié la littérature internationale sur le sujet [1] : au total,1 études de bonne qualité méthodologique ont été analy-ées.

Premier constat : il n’existe aucun vrai consensus sur laéfinition de l’ADP. Moins de la moitié des études ont retenua définition de Portenoy et Hagen (1990) : « augmentationransitoire de l’intensité douloureuse, dont le niveau dease est stable, chez un patient recevant un traitementpioïde chronique ». Intensité du pic douloureux, existenceu non d’une composante permanente, présence ou non’un traitement opioïde de fond : toutes ces notions appa-aissent de manière très variable au sein des définitionsetenues pour chaque étude clinique.

Deuxième constat : aucun outil d’évaluation des ADP’est consensuel : dix outils différents ont été utilisés dansne minorité des 51 articles, dont sept outils « maison »onstruits spécialement par les auteurs. Aucun n’a étéolidement validé, même si plusieurs (dont le Breakthroughain Questionnaire) sont classiquement cités dans laittérature. . .

Troisième et dernier constat : aucune classificationnternationale des ADP ne se dégage. Les classificationsrésentées dans les études cliniques s’intéressent, soitl’étiologie de la douleur (cancéreuse ou non), soit auécanisme physiopathologique (somatique, viscéral, neuro-athique, mixte), soit au sous-type (spontané ou provoqué,

révisible ou non) mais aucune vraie classification, mul-imodale ou non, n’existe réellement. Pas de définitiononsensuelle, pas d’outil d’évaluation, pas de classification :ais alors, c’est quoi un ADP ? Les auteurs de cet article

stiment que le challenge de la clarification est important