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ahiers de nutrition et de diététique (2010) 45, 180—189

OMPORTEMENT ALIMENTAIRE

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‘Calories’’ and obesity: Quantity or quality ?

Audrey Bergouignana, Stéphane Blancb,Chantal Simonc,∗

a Division d’endocrinologie, métabolisme et diabète, centre de nutrition humaine,université de Colorado-Denver, 12800 E, 19th avenue, Aurora, Colorado 80045, États-Unisb CNRS, UMR 7178, université de Strasbourg, IPHC, 23, rue Becquerel,67087 Strasbourg, Francec Faculté de médecine Lyon-Sud—Charles-Mérieux, université de Lyon, Lyon, France

Recu le 21 janvier 2010 ; accepté le 18 mars 2010Disponible sur Internet le 11 mai 2010

MOTS CLÉSMacronutriments ;Balanceénergétique ;Lipide alimentaire ;Glucide ;Poids corporel

Résumé Bien que la génétique joue un rôle, l’augmentation de la prévalence à l’obésitédans la population mondiale souligne la contribution des facteurs environnementaux à ce pro-blème de santé publique. Sans nier les méfaits de la sédentarité, les apports caloriques ontrécemment été désignés comme un responsable majeur de l’évolution pondérale des popula-tions modernes. Le rôle des macronutriments dans la régulation de la balance énergétique restecependant débattu. Dû à leur haute densité énergétique, leur palatabilité et leur faible capacitéd’adaptation oxydative, les lipides contribuent à une balance énergétique positive. Néanmoins,ils ne résument pas à eux-seuls l’évolution pondérale récente et d’autres facteurs tels lessucres simples participent à l’impact de l’alimentation sur l’obésité. Les recommandationsvisant à réduire l’apport lipidique semblent toutefois appropriées pour prévenir une prise depoids et les maladies chroniques. Rappelons enfin que le comportement alimentaire ne résultepas seulement de l’élément aliment mais aussi de facteurs individuels et environnementaux.© 2010 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSMacronutrients;Energy balance;Dietary lipid;Carbohydrate;Body weight

Summary Although genetics play a role, the increased obesity prevalence in the world popula-tion suggests the major contribution of the environmental factors in this public health problem.Without denying the deleterious effects of the sedentary behaviors, the caloric intake hasrecently been considered a key element in the body weight evolution of the modern socie-ties. The role of the macronutrients in the energy balance regulation is, however, still indebate. Because of their high energy density, palatability and weak adaptative capacity toincrease their own oxidation, lipids promote a positive energy balance. However, they cannotexplain by themselves the recent increase in obesity prevalence and other factors, such as freesugar, contribute to the impact of diet on obesity. Nevertheless, the public recommendations

� Texte issu d’une conférence de Chantal Simon à la 50e Journée annuelle de nutrition et de diététique à Paris en janvier 2010.∗ Auteur correspondant. Service d’endocrinologie, diabètes, nutrition, centre hospitalier Lyon-Sud, 165, chemin du Grand-Revoyet,9310 Pierre-Bénite, France.

Adresse e-mail : [email protected] (C. Simon).

007-9960/$ — see front matter © 2010 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.cnd.2010.04.003

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« Calories » et obésité : quantité ou qualité ?

promoting low fat intake apof chronic diseases. Finallyfrom the diet but also from© 2010 Société francaise de

Introduction

Sans méconnaître l’impact bénéfique de l’évolution del’offre alimentaire sur certains aspects de la santé despopulations, il faut bien admettre qu’avec la généralisa-tion d’un comportement de type sédentaire, elle génère denouvelles problématiques de santé publique : l’obésité biensûr mais aussi le diabète de type 2, l’hypertension arté-rielle, les maladies cardiovasculaires et certains cancers.L’inadéquation des apports caloriques aux besoins énergé-tiques joue un rôle incontournable et admis par tous dans lagenèse de l’obésité et ses comorbidités. Différents travauxindiquent que l’excès calorique chronique aurait de plus desconséquences délétères pour la santé qui n’impliquent passes seuls effets sur la masse grasse.

D’un autre côté, même si les effets propres de certainsmacronutriments sur la régulation pondérale sont difficiles àmettre en évidence et restent débattus, leurs effets à court-terme sur la prise alimentaire, la dépense énergétique oule devenir et le stockage des nutriments énergétiques sontexpérimentalement plausibles. Les limites méthodologiquesintrinsèques aux études épidémiologiques nutritionnellesexpliquent en partie des résultats apparemment discor-dants. Il convient toutefois de garder en tête que lesaliments ne se résument pas à une somme de calorieset de macronutriments et que d’autres caractéristiquesintrinsèques de l’alimentation sont susceptibles d’induireune surconsommation ou de favoriser une augmentation dela masse grasse. Des phénomènes compensatoires peuventégalement venir contre-balancer les effets attendus d’unemodification alimentaire. Enfin, la compréhension du rôle del’alimentation dans la physiopathologie de l’obésité néces-site d’intégrer cette dernière dans un schéma plus complexe

prenant en compte les caractéristiques propres de l’individumais aussi le contexte (la niche écologique) dans lequel ilévolue.

Apports caloriques et obésité

En accord avec la première règle de la thermodynamique,l’inadéquation des apports caloriques aux besoins énergé-tiques totaux de l’individu est une cause incontournable del’obésité : tout excès calorique induit une prise de poidss’il est prolongé ; inversement, quel que soit le détermi-nisme génétique, l’obésité ne peut survenir que s’il existepréalablement un déséquilibre du bilan énergétique, unexcès des apports énergétiques par rapport aux dépenses(ce qui n’exclut pas une inégalité génétique face à la prisede poids). De facon similaire, si la réduction du niveaud’activité physique augmente la vulnérabilité des sujetsface à l’obésité, elle ne peut conduire à une prise de poidsque si elle est associée à l’absence d’adaptation de la prisealimentaire.

