Yves Congar et Francois Varillon - Sacerdoce Et Laicat Dans L'Eglise

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Paris 1946

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    ^SACERDOCE ET LACATDANS L'GUSE/

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    LIBRARY ST. MARY S COLL^t

    LES DITIONS DU VITRAIL76 bit, rue des Saints-Pres, PARIS-7''

  • Nihil ohttat :

    Etiolles, 15 novembris 1946

    R, P* TOMKBAU, O.P.

    Imprimatur :

    Lntetiae Parisiomm, 2% aprilis 1947

    . Lbclbrg vie, gn*

  • SACERDOCE ET LAICATDANS L'GUSE

    par le R. P. Yves Congar, O. P.

  • IPour une "lalcolos^

    I^e trait de FEglise s^est constitu en raction,surtout connne une lrarcholosie

    La n-otion d'Eglise communinent propose, jusque dans ungias& tout rcent, dans les manuels de thologie et mme dansla cactchse et ia prdication chrtiennes, procde de celle

  • 8 SACERDOCE ET LACAT DAKS l'GLISE

    fl essaye bien, aujourd'hui, de se dfendre, mais qui se sontinscrits dans l^istoire d*une manire incontestable. Aussi, con-tre hii, c'tait encore la ralit hirarchique de l'Eglise, cequi, en elle, est mdiation objective de grce et de vrit, lavaleur ex opre operalo des sacrements, qui taient affirms,tandis qu'un certain discrdit, s'abattait sur ce qui peut repr-senter une initiative des fidks, soit en matire de pense reli-gieuse, soit en matire de culte (sacerdoce universel). ContreTabsolutisme des Etats modernes, TEglise revendiquait sa qua-lit de socit parfaite, ayant sa juridiction propre, ses pou-voirs gouvernementaux, lgislatif, judiciaire, . coercitif. Enfin,le modernisme, reprenant aux sources du protestantisme lib-ral le vieux subjectivisme de la Rforme et du Kantisme, ame-nai! une raction en faveur de l'Eglise ensei^ante et de sesprrogatives, de la valeur objective d'une vrit et d'un dogmequi existent en dehors des fidles, au-dessus d'eux, avani eux,et leur sont donns hirarchiquement.En sorte que tout a travaill pour dvelopper, dans le de

    Ecclesia, les mmes lments dans le mme sens : mdiationhirarchique, affirmation de moyens, de pouvoirs existant dansl'Eglise, constitutifs de l'Eglise, dont celle-ci avait comme lamatrise, auxquels on n'avait qu' se soumettre et dont onn'avait qu' recevoir l'action. L'ecclsiologie constitue ainsifut surtout, et parfois exclusivement, une hirarchiologie, unethorie des fonctions hirarchiques de mdiation. Mais on yfit peu de place aux deux ralits que cette mdiation suppo-sait : d'une part, l'Esprit du Christ, Celui dont nous disons auCredo qu'il est le Matre et qu'il donne la vie; d'autre part, lepeuple fidle, le lacat, l'Eglise croyante, priante et aimante.Du lacat on avait, dans cette ecclsiologie, une conception

    purement ngative; celle que reprsenterait assez bien la dfi-nition canonique des PP. Vermeersch et Creusen (1) : les lacssont

    ceux qui manque toute participation au pouvoir soitde juridiction, soit surtout d'ordre . Evidemment, les cons-quences d'une telle conception taient considrables dans lapastorale, laquelle n'est qu'une extension pratique, une appli-cation de la thologie, et singulirement de l'ecclsiologie.

    (1) Epitome Juri$ canonici, 1927 t. I. n. 199, 5* dit., 193, n. 231.

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 9

    Les problmes poss par la Pastorale ramnentl'ecclsiologie la considration du laicat

    Mais si, dans l'ordre de l'ide se faire et du jugement porter sur les choses, la pastorale reoit de la thologie etdpend d'elle, dans l'ordre de l'veil des ides, des problmesposs, des chocs qui entranent un enrichissement de la pen-se, la pastorale peut apporter beaucoup la thologie. Laplupart des renouveaux qui ont marqu dans l'Eglise sont dus un branlement reu des militants du front apostolique etmissionnaire. Aussi ne faut-il pas s'tonner si, dans la ractionactuelle contre l'tat de choses prcdemment dcrit, les ini-tiatives apostoliques du dernier quart de sicle ont eu un rleconsidrable. Est-ce bien raction , d'ailleurs, qu'il convientde dire, et ne faut-il pas parler plutt de reconqute, de dve-loppement par un pas fait en avant ? Car il s'agit de ne riennier des valables prcisions acquises par la thologie mme ences sicles de controverse antiprotestante et antimoderne. Ils'agit seulement de dpasser ce stade et ce qu'il peut compor-ter de' partiel et d'insuffisant; de regagner, au del des oppo-sitions polmiques et des positions de dfense, des ralitschrtiennes, des points de vue et des affirmations qui, de droit,ont depuis toujours t ntres. C'est pourquoi, en un mouve-ment qu'ont nburri tour tour ou ensemble la restaurationthomiste et doctrinale, le renouveau liturgique, les tudes bibli-ques et patristiques, l'Action catholique et tout ce qu'elle a puntraner ou apporter, enfin la purification, prsentement trsactivement en cours dans notre lerg, des attitudes clricales,notre gnration redcouvre et raffirme, dans le mystre del'Eglse, un mystre du Saint-Esprit et un mystre du lacat,une pnematologie et une lacologie , comme s'exprime leP. Dabin(2).

    Seulement, les problmes affluent, parfois trs aigus, surtoutquand on les voit dans la pratique pastorale. Il revient alors la thologie de rendre au pastoral ce qu'elle a reu de lui etde repondre des problmes qui lui ont procur l'occasion derepenser ses thses en largeur et en profondeur.

    (2) Dans son gros livre : Le sacerdoce royal des fidles dans leslivres saints. Paris, Bloud, 1942.

  • :10 SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE

    II

    Rappel de quelques principesecclsiologiques

    L*glise, peuple de Dieu, en marchevers son hritasse...

    L'Eglise est le peuple de Dieu en marche vers la conqute etla jouissance de son hritage. Comme le peuple d'Isral estnagure sorti d'Egypte, a pass la mer Rouge, a travers ledsert, y a reu pendant quarante annes le pain quotidien etquotidiennement donn de la grce de Dieu, arrivant enfin l'hritage promis, objet la fois d'un don gratuit et d'uneconqute, l'Eglise est le peuple de Dieu, la communaut deshommes qui, dans le Christ, passent sans cesse du monde auroyaume de Dieu, de la cration la vie ternelle. Elle est sanscesse en marche vers la Patrie promise et en attente des biensde l'hritage du Pre. Mais nous savons depuis l'Evangile quecet hritage n'est pas terrestre : en Jsus-Christ, c'^st d'unhritage de fils de Dieu, d'un hritage cleste, ce sont des bienspatrimoniaux de Dieu que nous sommes appels hriter : lavie ternelle, le royaume intrieur du Saint-Esprit, la gloire deDieu et la rsurrection mme de la chair.

    . dont elle possde dj les arrhesCependant, si notre hritage est essentiellement cleste, au

    tmoignage de saint Paul (3), nous jouissons dj des arrhes decet hritage. Nous avons les arrhes de l'Esprit . Les arrhes,qu'est-ce dire ? Une promesse, un gage, et plus qu'un gage.Car on peut donner en gage quelque chose de trs diffrent dece qui est promis; tandis que les arrhes sont un dbut de cequi est promis : non le don plnier, certes, mais une anticipa-tion, un commencement et comme un premier versement de

    (3) II Cor., I. 22, V, 6; Eph., 1,14.

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L*GLISE 11

    ce qui doit tre donn. < Nous sommes dj enfants de Dieu,dit saint Jean, mais ce que nous serons n'a pas encore tmanifest; nous savons qu'au temps de cette manifestation nouslui serons semblables parce que nous le verrons tel qu'il est. (I Jo., III, 2). Une perception exacte de cette espce de dia-lectique entre le dj ralis et donn et le encore promis etattendu est l'une des assises d'une bonne ecclsiologie. Lesprotestants ne voient que l'lment eschatologique de promesseet d'attente. Nous, catholiques, sommes exposs au danger demettre tout l'accent sur l'aspect de don et de ne plus voir com-bien l'Eglise est encore en attente de la consommation de l'u-vre de Dieu.

    Ainsi l'Elglise possde djet doit encore,recevoir...

    C'est pourtant la perception exacte de l'existence simultanede ces deux aspects qui nous permet de donner l'Eglise saposition exacte. Peuple de Dieu en marche vers son hritage,l'Eglise est encore, pour autant, vis--vis de sa consommation,dans une situation semblable celle o se trouvait le peuplejuif vis--vis d'elle. Elle a encore en elle quelque chose de lasynagogue. Peuple de Dieu aux temps messianiques, elle setrouve dj dans l'ordre dfinitif de la vie ternelle; parce quele Christ est venu, et qu'elle est le corps du Fils et dfe l'hri-tier, elle a dj quelque part son Hritage, elle vit dj decette vie qui n'aura pas de fin.

    mais toujours de Jsus-CHrist..*Tout ce qu'elle tient dj ou peut attendre encore, l'Eglise

    e reoit de Jsus-Christ, auquel tout va et duquel tout vient ;vers lequel monte, en se concentrant de plus en plus sur lui,tout l'Ancien Testament, et duquel procde, par une commu-nication progressive, toute l'uvre de l'Evangile. Plnitude ouarrhes de notre hritage, nous n'avons ou n'aurons rien quesur la base du fait unique de Jsus-Christ livr pour nospchs et ressuscit pour notre justification (Rom., IV, 25).Jsus-Christ a t fait pour nous sagesse, et justice, et sanc-tification, et rdemption (I Cor,, I, 30). II ne s'agit pas pournous de trouver un chemin, de faire ou d'acqurir quelque

  • 12 &ACEBDOCE ET UdCAT DASS iJEUSE

    chose qui nous soit propre; il ne s'agit que de devenir partiesprenantes du bien total de grce et de vie qui nous a t acquiset nous est offert en Jsus-Christ. Tout est dj accompli enlui et par lui. En un sens, TEglise ne lui ajoute rien; car, tout2e qu'elle a, elle le tient de lui. Tout le salut est en Jsus-Christ. En sorte que Jsus-Christ plus l'Eglise ne reprsentepas plus que Jsus-Christ tout seul. Un peu c^mme tout le tho-misme peut tre en saint Thomas, en sorte que les lueurs queles disciples peuvent recevoir du matre n'ajoutent rien au tr-sor de lumire qui est en celui-ci. Quand NoireTSeigneur, ensaint Jean (X), nous prsente l'analogie de la ygne, il ne secompare pas, lui, au cep et nous aux sarments, mais il dit :< Je suis la vigne (totale); je suis toute la vigne et, dans lanesure o vous existez en moi, vous tes les sarments. >Cependant, si tout est acquis et donn en Jsus-Christ, tout

    doit tre encore agi et conquis par l'Eglise. De mme que, nousl'avons vu plus haut, la terre promise est la fois un hritagedonn gracieusement "par Dieu et une conqute du peuple sousla conduite de Josu, des juges, puis des rois. Car le bien totaldu salut ralis en Jsus-Christ est destin se communiquernon pas des tres inertes, mais des personnes, des tresfaits l'image de Dieu et donc libres. Nous ne pouvons pasrecevoir un salut acquis pour nous sans nous, la maniretoute mcanique dont un papier reoit Tcmpreinte d'un cachet.Dieu, qui nous a crs sans nous, dit saint Augustin, ne noussauve pas sans nous. Tout ce que nous recevons de Jsus-Christ, il faut encore que nous nous l'appliquions, que nous lefassions ntre, que cela devienne notre vie et notre salut. C'estpourquoi, l'espce de tension prcdetnment dnonce dansl'Eglise entre le encore attendu et le dj donn, s'ajoute cettesorte de dialectique du donn et de l'agi, du tout fait et del'encore faire, dialectique qui, comm^ la prcdente, donne l'Eglise sa ralit et sa position. Tout comme elle est encoreen marche et dj en possession, l'Eglise ne cesse de recevoirson hritai^e comme quelque chose de lgu et de donn, etd'avoir cependant le conqurir.

