Voltaire Candide Extrait Pour l'Analyse

7/21/2019 Voltaire Candide Extrait Pour l'Analyse

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CHAPITRE TROISIÈME

COMMENT CANDIDE SE SAUVA D'ENTRE LES BULGARES, ET CE QU'IL

DEVINT

3ien n$tait si beau, si leste, si brillant, si bien ordonn que les deu* armes! 'es trompettes, les

(i(res, les hautbois, les tambours, les canons, (ormaient une harmonie telle qu$il n$y en eut jamais en en(er!'es canons renvers.rent d$abord à peu pr.s si* mille hommes de chaque ct % ensuite la mousqueterie tadu meilleur des mondes environ neu( à di* mille coquins qui en in(ectaient la sur(ace! 'a ba6onnette (utaussi la raison su((isante de la mort de quelques milliers d$hommes! 'e tout pouvait bien se monter à unetrentaine de mille âmes! &andide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieu* qu$il put pendant cette boucherie hro6que!

7n(in, tandis que les deu* rois (aisaient chanter des Te 8eum, chacun dans son camp, il prit le parti d$aller raisonner ailleurs des e((ets et des causes! Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants,et gagna d$abord un village voisin % il tait en cendres 2 c$tait un village abare que les 5ulgares avaient br9l, selon les lois du droit public! Ici des vieillards cribls de coups regardaient mourir leurs (emmesgorges, qui tenaient leurs en(ants à leurs mamelles sanglantes% là des (illes, ventres apr.s avoir assouvi les besoins naturels de quelques hros, rendaient les derniers soupirs % d$autres, à demi br9les,criaient qu$on achevât de leur donner la mort! 8es cervelles taient rpandues sur la terre à ct de bras etde jambes coups!

&andide s$en(uit au plus vite dans un autre village2 il appartenait à des 5ulgares, et les hrosabares l$avaient trait de m)me! &andide, toujours marchant sur des membres palpitants, ou à travers desruines, arriva en(in hors du thâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, etn$oubliant jamais mademoiselle &ungonde! "es provisions lui manqu.rent quand il (ut en :ollande %mais ayant entendu dire que tout le monde tait riche dans ce pays-là, et qu$on y tait chrtien, il ne douta pas qu$on ne le traitât aussi bien qu$il l$avait t dans le château de monsieur le baron, avant qu$il en e9tt chass pour les beau* yeu* de mademoiselle &ungonde!

CHAPITRE VINGTIÈME

CE QUI ARRIVA SUR MER À CANDIDE ET À MARTIN

'e vieu* savant, qui s$appelait +artin, s$embarqua donc pour 5ordeau* avec &andide! '$un etl$autre avaient beaucoup vu et beaucoup sou((ert % et quand le vaisseau aurait d9 (aire voile de "urinam au;apon par le cap de 5onne 7sprance, ils auraient eu de quoi s$entretenir du mal moral et du mal physique pendant tout le voyage! &ependant &andide avait un grand avantage sur +artin, c$est qu$il espraittoujours revoir mademoiselle &ungonde, et que +artin n$avait rien à esprer % de plus il avait de l$or etdes diamants % et quoiqu$il e9t perdu cent gros moutons rouges chargs des plus grands trsors de la terre,

quoiqu$il e9t toujours sur le coeur la (riponnerie du patron hollandais, cependant, quand il songeait à cequi lui restait dans ses poches, et quand il parlait de &ungonde, surtout à la (in du repas, il penchait alors pour le syst.me de 0angloss!

