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TOUTSUR LES

CE QUE NOUS AVONS VOULU SAVOIR

ERP

QUATTENDRE DES PROGICIELS DE GESTION INTEGRES ?

Sophie MOURLON et Laurent NEYER Pilote : M. Franois ENGEL Mmoire dIngnieurs Elves 2002 Corps Techniques de lEtat

RsumOn a dit le meilleur et le pire des ERP (Enterprise Resource Planning, ou PGI pour Progiciels de Gestion Intgrs en franais). Le concept est omniprsent dans le monde des entreprises : presque tous les grands groupes industriels, aux Etats-Unis comme en France, en ont install ou sont en train den faire lacquisition. Les chefs dentreprises en parlent entre eux, pleins denthousiasme ou de crainte. Et les sommes en jeu sont colossales. Une soixantaine dentretiens mens sur 8 mois avec des utilisateurs et des acteurs du monde des ERP ont permis dapporter des rponses plusieurs questions. Que sont les ERP ? Il nest pas si facile de le dfinir. Quelles sont les difficults de leur mise en place ? Les projets sont longs, coteux, complexes et risqus. Les ERP sont-ils une solution universelle ? Les entreprises ne sont pas toutes de cet avis. Les ERP sont-ils bons pour les entreprises ? Cette question doit tre reformule. Au del des discours, que peut-on attendre aujourdhui des ERP ? Les ERP ne sont pas vendus et achets pour ce quils sont aujourdhui, mais pour ce quils feront demain. Quel est le futur des ERP ? On peut envisager lengouement pour les progiciels intgrs comme une mode managriale. Sous cet angle danalyse, les espoirs et les projets des diffrents acteurs du monde des ERP permettent denvisager quoi ressembleront les descendants de ces derniers, une fois la mode actuelle remplace par dautres.

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RemerciementsNous souhaitons remercier tout particulirement M. Franois Engel, qui a t notre pilote tout au long de cette tude. Sans ses questions pertinentes et ses avis judicieux, notre mmoire naurait sans doute pas pris cette forme. Nous remercions galement toutes les personnes qui nous ont reus, parfois longuement, et toujours chaleureusement. Pour plus dexhaustivit, nous les avons tous cits la fin de ce mmoire. Les tmoignages quils ont bien voulu nous livrer avec sincrit sont lessence mme de notre tude. Merci en particulier tous ceux qui nous ont aussi facilit les contacts avec dautres acteurs du monde des ERP. Par ailleurs, nous remercions le cabinet de conseil Cap Gemini Ernst & Young qui a financ partiellement cette tude sans jamais nous imposer des axes de recherche et en nous laissant une totale libert dans nos rflexions. Nous remercions Walkyrie de ne jamais abandonns. nous avoir totalement

Nous remercions enfin tous ceux qui ont relu ce mmoire et qui nous ont donn leur avis en toute franchise.

A tous, merci !

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Les auteurs de cette tude :

Sophie MOURLON Ancienne lve de lEcole Polytechnique, majeures dinformatique. Intgration du Corps des Mines en 1999. Stage dun an chez Sagem SA, au service clients de lactivit Rseaux de tlcommunication, Cergy-Pontoise (95 - France). Stage dun an chez PSA, charge de mission coordination industrielle lusine PeugeotCitron de Madrid (Espagne).

Laurent NEYERIngnieur civil de lEcole des Mines de Paris. Intgration du Corps des Mines en 1999. Stage dun an chez Huron Graffenstaden, charg de mission pour la mise en place des 35 heures, Illkirch (67 France). Stage dun an chez EuroKera, responsable marketing US et charg dveloppement projets, Caroline du Sud (Etats-Unis).

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SommaireSOMMAIRE INTRODUCTION CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET CERNER 1.1 HISTOIRES COURTES LE PROJET GLOUBE : QUAND CHACUN A SON POINT DE VUE LA FOX MEYER DRUG ET LES AUTRES : DES CHECS MDIATIQUES LE PROJET EDF SERVAL : UNE BELLE RUSSITE 1.2 A LA RECHERCHE DUNE DFINITION DE LUTILISATION DUN ERP VERS UNE DFINITION ACADMIQUE 1.3 DAUTRES DFINITIONS DES DFINITIONS TRS PRCISES MAIS TROP RESTRICTIVES, SANS COMPTER LENTREPRISE TENDUE 1.4 COMMENT SE REPRSENTER UN ERP ? CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE QUIPE 2.1 UN PROJET PAS COMME LES AUTRES UN PONT ENTRE DEUX RIVES UN PROJET ERP 2.2 LES ACTEURS EN PRSENCE 2.3 CHOISIR 2.4 PRPARER LE PROJET LES CONTRATS LES ASPECTS TECHNIQUES LE BUDGET LA CONCEPTION GNRALE DU SYSTME LES QUIPES 2.5 METTRE EN UVRE LA RALISATION LA GESTION DU DVELOPPEMENT ET LE PARAMTRAGE LES SPCIFIQUES LA REPRISE DES DONNES 2.6 CONDUIRE LE CHANGEMENT LA COMMUNICATION LA FORMATION 2.7 DMARRER, DPLOYER 2.8 EXPLOITER LE RETOUR SUR INVESTISSEMENT TIRER BNFICE DU SYSTME ET SI CTAIT REFAIRE ? CHAPITRE 3 - LES DANGERS DE LA SOLUTION UNIVERSELLE 3.1 3.2 LA STANDARDISATION FACE AU CUR DE MTIER UN COT DE SORTIE EXORBITANT 7 9 11 11 11 12 13 15 15 16 18 18 19 19 20 23 23 23 24 24 25 27 27 27 28 28 29 29 30 32 32 33 34 34 35 36 36 37 37 39 39 40

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ET UNE FORTE DPENDANCE FACE LDITEUR

40 43 43 43 47 47 47 48 49 49 49 50 53 53 53 53 55 56 56 60 61 63 63 63 63 64 65 67 67 67 67 69 71 71 73

CHAPITRE 4 - LA VRIT SUR LES ERP 4.1 4.2 QUI CROIRE ? LES ERP, EST-CE QUE A MARCHE ?