    ... qui est roi, prtre et prophteSi Jsus a pu ainsi raliser notre sa!ut, constituer ce bien

    commun de grce auquel nous ne ferons que participer, il le

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISB 13

    doit sa qualit d Christ. Il est TOint de Dieu, il est consti-tu par le Pre source de salut, principe de la nouvelle cration,chef des anges et des hommes. C'est cette qualit d'Oint deDieu qu'il nous faut considrer de plus prs. Elle reprsente,dans le Christ, la dignit et la puissance grce, auxquelles ildevient notre sauveur et notre chef.

    Il est traditionnel et courant de reconnatre dans Ife Christtrois grandes qualits ou puissances qui appartiennent sontitre et sa fonction d'Oint du Seigneur : celles de prtre, roiet prophte. De fait, ces trois fonctions sont celles qui, dansl'Ancien Testament, nous apparaissent comme consacres pardes onctions. Mais l'huile dont notre Christ est consacr (?st laplnitude dont la racine, est la grce mme de l'union hyposta-tique.Nous ne trouvons le salut et la vie qu'en les recevant de cette

    triple puissance qui fait de Jsus notre Christ, le chef du corpsdes rachets et le principe de la nouvelle cration, en nousmettant sous l'influence de cette triple nergie salutaire. Maisc'est.ici le. lieu de se rappeler le statut fondamental que nousavons reconnu, l'glise : peuple de Dieu dj en possessiondes arrhes de son hritage, mais encore en marche vers lui.Dj vivant de la vie ternelle qui est celle du Fils, mais encoreen attente de la plnitude de cette vie. Peuple de Dieu, dans ledsert, entre l'Egypte et le royaume, peuple de Dieu m'ilitantqui, dj, possde la vie de la Terre des Promesses, mais;cependant, lui est encore tranger et lointain.

    Ce double aspect de l'tat prsent du peuple de Dieu estl'explication d'une situation qui est, trs prcisment, sa situa-tion d peuple de Dieu en marche vers le royaume.

    en tant qu'il a dj reu, tout le corpsest royal, prophtique et sacerdotal

    Dans la mesure o le peuple de Dieu possde dj son hri-tage, dans la mesure o il tient dj sa fin, c'est--dire dans lamesure o la vie de Dieu lui est dj intriorise, l'Eglise a laqualit de corps vivant du Christ; elle a la forme d'une simplecommunaut ou communion de vie. Dans la mesure o la viequi est dans le Christ ,nous est communique, nous devenonsle corps mme de celui-ci. Nous devenons les membres et, tousensemble, le corps du Christ roi, prtre et prophte. Ces ner-

  • 14 SACERDOCE ET LACAT DANS l'GLISE

    gies qui sont en lui deviennent ntres avec sa vie et son Es-prit. En sorte que c'est tout le corps qui devient royal, sacer-dotal et prophtique. Ce n'est pas seulement le Christ, mais leschrtiens qui, n'existant comme tels que par lui, de lui et enlui, membres d'un corps sacerdotal, royal et prophtique, de-viennent aussi rois, prtres et prophtes.

    en tant qu'il est encore en attente,le corps reoit du dehors

    Dans la mesure o le peuple de Dieu ne touche pas ce quiest sa fin,, ne vit pas encore de la vie dfinitive et se trouveencore en marche vers son hritage; dans la mesure o il n'apas encore intrioris le mystre de Dieu et o, selon l'expres-sion de saint Paul, Dieu n'est pas encore < tout en tous > ; danscette mme mesure, l'Eglise a la qualit et la forme d'unesocit terrestre; elle suit une logique de loi, elle a un aspectde synagogue et d'Ancie Testament. Dans cette mesure, lesfidles nous apparatront, non comme anims d'une vie dont lasource sera en eux, mais comme recevant d'un pouvoir ext-rieur et suprieur eux. Dans cette mesure, l'Eglise sera moinscorps vivant, ayant en soi et en toutes ses parties la prsenceet les nergies de son principe, qu'un peuple en marche sousla conduite de chefs, recevant et possdant ce dont il doit vivre,en des formes voiles et imparfaites : la vrit sous la formed'un enseignement extrieur et dans la foi, la vie sous des ritessensibles, sacramentels, la conduite sous une forme de loi etde prcepte. Certes, le Christ est pour lui vrit, voie et vie; ill'est par sa triple puissance de prophte, de prtre et de roi.Mais, tant que nous sommes engags dans un cheminementloin du Seigneur > (II Cor., V, 6), cette triple puissance duChrist nous est encore, en quelque mesure, extrieure et, dansla forme d'Eglise prgrinante et de socit que prend alorsle peuple de Dieu, son action obit une logique d'organisa-tion hirarchique et de loi.

    J'adopterais volontiers ici une comparaison dont le premierusage se trouve dans le Pasteur d'Hermas. On peut comparerl'Eglise une tour en construction ou, si l'on veut, un tem-ple. La carrire qui fournit les pierres pour la construction del'difice, c'est le monde. Tout un appareil est ncessaire pourla construction de l'difice, c'est le monde. Tout un appareil

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 15

    st ncessaire pour faire passer les pierres de Ttat brut olies se trouvent dans la carrire l'tat de construction Xinie::s pics, des moyens de transport, des chafaudages, des gruest des chelles. Quand l'difice est achev, quand Jes pierresont passes de la carrire l'glise selon le plan et les dimen-ions prvus pour celle-ci, on enlve tout l'appareil et les cha-audages dont on n'a plus besoin. Dans l'tat consomm et dfi-litif du peuple de Dieu et du corps du Christ, c'est--dire au:iel, il n'y aura plus ni activit mdiatrice du sacerdoce hirar-chique, ni magistre de la foi, ni pouvoir de gouvernement, nic dogme >, ni loi, ni sacrement. Car Dieu sera tout en tous >I Cor., XII, 6). Il n'y aura plus rien d'extrieur pour l'hommeiauv et rgnr; rien de l'appareil de l'Eglise terrestre avec;a hirarchie, ses temples, ses pouvoirs, son aspect de loi et de'

    i synagogue. Cette Jrusalem d'en haut sera parfaitement libre(Gai., IV, 26) parce que la vrit et la vie lui seiront parfaite-ment intrioTises. Et c'est elle, c'est aux saintes noces del'Agneau avec elle que va toute l'histoire religieuse de l'huma-,nit. C'est pourquoi saint Jean la dcrit, dans cette fin del'Apocalypse qui est aussi la fin de la rvlation et o il d-voile le terme auquel va tout le propos de Dieu, dans cestermes magnifiques : Je n'y vis point de temple, car le Sei-gneur Dieu tout-puissant en est le temple, ainsi que l'Agneau.La ville n'a besoin ni du soleil ni de l lune pour l'clairer,car la gloire de Dieu l'illumine et l'Agneau est son flambeau (Apoc. XXI, 22-23 et cf. XXII, 3-5). O nous voyons la pleine rali-sation des eff'ets de la Nouvelle Alliance annonce par Jrmie:-< Je mettrai ma loi au dedans d'eux et je l'crirai sur leurcur... Un homme n'enseignera plus son prochain, ni unhomme son frre, en disant : Connaissez lahv. Car ils meconnatront tous, depuis les petits jusqu'aux grands... (Jr.,XXXI, 33-34; cf. Hbr., VIII, 10-11). C'est pourquoi encore unthologien aussi prcis que le cardinal Cajtan' crivait, dansune profonde fidlit de pense saint Thomas: Toute lafinalit de l'Eglise est d'engendrer, de nourrir et de protgerla foi (il entend la foi vivante); le reste est destin tre lien gerbes pour tre brl (Matt., XIII, 30) (4). Oui, tant que

    f4) Com. in Ila-IIae, q. 33, a. IV, n, 2.

  • Il

    |g SACERDOCE ET lACAT DANS L'QLSE

    la moisson n'est pas arrive la plnitude et la maturit depis, il faut une tige pour porter et nourrir ceux-ci. Mais, quancla moisson sera mre pour la rcolte de Dieu, le grain seusera gard et la paille sera livre au feu. Au ciel, le peuple dDieu, qui est aussi le corps du Christ, ne sera plus qu'pifarine de la grande et uTiique hostie de louange. Ici-bas, TEglisqui est dj vraiment peuple de Dieu et corps du Christ, estla fois pis en train de se gonfler et de mrir et tige qui le portet l'alimente. Tant que la vie n'est pas tout entire passe danTEglise, elle doit lui tre communique par la tige.

    c'est pourquoi les vertus ou nergies du Christ-Roiprtre et prophte, existendans l'Eglise en deux tat

    Nous pensons peut-tre nous trouver bien loin de notre siet : sacerdoce et lacat . En vrit, nous en avons pos legnes de fond. Car nous jK)nvona roanlcnanl situer avec jm

    cision les deux ralits ou les deux formes de la mmt raKten qnesfion. Par tout fe cot et dans la mesure o rEglise irdj des dons de la vie ternelle dans le Christ, nous avons mimmanence des Tertus du Christ lont son corps; dans Tordrde la vie et pour mitant qu'il vit dlans le Christ,, toot membre dChrist est prtre, roi et prophte, car il appartient an

  • 9ACEirDOCE ET LACAT DANS iJCOLISa. 17

    ijreraents, tels que l'Eglise catholique Tes pose, reprsententitant de mdiations hnmaines qni offusquent Finieit de ladiation du" Christ affirme par saint Paul (I Tim., IT, 5 etbr.). Qu'il poisse exister des driations en ce sens, la choseest pas exclue. Mais le sens profond de l'existence d'une meaton hirarchique, tel (jue saint Thomas Ta dgag dans sonait des sacrements, est prcisment de marquer. Ist rsJiB l'unique mdiation du Christ et sa souverainet. Que, darsEglise, la vrit, . ia vie et la conduite soient procures et3gles par une autorit hirarchique, cela marque prcismentne la source n'en est pas en nous, car Dieu ne nous est pas^icore prenement intrioris, mais qpe nous devons les rece-oir du dehors, d'en haut. P^ar le canal de pouvoirs qui, vo-anf du Christ et le reprsentant (aca sens fort du mot), sontan bout Fautrc la forme visible et le sacrement de sonnique mdiation. En ce sens, JTBglrse n'est pas une deuximeldiatrice; elle est le Seigneur visible C5).Ainsi comprenons-nous pourquoi les nergLes qui se trouvwitans le Christ par Fonctom dont il a. t consacr, et qui le>at souveraiitenieiit prtre, roi et prophte existent dassEJ^ise soas deux, formes, d'alleiirs faites pour tre accenrdearous une forme diffuse et immanente, tout le corps; sous uneorme particulire, hirarchique et qui, se trouvant dans leorps total, ne laisse pas de se situer au-dessus du corps desdles.Il nous reste voir comment ces deux formes se distribuent

    t s'organisent dans l'unit pour chacune des trois nergies[ue nous avons distingues.

    m

    Le Sacerdoce

    Tout le corps est sacerdotalQue tout le corps des chrtiens soit sacerdotal, qu'il y ait

    (5) R. WiLL (thoL protestant^, Le Cttffr, f. Il, ABoan, 1929, p. 194L

  • IS SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE

    un sacerdoce des fidles, appel encore, sans grande prcision,sacerdoce universel ou sacerdoce royal, c'est ce dont tmoi-gne abondamment l'Ecriture sainte et toute la tradition chr-tienne (6). Voici les textes essentiels de l'Ecriture :

    Si vous coutez ma voix et si vous gardez mon alliance,vous serez mon peuple particulier parmi tous les peuples, cartoute la terre est moi; mais vous, vous serez pour moi unroyaume de prtres et une nation sainte > (Exode, XIX, 5-6). Vous-mmes, comme des pierres vivantes, entrez dans lastructure de l'difice pour former un temple spirituel, un sa-cerdoce saint, afin d'off'rir des sacrifices spirituels, agrables Dieu, par Jsus-Christ... Vous tes une race choisie, un sacer-doce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s'est acquisafin que vous annonciez les perfections de celui qui vous aappels des tnbres son admirable lumire... > (I Petr., II,5 et 9).