1 +ais vous, monsieur +artin, dit-il au savant, que pense#-vous de tout cela < =uelle est votreide sur le mal moral et le mal physique< -+onsieur, rpondit +artin, mes pr)tres m$ont accus d$)tresocinien % mais la vrit du (ait est que je suis manichen! - ous vous moque# de moi, dit &andide % il n$ya plus de manichens dans le monde! - Il y a moi, dit +artin % je ne sais qu$y (aire, mais je ne peu* penser autrement! > Il (aut que vous aye# le diable au corps, dit &andide! - Il se m)le si (ort des a((aires de ce



monde, dit +artin, qu$il pourrait bien )tre dans mon corps, comme partout ailleurs % mais je vous avouequ$en jetant la vue sur ce globe, ou plutt sur ce globule, je pense que 8ieu l$ a abandonn à quelque )tremal(aisant % j$en e*cepte toujours 7ldorado! ;e n$ai gu.re vu de ville qui ne dsirât la ruine de la villevoisine, point de (amille qui ne voul9t e*terminer quelque autre (amille! 0artout les (aibles ont ene*cration les puissants devant lesquels ils rampent, et les puissants les traitent comme des troupeau*dont on vend la laine et la chair! ?n million d$assassins enrgiments, courant d$un bout de l$7urope àl$autre, e*erce le meurtre et le brigandage avec discipline pour gagner son pain, parce qu$il n$a pas demtier plus honn)te % et dans les villes qui paraissent jouir de la pai*, et o@ les arts (leurissent, les homessont dvors de plus d$envie, de soins et d$inquitudes qu$une ville assige n$prouve de (lau*! 'eschagrins secrets sont encore plus cruels que les mis.res publiques! 7n un mot, j$en ai tant vu et tantprouv que je suis manichen!

- Il y a pourtant du bon, rpliquait &andide!

- &ela peut )tre, disait +artin % mais je ne le connais pas! 4 Au milieu de cette dispute, on entenditun bruit de canon!

CHAPITRE TRENTIÈME

CONCLUSION

Il y avait dans le voisinage un dervicheB tr.s (ameu* qui passait pour le meilleur philosophe de laTurquie % ils all.rent le consulter% 0angloss porta la parole, et lui dit 2 1 +a/tre, nous venons vous prier denous dire pourquoi un aussi trange animal que l$homme a t (orm!

- 8e quoi te m)les-tu < lui dit le derviche % est-ce là ton a((aire < - +ais, mon rvrend p.re, dit &andide,il y a horriblement de mal sur la terre! - =u$importe, dit le derviche, qu$il y ait du mal ou du bien< =uand

"a :autesse envoie un vaisseau en Cgypte, s$embarrasse-t-elle si les souris qui sont dans le vaisseau sontà leur aise ou non < - =ue (aut-il donc (aire < dit 0angloss! - Te taire, dit le derviche! - ;e me (lattais, dit0angloss, de raisonner un peu avec vous des e((ets et des causes, du meilleur des mondes possibles, del$origine du mal, de la nature de l$âme, et de l$harmonie prtablie! 4 'e derviche, à ces mots, leur (erma la porte au ne#!

0endant cette conversation, la nouvelle s$tait rpandue qu$on venait d$trangler à &onstantinopledeu* vi#irs du bancD et le muphtiE, et qu$on avait empal plusieurs de leurs amis! &ette catastrophe (aisait partout un grand bruit pendant quelques heures! 0angloss, &andide, et +artinF, en retournant à la petitemtairie, rencontr.rent un bon vieillard qui prenait le (rais à sa porte sous un berceau d$orangers!0angloss, qui tait aussi curieu* que raisonneur, lui demanda comment se nommait le muphti qu$on venait

1 Religieux musulman.

2 Ministres du Conseil.

3 Chef religieux en pays musulman.

4 Vieux savant que Candide s’tait !hoisi !omme !ompagnon " aussi radi!al dans son

pessimisme que #angloss l’est dans son optimisme.



d$trangler 1 ;e n$en sais rien, rpondit le bonhomme % et je n$ai jamais su le nom d$aucun muphti nid$aucun vi#ir! ;$ignore absolument l$aventure dont vous me parle# % je prsume qu$en gnral ceu* qui sem)lent des a((aires publiques prissent quelque(ois misrablement, et qu$ils le mritent % mais je nem$in(orme jamais de ce qu$on (ait à &onstantinople % je me contente d$y envoyer vendre les (ruits du jardinque je cultive! 4 Ayant dit ces mots, il (it entrer les trangers dans sa maison % ses deu* (illes et ses deu*(ils leur prsent.rent plusieurs sortes de sorbets qu$ils (aisaient eu* m)mes, du ka6mak G piqu d$corces decdrat con(it, des oranges, des citrons, des limons, des ananas, des pistaches, du ca( de +oka qui n$tait point m)l avec le mauvais ca( de 5atavia et des /les! Apr.s quoi les deu* (illes de ce bon musulman par(um.rent les barbes de &andide, de 0angloss, et de +artin!