CHAPITRE 5 - LES MOTS, LES RVES ET LA RALIT 5.1 DES LENDEMAINS RADIEUX LES ERP SONT PLEINS DE PROMESSES QUI SERONT TENUES PLUS TARD 5.2 MYTHES ET RALITS UN MYTHE DE LINFORMATIQUE CARTSIENNE QUI NE SAPPLIQUE PAS AUX PROJETS ERP 5.3 RESTONS SUR TERRE CHAPITRE 6 - UNE MODE MANAGRIALE 6.1 DRLE DOUTIL LERP : UN OUTIL ? UN CONCEPT DORGANISATION ET DE MANAGEMENT DE LENTREPRISE ? 6.2 UN CHOIX STRATGIQUE 6.3 UNE MODE MANAGRIALE DES MODES MANAGRIALES PASSES AU CAS DE LERP 6.4 ET APRS ? CHAPITRE 7 - UN PETIT ESSAI SUR LE FUTUR 7.1 EVOLUTION COURT ET MOYEN TERME RAINTES MACRO-CONOMIQUES C CE QUE LES UNS ET LES AUTRES ATTENDENT CE QUIL RESTERA DE LA MODE 7.2 EPILOGUE UN PEU DE SCIENCE- FICTION ORGANISMES RENCONTRS EDITEURS INTGRATEURS CLIENTS OBSERVATEURS BIBLIOGRAPHIE LIVRES ET ARTICLES RESSOURCES INTERNET

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Introduction

ERP et SAP : ces quelques lettres nigmatiques reviennent souvent dans les colonnes des journaux, dans les pages des magazines, dans les titres des confrences et dans les discussions entre chefs dentreprises. On a dit le meilleur et le pire des Progiciels de Gestion Intgrs1 (PGI en franais, ou ERP pour Enterprise Resource Planning en anglais). Le produit SAP R/3 en particulier, le plus rpandu, collectionne les louanges et les critiques. Quelques success stories ont circul, comme celle dAtochem North America. Mais beaucoup de catastrophes sont venues temprer lenthousiasme des premiers temps, comme la faillite de la Fox Meyer Drug en 1997. Dans les entreprises, le concept est omniprsent puisque presque tous les grands groupes industriels, aux Etats-Unis comme en France, en ont install ou sont en train den faire lacquisition. Rares sont les chefs dentreprises qui nen ont jamais entendu parler. Et depuis quelques annes, aux cts de Word, Excel, Access dans la rubrique Connaissance de loutil informatique des curriculum vitae, on voit apparatre la mention SAP Quant aux sommes en jeu, elles sont gigantesques : on estime prs de 2 milliards deuros2 le march des ERP en France et 30 milliards de dollars3 le march des ERP dans le monde ! Nous avons voulu comprendre ce qutaient ces objets mystrieux. Nous souhaitions estimer limpact que leur mise en place pouvait avoir sur les entreprises. Nous nous demandions sils marchaient vraiment et taient utiles. Nous avons donc men pendant 8 mois une tude qualitative. Aprs une introduction bibliographique du sujet, nous avons rencontr une soixantaine dinterlocuteurs4, en tte tte, au cours dentretiens dune deux heures. Il sagissait dditeurs, de consultants, de chefs dentreprises, de responsables de projets, de chercheurs, davocats, mais aussi, et surtout, dutilisateurs dERP, tous les niveaux de lentreprise. Nous les avons rencontrs dans leurs bureaux ou dans leurs usines. Ils nous ont livr leurs tmoignages et leurs impressions sur les ERP ; et nous leur avons pos de nombreuses questions. Ce sont les rsultats de cette tude et de notre rflexion que nous exposons dans ce mmoire, mme sil est difficile de rendre compte de toute la richesse des informations que nous avons recueillies et de lextrme complexit du sujet. En particulier, nous avons restreint le cadre de notre tude essentiellement aux grands ERP et aux grandes et moyennes entreprises5 qui les installent. Aprs avoir tent dillustrer et de cerner le concept dERP (CHAPITRE 1), nous exposerons dans une partie ncessairement dense, la synthse des tmoignages que nous1

Il existe une ambigut sur laccord de ladjectif intgr. Pour la majorit des personnes, on doit le rapporter progiciel. Certains, peu nombreux, le rapportent plutt gestion. Nous avons choisi la premire solution, sans que cela change quoi que ce soit au concept considr. 2 Source : Pierre Audoin Conseil, octobre 2001 : estimation 1 957 M du march total des services et licences ERP en France en 2000, hors prestations lies l'infrastructure. 3 Source : AMR research, 2001 : estimation march mondial des ERP, SCM et CRM en 2000. 4 On trouvera la liste de nos interlocuteurs la fin de ce mmoire. 5 Mme si nous avons par ailleurs tudi quelques PMI.

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avons recueillis sur les projets de mise en place des ERP. Ces projets longs, complexes, coteux et risqus ont suscit chez nos interlocuteurs des rflexions quil est utile de verser au retour dexprience sur le sujet (CHAPITRE 2). Nous exposerons ensuite les lments de rponse aux nombreuses questions que ce sujet suscite : Les ERP sont-ils une solution universelle ? Les entreprises ne sont pas toutes de cet avis (CHAPITRE 3). Les ERP sont-ils bons pour les entreprises ? Cette question doit tre reformule (CHAPITRE 4). Au del des discours, que peut-on attendre aujourdhui des ERP ? Les ERP ne sont pas vendus et achets pour ce quils sont aujourdhui, mais pour ce quils feront demain (CHAPITRE 5). Quel est le futur des ERP ? On peut envisager lengouement pour les progiciels intgrs comme une mode managriale, au mme titre que la recherche oprationnelle il y a trente ans (CHAPITRE 6). Sous cet angle danalyse, les espoirs et les projets des diffrents acteurs du monde des ERP permettent denvisager quoi ressembleront les descendants des ERP, une fois la mode actuelle remplace par dautres (CHAPITRE 7).

Nous livrons au lecteur tout ce que nous avons voulu savoir sur les ERP.

Paris, juin 2002.

