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Utilisation discursive et réalité de la « convergence » au service d’un reposition- nement du médiatique Arnaud Anciaux Université de Rennes 1 Resumo «Convergência» é um conceito amplamente utilizado pelos atores de gestão da indústrias da cultu- ra e comunicação, para justificar certas estratégias relacionadas com a economia digital. Este estu- do aponta a demonstrar como articulado o uso discursivo deste conceito e as mudanças no modelo econômico de um grupo nacional envolvido na mídia e comunicação. Seus interesses depois para as consequências destes movimentos sobre a posição eo papel da mídia e produção jornalística. L’activité journalistique a toujours fait l’objet d’un financement particulier. Economiquement parlant, elle ne semble pas pouvoir être une activité réellement autonome et auto-suffisante. Sans entrer dans les caractéristiques précises du bien d’information (voir par exemple à ce sujet l’ouvrage de Jean GABSZEWICZ et Nathalie SONNAC (2010, p. 16 et s.)), il est marqué par la quasi-impossibilité de faire reposer le coût de production aux seuls consommateurs de l’information. Aussi, de nombreux mécanismes de subvention ont été mis en place pour permettre la production de ce bien. En France par exemple, au soutien du Roi a succédé la mise en place par la République d’importantes aides di- rectes et indirectes, représentant une part importante des revenus des médias privés. Plus générale- ment, le recours aux petites annonces et à la publicité à partir du début du XIX ème siècle s’est imposé comme une importante source de revenus, faisant payer aux annonceurs le prix que ne veut – et ne peux – s’acquitter le lecteur. Jean de BONVILLE et Jean CHARRON (2004a, p. 146) ont ainsi identifié quatre types d’instances de financement de la pratique journalistique : les lecteurs, les annonceurs, les mécènes et les auteurs. La pratique discursive qu’est le journalisme s’est ainsi toujours insérée dans un cadre ou support, le média, dont l’un des objets était de lui trouver les moyens de subvenir à sa production et – si possible – à sa diffusion. Cette typologie du financement de l’activité journalistique peut toutefois manquer à com- prendre l’émergence dans certains lieux organisationnels d’un transfert économique, que nous qua- lifierons pour le moment de subvention. Recouvrant dans une certaine mesure les rôles des mécè- nes et annonceurs, nous faisons l’hypothèse d’un mécanisme plus ou moins formel de soutien à la production discursive journalistique insérée dans le support médiatique, et qui prend sa source à proximité industrielle de ce dernier. Ainsi d’un groupe de firmes qui peut maintenir en son sein un pôle médiatique plus ou moins intéressant financièrement parlant, et qu’il peut mettre au service de l’ensemble des activités du groupe. Pas tout à fait annonceur, ce soutien ou financement ne prend pas nécessairement ou seulement la forme d’un échange de flux monétaire contre un espace de pro- motion ; pas tout à fait mécène, ce soutien n’intervenant pas directement en lien avec le rôle ou le contenu du discours journalistique (comme l’Etat qui soutient la circulation de l’information, ou comme un groupe social, politique, religieux – voire industriel dans le cas de l’armement ou de la construction – qui veut soutenir un discours concordant avec ses visions). Cette compréhension du financement du média et par incidence de l’activité discursive qu’il transmet peut s’appliquer principalement dans le cadre d’une économie de réseaux et plus particu- lièrement en lien avec internet. Elle servira à envisager la redéfinition potentielle, au sein de certai- nes organisations, du rôle économique et du positionnement assignés aux médias, supports venant donner une audience et un financement au discours journalistique, dans le déploiement global des activités des groupes industriels intervenant dans la communication et la culture. Elle peut égale- ment permettre de comprendre l’activité discursive exercée par les dirigeants et le cadre managérial Anais do I Colóquio Internacional Mudanças Estruturais no Jornalismo. Brasília: Programa de Pós-Graduação em Comunicação da Universidade de Brasília, 2011. Disponível em: www.mejor.com.br 114 GT3 - Economia das empresas de comunicação

Utilisation discursive et réalité de la « convergence »

