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Page 1: Le bestiaire dans ilétait une fois un vieux couple heureux de Mohemed khair eddine

Introduction :

Dans un roman publié à titre posthume, «  Il était une fois un vieux couple

heureux », Mohamed Khair-Eddine nous raconte la vie d’un couple chleuh originaire du Sud marocain. Le récit est un retour en arrière sur la vie d’un couple sans postérité, qui a vécu dans la vallée des Ammelus1 , et qui a observé les changements issus de la modernité, qui se sont opérés au fil des années, n’épargnant pas leur petit village éloigné.

Le couple a mené une vie simple, paisible et heureuse, avec les animaux qui leur tenaient compagnie.

En effet, ce couple, bien qu’il n’ait pas eu d’enfants, a vécu en joie avec ses animaux domestiques, qui l’entouraient et avec les quels il avait des liens étroits.

Dans ce travail nous nous intéresserons justement aux animaux présents dans le texte de Mohamed Khair-Eddine, par une approche à la fois thématique et textuelle nous essaierons de voir comment ces animaux sont liés aux personnages ? Et quel est quels sont les fonctions remplies par ces animaux dans le récit ?

I-Fonction principale du bestiaire dans le récit :

Avant de débuter cette analyse, il serait préférable de dénombrer les animaux présent de notre texte.

Présence bestiale dans le récit.

Mohamed Khair-Eddine, auteur de «Faune détériorée », nous montre qu’il possède une grande connaissance de la faune Sudique, et il en use même comme ancrage identitaire de ce Sud tant aimé.

En effet, dans le récit « Il était une fois un vieux couple heureux »2, nous avons relevé la présence de 188 termes qui renvoient à la faune, et qui se partagent entre des génériques tels « animaux ; bêtes » et des termes plus au moins

1 In compte rendu de lecture de : Mohamed Khaîr -Eddine.  « On ne met pas en cage un oiseau pareil ». Article signé, Antoine Hatzenberger. Consulté le 03/12/2009. http://www.limag.refer.org/Textes/Hatzenberger/KhairEddineDernierJournal.htm

2 Mohamed Khaïr-Eddine. « Il était une fois un vieux couple heureux ». Éd. Al-Ouma.2007

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spécifiques comme « équidé, bovin, volaille, oiseau, rongeurs, reptile, arachnide, insecte, vermine».

Puis viendront des noms d’animaux qui se sont répétés plusieurs fois dans le texte, à leur tête nous trouverons le chat avec 34apparitions, puis l’âne 3qui vient en seconde position avec 14 apparitions, ainsi que la mule avec 8 apparitions, et la

vache avec 6 apparitions.

Toutefois, d’autres animaux sont mentionnés dans le texte, tels chien et chacal qui réapparaissent plusieurs fois, en même cadence que chèvre, oiseau et rat.

Du début jusqu’à sa fin le récit de Khair-Eddine est jonché d’animaux, tantôt comme élément décoratif du ce territoire sudique (porc-épic, mouflon), tantôt comme des compagnons des personnages (chat pour Bouchaib et vache pour la vielle).

Une question s’impose : pourquoi cette présence animale dans le récit de Khair-Eddine?

Dans son livre, « Bestiaire du roman contemporain d'expression française », Lucie Desblache nous apprend que :

« En accordant à l’animal une place de choix les romanciers contemporains se trouvent simultanément tentés par le respect et la transgression de la référence. En effet, l’animal, par les connotations symboliques et archétypales auxquelles il est souvent lié peut être facteur de consolidation de la tradition. Il est alors instrument anamnestique puisqu’il entretient un lien privilégié avec le passé, une relation avec ce que nous connaissons, avec notre histoire au travers des significations que nous lui avons accordées, mais également avec ce passé ancestral, génétique, cellulaire, qui est au-delà du temps chronologique »4.

C’est justement dans cette optique que nous pouvons placer la présence bestiaire dans le roman de Khair-Eddine Car, effectivement, et comme nous en avons fait allusion précédemment dans notre texte, notre auteur choisit ses animaux pour des raisons identitaires c'est-à-dire, qui font référence à son pays et précisément à sa région le Sous. Ainsi on trouve (le hibou, le mouflon, le porc-épic, la huppe etc.…), mais aussi pour des raisons symboliques.

3 Les autres termes qui peuvent désigner cet animal sont pris en compte. (Équidé, baudet)4 Desblache, Lucile. Bestiaire du roman contemporain d’expression française. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal.2002.p13.

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L’animal élément du bonheur du couple.