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP

Chapitre 1 - LERP : un objet cerner

ERP ? Mais quelle est donc la drle de bte qui se cache sous ce sigle trange ? Progiciel de Gestion Intgr nous disent les experts. Mais que recouvre cette dfinition ? Afin de montrer toutes les difficults et les implications du concept des ERP, nous dcrirons dabord quelques exemples, anecdotes et cas concrets de projets de mise en place dERP. Puis nous parlerons de la , ou plutt, des dfinitions dun ERP, et de la difficult bien cerner ce concept.

1.1 Histoires courtesLe projet GLOUBE : quand chacun a son point de vueCommenons tout dabord par une petite fiction assez raliste dun projet ERP afin de prsenter quelques-uns des points de vue fort diffrents quun tel projet gnre au sein dune mme entreprise.Nous aurions pu rencontrer la firme internationale bien connue SUPRAONE6 qui aurait, aux dires de ses dirigeants, termin avec succs linstallation de son ERP au cours du projet GLOUBE (Gestion Logique et Organise des Units de Base de lEntreprise). Lors dune visite dans cette entreprise, nous aurions interview plusieurs personnes lies de prs ou de loin au projet. Voil ce que nous aurions pu entendre : Un consultant du projet GLOUBE : avec aplomb, il nous dirait avoir t enthousiaste du dbut la fin. La technologie est sre et robuste ! Cest LA solution pour lentreprise ! . Certes, il y aurait eu quelques difficults dans le projet GLOUBE, mais, ce nauraient t que des difficults normales . En fait, il penserait quelles sont imputables essentiellement une participation insuffisante de lentreprise Le PDG de SUPRAONE : homme charismatique et dtermin, il nous expliquerait quil voulait initialement un systme de reporting afin de grer lentreprise avec une bonne visibilit, suite plusieurs fusions et acquisitions. Il affirmerait avoir toujours t prt mettre les moyens ncessaires, mme quand on lui a demand plusieurs reprises une rallonge pour le projet GLOUBE. Par contre, inutile de lui parler de soucis techniques : il ne voudrait pas entendre parler de problmes dintendance . Il nous aurait quand mme avou que le rodage a t difficile et quil sest plusieurs fois demand si GLOUBE tait vraiment appropri pour son entreprise. (Son avocat nous aurait dailleurs confi quil avait pens aller au contentieux un an plus tt). Mais en fin de compte, il penserait que cest bien pour lentreprise : le systme lui permet de disposer de toutes les donnes financires consolides en 2 jours peine Un chef de division : affable et pos, il serait plutt content dun systme assez moderne qui lui permettrait de suivre ses affaires, en particulier grce aux tats de synthse. Il ne se considrerait pas vraiment comme un utilisateur mais il saurait

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Il sagit bien entendu dune fiction, la firme elle-mme tant fictive. Toute ressemblance avec des projets existant ou ayant exist nest toutefois pas fortuite

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CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET A CERNERutiliser les principales fonctionnalits de GLOUBE, et imprimer des tats : il essaierait de donner lexemple ses troupes. Il penserait que le projet GLOUBE a t difficile, mais que, somme toute, a ne sest pas trop mal pass. Il nous dirait dailleurs que a marche plutt bien mme si en cas de crise on fait les prvisions sur une feuille excel, comme au temps davant GLOUBE Un chef de projet : motiv et stress, il nous expliquerait son rle dans le projet GLOUBE : grer les moyens et la crise. Il aurait pour cela le soutien formel du PDG, mais il avouerait ne pas avoir ressenti suffisamment dimplication de sa part. En fait, son principal problme viendrait des utilisateurs : ils ne savent pas ce quils veulent . En plus, il faut limiter au maximum les spcifiques 7 . Sans parler des consultants qui sont incomptents, pays trop cher pour ce quils apportent et qui ne tiennent pas leurs promesses ! Dans tout cela, il aurait limpression dtre le seul savoir de quoi il parle. En fait, il saurait que le projet GLOUBE ne sera jamais vraiment fini : il craindrait dj les prochaines montes de version Mlle Michu, assistante commerciale : trs loquace, elle nous raconterait sa galre . Avec GLOUBE, a ferait le troisime changement de systme quelle subit. Et il y a de quoi tre fataliste : il faut chaque fois tout rapprendre intgralement, sur le tas. Elle trouverait que GLOUBE nest pas trs convivial : au lieu dun seul cran comme avant, il faut maintenant passer par trois crans diffrents pour saisir la moindre commande ! En plus, il faut saisir des tas de donnes comptables et a fait plus de travail. En fait, elle nous avouerait son secret pour sen sortir : elle aurait mticuleusement not sur un cahier tout ce quil faut faire pour saisir une commande M. Jeunedynamic : moderne, dynamique, il ferait sans cesse les louanges de GLOUBE : enfin un outil efficace ! Il faut avouer quavant, a datait des annes 70, ctait vraiment dpass . GLOUBE fait des tas de choses : on peut sortir des tats, obtenir des infos sans avoir tlphoner droite et gauche. En plus, les donnes partent toutes seules la compta, lusine Il prouverait un certain plaisir chercher dans le systme toutes les possibilits, apprendre tous les trucs de GLOUBE. Cependant, il se plaindrait de devoir rpondre toutes les 10 minutes Mlle Michu qui est compltement dpasse et ny comprend dcidment rien de rien linformatique. Tout au long de lentrevue, cest avec fiert quil nous parlerait de son bb

La Fox Meyer Drug et les autres : des checs mdiatiquesMais nous ne pouvons parler des ERP sans faire aussi rfrence de retentissants checs qui ont branl en leur temps la presse mondiale. Un des checs les plus connus fut celui de la Fox Meyer Drug. Ce gant de la distribution pharmaceutique estima que la mise en place dun ERP lavait conduit la faillite. En effet, en 1997, aprs 2 ans defforts et plus de 100 millions de dollars dinvestissements, lentreprise narrivait plus traiter que 2,4 % des commandes quotidiennes gres avec lancien systme, et encore, avec beaucoup derreurs. Lentreprise fit trs rapidement faillite et fut vendue pour 80 millions de dollars (elle faisait 5 milliards de chiffre daffaires avant linstallation).