    A celui qui nous a aims, qui nous a lavs de nos pchspar son sang et qui nous a faits rois et prtres de Dieu sonPre, lui la gloire et la puissance des sicles des sicles.Amen > (Apoc, I, 6; cf. V, 10; XX, 6, XXII, 3-5). Ce n'est sansdoute pas fortuitement que l'Apocalypse, qui nous parle sisomptueusement de l'Eglise en son tat de consommation, oDieu sera tout en tous, rappelle si frquemment la qualitroyale et sacerdotale des disciples de l'Agneau.

    et pourtant, U y a un sacerdoce hirarchiqueD'autre part, l'existence d'un sacerdoce proprement hirar-

    chique et sacramentel ne fait de doute pour aucun catholique;et la ralit de ce sacerdoce est l'un des liens les plus solidesqui fassent quelque unit entre les Eglises orientales ortho-doxes et nous. Il revient la thologie d'expliquer et d'organi-ser ce donn; elle n'y a pas manqu. Voici comment, la suite

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  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 19

    de saint Thomas, on peut voir les choses (7).

    Ce qui revient au sacerdoce universelAu domaine propre du sacerdoce immanent et diffus appar-

    tient tout ce qui est de Perdre de la vie, de l'application et del'intriorisation personnelles de la vie reue du Christ, desactes de cette vie en tant qu'ayant valeur de culte, enfin de samanifestation dans le tmoignage en tant qu'un tel tmoignagerend gloire Dieu.

    Il y a d'abord tout le domaine du culte intrieur, c'est--direde l'activit thologale ou morale en tant qu'elle glorifie Dieu.Ce culte intrieur est, pour saint Thomas, la fin mme du culteextrieur. Il comporte le culte minent des vertus thologaleset le culte de la vie morale sous l'emprise de la vertu de reli-gion et du dsir que notre vie chante gloire Dieu. C'est ledomaine propre du sacerdoce spirituel que la tradition tho-logique, pas plus que l'Ecriture, ne rapporte pas une activitsacramentelle ou liturgique, mais essentiellement au culte spi-rituel de la vie chrtienne. C'est l que se place le culte rai-sonnable dont parle saint Paul : Je vous exhort... offrirvos corps comme une hostie vivante, sainte, agrable Dieu :c'est l le culte spirituel ( = logique) que vous lui devez (Rom., XII, 1). Le mouvement spirituel du dernier quart desicle a commenc de mettre dans un beau relief une partminente du culte raisonnable qu'e&t la vie chrtienne menepurement en esprit de service de Dieu c'est le domaine dusacerdoce des poux chrtiens. De lui relve la constitution,dans le foyer, d'une cellule d'Eglise et de Chrtient; le cultefamilial, l'offrande et la conscration communes de la vie despoux et, aprs la venue des enfants, des parents.Dans le culte extrieur, qui est surtout reprsent par la

    liturgie et les sacrements, il faut distinguer deux aspects oudeux valeurs, ou encore deux directions. Le culte extrieurreprsente d'abord un mouvement qui monte de l'homme versDieu; il a uhe valeur de prire et de louange, sacrificium lau-dis. Il reprsente ensuite, au moins dans sa partie sacramen-telle, un mouvement qui descend de Dieu vers l'homme; il estle lieu d'un don de grce. L'insistance de la thologie catholi-

    (7)' Cf. sainU Thomas, Com. in Sent., lib. IV, d. 13, q. 1 a. I, q. 1,^d 1"; Sum. theol., III a, q, 82, a. I, ad 2; De reg. princ^ I, c. 14.Sur le culte intrieur, \Sum. theol. la, Ilae, q. 101, a. II et 103, a. III.

  • 20 SACiSCDOCE ET LACAT DANS L'OII&iS

    que depuis la Rforme sur la ralit, d'abord, puii sui l*efficacit de Vex opre operato des sacrement a malheureusementfait prdominer le second aspect aspect sur le premier au pointque ride de voir dans les sacrements d'abord un culte, uneprire, un sacrificium laudis, a presque disparu de l'enseigne-ment et de la catchse. On n'a plus vu, dans la confession,que l'absolution et, dans la messe, on a mis surtout l'accentsur la conscration et la prsence relle; on a moins marquson aspect d' eucharistie >, de louange, tout comme, dans laconfession, l'aspect de culte rendu Dieu par notre contrition.Dans les deux cas, et tout autant dans les autres sacrements,

    on a vu presque exclusivement le don de grce venant deDieu, et venant efficacement, presque utomatquement, mca-niquement.Tout ce que le culte extrieur comporte de mouvement de

    l'homme vers Dieu, tout ce qu'il reprsente de prire et deSacrifice de louange intresse l'aspect de vie personnelle, deralisation x>rsonnelle de la vie chrtienne, et donc le sacer-doce intrieur de tout chrtien. C'est le domaine du fidle,tant entendu que tout chrtien, mme lev au sacerdoce hi-rarchique, est d'abord un fidle. A ce titre-l, le baptis (et leconfirm) exercera son sacerdoce soit dans tout acte de tmoingnage port, pour la gloire de Dieu, la face du monde

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 21

    paiement non plus de prsenter Toffrande des chrtiens, notreoffrande, mais de rendre prsente et active parmi nous Pof-frande mme de Jsus-Christ. Si le sacrifice et le culte de Jsus-Christ sont encore i^fFerts et prsents dans l'Eglise, ce n'est quepar un ministre et sous une forme proprement sacramentels.C'est pourquoi, pouvoir engager efficacement ce mouvementde haut en bas, il n'y. a qu'un sacerdoce, qui est un pur minis-tre vena-nt d'en haut, donc hirarchique, vicaire du sacerdocede Jsus-Christ, et qui est lui-mme, finalement, une ralitsacram^telle. Il ne faut pas, dans le dsir de magnifier lesacerdoce des baptiss, lui attribuer, mme sous une formedgrade, un rle qui revient au sacerdoce hirarchique etsacranjentel. C'est pourquoi l'Eglise veut qu'on vite, danstoute participation active la liturgie, ce qui ressemble^rait un nivellement ou une confusion des rles. Et qu'onne voie pas l une triste acquisition de la Contre-Rforme oude la scolastique : la plus ancienne description que nous ayonsde la liturgie eucharistique, celle de sainl Justin (Apol., XV),est ici pleine d'enseignements. Lorsqu'il s'agit de la prire,Justin crit : Nous prions avec ferveur... (n. 4); mais, lors-qu'il s'agit de l'anaphore et de la conscration, celui quiprside intervient et agit seul (n. 6-7) jusqu' ce que celuiqui prside, ayant achev les prires et^ l'action de grces, toutle peuple prsent acclame en disant : Amen ! C'est que, dansl'acte proprement sacramentel, il y a autre chose que le mou-vement d'adoration et de ferveur montant du cur des fidles;il s'y opre un mouvement de haut en bas, un apport nouveau,un acte de Jsus-Christ en tant qu'il n'est pas encore intrio-ris en nous. Le sens du sacerdoce proprement ministriel(hirarchique) et sacramentel, c'est d'apporter l'Eglise ce quin'est pas encore pleinement en elle : la vie et l'adoration deson Seigneur.

    Ces deux formes de sacerdocene sont pas sans relations

    Il ne convient d'ailleurs pas d'opposer d'une faon radicalele sacerdoce universel des baptiss et le sacerdoce ministrielet sacramentel des prtres. Le second consomme le premier.En ce sens, d'abord, que la conscration du sacerdoce sacra-

  • 22 SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE

    mentel, avec le caractre qu*elle imprime et les pouvoirs qu'elleconfre, est un approfondissement, un dveloppement de laconscration, du caractre et du pouvoir cultuel mis dans lefidle, dj, par son baptme et par Pimposition des mains(confirmation). Telle est la pense, combien profonde et mal-heureusement peu connue, de saint Thomas; pense appuyesur sa vue du caractre baptismal, premire participation ausacerdoce du Christ O).""En ce sens, aussi, que la vie qui s'exprime en louange dans

    les actes du sacerdoce baptismal s'alimente par les oprationssacramentelles dont le sacerdoce hirarchique exerce le minis-tre. Comme tout vient d'en haut, du Christ de celui-lmme qui < est mort pour nos pchs et ressuscit pour notrejustification , le corps des fidles n'a de vie et ne peutfaire monter de louange que pour autant qu'il a, d'abord, reu;sa prire est base de foi, qui est base- de prdication etdonc de mission (Rom., X, 14-15); la vie du Christ, pour s'in-trioriser en lui, doit d'abord tre reue. Ainsi voyons-nousqu'en un sens le sacerdoce hirarchique fait l'Eglise. Dans lamesure o il communique ministriellement la vie du Christ,il rentre, pour emprunter la prcision, des catgories scolasti-ques dans la cause efficiente de l'Eglise (voir L'Eglise du Verbeincarn, de l'abb Journet). Saint Paul compare les fidles une lettre du Christ crite par son ministre, par l'Esprit duDieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur leur cur(II Cor., III, 3).

    IV

    Royaut gouvernement, juridiction

    La royaut spirituelle de tous les chrtiensComme un sacerdoce intrieur et spirituel, il y a une royaut

    intrieure et spirituelle. C'est la dignit royale qui est donneau chrtien du fait que, par le baptme, il est consacr au ser-

    (9) Sum theoL, Illa, q. 63, a, III et V; q. 65, a. Hf, ad 3".

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 23

    vice de Dieu et incorpor au Roi des rois.Comme consacr au service de Dieu, membre du peuple mis

    part pour ce service, le chrtien domine toutes choses tran-sitoires et relatives. Il jouit de cette libert royale des enfantsde Dieu, dont jouit aussi l'Eglise par rapport aux puissancesde ce monde : de cette libert apostolique et prophtiquede qui, constitu dans le service du seul Seigneur, ne peut plustre Tesclave ou le serviteur inconditionn d'aucune chose.Comme membre du Christ, incorpor au Roi des rois, le

    chrtien a la promesse d'tre associ au rgne glorieux du(Christ, tout comme il sera son cohritier. Si tamen compati-mur, ut et conglorificemur.

    Il n'y a pas de difficult sur cette royaut spirituelle et int-rieure, si ce n'est que la notion en est bien peu prsente dansla thologie et la prdication catholiques. (Qui en a jamaisentendu parler ?) Mais des problmes peuvent se poser au plande la participation hirarchique, dans l'Eglise, la royaut etau gouvernement du Christ.