Bouchaib de retour au pays natal suite à une langue errance dans les Nords, (Maroc,et Europe),il s’y installe, lui et sa femme. Le foyer, sans enfants, se compose du vieux, de sa femme, d’un âne, d’un chat, d’une vache et de quelques poules pondeuses. Dans, le récit le narrateur accorde autant d’attention aux animaux qu’à la femme, elle est citée en même titre qu’eux :

« En observant cette fantastique chape de joyeux cosmiques, le Vieux louait Dieu de lui avoir permis de vivre des moments de paix avec les seuls êtres qu’il aimât : sa femme, son âne et son chat, car aucun de ces êtres n’était exclu de sa destinée pensait-il »5

Donc, on peut déduire que le couple est autant heureux par son union et son discernement que par la présence de ces animaux. Ces derniers ne sont pas là que pour garnir le récit, mais bien au contraire ils ont un rôle tout aussi important que celui des personnages, même plus important des fois.

C’est ainsi qu’on voit que le chat est le seul à partager les repas copieux du vieux couples ; « Des tagines préparés par la vielle, qui s’y connaissait. Cela donnait à u rituel extrêmement précis. Seul le chat de la maison assistait car il était aussi intéressé que le vieux couple »6

Et dans le même cadre on pourrait citer sa relation avec son âne timide : « un âne timide et bien mieux traité que les baudets de la région, il n’était jamais puni .Son maître y tenait comme à un enfant et il le disait crûment aux persécuteurs de bêtes.»7, quant à la femme, elle tenait des relations similaires avec sa vache : « C’était sa bête favorite. Elle faisait comme elle les labours dès les primes pluies d’octobre. »8.

Le vieux couple, par amour, ne manque pas de discuter avec leurs animaux de compagnie, ainsi on trouve Bouchaib qui averti son coq du chacal, et à son chat en lui lisant ses poèmes : « Mon chat tu comprends la poésie »9, il lui parle aussi pour l’éduquer tel à un fils qu’il n’a pas eu, ainsi il lui interdit de manger les oiseaux : « Hé chat audacieux ! Doucement ! Tu ne vas tout de même pas t’attaquer à ce joli passereau. Il est ici chez lui comme toi. »10 .

5 Mohamed Khaïr Eddine. Op.cit.p.86 Ibidem.7 Ibid.p.68 Ibid. p.99 Ibid.p.610 Ibid.p.80

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Les images récurrentes de ces animaux domestiques, dans le texte, qui gravitent autour de l’attachement du couple à ses bestiaux. Et par ce premier réseau l’auteur essaye de nous montrer que le bonheur de ce couple résulte en quelque partie de la présence de ces animaux, qui ont pris la place d’une descendance regrettée.

Mais il existe d’autres images du bestiaire dans le récit, et qui s’investissent d’autres charges dans le récit, car tel un classement des personnages dans le texte narratif, les animaux sont classés dans le texte récit de Khair-Eddine. Le chat, la vache, l’âne sont des personnages principaux et d’autres sont des figurants.

Toutefois, ces figurants ont des charges positives ou négatives, autrement dit selon l’intention de leur générateur, ils sont utilisés soit dans un sens valorisant ou au contraire avec une connotation négative.

L’animal moyen de caractérisation.

Dans « il était une fois un vieux couple heureux », Mohamed Khair-Eddine utilise la faune comme moyen de caractérisation tantôt valorisante, et des fois dévalorisante.

L’animal apparait comme une expansion du nom, il indique l’état de la chose à laquelle il est adhéré, habilement choisi par l’auteur, il reflète parfaitement la situation morale ou physique de ce qui est décrit.

«Cette pauvre vielle vivait dans une immense bâtisse en partie délabrée parmi des multitudes de rats et de chauves-souris. Elle était encore assez vigoureuse pour entretenir une vache et s’occuper des corvées journalières.»11

La vielle vit telle une sorcière des contes merveilleux, entre les rats et les chauves-souris et sa puissance est intacte aussi vigoureuse qu’une vache.Dans un environnement paysan et montagnard l’auteur fait appel à des animaux du milieu pour sa caractérisation.« C’est vrai ! Dans les compagnes du Nord les Arabes chassent les chiens à coups de pierre, un Français s’en est offusqué [...] Les Arabes haïssent les chiens .Il n’a tout à fait tort. Les Arabes haïssent les chiens. Comme ils ne leur donnent rien à ronger, les chiens se transforment en charognards et même en tueurs. Bien des femmes imprudentes ont ainsi été déchiquetées  »12

Dans cette citation, la récurrence des deux termes Arabe et chien n’est pas arbitraire par Khair-Eddine, l’Arabe est responsable de tout les malheurs de cette

11 Idid.p.1412 Ibid. p.36

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société des Chleuhs. On pourrait croire qu’il lui adresse implicitement l’insulte, l’arabe est le chien qui déchiquète les plus faibles, et dans un sens similaire viendrait l’expression « Qui n’a pas de poux n’est pas musulmans… » Cité par le narrateur à propos des indigènes dans les pays colonisés.