Le rôle d’une augmentation des apports énergétiquesdans le développement de l’obésité a longtemps été débattuau vu d’études qui ne trouvaient pas d’excès de consomma-tion calorique chez le sujet obèse. Dans les années 1980,

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appropriate to prevent body weight gain and the developmentimportant to note that the feeding behavior not only results

vidual and environmental factors.rition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

l’utilisation de la méthode de l’eau doublement marquéea permis de montrer qu’en fait les apports énergétiquessont souvent sous-estimés par les sujets obèses [1]. En uti-lisant de telles données isotopiques, Swinburn et al. [2]ont récemment montré que l’augmentation moyenne dupoids observée entre 1970 et 2000 chez les enfants et lesadultes américains (4 kg et 8,6 kg respectivement) étaitlargement expliquée par l’augmentation des apports éner-gétiques quotidiens (350 kcal/j chez les enfants et 500 kcal/jchez les adultes !) et en accord avec l’évolution de ladisponibilité calorique alimentaire aux États-Unis (ajustéepour les pertes) sur la même période. Ces données quidésignent les apports caloriques comme un responsablemajeur de l’évolution pondérale récente de la populationaméricaine n’exclut pas le rôle propre de l’inactivité phy-sique qui expliquerait l’augmentation rapide de l’obésitédans ce pays. À l’inverse, le maintien d’une activité phy-sique plus importante dans certains pays européens pourraitavoir contribué à ralentir l’épidémie de l’obésité dans cesderniers.

Macronutriments et régulation de labalance énergétique

Une des questions des dernières décennies les plus contro-versées en nutrition humaine concerne l’impact sur labalance énergétique de la contribution des différentsmacronutriments (lipides, glucides et protides) aux apportsénergétiques totaux. La réponse à cette question est impor-tante car si des apports énergétiques sous forme d’unmacronutriment donné plutôt qu’un autre est plus à même

d’induire une balance énergétique positive, cela pourraitreprésenter la base de recommandations à la fois pourl’obtention d’une perte de poids chez les sujets obèses etpour la prévention de l’excès de poids dans la populationgénérale.

Macronutriments et densité énergétique

L’ensemble de l’énergie ingérée consommée sous formed’aliments et de boissons apporte des calories à l’organismequi pourront être métabolisées et ainsi utilisées pour four-nir de l’énergie. Néanmoins, les macronutriments ont desteneurs énergétiques différentes. Tandis que les lipides four-nissent l’énergie la plus élevée par unité de poids (9 kcal/g),les glucides et les protides ont la valeur énergétique la plusfaible (4 kcal/g). Une densité énergétique élevée est asso-ciée à un volume plus réduit du bol alimentaire et à un effetsatiétogène limité, ce qui favorise une surconsommation ali-mentaire et la prise de poids.

Macronutriments et plaisir gustatif

La densité énergétique élevée des lipides est en grandepartie responsable de l’effet d’hyperphagie, ou surconsom-mation passive, que montrent de nombreux sujets exposésà des aliments riches en graisse [3]. L’apport énergétique

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otal est aussi influencé par la sensation agréable querocurent les aliments au niveau buccal, aussi appelée pala-abilité. Le plaisir que procure les aliments joue ainsi un rôlemportant sur le comportement alimentaire [3]. Par ailleurs,a sapidité des aliments joue sur la vitesse de consommationes aliments et sur la sensation de faim au cours des repast entre ceux-ci. Il a été montré que la consommation deipides à travers le plaisir gustatif qu’ils procurent et leuraible effet sur la satiation tend à faire pencher la balancen faveur d’un bilan énergétique positif.

Bien que les glucides semblent avoir un impact plus mar-ué sur le système de satiété de l’organisme [3], le sucrést l’un des goût les plus puissants et qui procurent le pluse plaisir. L’industrie agroalimentaire a largement tiré partie ces observations et a élaboré en proportions croissanteses aliments sucrés riches en graisses de manière à accroîtreeur sapidité et leur consommation.

À RETENIR

La prise de poids ne s’explique que par uneaugmentation des apports énergétiques (apportsalimentaires) et/ou une diminution de la dépenseénergétique totale (activité physique).

acronutriments, capacité d’oxydation et detockage de l’organisme

u-delà de son effet sur la quantité d’énergie ingérée,a composition du régime alimentaire en macronutrimentsgit également sur la quantité d’énergie en excès qui vatre stocké dans l’organisme. Il existe une hiérarchie dans’oxydation des substrats d’origine exogène qui dépend dea capacité de stockage de l’organisme pour chacun d’entreux [4]. Ceux ayant une faible capacité de stockage sontréférentiellement oxydés lorsque les apports dépassent

es besoins. La capacité de stockage des protéines, bienu’importante, est très coûteuse puisque la mobilisationes protéines ne peut se faire qu’à travers une perte deasse maigre (masse musculaire) et celle des glucides est

