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Sociologie du travail 51 (2009) 478–498 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Vers une représentation européenne des salariés. Les comités d’entreprise européens face aux restructurations Toward a European representation of workers: European works councils faced with industrial restructuring Élodie Béthoux École normale supérieure de Cachan, IDHE UMR CNRS 8533, bâtiment Laplace, 61, avenue du Président-Wilson, 94235 Cachan cedex, France Résumé Près de 900 comités d’entreprise européens (CEE), instances transnationales d’information et de consul- tation des salariés, sont aujourd’hui en activité dans les entreprises multinationales opérant en Europe. S’interrogeant sur leur contribution à l’établissement d’un système de relations professionnelles européen, cet article examine la fac ¸on dont ces nouvelles instances représentatives se construisent comme acteur collectif et s’affirment comme acteur européen, singulièrement dans les situations de restructuration que connaissent les entreprises dans lesquelles elles sont mises en place. Il s’agit ainsi de voir comment on passe d’une logique additive, dans laquelle le CEE reste la somme des représentants des salariés européens de l’entreprise, à une logique intégrative, qui en fait le lieu de la représentation européenne de ces salariés. Étudiant les CEE de la négociation qui les créent à leurs mobilisations face aux restructurations, l’article montre également comment ils participent à l’européanisation et au renouvellement des registres de l’action collective dans une Europe sociale en construction. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Action collective ; Comité d’entreprise européen ; Entreprise multinationale ; Europe ; Négociation ; Relations professionnelles ; Restructurations ; Syndicalisme Abstract Nearly 900 European works councils (EWCs), transnational committees for informing and consulting workers, are now active in firms operating across borders inside Europe. How do they help establish a European industrial relations system? How have these new forms of representation been molded into a Adresse e-mail : [email protected]. 0038-0296/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.soctra.2009.09.003

Vers une représentation européenne des salariés. Les comités d’entreprise européens face aux restructurations

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Sociologie du travail 51 (2009) 478–498

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Vers une représentation européenne des salariés. Lescomités d’entreprise européens

face aux restructurations

Toward a European representation of workers:European works councils faced with industrial restructuring

Élodie BéthouxÉcole normale supérieure de Cachan, IDHE UMR CNRS 8533, bâtiment Laplace,

61, avenue du Président-Wilson, 94235 Cachan cedex, France

Résumé

Près de 900 comités d’entreprise européens (CEE), instances transnationales d’information et de consul-tation des salariés, sont aujourd’hui en activité dans les entreprises multinationales opérant en Europe.S’interrogeant sur leur contribution à l’établissement d’un système de relations professionnelles européen,cet article examine la facon dont ces nouvelles instances représentatives se construisent comme acteurcollectif et s’affirment comme acteur européen, singulièrement dans les situations de restructuration queconnaissent les entreprises dans lesquelles elles sont mises en place. Il s’agit ainsi de voir comment on passed’une logique additive, dans laquelle le CEE reste la somme des représentants des salariés européens del’entreprise, à une logique intégrative, qui en fait le lieu de la représentation européenne de ces salariés.Étudiant les CEE de la négociation qui les créent à leurs mobilisations face aux restructurations, l’articlemontre également comment ils participent à l’européanisation et au renouvellement des registres de l’actioncollective dans une Europe sociale en construction.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Action collective ; Comité d’entreprise européen ; Entreprise multinationale ; Europe ; Négociation ; Relationsprofessionnelles ; Restructurations ; Syndicalisme

Abstract

Nearly 900 European works councils (EWCs), transnational committees for informing and consultingworkers, are now active in firms operating across borders inside Europe. How do they help establish aEuropean industrial relations system? How have these new forms of representation been molded into a

Adresse e-mail : [email protected].

0038-0296/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.soctra.2009.09.003

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collective actor that is making itself heard at the EU level, in particular when the firms where EWCs existare to be restructured? The intent is to see how an “additive logic”, whereby the EWC is the sum of therepresentatives of the firm’s European workers, turns into an “integrative logic”, whereby the EWC becomesthe place of a European representation of these workers. This study follows European works councils from thenegotiations leading to their creation to their activities in coping with economic restructuring. It shows howthey take part in the Europeanization and renewal of collective action in the social Europe under construction.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Collective actions; Industrial relations; Multinational companies; European works councils; Negotiations;Economic restructuring; Labor movement; EU

Le 20 février 2008, la Commission européenne relance le processus de révision de la direc-tive européenne du 22 septembre 1994 ayant institutionnalisé les comités d’entreprise européens(CEE), instances transnationales d’information et de consultation des travailleurs mises en placedans les entreprises multinationales opérant en Europe1. Depuis 1999, date à laquelle elle étaitinitialement prévue, cette révision a été régulièrement réclamée par la Confédération européennedes syndicats (CES), comme par nombre d’acteurs syndicaux et politiques européens, et toutaussi fréquemment combattue par l’organisation patronale européenne, l’UNICE — aujourd’huiBusinessEurope. Pour cette dernière, les aménagements à apporter au fonctionnement des CEEdevaient être non pas instaurés par la loi, mais directement négociés entre direction de l’entrepriseet représentants des salariés au sein des entreprises concernées. C’est en effet l’une des originalitésde la directive de 1994 que d’avoir confié la mise en place des CEE à la négociation entre parte-naires sociaux au niveau des entreprises multinationales, même si cette négociation est elle-mêmeencadrée par la directive depuis son entrée en vigueur en septembre 1996. Ainsi, près de 900 CEEsont aujourd’hui en activité dans les entreprises d’origine européenne ou extra-européenne quicomptent plus de 1000 salariés dans l’Union européenne, dont au moins 150 dans deux Étatsmembres différents2.

L’histoire des CEE ne débute pas, cependant, en 1994. Elle remonte aux débats européenset aux initiatives internationales qui dès les années 1960 et 1970 interrogent le pouvoir gran-dissant des entreprises multinationales et cherchent à l’encadrer ou à le contrebalancer, quece soit par l’intervention des organisations internationales (ONU, OCDE, OIT) ou par celledes fédérations syndicales internationales — connues alors sous le nom de secrétariats profes-sionnels internationaux — qui expérimentent en dehors de toute législation une nouvelle formede dialogue social transnational au sein de quelques grands groupes multinationaux (Rehfeldt,1993).

Le développement des CEE se trouve ainsi dès l’origine lié aux dynamiques socioécono-miques qui traversent et qui, ce faisant, font, ou non, l’Europe sociale. En ce sens, une questionest rapidement soulevée : les CEE participent-ils à la construction d’un système européen de

1 Commission européenne, Comités d’entreprise européens : consultation des partenaires sociaux européens sur larévision de la directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entrepriseeuropéen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimensioncommunautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs. Bruxelles, 20 février 2008.

2 L’Institut syndical européen offre la base de données la plus complète et la plus actualisée des accords ayant créé descomités d’entreprise européens. En octobre 2008, elle recensait 880 CEE toujours en activité, sur les 1080 accords conclusdepuis 1985. Voir la base de données à l’adresse : http://www.ewcdb.eu/.

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relations professionnelles ? Jouant dans ce débat un rôle structurant, les analyses dévelop-pées par Philippe C. Schmitter et Wolfgang Streeck répondent à cette question par la négative(Schmitter et Streeck, 1999 [1991] ; Streeck, 1992). À leurs yeux, c’est au contraire l’affirmationd’un « pluralisme européen » qui se fait jour, caractérisé par un régime de relations profes-sionnelles compétitives dans lequel, en particulier, les organisations syndicales privilégient ladéfense de l’emploi dans leur propre pays, en acceptant des concessions sur les salaires etl’introduction de mesures de flexibilité. Les restructurations en cours dans l’économie euro-péenne, par les menaces qu’elles font peser sur les emplois, expliqueraient le maintien d’untel régime de concurrence entre pays et entre syndicats, comme entre sites de productiond’une même entreprise. De là, découlerait un repli sur les intérêts locaux et particuliers, nui-sible à l’établissement d’une solidarité syndicale transnationale. Leur analyse s’applique auxdifférents éléments à même de fonder un système de relations professionnelles européen, aupremier rang desquels le dialogue social européen interprofessionnel institué par le traité deMaastricht3. Elle vise aussi explicitement les CEE, qui n’auraient de « comité d’entreprise »et d’« européen » que le nom (Streeck, 1997) : le poids prégnant des modèles de représenta-tion nationaux, comme la concurrence entre les membres du comité et entre les salariés qu’ilsreprésentent, empêcheraient la constitution d’une représentation et d’une action véritablementeuropéennes.