    Dans l'ordre du gouvernement hirarchique mme,les laies ont eu certaines prrogatives

    Les lacs ont souvent revendiqu, et ont parfois obtenu dansl'Eglise, une certaine activit de gouvernement. Ceci tient austatut qui fut celui de la Chrtient dans les pays o le princeau moins, puis, dans la suite, tout le peuple, tait chrtien, sevoulait chrtien et professait que la socit n'avait d'autre butque d'assurer au peuple de Dieu la paix ici-bas et le salut dansl'autre monde. Dans ces conditions, en effet, la socit politi-que soumise au prince et l'Eglise ne formaient plus qu'une seulecommunaut dont les membres taient rgis simultanment pardeux pouvoirs, le sacerdotal et le royal; une seule socit ayant,pour la rgir, le Pape et l'Empereur, un peu comme le corpsa deux cts distincts, mais insparables (la comparaison estencore, au xV sicle, chez Turrecremata). Ce que nous appelonsaujourd'hui l'Etat et l'Eglise ne formaient, dans cette perspec-tive, qu'une seule cit, un seul peuple, ayant une fin propre-ment chrtienne, mais administr par deux pouvoirs. Dans lasocit rgie ainsi concurremment par les princes chrtienset les vques, comme ce fut le cas, chez nous, dans la chr-tient franque du vi* sicle, puis et surtout dans la chrtient

  • 24 SACERDOCE ET LACAT DANS L'QLISE

    carolingienne, enfin dans la chrtient mdivale, qui se pro. longe, au moins pour partie, au del de Philippe le Bel, jus-qu' la fin de l'Ancien Rgime, les princes revendiqurent,obtinrent souvent, et, plus souvent encore, s'attriburent desprrogatives de vritable gouvernement de l'Eglise. On leurreconnaissait, de fait, un vritable regimcn Ecclesiae (10). LesCapitulaires de Charlemagne, par exemple, lgifrent, en ma-tire proprement ecclsiastique et canonique, sur l'exercice duculte, la tenue des conciles, la distribution des charges eccl-siastiques et des vchs, etc. (11). Spontanment, les princesprenaient de plus une vritable charge d'apostolat, en particu-lier l'gard des peuples conquis; ce sur quoi, bien sr, il yaurait beaucoup dire. Et parfois mme le Sige apostoliquesanctionnait officiellement cette sorte de mission d'vangl-sation : ce sur quoi, galement, il y aurait beaucoup dire.

    L'histoire serait longue de cette participation des princes angouvernement des choses ecclsiastiques (12). Cet tat de cho-ses a fini par laisser l'Eglise un souvenir assez ml. Cela amal termin, dans la grande aventure de la Rforme, parl'Appel de Luther la Noblesse allemande. Luther ne voulaitpas quitter l'Eglise, mais la rformer selon sa conception del'vangile. Et, comme l'Eglise ne le suivait pas, il est pass l'action et a fait appel au secours des princes au nom du sacer-doce universel, compromettant ainsi cette grande ide chr-tienne dans un usage o l'Eglise catholique ne pouvait videm-ment le suivre.

    Ce qu*il en est aujourd'huiDans la discipliue canonique actuelle, les lacs n'ont plus

    aucuii pouvoir de gouvernement dans l'Eglise. Cependant, ilsreoivent et recevront peut-tre davantage dans l'avenir ladirection d'oeuvres catholiques (uvres scolaires, charitables,uvres de jeunesse), et mme d'organisations qui, comme cel-les de l'Action catholique, sont proprement des organisations

    7 \o\o n^ txte cits par le P. J. Lecler, dans Construire, fasc.7, 1942, p. 71 s.; voir l'excellent ouvrage du mme auteur, L'Egliseet la souverainet de l'Etat, Flammarion, 1946.

    (11) Cf. toute histoire de cette priode et, parmi les publicationsles plus roentes, P. Fbrnessolle, De la civilisation chrtienne, Beau-chesne, 1945, p. in s.

  • SACERDOCE lT lACAT DANS t*H-ISE 25

    d'Eglise. Par l, ils ont une participation, assez vague d^'ailleurs,au pouvoir royal de l'Eglise. Le statut exact de cette participa-tion n'a jamais t bien prcis, et peut-tre n'est-il pas suscep-tible d'une grande prcision. A propos de l'Action catholique,on a dit qu'elle tait la participation l'apostolat hirarchi-que, mais non la hirarchie elle-mme (13). Il y a uneparticipation des lacs la mission de l'Eglise; mais dans desconditions telles que les lacs demeurent des lacs, n'entrentpas dans la hirarchie ecclsiastique et n'aient pas exercerdes actes qui exigeraient des pouvoirs proprement hirar-chiques. Les lacs seront donc revtus de quelque autoritdans l'Eglise, et ceci au nom de leur participation la missionde celle-ci : participation sanctionne par un mandat, sinonprcis et personnel, comnae celui dont peut tre investi le cur,du moins coHectivement donn au lalcat chrtieii organis.

    Lres fidles doivent tre entendus dans TEgliseSi les lacs n'ont, avec la rserve qu'on vient de dire, aucune

    part au pouvoir proprement hirarchique de gouvernement, ilsont un droit imprescriptible tre entendus dans l'Eglise,Faire comme s'ils n'existaient pas, les traiter toujours en en-fants qui ne parlent pas dans le cercle des grandes personneset dont on dtermine d'autorit, sans eux, tout le comporte-ment, c'est s'exposer, soit les rduire une passivit quiengendrerait bientt le dsintressement et l'indiffrence, soit les acculer des actes d'indiscipline et peut-tre de rvolte.En fait, dans la violence et la verdeur de certaines interven-tions laques de ces derniers mois, se fait jour, sans doute, laraction de penses et de sentiments demeurs trop longtempssans issue et sans possibilit d'expression. Une certaine libertroyale existe, pour les baptiss, "l'intrieur mme de l'Eglise,mais qui, prcisment, fera preuve qu'elle vient vraiment del'vangile, en sachant s'allier au respect et la patience, commeon le voit si remarquablement chez une sainte Catherine de

    (12) Elle a t faite, au moins par parties- Comme expos d'en-semible des faits, non d&s doctrines, on peut se reporter J. Hasha-GEN, Staat und fi^irche dot der Reformation, Essen, 1931 (fait dans laperspective luthrienne)-

    (13) Directives des vques allemands ^Confrence de Fnlda), dansDocumentation catholique, 1933, cal. 913.

    rtAnv CT AAADV'C mW^f^f

  • 26 SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE

    Sienne. On connat le mot d'Ed. Le Roy : Les simples fidlesn'ont que le rle des moutons de la Chandeleur : on les bnitet on les tond ! (14). Les prtres qui liront ces pages saventmieux que quiconque la part de vrit qu'il y a dans ce pro-pos. Il est certain que les lacs sont souvent rduits la passi-vit et au silence. Mais, dans la mesure mme> qui sans doutene fera que crotre, o ils recevront des responsabilits dansl'Eglise, l'obligation s'imposera de trouver des formes viablespour l'activit et l'initiative des lacs. Le cardinal Verdierrevenant de Rome et rpondant aux yux du clerg parisien,le 1" janvier 1931, prononait ces paroles qui, malheureuse-ment, n'ont pas eu l'cho qu'elles mritaient : Vous aurezun ministre un peu nouveau. Jusqu'ici vous tiez rest desmatres incontests, presque des rois de droit divin... Si de-main le lacat se place ct de la hirarchie pour dirigerl'Action catholique extrieure, vous serez dsormais des roisconstitutionnels -^ (15). Le lendemain de 1931 est pour nous,maintenant, un hier ou un avant-hier. Parlera-t-on toujours dec demain comme sur l'enseigne du barbier ?Les formules seraient trouver, parfois peut-tre simple-

    ment restaurer : conseils paroissiaux, consultation des orga-nismes lacs, je ne sais; je suis ici infiniment moins comptentque ceux qui me liront. Mais je suis sr qu'un grand besoinexiste, que quelque chose se fera jour en ce sens et que ce sera,pour l'Eglise, la source d'un vritable renouveau et d'une^grande fcondit. Saint Jean Clhrysostome appelait le peuplechrtien le plrme de Vvque, signifiant ainsi sans doute quela hirarchie a besoin de lui comme de sa plnitude et de soncomplment. Dans un langage moins thologique, un auteurdont je ne ferai certes pas un Pre de l'Eglise a pu crire :< Sans les Calibans, point de renaissance catholique. Nous seulssommes assez nombreux pour remplir les glises et la messeest mal chante tant que nous ne donnons pas de la voix (16).

    Il faut que le peuple chrtien, et le peuple > au sens de masse populaire >, l o il existe encore, soit nouveauentendu dans l'Eglise.

    (14) Dogme et Critique, p. xra.(ib) Dans Documentation catholique, 7 mars 1981, col. 688.

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 27

    V

    Prophtisme

    Aux deux plans de vie intrioriseet de transmission d'un dpt...

    Nous retrouverons ici la distinction qui claire tout notreproblme : celle que nous avons fonde entre le point de vueie la vie, qui est celui du corps total et qui joue dans la mesurem cette vie est dj possde et intriorise, et le point de;ue social ou hirarchique, qui trouve son application dans lanesure o la vie, non encore intriorise, doit tre transmisem corps.Dans cette matire de vrit ou de doctrine, ces deux aspects

    correspondent assez bien la distinction entre les points devue, d'une part, de la rvlation et du dogme (qui est la formeecclsiastique du rvl) reu d'en haut comme un dpt, et,d'autre part, du dogme vcu par l'Eglise croyante et rayonnpar le tmoignage chrtien. Ds l'abord, on peut prsumer que,dans la mesure o la rvlation et le dogme nous viennent dudehors, savoir des prophtes, du Christ et des Aptres, dansune rvlation historique et objective qui se prsente commeun dpt et comme la *ransmission de quelque chose de toutfait, on retrouvera la comptence propre d'un pouvoir hirar-chique de magistre. Pouvoir hirarchique rsidant essentiel-lement dans le corps apostolique continu, au moins pour par-tie, par le corps piscopal avec son critre interne d'unit :le Sige apostolique. Par contre, dans la mesure o la doctrinereue dans l'obissance de la foi sera vcue et, par l mme,dveloppe, applique selon les besoins des hommes et destemps; ou encore dans la mesure o l'Esprit qui besogne dansl'Eglise clairera personnellement des mes; dans celle encoreo la vrit chrtienne sera tmoigne et rayonne par des

    (16) J. GuHENNO, Calihait parle, 1928, p, 144.

  • 2S SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE

    mes qui vraiment en virent et s'engagent : dans cette mmmesure on se trouvera dans le domaine de la vie, o tout fidlanim par l'Esprit, et pour autant que l'Esprit est actif en luaura grce, initiative et activit.

    ... correspondent le rle des laies,.Selon cette distinction des rles si simple et qui rpond a

    bien ce que nous apprend l'histoire de l'Eglise, le lacat fidlaura largement sa part dans le dveloppement et le rayonnement du dogme 0.1). Dans son dveloppement, ainsi qu'on 1'vu, par exemple, sous Lon XIII, dans le domaine de la doctrine sociale de l'Eglise (rle de l'Union de Fribourg), et qu'ole voit prsentement encore en cette question et en d'autresdoctrine chrtienne du mariage, liturgie etc.... Aprs tout, bie:des grands mystiques ont t des lacs; or ce n'est sans doutpas par hyperbole littraire que Grgoire XV et Urbain VIont appel sainte Thrse d'Avila docteur de l'Eglise... Danle rayonnement du dogme aussi, par le tmoignage chrtieiMais nous retrouverons cela un peu plus loin.

    ... et la comptence de la hirarchitPar contre, il reviendra essentiellement la hirarchie :1 De porter, dans l'Eglise, le charisme de Tapostolicit

    c'est--dire de faire que la doctrine de la foi vienne vraimend'en haut, du Christ et des aptres, tout comme, lorsque nouparlions du sacerdoce, la grce nous est apparue comme venant vraiment d'en haut, du fait unique et historique de lCroix. De transmettre au peuple de Dieu, qui doit vivre danl'unit de la foi et de sa profession, le dpt de la Rvlatioifaite. En sorte que ce peuple vive vraiment < sur le fondemendes prophtes et des aptres, le Christ Jsus tant lui-mme 1pierre angulaire (Eph., II, 20);

    2* De juger de la conformit ce dpt des dveloppementsapplications et expressions que la doctrine aura reus en tan

    (17) Ce sujet ne mrite sa rputattion d'pineux, voire de dan^ereux, qu'en raison de l'excess-ive circonispection et' de la timiditqu'ont siuscites dans l'Eglise la crise moderniste et diverses prtentions exagres. Au-ssi est-il peu -abord. En dehors de N^vman, OiConsulting the faithful on matters of faith (dans- The Rambler, juil

  • SACERDOCE ET LAGAT DANS L'GIISB 29

    icue, pense et rayonne par l'ensemble des fidles. Ceciujours afin que tons disent la mme chose, qu'il n'y ait pas scission et que tous soient unis dans un mme esprit et unme sentiment (I Cor., I, 10). Le rle d'une autorit publi-le est prcisment d'exercer un acte qui ait valeur pour rglerir voie de jugement et titre e critre la vie collective d'une)mmunaut. Dans l'Eglise, o cette vie collective n'est pas,)mme dans la socit civile, d'ordre puremnt pratique, mais)mporte une vie dans l'unit de la foi et sur la base mme2 cette unit, l'autorit publique prend, au del d'une formeB juridiction et de rgne, la forme d'un magistre.

