6
La Revue Sage-Femme (2008) 7, 289—294 MÉMOIRE Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007 Drug addiction in the pregnant woman. Specialised care at Port-Royal between 1998 and 2007 N. Michel a,, M. Riviere b , N Le Bot c a 8, rue du Clos-la-Paume, 92220 Bagneux, France b École de sages-femmes Baudelocque, groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 88, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France c Maternité Port-Royal, groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France Disponible sur Internet le 18 novembre 2008 MOTS CLÉS Sage-femme ; Maternité ; Substances psychoactives et grossesse ; Toxicomanie ; Équipe d’addictologie Résumé La grossesse peut être une opportunité de soins pour la femme toxicomane. Cependant, si elle poursuit ses consommations, la culpabilité et l’autodénigrement peuvent la conduire à une accentuation des conduites toxicomaniaques. Les femmes toxicomanes demandent une attention particulière mais sont difficiles à gérer et ont tendance à fuir les services hospitaliers. À Port-Royal, une équipe mobile d’addictologie( EMA) a été créée en 1998 pour répondre à leurs besoins par des interventions spécifiques. La question s’est alors posée de savoir quels étaient les impacts des actions menées par une équipe spécialisée. Notre étude consiste en une analyse rétrospective des dossiers de l’EMA entre septembre 1998 et décembre 2007. Les femmes enceintes toxicomanes suivies par l’EMA viennent majoritaire- ment des centres spécialisés de soins pour toxicomanes. La grossesse permet une amélioration de la prise en charge sociale, une diminution, voire un arrêt, de leurs consommations et favorise l’adhésion aux soins. La sage-femme référente de l’équipe joue un rôle fondamental. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Midwife; Maternity; Psychoactive substances and pregnancy; Summary Pregnancy may be an opportunity for the drug addict to receive care. However, if she continues to consume, the guilt and the self-denigration may lead to an increase in drug related behaviour. Female drug addicts require special attention but are difficult to manage and tend to avoid hospitals. At Port-Royal, a mobile drug addiction team (EMA) was created in 1998 to answer their needs by means of specific interventions. The question was then raised as to what is the impact of the actions taken by a specialised team. This study consists of a retrospective analysis of the EMA files between September 1998 and December 2007. The pregnant drug Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Michel). 1637-4088/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.sagf.2008.09.002

Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

  • Upload
    n

  • View
    220

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

La Revue Sage-Femme (2008) 7, 289—294

MÉMOIRE

Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise encharge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

Drug addiction in the pregnant woman. Specialised care at Port-Royal between1998 and 2007

N. Michela,∗, M. Riviereb, N Le Botc

a 8, rue du Clos-la-Paume, 92220 Bagneux, Franceb École de sages-femmes Baudelocque, groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul,88, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, Francec Maternité Port-Royal, groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 27, rue duFaubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France

Disponible sur Internet le 18 novembre 2008

MOTS CLÉSSage-femme ;Maternité ;Substancespsychoactives etgrossesse ;Toxicomanie ;Équipe d’addictologie

Résumé La grossesse peut être une opportunité de soins pour la femme toxicomane.Cependant, si elle poursuit ses consommations, la culpabilité et l’autodénigrement peuventla conduire à une accentuation des conduites toxicomaniaques. Les femmes toxicomanesdemandent une attention particulière mais sont difficiles à gérer et ont tendance à fuir lesservices hospitaliers. À Port-Royal, une équipe mobile d’addictologie( EMA) a été créée en1998 pour répondre à leurs besoins par des interventions spécifiques. La question s’est alorsposée de savoir quels étaient les impacts des actions menées par une équipe spécialisée. Notreétude consiste en une analyse rétrospective des dossiers de l’EMA entre septembre 1998 etdécembre 2007. Les femmes enceintes toxicomanes suivies par l’EMA viennent majoritaire-ment des centres spécialisés de soins pour toxicomanes. La grossesse permet une améliorationde la prise en charge sociale, une diminution, voire un arrêt, de leurs consommations et favorisel’adhésion aux soins. La sage-femme référente de l’équipe joue un rôle fondamental.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSMidwife;Maternity;

Summary Pregnancy may be an opportunity for the drug addict to receive care. However, ifshe continues to consume, the guilt and the self-denigration may lead to an increase in drugrelated behaviour. Female drug addicts require special attention but are difficult to manage and

Psychoactivesubstances andpregnancy;

tend to avoid hospitals. At Port-Royal, a mobile drug addiction team (EMA) was created in 1998 toanswer their needs by means of specific interventions. The question was then raised as to whatis the impact of the actions taken by a specialised team. This study consists of a retrospectiveanalysis of the EMA files between September 1998 and December 2007. The pregnant drug

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Michel).