C’est cette lecture que nous entendons ici interroger en examinant les enjeux que portenten eux la construction, le fonctionnement et la mobilisation des CEE. Nous nous appuyonspour cela sur les enquêtes menées entre 2002 et 2006 dans le cadre de notre thèse, et actuali-sées depuis. Une enquête exploratoire a reposé sur l’analyse lexicale d’un corpus de 625 accordsayant instauré des CEE. Complétée par une analyse des productions institutionnelle, législa-tive et jurisprudentielle observées au niveau national et communautaire, elle a été prolongée parl’observation de réunions syndicales et de deux sessions de formation à destination de membresde CEE, ainsi que par une cinquantaine d’entretiens menés auprès des directions d’entreprise, desreprésentants des salariés et des acteurs syndicaux impliqués dans le développement des CEE.L’approche monographique retenue (entretiens, revues de presse, archives de CEE, analyse destracts syndicaux, de bilans sociaux et de rapports d’experts) a permis d’approfondir l’étude dufonctionnement des comités européens dans un secteur singulier, les télécommunications, ainsique dans trois groupes francais des secteurs de la métallurgie, de l’audiovisuel et des télécoms. Siles expériences de ces CEE, instaurés respectivement en 1996, 2000 et 2004, diffèrent, ils ont encommun d’avoir été chacun confronté rapidement à des processus de restructuration de grandeampleur.

Questionner la thèse du « pluralisme européen » invite en effet à étudier l’expérience des CEEau regard des situations de restructuration que connaissent les entreprises dans lesquelles ilssont mis en place. La genèse et le fonctionnement des CEE, sur lesquels nous revenons dansun premier temps, permettent eux-mêmes de souligner l’importance croissante que jouent lesrestructurations dans l’appréhension et l’appréciation du rôle tenu par les CEE. Nous examinonsensuite la construction du nouveau collectif que constituent les représentants des salariés amenésà y siéger, en envisageant non seulement les difficultés rencontrées, mais aussi les voies parlesquelles les acteurs cherchent à les surmonter. Nous montrons enfin comment la construction dece collectif s’éprouve — et potentiellement s’affirme — dans l’action collective, lorsque le comitéeuropéen se trouve mobilisé.

3 Voir l’article d’Arnaud Mias dans ce dossier.

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1. Les comités d’entreprise européens au miroir des restructurations

Défendus initialement comme un moyen de « démocratiser l’économie », les CEE se trouventaujourd’hui de plus en plus considérés comme des outils au service d’une meilleure anticipationet d’une meilleure gestion des restructurations industrielles en Europe. Une telle évolution donneune actualité renouvelée aux questions relatives à l’exercice de leurs fonctions d’information etde consultation.

1.1. De la « démocratisation de l’économie » à « l’anticipation et la gestion desrestructurations »

Le projet d’établir une structure de représentation transnationale des salariés au sein des entre-prises multinationales opérant en Europe est discuté dès la fin des années 1960, notammentau regard de la multiplication des restructurations et des suppressions d’emplois qui accom-pagnent la construction du marché commun. La naissance des CEE prend place, cependant,dans un programme syndical qui dépasse cette seule question. Porté par la jeune CES, il visela « démocratisation de l’économie », en écho à la reconnaissance par le Programme d’actionsociale de 1974 de la nécessité de « promouvoir progressivement la participation des travailleursou de leurs représentants à la vie des entreprises de la Communauté » (Didry et Mias, 2005).En ce sens, les CEE sont pensés dès l’origine comme des instances devant assurer l’informationet la consultation des travailleurs européens sur tous les aspects de la vie économique régu-lière de l’entreprise et non sur des questions ponctuelles ou des évènements extraordinaires liésaux seules restructurations. La directive de 1994 généralise ainsi les droits d’information et deconsultation introduits par les premières directives de 1975, 1977 et 1980, qui posaient le principed’une meilleure prise en considération des intérêts des salariés dans les situations singulières delicenciements collectifs, de transferts d’entreprise et d’insolvabilité de l’employeur4 (Laulom,2005).

Depuis son institutionnalisation en 1994, le développement des CEE apparaît néanmoinsde plus en plus étroitement associé aux processus de restructurations. Cela se lit d’abord dansles faits : sur 772 entreprises dotées d’un CEE en 2005, près d’un tiers avait été impliqué dansune opération de fusion ou d’acquisition transnationale entre 2002 et 2004 (Kerckhofs, 2006).Autre indice : les questions relatives aux CEE adressées par les parlementaires européens à laCommission européenne et au Conseil sont quasiment toujours motivées par des cas particuliersde restructuration5. Mais c’est surtout dans l’évolution de la politique sociale communautaireen matière de restructurations que se fait jour ce rapprochement entre CEE et restructurations,en particulier depuis la Communication de la Commission de mars 20056 qui donne lieu à une

4 En s’appuyant sur le renforcement des compétences des organes représentatifs ou des mécanismes d’information etde consultation existants aux niveaux nationaux et non sur la création d’un organe proprement européen, comme l’est leCEE.

5 Le parlementaire se demande quelles sont les règles et dispositions communautaires existantes ou envisagées pourencadrer ces restructurations et assurer l’information et la protection des travailleurs concernés. Lorsqu’il connaît lesrègles en vigueur et la directive de 1994 notamment, il s’inquiète de leur non respect et demande à la Commission deveiller plus activement à leur application. Voir les archives du Parlement européen à l’adresse : http://www.europarl.eu.Pour une analyse plus approfondie de ces dernières : Béthoux, 2006.

6 Communication de la Commission du 31 mars 2005, Restructurations et emploi. Anticiper et accompagner les restruc-turations pour développer l’emploi : le rôle de l’Union européenne, COM(2005) 120 final. Sur la place des CEE dans lapolitique communautaire en matière de restructurations : Béthoux, 2007a.

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consultation des partenaires sociaux européens portant conjointement sur les restructurations etles CEE7. La Commission les invite à « s’engager de manière plus approfondie sur les moyensd’anticiper et de gérer les restructurations », en envisageant les moyens pour « encouragerl’adoption des meilleures pratiques », dans le fonctionnement des CEE notamment. La dernièreconsultation sur la révision de la directive de 1994, ouverte en février 2008, traduit à son tourexplicitement ce couplage entre fonctionnement des CEE et gestion des restructurations àl’échelle européenne et ce dès les toutes premières lignes du texte :

« Des comités d’entreprise européens fonctionnent dans 820 entreprises, concernant14,5 millions de travailleurs. Ils sont au cœur du développement de relations sociales trans-nationales et aident à concilier les objectifs économiques et sociaux au sein du marchéunique. Après 11 années d’activité, l’ensemble des acteurs européens soulignent l’effetpositif de ces instances établies par la directive 94/45/CE et le rôle déterminant qu’ellesont à jouer dans l’anticipation et la gestion responsable du changement. Cependant, lesattentes à leur égard se sont accrues et sont loin d’être comblées. Leur potentiel reste tropsouvent inexploité, [. . .] notamment en ce qui concerne l’information et la consultation deces instances, particulièrement en cas de restructuration transnationale ».

Si le champ de compétences des comités européens ne se limite pas, formellement, aux situa-tions de restructurations, celles-ci font donc bien, et de plus en plus, figure de test pour leursfonctions officielles d’information et de consultation, révélant avec une acuité singulière lesenjeux soulevés par l’exercice de ces fonctions. Ce recentrage sur les restructurations, expliciteau niveau de la politique sociale communautaire, conduit-il alors à une meilleure appropriationde la nouvelle instance représentative européenne par ses membres ?

1.2. Quelles information et consultation face aux restructurations ?

Le comité d’entreprise européen se réunit en règle générale une ou deux fois par an — endehors d’éventuelles réunions extraordinaires — pour permettre aux représentants des salariéseuropéens d’être informés et consultés par la direction générale de l’entreprise sur un ensembled’items économiques, financiers et sociaux, définis à titre indicatif et subsidiaire par la directivede 1994 et repris par la plupart des accords instaurant un CEE8. L’analyse lexicale de ces accordsmontre alors qu’ils insistent tout particulièrement sur les éléments relatifs aux divers processusde restructuration et à leurs conséquences sur l’emploi notamment : ils contribuent ainsi à ancrer

7 Cette consultation conjointe fait suite à deux premières consultations des partenaires sociaux européens : en jan-vier 2002 sur les restructurations ; en avril 2004 sur les CEE. Cette dernière est notamment justifiée par le fait que « larestructuration à grande échelle a été, pour les entreprises transnationales et leur personnel, l’enjeu primordial de ces deuxou trois dernières années [et que], le rythme des restructurations s’est accéléré avec la réaction de l’industrie au ralentis-sement de l’activité économique [créant ainsi] un climat général d’inquiétude face au processus de restructuration et à sesconséquences sociales » (Comités d’entreprise européens : vers l’optimisation du potentiel d’implication des travailleursau profit des entreprises et de leur personnel, Première phase de consultation des partenaires sociaux interprofessionnelset sectoriels communautaires dans le cadre du réexamen de la directive sur les CEE).

8 La directive de 1994 mentionne les items suivants relatifs à l’entreprise : « sa structure, sa situation économique etfinancière, l’évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation et l’évolution probable de l’emploi,les investissements, les changements substantiels concernant l’organisation, l’introduction de nouvelles méthodes de travailou de nouveaux procédés de production, les transferts de production, les fusions, la réduction de la taille ou la fermetured’entreprises, d’établissements ou de parties importantes de ceux-ci et les licenciements collectifs » (annexe, § 2).