    Eglise enseignante et Elglise enseigneDans la thologie catholique courante, pour les raisons vo-

    vOes "au dbut de cet article et dans la note prcdente, on'a considr, dans la vie de l'Eglise en l'unit de la foi, queet aspect de dpt constitu et transmis par la mdiation'une hirarchie de magistre. Tout comme on n'a gure con-dr, dans les sacrements, que l'aspect d'efficacit objective,*ex opre operato. Tout l'effort a consist montrer, contre!S protestants, les Jansnistes ou les gallicans, contre les diversibjectivismes et finalement le modernisme, que les fidles'ont aucun pouvoir hirarchique de magistre et qu'ils reoi-ent la doctrine toute faite. Et cet effort a abouti, comme on dernier mot, la dfense, comme d'un suprme bastion,

    ! e la distinction entre Eglise enseignante et Eglise enseigne,le qui a t dit prcdemment, loin de porter atteinte cettestnction, la fonde et l'explique. Mais qu'on ne croie pasvoir lout dit lorsqu'on a pos cette barrire. Il reste en effetdonner sa place la part de vrit que peuvent reprsenter,ar exemple, l'ide de conservation de la vrit dans le corpsatal des fidles, ou encore telle formule d'un P. Tyrrell, alors

    ?t 1859), texte malheureusement inaccessible et dont je compte dou-er un jour une traduction, je puif. ren

  • 80 SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISB

    ncore catholique : < An commencement, il n'y avait pas unelEglise enseignante et une Eglise enseigne, mais une Egliseenseignante et lin monde enseign. Chaque chrtien, par la-vertu de son baptme, tait un matre fct un aptre. (18)H est navrant de voir des ides si proches d'tre vraies, au

    moins dans ce qu'elles affi-rment (car la partie ngative est unecontre-vrit historique), contenir, dans leur confusion, undanger d'erreur d'autant plus redoittable qu'il est plus li une perception authentique. La suite de la prsente tude per-mettra une mise au point qui, aprs tout, est aise.

    L.e8 distinctions faire dansles diffrents ordres...

    Pour cela, il nous faut distinguer. Tyrrell n'y aurait pas con-senti. Mais, comme disait Mgr d'Hulst la Chambre des dpu-ts, distinguer est encore le seul moyen qu'on ait trouv de nepas confondre. Aussi, nous inspirant de quelques textes dis-perss, mais trs nets, de saint Thomas (19), distinguerons-nous, dans la fonction prophtique ou de tmoignage quenous prenons volontairement dans toute son ampUeur, et doncsa gnralit, deux modes et trois sortes d'actes. Les deuxmodes sont le public et le priv; les trois sortes d'actes rpon-dent la fonction doctrinale ou dogmatique, la fonction scien-tifique ou doctorale et la fonction apostolique. Si l'on appliqueles deux modes aux trois actes ou fonctions, on aura six ca%diffrents.

    .^de renseignement doctrinaL.*a. Dans l'ordre de renseignement doctrinal ou dogmatiquCt

    nous rencontrons d'abord l'enseignement public ou faitofficio. C'est celui qui est affrent une charge pastorale hi-rarchique (20). Il appartient en propre l'vque, dont il est,dit saint Thomas, qui ne connat pas l'hyperbole, c le devoi

    C18) Suis-Je catholique ? p. 59.(19) Gf. entre autres, Com. in Sent., lib. IV, d. 6, q. 2y a. II q. 2,

    ol.,d. 19, q. 2, a. II, q. 2, ad 4'"; Sum theol., IIIa q. 71, a. IV, ad 3.(20)' Ex officio praelatdoni, vel ex autoritate alicujus praelatio-

    msm habentis >, Com. in Sent., lib. IV, d. 19, q. 2, a. II, ad 4" :< Praelationis offlcium habet doctrinam adjunctam >, Contra im-pugn., c. 2.

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'OLISE 3t

    le plus capital (21). Les vques sont * juges de la foi ,c'est--dire qu'ils reprsentent proprement t par eux-mmesl'autorit publique en matire de doctrine. Les prtres et lesreligieux prcheurs reoivent quelque participation cettefonction enseignante de l'vque, comme tant ses coopra-teurs. Mais, mme assembls en synode, ils ne sont pas jugesde la foi et n'ont jamais qu'une autorit dlgue et contr-le, comme par reflet ou par cho. Peut-tre les lacs reoi-vent-ils, eux aussi, de la mme manire, quelque participation,plus lointaine encore, l'autorit enseignante de l'vque : soitdans la fonction, aujourd'hui purement thorique, de par-rain (22), soit dans celle, beaucoup plus relle, de catchiste,lorsqu'il s'agit d'une activit vraiment homologue et mandatepar l'vque.Dans oe mme ordre de l'enseignement dogmatique, il existe

    aussi une activit toute prive quant sa valeur, mme lors-qu'elle se produit en public et trouve, peut-tre, un grandretentissement. Il s'agit d'un enseignement, non plus ex officio,garanti par un charisme hirarchique, mais ex spiritu, fruitd'un don, d'une inspiration, d'une mission tout intrieure (23)^De tels dons, une telle mission ne sont pas rares dans le lacatchrtien et y ont parfois un clat, une fcondit exceptionnels.Il semble bien qu'on en trouverait des exemples dans le cas demaints tels que les deux sainte Thrse, ou d'hommes tels quePascal, de chrtiennes telles que les dames Bigard ou PaulineJaricot, des serviteurs de l'Esprit tels qu'un Maritain ou unClaudel. Nous sommes l en prsence de dons ou d'inspira-tions qui viennent peut-tre de Dieu, mais dont la provenancedivine est une chose cache, problmatique, dpourvue de cettegarantie publique tenant la structure de l'Eglise, promise parDieu au corps piscopal, successeur du corps apostolique. C'estpourquoi ces inspirations, toutes divines qu'elles puissent tre,n'ont pas, de soi, valeur de rgle de pense pour le peuple deDieu comme tel. Elles peuvent apporter beaucoup celui quiles a reues, ceux mmes qui reoivent le mssage de celui-

    (21) Sum theol., Illa, q. 7, a. II, ad 1"; comp. fn Tit^ c. I. lect.2.(22) Corn, in Sent., lib. IV. d. 6, q. 2, a. II, q. 2, Bol.(23) On relira les. belles pages du P. Clrissac sur la Mission et

    FEsprit dans Le Mystre de l'Eglise, d. du Cerf, ch, VU.

  • 32 SACERDOCE ET LACAT DANS L*(JLISE

    ci; elles ne sont pas directement une rgle d'Eglise. Elles ne ledeviendraient que si elles taient prouves, puis homologuespar la hirarchie comme conformes au dpt et reprsentantun dveloppement authentique de celui-ei; ou, dans l'ordrepratique, comme rpondant la conduite du Saint-Esprit surson Eglise. Seule la hirarchie piscopale, unie dans la com-munion toute l'Eglise et son centre, reprsente vraimentune autorit publique ayant valeur proprement sociale de cri-tre pour la vie du peuple de Dieu dans l'unit de la vrit.

    M. de renseignement scientifique ou doctoral.^h.' Dans l'ordre de l'enseignement scientifique ou doctoral,

    tout fidle, prtre ou lac, qui estime avoir quelque chose dire, peut parler sans avoir pour cela reu une mission quel-conque, ex spiritu. Le produit vaudra ce que vaudront la docu-mentation, les raisons, bref la comptence du docteur.

    Mais un docteur dont la comptence et l'orthodoxie aurontt prouves peut recevoir de l'Eglise un mandat d'enseigne-ment : cette mission canonique dont parle la ConstitutionDeus scientiarum, par laquelle l'Eglise a, en 1931, rorganisl'enseignement de ses universits et facults (24). L'enseigne-ment d'un tel docteur, qui pourrait tre un lac (on cite le cas,singulier vrai dire, de Ward), restera -entirement d'ordrescientifique; il vaudra ce que vaudront la documentation et lesraisons de qui le propose. Mais il revtira un certain carac-tre public, il jouira d une autorit plus grande, dont la ranoncomme la garantie seront, on le comprendra, un contrle plustroit de ses expressions extrieures, de la part de l'autoritecclsiastique.

    ^.de renseignement apostoliquec. L'ordre de l'enseignement apostolique est videmment ce-

    lui o l'activit du lacat pose les problmes les plus intres-sants. Il a, dans la tradition ecclsiastique, un statut et un nomprcis. Quand, au dbut du xiii* sicle, se produisit un foison-nement de mouvements lacs d'inspiration < vanglique ,r^glise s'elTora d'oprer un discernement et, ventuellement,de leur donner un statut. Du plus pur, celui qu'avait inaugur

    (24) Cf. art'. 21, 5, et art. 22; Rg>lement annexe, tlt. II, a. 5, 6.

  • SACERDOCC ET LAdAT DANS h'aUSB^ 33

    ?ranois d'Assise, elle fit un ordre religieux de type apparent\ celui des Frres Prcheurs. A celui des Humilis , sorte de:iers-ordre lac qui n'tait pas une manation d'un grand Or-Ipe, Innocent III permit de prcher, non le dogme, mais lapnitence, la pit et les dvotions. La distinction fut alorsfaite entre doctrina et exhortatio (25). C'est ce mme mot d'ex-hortatio que reprend >saint Thomas lorsqu'il parle du tmoi-gnage lac que peuvent pratiquer tous les fidles, et mme lesfemmes, qui saint Paul avait enjoint de se taire dansl'Eglise (26). Nous verrons bientt comment la distinction entreles deux modes, priv et public, peut s'appliquer l'enseigne-ment apostolique d'exhortation. Pour aider suivre cet expos,on se permettra de numroter ici les paragraphes.

    Le tnmoignage priv du laie! Tout fidle, de par son baptme, fait partie du peuple de

    Dieu, du peuple royal et sacerdotal mis part et consacr pourporter tmoignage Dieu devant le monde (I Petr., II, 9). LaConfirmation a dvelopp tout spcialement le caractre et laconscration du baptme dans le sens d'une affirmation etd'une activit du chrtien dans la vie proprement sociale, soitde l'Eglise, soit du monde (27). Tout lac, de par la conscra-tion de son baptme et de sa confirmation, peut donc, titrepersonnel, donner le tmoignage pour lequel il est marqu,

    !selon les occasions. On dira mme qu'il le doit; car, de toutevidence, l'obligation du tmoignage t de l'ap^ostolat incombe chaque chrtien t tout chrtien au titre du baptme et dla confirmation par lesquels il a t consacr l'uvre d&Dieu. C'est l une vrit qui a t, ces derniers temps, claire-

    ^

    (25) Cf. Les textes dans P. Mandonnet, Saint Dominique, Vide,l'homme et l'uvre, augm-ent de notes et d'tudes critiques parM. H. Vicaire et R. Ladner, Descle, 1938, t. II, ,p. 43 s., 304 et 30en note.

    C2&) Sum theol., Ila-IIae, q. 177, a. II; Illa, q. 55, a. 1, ad 3""; q. 67,a. IV, ad 1""; Corn, in I Cor^ chap. XI, leot. 2; chap. XIV,. lect. 7 ;In Tim., chap. II, lect. 3; in Tit., chap. II, lect. 1; Quodl. XII, a. 27,ad 2".

