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Sur la courbe pdanienne de M. Sierpihski Par H. STEIN-HAUS, Lw6w La courbe classique de Peano, qui remplit le carr~ [-- ]2, est d~finie par deux fonetions continues x ~ ~(t), y ~ y~(t) que l'on obtient par le proc4d~ bien connu 1) des approximations graphiques. Ces fonctions ~ta- blissent entre le carr6 en question et le segment -- ~t ~ une corres- pondance qui conserve la mesure: si S est un sousensemble mesurable (L) de [-- ] et I l'image plane de S, alors la mesure lin~aire IS I de S est 6gale s la mesure plane de I. I1 s'ensuit que les deux fonctions ~(t), ~(t) sont s distribution r~gulibre (~d. r.) ; nous entendons par 1s que l'on a [ E(xl~<~(t)< x2)[ = x2- xl (1) t si- ~ x 1 ~x~ ~ et de m~me pour ~p(t); E (R) signifie l'ensemble des t t v~rifiant R. I1 s'ensuit aussi que les fonctions ~(t), !p(t) sont ind~pen- dantcs l'une de l'autre dans un sens qui sera precis6 plus bas. M. Lebesgue 2) a ~t~ le premier s g~n~raliser la courbe de Peano en construisant une suite {In(t)} de fonctions continues qui fournit routes les suites num6riques {am} (-- 189 quand t parcourt [-- M. BergeJessen 3) a donn~ un autre exemple d'une courbe continue rem- plissant le ,,cube" [-- ~0 et l'auteur de cette note en a donn6 un troisi~mc aux Comptes Rendus 4) en visant la conservation des mesures. I1 a obtenu ainsi une suite de fonctions ind6pendantes et continues. Nous attribuons s cette expression la signification suivante.*) Un syst~me de n fonctions ind6pendantes dans [-- est carac- t~ris~ par l'~galit~ n n I/ZE(~ <~h(t) <~) I =/z I E(~k <~h(t) <~) I (2) k=l t k=l t 1) Math. Ann. 39 (1890), p. 157. l~ous choisissons le carr~ [-- l/u, 1/2]~ pour avoir .f ep (t) dt ~ .f ~ (t) dt ~ 0 ; la raison n'apparait que darts los applications dont nous ne parlons pas ici. =) Journ. de Math. (6) 1 (1905), p. 210. a) C. R. du septi~me Congr~s des math4matieiens scandinaves, Oslo, 1930. 4) C. R. de l'Acad, dee So. 202 (1936), p. 1961. *) Cette d~finition a ~t6 formulae d6jh en 1929 par M. Kolmogoroff k la fin d'une Note (on russe) ins~r~e aux Comptes Rendus de l'Aead~mio Communiste p. 8--21, eomme je viens de l'apprendre (Remarque pendant l'~preuve, 17. 12. 1936). 166

Sur la courbe péanienne de M. Sierpiński

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Sur la courbe pdanienne de M. Sierpihski

P a r H. STEIN-HAUS, Lw6w

La courbe classique de Peano, qui rempli t le carr~ [ - - �89 �89 ]2, est d~finie pa r deux fonetions continues x ~ ~(t), y ~ y~(t) que l 'on obt ient par le proc4d~ bien connu 1) des approximat ions graphiques. Ces fonctions ~ta- blissent entre le carr6 en question et le segment - - � 8 9 ~ t ~ �89 une corres- pondance qui conserve la mesure: si S est un sousensemble mesurable (L) de [ - - �89 �89 ] et I l ' image plane de S, alors la mesure lin~aire I S I de S est 6gale s la mesure plane de I . I1 s 'ensuit que les deux fonctions ~(t) , ~(t) sont s dis t r ibut ion r~gulibre (~d. r.) ; nous entendons par 1s que l 'on a

[ E ( x l ~ < ~ ( t ) < x2)[ = x 2 - xl (1) t

s i - �89 ~ x 1 ~x~ ~ �89 et de m~me pour ~p(t); E (R) signifie l 'ensemble des t

t v~rifiant R. I1 s 'ensuit aussi que les fonctions ~(t), !p(t) sont i nd~pen- dantcs l 'une de l ' au t re dans un sens qui sera precis6 plus bas.