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la fonction et les finalités du CEE dans la perspective des restructurations que pourrait connaîtrel’entreprise ou le groupe en question9.

Une étude menée en 2005 auprès de membres de CEE indique cependant que l’informationtransmise à ces derniers concerne plus fréquemment les résultats et la situation passés del’entreprise que des projections sur son avenir, sur les questions d’emploi en particulier(Waddington, 2007). Plus de 75 % des répondants signalent, par ailleurs, une information-consultation tardive et insuffisante, si ce n’est absente, sur les projets de restructurations avancéspar les directions. L’articulation entre le moment de l’information-consultation et le processusdécisionnel dans l’entreprise représente donc un premier enjeu de taille pour la définition d’uneinformation pertinente pour les représentants des salariés, auquel les notions d’« effet utile » dela démarche et d’information « en temps utile » introduites par la jurisprudence Vilvorde10 seréfèrent expressément.

Maîtriser l’ordre du jour des réunions représente un deuxième enjeu. Dans 90 % des accords,la fixation de l’ordre du jour est confiée conjointement à la direction de l’entreprise et aux repré-sentants des salariés, souvent à travers le bureau ou comité restreint du CEE11. Une forte tensionapparaît cependant entre la volonté d’assurer grâce au comité européen une compréhension géné-rale de l’activité, de l’organisation et de la stratégie de l’entreprise et celle de répondre aux attentessingulières des salariés, liées notamment aux projets de restructuration et à leurs conséquencessociales. La question posée est ainsi celle de la hiérarchisation des thèmes et des dossiers à traiter,dans une instance qui au final se réunit peu et pour une durée limitée.

« L’année dernière, ils nous ont présenté le marketing. . . mais ils ont laissé durer. J’ai dit“Attendez voir, vous nous présentez les marques, nous on veut bien, mais ca fait deux heuresqu’on est là-dessus : abrégez !” Et quand on arrive à 13 h 30 après le repas, on commenceseulement les questions, les gens, ils commencent à regarder leur montre parce qu’ils ont leuravion, les taxis attendent. . . » (Représentant francais, CGT, CEE d’un groupe américain,textile-habillement, 2005).

Comme le montrent ces propos, la nature et la qualité des informations sont en effet jugéesnon seulement en elles-mêmes, mais aussi au regard des contraintes matérielles qui pèsent sur ledéroulement de ces réunions, organisées sur une à deux journées. La maîtrise des ordres du jourse double ainsi d’une nécessaire maîtrise du déroulement de la réunion elle-même : il se peut quel’information ne manque pas (en quantité), mais reste « insuffisante » aux yeux des représentantsdes salariés s’ils ne peuvent aisément se l’approprier ou la discuter. En ce sens, une informationabondante est parfois jugée peu utile par les membres du CEE, car trop dense et finalementdifficilement saisissable et utilisable par les salariés et leurs représentants.

9 L’analyse lexicale des accords met au jour sept registres d’écriture, regroupés en trois pôles qui répondent auxquestions : pourquoi un comité d’entreprise européen (pôle 1), qu’est-ce qu’un comité européen (pôle 2) et commentfonctionne un CEE (pôle 3). Si le terme même de « restructuration » est peu employé dans les accords, c’est à l’un desregistres du pôle 1, consacré à la définition du champ de compétences de l’instance, qu’il est le plus fortement associé.10 En 1997, le CEE du groupe Renault obtient auprès du tribunal de Nanterre et de la Cour d’appel de Versailles la

condamnation de la direction du constructeur francais pour n’avoir pas informé et consulté son CEE préalablement àl’annonce de la fermeture de son site belge de Vilvorde. Sur cette action en justice et ses suites : Didry, 2001.11 Cette pratique tend à se généraliser avec le temps : la proportion d’accords confiant la fixation de l’ordre du jour à la

seule direction diminue ; celle d’accords la confiant aux seuls salariés reste stable, mais très limitée (Carley et Marginson,2000).

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« C’est vrai que la direction, quand elle vient, elle donne des informations, des documentsassez travaillés, sur les décisions stratégiques, etc. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est denous en donner beaucoup et donc parfois de nous noyer. . . Il faut toujours qu’il y ait desgens qui restent lucides pour poser des questions. Parce que la boîte vous emmène là oùelle veut, elle veut avoir des discussions et pas forcément là où ce serait souhaitable d’enavoir. . . » (Représentante francaise, SUD, CEE d’un groupe francais, télécommunications,2005).

Cela soulève alors la question du traitement de ces informations et celle du recours à l’assistanced’experts extérieurs, susceptibles d’aider les membres du CEE à analyser les données recueillies.Si la quasi-totalité des accords conclus après 1996 mentionnent la possibilité de recourir à unexpert (Carley et Marginson, 2000), savoir comment articuler le recours à l’expertise, la procédured’information-consultation et le processus décisionnel dans l’entreprise peut se révéler délicat,notamment lorsqu’un projet de restructuration est en cours12.

Enfin, ce qui compte, c’est parfois moins le contenu même de l’information que ce qu’ellesignale aux représentants des salariés sur la facon dont leur entreprise est gérée — ou du moinsce qu’ils en infèrent. Ainsi, l’absence d’information du CEE sur des opérations de restructura-tion envisagées gêne certains représentants non seulement parce qu’elle enfreint les règles defonctionnement de l’instance — et les empêche d’anticiper au mieux une fermeture de site oudes licenciements massifs — mais aussi parce qu’elle signalerait un type de gestion dans lequelprimeraient des décisions de court terme et un manque de lisibilité et de prévisibilité à plus longterme : comme le dit une représentante francaise de la CFDT, après la fermeture d’un site de songroupe non annoncée en réunion du CEE, « ce qui est un petit peu inquiétant », c’est qu’« on diraitque les décisions sont prises au jour le jour ».

Si les situations de restructuration rendent ainsi plus aigus les problèmes posés par l’exercicedes fonctions d’information et de consultation du comité européen, rapporter le CEE à ces (seules)questions risque aussi pour certains de nuire à sa légitimité, en soumettant l’instance représentativeaux situations de crise et d’urgence au lieu de l’engager dans un « travail de fond » plus suivi, quiprenne pour objet des questions sociales (santé-sécurité13, formation, égalité homme-femmes...)ou environnementales, à même de donner au CEE une portée plus générale (Béthoux, 2004).

Il reste que le développement des CEE se trouve de plus en plus souvent associé, dans lesdiscours comme dans les pratiques, aux restructurations transnationales qui touchent les groupesdans lesquels les CEE sont mis en place. Si tel est le cas, c’est aussi du fait que ces dernièrespèsent sur la construction, déjà difficile, du collectif que constituent les membres du comité.

2. De la représentation des salariés européens. . .

Le comité d’entreprise européen s’incarne avant tout dans le collectif que constituent sesmembres : il existe une fois ses 20 ou 30 membres désignés pour représenter les quelques milliersou dizaines de milliers de salariés que l’entreprise ou le groupe compte en Europe14, et lorsque

12 Voir, par exemple, les divergences d’interprétation entre direction et représentants des salariés sur le sens à donner àl’expertise lancée par le CEE du groupe métallurgique étudié, dans le cadre des restructurations européennes de 2003 à2005 (Béthoux, 2008).13 Sur le traitement des questions de santé et de sécurité des salariés au sein des CEE : Walters, 2000.14 En octobre 2008, d’après la base de données de l’Institut syndical européen, 37 % des CEE sont en place dans des

entreprises ou groupes comptant moins de 5000 salariés dans l’Espace économique européen, 17 % dans des entreprises

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ceux-ci se rassemblent pour les quelques réunions d’information et de consultation que l’instancetient chaque année15. Se demander quels sont les fondements sur lesquels se bâtit ce collectifconduit alors à dégager divers facteurs de division, qui semblent à première vue créditer l’idéed’un « régime concurrentiel » défendue par les tenants du « pluralisme européen ». Cependant,cela conduit à reconnaître parallèlement que les acteurs impliqués dans le CEE sont largementconscients de tels risques et s’efforcent de les surmonter. L’enjeu pour une instance représentativecomme le comité d’entreprise européen est alors, en dépit de la diversité qui caractérise sesmembres et de l’instabilité dans laquelle le placent les situations de restructurations, de parvenir àpasser d’une logique additive — le CEE comme somme des représentants des salariés européensdu groupe — à une logique intégrative — le CEE comme lieu de la représentation européenne deces salariés.

2.1. Construire l’unité dans la diversité

Que l’institution soit définie, par l’accord qui lui donne naissance, ne signifie pas que le collectifque constituent ses membres se trouve spontanément créé, notamment en raison des attributs fortdivers qui caractérisent les représentants des salariés amenés à siéger (Béthoux, 2007b).

