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TENDANCES ET PERSPECTIVES DELA SOCIOLOGIE RURALE FRANçAISE (1960–1970)

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TENDANCES ET PERSPECTIVES DE LA SOCIOLOGIE RURALE FRANCAISE

(1 9 60- I 9 7 0)

pm

PLACIDE R A M B A U D

Ecole Prutique der Haufes E t d ~ ( Vlc Scctron), Paris

Etablir un bilan des articles publies dans une revue au cours de ses dix anntes d‘existence, comme le fait Sociologia ruraliJ, presente un double inttrCt. Celle-ci est l’expression de la Sociifi europbnne a3 Sociologie rurale et 1’01-1 pourrait d‘abord se demander, A cette occasion, si une telle institution ftdtre vraiment des activitts nationales. Et cette question renvoie A une autre, souvent Cvoqute dans les Congrhs: la sociologie rurale a-t-elle suffisamment de raisons de constituer une discipline nominalement autonome dans l’ensemble sociologique pour avoir des institutions propres? La discussion pourrait alors porter sur le qualificatif ((ruralen pour savoir s’il suf€it A dtfinir un objet scien- tifique. Le Premier Congr2s mondial de Sociologie rurale (1964) f i rmai t que la sociologie rurale est de moins en moins la sociologie d‘un espace socio-gkographique et de plus en plus la sociologie des organisations dans un milieu sptdtique; a-t-il pour autant dtlimitC le champ de sa recherche sptcifique? M. CCptde et A. Madec (1966, p. I 5 6) croient constater que la sociologie rurale s’est dCgagte de l’tconomie rurale, mais ccelle en est restte une partie)), fondant sur I’unitt des dal i t ts)) ttudites la ntcessaire collaboration entre sptcia- listes. En second lieu, et ce sera le seul objet de notre propos, il n’est peut-&re pas sans utilitt de savoir si les ttudes publiCes entre 1960 et I 970 reprtsentent vtritablement les tendances franpises de la socio- logie rurale. En effet, le lecteur de Sociologie ruralis est amene A iden- tifier rural et agricole, car pour l’essentiel les articles concernent les transformations que provoquent ou subissent les agriculteurs ; compte tenu de l’tvolution, l’identification est pourtant de plus en plus difficile A ltgitimer.

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Tenrirlnces e t perspectives 67 LES M U T A T I O N S D E S A G R I C U L T E U R S

S E L O N S O C I O L O G I A R U R A L I S (l)

Tout d’abord, et c’est le premier thtme, les changements intervenus dans le milieu agricole influent sur la sociktk globale pour la transfor- mer en profondeur. Malgrk son importance, le phknomtne est rare- ment ttudik et il faut souligner l’intCr2t de l’analyse proposte par M. Ctptde (1964). Entre campagne et ville, entre agriculture et industrie, il n’y a pas seulement domination de celle-lA par celle-ci, mais kchanges et donc tranformations rkciproques. L’accroissement rapide de la productivitk libtre de la main-d’oeuvre pour aller travailler en ville et ces dtparts diminuent le poids relatif de l’agriculture dam la nation. Mais comment la ville inttgre-t-elle ces migrants? U faudrait multiplier les analyses pour mieux cemer comment les mutations de la sociCt6 rurale changent aussi la socittt urbaine. De meme, les socittts males opposent des resistances aux formes prises par la socittt industrialisbe qui dtveloppe la division du travail, la sptcialisation professionnelle, le salariat, la concentration des moyens de production. La logique de la croissance impose-t-elle ntcessairement ce type d’holution A toutes les soattts ? Dans les Cconomies avandes, capitalistes ou socialistes, les agriculteurs refusent de devenir des salarits ou du moins s’or- ganisent pour garder A leur travail une part ctindtpendante)) et rkcusent souvent la sptcialisation au profit de la multi-activitt; ce fait n’est peut-&re pas un simple comportement rtsiduel. I1 y a lA une recherche de formes nouvelles de rapports sodaux qui mkriterait une attention particuliere au nom du pluralisme possible.

Mais, beaucoup d’agriculteurs se croient victimes d‘une injustice provoqute par l’kvolution de la sociktk et ils souhaitent voir celle-ci prendre une autre orientation tconomique et sodale; c’est le second thtme qui appardt dans les articles publiks. Imputant leurs difficultks A leur insertion dans la sociCtk industrielle, ils agissent en fonction de l’image qu’ils tlaborent de cette dernitre, image fort differente, il faut le dire, de celle qu’en ont les professionnels des sciences sociales (E. Bovet, 1968). Aux syndicalistes agricoles, la socitti franpise appardt en continuelle mutation et par lA mCme productrice en permanence d’inbgalitks A leur detriment dont la solution doit etre trouvee dans la paritk des revenus. Pour pallier les dkviations de cette socittt rkgie par la libre concurrence des entreprises, les agriculteurs s’efforcent de conqukrir le pouvoir kconomique en contrhlant la commercialisation de leurs produits et demandent A 1’Etat de redresser les intgalitks par des transferts sociaux. A ce premier objectif qu’est la paritk avec Ies

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autres groupes professionnels, ils en ajoutent un second, le maintien indiscutC des entreprises familiales, piece maitresse de la reprksentation que les agriculteurs se font de leur place dans la sociktk industrielle. Car selon eux, ils ne sont pas de simples agents tconomiques de pro- duction; ils sont aussi les rkgulateurs de l’kquilibre de l’emploi et les maitres d‘muvre de la conservation de I’espace.