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les dveloppements spcifiques : voir 2.5 p. 32.

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP Un autre exemple fut celui de la compagnie Hershey qui vit en 1999 ses revenus chuter de 12%, baisse officiellement impute lincapacit de lentreprise fournir le march pendant les priodes de Halloween et de Nol. Cette dbcle tait lie linstallation de leur nouvel ERP (SAP R/3) : les salaris dHershey blmaient lERP luimme, et les critiques externes accusait galement lentreprise davoir dcid dinstaller cet ERP une priode trop proche des ftes. Trop et trop tt ont dit les experts et les mdias. Une entreprise de la taille de Hershey aurait d planifier la mise en place de son ERP de manire progressive. Heureusement les problmes de lERP dHershey furent rsolus, aprs plus dun an. Avec plus de 18 mois dexprience dutilisation du systme, les employs de Hershey sont plus laise et peuvent travailler avec plus defficacit raconte Kenneth Wolfe, le PDG. Nous sommes passs maintenant dans un mode en amlioration continue et nous avons commenc raliser les bnfices lis la puissance du nouveau systme. Evoquons dautres cas tout aussi loquents : Mobil Europe : cette entreprise a dpens des centaines de millions de dollars dans son systme ERP pour finalement labandonner lors dune fusion ; Dell computer : cet assembleur dordinateurs a dcouvert que son systme ERP ntait pas adapt sa nouvelle organisation dcentralise : il a abandonn linstallation aprs 2 ans et $ 200 millions dinvestissements ; CF Gomma: cet quipementier automobile a mis en place un ERP pour fusionner les systmes dinformation hrits dune fusion dentreprises. Incapable deffectuer des livraisons pendant plusieurs semaines, il fut sauv de la catastrophe par lintervention dun client (constructeur automobile) dpendant de sa production.

Le projet EDF Serval : une belle russiteNous avons rencontr aussi, lors de nos recherches et entrevues avec des entreprises franaises, quelques bons exemples de projets considrs comme des russites. Prenons par exemple le projet Serval chez EDF : une mise en place de SAP R/3 en support de plates-formes logistiques pour lapprovisionnement en matriel des chantiers de rseaux. Initialement, les stocks taient grs au niveau de plus de 100 entits locales indpendantes les unes des autres : les stocks taient mal connus au niveau national car supports par autant de systmes dinformation. Le systme ntant pas en temps rel, des carts se produisaient pouvant conduire des ruptures de stocks non prvues. Les commandes de pices taient effectues avec des bons en papier. Les multiples stocks taient importants (taux de couvertures des stocks, i.e. stocks/consommation, de 3 mois), coteux et dissmins un peu partout en France. La productivit de la fonction tait faible et la qualit irrgulire. La direction envisagea donc une restructuration complte de la gestion logistique des approvisionnements et des stocks, visant concentrer la logistique sur une dizaine de

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CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET A CERNER plates-formes rgionales, gres de manire industrielle et sous assurance qualit. Et cela ne pouvait tre mis en place quavec laide dun nouveau systme dinformation. La gestion de cette fonction est en effet complexe, comme illustr dans lencadr page 16. Mais il tait hors de question alors de dvelopper en interne un tel systme dinformation : lexprience dEDF montrait quil aurait fallu des investissement lourds en termes de dveloppeurs internes, que cela aurait pris trop de temps pour obtenir un rsultat, certes sur mesure, mais srement dpass la fin du projet. EDF opta donc pour un ERP : progiciel dvelopp en externe, rapide mettre en uvre (12 18 mois au lieu de 10 ans), voluant constamment et profitant de la mutualisation de toutes les entreprises qui lutilisent. Aprs un benchmarking, SAP fut choisi. La phase de prparation du projet pour la conception gnrale dura entre 3 et 6 mois. Notons quEDF fit tout dabord appel une entreprise de conseil en assistance la matrise douvrage afin dobtenir une estimation prcise des cots du projet et un premier plan de mise en uvre. Et le pronostic ainsi obtenu se rvla conforme la ralit. Sous la direction du responsable projet, 3 quipes travaillrent ensemble : les spcialistes de la logistique (en charge des dimensionnements, de lorganisation et des processus, et de la construction des entrepts), les intgrateurs ( SAPiens en charge de la paramtrisation dans SAP) et lquipe de conduite du Logisticiens changement (dfinition des nouveaux mtiers, concertation sociale, formation, communication en interne). Le responsable dcida dviter tout compromis et dorganiser des itrations entre les 3 parties. Ainsi, une dcision tait obtenue selon le schma en spirale ciConduite SAPiens contre. Le responsable du projet et sa matrise changement douvrage taient les gardiens du triangle : cahier des charges, cots, dlais. Mais le projet a t principalement gr par les dlais. La structure organisationnelle du systme cible fut calque le plus possible sur le standard SAP et seuls quelques spcifiques furent dvelopps pour le pilotage synthtique et les interfaces avec le SI existant. Avant la mise en place de lERP, des travaux prparatoires furent organiss avec les futures units utilisatrices sous forme de groupes de travail grs en mode projet. Lquipe projet prsenta le nouveau fonctionnement, le nouveau SI et les nouveaux mtiers tous les diffrents utilisateurs lors dun forum dun jour. Puis les utilisateurs reurent une formation allant dun jour une semaine. Aux dires des principaux intresss, cette formation fut toutefois trop courte et lapprentissage eu lieu principalement sur le terrain. Mais au bout de quelques mois, tout le monde stait appropri le systme et les dysfonctionnements lis au dmarrage taient matriss. Cependant les gens protestrent beaucoup dans un premier temps car ils taient habitus au sur mesure. De plus, la rorganisation qui accompagnait le projet avait conduit de nombreuses suppressions demplois et une redistribution des comptences : il fallut donc ngocier avec les syndicats. Malgr tout, le dmarrage fut un moment magique car, lenclenchement de lERP, le SI marcha tout dun coup. Sans SAP, SERVAL naurait pas russi ! , nous affirma le responsable de projet. Le dploiement sur dautres sites continue en ce moment et le rsultat, aux dires des responsables mais aussi des utilisateurs, est une vritable russite.