Parce que la directive de 1994 a fait le choix de s’en remettre aux pratiques et législationsnationales pour définir les modalités de désignations des membres du comité européen, ces derniersy accèdent par des voies diverses et non nécessairement syndicales. Dans cette perspective, ce quiprime à première vue, c’est la fonction que l’on doit exercer, le mandat que l’on se voit confier— être représentant des salariés au comité d’entreprise européen — et non le mode d’investiture(élective ou syndicale) par lequel on y accède. Cette diversité de statuts pèse néanmoins surla légitimité que les membres du CEE se reconnaissent et sur la confiance réciproque qu’ilss’accordent. Certains dénoncent ainsi l’« opacité » qui caractérise le choix d’autres représentants,notamment de ceux venant de pays dont les systèmes de relations sociales leur sont moins familiers,comme les Pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Ce qu’ils craignent alors, c’est qu’ilsaient été choisis pour siéger au CEE non par les salariés et leurs représentants locaux, mais par lesdirections elles-mêmes. Un exemple caricatural nous en est donné par ce syndicaliste francais, àpropos de la représentante des PECO qui siège en tant qu’observatrice au CEE de son groupe :

« C’est la secrétaire de direction. On ne la rejette pas, mais la première s’est mariée avecl’ancien directeur ! Alors la deuxième, je ne sais pas. . . elle est gentille, mais elle a étéaccueillie directement par le groupe à Roissy, emmenée dans les locaux directement, ilsl’ont briefée un petit peu et nous, on ne pouvait rien savoir ou alors dès qu’on lui posait des

ou groupes comptant entre 5000 et 10 000 salariés et 42 % dans des entreprises ou groupes ayant plus de 10 000 salariésen Europe. La mise en place des CEE est à rapporter non seulement à la taille de l’entreprise, mais aussi à son degréd’internationalisation. Ainsi, dans 59 % des cas, l’entreprise est présente dans plus de dix pays, dans 28 % des cas entrecinq et dix pays et dans 11 % des cas dans moins de cinq pays. Le nombre de représentants siégeant au CEE augmenteavec la taille de l’entreprise et son degré d’internationalisation. Si près de la moitié des CEE prévoit d’avoir entre dixet 20 membres et 25 % d’entre eux entre 20 et 30, seuls 10 % en comptent respectivement moins de dix et plus de 30(Kerckhofs, 2006).15 Sur les accords conclus à ce jour, 79 % prévoient une seule réunion plénière annuelle du CEE, 14 % en prévoient

deux et 1 % seulement trois ou plus, 16 % des accords ne donnant pas d’information sur ce point. La proportion d’accordsprévoyant plus d’une réunion annuelle augmente avec le temps. En revanche, il n’y pas de corrélation claire entre le nombrede réunions annuelles, d’une part, et la taille et le degré d’internationalisation de l’entreprise, d’autre part (Kerckhofs,2006).

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questions, elle se plaignait auprès de la DRH qu’on la harcelait de questions ! » (Représentantfrancais, CGT, CEE d’un groupe américain, textile-habillement, 2005).

La singularité des expériences en matière d’activité représentative qu’ont connues jusque-là, dans leurs pays et leurs sites respectifs, les membres du CEE redouble dans certains cascette possible méfiance. Ces différentiels d’expériences tiennent non seulement à la diversitédes traditions syndicales et représentatives nationales en Europe, mais aussi à la structurationéconomique spécifique de certains groupes. Dans le secteur des télécommunications par exemple,l’internationalisation des anciens opérateurs publics nationaux fait se côtoyer les salariés desentreprises « historiques », avec leurs métiers et leur tradition syndicale bien ancrée, et ceux des« jeunes » entreprises, les « prestataires de service », où la nature des relations sociales et le poids dela syndicalisation sont tout autres. Les conditions dans lesquelles se sont déroulés nos entretiensavec les représentants de ce secteur illustrent elles-mêmes cette distinction : les représentantsfrancais, de la maison-mère, nous ont recue chacun dans les locaux syndicaux de leurs fédérationsrespectives, contrairement, par exemple, à la représentante de la filiale britannique, non syndiquée,que nous avons rencontrée sur son lieu de travail, lors d’un entretien qui s’est déroulé dans lespacieux hall d’entrée de l’entreprise16. Représenter les salariés d’un groupe multinational dontles activités productives sont diversifiées, et relèvent parfois de secteurs d’activité éloignés, rendégalement difficile la construction du collectif sur la base d’une identité professionnelle commune.

Face à la pluralité de ces facteurs d’identification, l’enjeu, pour un représentant donné, estalors de pouvoir identifier, classer, rapporter à des catégories connues les différents représentantsavec qui il ou elle va devoir travailler17. Or un facteur domine souvent cet exercice de catégorisa-tion entre représentants : celui de l’appartenance nationale. Les membres du comité européen sereconnaissent d’abord par le pays que chacun représente avec, derrière lui, un système de relationssociales donné. Ce facteur joue doublement.

Il agit en premier lieu par le jeu des affinités, réelles ou supposées, entre représentants issus detraditions syndicales nationales jugées plus ou moins « proches ». Les propos de cette syndicalistefrancaise l’illustrent clairement : à l’issue de sa première réunion au CEE, elle dessine la cartedes positions des membres du comité autour d’une ligne de clivage distinguant un pôle allemandet un pôle francais. Pour rendre compte de ces « affinités », elle porte une attention particulière àla dimension revendicative plus ou moins affirmée des représentants considérés.

« Il y a les pro-Allemands et les pro-Francais. Même si ce n’est pas aussi tranché que ca.C’est bizarre. L’Espagne est plutôt sur la mouvance allemande [du fait des lois espagnolesoù il s’agit plus de discuter et moins de revendiquer, de faire des grèves ou d’aller enjustice]. Et même les Italiens. Les Anglais, eux, c’est un peu des satellites, ils sont suraucune mouvance, ils dénoncent tout et ils acceptent tout. Mais ils n’ont pas de droits chezeux, donc là c’est un peu pour se défouler au comité européen. Les Belges sont plutôt avecles Francais, les Suisses sont bien allemands. . . mais revendicatifs. Les Slaves, la Roumanie,la Pologne, plutôt avec les Francais. Les Suédois, ils ne disent rien, mais ils discutent plutôt

16 Les cartes de visite remises par ces interviewés signalent également différents modes de présentation et d’identification :cartes syndicales pour les uns (représentants francais et espagnols) et professionnelles pour les autres (même lorsqu’ilsoccupent des fonctions syndicales, comme la représentante belge).17 Michael Whittall décrit ainsi l’intégration au sein du CEE de BMW des représentants des salariés britanniques

de Rover : « Dès la première rencontre entre représentants des salariés britanniques et allemands, à Munich, en sep-tembre 1994, il fut très difficile pour les délégués de Rover d’identifier (categorize) le rôle des membres allemands duCEE et de finir par accepter ce qu’on nomme un “syndicalisme coopératif” » (Whittall, 2000, p. 71, notre traduction).

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avec la coordinatrice [de la Fédération européenne des métallurgistes]. Mais bon, ce n’estpas si tranché, tout ca, c’est des non-dits » (Représentante francaise, CGT, CEE d’un groupefrancais, métallurgie, 2004).

En second lieu, le facteur national est rapporté au poids respectif des différentes délégationsnationales qui siègent au CEE. Dans ce cas, ce sont moins les affinités entre représentants de telleet telle délégations qui sont mises en avant que la structuration même de l’instance transnatio-nale, et les équilibres, ou déséquilibres, observés en son sein. Cela joue singulièrement dans lesgroupes qui, tout en étant fortement internationalisés, conservent l’essentiel de leurs effectifs dansle pays de la société-mère18. C’est ce qui ressort de la remarque suivante, avancée par un repré-sentant CGT au CEE d’un grand groupe francais qui compte alors 20 représentants francais et dixétrangers :

« De toutes facons, il suffit de regarder les comptes-rendus, les interventions des délégationsétrangères, elles sont plus que restreintes. Alors, on nous a longtemps expliqué que c’étaitdû à la perception qu’ils avaient de ce type d’institution, mais je pense qu’ils ne sont pas plusinaptes à la critique que nous. . . Donc ca vaudrait le coup de comparer d’ailleurs, les niveauxd’intervention d’une délégation francaise dans un groupe à majorité allemande, anglaise. . .pour voir si c’est les mêmes types de passivité [. . .]. C’est pour ca moi, les interventionsqu’on peut faire dans les séances, je teste. Au dernier comité européen, je me suis tué pendanttous les débats à appuyer sur les bons boutons pour que ca déclenche quelque chose chezles représentants étrangers. J’ai réussi avec un Belge, mais bon » (Représentant francais,CGT, CEE d’un groupe francais, 2002).

