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Une tume ´faction maxillaire ante ´rieure An anterior maxillary swelling S. Dghoughi*, S. Chbicheb, W. Elwady Faculte ´ de me ´decine dentaire, Rabat instituts, BP 527, Mekne `s principal, 61112 Rabat, Maroc Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Observation Une femme de 22 ans, en bon e ´tat de sante ´ ge ´ne ´ral et sans ante ´ce ´dents particuliers, a consulte ´ pour une tume ´faction maxillaire gauche. Elle a pre ´sente ´ plusieurs e ´pisodes inflam- matoires ayant re ´gresse ´ rapidement apre `s la prise d’anti- biotiques. L’examen clinique exobuccal e ´tait sans particularite ´s. A ` l’examen endobuccal, la tume ´faction inte ´- ressait la corticale vestibulaire et s’e ´tendait de 21 a ` 24 (fig. 1). Elle e ´tait de forme ovalaire faisant corps avec l’os, de consis- tance ferme mais de ´pressible en son centre et recouverte d’une muqueuse d’aspect normal. La palpation e ´tait indolore. Les dents en rapport avec la tume ´faction (21, 23, 24) e ´taient saines et vivantes. La 62 persistait sur arcade, 22 e ´tait absente. Un bilan radiographique a e ´te ´ alors re ´alise ´. Les radiographies re ´troalve ´olaires et le panoramique dentaire montraient une image uniloculaire ovalaire a ` contour net, s’e ´tendant trans- versalement de la face me ´siale de 21 a ` celle de 23. Ces dents e ´taient verse ´es. Au centre de l’image, l’incisive late ´rale supe ´- rieure gauche incluse e ´tait visible. La radiographie occlusale, quant a ` elle, objectivait l’incisive late ´rale incluse ainsi que l’inte ´grite ´ du plancher des cavite ´s nasales (fig. 2). Au vu des renseignements cliniques et radiologiques, quel est votre diagnostic ? Figure 1. Tume ´faction vestibulaire s’e ´tendant des dents 21 a ` 24. Figure 2. Radiographie occlusale objectivant l’incisive late ´rale incluse au sein de la clarte ´ ainsi que l’inte ´grite ´ du plancher des cavite ´s nasales. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (S. Dghoughi). Rec ¸u le : 1 juin 2010 Accepte ´ le : 8 avril 2011 Disponible en ligne 26 mai 2011 Images 65 0035-1768/$ - see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. 10.1016/j.stomax.2011.04.001 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:65-67

Une tuméfaction maxillaire antérieure

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Une tumefaction maxillaire anterieure

An anterior maxillary swelling

S. Dghoughi*, S. Chbicheb, W. ElwadyDisponible en ligne sur

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Recu le :1 juin 2010Accepte le :8 avril 2011Disponible en ligne26 mai 2011

Faculte de medecine dentaire, Rabat instituts, BP 527, Meknes principal, 61112 Rabat, Marocwww.sciencedirect.com

Observation

Une femme de 22 ans, en bon etat de sante general et sansantecedents particuliers, a consulte pour une tumefactionmaxillaire gauche. Elle a presente plusieurs episodes inflam-matoires ayant regresse rapidement apres la prise d’anti-biotiques. L’examen clinique exobuccal etait sansparticularites. A l’examen endobuccal, la tumefaction inte-ressait la corticale vestibulaire et s’etendait de 21 a 24 (fig. 1).Elle etait de forme ovalaire faisant corps avec l’os, de consis-tance ferme mais depressible en son centre et recouverte

Figure 1. Tumefaction vestibulaire s’etendant des dents 21 a 24.

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (S. Dghoughi).