Accepter certains tlkrnents de la sociktt industrielle pour mieux mettre en valeur ceux que la sociktk agraire a crkts depuis longternps, ce syncrktisme est i l’origine de contradictions bvidentes. I1 explique notamment que la sous-estimation des phknomhes kconomiques et de leurs rationalitks se solde par le primat accord4 h l’tducation des hommes. I1 serait cependant utile de recomposer l’image de la sou&& industrielle qu’klaborent les organisations professionnelles autres que le syndicalisme pour dkceler leurs concordances ou leurs antagonismes, pour rnesurer leur efficacitk. On pourrait alors connaitre les relations entre l’action des agriculteurs et les politiques des gouvernements. On saurait enfin si gouvernements et sociCtt industrielle n’entretiennent pas h dessein de teUes images pour mieux maitriser l’action des agriculteurs ou pour pouvoir se contenter de l’accompagner de fagon ponctuelle. Car au niveau de leur vie quotidienne, les agriculteurs rkvisent aussi, et peut-&re ici surtout, leur systkrne de reprtsentation du hors-groupe et des dtadins notamment; et la rkvision opkrCe est plus existentielle et immkdiate que poliuque (G. Lanneau, 1970). Deux exernples suffisent i le montrer. Parce qu’ils entretiennent de nouveaux rapports tconomiques avec la socittk globale, les agriculteurs crkent des formes de sociabilitk (associations, rtunions, lecture de journaw, etc.) difkentes de celles du passe, pour redkfinir leurs statuts et leurs rbles. De mtme, le schema avec lequel ils expliquent la faible rCmu- ntration de leur travail devient proche de celui inclus dans le systtrne industriel; la surproduction agricole est de plus en plus comprise au travers de la sous-consommation citadine.

Ntanmoins, un kcart demeure entre la logique du type frangais de sociktk industrielle et la perception qu’en ont les agriculteurs; des lors l’action qu’ils entreprennent pour faire reconnaitre leur travail explique en partie leur situation de quasi-rkvolte perrnanente contre les injustices qu’ils dtnoncent. Celle-ci est davantage like, sernble-t-il, aux mutations des attitudes qu’aux changements techniques ou Ccono- miques (P. Rarnbaud, 1964). Chez les agriculteurs, la volontk de changement se gknkralise et son objectif est d‘atteindre la parit6 avec les autres groupes professionnels tous jugts privilkgiks. Faute de diversifier les partenaires de rkftrence, dans cette requete prend

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Tendances et perspectives 69 naissance un conflit latent ou explicite dont la solution passe par l’entrte du consommateur et de ses exigences au centre de l’exploita- tion, tandis que les agriculteurs en cherchent le denouement dans la maitrise de leurs produits gardee jusque chez le consommateur. Cette contradiction suscite les manfestations violentes qui vont jusqu’A la destruction des produits de leur travail. Une autre attitude se modifie et donne de plus en plus le primat au travail sur la proprittt; les cadres de la pensee et de l’action tconomique s’en trouvent changes, mais le modkle idQl de travailleur demeure le proprittaire-exploitant. La logique du travailleur et la rationalitt du proprittaire ne coexistent pas toujours harmonieusement et ce desajustement est l’occasion de nombreuses tensions lites A une situation peu maitriske. Enfin, l’in- dtpendance voulue ou rCvte et qui se soldait par un relatif isolement tend A faire place A la reconnaissance de partenaires sociaux avec lesquels sont engagts dialogue, competition et action politique. Pour encadrer ces nouvelles formes de sociabilitt s’impose l’idte d’une necessaire planification. Revendications et manifestations violentes expriment ces mutations et ces contradictions; il est impossible de les analyser en simple termes de rdvoltes. Elles pourraient bien Ctre la traduction tpisodique d’un vtritable mouvement social qui prend progressivement conscience de soi et se structure pour dtfendre ou promouvoir des objectifs prtcis contre un adversaire dont le profil est encore mal dtfini.

Parce que l’identitt de soi et l’identitt de l’adversaire ne sont pas exactement poskes par les agriculteurs, il y a une raison suffisante pour que les rtvoltes ne s’organisent pas en rtvolution. 11 reste un dtcalage entre les transformations tconomiques et les comportements politi- ques (H. Mendras et Y. Tavernier, 1964). Meme si les agriculteurs, comme les autres travailleurs, pour faire reconnaltre leurs droits pksent sur l’opinion publique et mknent des actions de masse, leurs attitudes politiques demeurent dtterminkes par les anciennes structures familia- les et tducatives, par le vieillissement de la population, par la rtsistance de l’tlectorat rural A accepter de nouvelles idtologies. C e s explications endogknes au milieu agricole sont-elles suffisantes? I1 importerait sans doute de connaitre si la socittt globale ne cherche pas A maintenir la permanence de tels comportements tlectoraux ccpaysans)) et d‘en dtceler le pourquoi. D’autre part, des comparaisons internationales seraient utiles puisque dans 1’Europe des S i x , par exemple, des rtvoltes se font jour partout. Alors on comprendrait peut-&re mieux comment le jeu complexe des forces sodales essaie d’instaurer des equilibres politiques en rupture avec les rationalids tconomiques.

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70 PldcidG Rambaud

Les reactions des agriculteurs ne peuvent Etre comprises que si elles sont situtes dans le cadre de l’action de la socittt industrielle qui les provoque. Un troisitme thkme de recherche concerne cet aspect important dans les evolutions en cours. Par exemple, la dispersion de la ville dans les villages pour le loisir et pour le tourisme est un phtnomtne capital pour la transformation de la socittt rurale (p. Rambaud, 1967). Le loisir citadin dtsintkgre les groupes agraires, en crte de nouveaux avec des buts, des valeurs, des institutions, des modes de vie qui les intkgrent A la socittt industrielle sans pour autant instaurer des structures urbaines dans leur globalitk. Les villages deviennent des sortes de ccvilles>) par intermittence et il y ndt une dasse moyenne qui resoit des revenus urbains, tient sa raison d’etre d’un attachement fonctionnel h la ville et lui emprunte ses modkles sociaux. Le tourisme introduit une logique technique et tconomique, des fonnes de sociabilitt et une culture jusqu’ici inconnues des villages. Ce processus est celui d’une acculturation, car il s’agit bien de contact et de conflit entre sous-cultures mtrentes avec de nombreux pht- nomknes de rtinterprttation et de syncrttisme, tel celui du travail d’accueil vtcu comme une activitt de complement et non pas comme un facteur de dkveloppement qui induirait la croissance du secteur agricole. D’autres processus entrainent domination et tchanges entre socittt urbaine et socittt rurale qui laissent celle-ci se contenter de conduites excentrkes d’ajustement A celle-lA sans qu’elle invente des comportements internes adtquats h sa nouvelle structure en voie de mutation. C’est pourquoi l’avenir de la sociCtt rurale est en ttroite dtpendance de l’ensemble de la socittt globale; les probltmes de la prtvision se trouvent ainsi posts de manitre relativement neuve.