Rejetant pour sa part une explication de type culturaliste (la tradition revendicative francaisevs la tradition consensuelle des représentants étrangers), c’est à la position dominante de la délé-gation francaise que ce représentant syndical rapporte le déséquilibre observé. Son interrogationrelative à la comparaison avec les situations présentes dans d’autres entreprises, donc détachéesde la configuration nationale propre à son groupe, montre qu’il s’agit bien à ses yeux d’un effetde structure. Il voit alors dans l’institution de votes lors des réunions du CEE le moyen de pallierla faiblesse de ces prises de parole en obligeant les représentants étrangers, même moins nom-breux et moins familiers des échanges avec la direction centrale du groupe, à s’exprimer. Cetteproposition soulève un point capital : à l’obligation d’informer et de consulter les représentantsdes salariés à laquelle doivent se soumettre les directions lors des réunions du comité européen necorrespond pas, pour ces mêmes représentants, une « obligation de s’exprimer », de débattre oude répondre. Dès lors, comme cet exemple le montre, la construction d’une telle « expression »n’a rien d’évident : elle repose au contraire sur la capacité qu’auront les membres du comitéd’entreprise européen « de faire émerger un collectif dans des situations qui (n’)y prédisposent »pas, en tenant compte du « caractère non immédiat de la reconnaissance de soi comme membre dugroupe, [de] la difficulté à rendre congruente cette identification par rapport à des identifications

18 Les méthodes de sélection et de répartition des sièges en fonction des effectifs de chaque pays sont relativementcomplexes et diffèrent d’un accord à l’autre. On peut toutefois noter qu’un nombre croissant d’accords reprend la for-mule proposée par la directive de 1994 (un siège par pays où opère le groupe, les autres étant répartis en fonction deseffectifs nationaux), plutôt que de recourir à une répartition strictement proportionnelle aux effectifs. Ce fait, corrélé àun abaissement du seuil de salariés à partir duquel un pays peut être représenté au CEE (65 salariés en moyenne dansles accords conclus après 1996), conduit alors à « des structures de CEE plus uniformes, accordant moins de poids auxgrands effectifs nationaux » (Carley et Marginson, 2000, p. 29).

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alternatives ou concurrentes », pour reprendre les termes employés par Catherine Paradeise dansun autre contexte19.

Or une telle construction prend du temps, notamment dans une instance qui se réunit peufréquemment. Revenant sur l’expérience du comité européen de son groupe, dont il a été secrétairependant plus de dix ans, un syndicaliste CFDT reconnaît ainsi qu’« il faut bien six, sept ans pourarriver à un fonctionnement régulier du CEE, pour parvenir à surmonter les clivages nationaux ».Mais il ajoute rapidement « enfin, sauf si des restructurations perturbent ce fonctionnement. . . ».

2.2. Les restructurations transnationales comme facteur d’instabilité

Les restructurations que connaissent les entreprises multinationales représentent en effet un fac-teur d’instabilité susceptible de rendre plus délicate encore la construction du collectif qu’incarnele CEE. Cette instabilité tient à trois éléments principaux.

Le premier renvoie à la composition même de l’instance transnationale, que peuvent affecterles variations du périmètre de l’entreprise nées des restructurations engagées. Qu’une filiale soitcédée, ou au contraire achetée, ce sont alors autant de membres du CEE qui risquent de devoirquitter ou rejoindre l’instance, perturbant ainsi les équilibres nationaux et les relations interper-sonnelles qui avaient été trouvées et nouées au sein du comité. Dans certains cas extrêmes que nousavons rencontrés (groupe chimique et groupe audiovisuel), la stratégie de « déseuropéanisation »des activités conduite par la direction tend à vider le comité européen de sa substance, voire à lepriver, au final, de sa raison d’être. Les propos suivants montrent bien le parallèle que les repré-sentants des salariés dressent alors entre l’évolution du groupe et les transformations du CEE quien découlent :

« Quand le comité européen a été mis en place en décembre 2001, l’accord était basé surun effectif Europe de 15 300 salariés, dont 10 000 en France. Aujourd’hui, à moins que caait encore évolué, on doit être moins de 10 000 en Europe, 9000, dont 5000 en France.Donc ca veut dire, c’est un peu à la hache, qu’on a pratiquement divisé les effectifs pardeux en six ans. [. . .] Quand on regarde le comité européen, on devait être 12 pays, onest six aujourd’hui. [. . .] De toutes facons, on peut considérer qu’il n’y a plus de comitéeuropéen. . . avec la restructuration, il reste une dizaine, une douzaine de sites en France, unsite en Allemagne, un en Pologne, deux en Italie, un en Espagne et puis deux en Angleterre.[. . .] Sauf qu’à l’époque y avait plus de sites, il y avait dix sites en Angleterre, une demi-douzaine en Italie, y avait la Slovaquie. . . Alors, c’est vrai que c’était pas des sites très, trèsimportants en effectifs, c’était des petits sites. Mais quand même en termes de groupe, onsent que c’est un groupe qui s’est délité » (Représentants francais, CFDT, ancien et actuelsecrétaires du CEE, groupe francais, chimie, 2008).

Le deuxième élément renvoie à l’argument central de la thèse du « pluralisme européen » : lestensions qui naissent de la mise en compétition des sites européens d’un même groupe. Dansun tel contexte, représentants des salariés et syndicats risquent de mettre le comité d’entrepriseeuropéen et les informations qu’ils y obtiennent au service non de la solidarité ou de l’entraidetransnationale mais de la défense des intérêts locaux. C’est la thèse que défend, par exemple, Bob

19 C. Paradeise (1990, p. 112) à propos d’un article d’Anni Borzeix et Danièle Linhart sur les enjeux de « l’obligationd’expression » observés dans le cadre du « droit d’expression directe des salariés » introduit en France par les lois Aurouxde 1982.

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Hancké à propos du secteur automobile, caractérisé par une forte internationalisation et par desmarchés incertains (Hancké, 2000). On peut toutefois d’ores et déjà noter que plusieurs contre-exemples, pris dans ce même secteur, conduisent à nuancer ces conclusions et à s’écarter d’unevision trop mécaniste et déterministe de ce phénomène. Si les pressions poussant à la concurrenceentre sites sont réelles, et parfois fortes, elles n’induisent pas nécessairement un repli des membresdu comité européen sur leurs intérêts particuliers : les exemples de Renault, BMW et Rover, ouplus récemment ceux de Ford et General Motors (da Costa et Rehfeldt, 2007), montrent que cesacteurs cherchent et parviennent aussi, grâce au CEE, à surmonter clivages nationaux et rivalitésentre sites (infra, § 4).

Le troisième élément, enfin, tient aux possibles désaccords entre membres du CEE quantau choix des moyens d’action à mettre en œuvre pour s’opposer, le cas échéant, au projet derestructuration avancé. Au-delà des questions de fait que l’organisation d’une action d’envergureeuropéenne menée par le CEE représente (en termes de moyens matériels de communication,de transport, de coordination. . .), peuvent se faire jour des dissensions liées à des questions devaleur, relatives aux types mêmes d’actions collectives privilégiés par les différents représen-tants européens. Ces propos, tenus à l’occasion d’une manifestation européenne organisée parle CEE de ce groupe à Bruxelles, suite à l’annonce d’une fusion par la direction, l’illustrentbien :

« On a dit : on va commencer à préparer ce qu’on appelait. . . On a mis longtemps à trouverles mots. . . une “journée de protestation et de manifestation”. Fallait que ca corresponde,avec tous les pays, ce qui n’était pas simple. . . d’autant qu’on venait de “toucher” nos amisscandinaves [. . .] qui n’avaient absolument pas la même expérience de luttes revendicatives.Eux, c’est plus. . . ils bloquent des standards téléphoniques, plutôt que d’aller faire des mani-festations dans la rue, quoi. Donc, c’est toujours compliqué de trouver un moyen terme »(Représentante francaise, CGT, ancienne secrétaire du CEE, groupe francais, métallurgie,2002).

3. . . . à la représentation européenne des salariés

À l’encontre de ces facteurs de division ou d’instabilité, qui pèsent sur le passage d’unereprésentation des salariés européens du groupe à une représentation européenne de ces sala-riés, on observe des pratiques tournées vers le renforcement de l’unité du nouveau collectifet l’affirmation de sa vocation proprement européenne. Nous en donnons ci-dessous deuxexemples.

3.1. Se former à l’Europe : un double enjeu

Un premier facteur réside dans les formations qui s’adressent aux membres des CEE.L’une des deux sessions de formation destinées à des membres de comités européens quenous avons observées montre bien comment ce type de manifestation contribue à l’affirmationd’une représentation européenne des salariés de l’entreprise, en jouant sur deux leviers princi-paux.