estreinte et limitée au niveau des stocks de glycogène. Enevanche, la capacité de stockage des lipides est considéréeomme quasi illimitée. Ainsi, toute consommation en excèse glucides ou de protides stimule leurs propres oxydationse sorte qu’à court terme, les balances glucidique et pro-idique sont finement réglées. Cette régulation rapide de’oxydation des substrats s’explique aussi par l’importanceonctionnelle des protéines et par la dépendance du cerveaunvers les glucides. En revanche, toute surconsommatione lipides n’est pas associée à une augmentation immé-iate de l’oxydation lipidique. Par conséquent, la régulatione la balance lipidique en réponse à un repas hyperlipi-ique ne s’effectue pas par une augmentation de l’oxydationipidique mais par un stockage initial. Cela est vrai tantu’un nouvel équilibre entre lipides ingérés et oxydés n’estas établi. En réalité, cet équilibre sera atteint lorsquea masse grasse de l’individu aura augmenté entraînantar effet de masse une augmentation de la masse maigreétaboliquement active ainsi qu’une oxydation lipidique

orrespondant à la proportion contenue dans l’alimentation.ar conséquent, il existe une relation positive entre laalance lipidique et la balance énergétique [5].

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A. Bergouignan et al.

Le maintien d’un poids stable dépend donc essentielle-ent de la balance lipidique, liée aux apports lipidiques

t à la capacité d’oxydation des lipides, qui elle-mêmest influencée par la balance glucidique et sujette auxariations des apports énergétiques et de la dépense éner-étique.

À RETENIR

Une surconsommation de lipides, du fait de leur hautedensité énergétique, leur sapidité, leur palatabilité etleur capacité oxydative réduite et leur capacité destockage élevée, contribue à une balance énergétiquepositive et entraîne une prise de poids.

’obésité : un problème de balanceipidique positive

u point de vue énergétique, l’obésité est définie commee résultat d’une balance énergétique positive chronique.asée sur les différences d’ajustement des balances oxy-atives, l’obésité peut aussi être définie comme un échecans la régulation de la balance lipidique. La lipogenèsetant négligeable chez l’homme [6], cet « échec » pour-ait représenter plus spécifiquement une perturbation dea répartition des lipides alimentaires entre oxydation ettockage.

De nombreuses données montrent que l’obésité’accompagne d’une incapacité à utiliser les lipidesomme substrat énergétique [7]. Une altération de laapacité du muscle à oxyder les acides gras libres a étéapportée en situation post-absorptive [8] et post-prandiale9,10] et au cours d’un exercice [11]. L’oxydation desipides alimentaires après une charge orale de graisses estiminuée de 50 % chez le sujet obèse. De facon intéressante,hez les sujets de poids normal, une partie importante

es lipides alimentaires est retrouvée au niveau des acidesras libres, alors que cette réponse est diminuée chez lesujets obèses, suggérant une captation plus importantees lipides par le tissu adipeux chez ces derniers [9]. Deême, chez les rats non obèses, les lipides exogènes sont

rientées préférentiellement vers le muscle pour y êtrexydés, alors que chez les rats obèses Zucker, les lipideslimentaires sont essentiellement dirigés vers le tissudipeux [12]. Il est intéressant de noter qu’aucune amé-ioration dans l’oxydation lipidique n’est observée aprèsetour à un poids normal chez l’humain [13,14]. Certainsuteurs ont alors suggéré que cette incapacité à oxyder lesipides serait causale dans l’étiologie de l’obésité, plutôtu’adaptative.

Il est communément accepté que la génétique joue unôle dans la capacité à oxyder les lipides de chaque indi-idu. En effet, l’oxydation lipidique a été définie comme unrait familial avec une héritabilité de 30 % [15]. Néanmoins,es importantes altérations environnementales qu’ont subiesos sociétés modernes au cours du siècle dernier peuventtre vues comme l’élément déclencheur de la croissancealopante de l’obésité observée sur la même échelle deemps. Nous avons vu précédemment que les facteurs diété-iques, en particuliers les lipides, ont une forte répercussionur la régulation de la balance lipidique. Par ailleurs, ilsemblent être les facteurs modifiables impliqués dans les

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balances énergétique et oxydative les plus influencés parles facteurs externes, tels que l’environnement.

Les lipides alimentaires

Association entre les lipides alimentaires etl’obésité

L’immense majorité des études épidémiologiques écolo-giques et transversales, y compris celles des 15 dernièresannées décrivent une relation positive entre la contri-bution des graisses à l’apport énergétique total et lerisque d’obésité au niveau des populations et individuel.Par exemple, la quantité de lipides du régime alimen-taire a été associée à la prévalence de l’obésité dans uneétude cross-sectionnelle de Bray et al. [16] basées sur desenquêtes alimentaires nationales. Celle-ci met en évidenceune corrélation positive entre le pourcentage de lipides dansl’alimentation et le pourcentage d’individus en surpoidsdans les populations de 20 pays différents. Les observa-tions faites à partir de l’impact des migrations de certainespopulations d’un environnement à un autre amènent desévidences supplémentaires. Par exemple, dans l’étude dela migration du Ni-Hon-San [17], 8006 hommes japonaisvivant à Honolulu ont été comparés à 2183 hommes vivantà Hiroshima et Nagasaki. Tandis que l’énergie ingérée étaitlégèrement supérieure à Honolulu qu’à Hiroshima et Naga-saki, le pourcentage provenant des lipides était deux foisplus élevé à Honolulu. L’indice de masse corporelle moyenétait aussi plus élevé à Honolulu où deux fois plus d’hommesétaient obèses. Une étude longitudinale en Chine sug-gère aussi qu’une augmentation dans la quantité lipidiqueconsommée mène à une élévation du poids [18,19]. Dans cesétudes, les paramètres confondants potentiels de la rela-tion entre la quantité de lipides dans le régime alimentaireet le poids, tels que l’âge, le sexe, l’activité physique et laconsommation de tabac mais aussi la proportion de macro-nutriments non lipidiques (protides et glucides) et l’énergieingérée totale, ont été pris en compte. Un effet significa-

