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 Études du lexique I Lexique et vocabulaire Lexiq ue : ensemble des formes connues de façon active ou passive par un locuteur donné. Vocabulaire : uniquement les formes connues activement par l'énonciateur. Les vocabulaires sont aussi appelés des  jargons. Ils sont utilisés dans un champ donné par un groupe social particulier. Le lexème devient alors un marqueur sociolinguistique. Il existe des milliers d'unités lexicales, mais personne ne connaît la totalité de la langue française. Le vocabulaire courant, appelé vocabulaire fondamental, oscille entre 7000 et 8000 formes pour un locuteur donné. On ne dispose pas tous de la même batterie lexicale mais tout le monde partage un vocabulaire général. Il existe deux types d'opposition dans les lexiques : vocabulaire actif / vocabulaire passif Le vocabulaire passif correspond aux termes dont le locuteur connaît la définition mais qu'il n'utilise pratiquement pas, comme par exemple lexème  pour un non linguiste. Le vocabulaire actif correspond aux unités connues et employées par le locuteur.

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Études du lexique

I Lexique et vocabulaire

Lexique : ensemble des formes connues de façon active ou passive par unlocuteur donné.

Vocabulaire : uniquement les formes connues activement par l'énonciateur.Les vocabulaires sont aussi appelés des jargons. Ils sont utilisés dans un champdonné par un groupe social particulier. Le lexème devient alors un marqueur

sociolinguistique.

Il existe des milliers d'unités lexicales, mais personne ne connaît la totalité de la

langue française. Le vocabulaire courant, appelé vocabulaire fondamental, oscilleentre 7000 et 8000 formes pour un locuteur donné.

On ne dispose pas tous de la même batterie lexicale mais tout le monde partageun vocabulaire général.

Il existe deux types d'opposition dans les lexiques :

vocabulaire actif / vocabulaire passif 

Le vocabulaire passif correspond aux termes dont le locuteur connaît la définitionmais qu'il n'utilise pratiquement pas, comme par exemple lexème pour un nonlinguiste.Le vocabulaire actif correspond aux unités connues et employées par le locuteur.

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vocabulaire fondamental / vocabulaire spécialisé

Certains termes spécialisés peuvent rentrer dans le vocabulaire courant (idiotie,imbécillité), alors certains termes courants peuvent se spécialiser dans certainsvocabulaires techniques (souris)

Lexicologie : branche de la linguistique théorique qui étudie les lexèmes et le

lexique.Lexicographie : lexicologie appliquée à la confection des dictionnaires.Aujourd'hui, on parle aussi de

 

dictionnairique.

II Tradition lexicographique et dictionnaires

En ce qui concerne les dictionnaires, il a toujours existé une lutte de tendancesentre

la description des mots : tradition étymologique et morphologique (Robert)

etla description de la chose : tradition encyclopédique (Larousse)

Historique de la lexicographie française à travers les siècles :

Cette alternance reflète les deux grandes tendances lexicales.

Les dictionnaires de mots concentrent généralement leur attention sur lesvocabulaires fondamentaux et passifs,

alors queles dictionnaires encyclopédiques décrivent souvent les vocabulaires

spécialisés.Voir la partie du site consacrée aux dictionnaires.

III Le français fondamental

1954 : Georges Gougenheim enregistre des corpus de langue orale française et enfait une étude quantitative (statistique) sur le nombre d'occurrences des formes. Ilétablit une statistique des unités par ordre de fréquence. Les mots les plusfréquents sont sûrement les plus courants du lexique commun aux francophones.

On constate que les formes les plus fréquentes sont des morphèmes

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 (déterminants, mots de relation, adverbes)

Les lexèmes les plus fréquents sont censés correspondre au français fondamental,mais on peut se demander pourquoi le mot non n'apparaît pas dans les termes lesplus fréquents. En effet, il ne s'agit pas d'un corpus de discours polémique. Onpeut rétorquer à Gougenheim que le vocabulaire employé le plus fréquemmentcorrespond à la réalité physico-culturelle des locuteurs.