M. Lebesgue 2) a ~t~ le premier s g~n~raliser la courbe de Peano en construisant une suite {In(t)} de fonctions continues qui fournit routes les suites num6riques {am} ( - - � 8 9 1 8 9 quand t parcour t [ - - �89 �89 M. BergeJessen 3) a donn~ un autre exemple d 'une courbe continue rem- pl issant le , ,cube" [ - - �89 �89 ~0 et l ' au teur de cet te note en a donn6 un troisi~mc aux Comptes Rendus 4) en visant la conservation des mesures. I1 a obtenu ainsi une suite de fonctions ind6pendantes et continues. Nous a t t r ibuons s cette expression la signification suivante.*)

Un syst~me de n fonctions ind6pendantes dans [ - - �89 �89 est carac- t~ris~ par l'~galit~

n n

I / Z E ( ~ <~h(t) < ~ ) I = / z I E(~k <~h(t) < ~ ) I (2) k = l t k = l t

1) Math . Ann . 39 (1890), p. 157. l~ous choisissons le carr~ [ - - l /u , 1/2]~ p o u r avoi r .f ep (t) dt ~ .f ~ (t) dt ~ 0 ; la r a i son

n ' a p p a r a i t que darts los app l i ca t ions dont n o u s ne pa r lons pas ici. =) J o u r n . de Math. (6) 1 (1905), p . 210. a) C. R. d u septi~me Congr~s des m a t h 4 m a t i e i e n s scandinaves , Oslo, 1930. 4) C. R. de l 'Acad, dee So. 202 (1936), p. 1961.

*) Cette d~finit ion a ~t6 fo rmulae d6jh e n 1929 p a r M. Ko lmogoro f f k la fin d ' u n e No te (on russe) ins~r~e a u x C o m p t e s R e n d u s de l 'Aead~mio Commun i s t e p. 8 - - 2 1 , eomme je v iens de l ' a p p r e n d r e ( R e m a r q u e p e n d a n t l '~preuve, 17. 12. 1936).

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qui dolt avoir lieu pour tous les a~, flk r6els. Une suite de fonctions ind6- pendantes sera, par d6finition, une suite dont n termes v4rifient la con- dit ion (2) quelque soit n. Nous ne consid~rons que des fonctions mesu- rables (L). L'int~r~t qu' i l y a/~ d~finir des suites de Ionctions ind~pen- dantes consiste en ce qu'elles r6duisent certains probl~mes du calcul des probabilit~s s la th6orie des fonctionsS).

Or, M. Sierpi~ski ~) a r6ussi tou t r6cemment s construire une courbe p~anienne remplissant le , ,cube" [ - - �89 �89 en pa r t an t de deux fonctions r et y~(t) de Peano et en posant tout simplelnent

/~(t) = q~(~._l(t)) , y~o(t) -~ t , y~.(t) = ~o(~f._~(t)) ; ( n = l , 2 . . . . ) . (3)

La d~monstration de M. Sierpidski est aussi simple que la d~finition. Nous allons montrer que les ]onctions cont inues / , ( t ) constituent une suite de/onctions ind@endantes ~ distr ibution r~guli~re.

1. Remarquons d ' abord que la propri~t6 (1) admet dans le cas actuel la g~n6ralisation

I E ( q J ( t ) e X ) l - ~ ] X l , I E (~ ( t ) eX) l = [ X l , (4) t t

X 6rant un sousensemble mesurable, d 'ail leurs quelconque, de [ - - �89 �89 En effet, on peut recouvrir X par un syst~me d6nombrable de segments [xl, x~] et en faire au tan t avec CX, le compl6mentaire de X, de mani~re que la longueur to ta le des segments employ4s approche IX I, respective- ment ICX] ; en tenant compte de (1) on obt ient (4). I1 est 6vident que la propri6t5 (4) convient s la composition de deux fonctions continues, si elle eonvient aux composantes; il s 'ensuit que (4), donc (1), convient aux /~ (t) de (3). Ainsi nous avons montr~ que ces fonctions sont s dis tr ibut ion r~guli~re.