1ous deve# avoir dit &andide au Turc, une vaste et magni(ique terre < - ;e n$ai que vingt arpents,rpondit le Turc % je les cultive avec mes en(ants % le travail loigne de nous trois grands mau*, l$ennui, levice, et le besoin! 4

&andide, en retournant dans sa mtairie, (it de pro(ondes r(le*ions sur le discours du Turc! Il dità 0angloss et à +artin 2 1 &e bon vieillard me para/t s$)tre (ait un sort bien pr(rable à celui des si* roisavec qui nous avons eu l$honneur de souper H! - 'es grandeurs, dit 0angloss, sont (ort dangereuses, selon lerapport de tous les philosophes 2 car en(in 7glon, roi des +oabites, (ut assassin par Aod % Absalon (ut pendu par les cheveu* et perc de trois dards % le roi Jadab, (ils de ;roboam, (ut tu par 5aasa % le roi7la, par Kambri % Lchosias, par ;hu % Athalia, par ;o6ada % les rois ;oachim, ;chonias, "dcias, (urentesclaves! ous save# comment prirent &rsus, Astyage, 8arius, 8enys de "yracuse, 0yrrhus, 0erse,Annibal, ;ugurtha, Arioviste, &sar 0ompe, Jron, Lthon, itellius, 8omitien, 3ichard II d$Angleterre,Cdouard II, :enri I, 3ichard III, +arie "tuart, &harles Ier, les trois :enri de Mrance, l$empereur :enriI < ous save#!!! - ;e sais aussi, dit &andide, qu$il (aut cultiver notre jardin! - ous ave# raison, dit0angloss % car quand l$homme (ut mis dans le jardin d$CdenN, il y (ut mis ut operaretur eum, pour qu$iltravaillât 2 ce qui prouve que l$homme n$est pas n pour le repos! - Travaillons sans raisonner, dit +artin %c$est le seul moyen de rendre la vie supportable! 4

Toute la petite socit entra dans ce louable dessein % chacun se mit à e*ercer ses talents! 'a petite

terre rapporta beaucoup! &ungonde tait, à la vrit, bien laide % mais elle devint une e*cellente pâtissi.re% 0aquette broda % la vieille eut soin du linge! Il n$y eut pas jusqu$à (r.re Oiro(le qui ne rend/t service % il(ut un tr.s bon menuisier, et m)me devint honn)te homme % et 0angloss disait quelque(ois à &andide 2 1Tous les vnements sont encha/ns dans le meilleur des mondes possibles 2 car en(in si vous n$avie# past chass d$un beau château à grands coups de pied dans le derri.re pour l$amour de mademoiselle&ungonde, si vous n$avie# pas t mis à l$Inquisition, si vous n$avie# pas couru l$Amrique à pied, si vousn$avie# pas donn un bon coup d$pe au baron, si vous n$avie# pas perdu tous vos moutons du bon paysd$7ldorado, vous ne mangerie# pas ici des cdrats con(its et des pistaches!

$ %orte de !r&me.

' ( Venise) pendant le !arnaval) Candide avait ren!ontr !es six rois dtr*ns +!hapitre,,V-.

/ #angloss num&re les hommes illustres qui !onnurent un sort funeste) depuis les temps0i0liques usqu’ l’poque moderne.

e paradis terrestre) donn l’homme 5pour qu’il le travaille6 +ut operaretur eum) selon le

r!it de la 7en&se.



- &ela est bien dit, rpondit &andide, mais il (aut cultiver notre jardin! 4

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