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP

1.2 A la recherche dune dfinitionEssayons maintenant de comprendre ce dont il est question quand on voque les ERP, et didentifier le primtre de notre tude. Cette tche sest avre en pratique plus difficile que nous ne limaginions au dpart. En fait, chacun de nos interlocuteurs, ou presque, en avait sa propre dfinition. Dans ces conditions, il serait assez difficile de choisir lune ou lautre de ces dfinitions au mpris de toutes les autres. Nous avons donc adopt une approche empirique et opt pour un champ dtude assez large. Voyons quel est son objet.

De lutilisation dun ERPPour dfinir ce quest un ERP, nous pouvons par exemple partir, comme T. Davenport (cf. [9]), des problmes que les ERP sont senss rsoudre pour les entreprises, savoir la fragmentation de linformation dans les grandes organisations. Toutes les entreprises collectent, gnrent et accumulent de grandes quantits de donnes. Dans la plupart des entreprises, toutefois, les donnes ne sont pas stockes en un seul endroit. Au contraire, linformation est disperse sur des dizaines, voire des centaines de systmes informatiques disjoints, chacun tant hberg par une fonction, un dpartement, une rgion, un site ou un bureau de lentreprise. Chacun de ce quon appelle les systmes hrits (legacy, en anglais) peut apporter un support parfait pour une activit donne. Mais le puzzle complexe quils forment est un poids mort pour la productivit et la performance globales de lentreprise. LERP propose lintgration de tous ces systmes disjoints, de toutes ces fonctionnalits, en un seul Plan des systmes hrits (legacy) dans une entreprise. progiciel. Voyons, sur quelques cas, ce que fait un ERP :Le reprsentant commercialImaginons une entreprise amricaine de construction dordinateurs quipe dun ERP. Un reprsentant commercial parisien de cette entreprise prpare un devis pour un client en utilisant lERP : il saisit quelques informations de base concernant la demande de son client dans son ordinateur portable connect au systme, et le systme gnre automatiquement un contrat de vente en franais, spcifiant la configuration du produit, le prix et la date de livraison, que le vendeur peut imprimer. Quand le client accepte le devis, le vendeur appuie sur entre. Le systme, aprs avoir vrifi le crdit du client, enregistre la commande ; il programme lenvoi, identifie le meilleur acheminement et ensuite, en remontant partir de la date de livraison, rserve les pices en stock, fait commander les pices manquantes aux fournisseurs et programme lassemblage dans une usine de lentreprise Taiwan. Les prvisions de vente et de production sont immdiatement mises jour et les listes de GPAO (matriels ncessaires, etc.) sont cres. La commission du vendeur est crdite du montant correspondant laffaire, en Euros, et sa note de frais est augmente des dpenses lies laffaire. Le cot de revient du produit et la rentabilit sont calculs, en dollars US ; le compte de rsultat, au niveau division et au niveau groupe, le compte client et le compte fournisseur, le centre de cots sont automatiquement mis jour. Le systme excute presque toutes les transactions dinformation dcoulant de la vente.

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CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET A CERNERLa plate-forme logistiqueImaginons une plate-forme logistique dune entreprise. Les chargs daffaires lui commandent les matriels dont ils ont besoin pour leurs chantiers et les matriels sont conditionns dans la plate-forme et expdis vers leur destination. Un charg daffaire commande des pices pour un chantier habituel. Il retrouve rapidement ladresse du lieu de livraison et les coordonnes du destinataire. Il saisit dans le systme les pices dont il a besoin et la date laquelle il souhaite que la livraison soit effectue. Le systme lui confirme, en fonction du temps de prparation et de transport, si la livraison est possible la date souhaite. A la plate-forme logistique, le gestionnaire voit apparatre sur son cran la commande du charg daffaires. Il vrifie si le niveau de stock prvu la date de lexpdition, en tenant compte des livraisons et des expditions venir, est suffisant. Si ce nest pas le cas, le systme lui propose une commande de pices, tenant compte du dlai du fournisseur, quil peut valider. Cette commande apparatra sur lcran du responsable des achats qui pourra la grouper avec dautres commandes et la transmettre au fournisseur. La veille du jour o les pices doivent tre expdies, la commande apparat sur lcran du contrematre des expditions. Le systme regroupe les commandes en fonction de tournes de livraison pr-dfinies. Il calcule le volume livrer pour chacune des tournes, ce qui permet de prvoir le nombre de camions ncessaires. Le contrematre peut rpartir la prparation des commandes entre les diffrents magasiniers. Le jour de lexpdition, des listes servir apparaissent sur lcran des magasiniers. Ils prparent les commandes, les placent sur le quai de dpart de la tourne indique par le systme, puis valident lexpdition de la commande. Les stocks sont automatiquement mis jour, leur nouvelle valeur est immdiatement consultable par les services de comptabilit et le cot des pices est directement imput laffaire concerne.

vers une dfinition acadmiqueNous sommes maintenant prts pour esquisser une dfinition de ce quest un ERP. ERP signifie Enterprise Ressource Planning. Le terme franais est PGI pour Progiciel de Gestion Intgr. Un ERP est donc : Un progiciel : application dveloppe par un diteur, suffisamment gnrale pour rpondre aux besoins de plusieurs clients. Il ne sagit donc pas dun logiciel spcifique maison dvelopp par une entreprise. Il comprend en fait une base standard et une partie personnalisable travers un paramtrage. Une application de gestion, conue en premier lieu pour automatiser les transactions administratives de lentreprise : comptabilit, gestion des stocks, suivi des commandes et du programme de production, Un ERP permet de saisir les transactions et propage linformation recueillie vers les niveaux pertinents. Toutefois, il ne contient pas de programme doptimisation ou de dcision automatique. Un produit intgr, cest dire quil prend en compte lensemble des fonctionsprocessus de lentreprise de manire intgre et automatise. Il est architectur de sorte assurer une gestion unique, cohrente et scurise des donnes en temps rel : il garantit tout instant une intgrit et une cohrence parfaite des donnes pour tous les utilisateurs. Cette technologie met donc fin aux problmes dinterfaage, de synchronisation et de doubles saisies.