tif de la quantité de lipides dans l’alimentation sur l’indicede masse corporelle a été montré : une augmentation de100 kcal est associée à une augmentation d’environ 0,05 et0,01 de l’indice de masse corporelle chez les adolescentset les adultes, respectivement. Au contraire, une augmen-tation de 100 kcal de glucides et de protides combinésrésulte en une augmentation de seulement 0,01 et 0,0007 del’indice de masse corporelle chez les adolescents et lesadultes, respectivement. Au contraire, différentes étudesd’intervention randomisées, ayant fait l’objet de plusieursméta-analyses, démontrent qu’une alimentation ad libitumrestreinte en lipides et riche en glucides s’accompagned’une réduction de l’apport calorique spontané, et d’uneperte de poids modeste mais significative (16 g/j correspon-dant à une perte de 2,9 kg en six mois en moyenne, pourune diminution de 10 % de l’apport en lipides). L’ensemblede ces résultats mettent ainsi en avant le rôle majeur deslipides dans la régulation du poids comparés aux protides etaux glucides.

Il est important de noter que des travaux récents ont aussimontré que les lipides alimentaires favorisent les anoma-lies associées à l’obésité, telles qu’une insulinorésistance,un diabète de type 2, un état pro-inflammatoire ou desanomalies hépatiques, par une action directe au niveau dumicrobiote intestinale favorisant une endotoxinémie infra-clinique.

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L’influence de la nature des acides gras

Une seconde dimension est à considérer quant aux apportslipidiques. Les acides gras varient en fonction de deuxparamètres : la longueur de la chaîne carbonée et ledegré d’insaturation. Suivant leur nombre de double liai-son, les acides gras sont classés en trois grandes catégories :les acides gras saturés (sans double liaison), les mono-insaturés (une seule double liaison) et les polyinsaturés(plusieurs doubles liaisons). Il a été montré que le pour-centage de lipides saturés, mono-insaturés ou polyinsaturésdans le régime alimentaire peut influencer la prise depoids. Par exemple, un lien entre l’apport alimentaire enacides gras saturés, moins satiétogènes, et le statut pondé-ral a été observé dans plusieurs études épidémiologiques[20,21]. Dans un groupe de 128 hommes de l’étude Qué-bec Family, un pourcentage élevé en graisses saturées dansl’alimentation est associé à un tour de taille plus élevé [22].Quelques études d’intervention menées sur de petits échan-tillons indiquent qu’une augmentation de la part des acidesgras polyinsaturés dans l’alimentation s’accompagne d’uneréduction de la masse grasse [23].

Ces résultats peuvent s’expliquer par l’influence de lanature des acides gras sur les balances énergétique et lipi-dique et de manière ultime, sur la régulation de la masseet de la composition corporelle. À l’aide d’un marquage iso-topique, DeLany et al. [24] ont montré chez six hommessains qu’à la suite d’un repas standardisé, les acides graspoly- et mono-insaturés sont plus oxydés que les acidesgras saturés et que plus la chaîne carbonée est longue etmoins les acides gras sont oxydés. Basée sur ces résultats,une étude d’intervention [25] a proposé à des sujets sainsde suivre pendant 28 jours un régime alimentaire riche enacide palmitique ou en acide oléique et a montré une réduc-tion de l’oxydation lipidique post-prandiale et de la dépenseénergétique totale à la suite du régime riche en acide pal-mitique et aucun changement après le régime riche en acideoléique. En substituant les acides gras saturés (crème) pardes acides gras mono-insaturés (huile d’olive) dans le régimealimentaire pendant quatre semaines de sujets en surpoids,

Piers et al. [26] ont mis en évidence une perte significa-tive de masse corporelle et de masse grasse (−1,6 ± 1,1 kget −1,1 ± 0,7 kg, respectivement) sans aucun changementde l’apport énergétique et lipidique. En conséquence, au-delà des apports lipidiques totaux, la nature des acides grasest un élément de l’alimentation important à prendre encompte.

L’oxydation des acides gras de différents types semblentaussi être dépendants d’un autre facteur largementinfluencé par l’environnement, l’activité physique. Nousavons ainsi montré qu’un alitement prolongé [27,28], uti-lisé comme modèle d’inactivité, ou un désentraînementde quatre semaines chez des sujets modérément actifs(Simon & Blanc, données non publiées) s’accompagnaitd’une réduction sévère de l’oxydation lipidique touchantpréférentiellement le palmitate (principal acide gras saturéde notre alimentation) alors que l’oxydation de l’oléaten’était pas affectée (Fig. 1). Au contraire, un exercicephysique d’intensité modérée effectué avant un repas aug-mente l’oxydation des acides gras mono-insaturés mais nemodifie pas celle des acides gras saturés [29]. Dans le mêmeordre d’idée, des travaux expérimentaux indiquent que lesacides gras saturés induisent, contrairement aux acides grasmono-insaturés et polyinsaturés, une insulinorésitance et undiabète chez l’animal et l’homme [20,30,31], probablementdu fait d’un métabolisme intra-musculaire différent [32].