L’attention prCtte A la prtvision s’explique aishent . Dans ce quatritme theme d’ttude, les chercheurs essaient de crter ou d‘utiliser des instruments de mesure pour dtceler les ttapes du devenir des agriculteurs. Un des plus employts pour sa commoditt est l’analyse hitrarchique qui permet de situer chaque cattgorie de population dans les processus d‘kvolution (A. Levesque et M. Brohier, 1964). Montrant comment des groupes passent d‘une attitude defavorable A une attitude favorable A l’tgard d’un fait et cela selon un cheminement ordonnt, l’analyse hitrarchique facilite l’ttablissement de programmes d’action adapt& A chaque moment ou A chaque type. Il en est de m&me, semble-t-il, pour les polynomes qui mettent en relation. des facteurs structurels grace auxquels on peut prtvoir l’tvolution des situations concrttes. Dans le cas du marcht foncier par exemple, la moaalitk, la retraite, la mobilitC ou le simple dtsir d‘agrandissement

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Tendances e f perspectives 7' sont autant d'tltments qu'il faut combiner pour fixer les rapports entre libtration et demande de terre (A. Levesque, A. Faget et B. Rajaud, 1967). On a soulignt combien ces mtthodes prkvisionnelles ttaient essentiellement valables pour le court terme, or le calcul du long terme est ntcessaire pour tlaborer les politiques de structures en agriculture (J. H. Post, 1967). Une autre dificultk, non rtsolue, est le besoin de prendre en compte les comportements et les intentions de la socittt globale et non pas seulement les facteurs endogtnes A la sociktt agricole.

D'ailleurs, certains sodologues Gent ttroitement prtvision et ptda- gogie de l'action, l'une devant dormer A l'autre objectifs et contenus, car les changements que connaissent les agriculteurs dans une socittt elle-meme en continuelle mutation posent de fason aigue le probltme de leur formation. Sans doute faudrait-il d'abord s'interroger sur les conditions d'une vkritable ccprkvision)) et sur les articulations ccpru- dentes)) que Yon peut organiser entre elle et l'action si l'on veut kviter les manipulations. A propos de ce cinquitme thtme de re- cherche, d'autres reconnaissent a m ruraux une forme particulitre d'intelligence qui proctde par perception globale, personnelle et sensorielle et c'est pourquoi certains tests, comme ceux de Binet- Simon, ne conviennent pas pour mesurer leur niveau intellectuel et donc pour y adapter les moyens didactiques (G. J. Bretones, 1965). Malgrt ces questions thtoriques, des organismes ont k t t crtts, tel 1'Institut de Formation pour les Cadres paysans (1959) oh les profes- sionnels agricoles, les pouvoirs publics et les universitts collaborent pour apprendre aux agriculteurs A dtfinir leurs statuts et leurs rdles dans la socittt franpise (M. Faure, 1963). Mais si agriculteurs et socittt industrialiste sont sous l'emprise de rationalitks tconomiques difftrentes dont on peut analyser la rencontre et les conflits en termes d'acculturation, la ccptdagogie rurale)) ne requiert-elle pas une ttude prtalable de la culture des agriculteurs plus encore que celle de leur niveau intellectuel? Des recherches seraient alors souhaitables pour prtparer l'intkgration rtciproque de ces cultures diverses, rendant ainsi la notion d'tducation moins ambigue.

C e s probltmes soulhent aussi la question des mtdiateurs insti- tutionnels, qu'ils soient ou non consdents de leur r61e, entre la sociCtt globale et la sociktt rurale au moins dans la situation historique prtsente. A titre d'exemples, on peut citer les reprtsentants de la culture officielle que sont 1es instituteurs, les promoteurs des tech- niques modernes que sont les ingtnieurs agricoles, les garants de la proprittt ou les auxiliaires du fisc que sont les notaires, les ministres

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de 1’Eglise romaine que sont les pretres catholiques. Ces derniers sont les seuls h avoir ktk soumis B l’analyse sodologique (J. Maitre, 1968) (3. Leur influence est plus grande que ne le laisse supposer la raretC des Ctudes; elle pose une situation typique d‘acculturation entre des valeurs transcendantes, c’est-A-dire non inventtes par une sodktk, et des formes historiques d‘organisation sociale. Par exemple, pour les prctres l’exploitation familiale dtveloppe les valeurs chrktiennes, mais elle ne sera sauvte que grPce ?i la cooptiration qui crte des rapports sociaux Cminemment conformes h l’esprit de l’kvangile et reprksente une charitk efficace. De telles analyses, amorcees seulement dans ce sixikme theme de recherche, renvoient d’ailleurs B celle d’une Eglise crkatrice d’idkologies. Mais ces etudes gagneraient h Ctre mentes sur l’ensemble des institutions qui constituent encore le cadre de la societk rurale.