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Cette communication veut croiser plusieurs angles pour comprendre les transformations du médiatique, au sein d’un groupe industriel canadien intervenant dans diverses activités de la culture et de la communication. En premier lieu, il s’agit d’analyser l’utilisation, dans les déclarations officielles et financières de l’entreprise, de la notion de « convergence » notamment au tournant des années 2000. Cet emploi discursif sert en partie à accompagner les modifications de l’organisation et de son modèle d’affaires, transformant un groupe de médias en un groupe de communication. En second lieu, il est possible de voir, au travers d’une analyse des résultats financiers du groupe, que les fonctions du médiatique et de la production journalistique peuvent être poussées vers la valorisation des activités liées aux réseaux de communication de l’ensemble industriel. Communication présentée à l'Universidade de Brasília, avril 2011

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Utilisation discursive et réalité de la « convergence » au service d’un reposition-nement du médiatique

Arnaud AnciauxUniversité de Rennes 1

Resumo 

«Convergência» é um conceito amplamente utilizado pelos atores de gestão da indústrias da cultu-ra e comunicação, para justificar certas estratégias relacionadas com a economia digital. Este estu-do aponta a demonstrar como articulado o uso discursivo deste conceito e as mudanças no modelo econômico de um grupo nacional envolvido na mídia e comunicação. Seus interesses depois para as consequências destes movimentos sobre a posição eo papel da mídia e produção jornalística.

L’activité journalistique a toujours fait l’objet d’un financement particulier. Economiquement parlant, elle ne semble pas pouvoir être une activité réellement autonome et auto-suffisante. Sans entrer dans les caractéristiques précises du bien d’information (voir par exemple à ce sujet l’ouvrage de Jean Gabszewicz et Nathalie sonnac (2010, p. 16 et s.)), il est marqué par la quasi-impossibilité de faire reposer le coût de production aux seuls consommateurs de l’information. Aussi, de nombreux mécanismes de subvention ont été mis en place pour permettre la production de ce bien. En France par exemple, au soutien du Roi a succédé la mise en place par la République d’importantes aides di-rectes et indirectes, représentant une part importante des revenus des médias privés. Plus générale-ment, le recours aux petites annonces et à la publicité à partir du début du XIXème siècle s’est imposé comme une importante source de revenus, faisant payer aux annonceurs le prix que ne veut – et ne peux – s’acquitter le lecteur. Jean de bonville et Jean charron (2004a, p. 146) ont ainsi identifié quatre types d’instances de financement de la pratique journalistique : les lecteurs, les annonceurs, les mécènes et les auteurs. La pratique discursive qu’est le journalisme s’est ainsi toujours insérée dans un cadre ou support, le média, dont l’un des objets était de lui trouver les moyens de subvenir à sa production et – si possible – à sa diffusion. Cette typologie du financement de l’activité journalistique peut toutefois manquer à com-prendre l’émergence dans certains lieux organisationnels d’un transfert économique, que nous qua-lifierons pour le moment de subvention. Recouvrant dans une certaine mesure les rôles des mécè-nes et annonceurs, nous faisons l’hypothèse d’un mécanisme plus ou moins formel de soutien à la production discursive journalistique insérée dans le support médiatique, et qui prend sa source à proximité industrielle de ce dernier. Ainsi d’un groupe de firmes qui peut maintenir en son sein un pôle médiatique plus ou moins intéressant financièrement parlant, et qu’il peut mettre au service de l’ensemble des activités du groupe. Pas tout à fait annonceur, ce soutien ou financement ne prend pas nécessairement ou seulement la forme d’un échange de flux monétaire contre un espace de pro-motion ; pas tout à fait mécène, ce soutien n’intervenant pas directement en lien avec le rôle ou le contenu du discours journalistique (comme l’Etat qui soutient la circulation de l’information, ou comme un groupe social, politique, religieux – voire industriel dans le cas de l’armement ou de la construction – qui veut soutenir un discours concordant avec ses visions). Cette compréhension du financement du média et par incidence de l’activité discursive qu’il transmet peut s’appliquer principalement dans le cadre d’une économie de réseaux et plus particu-lièrement en lien avec internet. Elle servira à envisager la redéfinition potentielle, au sein de certai-nes organisations, du rôle économique et du positionnement assignés aux médias, supports venant donner une audience et un financement au discours journalistique, dans le déploiement global des activités des groupes industriels intervenant dans la communication et la culture. Elle peut égale-ment permettre de comprendre l’activité discursive exercée par les dirigeants et le cadre managérial