Il sagit donc dune application informatique forme de modules fonctionnels standards, relis directement une base de donnes unique et couvrant lensemble des processus de lentreprise. Un ERP constitue par ailleurs le plus souvent une solution de dimension internationale capable de grer des contextes multi-lgislations, multi-langues, multi-devises ; il permet ainsi la remonte des informations manant des filiales dun - 16 -

TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP groupe dans diffrents pays. Cette caractristique peut sembler anodine, mais elle est fondamentale lheure de la mondialisation car lenvironnement linguistique et lgal sont des leviers structurants pour une entreprise. LERP apporte les avantages dun progiciel dont le dveloppement est assur par des diteurs spcialiss et amorti sur un grand nombre dentreprises des sicleshommes peuvent tre consacrs leur conception, ce que ne pourrait pas se permettre une entreprise individuelle rapide mettre en uvre par rapport des solutions maison, fiable, volutif et incluant en standard les best Historique practices . Ces best Dans les annes 60 et 70, les premiers logiciels font leur apparition practices se veulent tre dans les entreprises. Il sagit essentiellement dapplications de 1 comptabilit et galement de MRP , pour la gestion des les meilleures pratiques approvisionnements. Ces logiciels spcifiques ne sont pas portables , oprationnelles observes cest dire quils dpendent du type dordinateur et du systme par mtier dans les dexploitation. entreprises. Dans les annes 80 se dveloppent des progiciels quon Pour tenir compte des personnalise, intgrants la finance, la comptabilit, la paie et la gestion sectorielles, de production assiste par ordinateur. La tendance personnaliser et spcificits diteurs proposent modifier compltement le progiciel de base pour lentreprise conduit le les produit tre obsolte au bout de 5 10 ans. Dans ces annes souvent, ct du produit apparaissent galement les premiers MRP II2, intgrant la gestion de gnral, des produits production et la gestion des approvisionnements. verticaux adapts un La petite histoire raconte qu la fin des annes 80, trois employs dIBM pressentent un march important pour les progiciels intgrs, et secteur dactivit comme construction fondent SAP. Peu aprs, SAP R/2 devient la premire rfrence en la 3 matire dERP , encore fonde sur une structure informatique centralise automobile, la distribution et une technologie mainframe. ou la chimie.En 1993, SAP R/3 ralise lintgration totale de toutes les composantes dune entreprise, de la finance la production, aux ventes et aux ressources humaines Sa structure informatique client/serveur en rseau et sa portabilit complte seront une grande raison de son succs. Les ERP sont maintenant prsents dans lindustrie et dans la grande distribution, essentiellement dans les trs grandes entreprises. Le march des plus petites entreprises, le domaine de la finance et le secteur public commencent tre touchs. La conception et le dveloppement des ERP ont t rendus possibles par les volutions technologiques : vitesse de calcul, technologies de rseaux, systmes de gestion de bases de donnes, stockage de donnes se sont considrablement dvelopps et amliors. De plus, le succs des ERP a t favoris par la perte de crdibilit des informaticiens dans les entreprises la fin des annes 80 et au dbut des annes 90.__________ 1- MRP : Material Requirement Planning 2- MRP II : Manufacturing Ressource Planning 3- ERP : Entreprise Ressource Planning

Les ERP traditionnels couvrent lensemble des processus de lentreprise, quils soient des processus oprationnels ou des processus de support. Par processus, on entend une suite dactivits ralises par lentreprise, qui permettent dobtenir un rsultat partir de donnes dentre. On pense par exemple au processus de gestion des commandes clients (de lenregistrement de la commande la livraison) ou des processus comptables (valorisation des stocks, calcul du prix de revient).

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CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET A CERNER Pour exemple, le menu de SAP/R3 (version 4.6) donne une ide de ce que fait le progiciel : Logistique Gestion des articles : achats, gestion desstocks, contrle des factures, inventaire, catalogue,

...

-

Administration des ventes :

-

- Maintenance - Service clients - ... Gestion comptable - Comptabilit financire - Gestion de trsorerie - Contrle de gestion - Gestion des investissements - ... Ressources humaines - Gestion des temps - Paie - Gestion de la formation - ...

support de vente, vente, expdition et transport, facturation, gestion des crdits, commerce extrieur / douane, ... Production : plan industriel et commercial, planification des besoins de distribution, planification de la distribution, calcul des besoins (MRP), pilotage de latelier, ...

Menu droulant de SAP R/3, version 4.6 de dmonstration.

1.3 Dautres dfinitionsMais la tentative de dfinition du paragraphe prcdent nest pas universelle. Chez les acteurs du monde des ERP, nous en trouvons de multiples dclinaisons, plus ou moins semblables.

Des dfinitions trs prcisesLe cabinet Pierre Audouin Conseil (cf. [44]), par exemple, dfinit un ERP comme un ensemble de modules fonctionnels standards relis directement une base de donnes unique, couvrant au minimum 3 des grandes fonctions8 de lentreprise et intgrs au sein dun systme dinformation unique. Le CXP9 (cf. [14]), quant lui, affirme que pour tre considr comme un PGI, un progiciel de gestion doit : - provenir dun concepteur unique ; - garantir lutilisateur lunicit de linformation, au moyen dune base de donnes desservant lensemble des modules ; - assurer la traabilit des oprations de gestion pour en permettre laudit,8

Les fonctions de lentreprise : comptabilit/finance, gestion commerciale, production, ressources humaines 9 Le CXP se dfinit comme un groupement indpendant dont la vocation est dapporter un service complet dassistance lvaluation et la slection des progiciels . Cr en 1973, le CXP fut linventeur en 1978du nologisme progiciel .

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP couvrir soit une fonction complte de gestion (gestion comptable et financire, gestion des ressources humaines, etc.), soit la totalit du systme dinformation.