0035-1768/$ - see front matter � 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.10.1016/j.stomax.2011.04.001 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:65-67

d’une muqueuse d’aspect normal. La palpation etait indolore.Les dents en rapport avec la tumefaction (21, 23, 24) etaientsaines et vivantes. La 62 persistait sur arcade, 22 etait absente.Un bilan radiographique a ete alors realise. Les radiographiesretroalveolaires et le panoramique dentaire montraient uneimage uniloculaire ovalaire a contour net, s’etendant trans-versalement de la face mesiale de 21 a celle de 23. Ces dentsetaient versees. Au centre de l’image, l’incisive laterale supe-rieure gauche incluse etait visible. La radiographie occlusale,quant a elle, objectivait l’incisive laterale incluse ainsi quel’integrite du plancher des cavites nasales (fig. 2).

Figure 2. Radiographie occlusale objectivant l’incisive laterale incluse ausein de la clarte ainsi que l’integrite du plancher des cavites nasales.

Au vu des renseignements cliniques et radiologiques, quel est votre diagnostic ?

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ReponseIl s’agit d’un kyste dentigere en rapport avec une incisivelaterale maxillaire incluse. L’attitude therapeutique a consisteen l’enucleation de la lesion avec extraction de 62 et 22. Lapiece operatoire (fig. 3a) a ete analyse et a revele une cavitecentrale bordee par un epithelium hyperplasique emettant demultiples invaginations dans le chorion sous-jacent,concluant a un kyste dentigere. Une surveillance reguliereavait ete instauree. La patiente a beneficie d’une restaurationprothetique apres trois ans de suivi, sans complication(fig. 3b).Le kyste dentigere est un kyste odontogenique entourant lacouronne d’une dent incluse [1]. C’est le kyste le plus frequentapres le kyste periapical [1–3]. Il represente 24 % de tous leskystes des maxillaires et est le plus frequent des kystesodontogeniques lies au developpement.Le siege de predilection est mandibulaire posterieur etles dents les plus souvent atteintes sont les troisiemesmolaires mandibulaires et les canines maxillaires, puis lestroisiemes molaires maxillaires et plus rarement les incisivescentrales [1].Il existe une legere predominance masculine frequemmentdurant les deuxieme et troisieme decennies [1,3].Deux hypotheses sont principalement evoquees pour expli-quer la pathogenie. La premiere serait liee a une accumulationde liquide kystique entre l’epithelium adamantin interne etl’email de la couronne sous-jacente. La seconde serait due aune degenerescence du reticulum etoile au centre du bour-geon dentaire formant un fluide entre l’epithelium adamantininterne et externe [1].L’evolution est lente et plusieurs annees peuvent s’ecouleravant la detection. Sa decouverte peut se faire fortuitement a

Figure 3. a : piece operatoire apres enucleation ; b : radiographie retroalveola

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la suite d’un examen radiologique de routine ou de l’appari-tion d’une tumefaction [1].Le retard d’eruption est un signe d’appel frequent et la dentimpliquee est cliniquement absente [1,3].En dehors des cas d’infections ou de fractures pathologiquesdues a une croissance importante, ces kystes sont habituel-lement indolores et ne causent pas de paresthesie [1,2]. Dansle cas d’invasion sinusale maxillaire, les symptomes sonttardifs et identiques a ceux d’une pathologie sinusienne :tumefaction, cephalees et obstruction du canal nasolacrymal.De larges kystes peuvent envahir le sinus maxillaire et exercerune pression sur ses parois comme le plancher de l’orbite etentraıner une diplopie, voire une cecite.Les kystes dentigeres sont generalement steriles, cependant,plusieurs cas d’infections recurrentes ont ete publies [3].Si les kystes dentigeres sont habituellement solitaires, desformes multiples ont ete rapportees en association avec dessyndromes (mucopolysaccharidose de type VI [Maroteaux-Lamy], nævomatose basocellulaire, syndrome de Gardner etdysostose cleidocranienne ou des troubles systemiques [vari-celle]). L’administration prolongee de cyclosporine A etd’amlodipine (antagoniste du calcium) induirait le develop-pement de kystes dentigeres bilateraux chez le transplanterenal [2]. Les formes multiples survenant chez des patientsnon syndromiques sont limitees [2]. Les kystes dentigerespeuvent aussi survenir en association avec d’autres lesionsodontogeniques telles qu’un ameloblastome, un carcinomeepidermoıde, un kyste anevrismal ou un hemangiome [2].Radiologiquement, ce type de kyste est radioclair, uniloculaire,bien circonscrit et s’insere sur le collet d’une dent incluse [1–3].Les limites de la lesion sont radio-opaques [3]. Souvent, le kystedentigere deplace la dent associee ou le canal mandibulaire endirection apicale vers le bord inferieur de la mandibule [1]. Mais

ire trois ans apres intervention chirurgicale.