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de ces mêmes groupes. Afin d’analyser ces changements, nous nous sommes intéressés à un groupe industriel cana-dien, intervenant dans le domaine de la culture et de la communication, le groupe Quebecor. Créé autour de l’édition de quotidiens papiers, il s’est développé au sein de la province du Québec, notam-ment en construisant un pôle important d’imprimeries commerciales jusqu’au tournant des années 2000. Notre regard s’est porté sur les communications officielles du groupe, et plus précisément sur les Rapports annuels couvrant les exercices de 1998 à 2009. Nous visions par ce moyen deux ob-jectifs simultanés. En premier lieu, il s’agit de comprendre l’utilisation de la thématique discursive du changement et plus précisément de la « convergence ». Cette notion, on ne saurait plus polysé-mique, fut largement utilisée par de nombreux acteurs (GeorGe, 2010). Nous nous concentrerons ici sur son recours par la direction managériale du groupe, dans son acception économique, afin de voir comment elle est convoquée pour justifier des stratégies de fusions-acquisitions puis pour accom-pagner leur évolution au sein du groupe industriel. En second lieu, nous chercherons à comprendre les positionnements changeants du journalisme et du médiatique (ce dernier pouvant alors trouver son sens d’intermédiation entre deux instances, par exemple entre le journalisme et le public, mais potentiellement aussi entre le public et certains intérêts économiques), observés par une partie de la littérature, au travers de l’évolution du modèle d’affaires global du groupe Quebecor, se transfor-mant parallèlement à l’utilisation discursive de la « convergence ».

La crise et la « convergence »

Le groupe Quebecor ici à l’étude est intervenu traditionnellement dans la presse écrite sur le territoire québécois. Dans les années 90, il est déjà constitué comme un groupe industriel impor-tant, avec de nombreuses publications en son sein, et surtout un pôle d’imprimerie très fort (qui au gré de différents achats et fusions-acquisitions deviendra l’un, si ce n’est le plus important au mon-de en termes de chiffre d’affaires, à l’aube des années 2000). Des processus à l’œuvre dans le groupe sont alors identifiés comme procédant d’une convergence. Ainsi Marc-François bernier (2008, p. 50) identifie au sein des deux publications phares du groupe la présence dans l’une (Le Journal de Québec) d’une part significative de contenus produits par l’autre (Le Journal de Montréal), qui ira d’ailleurs croissante dans les années suivantes. La « convergence » s’établit dans ce cadre comme un corolaire – négatif, en termes de diversité des contenus, de sentiment d’indépendance éditoriale chez les travailleurs, etc. – des phénomènes de concentration. Afin de développer cette compréhension, nous essayons de comprendre comment cette no-tion est utilisée dans le champ discursif économique et managérial. Ce « thème de la convergence » se retrouve dès le tournant des années 70-80 et appelle tout d’abord le rapprochement de la té-lécommunication et de l’informatique, puis avec la télévision et la câblodistribution, et enfin avec la majorité des industries de la culture parmi lesquelles la presse (bouquillion, 2008, p. 151). Jean-Guy lacroix et Gaétan Tremblay (1994, p. 242) estimaient déjà qu’il constitue pour un « grand projet » en « réponse à la crise structurelle » issue des années 70. Le cas du groupe Quebecor est particulier dans cette perspective, rejoignant plus l’idéal porté dans les discours que la seule recherche d’avantages financiers temporaires. Comme nous le verrons plus loin, il s’agit véritablement d’une volonté mise en œuvre « de créer de véritables filières inté-grées capables de maintenir une certaine cohérence industrielle et de contrôler à la fois l’amont et l’aval de la production de biens informationnels et culturels » (carbasse, 2010, p. 587). Ainsi, avant le développement de l’économie numérique, Quebecor avait déjà recherché une intégration vertica-le de la production de papier, de l’encre, l’impression des supports jusqu’aux activités d’édition et diffusion de journaux. A la suite de cette stratégie, le recours annoncé à la « convergence » dans les discours du groupe vise plusieurs transformations, qui sont autant de changements possibles pour le travail journalistique ou son rôle. Sur la période couverte par notre analyse, l’idée énoncée en tant que telle de « convergence » n’apparaît qu’à partir de l’exercice 2000. Les fusions-acquisitions et l’intervention du numérique ne sont pourtant pas absentes auparavant, avec notamment l’intégration importante de Sun Media Corporation en 1999, faisant entrer le groupe Quebecor sur le marché de la presse anglophone de

