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Urgences 1996;XV: 179-l 86 0 Elsevier, Paris T616vision (( Urgence )). Shrie amhricaine de France 2 P Huguenard Cr&ei/, France PREMIiiRE PARTIE JEUDI 27 JUIN, 20 h 50 L’auteur est Michael Crichton, medecin, ecrivain et scenariste (cc Jurassic Park )‘, <( Harcele- ment )a). Lorsqu’il etait etudiant en medecine, en 1970, il avait forme le projet d’un film sur les urgences. II I’a concretise en 1989 avec Stephen Spielberg et un troisieme producteur : John Wells. Leur film en 1995 a recu plusieurs Oscars. II a aussi recueilli un maximum d’audience aux Etats- Unis et dans de nombreux pays. Ce succes est plus ou moins merite, qu’on en juge. Le decor est convaincant (un grand hdpital de Chicago ; unite de lieu : le service des urgences). Les images sont pourtant aussi nettes qu’en stu- dio. La musique, saccadee, est bien adaptee, jamais genante. Les dialogues sont d’une parfaite authenticite, (c’est le caractere dominant du film) : tous les termes employ& sont medicalement exacts et <c francises >> si necessaire, comme les noms de medicaments ou des expressions cou- rantes en langage hospitalier (c<serum phy )), << perf >),<< culot >),c( ion0 ,,...). Le montage (( cut ‘> est extraordinairement rapide : les sequences sont breves, sans fondu-enchaine ; les plans se succedent a toute vitesse, mais sans trop de confusion ; le spectateur attentif comprend pres- que tout, rien ne Iui echappe ; le rythme ne se ralentit, a peine, que lors des rares periodes de calme, marquees par des plans fixes, plus larges. Enfin les acteurs sont tous parfaitement credibles. II parait que de vrais praticiens des urgences sont m&Yes aux acteurs professionnels, mais on ne les distingue pas. C’est I’American College of Emergency Physi- cians (plus de 15 000 membres) qui a fourni des conseillers et des participants. Le ton general est d’un documentaire directlive sans commentaire offqui ralentirait le rythme et sans volonte didactique alors qu’il y a beaucoup d’enseignement a tirer de ce film. Des moments de detente sont d’ailleurs assures par des sketchs tres courts teintes d’un humour qui rappelle celui de MASH, en plus subtil ; telle cette scene d’un comique discret (< jouee )) par un frele <q externe >> (Carter) dont c’est le premier stage aux urgences et qui pratique sa premiere ponction veineuse sur un enorme policier apparemment calme mais reel- lement t&s inquiet. Voici quelques extraits du story board tel qu’il a pu etre retabli approximativement a partir de notes prises au vol. Premiere image : la chambre de garde dans la penombre. Sur le lit ronfle le docteur Green, re- sponsable du service d’urgence, que le docteur Ross (pediatre) vient chercher (il est 5 h) pour un traumatis~ en f4tat d’&ri&. II a recu une per-fu- sion et 500 mg d’aspirine. Green prescrit une deuxieme perfusion, 50 mg de Demerol@ intra- musculaire puis retourne se coucher. On le retrou- vera toujours calme et efficace jusqu’a la derniere image : Green regagnera alors la chambre 24 heures plus tard en demandant qu’on le re- veille a 6 h 30. Ainsi, il y a unite de temps. Chaque partie du reportage se deroule en une journee. 6 h 30. Entre dans le champ Susan Lewis, me- decin generaliste, une deuce jeune femme qui maitrise mal ses emotions. La television annonce I’effondrement d’un im- meuble. Le docteur Peter Benton precise 72 bles- s& dont septgraves. Benton, futur chirurgien, est un grand c< black a> costaud, sympathique, stir de Iui et competent. C’est Iui qui prend en charge

≪Urgence≫. Série américaine de France 2

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Urgences 1996;XV: 179-l 86 0 Elsevier, Paris

T616vision

(( Urgence )). Shrie amhricaine de France 2

P Huguenard

Cr&ei/, France

PREMIiiRE PARTIE JEUDI 27 JUIN, 20 h 50

L’auteur est Michael Crichton, medecin, ecrivain et scenariste (cc Jurassic Park )‘, <( Harcele- ment )a). Lorsqu’il etait etudiant en medecine, en 1970, il avait forme le projet d’un film sur les urgences. II I’a concretise en 1989 avec Stephen Spielberg et un troisieme producteur : John Wells.

Leur film en 1995 a recu plusieurs Oscars. II a aussi recueilli un maximum d’audience aux Etats- Unis et dans de nombreux pays.

Ce succes est plus ou moins merite, qu’on en juge.

Le decor est convaincant (un grand hdpital de Chicago ; unite de lieu : le service des urgences). Les images sont pourtant aussi nettes qu’en stu- dio. La musique, saccadee, est bien adaptee, jamais genante. Les dialogues sont d’une parfaite authenticite, (c’est le caractere dominant du film) : tous les termes employ& sont medicalement exacts et <c francises >> si necessaire, comme les noms de medicaments ou des expressions cou- rantes en langage hospitalier (c< serum phy )), << perf >), << culot >), c( ion0 ,,...). Le montage (( cut ‘> est extraordinairement rapide : les sequences sont breves, sans fondu-enchaine ; les plans se succedent a toute vitesse, mais sans trop de confusion ; le spectateur attentif comprend pres- que tout, rien ne Iui echappe ; le rythme ne se ralentit, a peine, que lors des rares periodes de calme, marquees par des plans fixes, plus larges. Enfin les acteurs sont tous parfaitement credibles. II parait que de vrais praticiens des urgences sont m&Yes aux acteurs professionnels, mais on ne les distingue pas.