Enfin, la dernikre tendance de la sociologie rurale franpise est marquee par I’aire culturelle sur laquelle porte l’investigation, h savoir les pays en voie de dkveloppement. Les trois articles publiCs dans Socio/ogie ruralis sont des communications faites aux premier et deuxitme Congrks mondial de Sociologie rurale. 11s montrent comment, en Afrique, ce ne sont pas les techniques modernes qui ont provoqut les changements sociaux, mais bien l’impact global de la sociite occidentale; celui-ci passe toujours par les moyens de transport instaurks par le pouvoir central pour assurer son emprise politique et tconomique (R. Descloitres, 1961). La cohision de la communauti villageoise s’est maintenue tant que la relation de l’homme B la terre est demeurte inchangte, car elle est au centre de la conception du monde et de la vie sociale. Toutefois, avec le developpement techni- que, le travail de la terre a k t t p e r p c o m e subalterne et avilisant, expliquant ainsi les difficult& du dtmarrage kconomique compliquC encore par les dtficiences du rkseau commercial (L. Bif€ot, 1968). De plus, un autre facteur determine de fason particulitre les changements sociaux, c’est le comportement dkmographique. Impose pour l’essen- tie1 du dehors par la mideane prCventive, il contribue A rajeunir la population et par la modifie les formes de la chefferie ou de la famille. I1 transforme les valeurs en dormant une moindre importance A la vie du groupe au profit de l’existence individuelle et en laissant aux jeunes un rBle inconnu auparavant (J. Poirier et J. Nemo, 1964). C e s articles sont des Oeuvres de synthkse, genre exigt par les lois littkraires qui prksident souvent aux congres, et quel que soit leur intCr&t ils ne reprCsentent pas l’ensemble des recherches fransaises rkalisCes sur les pays en voie de dkveloppement. Peut-etre, entre autres, parce que la Sociiti errropknne de Sociohgie rurale n’incht pas encore de fason

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suffisante ces aires culturelles dans le champ de son investigation. Pour d’autres raisons, les ttudes sociologiques realistes sur la France rurale ne sont aussi que trts partiellement reprtsenttes par les travaux publits dans Sociologia ruralis, mCme si l’on tient compte des ouvrages recensts.

LES R E C H E R C H E S S O C I O L O G I Q U E S SUR LA F R A N C E A G R I C O L E (”.

Pour l’essentiel, l’ttude sociologique de la France rurale durant les dix dernitres anntes a portt sur le village, la mobilitt des agriculteurs, le travail agraire, les attitudes A l’tgard de l’innovation technique et la politique agricole. Le village a ttt plact au centre des prkoccupa- tions parce qu’il est un fait social dont la diversitt et la richesse sont grandes, sans doute aussi parce qu’il est le lieu de mutations pro- fondes et spectaculaires. Analyst selon diverses mtthodes, il est en premier lieu considtrt comme un systkme social form6 de multiples tltments, organiquement hitrarchists, porteurs de cohtsion et im- posant certaines lois A son tvolution. I1 est parfois ttudit pour son originalit6 soit dans ses dimensions historiques (P. Rambaud, 1962) , soit dans ses manifestations contemporaines (E. Morin, 1967; L. Wylie, 1968 et 1970). Ailleurs, il est observt A travers l’individualisa- tion et les interrelations de certains sous-systtmes, la famille, l’tcono- mie domestique et l’ouverture sur l’exttrieur, ttude rtaliste grace A l’analyse factorielle des correspondances (F. Loux et M. de Virville, 1969). Un tltment du systtme social est tant8t l’objet d’une rkflexion thtorique (J. Cuisenier, 1964), tant8t dtfini A partir d‘une investigation empirique comme dans le cas de la parentt (M. Dion- Salitot, 1971), des alliances (J. Guigou, 1964) ou des impossibles alliances (P. Bourdieu, 1962) . Une seconde orientation des ttudes villageoises consiste dans l’analyse multidisciplinaire appliqute A une collectivitt locale restreinte, telle Plozevet oh des sptcialistes de dis- ciplines difFtrentes ont disstqut l’ttat des techniques, la rentabilitt du travail agricole, le systtme de commercialisation, le vieillissement de la population, la parentt et le mariage (M. bard, I 9 6 j ) , la diffusion de l’information (J. Maho, I 968), l’enseignement, la paroisse religieuse, la dtlinquance, la psychologie villageoise, etc. Des rtgions ont ttt tgalement soumises A la mCme investigation multidisciplinaire. Dans 1’Aubrac ont 6tt ttudites l’agronomie, la sociologie tconomique avec la crise de la socittk et la pratique tconomique vtcue (J. Cuisenier et al., 1970), la vie domestique, la culture traditionnelle, les migrations.

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Dans le Chhtillonnais, la proprittt foncitre, la parentt, l’agriculture, la communautt villageoise ont principalement ttt analystes (4). Une troisitme orientation tente d‘tlaborer une nouvelle sociographie rtgionale de la France rurale (M. Jollivet et H. Mendras, 1971) (9 en traitant chaque collectivitt locale comme une totalitt ayant sa struc- ture et ses mtcanismes de fonctionnement ou de changement et ceci afin de pouvoir ttablir une comparaison entre systkmes sociaux et non pas seulement entre certains traits isolts. Un des moyens de cette recherche est la dtmarche typologique qui, h partir de types concrets extraits de la rtalitt et utilists c o m e cadre de rtftrence, dtgage les tliments significatifs A comparer m a i s toujours situts dans une con- struction d’ensemble. Certes, les difftrents facteurs ne se modifient pas identiquement, mais des schtmas d‘tvolution se dtcouvrent si l’on considtre en m&me temps l’tcologie, le rtgime dtmographique, le systkme de parend et d’alliances, le groupe domestique ou le systtme de production, la vie de relations et les institutions, le systtme de valeurs et la distribution du pouvoir social.

Une seconde cattgorie d‘itudes villageoises concerne le dtvelop- pement contemporain des villages marque par un accroissement difftrencit du technique et de l’tconomique, une transformation des structures sociales, une interdipendance sans cesse renouvelte entre fonctions et groupes au-deli du village lui-meme. Celui-ci n’est pas situt c o m e un pdle de la dichotomie ou de la continuit6 par rapport A la ville, mais en termes de forces sociales, endogknes ou exttrieures, intentionnelles ou inconscientes, A l‘auvre pour le crter, le transformer ou le maintenir. Les acteurs en prtsence sont divers et mCme antago- nistes; leurs objectifs, leurs moyens, leur culture ne sont pas identiques. Le village s’exprime ainsi en de multiples formes historiques (H. Desroche et P. Rambaud, 1971). Parmi ces processus de dtveloppe- ment, provoquant souvent des ttapes de sous-dtveloppement, I’urbanisation est un des plus efficaces. Elle n’est pas seulement l’action de la ville sur le village, mais un mouvement complexe, Cconomique, social, culture1 qui instaure un mode de vie et un type de socittt qui se veulent universels et dont les agents sont aussi bien ruraux qu’urbains. L’urbanisation des villages se r&lise A travers une acculturation, A travers une interptnttration de sous-cultures qui se solde par la modification du travail agraire, par l’influence croissante de l’tcole et des moyens de communication de masse, par la rtor- ganisation de l’espace et du temps (P. Rambaud, 1969) et dans le village agricole la double temporalitt introduite par le loisir citadin signifie l’invention d‘un autre systtme social (J.-P. Sironneau, 1963

