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© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés. L’Encéphale (2010) Supplément 3, S66–S70 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Vues sur le cerveau en transition Brain imaging and transition to psychosis P. McGuire Department of Psychological Medicine and Psychiatry, King’s College London, Institute of Psychiatry, De Crespigny Park, London, SE5 8AF, UK Résumé Le premier épisode psychotique est le plus souvent précédé d’une période prodromale d’environ 5 ans durant laquelle la manifestation de la maladie n’est pas encore évidente. Cette phase prodromale est nommée ‘état mental à risque’ (‘At Risk Mental State’) puisque toutes les personnes qui ont des symptômes prodromiques ne vont pas développer un trouble psychotique. Plusieurs études en imagerie cérébrale ont été réalisées ces dix dernières années chez ces sujets à risque et ont mis en évidence des déviations structurelles, fonctionnelles et neurochimiques. Ces déviations sont similaires à celles observées lorsque la psychose est établie mais avec une sévérité moindre. Ces déviations ont une perspective translationelle potentiellement importante car elles pourraient aider à distinguer le développement d’un trouble psychotique de symptômes psychotiques occasionnels. © L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés. MOTS CLÉS IRM ; TEP ; Psychose ; Prodrome ; État mental à risque KEYWORDS MRI; PET; Psychosis; Prodrome; At risk mental state Abstract First episode psychosis is usually preceded by a prodromal period of about 5 years during which the manifestation of the disease is not yet clear. This prodromal phase is called ‘At Risk Mental State’ (ARMS) as all subjects with prodromal symptoms will not develop a psychotic disorder. Several brain imaging studies have been conducted over the past decade in these ARMS subjects and found structural, functional and neurochemical deviations. These deviations are similar to those observed when the psychosis is established but with less severity. These deviations have important translational perspective as they might help to distinguish the development of a psychotic disorder from occasional psychotic symptoms. © L’Encéphale, Paris, 2010. All rights reserved. Correspondance. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. Prodromes et sujets à risque dans la psychose Le premier épisode psychotique est le plus souvent précédé d’une période prodromale d’environ 5 ans durant laquelle la manifestation de la maladie n’est pas encore évidente. Dans la majorité des pays, cette phase prodromale a été longtemps ignorée jusqu’au début des années 2000 où des études se sont intéressées à cette phase du trouble psycho- tique. Nous savons maintenant que cette période est très importante et que la majorité des déficits cognitifs et des changements cérébraux associés au trouble psychotique

Vues sur le cerveau en transition

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© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2010) Supplément 3, S66–S70

Dispon ib le en l igne sur www.sc ienced i rect .com

journa l homepage: www.el sev ier .com/locate/encep

Vues sur le cerveau en transitionBrain imaging and transition to psychosis

P. McGuire

Department of Psychological Medicine and Psychiatry, King’s College London, Institute of Psychiatry, De Crespigny Park, London, SE5 8AF, UK

Résumé Le premier épisode psychotique est le plus souvent précédé d’une période prodromale d’environ 5 ans durant laquelle la manifestation de la maladie n’est pas encore évidente. Cette phase prodromale est nommée ‘état mental à risque’ (‘At Risk Mental State’) puisque toutes les personnes qui ont des symptômes prodromiques ne vont pas développer un trouble psychotique. Plusieurs études en imagerie cérébrale ont été réalisées ces dix dernières années chez ces sujets à risque et ont mis en évidence des déviations structurelles, fonctionnelles et neurochimiques. Ces déviations sont similaires à celles observées lorsque la psychose est établie mais avec une sévérité moindre. Ces déviations ont une perspective translationelle potentiellement importante car elles pourraient aider à distinguer le développement d’un trouble psychotique de symptômes psychotiques occasionnels.© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.

MOTS CLÉSIRM ; TEP ; Psychose ; Prodrome ; État mental à risque

KEYWORDSMRI; PET; Psychosis; Prodrome; At risk mental state

Abstract First episode psychosis is usually preceded by a prodromal period of about 5 years during which the manifestation of the disease is not yet clear. This prodromal phase is called ‘At Risk Mental State’ (ARMS) as all subjects with prodromal symptoms will not develop a psychotic disorder. Several brain imaging studies have been conducted over the past decade in these ARMS subjects and found structural, functional and neurochemical deviations. These deviations are similar to those observed when the psychosis is established but with less severity. These deviations have important translational perspective as they might help to distinguish the development of a psychotic disorder from occasional psychotic symptoms.© L’Encéphale, Paris, 2010. All rights reserved.