IV Analyse sémique

En sémantique l'unité lexicale est considérée comme un sémème, c'est-à-dire unensembles de traits sémantiques appelés sèmes :

Sémème = sème1 + sème2 + sèmen

Il existe trois sortes de traits sémantiques :

 

Masque : objet qui cache le visage lors de fêtes costumées 

 

- objet non animé (classème)-

 

qui cache les yeux (sème spécifique)

 

- et qui cache le visage (sémantème)

 

- lors de fêtes costumées (virtuème)

Seuls les traits distinctifs feront l'objet d'une analyse sémique en relation avec unchamp sémantique d'unités. Les traits non distinctifs renvoient à la référence dansle monde et non plus à un champ d'unités linguistiques.

Les classèmes sont les sèmes distinctifs et obligatoires qui consistent en uneparticule de sens fondamentale :

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Un sémème appartient toujours à un champ lexical. C'est-à-dire qu'il estapparenté sémantiquement à d'autres unités lexicales. Par exemple, le lexèmepère fera partie du même champ lexical que mère, fils, cousin...

On représente généralement l'analyse sémique des sémèmes d'un même champslexical sous forme de matrice :

SÈME pours'asseoir

S1

pour unepersonne

S2

avecdossier

S3

avec bras

S4

S

É

M

È

ME

chaise + + + -fauteuil + + + +

tabouret + + - -

canapé + - + ø

 

Hyperonymie / hyponymie 

L'hyperonyme est un terme dont le sens inclut les sens d'autres termes :ses hyponymes.Les co-hyponymes sont dans un rapport d'inclusion par rapport à un tout :l'hyperonyme.

Les hyperonymes sont aussi appelés archisémèmes ou archilexèmes. 

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Pantonymie

Le phénomène consistant à désigner une notion en remontant jusqu'à unhyperonyme maximal est appelé pantonymie. En cela, des unités lexicalescomme "truc", "machin", "chose", "bidule", qui permettent de renvoyer à despersonnes, à des objets, ou à des notions plus abstraites sont considérées commedes pantonymes.

Passe moi le truc là Chose est venu me voir hier. Ne me parlez pas de ce machin a dit De Gaulle à propos de la Société desNations. 

Synonymie

Il s'agit de co-hyponymes qui peuvent se commuter dans un même contexte surl'axe syntagmatique et qui ont un nombre important de sèmes en commun. C'estle cas pour élève et

 

étudiant :

SÈME humain enapprentissage

dans uneinstitutionscolaire

dans unétablissement

d'étudessupérieures

S

É

M

È

M

E

élève + + + -

étudiant + + - +

Cependant, il est très rare de trouver une synonymie totale de deux termes àl'intérieur d'une langue. Si cela arrive, on a généralement affaire à des différencesde registres avec des implications sociolinguistiques. C'est le cas pour "chaussures"et "

 

godasses" qui disposent des mêmes sèmes. Cependant le second sera ressenticomme relevant d'un registre familier.

Voir dictionnaire des synonymes de l'Université de Caenhttp://elsap1.unicaen.fr/dicosyn.html 

AntonymieLes antonymes sont des co-hyponymes qui ont des sens opposés car ilscontiennent les mêmes sèmes avec des valeurs positives et négatives inversées.

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antonymes stricts bipolairesmort / vivant 

antonymes sériels

 scalaires (graduels)

 

chaud / tiède / froid 

Relevant d'un processus.

 

non cycliques

 

bébé / enfant / adolescent / adulte 

cycliques réversibles

 

lundi / mardi / mercredi / jeudi / vendredi / samedi / dimanche 

cycliques non réversibles

 

cru / au bleu / à point / bien cuit // refroidi

bien portant / malade // guéri

Les antonymes ont en fait un caractère très synonymique car ils ont unhyperonyme commun et contiennent les mêmes sèmes (même si leurs polaritéssont inversées).Il arrive d'ailleurs qu'une forme lexicale soit son propre antonyme, c'est le caspour :

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hôte / hôte:1. invité2. celui qui invite

 

Polysémie

La polysémie correspond à la propriété qu'ont certaines unités lexicales d'avoirplusieurs sens :

Katz et Fodor, propose une analyse sémique du sémème "canard" sous formed'arborescence dans la tradition générative transformationnelle :

C'est la mise en discours qui permettra de désambiguïser et de rendre les unitéslexicales monosémiques. De polysémique en langue, le lexème devientmonosémique en parole :

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Il est très rare qu'une unité lexicale soit complètement monosémique en langue,sauf pour certains lexèmes faisant partie d'un vocabulaire très spécialisé :

hadron = particule chimique susceptible d'interaction forte.