Un des cabinets que nous avons rencontrs rserve lappellation ERP aux seuls systmes entirement conus sur une base de donnes unique, sans modules rajouts ensuite et relis par des interfaces internes.

mais trop restrictives,En fait, le lecteur avis aura not que le haut degr dexigence de ces dfinitions exclut presque tous les progiciels de gestion, y compris un grand nombre de ceux qui se considrent eux-mmes comme des ERP. Par exemple, seul le progiciel de SAP, SAP R/3, est rellement conu ds le dpart sur une base de donnes unique. Les autres produits sont plutt modulaires et utilisent des interfaces internes pour assurer lintgration fonctionnelle. Par ailleurs, la plupart des grands progiciels du march intgre des produits dvelopps par des concepteurs divers, lditeur ayant ralis des interfaces pour pouvoir inclure ces nouveaux modules dans son progiciel intgr. Notons dailleurs que, pour lutilisateur final, ces considrations sont transparentes. Les dfinitions formelles proposes ne sont donc ni satisfaisantes, ni trs utile en pratique pour dlimiter le cadre de notre tude.

sans compter lentreprise tendueUne autre pomme de discorde dans le monde des ERP est la question de leur primtre. En effet, pour rpondre la demande des entreprises et soutenir la cration doffre par les consultants, les ERP dveloppent maintenant leurs fonctionnalits pour grer lentreprise tendue . Les diteurs conoivent de nouveaux modules ou des prolongements de leurs produits qui permettent lentreprise de grer ses relations avec ses partenaires clients ou fournisseurs travers les diffrents moyens de communication que les nouvelles technologies mettent sa disposition. Ainsi, on propose maintenant : de traiter intelligemment les donnes stockes pour les analyser avec des modules de data mining et de reporting ; de grer la relation client avec les modules CRM10 ; doptimiser la chane logistique avec les fonctions de SCM11 ; douvrir lentreprise sur lextrieur travers Internet : B-to-B12, e-procurement, etc. ; dintgrer la conception des produits et la gestion des donnes techniques dans le systme dinformation.

10

CRM: Customer Relationship Management, gestion de la relation client. Ces solutions doivent permettre aux entreprises danalyser les besoins, proccupations et habitudes de ses clients et prospects pour amliorer ses politiques commerciale, marketing et de service aprs vente. 11 SCM: Supply Chain Management, gestion de la chane logistique. Ces modules doivent permettre doptimiser les flux (flux dinformation, flux matire et flux financiers) impliqus dans le processus de fabrication, de stockage, de transport, de distribution et de livraison dun produit un client final. 12 B-to-B ou B2B : business to business , changes commerciaux dentreprise entreprise.

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CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET A CERNER

Ces nouveaux modules, qui prsentent des similitudes plus ou moins fortes avec les fonctions dorigine des ERP, doivent-ils tre considrs comme faisant partie de lERP ? Nos interlocuteurs ont des avis divergents. Cependant, nous intressant avant tout limpact des ERP sur les organisations, nous navons pas jug ncessaire de prendre parti dans ce dbat.

1.4 Comment se reprsenter un ERP ?Les dveloppements du prsent chapitre ont sans doute convaincu le lecteur de la difficult se reprsenter ce quest un systme ERP. Il ne sagit pas dun difice de verre et de bton, ni daucune construction matrielle. Nous verrons (cf chapitre 6, 6.1) quune partie de la difficult rside dans le fait que lERP est autre chose quun simple outil. Mais en soi, le systme informatique ERP na rien de visible ou de tangible. Il est difficile de se reprsenter ce quest un ERP parce quon ne peut ni le visualiser, ni lapprhender avec un de nos cinq sens.La parabole de llphant13 Il tait une fois, en Hindoustan, six aveugles fort curieux qui dcidrent de voir llphant. Le premier sapproche de lanimal, il heurte son large flanc. Aussitt de sexclamer : Mon Dieu, que cet lphant est dur ! Sr, ce doit tre un mur. Le deuxime palpe une dfense, la trouve ronde et lisse et pointue : Pour moi, cest lvidence, cet lphant est une lance ! Le troisime se trompe sur la trompe : Cet lphant tient vraiment du serpent ! Le quatrime tte le genou : Je dis que cest un arbre de chez nous. Le cinquime, qui caresse loreille, conclut un ventail tandis que le sixime, gure plus malin, sagrippe la queue comme au bout dun filin. Et voil nos six aveugles qui se disputent haut et fort, chacun ayant un peu raison, et tous globalement tort.

Nous sommes tous des aveugles lorsque nous regardons llphant-ERP. Dun pont ou dun btiment, on peut faire une maquette, un dessin, des photos. Le systme informatique ERP, au contraire, sapparente une construction purement intellectuelle. Il ne peut tre matrialis que sous forme de plans, de graphiques fonctionnels, de logigrammes ou autres schmas qui reprsenteront, selon le cas, larchitecture technique, lorganisation fonctionnelle ou la modlisation des processus inclus dans lERP. Or, mme lorsque le primtre fonctionnel est restreint, le systme atteint un tel degr de complexit que ces reprsentations ne sont en rien une description claire et vocatrice du systme. On nous a demand plusieurs reprises de montrer ce quest un ERP : nous en sommes incapables. Les seules reprsentations possibles seraient formes de centaines de schmas similaires ceux que nous reproduisons ci-aprs, tous interconnects les uns avec les autres en un gigantesque graphique, une vritable usine gaz .

Cit dans La stratgie et llphant , H. Mintzberg et al., in LExpansion Management Review, mars 1998.

13

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP

P230

INVENTAIRES PAR ARTICLE OU EMPLACEMENT DANS WM - 1er COMPTAGESA P M anuel Autr e systme

Flux SAP CommandePAG E 1

Flux externesC e d client

Edition

A voirs (s refac ra on) ans tu ti!! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! !! !! !! ! ! ! ! ! ! !! !! !! ! no ! n !! !! !! !! !! !!!! !! !!