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igure 1. Oxydation de l’oléate et du palmitate, principauxcides gras mono-insaturé et saturé de l’alimentation occidentale,vant et après deux mois d’alitement strict (modèle d’inactivitéhysique) mesurée chez huit hommes sains et normopondéraux. Enref, l’oléate et le palmitate ont été marqués à l’aide d’isotopestables (13C et 2H, respectivement) et mélangés à un petit déjeu-er standardisé. Chaque heure après le repas, nous avons mesurée pourcentage de récupération du 13C et 2H dans le dioxyde de

arbone (13CO2) excrété et dans l’eau (2H2O) des urines. Le pour-entage de récupération correspond au pourcentage d’oléate et dealmitate exogènes oxydés 11 heures après le petit-déjeuner.

À RETENIR

L’oxydation des acides gras mono-insaturés etpolyinsaturés est plus élevée que celle des acides grassaturés. L’activité physique augmente l’oxydation desacides gras mono-insaturés. Au contraire, l’inactivitéphysique diminue l’oxydation des acides gras saturés.

ontroverses : lipides versus glucides

emise en cause du rôle des lipides dans larévalence de l’obésité

ien que différentes études longitudinales montrent uneelation positive entre la consommation de graisses et larise de poids, certains scientifiques remettent en causee rôle prépondérant des lipides alimentaires dans la pré-alence croissante de l’obésité [33]. Les trois principauxrguments de cette hypothèse sont que :

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A. Bergouignan et al.

la prévalence de l’obésité a augmenté tandis que le pour-centage moyen de lipides ingérés a diminué dans le régimealimentaire des pays occidentaux ;d’autres études épidémiologiques n’ont pas été capablesd’identifier une relation entre les lipides alimentaires etla masse grasse ;une diminution des lipides alimentaires n’a qu’un faibleeffet sur la perte de poids.

De nombreuses limites méthodologiques intrinsèques auxtudes épidémiologiques nutritionnelles peuvent expliqueres difficultés à identifier une relation causale entre laonsommation de lipides et le poids. Il convient tout d’aborde considérer la possibilité que les individus en surpoidsodifie leur alimentation dans le sens de ce qu’ils pensent

ou de ce qui est couramment admis) pouvoir favoriser uneerte pondérale (relation causale inverse). Citons égale-ent le fait que la sous-estimation des apports caloriques

t des nutriments jugés comme nutritionnellement incor-ects est en général plus importante chez l’obèse. À celal faut ajouter que nous ne mangeons pas des nutrimentsais des aliments complexes et que du fait de l’importante

utocorrélation existant entre les différents nutriments, ilst souvent difficile de distinguer ce qui revient à l’un,l’autre, à plusieurs d’entre eux ou à l’interaction de

ifférents nutriments. Il a ainsi été montré qu’une dimi-ution des lipides saturés n’avait pas les mêmes effets sies lipides étaient remplacés par des acides gras mono-nsaturés ou par des glucides [34]. De plus, les apportslimentaires et la qualité du reporting peuvent être affectésar de nombreuses caractéristiques individuelles de confu-ion (âge, sexe, niveau socioéconomique, connaissance etomportements de santé, activité physique. . .), imparfai-ement prises en compte par les ajustements statistiqueslobaux. Cela est aggravé par le fait que les comporte-ents « sains » ou moins favorables sont souvent associés

hez les mêmes individus. À titre d’exemple, l’effet délé-ère des lipides a parfois été observé que chez les individuses plus sédentaires. Enfin, pour des raisons évidentes, lesaractéristiques biologiques des individus et les effets fac-eurs génétiques de susceptibilité, pourtant essentiels, ne

euvent pas être totalement appréhendés dans ce type’études. Quelques études récentes soulignent toutefoisue la prise de poids associée à une alimentation hyper-ipidique pourrait dépendre de la réponse insulinique desujets [35]. D’autres [36] indiquent que suivant leur patri-oine génétique, les individus pourraient répondre de faconlus ou moins favorable à une diététique portant sur laomposition en macronutriments, telle qu’une diète médi-erranéenne par exemple [37].

es glucides sont-ils vraiment innocents ?

’il existe incontestablement des arguments indiquant quees apports lipidiques excessifs favorisent la prise de poids,otamment chez les sujets prédisposés ou inactifs, ils neésument pas à eux seuls ni l’impact de l’alimentation sure risque d’obésité, ni l’évolution récente de celle-ci dansa majorité des pays. À l’appui de cette affirmation, citonse contraste entre la diminution de la consommation rela-ive des lipides rapportée dans différents pays alors mêmeue l’augmentation de la prévalence de l’obésité se pour-uit, voire même s’accélère. C’est le cas aux États-Unis,ù sous l’impact des campagnes no fat, l’apport en lipideserait passé de 40 à 30 % de l’apport énergétique au courses dernières décennies [38] mais aussi dans différents pays

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européens, tels que la Finlande par exemple, ou chez lesenfants francais. Ces données étant pour une part baséessur des statistiques nationales, un biais lié à une augmen-tation de la sous-estimation des apports lipidiques au furet mesure que les campagnes de santé publique incitantà réduire les graisses alimentaires se sont généralisées, nepeut à lui seul expliquer ces résultats. Et, comme soulignéplus haut, il faut noter que cette tendance s’accompagneplutôt d’une augmentation des apports énergétiques quo-tidiens. On ne peut exclure qu’à la faveur des campagnesstigmatisant les lipides, les individus consomment sans res-triction des aliments « allégés » en lipides dont certains ontune densité énergétique et une palatabilité élevées ou quel’offre alimentaire ait favorisé l’éclosion d’apports calo-riques excessifs sous d’autres formes.