Dans les autres cas, même si l'ambiguïté reste possible au moment del'énonciation :

Qu'est-ce que c'est que tous ces canards ? (dit devant un lac en écoutant dela musique)

La plupart du temps, le lexème polysémique passe en discours est se monosémise:

Oh j'ai vu un canard ! (monosémie)Oh j'ai entendu un canard ! (animal ou fausse note d'un instrument à cuivreou à vent)

J'étudie les canards de Lorenz le biologiste. (animal)

 

J'étudie les canards de Louis Armstrong le saxophoniste. (plutôt les faussesnotes que les animaux dans son jardin).

J'ai aperçu un canard (l'animal et pas le journal à cause de l'instantanéité duprocès apercevoir).

Le réseau qui s'établit entre certaines unités lexicales au moment de lacontextualisation sera appelé isotopie. Par exemple :

- entre canard et biologiste, il existe une isotopie animale,- alors qu'entre canard et saxophoniste, l'isotopie est musicale.

C'est donc le phénomène isotopique qui fait que le lexème se monosémise endiscours.

Homonymie

Il ne faut pas confondre la polysémie avec l'homonymie qui correspond à dessémèmes qui se prononcent et s'orthographient de la même façon mais qui n'ont

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 aucun sème en commun.Il n'y a pas de lien logique entre deux homonymes. Ils viennent d'étymonsdifférents et ne peuvent pas apparaître dans le même contexte.

Du point de vue diachronique, il arrive qu'un polysème se transforme en deuxhomonymes.C'est le cas d'un terme comme grève qui aujourd'hui renvoie à deux sens biendifférents :

1. bord de l'eau2. action sociale

On a oublié que ces deux lexèmes ont une origine commune. Au siècle dernier, lesouvriers arrêtaient le travail et se réunissaient en masse sur la Place de Grève aubord de la Seine à Paris, devenue depuis la Place de l'Hôtel de Ville. On disait alorsque les ouvriers faisaient grève

 

. L'expression est restée mais l'origine en a étéoubliée.

Les homonymes ont pour propriété d'être à la fois homophones ethomographes :

Les homophones ne sont pas homonymes s'ils ne sont pas homographes et viceversa :

Un vers de la terreSur un ver de terreDans un verre de terreVoilà trois ---- bien terre à terre.

Paronymie

Les paronymes sont des lexèmes dotés d'une similitude formelle mais qui sontsémantiquement distincts.

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consommer / consumer

induire / enduire

Cette ressemblance des formes a des conséquences sémantiques. La distinction desens n'est plus aussi accusée et il y a une tendance latente à une sorte de fusionallant vers un polysème.

Ainsi,

un jour ouvrable

n'est pas un jour où les magasins sont ouverts, comme le pensent la plupart des

 

gens, mais un jour où on travaille ; ouvrable a la même origine que ouvrage, le

 

verbe ouvrer (travailler , en ancien français).

V Liens logiques

Ils existe des relations logico-sémantiques entre les sémèmes. Il en existe quatretypes principaux :

relation analogique (ressemblance / identification)relation topologique (spatiale)relation chronologique (causatif / consécutif)relation implicative (extensif / restrictif)

Ces relations sont marquées par une terminologie venant de la rhétorique. On lesregroupe sous l'appellation de métonymie : procédé consistant à prendre un motpour un autre auquel il est lié par un rapport logique.