1637-4088/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.sagf.2008.09.002

Page 2: Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

290 N. Michel et al.

Drug addiction;Drug addiction team

addicts seen by EMA mainly come from special centres for drug addicts. The pregnancy allowsfor improved social care, the reduction or even the suspension of their consumption andfavours the compliance with the care. The referral midwife on the team plays a fundamentalrole.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

L

ABCD

DEHHHNPPRRSSTVEC

I

As

p

psdDcéulmésbIddpànlf

nio

dcl

G

«dnudb[rm

usAefisls[cssp

T

Cte«Dd

exique des abréviations

M allaitement maternelW syphilisSST centre spécialisé de soins pour toxicomanesAPSA dispositif d’appui à la périnatalité et aux soins des

addictionsATIS drogue alcool tabac infoserviceMA équipe mobile d’addictologieAD SF hospitalisation à domicile par une sage-femmeBV virus de l’hépatite BCV virus de l’hépatite CFS numération formule sanguineMI protection maternelle et infantilePI postpartum immédiatAD retour au domicileDV rendez-vousA semaines d’aménorrhéeSNN syndrome de sevrage du nouveau-néoxo. toxoplasmoseIH virus de l’immunodéficience humaineRCF enregistrement du rythme cardiaque fœtalI contre-indication

ntroduction

ctuellement, 500 à 2500 toxicomanes mèneraient une gros-esse à terme chaque année [1].

Parallèlement, les structures d’accueil orientées vers laopulation féminine se développent.

Les grossesses de ces femmes sont à risque et associentlusieurs problèmes : instabilité psychologique, difficultés àe plier aux contraintes, notamment horaires, faible consi-ération pour leur santé et, souvent, précarité sociale.u fait d’une existence tournée vers la quête de produit,es femmes seront peu attentives aux premiers signesvocateurs d’une grossesse et initieront donc tardivementn suivi prénatal. Mais le retard dans la prise en charge dea grossesse s’explique également par la crainte du milieuédical alors même que la femme a bien conscience de son

tat de grossesse. Étiquetées « toxicomanes », ces patientesont encore stigmatisées. Ces premiers éléments montrentien la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire.l ne suffira pas d’instaurer un traitement substitutif oue sevrer ces femmes pour les « guérir » ; il faudra agir àifférents niveaux pour tenter d’améliorer la vie de ces

atientes : à court terme pour mener à bien la grossesse,

moyen terme pour l’environnement psychoaffectif duouveau-né et à long terme pour une vie sociale et fami-iale stable. Pour répondre aux besoins spécifiques de cesemmes, l’équipe mobile d’addictologie (EMA) de la mater-

f

rma

ité Port-Royal a été renforcée par une unité fonctionnellentervenant spécifiquement pour le service de gynécologie-bstétrique.

Notre étude a été réalisée dans le but d’identifier le rôlee la sage-femme dans l’EMA et de mesurer l’impact médi-al, social et psychologique d’un encadrement spécifique sure devenir de ces mères et leur enfant.