Il est aujourd’hui bien établi que les lipides qui agissenten partie par le biais de la densité énergétique et de lapalatabilité de notre alimentation n’en sont pas le seuldéterminant. Les glucides font partie des macronutrimentsénergétiques et peuvent donc contribuer eux aussi à desapports énergétiques excessifs et à une prise de poids.Il n’existe pas d’argument expérimental ou épidémiolo-gique fort indiquant qu’une augmentation de la proportionde glucides dans l’alimentation est un déterminant impor-tant de la prise alimentaire. En revanche, il a été montréqu’un régime alimentaire limité en sucre simples est associéavec une réduction de l’apport énergétique total et induitune perte de poids [39]. Il existe également des donnéesfortes indiquant que la consommation de boissons sucréesn’induit pas la même satiété qu’un apport glucidique équi-valent sous forme solide [40]. Une étude clinique a montréque la consommation de boissons riches en sucres simples(sucrose) est liée à une augmentation de l’apport énergé-tique total et entraîne une augmentation progressive dupoids comparé à la consommation de boissons sucrées artifi-ciellement mais ne contenant pas de sucres simples [41]. Orl’augmentation de la consommation de boissons sucrées estune modification importante du comportement alimentairedes dernières décennies et différentes études épidémiolo-giques transversales et prospectives récentes montrent un

lien indiscutable entre la consommation de boissons sucrées,le gain de poids et le risque de l’obésité chez l’enfant etl’adolescent [42,43]. Le fructose — qui pour l’instant estsurtout l’apanage du continent américain, où il est utiliséen remplacement du saccharose (sous forme notamment dehigh fructose corn syrup [HFCS]/isoglucose) comme édul-corant dans les boissons, les pâtisseries et autres denréesalimentaires sucrées — pourrait jouer un rôle particulier dufait d’un moindre pouvoir rassasiant mais aussi d’un méta-bolisme hépatique spécifique [44]. Il inhibe l’oxydation deslipides et sa consommation en grande quantité est associéeà une augmentation du risque de prise de poids mais éga-lement à une augmentation des triglycérides et un risqueaccru de stéatose hépatique et de stéatohépatite non alcoo-lique (NASH syndrome) [44].

Le rôle de l’index glycémique dans la régulation éner-gétique reste discuté. Les données des études sur l’indexglycémique d’un aliment ne permettent pas de conclurequant à un éventuel effet sur le poids. En revanche, lesfibres alimentaires sont associées à un risque moins élevé degain de poids dans les études épidémiologique d’observation[45,46]. Expérimentalement, l’incorporation de fibres àl’alimentation s’accompagne d’une augmentation du ras-sasiement et de la satiété, expliquée par leurs effetssur la densité énergétique des aliments [45,46]. D’autresmécanismes sont également susceptibles d’avoir un effet

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satiétogène : l’augmentation du travail et du temps néces-saires à la mastication du fait de leurs caractéristiquesphysicochimiques (viscosité), la diminution de la palata-bilité, la modification de la vidange gastrique ou encorel’augmentation de la phase intestinale de la digestion desnutriments. Bien qu’il soit difficile d’établir avec certitudeque les fibres plutôt que d’autres caractéristiques soient res-ponsables des effets observés, la consommation de céréalescomplètes, de légumes et de fruits semblent les sourcesles plus appropriées de glucides, en termes de régulationpondérale.

À RETENIR

Les sucres simples et notamment le fructose contenudans les boissons sucrées inhibent l’oxydation lipidiqueet contribuent à la prise de poids.

Recommandations sur la composition enmacronutriments pour être en bonnesanté

En prenant en compte les effets des macronutriments sur labalance énergétique mais aussi sur le métabolisme et ainsile rôle dans la genèse de l’obésité et de ses comorbiditésau-delà des simples effets de masse, des recommandationssur la proportion des macronutriments dans le régime ali-mentaire ont été établies. Il faut toutefois rappeler quel’ensemble des macronutriments contribuent au fonction-nement de l’organisme et sont nécessaires pour maintenirl’organisme en bonne santé. Des proportions minimes dechaque macronutriment sont donc requises.

Apports lipidiques recommandés

L’Agence francaise de sécurité sanitaire des aliments (Afssa)dans son avis publié en mars 2010 a évalué l’apport lipidique

total à 30 % des apports énergétiques totaux en prenant encompte les besoins physiologiques de l’organisme. En effet,un apport en lipides inférieur à 30 % de l’apport énergétiqueconduit à réduire très significativement les apports en acidesgras polyinsaturés essentiels (DHA) en dessous des besoinsdans le contexte alimentaire des pays occidentaux. Cepen-dant, un pourcentage supérieur en matière grasse peut êtreconseillé. Plusieurs études indiquent que la forte diminutionde la part des lipides en decà de 35 % de l’apport énergé-tique, au profit des glucides, n’induit qu’un faible bénéficeen termes de réduction du risque de pathologies telles quele syndrome métabolique, le diabète, les maladies cardio-vasculaires et les cancers. En revanche, une alimentationriche en graisses (40—60 % de l’énergie ingérée) est décon-seillée puisqu’elle est associée aux maladies chroniques etaux pathologies précédemment citées. Ainsi, après considé-ration, des besoins physiologiques minimaux et optimaux,l’Afssa conseille un apport des lipides totaux de 35 à 40 % del’apport énergétique chez l’adulte pour un apport énergé-tique proche de 2000 kcal.