Il existe plusieurs sortes de rapports logiques:

MÉTABOLE (implication non nécessaire)

Cette relation s'établit de façon aléatoire : pourquoi un canard désignerait-il une

fausse note plutôt qu'un corbeau.

RELATION ANALOGIQUE  MÉTAPHORE : relation de ressemblance(analogique).

Ce zèbre-là, Cet oiseau-là, Des gorilles (gardes du corps)

RELATION IMPLICATIVE  MÉTALEPSE : produit qui découle de ce qui

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 l'a impliqué ou engendré. (Relation implicative, un peu chronologique)

Chose désignée par ce qui l'implique (on désigne l'effet par le nom de sacause)

Un Picasso, Un blaireau (le poil de l'animal engendre la brosse)

 RELATION TOPOLOGIQUE

Il y en a deux grandes variétés :

SYNECDOQUE extensive:

 

Type de métonymie par laquelle le nom dela partie plus vaste est donné à la partie la plus restreinte :contenant pour le contenu. (relation topologique spatiale)

Toute la salle a ri de moi. J'ai bu le verre.

 

MÉRONYMIE : Il s'agit d'un type de synecdoque restrictive parlaquelle le tout est désigné par la partie ou l'entité est désignée parla partie.

(relation topologique)

Vous le masque, approchez !Les pieds noirs Les peaux rouges

 

La logique topologique est très empirique. Toutes ces implicitations sont aléatoires.Seuls certains virtuèmes sont sélectionnés.

Il s'agit d'un rapport de subordination sur l'axe paradigmatique. Il se distingue encela de la métonymie stricte qui relève, selon Jakobson, d'un rapport decoordination entre deux notions sur l'axe syntagmatique (cause à effet, matière àobjet). 

IMPLICATIONS NÉCESSAIRES

 EXTENSION DE SENS 

Au Québec, un moineau représente n'importe quel oiseau. (extension de

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 sens). L'unité se met à désigner son hypéronyme.

En France, le terme lessive qui renvoie généralement à la poudre servantd'instrument, s'est étendu au procès (

 

faire sa lessive) puis au produitrésultant du procès (remonter sa lessive).

RESTRICTION DE SENS 

Descente dans la hiérarchie.

Les hommes du patron. La fille du père.

Au Québec, l'animal ne désigne que les mammifères.

Ces glissements sémantiques d'extension et de restriction sont beaucoup plusstricts que les phénomènes aléatoires.

VI La théorie Sapir-Whorf 

Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf sont deux ethnolinguistes américains qui onttravaillé sur les langues amérindiennes entre les années 1930 et 1940. Le premiera d'abord émis l'hypothèse qu'à langue et bassins linguistiques différents

correspondaient des représentations du monde différentes. Le bassin lexical donton dispose organise la représentation du monde. Chaque langue véhicule unevision du monde (Weltanschauung pour reprendre l'expression de Wilhelm vonHumbolt, philosophe allemand du XIXe siècle).

Benjamin Lee Whorf reprend empiriquement cette hypothèse à travers l'étude du

 

hopi, langue amérindienne qui n'a pas de marqueurs morphologiques temporels.Le temps n'est pas envisagé dans son déroulement et le mot jour n'a pas depluriel. Au lieu de :

Il est resté dix jours.

un Hopi dira :

Il est resté jusqu'au dixième jour.

Selon lui le fait que le temps n'est marqué que par des représentationsaspectuelles et modales implique que le peuple hopi vit dans un éternel présent.

On peut donc résumer l'hypothèse Sapir-Whorf en deux grands points : 

1. Le langage est un produit socio-historique qui réorganise la

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 vision du monde.

Ainsi en arabe, il y a une dizaine de lexèmes pour désigner les chameaux, làoù il n'y a qu'un terme en français.

 De même, les Inuits ont toute une série de mots pour renvoyer aux diversesvariétés de blanc que peut prendre la neige.

 Du point de vue historique, il est intéressant de remarquer qu'en anglais,langue d'origine germanique de tradition féodale, on utilise knight là ou enfrançais d'origine romane, on utilise chevalier.

 KNIGHT 

signifie originairement celui qui est lié(le vassal).