C’est I’American College of Emergency Physi-

cians (plus de 15 000 membres) qui a fourni des conseillers et des participants.

Le ton general est d’un documentaire directlive sans commentaire offqui ralentirait le rythme et sans volonte didactique alors qu’il y a beaucoup d’enseignement a tirer de ce film. Des moments de detente sont d’ailleurs assures par des sketchs tres courts teintes d’un humour qui rappelle celui de MASH, en plus subtil ; telle cette scene d’un comique discret (< jouee )) par un frele <q externe >> (Carter) dont c’est le premier stage aux urgences et qui pratique sa premiere ponction veineuse sur un enorme policier apparemment calme mais reel- lement t&s inquiet.

Voici quelques extraits du story board tel qu’il a pu etre retabli approximativement a partir de notes prises au vol.

Premiere image : la chambre de garde dans la penombre. Sur le lit ronfle le docteur Green, re- sponsable du service d’urgence, que le docteur Ross (pediatre) vient chercher (il est 5 h) pour un traumatis~ en f4tat d’&ri&. II a recu une per-fu- sion et 500 mg d’aspirine. Green prescrit une deuxieme perfusion, 50 mg de Demerol@ intra- musculaire puis retourne se coucher. On le retrou- vera toujours calme et efficace jusqu’a la derniere image : Green regagnera alors la chambre 24 heures plus tard en demandant qu’on le re- veille a 6 h 30. Ainsi, il y a unite de temps. Chaque partie du reportage se deroule en une journee.

6 h 30. Entre dans le champ Susan Lewis, me- decin generaliste, une deuce jeune femme qui maitrise mal ses emotions.

La television annonce I’effondrement d’un im- meuble. Le docteur Peter Benton precise 72 bles- s& dont septgraves. Benton, futur chirurgien, est un grand c< black a> costaud, sympathique, stir de Iui et competent. C’est Iui qui prend en charge

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<< son )> etudiant avec gentille brusquerie. II y a, en effet, aux urgences des etudiants en tandem avec des anciens. Le << tutorat >> semble etre devenu normal dans les hbpitaux americains.

Les blesses graves sont repartis dans les boxes par les infirm&es (sous le controle de la belle Carole, infirmiere-chef) apres la sempiternelle question << avez-vous des allergies ? >).

Les brancards-roulants slaloment dans le cou- loir encombre ; la foule est dense, bigarree, mais on finit par y reconnaitre une certaine organisa- tion : les verts sont medecins ; les blancs infir- miers ; les civiles, femmes de menage, tous meles mais chacun, semble-t-il avec une mission pre- cise.

On saisit dans le brouhaha quelques prescrip- tions impressionnantes : (( serum phy a fond, qua- tre culots 0 negatif... )). On remarque au passage un arr& cardiaque (hematocrite a 23 : les resultats des examens sont transmis rapidement par tele- phone) fibrillation ventriculaire a I’ecran d’un car- dioscope, (< adrenaline-xyloca’ine j).

Gag : un externe pose les electrodes du defibril- lateur sur un patient en attente... qui n’est pas le bon et qui s’insurge <c espece de salaud ! >). (( Suis d&sole a> dit I’externe.

Dans la minute suivante le vrai arret cardiaque est defibrille sans probleme (?).

Green est appele a la cafeteria ou I’attendent sa femme et sa fille : quand ira-t-il voir le Dr Harris qui Iui offre un poste dans sa clinique privee ?

Pendant ce temps Benton, le << bon black >), avec autorite et gentillesse indique clairement a cc son etudiant )’ comment poser une perfusion.

Le grand patron Stern, cordial et pontifiant, fait un tour aux urgences. Tout va bien !

Arrive un policier bless6 B la jambe par balle, oriente vers la radio.

Puis un gamin de 8 ans, ulc&eux (?). Un anesthesiste est demande en rea, annonce

Carole, I’infirmiere-chef. Ici se place le sketch de I’externe et de ses

tentatives de ponction veineuse sur le gros poli- tier.

Un consultant se presente avec un glaucome. Le medecin lui explique qu’on peut Iui eviter I’hos- pitalisation et lui faire economiser 200 dollars (contraste avec la sequence a venir dans la clini- que privee du Dr Harris).

Mais voila que fait irruption un chauffeur de taxi affole : une femme accouche dans sa voiture. On se precipite. Quelqu’un penetre dans la voiture pour << retenir la tete ‘). La patiente est placee sur un chariot. La camera est a sat&e et filme, entre ses jambes ecartees, la figure crispee du medecin qui << retient la tete ‘>. Un plan bref mais etonnant.

Sans transition, passage a la radio pour exami- ner le cliche de la balle dans la jambe. << Belle jambe ! )a dit quelqu’un.

Coup de telephone au laboratoire.

Puis nous faisons un saut a la cafeteria (ou consomme beaucoup de cafe aux urgences).

Un garcon de 13 ans agite, hurlant, est amene avec cinq bales dans le corps, suivi d’un motard accident@, saris casque.

Changement de decor. Green vient voir le doc- teur Harris dans sa luxueuse clinique privee.

Docteur Harris : <c I’urgence est un metier de jeune homme. II est temps que vous veniez tra- vailler dans notre clinique... Nous y pratiquons la meilleure medecine possible... et nous refaisons la clinique tous les 2 ans >). Elle est effectivement luxueuse. Green dira plus tard qu’elle ressemble a une <( boite de nuit )>. II prefere manifestement I’ambiance des urgences hospital&es. L’antago- nisme Public-Prive n’est pas une specialite fran- caise : a propos des urgences a Chicago on re- trouve la plupar-t des grands problemes qui agitent notre medecine.