La session, d’une journée, réunit la quasi-totalité des représentants des salariés européensdu CEE d’un groupe francais, dans le cadre des journées de formation annuelles prévues dansl’accord et financées par la direction. Elle prend la forme d’une présentation assurée par un expertdevant transmettre aux auditeurs un ensemble de connaissances relatives aux différents systèmes

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de relations professionnelles en Europe et notamment ceux des pays où opère le groupe20. Lecontenu de la formation se lit dans les quelques 130 pages des trois documents (en francais)transmis aux participants sous le titre général Information, consultation, participation des salariésen Europe21. L’objectif premier de cette formation apparaît donc clairement à travers ces supports :d’une meilleure connaissance des différents systèmes de relations professionnelles nationaux quicoexistent en Europe, il est attendu que les participants retirent une meilleure compréhensionde la diversité des droits et mécanismes sur lesquels reposent le comité d’entreprise européen etl’exercice de leur fonction commune de représentant. L’idée est qu’ils seront alors plus à même,dans un premier temps, de situer les attentes et les positions de chacun d’entre eux, puis dansun second temps, de construire sur cette base, en interne, des échanges et un dialogue fructueux.Ainsi, lorsque le représentant britannique interroge la formatrice pour savoir s’il serait utile que lesmembres de leur CEE discutent avec ceux d’autres comités, il lui est répondu que ce qui compte,c’est « d’abord de s’informer mutuellement au sein du CEE ». De même, lorsqu’il déplore quebien que le CEE ait « officiellement pour rôle l’information et la consultation », il n’observe pourl’instant ni l’une ni l’autre, elle lui donne raison tout en ajoutant rapidement : « . . . mais il y adéjà des échanges entre vous et ca c’est très important ». L’un des enjeux de la formation est doncd’aider à l’établissement d’échanges entre représentants et de favoriser ainsi la création de cecollectif d’un genre nouveau qu’est le comité européen.

Parallèlement, il est aussi de faire prendre conscience de l’importance que doit revêtirl’investissement de chacun dans cette instance transnationale, pour qu’elle prenne vie et puissefonctionner de facon satisfaisante pour tous. On retrouve là la double fonction que dégage HélèneMichel de son observation comparative de stages de « formation à l’Europe » à destination desyndicalistes nationaux et de cadres d’entreprise : il s’agit « d’une part, de familiariser le public àl’Europe en lui donnant accès à des connaissances qui lui feraient défaut, et d’autre part, de rap-peler et de justifier le nécessaire investissement collectif et individuel dans ce domaine » (Michel,2005, p. 6). De ce fait, si ces formations contribuent au passage d’une représentation des salariéseuropéens à une représentation européenne des salariés du groupe, ce n’est pas seulement parune connaissance accrue et affinée des systèmes de relations professionnelles nationaux, maisc’est aussi, par un second levier, en invitant les participants à développer une réflexion collectivesur ce qu’est une instance comme le comité européen et sur le sens et l’intérêt que revêt leurengagement commun en son sein. Au-delà des échanges sur les règles et les pratiques nationalesen matière de relations sociales22, c’est in fine la question du rôle et des capacités d’action du

20 Elle correspond en ce sens au second type de formations adressées aux syndicalistes et représentants des salariésen Europe identifié par John Stirling (2004). Un premier type, plus fréquent dans le cadre des formations proprementsyndicales, repose sur des méthodes participatives qui visent à recueillir les témoignages des personnes réunies et à fonderles échanges sur leurs expériences respectives. Le second type, renvoyant plutôt aux formations observées dans le cadredes CEE, est plus proche de la conférence magistrale que du séminaire de travail en ce qu’il repose sur l’intervention d’unexpert, chargé d’apporter aux participants un certain nombre de connaissances jugées nécessaires à l’exercice de leursmandats.21 Les présentations s’appuient cependant moins sur ces documents, destinés à être consultés ultérieurement, que sur

la copie en couleur de sept cartes d’Europe présentant l’Union européenne et ses élargissements successifs, les tauxde syndicalisation des États membres et pays candidats, les niveaux de négociation collective qu’on y observe, le tauxde couverture conventionnelle, les formes de représentation dans l’entreprise, les droits d’intervention des salariés dansl’entreprise et les modalités de participation aux organes sociaux.22 Échanges qui sont largement situés, en ce qu’ils n’envisagent pas seulement des considérations générales sur tel ou

tel système national de relations professionnelles, mais les rapportent fréquemment au cas singulier du groupe considéréet à l’implantation de ses différentes filiales.

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comité d’entreprise européen qui préoccupe les participants et occupe l’essentiel des discussionsobservées. En offrant aux membres du CEE un temps pour discuter ensemble des raisons quiont présidé à la mise en place de leur comité, mais aussi de sa nature singulière (notamment parrapport aux instances représentatives nationales) et de la facon de le faire fonctionner et de lemobiliser, la formation contribue à l’appropriation progressive de l’instance transnationale parses membres.

3.2. Des entrepreneurs d’Europe

Un second facteur renvoie à l’action de certains membres du CEE, qui assument un rôle deleader de l’instance transnationale et cherchent à promouvoir une vision directement européennedes problèmes ou des enjeux rencontrés au sein du comité. Parce que leur action vise explicitementà imposer cette vision européenne aux membres du CEE et à rappeler à l’ordre ceux des représen-tants dont le comportement ou l’opinion resterait trop influencé par des référents nationaux, ils serapprochent de la figure de « l’entrepreneur de morale » initialement décrite par Howard Becker(1995 [1963]) : ils jugent la réaction nationale « déviante » par rapport au caractère transnationalet à l’ambition européenne de l’instance. Il s’agit ainsi pour eux, en s’investissant dans leur CEE,de jouer les « entrepreneurs d’Europe » pour défendre et faire avancer plus largement « la causede l’Europe ».

Cette défense de la nature et de la portée européennes du comité se manifeste ainsi principale-ment contre le maintien de référents nationaux trop fréquents ou trop explicites, dans les discourscomme dans les actes des membres de l’instance. L’organisation spatiale des réunions du CEEen donne une illustration parlante. Par habitude, affinité ou commodité, les représentants d’unemême délégation nationale siègent souvent côte à côte, de sorte que les places occupées par lesuns et les autres donnent à voir la composition du comité, pays par pays. Spontanée, une telleorganisation spatiale des réunions peut également être prévue et objectivée, comme le montrentles plans de table retrouvés dans les archives d’un des CEE étudiés (groupe francais). Plusieursprincipes d’organisation se font jour : direction d’un côté, représentants des salariés de l’autre, etparmi ces derniers, distinction entre les représentants francais, identifiés et regroupés en fonctionde leur appartenance syndicale, et les représentants étrangers, identifiés et regroupés en fonctionde leur appartenance nationale. Du plan de table ressort également la place singulière de la CFDT,majoritaire et détentrice du poste de secrétaire du CEE, qui à la table en U fait directement faceà la direction. Un syndicaliste francais d’un autre groupe rapporte à cet égard l’initiative entre-prise dans le comité où il siège pour refuser cette règle implicite et « se mélanger tous autourde la table » : s’il s’agit ainsi de déstabiliser la direction et de se réapproprier symboliquementl’espace des réunions, l’objectif est bien aussi de faire du CEE le lieu d’une représentation pro-prement européenne des salariés, devant laquelle le principe de l’identification nationale doits’effacer.

Ces « entrepreneurs d’Europe » se caractérisent alors souvent par un itinéraire personnel, fami-lial ou professionnel qui renvoie à ce que l’on pourrait appeler une « culture transnationale », jouanten faveur de leur « ouverture européenne » et du dépassement du seul critère national de référence.Dans l’un des comités étudiés, plusieurs membres présentaient de tels traits, expliquant, en partiedu moins, la bonne qualité des échanges observés au sein de ce CEE pourtant récemment créé :une représentante de la CFDT est italienne ; la représentante de la principale filiale britanniqueest une Francaise, mariée à un Anglais et vivant en Angleterre depuis 20 ans ; la représentantebelge est mariée à un Anglais depuis dix ans, a travaillé deux ans en France comme travailleur

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transfrontalier et se dit prête à revenir travailler en France dans l’avenir23. De ce fait, les identitésnationales, qui priment souvent dans la structuration initiale du nouveau collectif, se trouvent iciquelque peu brouillées, autorisant un passage plus rapide et plus aisé à la dimension proprementeuropéenne du comité. On retrouve là un des traits relevés par Anne-Catherine Wagner (2004)dans son étude sur les conditions sociales de l’internationalisation des militants syndicaux : lerecours à ces ressources originales dont disposent les représentants travailleurs transfrontaliersou issus de l’immigration.

De ce fait, ces représentants présentent leur désignation au comité européen comme allantd’une certaine facon de soi, notamment en raison de leur maîtrise des langues étrangères : c’estle cas en particulier de cette représentante, francaise, du Royaume-Uni, qui dit avoir été élue aucomité d’entreprise européen essentiellement parce qu’elle parlait francais et anglais. De la mêmefacon, la représentante belge dit devoir son siège au bureau du CEE au fait qu’elle parle couram-ment les deux langues. Or cette compétence linguistique en fait un personnage-pivot dans lesrelations qui s’établissent entre les membres du CEE : les représentants ne disposant pas de tellescompétences font, par exemple, appel à elle pour traduire les messages qu’ils souhaitent adresserà l’ensemble des membres de l’instance transnationale. Du fait de leurs dispositions personnelles,les « entrepreneurs d’Europe » gagnent donc une position singulière au sein du comité : grâce àelle, ils contribuent à rendre l’existence de l’instance transnationale plus dense (en facilitant leséchanges entre représentants, en dehors des réunions notamment), plus continue (en initiant, parexemple, la mise en place d’un site internet consacré au CEE, comme dans le cas du groupe destélécoms) et plus concrète (en organisant des visites sur les sites pour présenter le CEE et son actionaux salariés du groupe, comme nous l’avons observé dans le groupe du secteur de la métallurgie).

