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Nutr Clin Métabol 2002 ; 16 : 39, 40 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0985-0562(02)00099-7/FLA Journée Accès vasculaires en nutrition parentérale Voies veineuses centrales : modalités d’implantation, complications immédiates. Sites d’implantation, méthodes de sécurisation, tunnelisation, fixation, hygiène, pansement Jean-François Timsit Clinique de réanimation des maladies infectieuses, hôpital Bichat-Claude Bernard, 46 rue Henri Huchard, 75018 Paris, France Lorsqu’elle est décidée, la nutrition parentérale doit être effectuée grâce à l’abord d’une veine de gros débit. Les abords les plus classiques sont la voie sous-clavière et la voie jugulaire interne. Enfin, depuis quelques années, en particulier en Amérique du Nord, des cathéters cen- traux insérés de façon percutanée par voie basilique ou céphalique (PICC) ont été utilisés pour la nutrition paren- térale. Avant d’effectuer un abord veineux central, il est nécessaire d’effectuer une radiographie thoracique et un bilan de l’hémostase primaire et secondaire des patients. Un taux de plaquettes inférieur à 30000/mm 3 impose la transfusion plaquettaire avant d’effectuer une ponction jugulaire et surtout sous-clavière. De préférence, les abords veineux centraux doivent être effectués en dehors des périodes de neutropénie et à distance de tout épisodes infectieux. En France, la voie d’abord la plus utilisée pour la nu- trition parentérale reste la voie sous-clavière. La veine sous clavière est plus facile d’accès que la veine jugu- laire interne. Cependant, la ponction sous-clavière expose à un risque plus important de pneumothorax et de ponc- tion artérielle difficilement compressible. Le taux d’échec de pose des cathéters sous-claviers est plus important en cas d’antécédents de chirurgie de la région cervico- thoracique, de cathétérisation préalable et de corpulence extrême des patients. Un BMI > 30 ou < 20 expose à un taux d’échec plus important. Le nombre des complica- tions liées à la pose des cathéters en territoire cave su- périeur augmente de façon exponentielle avec le nombre de tentatives de ponction. En cas d’échec de deux tenta- tives ou d’antécédents de difficultés d’insertion, il faudra réaliser un repérage du réseau veineux cave supérieur par échographie-Doppler. Le taux de succès de la ponction sous-clavière et surtout jugulaire est amélioré par l’uti- Correspondance et tirés à part. lisation d’une échographie de repérage à condition que celle-ci soit réalisée pendant le geste. La pose des PICCs est peu dangereuse. Le taux d’échec est de l’ordre de 10 %, bien amélioré par l’expérience. Les complications les plus courantes des abords vei- neux centraux restent les pneumothorax (0,5 % des abord jugulaires, 1 à 2 % des abords sous-claviers). D’autres complications plus rares et potentiellement sévères doivent être connues : embolies gazeuses (qui im- pose la réalisation d’un abord veineux central en position de Trédelenbourg), hémothorax par ponction de l’artère sous-clavière, hémopéricarde, trajets aberrants. Une ra- diographie de contrôle doit être effectuée systématique- ment et doit être immédiatement lue par l’opérateur. La pose des PICC expose à un risque important de throm- bose des veines du bras et de dysfonctions ou de rupture des cathéters. L’extrémité du cathéter central doit être positionnée dans la veine cave supérieure afin de limiter les risques de thromboses et de dysfonction. Il conviendra donc de vérifier l’emplacement de l’extrémité du cathéter par une radiographie thoracique. L’extrémité du cathéter devra se projeter à la hauteur de l’angle trachéo-bronchique droit. Les cathéters veineux centraux doivent être posés dans des conditions d’asepsie chirurgicale strictes. La mise en place de procédures de soins standardisées diminue la fréquence des complications de ce geste. La voie sous- clavière expose à un risque moindre de complications infectieuses. L’antiseptique utilisé peut être la polyvidone iodée à 10 %, la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % ou des mélanges contenant de la chlorhexidine aqueuse, du chlorure de benzalconium et de l’alcool (biseptine). Il semble que la chlorhexidine à 2 %, non disponible en France, et que la biseptine soit plus efficace que la polyvidone iodée. La polyvidone iodée alcoolique vient 39

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Nutr Clin Métabol 2002 ; 16 : 39, 40 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS0985-0562(02)00099-7/FLA Journée Accès vasculaires en nutrition parentérale

Voies veineuses centrales : modalités d’implantation,complications immédiates. Sites d’implantation, méthodes desécurisation, tunnelisation, fixation, hygiène, pansement

Jean-François Timsit∗

Clinique de réanimation des maladies infectieuses, hôpital Bichat-Claude Bernard, 46 rue Henri Huchard, 75018 Paris,France

Lorsqu’elle est décidée, la nutrition parentérale doit êtreeffectuée grâce à l’abord d’une veine de gros débit.

Les abords les plus classiques sont la voie sous-clavièreet la voie jugulaire interne. Enfin, depuis quelques années,en particulier en Amérique du Nord, des cathéters cen-traux insérés de façon percutanée par voie basilique oucéphalique (PICC) ont été utilisés pour la nutrition paren-térale.