Autre exemple. Suzan Lewis, compatissante, tente de faire comprendre a un gros fumeur qu’il est porteur d’un cancer pulrnonaire et, sur son insistance, lui avoue que sa survie peut n’etre que de 6 mois. II s’effondre en larmes dans les bras de la jeune femme, qui essaie de le rassurer << en medecine, rien nest certain )‘.

Probleme : faut-il dire toujours la verite aux malades ?

Contraste : une dame mure elegante (Mme Ra- skin connue du service) consulte pour c< un d&but de panaris )). Green la dissuade difficilement de se faire operer et Iui annonce le prix de sa consult- ation 280 dollars !

Discussion entre medecins sur I’etiologie d’un osdeme aigu pulmonaire.

lntermede comique : une toute jeune fille se presente a un interne avec une petite entaille au pied. Elle a cc emprunte >) la Cadillac neuve de son p&e et I’a detruite.

L’arrivee du pere furieux est drole puis atten- drissante (il pardonne devant la << blessure )a de sa fille).

C’est I’heure ou se presentent les blesses de la Saint-Patrick (six d’un coup) que le service d’ur- gence attendait, comme d’habitude.

Green examine devant une mere la radio gas- trique de son fils qui vient d’avaler une cle bien visible. La mere : <( quand allez-vous I’operer ? ‘a. Green : c< nous esperons que ce sera inutile, avec quelques soins elle va progresser et s’evacuer par les voies naturelles >a. La mere : <( mais il est ur- gent de la recuperer, je ne peux pas rentrer chez moi ! a>. (( Vous n’avez pas d’autre cle ? )> s’e- tonne Green.

Plus triste : une gamine de 13 ans se presente. Un interne soupconne une grossesse extra-utk- rine ! Un senior interroge : dernieres regles ? Rap- ports sexuels ? On ne connaitra pas la reponse.

Flash back : Green revoit la clinique (< boite de nuit b>. Ou est la <c vraie medecine ? )>.

La serie americahe cc Urgence >’ 181

Et voici, pour corser le script, le drame de Carole la belle infirmiere-chef : elle est amenee coma- teuse de son domicile ; on decouvre qu’elle avait pris dans I’armoire a toxiques, dont elle a la cle, une grosse quantite de barbituriques. Consterna- tion de toute I’equipe. Ross le beau pediatre (a- moureux de Carole) est effondre. Bonne se- quence therapeutique : Narcane, intubation, ponction arterielle pour gaz du sang, iono, dosage de toxiques : il s’agit de scotch et effectivement de barbituriques (45 mg/mL).

Carole semble decerebree. Question : << est-il necessaire de tout tenter ? >> - cc Oui >> - declare Benton le sage <t pour le moral du service. Elle est tres populaire s). Le patron alerte fait une nouvelle apparition et prononce un speech grandiloquent.

Ici s’intercale, pour dedramatiser, une se- quence moins triste : celle de I’etudiant de Benton pris de malaise devant un b/es& par arme b/an&e couvert de sang. II va se prostrer a I’ex- terieur sur un bane. Un senior prend de ses nou- velles. (c Je suis d&ok b> dit-il en retrouvant ses esprits. <( Ne dis jamais que tu es desole. Tu dois seulement rester capable d’aider. D’ailleurs j’ai fait ma medecine avec Benton. Iui aussi tournait de I’ceil assez souvent >>. Le jeune regagne la Salle d’urgence << regonfle a>.

On apprend alors que Carole est en dialyse, car elle avait choisi d’absorber des barbituriques d’ac- tion longue. Quelqu’un souligne la necessite de tenir la presse a I’ecart de cette affaire.

La charmante generaliste Suzan Lewis est en presence d’un obese anxieux a qui elle explique qu’il a un u/c&e duodhnal et une pancrkatite alors qu’il se croit cancereux et ne veut pas en demor- dre malgre les explications intelligentes de Suzan. Probleme recurrent : comment dire la verite aux malades ?

Autre drame : a I’examen d’un nourrisson ame- ne aux urgences par sa baby-sitter, on decouvre des contusions multiples et memes des traces de brirlures. La baby-sitter explique qu’il est tombe de son berceau. Ross a des doutes. II en fait part a la mere ; elle vient d’arriver accompagnee d’un homme silencieux et gene qui nest pas son mari.

On sent Ross tres irrite quand il declare bruta- lement qu’il s’agit d’un enfant battu.

L’avant-derniere sequence, habilement menee, est la plus tekgenique et la plus longue.

Benton, le savant clinicien, pose le diagnostic d’hbmorragie abdominale chez un patient connu comme porteur d’un anevtysme de I’aotte. Aucun chirurgien nest disponible. L’homme va mourir.

Le suspense est menage par quelques plans sur I’arrivee d’un infarctus du myocarde. Prescrip- tions excellentes de Green, toujours lui : c( Trini- trine@, morphine a la seringue electrique, Lasi- lb&.

Retour a Benton et a son cas de conscience. A la surprise, et a la reprobation g&&ale, il decide

de commencer I’intervention en attendant qu’un chirurgien confirme se lib&e.

Plans classiques sur la Salle d’operation, l’injec- tion anesthesique, l’intubation tracheale, I’ecran du cardioscope, I’annonce reguliere des chiffres tensionnels. Laparotomie. Benton, avec quelques difficult&, met le doigt sur la source de I’hemorra- gie. Le cc vrai b> chirurgien arrive (Benton n’est qu’en formation) et critique d’abord brusquement I’incision, (c de veterinaire >>, puis se reprend et felicite Benton le modeste pour son initiative. L’o- p&e est sauve !