Acides gras indispensablesAu niveau des graisses, le régime alimentaire doit four-nir des acides gras essentiels, c’est-à-dire qui ne sontpas de novo synthétisés par l’organisme humain. Compte

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enu des données scientifiques disponibles, l’évaluation desesoins physiologiques chez l’homme et la femme adultes seimitent à trois acides gras indispensables : l’acide linoléiquee type oméga-6 (C18 : 2 n-6), l’acide alpha-linolénique deype oméga-3 (C18 : 3 n-3) et un de ses dérivés, le DHA (acideocosahexanéoique, C22 : 6 n-3). Le caractère indispensableu DHA est lié à sa faible formation par conversion de l’acidelpha-linoléique et a conduit à la définition d’un besoin phy-iologique minimal.

Une faible consommation d’acide linolénique de typeméga-3 et donc un déséquilibre entre les deux familles’acides gras polyinsaturés est préjudiciable à la synthèset à la disponibilité de ses dérivés et à leur incorporationans les tissus, ce qui pourrait accentuer des perturbationshysiologiques et contribuer à la survenue de pathologieselles que les affections neuropsychiatriques, les maladiesardiovasculaires, les pathologies inflammatoires et le dia-ète. Dans ce cadre, un rapport acide linoléique/acide alphainolénique inférieur à 5 est généralement admis. Au total,l est conseillé que l’acide linoléique constitue au minimum% de l’énergie ingérée, ce qui équivaut à 4,4 g/j pour unpport énergétique de 2000 kcal/j.

Précurseur de la famille n-3, l’indispensabilité de l’acidelpha-linolénique (C18 : 3 n-3) est liée à son rôle dans le bononctionnement visuel et cérébral. Sur la base des donnéesisponibles, le besoin physiologique minimal en acide alpha-inolénique est estimé à 0,8 % de l’apport énergétique pour’adulte, ce qui équivaut à 1,8 g/j pour un apport énergé-ique de 2000 kcal/j. L’apport recommandé par l’Afssa estxé à 1 % de l’apport énergétique compte tenu de donnéesavorables déduites de nombreuses études épidémiolo-iques, d’observation dans le domaine cardiovasculaire, dea nécessité d’atteindre un total d’acide gras polyinsatu-és n-3 + n-6 favorable à la prévention cardiovasculaire ete maintenir un rapport linoléique/alpha-linolénique stric-ement inférieur à 5.

Le DHA est un constituant majeur de la structure etu fonctionnement cérébral et visuel. Les données biblio-raphiques liées à la prévention des différents risquesonduisent généralement à recommander des valeurs de

’ordre de 250 mg/j.

cides gras non indispensablesn trop grandes quantités, les acides gras saturés et enarticuliers les acides laurique, myristique et palmitique,ont athérogènes. Ils contribuent aussi au développement de’insulinorésitance et du diabète de type 2. Pour ces raisons,l est recommandé de maintenir l’apport en acides gras satu-és totaux en dessous de 12 % de l’apport énergétique total.n ce qui concerne, les acides mono-insaturés et notam-ent l’acide oléique, un apport compris entre 15 et 20 %e l’apport énergétique total est recommandé. La limitenférieure est sous-tendue par le risque lié à la substitu-ion de l’acide oléique par les acides gras saturés, et laimite supérieure est suggérée afin de limiter les risquesardiovasculaires. Les autres acides gras non indispensablespolyinsaturés, mono-insaturés, trans- et conjugués) sontrésents en très faibles quantités mais dont le total repré-ente environ 2 % de l’apport énergétique.

pports glucidiques recommandés

es sucres constituent la source d’énergie la plus rapide-ent utilisable par les muscles et l’aliment exclusif du

erveau. Un apport minimal de 25 % de l’énergie en glucides

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A. Bergouignan et al.

st nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. Enénéral, afin de limiter un régime hyperlipidique, un apportlucidique total de 45 à 55 % de l’apport énergétique estonseillé. En revanche, il est nécessaire de distinguer lesucres simples et les sucres complexes. Comme nous l’avonsxpliqué précédemment, les sucres simples sont reconnusour altérer la qualité de l’alimentation en favorisant unerise alimentaire plus élevée et ainsi en contribuant à unealance énergétique positive sans apporter de nutrimentspécifiques. Par conséquent, l’Organisation mondiale de laanté [47] recommande un apport total en sucres simplesnférieur à 10 % au profit d’une consommation de sucresomplexes (sucres lents).

pports protidiques recommandés

es protéines sont les principaux composants des musclest interviennent dans toutes les fonctions vitales de’organisme. Un apport protéique assez important est doncécessaire afin de maintenir une balance protéique stable.éanmoins, un apport trop élevé en protéine peut engendreres problèmes rénaux et à terme une insuffisance rénale. Unpport journalier protidique de 10 à 15 % est donc recom-andé par l’Organisation mondiale de la santé [47].En résumé, les recommandations actuelles de

’Organisation mondiale de la santé sur la compositionn macronutriments dans l’apport énergétique journalierfin de maintenir un poids stable et de limiter le développe-ent des maladies chroniques sont les suivantes : 30 à 35 %e lipides, 50 à 55 % de glucides et 15 % de protéines. Si laomposition en macronutriments est un élément importantu contrôle du poids, il est raisonnable de penser qu’ellenfluence aussi la perte de poids.

uel regime hypocalorique adopter pourne perte de poids efficace ?