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plusieurs provinces canadiennes, ainsi que de World Color Press Inc. (secteur de l’imprimerie) la même année. Ce même exercice permet d’illustrer a contrario la non-neutralité du recours discursif à la « convergence ». Ainsi le rapport annuel donne des explications assez précises sur la stratégie du groupe dans le cadre des marchés numériques, posant l’idée de synergies fortes entre les différents pôles d’activités. Le processus est ainsi décrit sans être nommé : La stratégie d’action de Quebecor Nouveaux Médias repose sur l’utilisation de l’expertise dé-veloppée par Quebecor dans les médias imprimés. Nos deux portails Internet, CANOE et son pen-dant francophone Canoë, visent à prolonger, sur les nouveaux supports de communication électro-nique, la prolifique source d’information que renferme Corporation Sun Media avec son réseau de grands quotidiens et ses très nombreux journaux locaux et régionaux. Les publications du secteur Magazines occupent également un emplacement de choix dans nos portails. C’est notamment le cas de la section « Art de vivre » de Canoë, qui vise la clientèle féminine et qui puise abondamment son information dans les magazines de Publicor, une division de Communications Quebecor. Quebecor Nouveaux Médias peut donc compter sur les actifs de Quebecor dans l’imprimé pour développer ses assises dans le secteur des nouveaux médias. Il s’agit d’un puissant avantage concurrentiel que pos-sèdent peu de portails d’envergure au Canada.

[…] La stratégie de Quebecor à cet égard consiste à offrir des contenus et des services de qualité (ensemble A) par le truchement des actifs de Sun Media. Nous sommes désormais en mesure d’acheminer ce contenu vers une clientèle la plus segmentée possible selon des critères comme le lieu de résidence, le profil socio-économique, les centres d’intérêt, etc. (ensemble B). Cette information est très précieuse pour les annonceurs et détaillants, car elle permet de proposer des publicités, des produits et des services beaucoup plus susceptibles de capter l’intérêt des consommateurs (ensemble C). C’est à la jonction des trois ensembles que se trouvent ce que tous les annonceurs et détaillants recherchent : des clients qui désirent consommer !(quebecor inc., 2000, p. 7 et s.)

L’utilisation de la « convergence » pour désigner processus et stratégie du groupe apparaît à compter de l’exercice 2000, qui constitue une année charnière pour l’organisation et ses activités. Le groupe est alors séparé en deux filiales-pôles d’activités, Quebecor World (regroupant les activités d’imprimerie avec la revente de Donohue, société spécialisée dans l’exploitation forestière et la pro-duction de papier) et Quebecor Media (qui regroupe l’édition de journaux – Corporation Sun Media –, l’édition et la distribution de musique, livre et de divertissement – Archambault Inc. et Publicor principalement –, des activités de communication et de publication en ligne à destination des entre-prises – Nurun –, l’édition de sites internet – Canoe et Netgraphe Inc. –, et enfin la câblodistribution et la télédiffusion – Vidéotron Ltée et Groupe TVA Inc.). Les deux derniers sont des acquisitions de la fin de l’exercice 2000, et qui marquent le début du recours au thème discursif de la « convergen-ce » – par ailleurs associé dès lors à la personnalité du dirigeant affirmé du groupe, Pierre Karl Pé-ladeau. La « convergence » est alors présentée sous plusieurs traits. Elle apparaît comme une néces-sité dépassant la seule situation du groupe, faisant des processus et choix stratégiques une obliga-tion pour le groupe.