énéralités

La toxicomanie se caractérise par un ‘‘enfermement’’ans un comportement et dans des habitudes, liés au fait dee plus pouvoir se passer d’un produit ; elle s’inscrit dansne histoire personnelle où l’enfance et l’environnemente la personne ont une grande influence » [2]. De nom-reux déterminants interviennent et sont souvent intriqués3]. Les conduites addictives doivent donc être considé-ées dans une approche plus vaste que le simple domaineédical.Il faut savoir que « chaque usager est inévitablement

nique » [4] et chaque drogue produit des effets différentselon les individus, la qualité du produit et le contexte.vant de devenir un problème, la consommation de droguesst la solution illusoire en laquelle l’individu trouve un béné-ce éphémère à ses difficultés relationnelles, existentielles,ociales ou familiales. La dépendance est installée lorsquee consommateur ne peut plus se passer de substancesans manifester de souffrances physiques et/ou psychiques5,6]. Souvent la consommation de drogues maintient unertain équilibre permettant au toxicomane de masqueres problèmes et ainsi, autotraite des troubles névrotiquesévères préexistants [7]. Sans substance, le toxicomane aeur d’affronter un avenir où il sera confronté à la réalité.

Les CSST, accueillent annuellement 15 000 femmes [8] et00 à 2500 femmes toxicomanes mèneraient une grossesseterme [1].

oxicomanie au féminin

e phénomène est peu étudié en France du fait du carac-ère illégal de la toxicomanie et des résistances socialest collectives existantes car la femme toxicomane est trèséloignée » des représentations sociales de la féminité.epuis quelques années, le développement des structures’accueil orientées vers la population féminine et les

emmes enceintes tente de répondre à ces besoins.

Nous avons vu que les causes de la toxicomanie sont àechercher dans l’histoire du sujet et son fonctionnementental mais « il n’y a pas de personnalité toxicomaniaque

u sens strict, pas plus que de profil toxicomanogène claire-

Page 3: Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

P

P

Àrcamus

M

Nln2lt

R

LoaDco7mu

prlglcclc

luistdrptcg

p

Toxicomanie chez la femme enceinte

ment identifié » [7]. Il faut garder à l’esprit l’interaction detrois facteurs favorisant : l’environnement, l’individu avecses vulnérabilités et les produits.

La drogue crée un cocon hors de la réalité poussant lafemme à vouloir « tout, tout de suite » ; la sensation de plai-sir procuré par le produit est rapidement effacée par lemanque [9], l’investissement est déplacé vers la drogue. Lesfemmes toxicomanes ont un rapport difficile avec leur corps,souvent négligé et « malmené ».

Enceinte et toxicomane

Ce sujet génère des interrogations et de vives réactions.Comme l’explique Geismar-Wieviorka : « qu’une femmetoxicomane dise vouloir d’un enfant semble tout à la foisnormal (c’est une femme) et scandaleux (elle est toxico-mane) » [7].

La femme enceinte toxicomane tend à décrire ses rela-tions futures avec l’enfant de facon idyllique, niant ouévitant d’aborder ses difficultés ; l’enfant est investi d’unefonction réparatrice venant combler le désir de plénituderecherché à travers la drogue [9]. La difficulté est de dis-cerner le réel épanouissement de la femme toxicomane [7].

Dans la démarche toxicomaniaque, le mécanisme dedénégation constitue un obstacle pour le suivi. La femmedoit sortir de l’immédiateté qui fait son quotidien, dépas-ser ses craintes, surmonter sa honte et sa culpabilité,demander de l’aide. La crainte d’être jugée, étiquetée« toxico », « mauvaise mère », du signalement, du place-ment de l’enfant renforcent l’isolement de ces mères[10].

La grossesse d’une femme toxicomane nécessite unesurveillance obstétricale, une compréhension de la toxi-comanie et un soutien psychosocial [11]. La maternitésera d’autant plus difficile que s’y ajoutent des conditionssocioéconomiques désastreuses et un environnement fami-lial pauvre, voire inexistant [7]. Étudier la répercussion desdrogues sur la grossesse est difficile, de nombreux facteursde risque sont associés [12,13].

L’interaction entre ces femmes et leur bébé est marquéepar le démonstratif, l’agir et les passages à l’acte. L’enfantest souvent vécu comme un sauveur [9] et lorsqu’il ne cor-respond pas à l’idéal maternel, il peut être délaissé. Lesuivi quotidien des relations mère—enfant permet d’évaluerles problèmes rencontrés par ces mères [14]. Les difficultésd’attachement peuvent être majorées par le syndrome desevrage nécessitant un cocooning, que la femme soit substi-tuée ou non [15,16].