Correspondance.E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.

Prodromes et sujets à risque dans la psychose

Le premier épisode psychotique est le plus souvent précédé d’une période prodromale d’environ 5 ans durant laquelle la manifestation de la maladie n’est pas encore évidente.

Dans la majorité des pays, cette phase prodromale a été longtemps ignorée jusqu’au début des années 2000 où des études se sont intéressées à cette phase du trouble psycho-tique. Nous savons maintenant que cette période est très importante et que la majorité des déficits cognitifs et des changements cérébraux associés au trouble psychotique

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surviennent probablement durant cette période, avant même le premier épisode. Cette phase prodromale est nommée « état mental à risque » (At Risk Mental State) puisque toutes les personnes qui ont des symptômes pro-dromiques ne vont pas développer à terme un trouble psy-chotique [9, 15]. En effet, seulement 20 à 40 % des sujets avec un état mental à risque vont développer une psychose par la suite. Aussi, même si le risque de développer une psychose chez ces sujets est 400 fois supérieur à la popula-tion générale, seulement un sous-groupe va progresser cli-niquement vers la maladie.

De manière schématique, il y a 2 systèmes pour définir cliniquement ce groupe de sujets à risque. Dans les pays anglo-saxons, l’échelle australienne CAARMS [16] est utili-sée. Cette échelle se focalise sur les symptômes positifs des prodromes, symptômes qui sont similaires aux symptô-mes de la schizophrénie mais avec une sévérité moindre. Dans les pays de langue allemande, les critères portent d’avantage sur les déficits cognitifs, en particulier sur des difficultés subjectives relatives à la pensée, au langage et à l’attention [9]. Dans les deux systèmes, si un sujet satis-fait les critères de prodrome, le risque de développer une psychose dans les deux années qui suivent est très élevé, de l’ordre de 30 %, ce qui est bien plus élevé que dans la population générale. Si l’on suit de manière longitudinale pendant 2 ou 3 ans ces sujets à risque sans qu’ils ne reçoi-vent de traitement, un tiers va développer une psychose, pour un tiers les symptômes persisteront sans modification, et le tiers restant verra les symptômes régresser et les fonctions cognitives s’améliorer. Ceci correspond à l’his-toire naturelle de l’évolution de l’état mental à risque sans intervention thérapeutique.

Cette histoire naturelle fournit une fantastique opportu-nité de recherche pour comprendre les mécanismes en jeu dans le développement de la psychose. En effet, cette tri-vergence permet de comparer les sujets qui suivent une des trajectoires par rapport aux autres. Cela est particulière-ment utile pour les études en imagerie. La plupart des étu-des en imagerie sur la psychose ont été menées sur des patients qui sont psychotiques depuis 10 à 20 ans et traités avec des médicaments pendant 10 à 20 ans. Essayer de com-prendre les mécanismes impliqués dans le développement de la psychose 20 ans après le début de la maladie est impos-sible. En revanche, il est plus instructif d’étudier des person-nes avant l’apparition de la maladie et de suivre de manière prospective chez un même sujet comment le cerveau se modifie alors que la maladie se développe. Un autre aspect important est que la majorité des sujets avec des symptô-mes prodromiques n’ont jamais été traités, ce qui permet d’isoler l’effet de la maladie de celui des traitements. L’étude longitudinale en neuro-imagerie des sujets à risques est donc une approche potentiellement très puissante.

OASIS, un service clinique pour les sujets à risque dans le sud de Londres

Il existe à Londres un service clinique spécialisé pour ce groupe de personnes appelé OASIS [4]. Ce service couvre le

sud de Londres qui est la partie la plus pauvre de la ville. Le bassin de recrutement de ce service est de 1,5 million de sujets. Le sud de Londres est la partie de la ville dont la proportion d’immigrés est la plus importante. Il y réside donc une proportion très importante de personnes non européennes, non caucasiennes. L’incidence de la psychose est extrêmement élevée dans cette population, de 6 à 9 fois supérieure à celle des personnes nées en Grande-Bretagne. L’idée sous-jacente à ce service est de voir les personnes en primary care, c’est-à-dire dans le cabinet du médecin de famille, et non pas dans une unité psychiatri-que car cela serait trop stigmatisant pour le patient. À Londres, si vous demandez à un patient d’aller au Maudsley, quasiment aucun patient ne viendra car cet hôpital a la réputation d’être associé à la psychose sévère. Tout le monde en Grande-Bretagne a un médecin de famille, qui est gratuit et souvent très proche de l’endroit où l’on habite. C’est donc très pratique de voir les gens dans un tel lieu neutre, non psychiatrique, très proche de là où ils vivent. Ainsi, la probabilité pour que les patients viennent dans ce type de structure est donc augmentée.