a composition en macronutriments est probablement

’une des principales caractéristiques différentielles despproches diététiques de l’obésité et un élément clé dearketing. À la lueur des méta-analyses et des nombreuses

tudes contrôlées publiées dont une dans le New Englandournal of Medicine [48] comparant quatre régimes hypo-aloriques variant selon leurs apports en lipides (bas 20 %u élevés 40 %) d’une part, en protéines (moyens 15 % oulevés 25 %) et en glucides (bas ou élevés) d’autre part, oneut affirmer que les règles de la thermodynamique ne sontas violées en situation de déficit énergétique chez l’obèse.déficit énergétique égal, une calorie est bien une calo-

ie ; la perte pondérale à court, moyen et long-terme esta même quelle que soit la composition du régime suivi.es différences observées selon les individus (et éventuel-ement selon les groupes ou les régimes) sont largementttribuables à la compliance des sujets aux instructionsiététiques (en termes de restriction calorique et de compo-ition alimentaire !) et, dans l’étude de Sacks et al. [48], auespect des consultations de suivi. En accord avec les diffé-entes méta-analyses, les auteurs de cette dernière étudeoncluent que les régimes restrictifs ont la même efficacitén termes de perte de poids quelle que soit leur composi-ion en macronutriments. Le choix de telle ou telle approcheevrait plutôt être fait en fonction des préférences cultu-elles et personnelles des individus, cela afin d’augmentereur compliance et les chances de succès à long-terme.

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« Calories » et obésité : quantité ou qualité ?

Ces résultats corroborent les études métaboliques réali-sées dans le domaine, dont celle de Schoeller et Buchholz[49,50], qui n’ont pas pu montrer de différences macronutri-ment — spécifiques de la disponibilité énergétique d’originealimentaire ou de la dépense énergétique, susceptiblesd’expliquer d’éventuelles différences d’efficacité des diffé-rents régimes testés. . . à apport calorique réellement égal.

À RETENIR

L’efficacité d’un régime dans la perte de poids nedépend pas de la composition en macronutriments durégime alimentaire mais de la réduction de l’apporténergétique et en particulier de la compliance à cerégime.

Qualité des calories ou qualité descomportements ?

La qualité des aliments ne saurait se résumer à leurseule composition en macronutriments. Bien d’autres carac-téristiques sont susceptibles d’influencer leur densitéénergétique (telle que leur contenu en eau), leur attraitet leur palatabilité et partant de là une prise alimentaireexcessive et une prise de poids. D’un autre côté, quelquestravaux récents suggèrent que certains polluants tels queles organochlorines qui s’accumulent dans les tissus adipeuxet sont retrouvés dans des aliments comme le poisson, laviande ou les produits laitiers pourraient induire une dimi-nution de la thermogenèse et favoriser une prise de poids.Il convient par ailleurs de garder à l’esprit que les bénéficessanté des aliments ne sauraient se résumer à leur impact surle poids, ni même aux comorbidités associées à l’obésitéet contribuent à définir une alimentation saine. De touteévidence, ces aspects sortent du champ de cet article. Rap-pelons simplement qu’une alimentation pauvre en lipides eten conséquence souvent riche en glucides peut induire chezcertains individus prédisposés des modifications lipidiquesdélétères.

Figure 2. Déterminants de la consommation alimentaire. Au-delàdu vecteur aliment, la consommation alimentaire est influencée parle comportement alimentaire lié à l’état de santé, des facteurs indi-viduels, de l’environnement social et de l’environnement physiqueet structurel.

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Enfin, en bouleversant notre style de vie,l’industrialisation, l’urbanisation et l’augmentation duniveau de vie ont largement modifié nos habitudes et nosmodes de consommation alimentaires d’une facon quidépasse largement leur seule composition en macronu-triments (Fig. 2) : le développement de l’alimentationhors domicile et de la consommation d’aliments prêtsà consommer, la déstructuration de la prise alimentaireau cours de la journée (repas sautés au profit d’unealimentation hors repas sous forme de collations ou degrignotage), la simplification des repas, la déritualisation(moindre temps consacré au repas, présence de la télévisionpendant les repas), l’importante disponibilité d’alimentsà la fois denses en énergie et générateurs de plaisir, lataille des portions sont autant d’éléments susceptiblesde contribuer à la prise alimentaire et à la prise depoids.

À RETENIR

Les causes nutritionnelles de la prise de poids sont larésultante d’un ensemble complexe de facteurs d’ordresociétal et individuels.

Conclusion

Si certains nutriments ou aliments, tels que les lipides, lefructose et les boissons sucrées, favorisent la prise de poids,l’ensemble des données disponibles rappellent l’importancepremière des apports énergétiques totaux en relation avecla dépense énergétique (en particulier celle en rapport avecl’activité physique) dans le gain de poids. Elles soulignentpar ailleurs le danger de campagnes visant à stigmatiser unseul des déterminants d’une pathologie à l’évidence multi-factorielle et complexe. Avec la composition nutritionnelle,de nombreux autres facteurs se conjuguent aujourd’hui

pour favoriser une surconsommation et/ou augmenter lerisque d’obésité chez les sujets prédisposés. Parmi ceux-ci, la disponibilité croissante d’aliments variés, denses enénergie, palatables et peu coûteux et la généralisationd’un comportement sédentaire jouent certainement un rôleimportant. Clairement, la compréhension de la physiopa-thologie de l’obésité et du rôle propre de l’alimentationet la mise en place de stratégies de prévention ou detraitement nécessitent d’intégrer le comportement alimen-taire dans un schéma plus complexe prenant en compteles caractéristiques propres de l’individu (physiologiques,biologiques, génétiques, comportementales, sociales) maisaussi le contexte, l’environnement sociétal et physique danslequel il évolue.

Conflit d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.

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