La femme toxicomane est une excellente manipulatricemais peut laisser transparaître dans son discours certainesfailles ou ne manifester aucun affect pour l’enfant.

Durant la grossesse, le temps est compté pour gagnerla confiance de la femme toxicomane et mettre en placeun soutien pour améliorer le pronostic périnatal [13]. Lasage-femme a un rôle clé dans l’EMA, point d’ancrage detout un travail de maillage indispensable à l’élaboration du

projet mère—enfant [17], elle semble occuper une place« neutre » à côté de l’assistance sociale, réputée comme« placeuse d’enfant » et du gynécologue-obstétricien incar-nant le médical et pouvant renfermer la patiente surelle-même.

ps

ag

291

résentation de l’étude

roblématique

la maternité Port-Royal, depuis 1998, l’EMA a étéenforcée par une unité fonctionnelle intervenant spé-ifiquement pour le service de gynécologie-obstétriquessurant une prise en charge des femmes enceintes toxico-anes. L’évaluation de cette prise en charge spécifique par

ne équipe spécialisée n’ayant jamais été réalisée, il nous aemblé intéressant de savoir quel était son retentissement.

éthodologie

ous avons réalisé une étude quantitative rétrospective sures dossiers de l’équipe mobile d’addictologie de la mater-ité Port-Royal, de septembre 1998 à décembre 2007, soit80 dossiers. Des entretiens avec des professionnels spécia-isés en toxicomanie ont été réalisés pour compléter notreravail.

ésultats et discussion

a majorité des femmes enceintes toxicomanes semblentbserver un suivi obstétrical régulier et, globalement,dhèrent au système de soins le temps de leur grossesse.eux tiers des femmes toxicomanes (65,7 %) ont déclaré pré-ocement leur grossesse (avant 15 SA) ; parmi elles, 76,6 %nt observé un suivi régulier de leur grossesse. Seulement,9 % des patientes de l’EMA accouchent en dehors de laaternité Port-Royal (perdues de vue, accouchements dans

n lieu public ou en urgence dans une autre maternité).La prise en charge globale et précoce par l’EMA, sur le

lan médical, social et psychologique, permet une meilleureéinsertion des patientes. La moitié des femmes ont unogement personnel satisfaisant (50,7 %); mais avant leurrossesse, 8,2 % des femmes présentent des conditions deogement fluctuantes, plus des deux tiers améliorent leursonditions de logement pendant leur grossesse. Le suivi pré-oce par l’EMA, avant 19 SA, facilite un retour à domicile dea femme avec son enfant à la sortie de la maternité (36,1 %ontre 27,1 %).

Concernant l’impact qu’aura eu la grossesse sur’adhésion de la patiente à une continuité des soins dansn centre de soins spécialisé pour toxicomanes (CSST),l est difficile de conclure. En effet, avant la grossesse,eulement 16,4 % des femmes n’avaient aucun suivi de leuroxicomanie. À l’issue de l’accompagnement par l’EMA, 11 %es patientes resteront sans suivi pour leur addiction. Enevanche, nous pouvons affirmer que le suivi de la femmear l’EMA améliore la prise en charge sur le plan psychia-rique puisque seulement 14 % des patientes sont suivies sure versant avant leur grossesse (centre médicopsycholo-ique, psychiatre) alors que 26,1 % le sont après la grossesse.

Au final, les conditions sociales des patientes les plusrécaires semblent améliorées suite à la prise en charge

ar l’EMA mais, le nombre de patientes suivies en CSST estensiblement le même avant et après la grossesse.

La grossesse est une opportunité pour limiter, voirerrêter les consommations à condition d’être accompa-née dans cette démarche puisque 23,9 % des femmes