    (27) Cette manire d'envisager la confirmation appellerait une jus-tification et des dveloppements dans lesquels je ne puisi entrer ici.

    ilBRARY ST. AAARY S COLLEGE

  • 3^ SACERDOCE. ET LACAT DANS L'GLISE

    ment affirme (28).A ce plan, le rayonnement apostolique des lacs est une

    chose qui dcoule directement de leur qualit de chrtiens; ilne fait que reconnatre et honorer l part de responsabilitque tout baptis, comme membre de l'Eglise, a dans la vie, lamission et Puvre de ce^te Eglise (29) : comme tout citoyendans la vie, la mission et Toeuvre de son pays. Cette responsa-bjlit, le fidle ne Ta pas reue, sous forme de mission, de lahirarchie, sinon en un sens tout fait large et de faon indi-recte, du fait de la dpendance o il est, pour toute sa viechrtienne, du magistre et du sacerdoce hirarchiques (cf.supra). De plus, le fidle rencontre cette responsabilit apos-tolique dans des conditions particulires qui sont les siennes,celles de sa vocation, et qui sont providentielles. Selon l tempsde notre venue en ce monde, selon notre patrie, nos antc-dents, nos ressources, notre condition, et finalement les millecirconstances de notre route, nous avons l'gard de Toeuvrede l'Eglise une responsabilit particulire et propre. Chacund'e;itre nous a t < cr en Jsus-Christ pour des actions bon-nes que Dieu a prpares d'avance afin que nous les prati-quions (Eph., II, 10). Chacun d'entre nous a t plac en unpoint et un moment du monde, dans une certaine c situa-tion par quoi sa responsabilit chrtienne se trouve spci-fie. C'est quand chaque partie remplit sa fonction de partieque le programme du tout est assur. Chacun a reu sa partde l'univers rcapituler dans le Christ.

    2" Les lacs qui sont plus spcialement conscients de cedevoir et anims par cet esprit, tout naturellement, se grou-pent afin de profiter des moyens dont un groupe peut bnfi-cier et qui son trs suprieurs ceux qu'un individu isolpeut mettre en uvre. En particulier pour recevoir, par l'en-seignement d'un prtre, l'laboration d'une doctrine et d'une

    (28) Cf. Note des Cardinaux et Archevques, de mars 1946, dans Do-cumentation catholique, juillet 1946, col. 742.

    Aussi a-t on ouvent marqu le lien qu'il y a entTe l'Actionoalholique et le sacrement de confirmation. Ainsi, plusieurs reprise, Pie XI : cf. P. Bayart, L'Action cathoUHue spcialise, p. 112-113; Mgr Guerry, L'Action catholique^ p. 58-59. M. encore B. Um-BBRG, S.J., Der Ritterschlag zur katholischen Aktion, Inn&bruck, 1931.

    f29) Le mot magnifique d^ John Wes>Iey est vrai de tout chrtien,au titre m*me de son christianisme : / look u,pon the whole.world asmy parish. (J considre le monde, eqtier copune ma paroi99ie.)

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L*GLISE 35^

    technique appropries et, par sa direction, la formation et lesoutien ncessaires un rayonnement apostolique qui veut treefficace. Tout naturellement se sont crs, dans le cadre parois-sial ou indj iamment de lui, des groupes de formation etd'entr'aide chr- ennes en vue de l'apostolat ou du tmoignage*Mais de tels groupes restaient, si l'on peut dire, de droit priy,et il en est encore aujourd'hui qui dsirent se constituer oademeurer ce plan de l'initiative ou du droit privs.Evidemment, ce qui a t dit prcdemment sur la tche et

    la responsabilit propres des lacs, chacun selon la place quilui est chue dans le monde, vaut encore au stade d'organisa-tion spontane o nous en sommes.

    Le tmoignage laie consacr par une mission publiquereue de la hirarcliie : l'action catiiolique

    3' Cette organisation de Tinitiative et du rayonnement lacsest reprise par l'Eglise hirarchique qui y ajoute, en mmetemps qu'une structure plus prcise et plus large, une cons-cration officielle. Le citoyen du peuple de Dieu est appel militer dans une formation de droit public. L'apostolat deslacs passe du plan priv au plan public; il devient propre-ment l'Action catholique (30). Comme on l'a dj dit plus haut,l'investiture ou la mission ainsi donne par la hirarchie n'estpas d'une nature aussi prcise que le mandat donn, par exem-ple, par l'vque au cur; elle est donne gnralement non kl'individu, mais au mouvement dans son ensemble (31). Danscertains cas, cependant, une vritable mission canonique ana-logue, au plan de l'exhortation apostolique, celle que l'Eglise

    (30) Les Papes ont sonvent prsen-U l'Action catholique dans cetteperspective* Cf. par exemple Pie X, encyclique // fermo propositOydn 11 juin 1905, sur i*Action catholique italienne. Pie XI, encycliqueUb arcano, du 23 dc. 1922; encyclique Non abbiamo bisogno, contrele fascisme, du 19 juin 1931, etc.De mme les Papes ont-ils tenu k marquer que l'Action catholique

    avait l'oujours exist dans l'Eglise; cf. textes de Pie XI en ce sensdans le recueil de documents pontificaux publi par la Documenta-tion catholique sous le titre l'Action catholique, 1&33. p. 45, 54, 62-63, 103-104. 181.

    ^. p

    .

    (31) < Le mandat est donn au mouvement.^ > Note de l'AssemMedes Cardinaux et Archevques, mars 1&46, dans Documentation ca-tholique^ 21 juiliet 1946, col. 743.

  • 36 SACEBDOCB ET lACAT DAKS i'ioUSE

    donne aux professeurs de thologie pour renseignement doc-toral, pourra tre donne des lacs (32).

    L'Action catholique est donc l'apostolat des lacs, leur par-ticipation propre la responsabilit que l'Eglise a du monde,en tant qu'au del d'une initiative purement prive, mme sielle est dj plus ou moins collective et organise, ils reoiventla conscration de l'autorit apostolique, c'est--dire des v-ques, et contribuent ainsi une activit de l'Eglise elle-mme,et non plus seulement de tel ou tel membre en elle. Une missions'ajoute Vesprit (33).

    C'est cette uvre commune, qui est proprement l'uvre del'Eglise comme cit, que l'Action catholique convie le lacat ;ce pour quoi elle le prend, soit en son tat dispers, soit dansun tat d'organisation spontane, locale, prive. Elle l'organiseet donne aux organisations ainsi constitues une participation

    C32) A Berlin, pendant la guerre 1939-1945, huit cents lac, jeuiiesgens et surtout jeunes filles, dont plusieurs avaient fait leurs tudede thologie compltes, onl) reu la missio canonica. A vrai dire, oase demande si, dans TAction catholique actuelle, on ne dpasse pasle domaine de Vexhortatio. Dans le mouvement Pro civitate chris-tiana, dont le centre est Assise et.) qui est la branche laque de latSocit de Saint-Paul^ les lacs font de vritables discours religieux,non dans les glises, mais dans diverses salles; il ne s'agit plus lde tmoignage et d'exhortation, mais d'un vritable enseignementreligieux,

    (33) Il faudrait montrer ici que l'Eglise, dont les formes de vie etla constitution sont tout* fait propres et irrductibles celles d'unesocit humaine (juelconque, est la fois famille et cit. Ne se pr-sente-t-elle pas ainsi dans maint texte de l'Ecriture ?La famille est la ralit humaine lmentaire; elle est cre par

    la naissance, donc par un fait de vie pure et simple, et elleassure l'homme les choses ncessaires a la vie de tous lesjours : la table , le foyer, le vtement,, le coucher, les rudimentsde la connaissance et des relations humaines. La cit est la lalithumaine dveloppe en sa plnitude; elle se cre quand des hommesveulent faire en commun une uvre laquelle aucun d'eux ne suffi-rait seul; elle rpond un stade de vie dveloppe, panouie; ellefait participer l'homme au large courant de la vie et* de la civilisa-tion (uvre de cit ) humaines. Chaque cit rassemble des hom-mes sur une ide, un programme, et, selon l'ide c^ui mobilise ainsiles hommes pour une activit conumune, chaque cit conoit et or-ganise son rgime. Son rgime, c'est*--dire non pas seulement laforme que prendra en elle l'aulorit^ ce qu'on pourrait appeler saconstitution; mais, beaucoup plus largement que cela, le titre. In ma-

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 37

    officielle, publique, son activit de cit (34) Elle fait passerleurs mouvements ou groupements du plan des initiatives pri-ves dans l'Eglise au plan de l'action mme de l'Eglise. Faisantcela, d'ailleurs, elle ne retire pas les lacs ce qui est leurordre propre d'action,. correspondant leur condition et leur

    nire selon lesquels les memibreis de lai cit participeront sa vie pu-blique, r ide^> qui anime la socit, ne seront pvas seulementdes i>ersonnes prives menant leur vie dans son cadre, mais des ci-toyens actifs, de plein droit, ayant leur part dans les activits quecette cit poursuit comme telle (penser la manire dont un rgimeraciste ou un rgime marxiste conoivent la participation l'uvrequ'ils se sont assigne et comment ils distribuent les droits et lescharges d-e la citoyennet).Dans l'Elgli>se, la paroisse est comme >Ia famille et le diocse comme

    la cit. Telle est sans aucun doute la manire dont saint Thomasles considre. Comp. Pie XI (Alloc. du 15 oot. 1925 k lia Jeunesse ca-tholique de Rome, ddus l'Action catholiaue^ d. Doc. cath., p, 88) : Elle (la ^aroi^se) est comme une famille, et non comme une cit,comme un village; elle est le premier foyer de vie religieuse dans lagrande famille sociale. La paroisse est base sur la cohabitation ;Ile est le milieu gnrateur et ducateur de la vie chrtienne, auxhesoin-s lmentaires et quotidiens de laquelle elle satisfait. Elle estle milieu de la vie personnelle, o ceWe-ci trouve les aliments de savie de tous les jours : doctrine chrtienne, prire, entr'aide, sacre-ments; sacrements surtout : la paroisse e'st le milieu du culte et dela vie sacramentels, quoi ri>ondenti bien les pouvoirs du simpleprtre. Par contre,, le diocse est le cadre d'une activit iplus large,plus dveloppe, comme elle est celle d'un cit. L'vque, tout en res-tant pre car l'Eiglise, l o elle est cit, restie famille, est, dansl'Eglise, comme un prince, un tsuprieur, une vritable autorit pu-blique qui a des sujets et les organise en une vritable unit desocit. Cette socif,. immerge dans la socit moins profonde, maisplus vaste, des communauts terrestres, a son but, son ide, son pro-gramme de socit, pour lesquels elle rassemble et organise ses su-jets. Son but, ce n'est videmment pas le commerce, comme c'tiaitcelui d'une Rpublique de Venise; ni la guerre, comme cela peuttre le but des tribus nomades ou piLlardes; c'est de faire chrtiensles hommes et, dans la mesure o cela est possible, la socit et lemonde des hommes.

    (34) Ainsi l'Action catholique, mme lorsqu'elle s'organise dans lecadre paroissial, est-elle de soi une ralit diocsaine. C'est unequestion dlicate que celle de l'interfrence, non seulement - d'ungroupement qui, par sa nature, dpasse la paroisse, avec les intrtsde celle-ci, mais celle de deux juridictions, la juridiction territorialedu cur et la juridiction personnelle de l'aumnier diocsain del'Action catholique^ dlgu immdiat de l'vque. L'Action catholi-que semble devoir amener la cration de juridictions qui enjam-i>ent en auelaue sorte les juridictions territoriales, mme piscopales.