Pour terminer sur un fait plus drole et qui illustre bien la diversite des urgences, se presente au bout du couloir un policier pottant sur son epaule un homme inanime ramasse dans la rue avec <c une drble d’haleine )). Green se penche sur son visage et pose immediatement le diagnostic : coma acidoc&osique, suivi d’une prescription ra- pide Claire (et juste) : perfusion de serum phy, insuline a la seringue electrique.

Ce pourrait etre la fin de la premiere partie de cette etonnante serie.

Mais nous voyons encore Suzan endormie la t&e sur le bureau oti elle redigeait son rapport. Quant a Green, il penetre dans la chambre de garde et referme la Porte sur laquelle il accroche un ecriteau : cq reveil a 6 h 30 >‘.

Bilan des 24 heures : 49 urgences. Le jeudi suivant sont presentees les 2e et 3e

parties, moins reussies, comme il fallait s’y atten- dre. La deuxieme, notamment, pourtant dans le meme style, mais avec en plus du melodrame et du sexe -concession inutile ace que I’on croit etre le gout du public.

TfkL~VISION (SUITE)

Les deuxieme et troisieme parties de la serie << Urgences )) ont ete diffusees par France 2 le jeudi 11 juillet.

Tres semblables evidemment a la premiere par- tie, c’est-a-dire bien documentees, authentiques, alertes et memes percutantes, elles ont presente un tableau tres vivant du charivari dans le service d’urgence d’un grand hdpital de Chicago.

Le telespectateur aura note, rapidement, au passage quelques sequences spectaculaires (un peu plus que dans la premiere pat-tie, comme si les auteurs craignaient de laisser tomber I’interet de la serie).

Celle-ci s’ouvre en effet sur le cas dramatique d’une femme enceinte de 7 mois seulement et victime d’un accident de la voie publique qui de- clenchera un accouchement pr6matur6. cq La dila- tation est a 2 cm, le col efface ‘), annonce la jeune femme qui I’a examinee et qui prescrit tres juste- ment un bolus de sulfate de magnesium par voie intraveineuse. Mais on decele un &at de detresse fcetale. Le chef de clinique evoque c( un gros

182 P Huguenard

risque pulmonaire >B et demande un test de matu- ration des poumons, demontrant ainsi que le de- gre de culture des medecins de I’urgence aux Etats-Unis est avance.

On annonce brievement que c< la poche est rompue >> et I’on assiste, filmee (comme dans la premiere pat-tie) habilement depuis la t&e de la mere, a I’extraction d’un nouveau-& tres vraisem- blable. S’il y a un truquage, il est strictement invisible.

Sequence << sociale >> : asthme grave chez une fillette. Ross le pediatre prescrit (c Salbutamole et Solumedrol@~~ et insiste pour que le traitement soit suivi a domicile. La mere est reticente ; elle avoue n’avoir pas les moyens. (Le telespectateur doit penser aux avantages de notre securite sociale et oublier son cotit).

On verra un peu plus tard Ross acheter Iui- meme dans une pharmacie de ville les medica- merits qu’il a prescrits.

A 2 h du matin, voici la sequence la plus emou- vante : un homme d’age moyen est admis pour perte de connaissance avec arret cardiaque. Le cceur repart spontanement et le patient retrouve une conscience, tres Claire (?). Quelques minutes plus tard, nouvelle syncope. Green a deja fait le diagnostic mais le garde pour Iui. Nous pensons qu’il s’agit d’une cardiomyopathie a un stade ul- time, car Green declare : << il va mourir si on ne trouve pas de cosur a>. La femme et la fille de cet homme a I’agonie sont presentes dans la Salle d’urgence. Elles entendent, comme nous, les ap- pels telephoniques pressants a la recherche d’un cceur de groupe A. Les syncopes se succedent suivies de retour a la conscience.

On entend dire ofi, q( la SaO2 est a 80 )a et annoncer << le respirateur va arriver )> (tient ? II n’y a pas de respirateur sur place ?). Mais c’est pour un autre malade que I’assistante intube, entouree d’etudiants et en faisant des commentaires inge- nus cc...il ne faut pas louper la trachee (sic)... et &outer les poumons pour savoir si le tube est en place a’.

Le discours est bizarre mais les gestes sont justes (sauf la fixation de la sonde par des adhe- sifs mal colles).

Quatre heures du matin : enfin une jeune femme traumatise cette nuit meme, en coma d& passe, va pouvoir fournir un cceur. On respire. Le cardiaque aussi, entre deux syncopes, toujours non intube ce qui Iui permet de parler en designant sa femme et sa fille : cc je ne peux pas mourir ; je ne suis pas pret. Je ne veux pas les laisser... a>. Les auteurs sont moins a I’aise (et moins credi- bles) dans le melodrame.

Heureusement la derniere sequence est comi- que voire grotesque, mais difficile a decrire. Des policiers amenent un couple menotte. S’agit-il de delinquants, mais pourquoi les avoir attache en- semble ? La vraie reponse est vite visualisee :

I’homme est inconscient, a demi-nu, portant en- core un pantalon de cuir noir. La fille blonde, elle, est completement nue. Elle suit difficilement le corps pot-te par les policiers parce que son poignet est attache a celui de I’homme. Le telespectateur averti commence a comprendre et a ricaner, sur- tout lorsqu’arrive la femme manifestement legi- time qui, mecontente mais pas affolee, identifie la secretaire de son epoux qu’un infirmier lib&e avec une enorme cisaille (le service est bien equipe) tandis que I’on retire au mari son pantalon de cuir (ou skai’ ?) noir.