 

CHEVALIER  signifie celui qui est à cheval  

Les Germains considéraient lechevalier de l'intérieur, selon safonction, comme un serviteur attachéau roi, dont il porte les armes.

Les Gallo-Romains ayant subit laconquête des Germains voyaient del'extérieur les vassaux du roi. N'ayantpas de tradition féodale, il ontappréhendé le personnage duchevalier à travers son activité et nonsa fonction.

 

2. Les locuteurs vont découper la réalité différemment en fonction

du bassin linguistique dans lequel ils ont été élevés.En effet, là où un locuteur français ne percevra qu'une couleur, un locuteurpolonais en percevra deux :

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Par ailleurs, les francophonones voient en une chaise et un fauteuil deux meubles

 

bien distincts, alors que pour les anglophones armchair, tout comme wheelchair(chaise roulante), est un hyponyme de chair (chaise).

Toutefois, cette idée de vision du monde construite par la langue est contestable àplusieurs niveaux :

Du point de vue diachronique, le fait que le mot boucher vient à l'origine debouc, viande qui ne se vend plus dans les boucheries n'a pas entraîné dechangement lexical, ni de vision erronnée de la profession.

 De plus, cette hypothèse est éliminée par la possibilité même de traduction

d'une langue à l'autre, malgré les difficultés.

 

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VII Lexique en contexte et lexique en discours selon les linguistiquesénonciatives.

Benveniste a été le premier à contester l'idée qu'il existe une opposition fermeentre une signification inhérente aux lexèmes et des sens obtenus en contexte.En linguistique énonciative, on pense qu'il s'agit plus d'un continuum avec unetransformation graduelle des notions.

Même s'il existe bien une certaine stabilité (ex. rouge est la même couleur pourtous les francophones), l'inhérence est beaucoup plus instable qu'il n'y parait.

Dans rouge sang la couleur semble plus altérée que dans sang rouge

De plus, les lexèmes peuvent changer de sens dans le même texte. Il y a alors unphénomène de diaphore, autrement dit, un rajustement sémantique gradueld'une unité lexicale dans un contexte défini.

Si on parle d'une rencontre qu'on a faite et qu'on en donne les détails, le termerencontre se charge petit à petit des éléments fournis et n'a plus le même sens àla fin de la conversation qu'au début.

De même, un mot comme misérables se charge de sens au fur et à mesure de lalecture du roman Les Misérables de Victor Hugo.

En fait, les lexèmes prennent une charge spécifique dans leurs définitions à causede ce qui est fourni contextuellement. S'ils renvoient souvent à des propriétésphysico-culturelles relativement stables, celles-ci sont susceptibles de

déformabilité.

VIII La notion de prototype

En sémantique cognitive, et notamment en linguistique énonciative, plutôt que defaire une analyse en sèmes discrets, on préfère dire que l'unité lexicale est repéréegraduellement par rapport à un

 

prototype.Le prototype correspond à l'élément qui représente le mieux la classe, celui quivient le plus rapidement à l'esprit à cause de ses propriétés physico-culturelles.

Par exemple, il y a de fortes chances pour qu'un citadin considère que la notionoiseau renvoie à un animal plutôt petit, qui a des plumes, qui vole, qui pond desoeufs et qui vit dans des arbres. Dans ce cas le moineau sera plus représentatif dela classe que la poule qui ne vit pas dans les arbres et qui ne vole pas. Onconstruira alors un domaine notionnel, avec une frontière et un centre type verslequel les éléments non typiques tendent ou dont ils s'éloignent. C'est ce qu'onappelle un repérage en intension ou en extension.

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En ce qui concerne l'analyse du lexique, on est donc passé d'une analyse sémiquediscrète en langue à un repérage notionnel en continu effectué par l'énonciateur.

Vous retrouverez des notions liées à la lexicologie et à la sémantique dans Le petit glossairedu sémanticien. de L'espace virtuel de l'Equipe Sémantique des Textes sous la direction de François Rastier.

 

© Henriette Gezundhajt, Département d'études françaises de l'Université de Toronto,

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