De même pour exprimer son mépris vis-à-vis des gens qui mettent au monde beaucoup d’enfants sans qu’ils se préoccupent de leur sort, le personnage Bouchaib les estime inférieurs au rat capable de limiter son taux de naissance :« Tu vois un misérable reproduit forcément de la misère .J’ai lu quelque part que le rat, qui est un animal intelligent, sait réguler son groupe, contrôler le taux de ses naissance, par exemple. »13

L’auteur compare les animaux aux être humains à plusieurs reprises, des fois par la voix du narrateur et des fois par la voix des personnages eux même qui se compare à des animaux, ainsi la ville se compare aux bêtes car elle est analphabète : « Nous autres qui ne savons ni lire ni écrire, ajouta-t-elle, nous sommes comme les bêtes, il faut nous parler »14.Bouchaib lui-même est comparé à un ours : « Ainsi le vieux put-il écrire la geste du saint méconnu sans ressentir le besoin d’aller et venir comme un ours dans sa cage car il n’aimait pas être enfermé entre quatre murs, surtout la nuit… »15

Le choix des animaux n’est certainement fortuit chez l’auteur, il est précieusement travaillé, alors que la femme est assimilée aux bêtes termes qui a généralement une connotation péjorative, Bouchaîb est un ours, avec tout ce qu’implique ce terme comme nuances valorisantes. En en plus de ces connotations propres au contexte dans lequel apparaissent ces animaux, ils ont d’un autres coté certains valeurs symboliques au quelles ils sont attachés dans la société de l’auteur. En effet l’auteur évoque par l’intermédiaire de son personnage cette valeur symbolique de quelques animaux, et leurs lien avec la superstition de sa société : « ce[le serpent] n’est peut être pas un reptile ordinaire, mais un djinn »16de même pour leur chat noir « Ho, seulement il est noir. Pas la moindre tache blanche ! Or on dit que le diable est noir et qu’un chat noir c’est l’incarnation du démon. »17.Et c’est dans le même contexte qu’il cite la huppe, son oiseau privilégié. «D’aucuns croient que la huppe, l’oiseau de Salomon, y voit à vingt pieds sous terre. Les gens de Mogador avalent tout cru son cœur

13 Ibid. p.12914 Ibid. p.12415 Ibid. p.7616 Ibid.p.3517 Ibidem.

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palpitant pour acquérir encore plus de perspicacité. Superstition ? Sans doute. Ce pendant, ce bel oiseau si rare et solitaire fascine encore tous ceux qui le regardent. On n’en voit que rarement »18

Rappelons que ce dernier animal est celui qui a donné son nom au dernier journal de l’auteur : « Aussi loin que possible de ces oiseaux de mauvais augure, le poète, recueilli par des amis entre Casablanca et Rabat, entre en sympathie avec un loriot, qui vient chanter le matin à sa fenêtre. Le second cahier s’interrompt sur un poème consacré à cet oiseau (L’Albatros de Khair-Eddine ?). Il parle aussi, un autre jour, d’une huppe, cet « oiseau qu’on ne met pas en cage ; il doit rester libre » (lundi 12), et qui donne son titre au Journal. La huppe, cet « oiseau biblique » dans la beauté duquel Khair-Eddine trouvait quelque chose de sacré, était aussi le nom d’une revue satirique bilingue qu’il avait fondée à Casablanca, et que la censure avait stoppée en plein vol19. » Par ailleurs, la fonction symbolique attribuée au bestiaire est directement liée à la parole. Khair-Eddine l’intègre dans la même poétique de la métamorphose où la limite entre l’humanité et l’animalité ne va jamais de soi. En effet, les limites sont tellement étroites que nous serons tentés de voir en ces bestiaux des personnages à part entière.

II-Le bestiaire sous d’autres dimensions :

Comme nous l’avons dit, les animaux chez Khair-Eddine ont eu d’autres dimensions plus importantes que celles de figurants ou ameublement décoratif du récit.