2. S o i t F une fonction mesurable quelconque d~finie dans [ - - �89 �89 Je dis que les fonetions ~(t) et F[~( t ) ] sont ind4pendantes. Nous aurons s examiner la validit6 de (2) pour ces deux fonctions. Or, l 'ensemble E ( ~ ~ F [~p(t)] < f12) est identique s l 'ensemble E [yJ(t) eA ], A ~tant un

t t

certain ensemble mesurable. Tout revient done ~ g~n~raliser (2) d 'une mani~re tout a fair analogue ~ celle qui nous a permis tout h l 'heure de passer de (1) a (4); les m~mes moyens conduisent au but, la fonction ~p(t) 6rant ~ d. r.

a) Sur les fonctions ind~pendantes (I), ( II) et ( I I I ) , StudlaMath. 6 (1936), p. 46, p. 59 et p. 89.

e} Remarque sur la courbe p4anienne, Wiad. matematyczne 42 (1936), p. 1.

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3. E n conse rvan t les no ta t ions faisons une troisi~me r e m a r q u e : la 1

va leu r de l ' in t6gra le d6finie S F[~(t)]dt ne change pas q u a n d on y rem- o

place ~p (t) pa r t; en effet, il suffi t de calculer ce t t e int6grale pa r la m6thode 1

classique de Lebesgue, en app l iquan t (4), pour la r~duire s SF (t)dt. o

4. Rappe l lons enfin que, su ivan t un r6sul ta t de M. KacT), la condi t ion (2) 6qu ivau t au cr i tgre ana ly t ique

1 1

I = ~ e i ~ t, (o dt S e~z' t,(Odt" . S ei ~" I. (Odt S ei[~.xll(t)+),~l~(t)+ .*. +),nln(t) ] dt o o o o ( 5 )

( i = 1 / - 1 ) qui doi t 6tre sat isfai t pour t o u s l e s ;t r6els.

Or, nous pouvons ~;crire m a i n t e n a n t

1 1 j" eilX~ ~(0 + x~ ~(~(t)) + ... + >,,, ~o (,p,,-~(t)l dt = j ' e i I z~(t)+ F(~,(t)) I dt 0 0

1 1

-~eiZ~(t)dt Sei~(~'(t))dt [ h cause de 2 e t (5) ] 0 0

1 1

= S eiZ' ~(t) dtS ei t,q ~ (,p(t))+ z, ~ (q,,(t))+ ... +,~,)r (V,,,-~(t))l dt 0 0

1 1

-~ S eiz' ~(t) dt S el [ ~' ~(t) + ~ ~ (e(t) +. . . + z . ~ ( ~._~ (o) i d t [ ~ cause de 3 ] 0 o

1 1 1

---~ S eiz'~(O dt SeiZ'~(t)dt S ei! ~.~(~(t))+...+ ~.~1~-~(o)ldt

1

0

1

~ etZ~(t)dt 0

o o [ ~ cause de 2 et (5) ] 1 1

0 0

1 1

le~,~(~('>)at... Se~x,,~(~,-,('))at [ ~, c a u s e de 3 ] . 0 0

N o u s avons ainsi v6rifi~ la relat ion (5) pour les fonct ions /~(t) d6finies par les formules recurrentes (3). S u ivan t 4, nous avons montr6 par ls l ' ind~pendance d e ce t te su i te de fonct ions .

R e m a r q u o n s encore que no t re r~sul ta t impl ique que la courbe passe

7) L o c . c i r . s) ( I ) .

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par tous les points du , ,cube" [ - - �89 �89 et que sa projection sur le , ,cube" [__ �89 �89 d~finie pa r

x k = h ( t ) (k = l , 2 ... n )

fai t correspondre ~ tout sousensemble de ce ,,cube" un ensemble des t de mesure 6gale, ce qui n 'es t pas r6ciproque. Nous avons donc suivi un chemin different de celui de la Note des Comptes Rendus oh nous avons commenc~ par une courbe construite d 'apr~s le principe de Peano afin que la conservation des mesures soit ~vidente, tandis qu'ici cet te con- servation n 'es t qu 'un corrollaire de l ' ind~pendance qui h e l l e admet une d~monstration analytique.

(Re~u le 3 d~cembre 1936.)

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