Données en neuro-imagerie chez les sujets à risque

De nombreuses études en imagerie cérébrale ont été réali-sées ces dix dernières années pour investiguer les diffé-rents aspects du fonctionnement, de la structure et de la biochimie du cerveau dans ce groupe de sujets à risque.

La première étude que nous avons réalisée a porté sur la structure du cerveau. Elle a montré que même si ces sujets ne sont pas psychotiques, et que la majorité d’entre eux ne le deviendra jamais, ils présentent toutefois des anomalies anatomiques quantitatives similaires à celles que l’on trouve chez les patients schizophrènes, avec des diminutions de volume de matière grise dans les mêmes régions que celles impliquées dans la schizophrénie [2].

Nous avons ensuite utilisé l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour étudier le fonction-nement cérébral dans ce groupe de sujets. L’objectif de ces études est d’investiguer les corrélats cérébraux de fonctions que l’on sait altérées chez ces sujets, avant que la psychose ne soit bien établie, comme par exemple les fonctions exécutives ou encore la mémoire de travail [12, 13] Nous avons ainsi étudié en IRMf les fonctions exécutives en utilisant un paradigme de fluence verbale et avons mon-tré que les sujets prodromes présentent des différences fonctionnelles au niveau du cortex préfrontal par rapport à des sujets sains, ce que l’on retrouve chez les patients schi-zophrènes mais cette fois avec une sévérité plus marquée [3]. Des résultats similaires ont été retrouvés avec des paradigmes de mémoire de travail. Il y a donc un gradient entre sujets sains, sujets à risque et patients lors de leur premier épisode. Ce motif est typique de ce groupe de sujets dans les études en neuro-imagerie.

La dopamine est l’élément chimique du cerveau le plus important dans la psychose. Les études dans la schizophré-nie ont montré que la dopamine est cruciale pour l’expres-

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sion des symptômes psychotiques et que les principaux traitements de la psychose sont des médicaments qui blo-quent les récepteurs de la dopamine. Grâce à la tomogra-phie par émission de positons (TEP) il est possible, en marquant un précurseur de la dopamine, la L-Dopa, de mesurer la synthèse de la dopamine dans le cerveau. En utilisant cette méthode, nous avons détecté un taux de dopamine pré-synaptique dans le striatum augmenté chez les premiers épisodes psychotiques, mais également chez les sujets prodromes, par rapport aux sujets sains [8]. Ainsi, une fois encore, la chimie cérébrale est anormale avant l’expression clinique de la maladie, de la même manière que chez les patients dont la maladie est installée. L’étude des changements neurochimiques chez ces individus mon-tre ainsi que plus la surproduction de la dopamine est importante, plus les symptômes psychotiques ne sont sévè-res. Il y a donc une corrélation directe entre ces deux phé-nomènes, indiquant que les symptômes psychotiques sont sous-tendus par des perturbations du fonctionnement de la dopamine.

L’autre élément chimique du cerveau très important pour la psychose est le glutamate. Il y de plus en plus de preuves que certaines caractéristiques de la psychose, en particulier les déficits cognitifs, pourraient être reliées à un dysfonctionnement du glutamate. Il est possible de mesurer le glutamate dans différentes régions du cerveau grâce à la spectroscopie par résonnance magnétique (MRS). En utilisant cette technique, nous avons mis en évidence que les sujets avec des prodromes de psychose présentent une synthèse anormale de glutamate dans le thalamus [14]. Nous savions auparavant que les anomalies du glutamate étaient présentes précocement dans le développement de la maladie, mais pas à quelle étape précisément le pro-blème commençait à se développer. Ainsi, comme pour la dopamine, la perturbation du glutamate précède l’expres-sion clinique de la maladie.

Approches multimodales

Chaque modalité d’imagerie a été utilisée séparément mais il est également possible d’utiliser différentes techniques chez le même sujet. Cela permet d’intégrer les informa-tions structurelles, fonctionnelles et neurochimiques chez le même sujet, et donc d’étudier les relations entre ces différentes modalités d’analyse.