Ils sont un ancrage identitaire de l’auteur dans son milieu, un procédé de caractérisation des objets, et un moyen de véhiculer des pensées, des valeurs et des jugements.

Mais bien encore, deux animaux ont joui d’une place exceptionnelle dans le récit de Khair-Eddine, à savoir L’âne et le chat.

L’âne indicateur mesure du temps.

18 Ibid.p.2719 Antoine Hatzenberger.op.cit.

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Dans ce qui va suivre, nous tenterons de suivre cet équidé à travers le texte, à fin de démontrer comment présente-t-il le changement des temps dans le fil du récit. L’âne figure dés les première pages du récit, son histoire commence avec celle de Bouchaib, « il ne ratait jamais le souk hebdomadaire où il allait à dos

d’âne tous les mercredis »20. Tous les deux, au début se rendaient hebdomadairement au souk, et aux moussems à chaque fois que l’occasion se présentait. Et les choses ont continué ainsi pendant plusieurs années pour le couple, mais aussi pour tout le village. «  Des années passèrent donc ainsi, apportant chacune plusieurs changement. Cependant les familles continuaient à cultiver la terre, à entretenir les arbres, à battre le blé ou l’orge en été….Elles avaient encore des ânes, des mules et vaches »21.Il faut souligner que la présence de l’adverbe « encore » n’est pas gratuite dans cette citation, car l’existence de ces animaux est l’indice de la destinée des traditions ; si eux ils existent encore c’est que la vie traditionnelle et ancestrale existe encore elle aussi. En fait ils sont les garants de cette vie traditionnelle loin de la modernité. Mais, quand les temps ont changés et la modernité a commencé à gagner du terrain dans le Sous, l’âne aussi fut changé par une mule, aussi stérile que son propriétaire. « Il [le chat] se réfugiait chez la mule que, l’ancien âne étant mort, Bouchaib avait acquise pour le remplacer »22

Notons aussi que la mule est un hybride qui résulte du croisement d'un âne et d'une jument. Ce qui annonce le début du croisement entre la modernité et la tradition, entre le Nord et Sud.

Plus loin, nous retrouvons ce croisement entre modernité et tradition, à travers une comparaison faite par le narrateur : « La belle voiture roulera donc sur des pistes caillouteuses, traversera le cors d’eau à gué comme un âne. »23

Le croisement se transforme en combat, et la modernité commence à prendre du terrain. Ainsi l’Amzil, le forgeron du village ne trouve plus de quoi nourrir sa famille à cause de la régression du nombre des équidés du village car les gens n’en ont plus besoin pour se déplacer : « Eh bien, cet Amzil n’a plus aucune ressource depuis que les gens achètent tout au souk ! Et il n’y a plus assez d’ânes et de mulet à ferrer »24, cette disparition montre le début du déclin du mode de vie traditionnel.C’est ce qui est affirmé par Bouchaib répondant à la question de Radwan :

20 Mohamed Khair Eddine.op.cit.p.621 Ibid.p.4222 Ibid.p.5023 Ibid.p.8824 Ibid.p.97

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 « Possèdes-tu toujours un âne ?  --Non. J’ai une mule. Un âne ne fait pas de vieux os ici. Le dernier que j’ai eu a été bouffé par les charognards il y’a trois ans peut être. Ici, quand une bête crève, on jette sa carcasse aux fauves. J’ai donc une mule qui ne demande qu’à sortir, mais, comme je suis indisponible, elle reste dans son réduit »25

Et quand la modernité se allie à la sécheresse, les premières victimes sont les animaux .Car la modernité doit frapper fort et dans les points mortels. « Au début de l’année suivante, on vit errer par les campagnes et tout le long des routes des animaux solitaires chassés par leurs maitres, qui ne pouvaient plus les nourrir. Il y’avait surtout des ânes parmi ces bêtes. »26