Page 4: Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

2

osnéapedspalsmccqc

aes

msttms«tepg

atEesg

nmassop

dédpa(

dse

l

L

Nnhuuf

é

P

LnttsàEfe(pfdt

amlIpessccda

C

LmdcdLuplpsc

92

nt cessé de consommer des drogues pendant leur gros-esse. Avant la grossesse, seulement 4 % de ces femmese consommaient pas de substances psychoactives maistaient sous substitution et 59,6 % des patientes prenaientu moins trois drogues. Ce chiffre est divisé par troisendant la grossesse (20,4 %). Les patientes ont diminuén moyenne leur consommation d’un produit au course leur grossesse. Par ailleurs, nous constatons un glis-ement des drogues illégales (héroïne, cocaïne) vers dessychotropes « légaux » (tabac, alcool) avec cependant uneugmentation de la consommation de cannabis. Pendanta grossesse, 26,1 % des femmes consommaient deux sub-tances contre 23,6 % avant la grossesse. En revanche, lesonoconsommations sont franchement augmentées : 29,6 %

ontre 12,6 % avant la grossesse mais cela est à interpréteromme un élément plutôt favorable puisque les patientesui consommaient au moins trois drogues ont limité leuronsommation.

À la sortie de la maternité, 49,3 % des femmescceptent un étayage : technicienne en intervention socialet familiale (ex-travailleuse familiale), assistante sociale,age-femme à domicile, suivi de la toxicomanie.

La sage-femme occupe une place clé dans le suiviultidisciplinaire des femmes enceintes toxicomanes. La

age-femme de l’EMA, du fait de ses connaissances obsté-ricales et en addictologie est l’intervenant de choix. Elleravaille dans la continuité du professionnel ayant préalable-ent orienté la patiente. Les échanges interprofessionnels

ont fondamentaux pour que la femme ne se sente pasabandonnée ». La grossesse s’étend sur une période rela-ivement courte et pour ces patientes, le suivi par l’EMAst initié en moyenne vers 20 SA, ce qui laisse relativementeu de temps pour évaluer la situation, organiser un suivi etagner la confiance de la femme.

La sage-femme doit effectuer un travail de préventionuprès de ces femmes pour limiter les complications obsté-ricales puisque, 18,9 % d’accouchement sont prématurés.nfin, elle doit diffuser ses savoirs auprès des équipesn maternité pour que les professionnels soient sensibili-és aux problèmes soulevés par la toxicomanie pendant larossesse.

Sur le plan psychosocial, l’absence de logement person-el ne compromet pas systématiquement la sortie de laaternité de la mère avec son enfant. Le RAD est envisagé

près évaluation des aptitudes de la patiente à s’occuper deon enfant ; en cas de doute sur ses capacités, un étayageera envisagé, avec si besoin une aide educative en milieuuvert. Il faut rester prudent quant au devenir de l’enfantar rapport au milieu dans lequel il évoluera.

Sur l’ensemble des nouveau-nés ayant séjourné en suitese couches avec leur mère (n = 100), aucun d’entre eux n’até placé en pouponnière à la sortie. Par ailleurs, le fait’avoir un enfant précédent placé n’est pas obligatoirementrédictif du placement de l’enfant actuel. Sur 122 retoursu domicile, 34 femmes ont déjà au moins un enfant placéfamille, père ou institution).

La présence du père est un facteur favorable au RAD

e la mère avec son enfant car lorsque le père est pré-ent (199 cas), 152 femmes rentrent au domicile avec leurnfant.

En revanche, notre étude ne permet pas de savoir si àong terme le nouveau-né est toujours au foyer parental.

dl

qe

N. Michel et al.

imites de l’étude

otre étude est intéressante par son effectif : sur neuf ans,ous avons étudié 280 dossiers avec une population assezétérogène. De plus, c’est la première fois qu’en France,ne étude est réalisée sur ce sujet et permet de dressern bilan sur l’impact d’une prise en charge spécifique desemmes enceintes toxicomanes.

La faiblesse de notre étude tient au fait que ce soit unetude rétrospective sur dossiers.

ropositions

a sage-femme a une activité diversifiée. Elle peut être ame-ée, durant son exercice, à suivre des femmes enceintesoxicomanes sans que la maternité dispose d’une consulta-ion spécialisée. Elle devra donc composer avec l’assistanteociale, le médecin et le psychologue pour adapter le suivila patiente et pouvoir l’orienter vers un CSST (Annexe 1).

n région parisienne, elle pourra être guidée par la sage-emme du DAPSA qui est un réseau axé sur la périnatalitét les problèmes d’addiction au sein de la cellule familialeAnnexe 2). En France, un réseau comparable existe à Mont-ellier mais ailleurs, la prise en charge de ces femmes seait par l’assistante sociale et les médecins sans qu’il y ait’équipe spécifiquement organisée pour le suivi des femmesoxicomanes.