En combinant l’IRMf et le TEP, nous avons pu mettre en évidence une corrélation positive entre les anomalies fonc-tionnelles au niveau du cortex préfrontal et les perturba-tions chimiques au niveau de la dopamine dans le striatum. Plus la perturbation dopaminergique est importante dans le striatum, plus l’anomalie fonctionnelle au niveau du cortex préfrontal est marquée [7]. Ce résultat est très important au niveau conceptuel car cela suggère que si l’on peut cor-riger le dysfonctionnement dopaminergique, cela pourrait avoir un effet bénéfique sur la cognition.

De la même manière, en combinant IRM anatomique et MRS lors d’une tâche de fluence, nous avons montré que plus la perturbation neurochimique du glutamate dans le

thalamus est importante, plus la perturbation fonctionnelle du cortex préfrontal est importante [7]. Ce résultat sug-gère une fois encore que les différents résultats de neuro-imagerie sont reliés entre eux.

Une question importante dans la psychose concerne la structure du cerveau. En effet, on sait maintenant que la structure du cerveau est affectée dans la psychose et qu’il y a une perte de volume de matière grise. Néanmoins, le mécanisme précis de ce phénomène n’est pas connu. Une des hypothèses actuelles est que cela pourrait être une conséquence de l’effet toxique du glutamate. Pour tester cette hypothèse, nous avons mesuré le glutamate et l’avons corrélé avec la perte de matière grise chez le même indi-vidu. Cela nous a permis mettre en évidence que la perte de matière grise dans plusieurs régions du cerveau était corrélée avec des changements du niveau de glutamate dans le thalamus [14] : plus la perturbation de glutamate est sévère, plus la perte de volume de matière grise est importante.

Études longitudinales

On peut également utiliser l’imagerie pour savoir si le cer-veau d’une personne qui va devenir psychotique est diffé-rent du cerveau d’une personne qui a le même tableau clinique mais qui ne deviendra pas psychotique. Si on scanne un groupe de sujets prodromiques et qu’on les suit pendant un ou deux ans, il est possible de savoir quels sujets vont devenir psychotiques, et quels sont ceux qui ne vont pas le devenir, et donc de comparer leur imagerie lors de la première acquisition. Ce genre d’approche a permis de montrer que la structure du cerveau au niveau du cortex préfrontal inférieur est différente entre les sujets qui deviennent psychotiques par rapport à ceux qui ne le deviennent pas [2]. Dans une étude multicentrique récente avec un échantillon assez large, impliquant cinq centres d’Europe et d’Australie, nous avons trouvé que les sujets à risque qui ont une diminution de volume dans la région para-hippocampique dans l’hémisphère gauche ont une probabilité plus élevée de développer une psychose dans les deux années qui suivent. Ces deux résultats montrent qu’il existe des anomalies spécifiques qui précèdent l’ex-pression de la psychose.

Des résultats similaires ont été retrouvés dans une étude en TEP récente dans laquelle nous avons trouvé que plus l’excès de production de dopamine dans le striatum est important, plus la probabilité pour que le sujet déve-loppe une psychose dans les deux années suivantes aug-mente. Ainsi, les sujets à risque ont globalement des anomalies de la dopamine mais la sévérité est maximum dans le sous-groupe qui deviendra psychotique.

La réalisation d’un suivi longitudinal, en scannant un même sujet avant et après le premier épisode psychotique, permet de préciser ce qui est spécifique à la maladie psy-chotique. Ce design d’étude est difficile à réaliser car il faut faire passer un IRM deux fois à la même personne et le deuxième IRM doit avoir lieu juste après le premier épisode psychotique. Dans l’une des rares études ayant utilisée ce

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traitement sur les sujets qui ont le plus de chance de deve-nir psychotique. Cela serait plus efficace et éthiquement plus acceptable. Deuxièmement, il s’agit du développe-ment de nouveaux traitements, basés non pas sur des essais empiriques mais fondés sur une base théorique et des preu-ves scientifiques.

La première idée est d’utiliser certaines anomalies en neuro-imagerie qui semblent spécifiques au développement ultérieur de la psychose pour essayer de prédire quel indi-vidu va devenir psychotique. Le principal défi est de trans-férer des résultats obtenus au niveau du groupe à des résultats qui peuvent être utilisés au niveau individuel. Actuellement, il est encore impossible de donner à un sujet à risque la probabilité qu’il a de développer une psychose dans les deux ans à venir. Pour cela, nous avons besoin de résultats spécifiques au niveau de cet individu, pas au niveau du groupe. Des techniques récentes en neuro-imagerie, comme le Machine Learning, permettent de fournir ce genre de probabilité [5]. Cette technique permet de comparer un individu à un ensemble de données issues d’un large échan-tillon de sujets et de prédire si cet individu va devenir psy-chotique ou non. Il y a un effort important dans le monde entier pour utiliser ce genre d’approche dans cette popula-tion particulière pour cette application clinique.