C’est ainsi que la modernité a pris le dessus, en commençant par l’animal symbole de cette vie du terroir, cette vie traditionnelle, et naturelle.. En définitive, notre poursuite de l’animal à travers le texte nous a révélé comment Mohamed Khair-Eddine a lié le destin de cette communié de Sous à ses bestiaux. Et la manière par laquelle le facteur du temps a opéré ses changements sur ces deux entités. Toutefois les personnages du récit sont aussi conscients que le temps la sécheresse et la modernité ont eu un effet dévastateur sur le bestiaire de la région, et ils en discutent : « Le dernier symbole de jadis est tombé, dit le Vieux.-Tu veux parler du troupeau ?-Oui. Après ça, ce n’est rien .Il y en a partout ailleurs.-Il y’en a partout, c’est sûr, mais celui-ci était le dernier de la région .Il y’en avait un autre ….Un jour, il a été décimé par une brutale épizootie. C’était épouvantable .Les charognards se sont alors bien gavés que les poules sortaient en paix.-un troupeau n’est pas un symbole, dit la vielle.-c’en est un, affirma le Vieux, car il ya plusieurs siècles, le grand Ancêtre est venu s’installer ici à la tête d’un immense troupeau D’ou cette tradition qui s’écroule aujourd’hui comme un château de cartes. »La disparition des bêtes est liée chez Khair-Eddine à l’apparition de la modernité, comme si le monde Sudique ne peut supporter la présence de ces des entités. Toutefois le chat arrive quand à lui à s’adapter aux changements, il préserve toujours la présence de l’espèce au même titre que celle de l’être humain. Mais pourquoi le Chat réjouit il de cette exception ?

25 Ibid 14026 Ibid.145

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Le chat personnage et compagnon d’un auteur.

Il est aisé de s’apercevoir que l’auteur de « Il était une fois un vieux couple heureux » a prêté une attention particulière à ce félin, il est partie intégrante du bonheur du couple. C’est un enfant que le couple n’a pas pu avoir. « Je le considère un peu comme un fils bien qu’il ne soit pas de mon espèce. Mais ne ditons pas que le Prophète aimait les Chats ? ».27Cet animal est représenté dans l’œuvre comme étant un personnage du récit, même s’il ne possède pas les facultés humaines de la parole et la pensée.

Le chat, est présent dans la littérature depuis des siècles, il n’a pas cesser d’être sujet de plusieurs travaux artistiques et littéraires, et sa symbolique a évolué au court du temps.

« Le félin domestique, en revanche redevient aux yeux des citadins d’aujourd’hui l’objet d’admiration sinon d’adoration qu’il était pour les égyptiens, bouclant la boucle du temps par le symbolisme esthétique, affectif et spirituel qu’il évoque » plus loin dans le même texte : « De personnage allégorique de fable et de conte le chat s’individualise dans la nouvelle et le roman contemporains et prend part à l’aventure de l’écriture contemporaine. Support privilégié de l’imaginaire littéraire et compagnon de prédilection des romanciers, il se prête à un double rôle, utilitaire au second degré, sa fonction de dératisation étant de plus en plus limitée ». 28

En effet, Bouchaib adore les chats, et il ne reste jamais son leur compagnie, (une fois le chat noir mort, il fut remplacé de suite par un autre chat roux).Le chat est omniprésent dans le texte de Khair-Eddine, mais sa mission n’est plus la dératisation :

« C’est mon chat pourquoi mangerait-il des rats ?

-C’est son rôle !

-Eh non ! Son rôle, c’est d’être tout près de moi et de ronronner. Mais où est-il passé ? »29

Il est le compagnon de l’auteur qui est Bouchaib :

« Mon chat, tu comprends la poésie. Chaque fois que la plume court sur le papier tu te redresses comme pour applaudir. Tu saisis tout rien qu’à ce bruit insolite »30

27 Ibid.p.3628 Desblache, Lucile.op.cit.p.3429 Mohamed Khair Eddine.op.cit.p.3530 Ibid.p.65

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Dans le récit de Khair-Eddine, le chat est presqu’un personnage principal, et il est un moyen d’embellir la fable du texte qui n’est pourtant pas une fable.

Conclusion :

Les images d’animaux des chez Khair-Eddine tournent autour de la modernité en conflit avec la tradition. Et l’image de l’âne qui indique les changements du temps, du troupeau symbole ancestrale, s’y versent comme la rivière se jette dans le fleuve. Cette constante est alimentée par l’image du chat, compagnon d’un auteur garant de la tradition. Ainsi, la dynamique du « réseau bestiaire », est constituée d’images d’animaux qui dévoilent cette dichotomie de la tradition et la modernité.

Les thèmes se croisent et se chevauchent dans « Il était une fois un vieux couple heureux », et quand on veut traiter du bestiaire, on se retrouve entrain de traiter de la modernité, l’identité et du Sud .Les composantes de l’histoire chez Khaîr Eddine s’ordonnent et se combinent, et le bestiaire n’est qu’une partie d’un tout, voué à la défense d’un style propre à l’auteur de « il était une fois un vieux couple heureux ».

Khalid OUAZZANI TOUHAMI

Tetouan : Décembre 2010


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