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Tenahces e f perspectives 75 et 1964). Le processus d’urbanisation est ancien; ses formes modernes se diversifient; on peut les mesurer par des series ordonnees d‘in- dicateurs soaaux: t a u et types d’activitks professionnelles, compor- tements dectoraux, t a u d‘endogamie et d’exogamie, taux de scola- risation, mobilitC, etc. (P. Rambaud et M. Vincienne, 1964).

Dans cet Cchange entre sociCtCs rurales et sociCtb urbaines, un phtnomkne va croissant, celui de la mobilite, second thtme de recher- che qui a retenu l’attention des sociologues. Les notions d’exode rural (P. Clement et P. Vieille, 1960; H. Mendras, 1967)~ de migration gtographique, de mutation professionnelle (G. Barbichon, I 969), de mobilitt, dkfinissent les dif€krents aspects selon lesquels le phtnomtne a Ctte abordk. I1 a d’abord C t t fragment6 en ses diverses composantes, le depart ou l’arrivee par exemple, et l’adaptation des anciens agri- culteurs au travail industriel a CtC particulitrement observie (G. Barbichon, 1962; A. Touraine et 0. Ragazzi, 1961). Plus rarement a CtC pose le probltme de leur integration A la sociCtC urbaine comme totalit6 A travers un systtme de mobilite, vaste processus social dans lequel les migrants sont pris et qui combine toujours plusieurs types de mobilitt, gtographique, professionnelle, sociale et culturelle. Ceux-ci se musent pour ainsi dire dans toutes les conduites et l’inttgration A la ville n’en est qu’une traduction, car la ville peut ne pas &re le terme de la mobilite. Les anciens agriculteurs n’optrent pas toujours une rupture totale avec leur village d’origine. Ils tentent parfois de le rendre present au caeur de la citt en reconstituant un <(nous)) villageois, peutdtre utopie sociale crtte pour compenser des insatisfactions et essai d‘tlaborer une autre forme de sociCt6 OG l’in- terconnaissance et l’espace protecteur coexisteraient avec les avantages diversifies de la vie urbaine (M. Vincienne, 1971). D’autres analyses sont indispensables pour dtgager les tendances selon lesquelles le village transforme la ville et pour preciser comment la mobilitk contribue A definir le veritable espace social d‘un groupe (M. Jollivet,

Proche et Merent du prCcCdent, un troisitme thtme de recherche conceme le travail agraire et son statut dans une socittk industrialiske. Le travail est defini par de multiples dimensions sociales: la combi- naison des moyens de production et les attitudes des travailleurs A leur Cgard, l’organisation de leur pouvoir de decision, les paramttres avec lesquels ils mesurent leur activitC, les formes prises par sa remu- neration, les modtles selon lesquels s’organisent les relations sociales, les actions dCployCes par les travailleurs de la terre pour faire recon- naitre leurs droits, les partenaires sociaux qu’ils posent ou acceptent,

1965).

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76 Placide Rambaud

l‘image qu’ils se font de la sociktk globale et de leur r81e en elle. A tous ces niveaux, les agriculteurs se divisent encore en deux groupes, c h a m Ctant dCfini par un systeme coherent d’attitudes et de rapports. L’un, sorte de para-socittt agricole, ne pose aucun lien fonctionnel de travail avec la socittk industrialisee; l’autre est integrk A elle au titre meme de la profession agricole soumise aux normes de tout metier (I?. Rambaud et al., 1969). De nombreuses organisations professionnel- les prolongent et encadrent le travail, servent de mkdiateurs entre les travailleurs et le reste de la sociktk, le gouvernement notarnment. Leur fonction est kconomique avant tout, m a i s ici plus qu’ailleurs l’tconomique est imbriquk dans d‘autres sous-systkmes, social ou politique (J. Cuisenier, 1966, 21). Dans la trilogie, Etat, agriculteurs, organisations, des jeux complexes de collusion ou de conflit ex- pliquent les tvolutions ou les rksistances du milieu agricole (J. Cuisenier, 1966). Mais l’histoire de l’agriculture peut se lire a travers la mise en place de ses organisations professionnelles, A travers leurs tensions idiologiques et le foisonnement de leurs projets pas toujours coordonnes (P. Houke, 1970). Le syndicalisme est celle dont l’action de masse est la plus comue d‘autant que son principal partenaire quotidien est le gouvemement, tant8t patron, tant6t donateur sans rtserve (Y. Tavernier, 1962). Cependant, les agriculteurs s’enor- gueillissent surtout du Crkdit Agricole, institution qu’ils gerent et protkgent avec la complicitk fiscale de 1’Etat; elle est la pikce maitresse de leur dynamisme meme si les travailleurs affichent A son Cgard des attitudes qui dtroutent parfois la thCorie kconomique (L. Raoul, 1970).