Par ailleurs, notre étude montre qu’il ne semble pas yvoir d’augmentation de l’accompagnement de la toxico-anie en dehors d’un accompagnement psychologique qui

ui, est franchement revu à la hausse après la grossesse.l semble donc intéressant de développer une approchelus personnalisée en fonction de la situation de la femmenceinte toxicomane au moment où elle débute sa gros-esse. La sage-femme de l’EMA pourrait, peut-être, élargira « mobilité » aux structures de bas seuil qui sont auontact d’une population en extrême précarité psychoso-iale (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réductiones risques liés aux usages de drogues [CARARUD]) et ainsi,ccompagner ces femmes marginales vers la maternité.

onclusion

a prise en charge spécifique des femmes enceintes toxico-anes par une équipe spécialisée permet une améliorationes conditions socioéconomiques des femmes ayant desonditions de logement fluctuantes mais semble avoir desifficultés à toucher les populations extrêmement précaires.a femme toxicomane accepte le temps de sa grossessen encadrement médicopsychosocial. L’accompagnementsychologique est revu à la hausse après le suivi par’EMA. De plus, à la sortie de la maternité la moitié desatientes acceptent un étayage. Enfin, cette prise en chargepécifique permet aux femmes toxicomanes de diminueronsidérablement leur consommation de drogues en passant

’une polytoxicomanie à une monoconsommation, essentiel-ement tabagique et cannabique.

Il est également important de souligner que le faitu’une femme toxicomane ait préalablement un ou plusieursnfants placés n’est pas prédictif du placement de l’enfant

Page 5: Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

S

Ptl94S

——

S

——

relationnels au sein de la dyade ou de la triade :père—mère—enfant ; évaluer l’aptitude du RAD avec

Toxicomanie chez la femme enceinte

actuel et que le séjour en suites de couches de la mère avecson enfant favorise le RAD du couple mère—enfant.

Pour conclure, nous insisterons sur le fait que la femmeenceinte toxicomane doit avant tout être considérée commeune femme enceinte et pouvoir, le temps de sa grossesse,se sentir comme les autres femmes. Cela n’est rendu pos-sible que si les équipes la considèrent autrement que commeune simple « toxico » incapable de s’occuper de sa propresanté et donc encore moins apte à s’occuper de celle d’unenfant. C’est là que la sage-femme référente en addic-tologie apparaît comme l’intervenant idéal auprès de cesfemmes puisqu’elle occupe une place « neutre ». Elle pourraégalement informer les professionnels sur les spécificités dusuivi des femmes enceintes toxicomanes pour faciliter lescontacts, permettre un suivi de qualité et ainsi favoriserl’adhésion aux soins.

Remerciements

À Nathalie Le Bot pour son aide précieuse, ses conseils et sadisponibilité lors de la réalisation de ce mémoire, à SylvieDuquenois pour sa guidance tout au long de ce travail et auxprofessionnels spécialisés en toxicomanie pour leur partaged’expériences et de connaissances.

Annexe 1. Grandes lignes pour le suivid’une femme toxicomane par lasage-femme non spécialisée enaddictologie

Suivi de la grossesse

— Anamnèse : antécédents personnels et familiaux,contexte psychosocial (père, violences conjugales,entourage, logement, enfants précédents et leursituation)

— Toxicomanie : évaluer les consommations, le moded’administration, la fréquence, l’ancienneté del’addiction et les sevrages.

— Substitution : Méthadone®, Subutex®. Prendre contactavec le prescripteur.

— 1re consultation, point sur les sérologies : HCV, AgHBs,BW, Toxo., Rubéole, VIH ; NFS (risque anémie+++) ;dépistage précoce du diabète si femme sousMéthadone® (riche en glucose)

— 1 consultation par mois jusqu’à 28SA puis,1 consultation/15 jours avec ERCF si persistance oudoute sur la consommation

— Expliquer le suivi de grossesse et aborder leproblème d’abstinence et le risque de stress fœtal etses conséquences.