Les formations recues par les membres de CEE, comme la force de certains engagementspersonnels, contribuent donc à faire du CEE un acteur proprement européen. Si les restructurations,nous l’avons vu, perturbent dans certains cas ce processus, nous examinons pour finir l’hypothèseselon laquelle c’est aussi dans l’action collective, que ces restructurations précisément suscitent,que la constitution du comité européen comme acteur collectif s’affirme.

4. Mobiliser le comité d’entreprise européen : vers l’affirmation d’un acteur collectifeuropéen

Par les mobilisations de l’instance transnationale qu’elles provoquent, les situations de restruc-turations mettent au jour et permettent la reconnaissance de l’existence du comité d’entrepriseeuropéen, y compris aux yeux des salariés qu’ils représentent. Elles s’accompagnent aussi, pourles membres du comité européen eux-mêmes, d’un travail d’exploration des capacités de cetteinstance transnationale qui s’appuie, d’une part, sur l’expérience et l’assistance des fédérationssyndicales européennes (FSE) et passe, d’autre part, par un renouvellement et une européanisationdes registres de l’action collective.

4.1. L’action des fédérations syndicales européennes : construire un « point de vueeuropéen » et des actions communes

Si plusieurs FSE n’ont pas attendu l’adoption de la directive de 1994 pour s’intéresser auxcomités européens et soutenir leur développement, cette adoption a représenté pour elles une

23 Qu’une part significative des membres de ce CEE soit des femmes est une autre spécificité de ce comité (secteur desservices).

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forte incitation à travailler davantage dans cette direction. Leur investissement croissant dans lechamp des CEE les a alors conduites à redéfinir leurs priorités et à réorganiser leurs structuresinternes en conséquence : les FSE se sont dotées de commissions ou groupes de travail dédiésaux CEE pour repérer les entreprises du secteur concernées par la directive (via la constitutionde bases de données), assister leurs affiliés engagés dans des négociations visant à instaurer desCEE (en proposant, par exemple, des « lignes directrices » ou des modèles d’accords) et faciliterles échanges sur ce thème entre les syndicats nationaux relevant du secteur (Dølvik, 1999).

Le développement des CEE varie néanmoins d’un secteur à l’autre, en fonction del’investissement de la fédération syndicale concernée certes, mais aussi de la taille et du degréd’internationalisation (comme de son ancienneté) des entreprises et groupes qui constituent cha-cun d’eux. Le taux d’application de la directive est ainsi le plus élevé dans la métallurgie (41,1 %),la chimie (40,5 %), l’agro-alimentaire (38,2 %) et le bâtiment (37,8 %) ; moindre (inférieur à 26 %)dans le textile, le transport, et surtout dans les services, qui représentent cependant, après la métal-lurgie, le secteur comptant le plus d’entreprises entrant dans le champ de la directive de 1994(Kerckhofs, 2006).

Pour encourager et accompagner le développement des CEE, certaines FSE ont alors misen place des réseaux de « coordinateurs » chargés de suivre les négociations des accords et lefonctionnement des CEE du secteur. La Fédération européenne des métallurgistes (FEM), l’unedes plus actives dans ce domaine, a ainsi formalisé dans une résolution de 2000 le rôle qu’elleentend faire jouer à ses « coordinateurs »24. Affirmant que « la présence syndicale est essentiellepour faire du CEE un groupe cohérent et ancrer la perspective syndicale européenne », la FEMavance qu’un « coordinateur syndical sera nommé pour chaque CEE », qu’il « servira de point decontact entre le CEE et la FEM » et sera charger de « veiller au développement positif du CEE enassistant celui-ci, notamment dans la phase initiale et en favorisant la cohésion du groupe ». Larésolution insiste sur la nécessité pour le coordinateur syndical d’adopter toujours « une positioneuropéenne », afin que le CEE développe « un profil réellement européen ». Par ailleurs, si « lecoordinateur devrait de préférence avoir une expérience de l’entreprise avec laquelle il traite »,cela ne signifie pas nécessairement qu’il en soit un salarié ou un représentant syndical. Ce quiimporte, c’est avant tout que le coordinateur endosse à son tour, du fait de son positionnementinstitutionnel, le rôle d’un « entrepreneur d’Europe », œuvrant pour l’unité et l’identité européennedu comité et qu’il renforce parallèlement l’assise syndicale de ce dernier25.

Or cette double mission, européenne et syndicale, se fait jour notamment lorsque les CEE etleurs membres font face à des situations de restructuration. La FEM fait là aussi figure d’exemple.Recherchant les moyens d’apporter une « réponse européenne et coordonnée » aux restructu-rations, elle s’est dotée en 2006 d’un « manuel » sur « la manière de gérer les restructurationstransnationales d’entreprise », qui énonce « dix principes directeurs à suivre » en pareil cas26.L’implication du comité d’entreprise européen joue dans cette approche un rôle central, non

24 Résolution de la FEM sur le rôle des coordinateurs syndicaux et des organisations syndicales nationales vis-à-vis descomités d’entreprise européens constitués, Comité exécutif, 15–16/06/00.25 Si elle est souhaitée par la plupart des membres de CEE, qui recherchent l’assistance et l’expertise offertes par la

FSE pour créer et faire fonctionner une instance dont ils ne maîtrisent pas toujours les règles du jeu, l’intervention deces coordinateurs peut aussi être contestée, notamment, précisément, si le positionnement « européen » du coordinateurn’est pas clairement affirmé. Tel est le cas, par exemple, lorsque ce dernier occupe également des fonctions syndicales auniveau national et laisse apparaître cette appartenance syndicale nationale dans son travail auprès du comité d’entrepriseeuropéen.26 Mise sur pied d’un système d’alerte rapide ; respect total des droits à l’information et à la consultation aux niveaux

national et européen ; instauration d’un groupe européen de coordination syndicale composé des syndicats impliqués, du

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seulement par la réaffirmation du nécessaire respect de ses droits d’information et de consulta-tion, mais plus encore par l’appel à sa mobilisation (pensée en étroite association avec celle dela fédération syndicale européenne), dont il est attendu qu’elle se déploie sur plusieurs fronts(coordination, communication, négociation, etc).

L’intervention des FSE pour encourager et soutenir les mobilisations des comités européensface aux restructurations transnationales signale donc deux éléments essentiels : d’une part, lecaractère pluriel des mobilisations du CEE, d’autre part, le mouvement d’européanisation desregistres d’action collective ainsi mobilisés.

4.2. L’européanisation des registres de l’action collective

Les membres du comité européen engagent un double travail d’exploration à travers ces mobili-sations : d’une part, découvrir les potentialités de l’instance représentative transnationale, au-delàde ses fonctions premières d’information et de consultation ; d’autre part, en mesurer la portéeeuropéenne, en expérimentant des formes d’action qui dépassent les seules frontières nationales.Et c’est par ce travail d’exploration qu’ils assoient plus fermement la légitimité de la nouvelleinstance représentative : en se l’appropriant tout d’abord, en démontrant ses capacités d’actionensuite, en réaffirmant sa nature européenne enfin. Cinq modalités de mobilisation, renvoyantà cinq rôles que peut endosser le comité européen, se dégagent alors des observations et entre-tiens menés lors de nos enquêtes auprès de groupes choisis précisément parce qu’ils étaient ouavaient été confrontés à des situations de restructuration variées (plan de redressement financier,fusion-absorption, privatisation et européanisation des activités)27.

La mobilisation collective, en premier lieu, passe par l’organisation de manifestations ou depétitions européennes, ou par des débrayages simultanés dans les sites européens du groupe.Elle confie ainsi au CEE un rôle de coordination des initiatives protestataires engagées par lessalariés et leurs représentants à l’échelle européenne. Dans cette perspective, il s’agit notammentpour le CEE de dénoncer la mise en concurrence entre sites qui peut caractériser la stratégie dela direction, pour mettre l’accent sur les menaces communes et les risques partagés qui pèsentpotentiellement sur ces derniers. C’est la rhétorique adoptée, par exemple, dans la pétition lancéeen novembre 2001 par le CEE d’un groupe métallurgique américain après l’annonce de la déloca-lisation et du transfert d’activités allemandes vers la Chine et la Pologne. Bien que l’Allemagnesoit le seul pays européen concerné, les membres du CEE mettent l’accent, d’une part, sur lavisée implicitement transnationale de la décision en cause (« 700 salariés Allemands sont mena-cés d’être licenciés [. . .] pour faire pression sur tous les salariés Européens »), et d’autre part,sur les conséquences transnationales qui en sont attendues (« Demain ce sera : . . . » avec mentionde sites francais et italiens). L’intervention du CEE, en tant qu’acteur européen, est donc ici unmoyen d’afficher et d’affirmer le caractère transnational — et non seulement national — de larestructuration engagée, en considérant tout à la fois les décisions prises, la stratégie dans laquelleelle s’insert et ses effets potentiels (Moreau, 2006).