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Une tumefaction maxillaire anterieure

il n’est pas rare de voir des dents refoulees vers le col du condyle,le plancher des cavites nasales, le sinus maxillaire ou le plancherde l’orbite. Les racines des dents adjacentes sont deplacees etlegerement resorbees dans 50 % des cas [1].La radiographie conventionnelle est suffisante pour la detec-tion de ce genre de lesions. Le scanner ou les cliches en cone-beam sont utiles en cas d’envahissement osseux important,donnant des informations sur la taille exacte, le contenu et lesrapports avec les structures environnantes [2,3].Le diagnostic differentiel inclut la tumeur keratokystiqueodontogenique, l’ameloblastome in situ ou micro-invasif(developpe a partir du kyste dentigere), l’ameloblastomeinvasif ou le fibrome ameloblastique lorsque le patient estjeune. Lorsque la localisation est maxillaire anterieure, latumeur odontogene adenomatoıde doit etre evoque particu-lierement chez une personne jeune [1].L’aspiration peut orienter le diagnostic lorsque celle-ci rameneun liquide jaunatre. En absence de fluide, une lesion solide estsuspectee et une biopsie permettrait d’ecarter des lesions plusagressives pour lesquelles l’attitude therapeutique sera tota-lement differente [1,2].Histologiquement, la lumiere kystique est tapissee d’un epi-thelium pavimenteux stratifie non keratinise a deux ou troiscouches cellulaires, semblable a l’epithelium de l’email reduita partir duquel il est derive. Des cellules caliciformes sontparfois presentes en nombre variable. Le conjonctif mince estriche en mucopolysaccharides et contient souvent des restesde l’epithelium odontogenique. Des corps de Rushton peuventetre retrouves au sein de l’epihtelium. En phase inflamma-toire, l’aspect histologique est quasi-identique a celui du kysteradiculaire [1,2].En l’absence de traitement, le kyste dentigere empeche ledeveloppement normal de la dent retenue et peut la refouler

vers d’autres regions des maxillaires [1]. Les dents adjacentesne sont pas non plus epargnees. Des fractures pathologi-ques, des surinfections et, par consequent, des paresthesiesrestent possibles [2]. De ce fait, le traitement de choix restel’enucleation suivie de l’extraction de la dent retenue [1–3].D’autres alternatives consistent en la decompression ou lamarsupialisation permettant, dans le cas de lesions larges dereduire la pression intrakystique et de ce fait la taille dukyste avant enucleation [2,3]. Lorsqu’une infection est sus-pectee, une antibiotherapie devra etre instauree avant legeste chirurgical [3]. Apres elimination complete, les recidi-ves sont rares [1,2]. Cela est du a la nature alteree del’epithelium reduit de l’email qui s’est differencie pourformer l’email de la couronne dentaire avant de se trans-former en kyste [1].

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

References[1] Marx RE, Stern D. 1st ed., Oral and maxillofacial pathology a

rationale for diagnosis and treatment, Illinois: QuintessencePublishing; 2003.

[2] Tournas AS, Tewfik MA, Chauvin PJ, Manoukian JJ. Multipleunilateral maxillary dentigerous cysts in a non-syndromicpatient: a case report and review of the literature. Int J PediatrOtorhinolaryngol Extra 2006;1:100–6.

[3] Smith 2nd JL, Kellman RM. Dentigerous cysts presenting ashead and neck infections. Otolaryngol Head Neck Surg 2005;133:715–7.

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