  • 3S SACERDOCE ET LACAT DANS L'OLISB

    vocalion. Elle ne fait pas des lacs des tspces de vicaires eiculottes et inaptes dire la messe. Elle les laisse leur tch, Un des buts de l'Action catholi-que est^ de refaire des institutions chrtiennes; d'assurer auchristianisme, au sein de la socit profane, son . expression etses organes d'influence; ou encore d'tablir, autant que possi-ble et par le moyen du rayonnement pacifique de convictionssolidement tablies, le rgne social de Jsus-Christ. Les Souve-rains Pontifes ont, en d'innombrables occasions, insist sur cepoint

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 39

    gile. Quand les monarchies disparurent, ou cessrent d'trechrtiennes, l'Eglise se tourna, un moment, vers des formationspolitiques ou partis catholiques. En France, on ne parvintjamais quelque chose d'efficace dans cette ligne. Aujourd'hui,l'Eglise sait qu'elle se trouve, peut-tre dfinitivement, dans un.monde inl, lacis, et, pour une grande part, paganis. Enun sens, elle en a pris son parti et a tir les consquences decette situation. Une action consciente et organise des catholi-ques, puisant sa force non dans les moyens du pouvoir tempo-rel, mais dans la conviction lucide et forte des consciences, luiparat le meilleur moyen de faire pntrer quelque influencechrtienne dans la socit des hommes.

    C'est l'un des buts de l'Action catholique, action du lacat entant qu'il est organiquement d'Eglise. Evidemment, plus unmouvement d'Action catholique est appel travailler danscette ligne de Chrtient, plus les aspects proprement lacsdomineront en lui (38).

    2. Ligne Eglise . Mais il est un autre aspect de l'Actioncatholique auquel, sans msestimer ou ngliger le prcdent^je donnerais pour ma part, d'instinct, tine importance majeure:c'est son aspect de participation l'apostolat de conversion, l'apostolat ou l'vanglisation proprement dits. Cet aspect estcomplmentaire du premier. Mme lorsque la J. 0. C. met l'ac-cent sur l'organisation d'un grand mouvement servi par toute-une doctrine et par toute une technique, elle pousse en mmetemps ses membres l'action individuelle, cette espce de com-munication, de proche en proche, de Is^ flamme de la foi et dela conscration de soi, telle qu'on la voit l'oeuvre, si-souventdans l'Evangile (39).Le travail de Chrtient est un travail d'quipes et qui tend

    normalement se faire une chelle considrable, voire inter-nationale. Le travail d'Eglise, plus strictement religieux, plusindividuel, se produit dans le cadre local et paroissial, au con-tact des sources de vie personnelle que. la paroisse offre au

    1946^^ ^^^ ressort de la Note des Cardinaux et Archevques de mars(39) Par exemple dans a vocation des Aptres : of. Jean, I, 35-61;

    on encore dans l'action personnelle de Notre-Sei^enr, connnre danl'pisode de la Samaritaine, Jean, IV.

  • 40 SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISB

    fidle. Les deux lignes sont authentiquement de PAction catho-lique. Il ne faut pas les opposer. Elles sont complmentaires.Elles rpondent chacune, dans le Saint-Esprit, des hesoinobjectifs rels; comme aussi, parfois, des vocations person-nelles diffrentes qu'il faut respecter. Selon le cas, l'une pren-dra le pas sur l'autre, au moins dans l'ordre d'urgence et, sil'on peut employer ici un tel mot, dans l'ordre de Ta tactiqueapostolique. Il est certain que les prtres soucieux d'un travailapostolique efficace dans le monde dchristianis et parfoisdshumanis du Travail seront ports donner une trs grandeimportance l'uvre de rechristianisation du milieu et deChrtient. Ce fut l'intuition gniale, le charisme du chanoineCardijn, que d'avoir peru et d'avoir su faire comprendre toute l'Eglise que la seconde forme de travail, le grignotageapostolique, ne pouvait rpondre aux donnes propres du pro-blme de la vie chrtienne dans le monde du travail; que l'u-vre du ministre tait conditionne l par des donnes, enquelque sorte techniques, et que, comme le disait rcemmentun article de Masses ouvrires (mars 1946), < si le cur d'Arsrevenait , il ne convertirait pas sa paroisse s'il ne s'attaquaitd'abord, avec prcision, ralisme et souci de l'efficacit, cesconditions techniques du problme.

    Evidemment, l'aile droite comme l'aile gauche de cesdeux grandes applications de l'Action catholique, nous ren-controns une limite au del de laquelle, en poussant l'extrmedans chacune de ces lignes, on sortirait du domaine propre del'Action catholique. D'un ct, en se livrant tellement la tech-nique et l'action en domaine temporel, qu'on ne ferait plusdu travail de Chrtient, sinon d'une faon tout fait indirecte,mais du travail conomique, social, civique ou politique. Del'autre ct, en donnant tellement dans la pure activit d'di-fication ou l'action strictement individuelle et prive qu'onchapperait ce caractre public, organis, hirarchique, quiest essentiel l'Action catholique. Dans l'un et l'autre cas,d'ailleurs trs expressment viss par les documents du Saint-Sige, on aurait des organisations ou des uvres auxiliaires del'Action catholique, mais extrieures celle-ci (40).

    (40) Cf. dans le recueil dit par la Documentation, catholique surles uvres ou associations de pure dification personnelle, p. 48, 227,

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 41

    Ambigut de certains exposssur l'Action catholique

    Peut-tre une certaine ambigut plane-t-elle parfois sur lanotion d'Action catholique (41); ambigut dont les effets semarquent soit dans certains accrochages , soit dans cebesoin endmique que l'on a, dans les milieux d'Action ca-tholique , de discuter sur ce qu'est ou n'est pas l'Action catho-lique, ce qui est ou n'est pas d'Action catholique.

    Cette ambigut vient sans douto, pour une part, du fait que,quand l'Action catholique a t lance, ou, du moins, renou-vele par Pie XI, elle reprsentait une ralit empirique : pra-tiquement, une reprise, une organisation plus nette et plus cen-tralise et une trs efficace stimulation de ce qui existait dj,en particulier sous forme d'oeuvres et de mouvements de jeu-nesse. Mais les thologiens, les directeurs de mouvements, etc.,ont voulu systmatiser cette ralit concrte et en fixer le sta-tut thorique. Ce pour quoi ils ont recouru des notions plusou moins labores, dj, l'usage d'autres problmes, et enparticulier celle de mandat t>. Le mot mme de mandat a t employ, bien que rarement, dans certains documentsofficiels du Saint-Sige ou de l'piscopat (42).En sorte que l'Action catholique, qui est, pour le fond, la

    ralit dfinie supra sous le n** 2, mais prise son compte parla hirarchie, porte par elle au plan de la vie de l'Eglise commetelle, enfin organise et stimule, l'Action catholique, dis-je,s'est trouve comme tiraille entre deux ples. Les uns exploi-tent l'aspect par o, conscration officielle d'un apostolat lacqui lui prexiste en droit, titre priv, et lui a prexist en

    SSS^ 394. Sur les associations conomico-sociales, p. 57-58, 389, comp. laNote des Cardinaux et Arcbevques, col. 741, 2.

    (41) Tantt l'Action catholique parat tre toute la vie chrtienneen tant qu'actiive, tantt elle apparat comme quelque chose de sp-cial. Tantt tous y sont appels, tantt il ne s'agit que de fidles d'lite,qui font l'objet d'un appel spcial. Tantt le clerg est prsentcomme n'y ayant qu'un rle ducateur, tantt on lui attribue unrle directeur...

    (42) Ainsi, sans que le mot ait ncessairement un sens forli et tech-nique, dans la lettre du cardinal Gasparri au cardinal Hlond, du 10avril' 1929 (recueil de la Documentation catholique, p. 218). Voir lanote des Cardinaux et Archevques franais, col. 743.

  • 42 SACERDOCE ET LACAT DANS l'GLISE

    fait dans la vie de TEglise, TAction catholique s'enracine dansTobligation et le droit qu'a tout chrtien, au titre de son bap-tme et de sa foi, de tmoigner et de rayonner; c'est la ten-dance spontane des lacs. Les autres exploitent l'aspect paro l'Action catholique est une activit de l'Eglise comme telle,constitue en cette qualit par une intervention dcisive de lahirarchie, sous le contrle et la direction de celle-ci; ils fonttout procder du mandat auquel ils attribuent un rle crateuret quasi sacramentel. On ne peut pas dire que ce soit la ten-dance de la hirarchie elle-mme, car celle-ci a t autrementrserve et a prsent, en particulier dans le dernier documentmanant des Cardinaux et Archevques de France, une vue deschoses qui doit donner toute satisfaction aux membres lacs del'Action catholique.

    11 ne faut pourtant pas c manquer 7> le point o 1' < esprit reoit < mission >, est homologu en mission et s'insre ainsipubliquement dans un ordre de droit, dans le cadre social dupeuple de Dieu. C'est le moment o la mission apostolique quidcoule directement du caractre baptismal et de celui de laconfirmation reoit mandat >, est en quelque sorte < ordon-ne >, devenant ainsi une activit apostolique de l'Eglise con-sidre non plus seulement comme famille, mais comme cit.Non que la t mission > apostolique du lacat vienne toutentire et directement de la hirarchie, de ce < mandat >canonique. La dfinition bien connue de l'Action catholiquecomme < participation des lacs l'apostolat hirarchique >n'a pas ce sens (43). Mais, ne de la vie et des lments per-sonnels de la vie, cette mission intrieure et prive s'assimileet s'agrge pleinement la mssion apostolique de l'Eglise enrecevant la conscration, et donc la rgulation, du corps apos-tolique vivant dans le corps piscopal.

    (43) < Par apostolat hirarchique, on entend cet apostolat originai-rement sorti du cur, de la. vie et des mains de Jsus-Christ, et quise perptue travers les gnrations par l'extension, par la dilata-S?" Jl^'^e'-selle et sculaire du Collge apostolique^ de l'piscopat. >Fie XI la Giunt diocsaine de Rome, 19 avril 1931 (recueil Docu-mentation catholique, p. 310). Cette expression ne signifie pas pre-mirement que l'apostolat des lacs reoit toute sa substance d\insorte de concession et- de communication que la hirarchie lui feraitde sa mission apostolique; elle signifie galement : apostodat pro-

  • SACERDOCE ET LAICAT DANS L'GLISE 4S

    /*

    Ayant parfaitement conscience d'avoir peine effleur ungrand sujet, il faut cependant conclure.A la source de TEglise, il y a Tactivit d'nergies qui pro-

    cdent de la puissance souveraine de Jsus-Christ roi, prtreet prophte. Ces nergies venues du Christ, formatrices etconstitutrices du peuple de Dieu en Eglise, existent dans lecorps apostolique et dans les pouvoirs hirarchiques, qui con-tinuent ceux des Aptres, de magistre, sacerdoce et gouver-nement spirituel.

    Le peuple de Dieu tout entier met en uvre la vie ainsireue. Corps du Christ, il est tout entier royal, prophtique etsacerdotal. A ce plan de la vie, tout le corps est actif, tous lesfidles sont actifs dans Tordre triple du culte, de l'action etdu tmoignage, au sens et de la manire qu'on a essay deprciser.

    La vie ainsi reue n'est pas une vie prive, strictement indi-viduelle. C'est une vie en Eglise, une vie d'Eglise, et que lepeuple de Dieu doit mener dans l'unit. La hirarchie, c'est--dire le corps piscopal ayant lui-mme en soi son critred'unit, est la rgle de la'vvie proprement ecclsiale du peuplede Dieu.