Si volonté de diminuer sa substitution, le faireprogressivement avec specialiste (addictologie).Attention au risque de manque (hémodilutiongestationnelle) et rechutes : stress fœtal.

Insister sur tératogénécité de l’alcool ; risqued’hypotrophie : tabagisme et cannabisme ! Expliqueret rassurer la femme sur le SSNN et sa prise en charge(héroïnomane, substitution, benzodiazépines)

293

uivi de la grossesse

Organiser les orientations : échographie obstétricale(suivi classique et prescription supplémentaire sursigne d’appel), psychologue, psychiatre,obstétricien-gynécologue, assistante sociale

Planifier les prochains RDV et s’assurer de laprésence de la patiente sinon la relancer partéléphone

—En dehors de ces points de surveillanceparticuliers, suivi habituel de la grossesse avec lesexamens usuels habituellement prescrits dans lamaternité

—Si équipe spécialisée en addictologie dans lamaternité, orienter la patiente et prévenir lasage-femme spécialisée à chaque fois que la femmeest présente

—Penser au DAPSA : réseau de périnatalité axé surles problèmes d’addiction au sein du cocon familial.

ermanenceéléphonique duundi au vendredih 00—17 h 30 : 01.2. 09. 07. 17

No utile : DATIS 0 80023 13 13 (appelgratuit/fixe)

alle de naissance

S’assurer que la patiente ait son traitement substitutif(prescripteur habituel ou prescription par un médecinde la maternité)Prise en charge classique de l’accouchement si lagrossesse a été de déroulement normalSurveillance PPI : vigilance par rapport au risquehémorragique plus élevé pour ces femmesPrévenir les pédiatres et les informer des dernièresconsommations connues de la patienteSérovaccination des NN de mère AgHBs+Faciliter les premières relations mère-enfant (mêmesi une hospitalisation en pédiatrie, pour évaluation dela relation, est recommandée)HCV+, HBV+, traitement substitutif ne sont pas descontre-indications à l’AM en l’absence de plaiemammaire ; Si tabagisme, préconiser la tétée 2 haprès la cigaretteCI absolues à l’AM : VIH, alcoolisme.

uites de couches

Explorer le vécu de la grossesseDisponibilité des produits de substitution si lapatiente est sous traitementAccompagner le « cocooning » en cas de SSNN,rencontre du pédiatre, évaluation du score deFinnegan ou LipsitzEncourager l’allaitement et accompagner la patienteselon son choixÊtre attentif à l’établissement du lien mère-enfant =>avertir l’équipe de la maternité en cas de troubles

l’enfantOrienter la patiente sur le choix d’une méthodecontraceptive

Page 6: Toxicomanie chez la femme enceinte. Prise en charge spécialisée à Port-Royal entre 1998 et 2007

2

S

A

Lt123

4

5

R

[

[

[

[

[

[

[

de leurs nouveau-nés. Observatoire francais des drogues et

94

uites de couches

Organiser la sortie : suivi PMI du NN, puéricultrice desecteur, HAD pédiatrique ; proposer unaccompagnement de la toxicomanie (CSST,association) ou poursuivre le suivi initial ; HAD SF ;suivi psychologique selon le contexte ; prévoir laconsultation postnataleSi nécessité de signalement judiciaire (mesureéducative ou placement), le faire en « collaboration »avec les parents (lecture du rapport social etaccompagnement à l’audience)

nnexe 2. Qu’est-ce que le DAPSA ?

e Dispositif d’Appui à la Périnatalité et aux Soins des Addic-ions (DAPSA) est un réseau de santé publique.. Axe de prévention : périnatalité et addiction.. Zone d’intervention : Paris et région parisienne.. Acteurs du réseau :

— établissements de santé ;— médecins libéraux ;— infirmières ;— sages-femmes ;— institutions et organismes sociaux ou médicosociaux

(CSST, structures d’hébergement, centres maternels,foyers d’enfants, centres d’alcoologie) ;

— équipes de soins spécialisées à domicile (ESSAD) quiaccompagnent les jeunes mères ou les couples avecenfants, lorsqu’ils sont dans l’incapacité d’effectuerune démarche de soins dans un centre ;

— Protection Maternelle et Infantile (PMI) ;— Aide Sociale à l’Enfant (ASE).