CEE et du coordinateur de la FEM ; transparence totale des informations ; établissement d’une plateforme commune ;recherche de solutions négociées acceptables pour tous ; développement d’une stratégie de communication ; mise en placed’activités transfrontalières ; exploration de tous les recours juridiques pour garantir que les travailleurs sont entendus ;enfin, recours à un engagement contraignant.27 La mise en évidence de ces registres doit notamment beaucoup à l’étude des mobilisations du CEE du groupe

métallurgique, qui est celui dont l’expérience en matière de restructurations est à la fois la plus longue et la plus variée.L’étude de ce cas révèle ainsi une dynamique d’apprentissage qui conduit à un renouvellement et à un élargissementprogressif des registres d’action mobilisés par les membres du CEE (Béthoux, 2008).

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La mobilisation institutionnelle ou politique correspond elle plutôt à un rôle d’interpellation,qui vise à la fois à souligner les manquements observés dans la procédure d’information et deconsultation du comité européen, à faire connaître la position des salariés européens et de leursreprésentants sur le projet de restructuration en cause ou à obtenir un éventuel soutien public dela part des acteurs institutionnels et politiques auxquels le CEE s’adresse — fonctionnaires de laCommission européenne et parlementaires européens en particulier. En 2000, suite à l’annoncede la fusion d’une partie des activités, sans information, ni consultation préalable du comité,la mobilisation du CEE du groupe métallurgique étudié est ainsi à l’origine d’une résolutiondu Parlement européen qui, tout à la fois, reconnaît l’irrégularité de la procédure engagée parla direction du groupe, condamne le plan de restructuration et regrette que la Commission aitautorisé cette fusion sans en envisager les conséquences sociales. L’européanisation tient doncici à la nature communautaire des acteurs interpellés. En endossant le rôle de porte-parole dessalariés du groupe, le CEE vise aussi à briser le face à face entre représentants des salariés etdirection qui caractérise son fonctionnement, en placant cette dernière face à un tiers, que sontici les autorités publiques communautaires.

Parallèlement, la mobilisation de l’expertise permet aux membres du comité européen dedépasser les fonctions d’information et de consultation de l’instance pour lui confier un rôled’investigation : celui-ci leur permet non seulement d’évaluer les causes et conséquences duprojet de restructuration avancé par la direction, mais aussi, le cas échéant, de formuler descontre-propositions qui tiennent compte de l’activité des implantations européennes du groupe etde l’état du marché européen sur lequel il opère. De ce fait, l’expertise menée au niveau européenpar le CEE s’appuie aussi sur l’activité et l’expérience des instances représentatives nationaleset locales, contribuant ainsi à renforcer les échanges entre les différents lieux et niveaux dereprésentation dans le groupe et à rapprocher le CEE des salariés européens qu’il représente.

Quatrième modalité, la mobilisation juridique vient dans certains cas enrichir ce répertoired’actions en faisant jouer au CEE un rôle de dénonciation qui peut viser à la fois la forme etle fond du projet de restructuration en cause. C’est ce qu’a illustré le cas pionnier de l’affaireRenault-Vilvorde en 1997, ou plus récemment la suspension du projet de fusion entre GDF etSuez, après une décision de justice de novembre 2006 qui donne raison au CEE du groupe gazierdénoncant avoir été insuffisamment et trop tardivement informé sur ce projet. Certes, parce que lajustice est saisie par le CEE au niveau national, et non communautaire, la jurisprudence observéene s’impose, en droit, que dans l’espace national concerné28. On constate cependant, de fait, unediffusion à l’échelle européenne des décisions prises, que ces avancées jurisprudentielles soientintégrées aux nouveaux accords créant des CEE ou reprises dans la législation communautaireelle-même. De ce fait, les FSE encouragent et accompagnent ces recours en justice, telle la FEMdont le manuel sur les restructurations transnationales précédemment cité conseille les membresdes CEE sur la facon de mener au mieux de telles actions judiciaires.

Enfin, une dernière modalité s’est faite jour, plus récemment : certains CEE s’engagent dansdes négociations transnationales avec les directions de leurs groupes pour anticiper ou encadrer auniveau européen la mise en œuvre des plans de restructuration envisagés (Carley et Hall, 2006).Si de telles pratiques sont loin de faire l’unanimité, notamment parce qu’elles bousculent lestraditions nationales dans lesquelles la négociation revient aux seules organisations syndicales,et non aux instances représentatives, elles signalent à leur tour ce mouvement de renouvellementet d’européanisation des registres d’action que portent en eux les CEE.

28 Soit la France, pour la plupart des actions en justice impliquant des CEE recensées à ce jour.

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La conjugaison de ces différents registres d’action collective n’est, certes, pas nécessairement nitoujours observée. Elle dessine néanmoins l’espace des possibles dans lequel les représentants dessalariés siégeant au comité européen s’investissent et forgent la dimension collective et européennede ce nouvel acteur.

5. Conclusion

Quinze ans après l’adoption de la directive européenne qui les a institutionnalisés, où ensont les CEE ? Seuls 900 comités sont en activité alors que la directive de 1994 concerne quelques2200 entreprises et groupes de dimension communautaire. Mais parce que ce sont les plus grandesde ces entreprises qui se sont dotées d’un CEE, ce sont en fait plus de 60 % des salariés couvertspar la directive qui sont aujourd’hui représentés. De la même facon, si le rythme de création descomités européens ralentit significativement (40 % des CEE existants ont été créés en 1996, 30 %entre 1997 et 2000, 20 % seulement depuis 2001), nombre d’accords sont parallèlement renégo-ciés et voient ainsi leur contenu substantiellement étoffé et affiné. Notons que ces renégociationsont d’ailleurs souvent pour origine les restructurations qui touchent l’entreprise, en modifient lepérimètre et obligent ainsi à redéfinir celui des instances représentatives. Le degré de développe-ment des CEE, comme sa nature, ne se laissent donc pas facilement appréhender par ces quelqueschiffres.

Comme cet article le montre, son importance est à chercher plutôt du côté des dynamiquesinstitutionnelles et collectives nouvelles que la mise en place et le fonctionnement des CEE fontnaître. De sa construction à ses mobilisations, ce que donne à voir cette analyse, c’est en effet lavie d’une institution, prise entre les niveaux local, national et transnational, située au croisementd’enjeux sectoriels et propres à l’entreprise, en tension entre le dialogue et la confrontation. Carla portée de cette institution n’est entièrement donnée ni par la directive communautaire quil’encadre, ni par l’accord qui la crée : de ce fait, une fois l’instance en place, membres de ladirection et représentants des salariés y participent, sans savoir toujours quoi en faire ou quoi enattendre, ni ce qu’ils ont à gagner (ou à perdre) en s’y engageant. C’est alors par leur investissementprogressif en son sein que cette portée se découvre. Dans cette perspective, les restructurationspèsent sur le fonctionnement des CEE de facon moins univoque que ne le laisse entendre la thèsedu « pluralisme européen » : potentiellement déstabilisatrices, par la mise à l’épreuve qu’ellesreprésentent pour le CEE et pour ses membres, elles donnent aussi à ces derniers l’occasion demettre au jour les capacités d’action de l’instance transnationale. Pour ce faire, ils s’appuient enpartie sur l’expérience acquise dans l’exercice de leurs fonctions de représentants nationaux oulocaux, mais forgent aussi, avec l’aide des FSE notamment, des pratiques représentatives inédites.

Un tel constat fait écho à l’analyse de l’émergence du mouvement syndical européen que pro-pose Lowell Turner (1996) : au niveau européen, ce sont des changements d’ordre institutionnelou structurel qui dominent, sans qu’ils soient nécessairement portés ou relayés, dans un premiertemps du moins, par des mobilisations collectives transnationales29. Cependant, ajoute L. Turner,de telles mobilisations se trouveront facilitées à leur tour par la constitution et le renforcement descontacts entre syndicats nationaux, fédérations européennes et organisations communautaires, quiprennent la forme d’un réseau transnational de plus en plus dense. La création (et la multiplication)d’une instance transnationale comme le comité d’entreprise européen, en réunissant différentsreprésentants européens, eux-mêmes épaulés par des organisations syndicales nationales et

29 Ce qu’il résume par l’expression structure before action.

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européennes, trouve bien sa place dans un tel schéma. En ce sens, si les CEE contribuent àl’établissement d’un système européen de relations professionnelles, c’est sans doute moinsparce qu’ils seraient par essence le vecteur d’une solidarité transnationale entre salariés et entrereprésentants (solidarité effectivement difficile à construire), que parce qu’ils conduisent, en pra-tique, les acteurs à changer de cadre de référence pour donner une dimension européenne, et nonplus seulement nationale ou locale, à la définition de leurs identités, de leurs positions et de leursstratégies.

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