    Ce ne sont donc pas deux points de vue opposs que ceuxque nous avons distingus. Il y a, dans l'Eglise, un aspect demdiation hirarchique et il y a un aspect d'immanence; il ya un aspect d'extriorit et d'appareil social et il y a un aspectde vie personnelle, d'une vie dont la source nous est int-rieure. Mais le second aspect se nourrit du premier, lequeln'existe que pour lui, comme l'pi se nourrit par la tige, la-quelle n'existe que pour lui. A la fin, il ne restera que l'pi etnous serons tous, au mme titre, le froment de Dieu, la mesurede ce que nous aurons reu et accueilli de sve.

    i^n^religieux et chrtien, celui-l mme, et non Un autre, qui

    ^ntTn^ S^^",,.^T.* ^o"^ et fait l'objet de la mission propre et' es-sentielle de 1 Eglise. (Cf. recueil de la Documentation catholique, p.p 96 9? 105) ' ^' ^^^^^^' l'Action catholique spcialise, in^:,

  • SACERDOCE ET LAICATDANS L'GLISE

    par le R. P. Fr. Varillon, S. J.

  • Le problme

    L'Eglise catholique et plus particulirement l'Eglise deFrance connat aujourd'hui une joie et une inquitude com-parables la joie et l'inquitude de la Nation. Comparablesles unes et les autres la joie et l'inquitude du pre de fa-mille qui voit ses fils grandir et passer, travers la crise del'adolescence, de l'enfance la maturit*

    Sur le plan national, c'est la classe ouvrire qui devient ma-jeure. En ce sens qu'elle prend conscience de son existence etde ses droits. Joie franaise. Mais aussi inquitude franaise.Car il y a un dcalage entre le petit nombre des ttes ouvrireso l'intelligence est devenue adulte, et les innombrables ttessouvent plus turbulentes que sages en qui persiste, ct d'unemajorit de droit qui est consciente, un infantilisme de fait quine l'est pas toujours.

  • j^^ SACERDOCE ET LACAT DANS L*QLISE

    Inquitude et joie. C'est normal. Partout o il y a crise, in-quitude et joie sont mles. Tout progrs suppose une criseMais toute crise ne se solde pas ncessairement par un progrs.

    Sur le plan religieux, analogiquement (et je sais que l'analo-gie est trs imparfaite, mais je la crois suffisamment exactepour nous permettre de situer correctement l'expos de ce ma-tin), le lacat devient majeur. Et l'Eglise, en voyant ses enfantsde plus en plus prendre conscience de leurs droits et de leurfonction dans la communaut ecclsiale, la fois s'inquite etse rjouit.

    Elle s'inquite, car l encore il y a invitablement crise. L'a-vnement du lacat la majorit n'est pas exempt de turbu-lence. Un esprit revendicatif parfois se fait jpur qui n'est pasexactement, ni en toutes circonstances dans la ligne de l'es-prit filial. Il y a des impatiences, des intemprances, des har-diesses imprudentes. Et qui sait si tels de ses enfants qui ontgrandi sur les genoux de l'Eglise ne sont pas induits en tenta-tion de la quitter plutt que de soumettre, en matire grave,leur jugement au sien ?

    Disons-le de suite : cette inquitude dans la conjoncture pr-sente n'est pas aigu', comme elle le fut d'autres heures del'histoire. Les plus intemprants des fils protestent de leur at-tachement leur Mre. Et ce qui leur fait demander une parten qui l'intelligence ecclsiaJe est adulte. II y a l la joie derpondre une question implicitement pose.Pour que cette joie de l'Eglise soit totale, pour que le temps

    de crise se passe bien, pour que toute ombre d'inquitude, siminime, soit-elle, disparaisse du front de notre Mre, il importeque les prtres qui sont es intermdiaires entre l'Eglise en-seignante et les lacs, qui gouvernent et enseignent le peuplefidle en vertu d'un mandat reu de leurs vques (au sens leplus troit du mot), tel point qu'aux yeux de ce peuple fidleils ne font qu'un, eux, l'Eglise enseigne, avec le Pape et lesEvques qui sont l'Eglise enseignante (puisqu'ils sont leursauxiliaires sur le terrain qui lui est propre, du gouvernement,du magistre et de la sanctification), il importe, dis-je, tantdonn ce rle privilgi d'ducateur et de mdiateur, que lesprtres :

    1* connaissent sur quels principes est fond le droit deslacs prendre des initiatives en fait d'vanglisation du mon-

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 49

    de. Car il serait aussi prjudiciable la vie de l'Eglise de lerestreindre indment que de retendre indiscrtement au deldes limites marques par unq saine thologie;

    2 prennent conscience de leur rle propre eux, prtres,dans cette collaboration avec les lacs qui doit aller s'intensi-fiant de plus en plus;

    3" rflchissent enfin aux conditions requises pour que cettecollaboration n'carte pas (comme, hlas ! il arrive trop sou-vent) de la tche apostolique, les lacs de valeur et d'enver-gure qui redoutent, malgr nos affirmations thoriques sur lalgitimit de leurs initiatives, d'tre pratiquement traits enmineurs.

    II

    Rappel de notions gnrales

    L'glise catholique est HirarcHiqueIl y a en elle une autorit disciplinaire et doctrinale que tous

    doivent accepter.Le pouvoir de juridiction ou de gouvernement (potestas gu-

    berncmdi)y le pouvoir de magistre (potestas docendi cum auc-toritate) appartient au Pape et aux Evques qui sont en com-munion avec lui.Le droit canon, on le sait, ramne ces deux pouvoirs un

    seul, en prcisant que le < potestas gubernandi > inclut le< potestas docendi cum auctoritate >. A un autre point de vuecependant, le pouvoir d'enseignement a la mme raison de sedistinguer du pouvoir de juridiction que le j)Ouvoir d'ordre etde sanctification (qui appartient en pli^itude au Pape et auxEvques, mais auquel tout sacerdoce, imparfaitement maisrellement, participe). En effet, pour l'enseignement et la sanc-tification, l'autorit n'a qu'un pouvoir < ministriel et instru-mental par rapport Dieu, tandis que pour la juridiction lepouvoir dtenu par l'autorit est un pouvoir < propre et prin-cipal : Jurisdictionis sola potestas propria et principalis.Potestas ordinis et potestas docendi sunt potestates ministeria"les et instrumentales. >Quand un vque consacre, il se soumet purement et simple-

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    ment un ordre divin. Quand le Pape dfinit un dogme, il nele cre pas; il ne fait que le dclarer et rappeler tous le de-voir d'y acquiescer. Il y acquiesce lui-mme comme le dernierdes fidles. Mais quand le Pape nomme un Evque, ou quandTEvque dplace un cur, il le fait potestatem habens >.

    Simple rappel des notions les plus lmentaires de la tholo-gie auquel il suffira d'ajouter une note sur le cas du tholo-gien auquel le lac peut avoir affaire en maintes circonstances

    Le clerg est souverainement mandat par le Pape et lesEvques pour tre, en fait d'enseignement, leur porte-parole.Il ne fait qu'un avec eux. Le thologien, lui, peut tre mandatde deux faons diff'rentes : ou bien il sera charg par l'Eglise c'est en cela qu'il est proprement thologien d'tudier telou tel point du donn rvl; prcisment pour fournir l'au-torit les lments qui lui permettront de se faire un opinion.Auquel cas, c'est bien vident, le thologien n'a pas attendrepour accepter son mandat, c'est--dire pour parler en tholo-gien, un autre mandat qui lui dicte ce qu'il doit penser et dire.Il doit exercer spontanment son mtier de, thologien sansreculer devant sa responsabilit propre de thologien. Il n'apas se transformer en simple porte-parole de l'autorit.Quand le thologien parle en porte-parole de l'autorit, il neparle plus en tant que thologien. Ce qui ne signifie pas qu'ildevra se soustraire la charge que l'autorit pourra lui con-fier cause de sa comptence, d'tre son porte-parole en cer-taines circonstances.

    C'est ainsi que le Conseil d'Etat, consult d'abord par ungouvernement sur l'opportunit d'une loi, peut tre charg en-suite par le mme gouvernement de mettre en forme juridiquela loi qu'il a dcid de promulguer.

    Tout. cela est tellement clair qu'on prouverait quelque em-barras le rappeler s'il n'arrivait parfois que, sur ces pointstrs lmenfaires, il n'y ait quelque imprcision dans les es-prits. Le cas du thologien d'ailleurs peut servir clairer toutes transpositions ncessaires tant faites le cas du lacqui prend des initiatives en fait d'apostolat. Car lui aussi, dansson ordre, peut tre soit un porte-parole qui explique une po-sition prise par l'autorit hirarchique (en cela il n'exercerapas sa fonction propre de lac), soit un homme qui prend desinitiatives, tente des expriences, propose des vues intellec-

  • SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE 51

    tuelles, en fonction du milieu qu'il connat, des conditions devie auxquelles il participe troitement, des problmes philoso-phiques ou scientifiques en quoi il est comptent.

    Distinctions essentielles

    J'ai prononc le mot de comptence. Pour en finir avec cesquelques notions gnrales que j'pingle simplement en tte titre de rappel en tte de cet expos, rappelons encore quel-ques distinctions essentielles.

    Autre chose est la finalit, autre chose la fonction, autrechose le domaine (ou terrain d'action), autre chose la comp-tence.Dans la question des rapports de l'Eglise et de l'Etat qui

    prsente quelque analogie avec la question du- rapport du sa-cerdoce et du lacat, on fait fausse route si l'on distingue deuxdomaines matriellement distincts : le temporel et le spirituel.Deux domaines matriellement distincts, cela ne signifie pasdeux domaines spars. Comment rie pas en arriver une viereligieuse purement cultuelle ou individuelle, et une vie na-tionale, sociale et professionnelle dgage de tous soucis spi-rituels : la Religion chose prive ? A la limite : le machiav^lisme et autres formes du ralisme chez les Latins; l'hitlrismechez les Allemands.

    Or, en un sens, rien n'est profane : toute ralit est soumise la fin dernire qui est surnaturelle. Donc toute ralit relveet de l'Eglise et de l'Etat. Toutes choses temporelles ont un ctmoral ou spirituel. Je suis tenu en conscience, en tant quegnral d'arme, de choisir le plan de bataille le plus oppor-tun pour le salut du pays. En tant que ministre des Finances,je dois opter pour le systme d'impts le plus favorable aubien commun de la Nation. L'Eglise va-t-elle donc intervenir ?Qui l'empchera de se mler de tout ?

    Ce qui limite l'intervention de l'Eglise c'est le fait que cha-cun a sa fonction qui lui est propre. Fonction ou finalit pro-chaine. C'est saint Louis, et non pas le Pape qui est tabli parDieu pour organiser la cit temporelle, en vue, bien entendu,de la fin dernire surnaturelle. Dans l'exercice de sa fonctionil est souverain. Dieu, dit Lon XIII dans Immortale Dei, adivis le gouvernement du genre humain en deux puissances :la puissance ecclsiastique et la puissance civile... Chacune

  • 52 SACERDOCE ET LACAT DANS L'GLISE

    d'elle en son genre est souveraine : Utraque est in suo gnre snprema. > Chacune a ses limites dtermines, tablies con-formment sa nature et sa fin prochaine; chacune Tint-rieur de ses limites a droit d'exercer en propre son action. >Pour viter toute quivoque, prcisons ce que nous enten-

    dons par temporel et spirituel >. Nous appelons tempo-rel : ce qui est ordonn comme sa fin immdiate et premireau bien commun matriel et moral (mais non pas surnaturelcomme tel) de la Cit terrestre, bien commun qui ressortitsubstantiellement l'ordre naturel. Nous appelons spirituel :ce qui est ordonn comme sa fin immdiate et premire aubien surnaturel de l'Eglise, tout ce qui est de l'ordre de l'in-carnation, de la divinisation de l'humanit.Fonction d'amnager le temporel : l'Etat. Fonction d'amna-

    ger le spirituel : l'Eglise.La comptence est autre chose. Car il peut y avoir diversit

    de comptence avec une finalit prochaine identique. C'estainsi qu' l'intrieur mme du spirituel, de la fonction spiri-tuelle, de la finalit prochaine spirituelle, tel cur de paroisseouvrire qui connat le milieu o il travaille, au sein duquel ilvit, peut tre plus que l'Evque comptent. Cette div