Parmi toutes les professions, le travail agraire est celle qui t o k e ou appelle le plus facilement la multi-activid. Par ses formes t r b &verses, celle-ci Cree des types sociaux dont les ouvriers-paysans ou les paysans-ouvriers sont les categories les mieux connues sans etre toutefois les seules (M. Cepkde et A. Madec, 1968). Quelles sont les perspectives d‘avenir d’un tel phknomkne qui met en cause la division du travail ou la spCcialisation et qui se dtveloppe dans toutes les sociktts industrialiskes? Sa croissance n’est pas seulement like A l’implantation d‘industries dans les campagnes. Cette industrialisation modifie le travail agraire ainsi que la structure et les fonctions du village. Genkralement, les emplois offerts occupent une partie de la main-d’aeuvre improductive en agriculture, font reculer la pauvretk male, donnent une impulsion A la mobilitk professionnelle, mais ils ne libtrent pas des surfaces sutfsantes pour restructurer les exploita- tions, car, au moins dans les premitres ttapes, le double travail assure le passage d‘un statut A l’autre (G. Jegouzo, Y. Bertrand, J.-B. Henry,

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Tendances e t perrpectives 77 1967). Avec le temps, un tel processus augmente durablement les niveaux de vie, tvite les dtparts lointains, consolide l’existence de trois groupes, souvent de mCme origine, mais aux conduites et aux attitudes devenues divergentes. Cultivateurs, ouvriers-paysans, ouvriers n’ont pas la mCme organisation du travail, ni des relations sociales identiques, ni des projets d’avenir semblables (Centre de Recherches et &Etudes Agricoles, I 963).

L’tvolution du travail agraire est indissociable de l’innovation technique ou Cconomique. Ce quatrikme thtme d‘ttude a suscitt en France, c o m e ailleurs, une strie de recherches. L’agriculture a introduit le progrks dans des structures sociales prt-capitalistes ; elle a invent6 des formes de production qui lui sont particulitres oh il est parfois malaise de donner plus de valeur au ccmodernei) qu’au cctra- ditionneb. La socittt ancienne avait une logique marqute, entre autres, par la confusion des r6les et la personnalisation des rapports. Sa cohtrence la rendait risistante A l’innovation qu’elle savait toujours entrdner A terme un changement social. Les mtcanismes dconomiques de la sociCtt industrielle imposent A l‘agriculteur de se muer en un entrepreneur qui, pour prendre ses dtcisions, doit composer avec les instances politiques. Alors le changement finit par envelopper les in- novations (H. Mendras, 1967). Le changement est un processus global; il ne concerne pas seulement l’exploitation agricole; l’or- ganisation familiale, le r61e et la personnaliti de ses membres n’echap- pent pas A son ernprise (M. Moscovici, 1960). Les techniques nouvelles n’ont pas toutes une dynamique identique et celles-ci varient selon le milieu d’accueil. Une fois adoptte, la machine par exemple n’est pas ntcessairement intkgree ratio~ellement d l’entreprise; elle est d’abord plaqute sur l’ancien mode de vie comme un pur symbole du progrks, avant de provoquer une redtfinition Cconomique de l’unite de travail (G. Lanneau, 1967; M. Bodiguel, 1968). L’irrigation, autre exemple d’innovation technique, a des conskquences Wtrentes de celles de la machine; elle met en jeu le systkme de production, soulkve des pro- bltmes financiers importants, oblige A de nouveaux rapports avec les techniciens, modifie les anciens rdseaux commerciaux. Changement autant institutionnel que technique, elle bouleverse tout le travail agraire; l’adopter, c’est pour les agriculteurs une veritable reconversion professionnelle (Centre d’Etudes des Relations Soaales, I 96j). L’in- troduction d’une culture nouvelle est souvent lente; c’est qu’elle risque de modifier tout le systkme Cconomique et, au niveau des representations tout au moins, l’ensemble de la conception de la socittt (J.-Cl. Papoz, 1960; E. Bovet et C. Chabot, 1964).

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78 Placid Rambaud L’agriculture est probablement le secteur professionnel oh les

innovations prennent le plus facilement des formes originales, coopk- ratives par exemple, et cette singularitk a fait l’objet d’analyses sociolo- giques et psychologiques. La micro-coopkration et la macro-coopkra- tion telles qu’elles sont pratiqukes aujourd’hui sont au terme d’une histoire dtjA longue; elles facilitent l’inttgration de l’agriculture ?I la socittt industrialiske en prtservant certaines valeurs ou certaines institutions. A wavers elles, c’est toute la vie sociale, l’habitat, l’en- seignement, la santt, le loisir, la technique, qui se trouve rkorganiste (P. HouCe, 1965). Les difFkrents types de coopdration, du plus simple au plus contraignant, s’ordonnent selon une tchelle logique si l’on prend en considkration le mode individuel ou colleaif de proprittk ou d’utilisation de la terre et des moyens de production ou la pratique du travail (G. Lanneau 1969). Cette hikrarchisation logique est vtcue par les agriculteurs. I1 existe un continuum allant de l’individualisme i la cooptration, et les individus se situent A des palliers divers le long de ce schima. Les cooptrateurs franchissent successivement les niveaux antCrieurs de l’tchelle avant de parvenir A celui qu’ils occupent actuellement et une progression irrtgulitre peut expliquer certains Cchecs.

Alors que l’ensemble des recherches dont nous venons de rappeler les principales tendances sont de type empirique et ont ktk rtalistes A partir d‘enquetes directes sur des populations concrttes, le dernier theme d’ktude a pris pour point de dtpart et pour mkthode une re- flexion thtorique multidisciplinaire et comparative. Les politiques ag- ricoles ont toutes quelques similitudes; elles sont un compromis entre les objectifs tconomiques ou sociaux des gouvernements et des con- traintes analogues propres A la situation de l’agriculture. Etudier les rapports entre ces deux facteurs, entre les structures agraires et les systkmes politiques, devrait permettre d‘expliquer pourquoi la participation du secteur agricole au dtveloppement kconomique pose partout des probltmes di&dles. 11 s’agit presque d’un d t6 permanent lanct par les agriculteurs et surtout par les ccpaysans)) A la rationalitt de la socittt industrielle. Pour tclairer un tel phtnomtne, il est in- dispensable d’analyser la propriktt foncitre ou plus exactement ses droits et l’utilisation des surplus tconomiques, la domination de certaines categories sociales sur d’autres c o m e la reprkscntation politique des agriculteurs, les ideologies et leurs liens avec les dkcisions prises. L’tconomiste, le sociologue et le politiste se doivent ici une nkcessaire collaboration (H. Mendras et Y. Tavernier, 1969).