Vidéotron possède l’infrastructure technologique dont nous avions besoin pour compléter notre intégration et permettre à Quebecor de se positionner favorablement dans le mouvement de convergence des médias à l’échelle mondiale. […] L’univers des médias est marqué par la création de groupes puissants aux États-Unis et en Europe. À moyen et à long termes, un producteur de contenus ne contrôlant pas la distribution de ses produits risque d’être marginalisé face à des géants beaucoup mieux intégrés. [Le] défi réside dans la conquête d’une dimension internationale dans une économie Internet que nous savons sans frontières. Notre performance historique à ce chapitre est assez éloquente, notamment dans le secteur de l’imprimerie commerciale, où nous avons bâti en une décennie le premier joueur mondial de son industrie, Quebecor World.(quebecor inc., 2001, p. 8 et 9)

Par ailleurs, l’apparition de ce thème au cours de cette année repose principalement sur la question des réseaux et de l’accès à internet, de la synergie attendue entre les activités de câblodis-tribution nouvellement acquises et la production de contenus, dans la presse et la télévision :

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Tous les projets de convergence qui ont vu le jour dans l’univers des télécoms ou des médias au cours des dernières années ont un point en commun : jumeler le contenu à l’accès. L’acquisition de Vidéotron par Quebecor s’inscrit dans cette tendance. Le principal attrait de la convergence pour une compagnie comme Quebecor réside dans la possibilité d’offrir à nos clients des stratégies publicitaires sur une vaste déclinaison de supports de communication. […] La convergence des médias doit prouver qu’elle peut générer de la valeur pour les clients et les actionnaires de Quebecor. Le premier défi consiste à parvenir à faire travailler ensemble des entités différentes telles que des producteurs de contenus d’information et un fournisseur d’accès Internet. À cet égard, Quebecor s’emploie depuis plusieurs années à maximiser le potentiel de synergie à l’intérieur de ses diverses entreprises et connaît, dans ce processus, sa juste part de succès.(quebecor inc., 2001, p. 8 et 9)

Le groupe se situe alors dans la droite ligne des fusions-acquisitions (par exemple le rap-prochement d’AOL et Time Warner) ayant lieu au tournant des années 2000, avant l’éclatement de la bulle internet, et rejoint les observations faites par Philippe bouquillion (2008). Néanmoins, l’éclatement de la bulle internet a aussi entraîné un recul assez fort de cette volonté affichée de se lancer dans la « convergence » chez les acteurs des industries de la culture et de la communication, et le groupe Quebecor n’y échappe pas. L’idée mise en avant est alors de favoriser certaines restruc-turations internes, et de limiter les pertes et dépenses.

Depuis le début de 2000, entraînées par l’exaltation de la bulle techno, [les entreprises actives sur internet] avaient subi des pertes élevées, ce que Quebecor ne pouvait tolérer plus longtemps. L’accent a donc été mis sur la rentabilité, sans discriminer entre ces nouveaux secteurs en phase d’expérimentation et les autres propriétés médias plus traditionnelles de Quebecor. Nous avons rétabli le credo de Quebecor en vertu duquel chaque entreprise doit être rentable ou disparaître. Et les résultats n’ont pas tardé à se manifester. […] Là où tant de concurrents ont disparu, Nurun et Netgraphe demeurent en bonne santé financière et en excellente position pour bénéficier de la consolidation de l’économie Internet. Ces entreprises seront appelées à contribuer de façon encore plus constructive à la croissance et à la rentabilité de Quebecor Média dans le futur, ainsi qu’aux effets de synergie et aux offres commerciales croisées.(quebecor inc., 2003, p. 8)

Aussi, le thème de la « convergence » sera peu à peu transformé dans le discours du grou-pe, passant d’une justification d’acquisition à la preuve d’une rentabilité des stratégies (par la pré-sentation de nombreux exemples « concrets » renvoyant la présentation de l’activité et du rapport d’exploitation à la partie financière (Quebecor Inc., 2002)) et la justification de processus de ratio-nalisation de la production et des rapports entres les différentes activités.