Fin de la troisieme partie. Conquis par le style de ce << documentaire ‘p plus bondissant et plus vrai que la realite et par le crescendo adroitement menage, le spectateur ne manquera pas les sui- vantes.

TliLliVISION (SUITE). << URGENCES )B. SOIRliE DU 18 JUILLET,

4e ET 5e PARTIES

C’est l’ete indien (35 “C) et la journee sera chaude.

Elle commence par le reveil de Green pour que I’on se souvienne bien qu’il soit le chef de clinique responsable des urgences au CHU de Chicago.

II arrive accompagne de sa fille Rachel : le team des urgences est une grande famille, moitie Atrides, moitie equipe fraternelle, ou les aines s’occupent des plus jeunes (systeme de tutorat).

Une fillette de 5 ans est admise pour la rea, Rachel (7-8 ans), qui assiste a tout, demande << pourquoi tous ces tubes qui Iui sortent du nez ? a>. Elle est suivie d’une Noire, hypertendue et insuffisante cardiaque connue (tension a 18/l 0, pouls a 180). Prescription : 20 mg de Lasilix@. Puis d’un homme porteur d’un collier cervical qui crie tres fort << ils m’ont poignarde ! j>. II doit s’agir dune ponction peritoneale pour un polytrauma- tisme ?

Ici se place I’un des gags qui font pat-tie des regles que se sont fixees les scenaristes. Un jeune homme en tenue de livreur surgit au milieu de la foule des soignants en pleine action et crie tres fort en restant tout a fait digne : << quelqu’un a commande une pizza ? >>.

Pour compenser, le gag suivant est au contraire plutot triste. Le corps d’un de&de est oublie sur un chariot dans le couloir et I’aide-soignant surme- ne, malgre les objurgations de Green, ne trouve pas le temps de I’evacuer.

Les sketchs comiques alternent avec les anec- dotes tragiques : Ross, pediatre fin clinicien, de- couvre qu’une petite fille noire, semi-comateuse, amenee par son pet-e, avec un diagnostic d’insuf- fisance cardiaque congestive est en realite victime dune overdose de cocaine. Difficile conversation (demande d’eclaircissement et lecon de morale) entre le p&e et le docteur Ross.

La sbrie ambricaine cc Urgence D) 183

Sequence detente : les medecins jouent de I’ar- gent (5 dollars) sur le taux d’alcoolemie des en- trants em&h&.

Sequence drame familial. Nous retrouvons Ma- dame le docteur Lewis et les ennuis que lui pro- cure sa jeune sceur Chloe avec ses besoins d’ar- gent, sa vie dissolue, ses mauvaises frequentations... et la drogue.

Revenons tout de meme aux urgences, avec un blesshparballe dans le dos. Le projectile est dans le ventricule droit.

Cela ne semble pas interesser Green qui pro- mene sa fille Rachel dans ses bras et lui menage des conversations betifiantes avec des petites malades de son gge.

lntermede avec un Slave (Igor ?) agite et voci- f&ant, qui vient s’accuser d’etre I’auteur du coup de feu dans le dos.

Pendant ce temps Benton s’occupe de la plaie du cceur et fait preparer une CEC, tandis que Linda, la representante d’un laboratoire, top mo- del, qu’apprecie beaucoup le docteur Ross, fait un passage silencieux mais remarque.

II y a cependant aussi des urgences dans ce service, meme des cas de moindre gravite : une luxation de /‘@au/e est reduite dans une chambre a deux lits. Le lit voisin est occupe par un malade tres interesse par ce traitement.

Mais les anecdotes paralleles se poursuivent : une infirmiere lit un conte a Rachel... celle ci bavarde serieusement avec Benton : << je pleure dans mon cceur >> dit-elle (ou lui fait-on dire).

Reception d’un accidente : <( pas de dos de fourchette )> (les medecins americains utilisent une expression francaise pour la fracture de Pou- teau-Cole 7).

Gag : un policier montre aux personnels une photo avec des commentaires enthousiastes : << elle est fine, jolie, gentille... )). II ne s’agit pas de sa fille, mais d’un <c Schnauzer nain )B.

Changement de decor : sur le toit en terrasse, Carole I’infirmiere-chef et son amant le psychiatre s’expliquent.

On revient aux urgences : collision de bateaux ; un enfant ejecte admis avec une tension a 7 et un pouls a 140.

C’est encore Ross qui I’intube, en declenchant une fibrillation ventriculaire. Defibrillation electri- que immediate. Satisfaction g&-r&ale. Ross et Carole (descendue du toit) se felicitent de ce sauvetage.

Citons encore en vrac, comme elles se presen- tent, les images d’un imbecile heureux en fauteuil roulant, d’un comateux qui n’a pas reagi au traite- ment systematique << glucose-Narcan ‘>, d’un c< zonard black B> qui sera transfer& d’une acidose mhtabolique traitee par c( 300 mL flash de physio (?) )a, de sa premiere ponction lombaire par Carter I’etudiant... et aussi de Green au (< Mac Do >>... en pyjama vet-t !

On aura encore eu droit a une scene c< tou- chante ‘> et ridicule entre Green et sa fillette, aux problemes de Madame Lewis avec Chloe qui a disparu et a ceux de Green avec son epouse, Jennifer, qui n’arrivent pas a faire coi’ncider leurs horaires. L’episode suivant montrera des les pre- miers plans qu’ils y sont parvenus.

Green s’est fait cc porter malade >>. Ross, qui le remplace, decouvre le dur apprentissage des re- sponsabilites d’un chef d’unite et souhaite le re- tour rapide de Green.