Avant d’effectuer un abord veineux central, il estnécessaire d’effectuer une radiographie thoracique et unbilan de l’hémostase primaire et secondaire des patients.Un taux de plaquettes inférieur à 30000/mm3 impose latransfusion plaquettaire avant d’effectuer une ponctionjugulaire et surtout sous-clavière. De préférence, lesabords veineux centraux doivent être effectués en dehorsdes périodes de neutropénie et à distance de tout épisodesinfectieux.

En France, la voie d’abord la plus utilisée pour la nu-trition parentérale reste la voie sous-clavière. La veinesous clavière est plus facile d’accès que la veine jugu-laire interne. Cependant, la ponction sous-clavière exposeà un risque plus important de pneumothorax et de ponc-tion artérielle difficilement compressible. Le taux d’échecde pose des cathéters sous-claviers est plus importanten cas d’antécédents de chirurgie de la région cervico-thoracique, de cathétérisation préalable et de corpulenceextrême des patients. Un BMI > 30 ou < 20 expose à untaux d’échec plus important. Le nombre des complica-tions liées à la pose des cathéters en territoire cave su-périeur augmente de façon exponentielle avec le nombrede tentatives de ponction. En cas d’échec de deux tenta-tives ou d’antécédents de difficultés d’insertion, il faudraréaliser un repérage du réseau veineux cave supérieur paréchographie-Doppler. Le taux de succès de la ponctionsous-clavière et surtout jugulaire est amélioré par l’uti-

∗ Correspondance et tirés à part.

lisation d’une échographie de repérage à condition quecelle-ci soit réalisée pendant le geste. La pose des PICCsest peu dangereuse. Le taux d’échec est de l’ordre de10 %, bien amélioré par l’expérience.

Les complications les plus courantes des abords vei-neux centraux restent les pneumothorax (0,5 % des abordjugulaires, 1 à 2 % des abords sous-claviers).

D’autres complications plus rares et potentiellementsévères doivent être connues : embolies gazeuses (qui im-pose la réalisation d’un abord veineux central en positionde Trédelenbourg), hémothorax par ponction de l’artèresous-clavière, hémopéricarde, trajets aberrants. Une ra-diographie de contrôle doit être effectuée systématique-ment et doit être immédiatement lue par l’opérateur. Lapose des PICC expose à un risque important de throm-bose des veines du bras et de dysfonctions ou de rupturedes cathéters.

L’extrémité du cathéter central doit être positionnéedans la veine cave supérieure afin de limiter les risquesde thromboses et de dysfonction. Il conviendra donc devérifier l’emplacement de l’extrémité du cathéter par uneradiographie thoracique. L’extrémité du cathéter devra seprojeter à la hauteur de l’angle trachéo-bronchique droit.

Les cathéters veineux centraux doivent être posés dansdes conditions d’asepsie chirurgicale strictes. La mise enplace de procédures de soins standardisées diminue lafréquence des complications de ce geste. La voie sous-clavière expose à un risque moindre de complicationsinfectieuses. L’antiseptique utilisé peut être la polyvidoneiodée à 10 %, la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % oudes mélanges contenant de la chlorhexidine aqueuse, duchlorure de benzalconium et de l’alcool (biseptine).

Il semble que la chlorhexidine à 2 %, non disponibleen France, et que la biseptine soit plus efficace que lapolyvidone iodée. La polyvidone iodée alcoolique vient

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de faire son apparition et pourrait être un antiseptiquebien adapté. Enfin, la teinture d’iode est plus efficace quela polyvidone iodée pour l’antisepsie cutanée et peut êtreproposée lors de la préparation des sites de ponction.

La tunnélisation des cathéters veineux centraux dimi-nue le risque d’infection des cathéters jugulaires interneset fémoraux de courte durée. La tunnelisation des cathé-ters sous-claviers n’a pas démontré son efficacité dansla prévention de l’infection de cathéter. En particulier, latunnélisation des cathéters sous-claviers de longue duréene semble pas diminuer les risques infectieux.

La pose d’un cathéter avec un manchon collagène sous-cutané à l’argent a été utilisée pour éviter la pénétrationsous-cutanée des germes le long de la partie externe ducathéter. Deux études montrent que l’utilisation de cesmanchons diminue l’infection des cathéters de courtedurée. Cependant, la protrusion des manchons aprèsla pose s’observe dans 10 % des cas et il est parfoisdifficile de retirer les cathéters en fin d’utilisation. Enfin,les manchons ne semblent pas prévenir l’infection descathéters de durée de vie longue.

Les cathéters imprégnés d’antiseptiques (chlorhexidi-ne-sulfadiazine argent) diminuent de moitié le risqued’infections liés aux cathéters centraux de courte durée.Leur efficacité est cependant moindre si les cathétersrestent en place plus de 15 jours.

Le pansement occlusif utilisé pour recouvrir l’extré-mité du cathéter doit recouvrir le premier raccord. Lespansements en gaze sont au moins aussi efficaces queles pansements transparents semi-perméables. Ils doiventêtre préférés s’il existe un suintement ou un saignementde l’orifice de sortie du cathéter. Le premier changement

de pansement doit avoir lieu 24 heures après la pose ducathéter. Les pansements doivent être refaits immédia-tement en cas de suintement important ou de décolle-ment.

RÉFÉRENCES

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