Chez Quebecor, la convergence est une stratégie créative qui met à contribution nos différentes composantes pour atteindre avec le plus d’efficacité possible les objectifs de nos clients grâce à la force d’impact de chacune de nos filiales. Elle résulte du travail en collégialité de nos entreprises, qui multiplient les sources de synergies et de promotions croisées afin d’obtenir le maximum de visibilité pour notre clientèle.[…] La convergence chez Quebecor n’est donc plus simplement un concept prometteur. C’est maintenant une réalité, en constante évolution, qui génère d’importantes retombées commerciales pour les clients qui ont la finesse et l’audace de s’en prévaloir.(quebecor inc., 2002, p. 9)1

Le groupe utilisera également fortement cette notion pour expliquer la stratégie déployée autour de l’émission télévisée Star Académie considérée comme une « une preuve irréfutable de l’efficacité de la convergence » (quebecor inc., 2004, p. 7). Elle fit l’objet de nombreuses promotions sur les différents supports du groupe (demers, 2006), et connut de nombreuses recettes dues aux ventes de DVD, livres et CD par l’entremise des différentes filières du groupe. La notion discursive est ainsi bien passée de visée externe d’acquisitions à la démonstration d’une efficacité et rationali-sation des activités internes au groupe.

1 Les passages soulignés sont le fait du rapport Anais do I Colóquio Internacional Mudanças Estruturais no Jornalismo.

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L’utilisation de ce thème dans les communications officielles étudiées connaît dans la secon-de partie des années 2000 un relatif recul. Annoncée et promue, la « convergence » ne remplit plus son rôle discursif favorisant le développement de l’envergure du groupe. Cela rejoint également les difficultés d’endettement que ce dernier traverse, conduisant entre autres à la séparation d’avec le pôle Quebecor World placé sous les régimes légaux de protection des créanciers en Amérique du Nord. Néanmoins, la « convergence » n’est pas qu’un épisode temporaire, un essai stratégique au tournant du millénaire. Nous avons vu qu’elle était revêtue d’une utilité particulière par la direction managériale et financière du groupe pendant un temps donné. Cependant, les choix effectués ont modifié profondément la répartition des rôles et intérêts autour du médiatique dans le groupe, four-nissant un exemple – à l’échelle de Quebecor – des recompositions touchant les médias et la fonc-tion journalistique.

Le déplacement du médiatique

L’analyse des documents financiers du groupe Quebecor ne permet pas seulement de faire apparaître l’utilisation discursive fluctuante de la « convergence », mais met également en avant dans une certaine mesure sa réalité économique. Le modèle économique du groupe a ainsi été pro-fondément transformé, et avec lui, le rôle de l’information et du journalisme. En effet, sans donner un poids trop important au numérique ou verser dans une vision déterministe et techniciste, le poi-ds des activités liées aux réseaux va grandissant dans le groupe Quebecor et impose à l’ensemble des pôles une redéfinition de leurs rôles respectifs.

Figure 1 Chiffre d’Affaires sectoriel de Quebecor Inc.2

A cet égard, il convient de rappeler que l’édition médiatique est dans le cas à l’étude une ac-tivité depuis longtemps moins importante sur le plan économique que le pôle d’impression qui s’est consolidé jusqu’au cours des années 2000. Source financière importante pour l’ensemble du groupe, il a été remplacé en cela par les activités de télécommunication réalisées par Vidéotron. Le modèle d’affaires qui sous-tend la construction économique du groupe est profondément changé au cours de la décennie des années 2000. Il s’agit du passage d’un modèle média/impression (contrôle de la filière médiatique) à un modèle internet/média (contrôle des filières des réseaux – internet et téléphonie). Les rapports au sein du groupe entre les différentes activités ne sont pas les

2 Les regroupements catégoriels ne sont pas directement ceux proposés au travers des différentes publications du groupe Quebecor, ceux-ci

étant largement changeants au fil des années ; ils correspondent néanmoins au détail des activités qui les compose. Anais do I Colóquio Internacional Mudanças Estruturais no Jornalismo.