En pregenerique on decouvre la <c maladie j’ de Green : il a trouve le moyen de rencontrer sa femme Jennifer et il lui fait I’amour avec fougue, mais dans la mousse, a I’americaine, pour la decence. Aux urgences on s’occupe d’un coma- teux de 17 ans : tension a 6, avec extrasystoles, glycemie normale, hypokalihie a 2 mEq. Tandis que Ross pose une voie centrale, Carter le sta- giaire, livre en main, oti il puise sa science, emet une hypothese : c( hyperaldosteronisme >>. Ross prescrit 6 mg d’ATP. ArrQt cardiaque. Stimulation electrique externe sans resultat. Benton le faiseur de miracles pose a I’aveugle (sous seul controle electrocardioscopique) une sonde de stimulation interne et fait delivrer 300 joules, ce qui provoque immediatement la reapparition d’un rythme sinu- sal normal. Applaudissements.

On retrouve le jeune garcon quelques plans plus tard et I’on decouvre I’origine de son hypoka- liemie : une sous-alimentation en vue d’un match.

Voici maintenant Ross aux prises avec un en- fant noir admis pour une angine, en realite kpiglot- tite. Ross s’acharne pour I’intuber, en vain. L’en- fant va mourir. Suspense. Et deux sequences plus loin Benton I’universel, malgre les protestations de Ross, pratique au trocart (Cathlon de 14) une intercricothyroi’dotomie, evidemment salvatrice (Hourra !).

Cependant nous avions eu droit a quelques plans de coupe desordonnes : entre autres Green et Jennifer toujours dans leur bain de mousse. Aux urgences : confrontation amicale entre Carter descendant d’une riche famille du Tennessee et Benton dont les ancetres ont pu etre les esclaves de Carter !

Passage du psychiatre deplaisant, qui veut hos- pitaliser un homme deprime et recalcitrant.

Madame le docteur Lewis aide cet homme a s’enfuir.

Les medecins prennent connaissance avec in- ter& des examens pratiques sur unejeune femme viol&e : ils ont fait decouvrir quatre types de poils pubiens ! Le viol a done ete collectif, ce dont la victime n’avait pas fait &at.

184 P Huguenard

Delicate conversation consolatrice entre Ca- role, I’infirmiere-chef et la violee.

Nous apprenons que ce jour est le Thanksgiving day.

Cela ne ralentit pas (au contraire) le defile des urgences : une dramatique, une instructive et deux drbles : - la dramatique : admission de deux adolescents extraits dune voiture accidentee ayant c< brQle >) un feu rouge. Une jeune fille de 22 ans a ete decapitee (?) dans cet accident. L’un des adoles- cents (Larry), proprietaire du vehicule atteint d’un traumatime crhien, meurt assez rapidement. L’autre Andy, apres ponction du peritoine positive, est dans I’attente anxieuse d’une spknectomie. II avoue a Carole que c’est Iui qui conduisait la voiture et s’accuse d’avoir tue la jeune fille. Sur- vient la mere de Larry persuadee que son fils est responsable puisqu’il possedait la voiture. Carole Iui annonce avec precautions la mot? de son fils et hesite a Iui dire que le conducteur etait Andy, car ainsi elle accuse Andy vivant alors qu’il etait si facile de laisser accuser le mart Larry. Au tele- spectateur de resoudre ce cas de conscience, s’il a bien compris I’enonce du probleme un peu confus car expose seulement en deux ou trois plans. Mais nous passerons a I’urgence instruc- tive sans connaitre la fin de I’histoire ; - I’instructive, c’est I’admission pour douleur tho- racique d’une femme noire porteuse d’un lupus sous cortisone ; elle a fait un collapsus en Salle d’attente. On pose semble-t-il le diagnostic de tamponnade qui entraine une tentative (mal- adroite) de ponction pericardique, ratee. C’est encore Benton (le futur chirurgien) qui execute un drainage du pericarde (sous le controle de la cardiologue) avec une asepsie toute relative, voire nulle ; - I’urgence comique est lice au fait que c’est le thanksgiving day, jour ou I’on mange la dinde. Un vieil homme, ami des animaux a voulu sauver une dinde enfermee dans une cage. L’animal, vindica- tif et non reconnaissant, Iui a laboure le visage, tandis que I’on panse sa face ensanglantke dans une piece attenante a la Salle de pansement le petit ami de Carole plume une enorme dinde blanche. Elle sera cuite et decoupee dans le ser- vice (?) puis partagee entre tous les assistants. Le vieil (c ami des animaux )) victime dune dinde (la meme) en prendra sa part ;

Une autre urgence comique se terminera tragi- quement. Une vilaine femme noire a perruque rousse et robe a fleurs vient se faire soigner pour des plaies (suite de coups ?) que suture Carter (il a fait des progres). Ross en la deshabillant constate qu’il s’agit... d’un homme (repondant au doux p&nom de Sarah). c< Elle p’ raconte ses pro- blemes, lies ZI sa fransexualitk avec sa mere et son p&e, au jeune Carter qui ne I’ecoute pas. Plus tard il apprend qu’une femme sur le toit menace

de se suicider. II y court mais arrive pour voir le corps de Sarah ecrase sur le trottoir cinq &ages plus bas. II y a aura encore une allusion aux problemes personnels psychiatriques du psychia- tre des urgences, et c’est la fin de ce chapitre.

TliLfiVISION (SUITE). << URGENCES B). SOIREE DU ler AOUT,

8e ET ge PARTIES

En pregenerique : blizzard sur Chicago. Deja 23 cm de neige. Sans rapport avec ce plan : Green et une complice, le Dr Lewis, avec des lampes frontales dans la chambre de garde obs- cure ou dot-t Carter et Iui posent un platre de jambe (sans le reveiller)... Apres le generique, nous sommes aux urgences. Ross rentre de conge, avec sa representante de laboratoire top model, pour entendre Carole annoncer son mariage.