En ce qui concerne le développement de nouveaux trai-tements, il y a actuellement des preuves que les antipsy-chotiques conventionnels, les même que ceux utilisés dans la schizophrénie mais avec de très faible dose, ainsi que certains traitements psychologiques, pourraient prévenir l’apparition ultérieure de psychose [10]. Dans ce contexte, l’imagerie pourrait permettre de développer de nouveaux traitements sur la base des connaissances acquises sur la structure, la chimie et le fonctionnement cérébral. L’imagerie pourrait ainsi permettre d’inventer une nouvelle catégorie de traitement qui serait réellement préventifs plutôt que d’utiliser des traitements déjà existant.

En résumé, la phase prodromale est associée à des changements structurels, fonctionnels et neurochimiques. Ces changements sont similaires à ceux observés lorsque la psychose est établie mais avec une sévérité moindre. Ces changements sont potentiellement les plus utiles au niveau clinique car ils permettent de distinguer le développement d’un trouble psychotique de symptômes psychotiques occa-sionnels.

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design, réalisée en Australie, il a été trouvé des modifica-tions cérébrales avec une perte de volume de matière grise au niveau de la région hippocampique gauche chez les sujets développant une psychose [11]. Dans une autre étude, européenne, c’est au niveau du cortex préfrontal qu’une perte de volume de matière grise a été détectée [1]. Une telle compréhension des mécanismes physiopatho-logiques qui sous-tendent l’apparition de la psychose ouvre des perspectives pour développer des traitements préven-tifs.

Dans une étude longitudinale récente en TEP, nous avons mis en évidence une augmentation progressive de la pro-duction de dopamine dans le striatum chez les sujets qui ont fait la transition vers la psychose. Tous les sujets avaient un niveau anormalement élevé de production de dopamine lorsqu’ils se sont présentés pour le premier examen en TEP, mais cela s’est empiré dans le groupe de sujets qui sont devenus psychotiques. Au niveau individuel, pour la majo-rité des sujets qui sont devenus psychotiques, le niveau de production de dopamine a augmenté. Chez les sujets qui ne sont pas devenus psychotiques, initialement identiques cli-niquement avec ceux qui sont devenus psychotiques, la situation était différente puisque chez certains sujets la production de dopamine avait augmenté alors que chez d’autres sujets elle avait diminué. Toutefois, en moyennant au niveau du groupe, la production de dopamine n’a pas augmenté chez les sujets qui ne sont pas devenus psychoti-ques. Cela montre que le sous-groupe non psychotique est très hétérogène, certains ne changeant pas tandis que d’autres s’améliorent, et soulève donc la question de l’ori-gine d’une telle différence.

Pour répondre à cette question, nous avons scanné ces sujets à deux reprises, à un ou deux ans d’intervalle, et mesuré leurs symptômes et leurs fonctions cognitives pour explorer s’il existait une relation entre des changements dans le fonctionnement du cerveau et des changements dans leur présentation clinique. Nous avons trouvé que chez les sujets qui ne deviennent pas psychotiques, l’amé-lioration des symptômes prodromaux s’accompagne d’une amélioration fonctionnelle au niveau du cortex préfrontal inférieur [6]. De plus, les individus dont l’amélioration est la plus marquée ont une normalisation fonctionnelle au niveau du cortex cingulaire qui est une région qui serait impliquée dans la récupération de certaines fonctions cognitives [6].

Applications cliniques

Les applications cliniques de ces travaux en imagerie sont doubles. Premièrement, cela concerne la possibilité de prédire chez les sujets qui présentent des symptômes pro-dromiques ceux qui vont, ou non, développer une psychose, ce qui est impossible en se basant uniquement sur des cri-tères cliniques. En pratique, cette situation signifie que dans un service clinique, si l’on veut essayer de prévenir la psychose et que si des traitements préventifs existent, alors il faudrait les donner à tous les sujets à risque, indis-tinctement. Ce que l’on préférerait faire serait de cibler le

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