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mêmes. Dans le premier modèle, l’activité médiatique correspond à l’aval de la filière telle que gérée par le groupe industriel. Elle est appuyée par les revenus tirés de l’amont (exploitation forestière, fa-brication de papier, impression) comme en témoignent les retraitements de mouvements financiers internes au groupe (c’est-à-dire le recours aux imprimeries du groupe pour fabriquer les supports édités, journaux, magazines, etc. par le pôle média). Néanmoins, ces flux internes sont fondés en grande partie sur la vente de biens et services, certes à l’interne du groupe, mais sans que les activi-tés ne puissent trouver de véritables effets de résonnance particuliers entre elles. Une hausse du ti-rage des journaux en aval ne fait simplement qu’augmenter les lignes de commandes pour l’amont, comme le feraient tous les autres clients du pôle impression - papier. In fine, si le groupe peut béné-ficier de certaines économies par l’intégration verticale production / édition médiatique, ces pôles conservent une certaine autonomie. Il en va différemment dans le nouveau modèle économique du groupe.

Figure 2 Répartition sectorielle du Chiffre d’Affaires (hors activité d’impression et production de papier) de Quebecor Inc. – Les activités internet et portails web sont intégrées à compter de l’exercice 2008 dans le pôle journaux formant un ensemble « Médias d’information » (quebecor inc., 2009)

Le poids des activités de communication va grandissant dans le groupe et ses revenus, à comp-ter de 2000 et de l’acquisition de Vidéotron, jusqu’à en représenter la moitié à la fin de la décennie. Les activités d’édition de journaux sont quant à elles dans un recul certain, compensé seulement par l’acquisition de nouveaux groupes à l’extérieur (comme Osprey Media en 2008) ou l’augmentation de l’offre (lancement journaux gratuits urbains 24Hours / 24Heures) et l’intégration des revenus ti-rés des portails et sites web. Cet écart est encore plus important lorsque l’on s’intéresse non plus aux revenus, mais aux résultats tirés de l’exploitation de chacun des secteurs d’activités.

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Figure 3 Répartition sectorielle du bénéfice d’exploitation avant intégration des éléments non récurrents de Quebecor Inc. – Les espaces vides sont causés par les déficits temporaires des activités Internet et Télédiffu-sion

Dans ce second modèle d’affaires, l’activité médiatique correspond à l’amont de la filière telle que gérée par le groupe industriel. L’essentiel des revenus provient des activités de diffusion et dis-tribution exercées par Quebecor, à savoir la fourniture d’accès à internet, à la télévision par câble, et à la téléphonie. Ces dernières sont constitutives et bénéficient d’effets de réseaux importants qui touchent l’activité médiatique. Le déploiement des offres médiatiques sur internet, et donc du contenu journalistique, s’est par exemple faite de manière gratuite pour l’ensemble des produits édités par le groupe. Il est tou-jours subventionné par les annonceurs, comme dans le modèle habituel des médias financés par la publicité. Mais plusieurs particularités entrent en jeu du fait des rapports entre activités du groupe, et modifient profondément le rôle du médiatique. Etant donné l’écart de rentabilité entre les pôles (voir ci-dessous, Figure 4), il devient nécessaire d’entretenir celle des activités de communication. Olivier bomsel (2007, p. 8) souligne que certaines offres au sein des groupes participent à favoriser les bénéfices de certaines activités ou produits en leur sein : « Ces transferts et subventions ne sont jamais neutres. Ils induisent des signaux de prix qui orientent les investissements en priorité vers certains usages. Ils renforcent des groupes de firmes au détriment de certains autres ». Ainsi du recours à la promotion croisée, comme dans le « cas » Star Académie. A ceci près qu’il ne s’agit plus désormais d’améliorer seulement l’audience d’un programme ou les ventes de biens dérivés, mais de pousser les consommateurs potentiels vers une offre payante, à savoir les offres d’accès au rése-au proposées par Vidéotron. On retrouve l’idée posée par Olivier bomsel dans son analyse des phé-nomènes de transferts entre offres gratuites et services payants :

La recherche d’effets de réseau inverse le rapport des coûts et des prix car l’accroissement d’utilité élève la valeur des biens indépendamment de leurs coûts unitaires, lesquels peuvent, par ailleurs, baisser avec les quantités. Le gratuit va donc apparaître non pas comme un effet de l’abolition des coûts, mais comme l’outil indispensable d’initiation et d’appropriation de ces dynamiques d’utilité – les effets de réseau – dans la concurrence entre industries de biens et services complémentaires. On concevra alors que les bénéficiaires du gratuit ne sont pas tant les consommateurs qui l’acceptent que les firmes qui, grâce à lui, capturent de nouveaux marchés(bomsel, 2007, p. 29)

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Figure 4 Marge d’exploitation sectorielle de Quebecor Inc.