. Objectifs du DAPSA :— prévention des risques maternofœtaux et périnataux

liés à la consommation de psychotropes ;— dépistage de la souffrance psychique et des risques de

maltraitance ;— accompagner les parents face à un placement

d’enfants quand celui-ci s’avère indispensable— faciliter l’accès aux soins des patients ayant des

troubles liés à une addiction et en difficulté dans leurfonction parentale ;

— favoriser la continuité des soins ;— soutenir les parents dans leur rôle parental : maintenir

et renforcer les liens entre parents et enfants ;— obtenir l’adhésion des parents à une démarche de

soins.. Coordination et continuité des soins assurées par une

permanence téléphonique :

[

N. Michel et al.

Du lundi au vendredi, de 9 h 00 à 17 h 30 : 01 42 09 07 17Adresse : 59, rue Meslay, 75003 ParisE-mail : [email protected]

éférences

[1] Franchitto MC, Peyrefort E, Tellier G. Toxicomanie, femmesenceintes et maternité : une nécessaire évolution de la prise encharge. Revue Documentaire Toxibase 2, 1-12. www.toxibase.org/Pdf/revue/dossier mater.pdf [consulté entre août 2007 etjanvier 2008].

[2] Poloméni P, Bry D, Celerier I. Dialogue médecin—malade :comprendre les addictions et le traitement de la toxicomanie.Montrouge: John Libbey Eurotext; 2000, 56 p.

[3] Reynaud M, Bailly D, Venisse JL. Médecine et addiction : peut-on intervenir de facon précoce et efficace ? Médecine etpsychothérapie. Paris: Masson; 2005, 311 p.

[4] http://www.drogues.gouv.fr/article5484.html [consulté entreaoût 2007 et janvier 2008].

[5] Richard D, Senon M, Valleur M. Dictionnaire des drogues et desdépendances. Paris: Larousse/Sejer; 2004, 626 p.

[6] http://www.drogues.gouv.fr/article.3075.html [consultéentre août 2007 et janvier 2008].

[7] Geismar-Wieviorka S. Les toxicomanes ne sont pas tous incu-rables. Paris: Seuil; 1998. p. 54—90.

[8] OFDT. Drogues : chiffres clés. Observatoire francais desdrogues et des toxicomanies 2007, 6 p. www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/dce.html [consulté entre août 2007 et janvier 2008].

[9] Rosenblum O. Toxicomanie : un pont entre la sexualité et ledésir d’enfant. 37e Journée thématique de la SFEF. GynécologieObstétrique & Fertilité 2006;34(10):990—3.

10] Facy F, Villel M, Delile JM, Dally S. Addictions au féminin. Paris:EDK éditions médicales et scientifiques; 2004, 187 p.

11] Module de la conception à la naissance. Prévention des risquesfœtaux : toxicomanie et grossesse. Faculté de Médecine ULPF67000 Strasbourg. Focus consommation et conséquences;2004—2005:169—74.

12] Bongain, Ejnes L, Durand-Reville M, Gillet JY. Toxicomanie etgrossesse. Elsevier Masson Obstétrique; 2000. p. 1—16.

13] Marret S, Zupan Simunek V. Neurologie périnatale. Progrès enpédiatrie 14, nouvelle série. Doin; 2003. p. 319—25.

14] Meyer-Buisan ME. Les états de dépendance et les conséquencessur l’enfant. Mairie du XVIe arrondissement de Paris, 9 avril1999.

15] Troisième Journée parisienne d’obstétrique AP—HP. Toxicoma-nie et grossesse. Doin, 1996.

16] Lejeune C, Simmat-Durand L. Grossesse et substitution,enquête sur les femmes enceintes substituées à la métha-done ou à la buprénorphine haut dosage et caractéristiques

des toxicomanies. Focus consommation et conséquences; 2003,144 p.

17] Tridon C. Infirmière diplômée d’État de l’équipe mobiled’addictologie. Article in: Trait d’union 2008.