Appel telephonique pour accouchement & do- micile. Reponse (< appelez le 15 ‘>.

Dernier instant de calme : les medecins font la course sur leurs sieges a roulette.

Coup de theatre : alette plan de catastrophe. Accident : deux camions et 28 voitures, 18 bles- ses graves et d’autres. Preparatifs rapides, un peu confus, de tous les personnels ; distribution gene- rale de lunettes a verres plats (pour proteger les yeux contre les projections septiques). Attente silencieuse.

Arrivee d’une premiere victime : une enfant dans les bras d’un pompier. Le telephone mobile fonctionne avec I’hopital.

Alors les brancards defilent par le couloir, ti toute allure, en file serree, dans le tumulte. On note au passage des brLi/ures, une plaie du crhe. Aucun soin en tours (on ne voit pas de perfu- sions), sauf un massage cardiaque externe, ra- pide, saccade, superficiel sur brancard roulant. L&ion de /a n-toe//e &pin&e (on entend : <( are- flexie au-dessous de D4 )> ; il y a done un bref examen au passage), dans le defile marche ega- lement <c une petite coupure )>. Au milieu de I’ef- fervescence et du brouhaha, on entend : << mor- phine 5 mg intraveineuse directe )) <( je veux radio thorax, colonne cervicale et bassin 7~. qc Un ortho (pediste) aux urgences en traumato s’. En queue de peloton un jeune Noir se plaint a Ross <c j’ai mal ti la main >>. Ross examine la main droite, sur- prise : cc mais oti est votre pouce ? a>. La main gauche brandit un petit sac de plastique (< il est Ii dedans ! )).

Mais il y a pire : sur un chariot est pousse un blesse unijambiste : section cornpl&e de lajambe gauche, sinon reelle au moins bien imitee.

On ne voit pas trace de triage, ni prehospitalier ni a I’accueil. On entend parler toutefois d’eti- quettes vertes, jaunes, rouges et noires, selon un systeme de categorisation pratiquement aban- don& en France. En tout cas les victimes de

La skrie ambricaine (( Urgence )) 185

I’accident routier sont arrivees sans fiche medi- tale de I’avant.

On entendra pourtant Doug Ross s’ecrier, apres I’abandon d’un massage cardiaque sur chariot (30 minutes de mydriase) : (< merde ! il etait clas- sever-t! >).

Dans le tourbillon ambiant apparait un camera- man de television, vite ejecte sans discussion.

L’hyperactivite assez desordonnee se poursuit. Un vieillard, apres c< 4 L de Ringer ‘) meurt sous

les yeux de son Spouse (qq Docteur faites quelque chose ! s>) tandis qu’une religieuse prie a c&e du chariot.

Gags intercales : Patrick, le Noir debile toujours casque (?) branche sur les hauts parleurs de la musique d’ambiance incongrue.

La fiancee de Ross commande par telephone <( 30 grandes pizzas a).

Une standardiste interimaire en tenue de sortie, qui a termine sa vacation, demande en criant qc qui va me signer ma fiche >).

Un blesse debout, torse nu, montre son sein droit dans lequel s’est fiche... son allume-cigare !

Carter se bat avec le platre de jambe que ses amis lui ont pose pendant son sommeil. Un motard athletique saisit une scie a platre electrique, dans le style << massacre a la tronconneuse )s... an- goisse. Mais Carter est lib&e.

Green, mains gantees, est en train de faire une suture. On installe le telephone sur la position interphone. C’est le mari de la patiente qui veut accoucher chez elle. II n’a pas eu le temps de faire le 15. La t&e de I’enfant apparait. Green en conti- nuant sa suture teleguide le mari avec precision : retenez la t&e, faites-la tourner, redressez-la, ti- rez sur I’epaule... tout va bier-r. Quelques minutes plus tard (I’emission ne dure que 45 minutes). Le nouveau-n& la mere et le pere viennent remercier et embrasser son tele-accoucheur.

Benton, sur un patient qui parle (?), pratique une intubation, que la camera escamote.

Pour terminer, deux sequences dramatiques et pour une fois invraisemblables (le scenaristes doit etre a court d’idees apt&s plusieurs centaines de plans originaux mais jusque la credibles) : - une jeune femme medecin immigree polonaise assiste a I’agonie d’un homme encore habille sur un chariot et a qui on applique un massage car- diaque precipite. On croit comprendre qu’il s’agit dune rupture d’an&rysme aortique. Sans hesiter, la Polonaise enfile une paire de gants, ecarte les vetements du patient (sans retrousser les manches de son vetement civil), saisit un scalpel et d’un coup ouvre I’epigastre tandis que le mas- sage est poursuivi. Elle introduit ses deux mains dans I’abdomen sans antisepsie. On ignore ce qu’elles y font, mais elle les retire ensanglantees au bout d’un instant. On la revoit, emue, expli- quant qu’elle a fait de la chirurgie cardiovasculaire

dans son pays. Mais on ne reverra plus son CG opere >> ; - toujours dans une autre piece, une equipe chi- rurgicale <c non specialisee )> procede a la reim- plantation de la jambe gauche en suivant les instructions d’une cardiologue. En tres peu de temps nous apprenons que I’artere tibiale est su- turee, la veine saphene egalement et que c< cela passe bien >>.