De cette répartition découle un nouveau rôle assigné pour l’activité médiatique. Sa rentabilité est relativement limitée, et n’est soutenue ces dernières années qu’à raison d’opérations de rationa-lisation de la production (création d’une centralisation de l’information avec l’agence QMI, mise à pied d’un grand nombre de travailleurs du Journal de Montréal). Aussi, les objectifs économiques vont dans le sens d’une accélération du passage vers le journalisme de communication et surtout l’accentuation de sa fonction phatique (bonville & charron, 2004b). Il s’agit de plus en plus de favo-riser le maintien des consommateurs dans un univers le plus clos possible, et dans lequel le médiati-que sert à conserver une position avantageuse pour promouvoir les offres payantes du groupe, dont les bénéfices importants servent ensuite à maintenir l’activité de l’ensemble des pôles du groupe. In fine s’impose une offre la plus étendue possible de production journalistique la moins coûteuse. Dans un deuxième temps néanmoins, c’est bien le consommateur des offres payantes les plus renta-bles qui vient financer l’ensemble, après avoir été attrait par le médiatique. Dans le cas particulier du groupe Quebecor, l’activité médiatique connaît des transformations importantes. A la suite de discours managériaux nombreux sur le thème de la « convergence », sa place dans l’ensemble industriel a été profondément modifiée, pour devenir un outil visant à ac-croître la rentabilité du groupe et du pôle de communication en son sein. Les conséquences de ces changements sur les pratiques professionnelles des journalistes et les contenus discursifs produits par ces derniers sont encore difficiles à analyser, ou ont une portée encore incertaine. Il semble en revanche bien que l’évolution économique et industrielle ait déjà pris le pas de favoriser un reposi-tionnement du médiatique et de son rôle au profit des activités de communication et de réseaux plus rentables. Le paysage québécois, à l’instar de nombreux espaces médiatiques occidentaux, connaît ces dernières décennies des changements importants dans les pratiques professionnelles et organisa-tions, dans les contenus et, plus encore, dans les discours. Nombreux sont les constats plus ou moins objectifs d’une crise traversant le journalisme et les médias, aboutissant parfois sur des réflexions eschatologiques, constatant des difficultés à évoluer dans un environnement numérique (FoGel & PaTino, 2005), et remettant en question les rôles mêmes de la presse (PouleT, 2009), de la télévision (missika, 2006), ou à l’inverse célébrant une révolution salutaire pour les citoyens (rosnay, 2006).Au-delà de ces interpellations, il demeure que le journalisme semble bien connaître des évolutions, liées notamment à l’intervention de la technologie numérique, mais aussi de certains changements économiques extrinsèques à l’activité médiatique proprement dite. Dans ce cadre, nous estimons que les transformations qui peuvent être observées possèdent une réalité importante et structurelle. Loin de n’être que des phénomènes localisés dans le temps ou l’espace, elles sont liées – entre autres

Anais do I Colóquio Internacional Mudanças Estruturais no Jornalismo. Brasília: Programa de Pós-Graduação em Comunicação da Universidade de Brasília, 2011.

Disponível em: www.mejor.com.br

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– à des transformations de l’environnement socio-économique entourant la fonction journalistique et le médiatique, à la fois dans la société, auprès des publics, mais aussi au sein des organisations de production, édition ou diffusion de l’information. Aussi, nous pensons pouvoir comprendre ces transformations non pas comme un bouleversement structurel du journalisme en soi mais comme la réponse à des changements extérieurs, influant sur les variables des modèles économiques et les contenus proposés par les positionnements médiatiques. Il nous semble impossible et bien imprudent de conclure ou prédire une potentielle dispari-tion du journalisme ou du médiatique comme le font certains acteurs. Il s’agit bien ici d’en voir les changements et déplacements au sein des structures économiques qui les entourent, qui semblent, eux, plus certains et d’ors et déjà bien visibles, au moins dans le cas Quebecor objet de cette étude.

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