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Tendances et perspectives 79 A l'tvidence, Sociologia rwalis, au cours de ces dix anntes d'existence, n'a pas eu le Mntfice d'artides reprtsentant vtritablement l'ensemble des recherches franfaises (". De plus, il se confirme que pour les sociologues, la France rurale, A des exceptions prts, c'est la France des agriculteurs. D b lors, A mobs d'tlargir le champ des investigations, faut-il continuer A parler de sociologie rurale? Cette question n'est d'ailleurs que le reflet d'une interrogation plus gtntrale: y a-t-il encore une socittt rurale? De la nature de la rtponse dtpend une intt- gration, tpisttmologiquement meilleure, des recherches A l'ensemble soaologique.

Au vu des travaux rkalists, et les chercheurs des autres pays ne manifestent pas moins de dynamisme, la Sociktk europkenne & Sociologie rwde ne pourrait-elle pas devenir le lieu, et pas seulement A l'occasion de ses congrhs, oh s'tlaborent des programmes de recherches com- paratives? Certes, elle a dtjA participk A de telles dtmarches, mais peut-Ctre le temps est-il venu pour elle d'tlargir ses fonctions main- tenant qu'est accomplie l'interconnaissance des sociologues. En tout as, en France, le bilan schtmatique dress6 ici fait mieux apparaitre quelques perspectives qu'il serait souhaitable d'ouvrir ou de compltter. Une sociologie de l'amknagemenf & l'espace rwal est parmi les probltmes urgents. I1 devrait d'ailleurs s'agir plutdt de riamtnagement, puisqu'en Occident a u m espace n'est a-social pour ainsi dire. Des forces tconomiques y sont en concurrence, des pouvoirs de dtcision visent A atteindre certains objectifs ou A dtfendre des inttrCts, des finalitts conflictuelles, avoutes ou non, sont en jeu. Un second probltme relkve de ce qu'on pourralt dtnommer une sociologie du temps. Crtateur et produit de la vie souale, le temps, dans les socittts industrialistes, devient un bien rare, objet de l'tconomique, et il est une dimension fondamentale du dkveloppement. Son analyse sociologique aiderait A fixer les conditions et les objectifs de la prkvision qui est une reven- dication de plus en plus gbtrale. Les travaux de G. Gurvitch, de M. Halbwachs, de W. Moore, de R. Rezsohazy lui proposent d'utiles cadres thtoriques. Rkamtnagements successifs de l'espace et tem- poralitts vtcues soaalement sont des tltments de toute culture. Peut-&re l'existence et le contenu de cultures ((paysannes)), ((agricolesn ou ccvillageoises)) en Occident mtriteraient-ils d'Ctre considtrts autrement que conme un prtsuppost, jamais vkritablement inven- torit. Et cette sociologie & la culture devrait indure, entre autres, ce ce qu'il est convenu d'appeler les rationalitts tconomiques, les systkmes de connaissance et d'information, la riche diversitt de l'architeaure et de l'urbanisme villageois, etc. Sans doute n'est-il pas irrationnel de

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80 Placid? Rambaud

lier la soliditk de ces cultures aux mouvements sociaux qui se dessinent partout dans I’Occident agricole et dont les luttes de classes accklerees par la penetration du capitalisme ne sont qu’un aspect. Une investiga- tion sociologique, prolongeant celle des historiens, apporterait en ce domaine des facteurs de comprehension sur l’ensemble de la sociktk globale. Derriere ces mouvements sociaux, n’y a-t-il pas, latent ou explicite, vCcu ou imagine, un phtnomkne qui prend maintenant de nouvelles dimensions, celui de la pauvretk. InCgal enrichissement, pauptrisation, disparitk des concurrences entre produits ou rtgions, sous-estimation des cultures, sont autant de thtmes qu’une sociologie de la pauvrete‘ pourrait aborder par priorite en milieu agricole (7). Ces quelques perspectives ne sont, bien sOr, que des exemples parmi les sujets qui pourraient Ctre trait& de fason mtthodique et comparative.

NOTES

Les rkftrences sont groupCes en deux rubriques; I’une concerne les articles publies dans Socio/ogra w u h , I’autre rassemble d’autres h d e s de sociologie sur la France agrieole. a G t article est extrait d’un ouvrage, Lcr pitre5 w a x &ant la modmriration de5 campagnus (1967) (Paris: Ed. du Centurion), pp. 319. * II n’est pas dans notre propos de dresser une bibliographic exhaustive des travaux r h l i s h ; seuls des exemples sont prtsentCs pour illustrer les tendances de la recherche. Pour un Ctat plus complet des travaux et des organismes de recherche, on pourra consulter Chiva, I. et Rambaud, P. td . (1971), Lrr Ptudcr n4ra/e5 en France. Tmdnncer et organiration & /a rurhrcbs (Paris, La Haye: Mouton & Co) (sous presse). ‘ L’Aubrac et le ChPtillonnais ont fait l’objet d’une recherche coopkrative sur programme rkunissant des sociologues, des ethnologues, des Cconomistes, des historiens, dcs agrono- mes; voir Chiva I. (1968), Avant-popor a Pingaud, M.-CI., ((Paysage, population et histoire fonci6re dans Ie Chatillonnais. L‘exemple de Minot (CBte-d’0r)u. Efu&r malur, 3 2 : 43-45 ; d. aussi Jolas, T., Verdier, Y., Zonabend, F. (1970). ctParler famillen, L’Homme,

6 Cet ouvrage rhume les principaux rkultats, dCja publits par ailleurs, d‘une recherche collective men& par le Groupe de Sociologie m a l e du Gn t re National de h Recherche Scientifique. 8 Parmi les raisons expliquant pourquoi les articles publib dans Socwlogiu Rural15 ne reprt- sentent que paniellement les recherches sociologiques effectuks sur la France rurale, deux semblmt s’impoxr, mime si elles ne sont pas exclusives. Tout d’abord la revue Soriologia Rurahr ne connait qu’une diffusion relativement faible en France; la RCpu- blique FCdCrale d’Allemagne, par exemple, compte prts de troisfois plus d’abonnks que la France et Ies Pays-Bas le double. En second lieu, une dizaine de revues frangaises au moins accueillent et sollicitent les articles des sociologues ruraux; de ce fait, I’ctexporta- tion, devient secondaire. 7 Vok par exemple Prod’homme, J.-P. (196~), cApproches du pauptrisme rural)). Economic wah, 64: 33-45.