DEUXIliME PARTIE DE LA SOIRliE

En pregenerique une voix off: qc un cartilage tordu (sic) attend au 3 ‘). Un p&e affole am&e son fils qui, sous ses yeux, est tombe dans un lac gel& II faut lutter avec le pere pour I’eloigner. lntubation tracheale de I’enfant ; ensuite : c( on aspire la flotte de ses poumons et on le ballonne )), dit Ross. Le p&e s’est rapproche et murmure des prieres pen- the sur son fils. Apres le generique on retrouve I’enfant (< sous 02 humidifie et rechauffe. II faut envisager peut etre une extracorporelle... )>.

Autre sequence : arrivee d’un helico rouge sur la DZ en terrasse. II transporte un homme de 25 ans qui s’est ecrase contre un arbre en pilotant un scooter des neiges : coma avec ecoulement de LCR par I’oreille. Aux urgences : c< I’EEG est plat. II faut rechercher la famille pour le consentement au prelevement >).

En attendant on s’interesse a un homme origi- nal, bricoleur, dont le hobby est la construction d’un son et lumiere miniature, ce qui lui a valu une decharge electrique et une brillure de I’avant- bras.

L’enfant du lac se reveille lentement. Flash : un homme de 68 ans agresse dans un

parking. Plaie abcfominale. Retour a I’EEG plat. (c II ne faut pas perdre ses

organes )>. Fibrillation ventriculaire. Benton reus- sit une defibrillation electrique et declare satisfait : << je viens de ressusciter un mart ! b).

Le groupe du donneur potentiel est B negatif. L’ordinateur consulte indique deux demandes en attente : un cceur a Cincinnati et un foie a Altona.

Sequence completement decalee et sans inte- ret : echographic chez une femme d’un certain age se plaignant de douleur abdominale depuis plusieurs jours. Decouverte d’une grossesse au grand etonnement de I’interessee.

Apres cette detente, sequence triste : Benton tente d’obtenir de la femme du coma depasse son consentement pour le prelevement d’organes (Ben- ton, un peu legerement, a deja prevenu les equipes chirurgicales interessees). L’epouse refuse son autorisation et demande un second avis medical.

Suivent deux sequences distrayantes : la belle Linda, representante d’un laboratoire, lance une invitation a un colloque sponsorise dans un lieu touristique.

La vieille dame deja vue dans un episode pre-

186 P Huguenard

cedent, ancienne chanteuse de gospels atteinte d’A/zeimer, traverse le service en chantant.

Nous revenons au coma depasse pour appren- dre qu’on lui administre judicieusement cc de la dopamine a dose r&ale >>. Benton a contacte huit equipes chirurgicales attendant des organes. L’e- pouse n’est toujours pas d’accord.

Sequence inattendue : I’arrQt cardiaque du P&e Noel ! Traitement (en vain) : une ampoule q< d’adre a) et 1 mg d’atropine intraveineuse. Car- ter d&sole et ironique : qc J’ai tue le P&e Noel ! >).

Suit une serie d’anecdotes hors sujet : I’histoire sentimentale embrouillee de Doug (Ross) avec Carole. Les etats d’ame de I’epouse du coma depasse. Le docteur Lewis donne a Carter les cadeaux de Noel (une robe de chambre) qu’elle destinait a son petit ami le psy. Celui-ci a quitte son emploi a I’hopital et a demenage sans preve- nir personne. Chloe annonce a sa grande scour qu’elle est enceinte. La chanteuse de gospels fait encore un passage.

On revient enfin au sujet : - I’enfant hypothermique est completement re- veille ; -la cardiologue dirige la perfusion cardioplegique et le prelevement des organes (I’epouse a donne son accord apres une courte discussion avec Green).

La derniere image est un morceau de bravoure. L’helicoptere rouge attend le conteneur isotherme dans lequel sont conserves les organes. C’est Benton qui a I’honneur merite de le confier a I’equipage.

D&collage de I’appareil qui s’envole pour une mission glorieuse et FIN.

CONCLUSION

Scenaristes epuises ou telespectateurs biases, I’interet s’est emousse pour cette serie decouple

en neuf parties. Erreur de programmation : la pre- miere partie <c accrocheuse a) etait excellente. Les suivantes ne pouvaient pas etre du meme niveau. Le style de montage, cut brutal et chaotique, d’abord surprenant est devenu agacant puis fati- gant.

On s’habitue toutefois au decalage voulu et souvent rep& entre les images documentaires (sanglantes, dramatiques) et celles de fiction (plai- santerie de carabins ou romances de midinettes).

Mais on parvient difficilement a demeler le vrai du truquage : les cadrages sont habiles et les plans si brefs qu’il n’y a pas de place pour la reflexion.

D’une facon generale on croit constater que les plans larges sont arranges grace a une figuration nombreuse, agitee mais bien dirigee, alors que les plans rapproches (intubations tracheales, mas- sages cardiaques, ponctions diverses...) sont ma- nifestement truques. Le choix de la photo tient compte de la sensibilite du public americain : peu de sang (et ecarlate, il est faux), pas d’urines ni de matieres f&ales, ni de vrais vomissements. L’image est generalement clean, ou plutot fausse- ment rkaliste. Le tout est une Bnorme supercherie flattant /es goijts du public et rendue supportable par un peu d’humour et I’exactitude remarquable des notions medicales (diagnostics et traite- men ts).

Condensees en une seule soiree et un peu elaguees, les differentes parties auraient consti- tue un modele du genre. On attend qu’un cineaste francais, entoure de medecins competents, re- prennent le theme des urgences avec autant de sincerite et de realisme, ce qui ne manquerait pas de souligner la meilleure tenue des urgences << a la francaise >> mieux ordonnees, notamment grace au triage et au traitement prehospitaliers des victimes.