X, 3 : 5-26.

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Tendances e t perspectives 81

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T E N D A N C E S ET PERSPECTIVES DE LA SOCIOLOCIE R U R A L E F R A N ~ A I S E (1960-1970)

De 1960 A 1970, en France les recherches de sociologie rutale ont principalement port6 sur les probl6mes sociaux posts par les agricul- teurs. Le uiIIage a tout d'abord retenu l'attention soit c o m e systhme social form6 d'tltments organiquement hitrarchists, soit comme unitt originale de dtveloppement, marqute par m e interdtpendance croissante entre fonctions et groupes au-deli du village lui-mCme. La mobilitk des agriculteurs a ttt ttudite A travers les notions d'exode rural, de migration gtographique, de mutation professionnelle ou de changement culturel. Le travail agraire a ttt analyst pour sa singularitt dans les socittts industrialistes; fortement encadrt par de multiples organisations professionnelles, il suscite cependant m e attitude de

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84 Placide Rambaud

quasi-rCvolte permanente. L'innovation technique ou iconomique a ttt un autre thtme de recherche; son ampleur est telle que l'ensemble de la socittt rurale se trouve transformte. L'agriculture est d'ailleurs le secteur professionnel oh les innovations prennent le plus facilement des formes neuves, cooperatives surtout. Les polifiqm agricoles provoquent la rkflexion sociologique; elles sont partout un compromis entre les objectifs tconomiques ou sociaux des gouvernements et les contraintes likes au travail de la terre. Ces politiques sont encore Len- dues plus dif€iciles par le fait que les changements intervenus dans l'a- griculture modifient la socittt globale tout en opposant des risixtances aux formes prises par /a sociitt! industrialixie. Dans ces situations com- plexes, les chercheurs ont essay6 de cr6er des instruments pour dtceler les ttapes du devenir des agriculteurs et m i s au pointdes mtthodes de prhision.

S U M M A R Y

T R E N D S A N D P E R S P E C T I V E S O F P R E N C H R U R A L SOCIOLOGY (1960-1970)

From 1960 to 1970 research on rural sociology has principally dealt with the social problems posed by the farmers. The village has retained attention, either as a social system formed by hierarchic elements, or as a basic development unity, marked by a growing interdependence between functions and groups beyond the village itself. The mobility of farmers has been studied through the conceptual frames of rural exodus, geographical migration, change of profession or cultural change.

Rural work has been analysed because of its peculiarity in industrial- ized societies; strictly regulated by multiple professional organizations, it still causes an attitude of permanent quasi-revolt. Technical or economic innovation has been another topic of research; its ubiquity is such that the whole of rural society is transformed. Besides, agriculture is the professional sector in which innovations most easily take on new forms, especially co-operatives. Agriculfwal polig invites sociological attention; it is everywhere a compromise between economic or social objectives of governments and the restrictions connected with work on the land. This policy is made still more difficult by the fact that changes which occurred in agriculture m o w the entire global society while at the same time raising opposition against the forms adopted by the industrialized part of the society.

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In these complex situations, research-workers have tried to create instruments to disclose the phases of the future evolution of the farmers and have developed methods of prevision.

Z U S A M M E N F A S S U N G

Von 1960 bis 1970 hat sich die liindliche Sozialforschung im wesent- lichen mit den sozialen Problemen der Landwirte beschaftigt. Zu- nachst hat sich das Interesse auf das Dorfals Sodalsystem - basierend a d hierarchischen Elementen - oder als Grundeinheit der Ent- wicklung, die durch die wachsende Interdependenz zwischen Funk- tionen und Gruppen auI3erhalb des Dorfes gekennzeichnet ist, konzentriert. Die Mobilitcit der landbewirtschaftenden Bevolkerung wurde weitgehend unter dem konzeptionellen Blickwinkel der Ab- wanderung aus dem lhdlichen Raum, der regionalen Mobilitit, des Berufswechsels und des kulturellen Wandels untersucht. Die Land- arbeit wurde wegen ihrer Besonderheit innerhalb industrieller Gesell- schaften analysiert ; von einer Vielzahl berufsstandischer Organisatio- nen streng reglementiert, ruft sie immer noch eine Haltung permanen- ter Scheinrevolte hervor. Tecbniscbe und wirtscbaftlicbe Neuerungen waren ein weiteres Untersuchungsthema; der unbegrenzte Charakter der Innovationen ist dergestalt, daB die gesamte liindliche Gesellschaft verandert wird. AuI3erdem ist die Landwirtschaft derjenige Wirt- schaftsbereich, in dem Innovationen am leichtesten neue Formen insbesondere kooperativer Art annehmen. Die Agrarpolitik enthdt auch soziologische Elemente, zumal es sich uberall urn einen Kom- promil3 zwischen wirtschaftlichen und sozialen Zielvorstellungen der Regierung und jenen Restriktionen handelt, die durch die Arbeit auf dem Lande gegeben sind. Diese Politik wird noch dadurch erschwert, daI3 Veranderungen innerhalb der Landwirtschaft die gesamte Gesell- schaft beeinflussen, wahrend gleichzeitig der Widerstand gegen Formen, die vom industriellen Teil der Gesellschaft ubernommen worden sind, wachst.

Angesichts dieser komplexen Situation haben Wissenschaftler ein Instrumentarium zu schaffen versucht, mit dem die Phasen einer zukunftigen Entwicklung der Landwirtschaft aufgezeigt werden konnen; daruber hinaus haben sie Methoden der Vorausschitzung entwickel t .