A /R voirs efacturation s

Appel cont ratEditions

Offre accept e

Cr ation du documen d t 'inventaire Ta r nsaction L 16 X Saisie : -n de maga sin -type d mag e asin Traiter - dlimitation libre ant asin - Reprendre Sl ctionner =>qu mag e par ar ticle ou par emplacement - Repre ndre Sais ir code a tcle - Sauveg ri arder - Excut r e Affic ha emplace ge ments Sle ctio nnerempla ceme inve nts ntorierSauvegarder =>documentinventair e cre (n on activ) Activer d o cument Transa n LI02 ctio Blocage d emplacements es

Fa ure ct c e ord? r t 1 ()

no n

Avant d e dbuter la procd re u d'inventai e vrifier l'tatd es en r cours.

Cli nt e existe

Non

Procdu re cration C lient

ou i

RDG1

E r d pri / re is ? rreu e x m e(cl e t sou a e u a irp t e i n h it n vo ari l) (1)

n on

Oui

o ui Actu i sat o / R s o n al i n vi i n at ves ? g i (1 ) n on

Article existeListe d 'inventaire : -e mplaceme nt -n d quan e t -d ivision -magasin -n d 'article -d sign n atio -q uantit ( sa ) isir

Non

Procdur e cra tion Article F iche info Ar ticle / Client

RDG2

o ui RF o P u Rab s v o m ? ai lu e 1 () o ui

Oui Dterm n ation i type de vente

m r I p imer l iste d'invent air e Tran sact o n L i I04

RDG3

Ereu d pri ? r r e x(cl e t s o h it re ct ra o n i n u a e f u ti ) a (1) ou i

n on

n on Erre TVA? ur (1) o ui Err u d a ss e ; e r ' dre p rsen ti n no con m e ta o n for ...

Saisie rsu ltatd'inventai e r Tran sact o n L i I11 S aisie : -magasin -d ment d ocu 'inventaire -q uantit co mpte V alider (d ocumen en t ype 2 - -compt ) t

Inventai e p hysique des r articles Termin embarqu sur al l'e ngin de ma nutenton i ou pist let radio e cture code o l b arre

D term n ation i domain e comm ercial e n rf rence u n Doc.Vente Saisie comm ande sans r fren ce un Doc. Vent e

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A i on:AD AC IVIT ct V T ECr e u De a e de n e d c r d r ne m nd ot e it (t p CR) ( ), ave c o M tif ; y e 3 c de o u d a e de no d d t (DR)(3 ; ne em nd te e bi ) e s te e e s p l di r t l rsen r a v s a te u i Di ecti n r o

Saisie clientA i on:AD AC VIT ct V TI ECr e u De a e de n d c r t r ne m nd ote e di

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le st o est correct? ck

Contr le crdit

Procdu re gestion F I

(t p s C ou RK (3 a cod M o f ; y e R ) ), vec e ti 'l t e et la sou et re au visa Dire n di r m t ctio

A i on:AD AC IVIT ct V T ED r e i o d visa D c t o t r e s s c pt n u ire i n, e l co s bl cag ' 0 e '0 9 de o e 8' t '

A i on:AD AC VIT ct V TI EO ui Termin embarqu sur al l'e ngin de ma nutenton i ou pist let radio e cture code o l b arre

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Saisie article e t qt

D r e i o d v s a Di ecti n r s c pt n u i r o , te e c o b c a '0 8 l de lo ge '

A i on:PR GBAT H ct O. CCr a n au m a q u s m u a n d la tio to ti e i lt e e n e d crd (= avoi ) e d la n d ot e it r t e ote e d it (= ref ctu i o b a rat n)

Rectif i r cart dans W M e Transacti o : L 2 0 n I Dblo ca des emp ge lacements

RD G7 dt ermine valeur stat stiq ue doua ne i OK prix Non M odif prix poste

RDG17 R DG4

DEB Aut res Docs douanes

A i on:PR GBATC ct O. HCr a n au m a q u d la n d tio to ti e e ote e cr t (= a o di v ir)

A i on:ED IQ E ct IT UDi fu : f ser - o in cli n rig al e t - d bl ADV ou e - d bl Fa t ra n ou e c u tio

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FIN D E L IN VENTAIR E

Cont rle disponible

R DG13 R DG14

A i on:FAC R IO ct TU AT NA h r le d bl de l'a vo ( t/ u fa t re rc ive ou e ir e o c u )

SU ITE PAG E 2 Invent1. sd le 1 v 2/01/99Ecart est-il inf rieur a % u dfin i

Div ision livra so n i

R DG5 RDG8

Mod e de paiemen t

R glement CB

Verse ment a comm ande l

si gestion v li a d

Oui Liste d carts dan WM es s Transactio LX22 n Saisie : n d'i nve ntaire

OK part enaireListe d es car ts

Non

Modif parte naire

Non

R ecti i er cart dans WM f Transact io L 20 n I Dblo cage des empla ce ments Ecarts e type de ma n gasin 999

Te mina emb r l arqu sur 'l en de manu gin tention ou pistole radio le t cture code barre

Donnes b aileu r l

Textes

Rectifier cart dans M M Transactio n LI 1 2 Ecarts e type de ma n gasin 999 Valid er Slectio nnerdocument R ectifieren arrire plan l' cran

Enre gistreme nt cde client

T raitem ent protoco e lFIN D E L N VENT AI E I R

RDG6

De gauche droite : sousprocessus inventaire simple , sous-processus saisie dune commande et sous-processus avoir sans refacturation dans une entreprise sous SAP.

XProcessu de "re s compt ge" a

Tableau mural reprsentant le processus de suivi dune commande dans une entreprise sous BaaN. Tous les documents de lERP utiliss dans le processus ont t dits et runis dans un grand schma fonctionnel.

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CHAPITRE 1 - LERP : UN OBJET A CERNER

Rsum du chapitre

Le sigle ERP signifie Enterprise Ressource Planning, ou Progiciel de Gestion Intgr en franais. Une dfinition acadmique pourrait en tre : progiciel de gestion des transactions administratives prenant en compte lensemble des fonctions-processus de lentreprise de manire intgre et automatise. Toutefois, en pratique, chaque interlocuteur a sa propre dfinition de ce quest un ERP, ce qui est rvlateur de la difficult se reprsenter clairement cet objet totalement abstrait.

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP

Chapitre 2 - Les projets ERP : une folle quipe

Lorsquune entreprise choisit dacqurir et dutiliser un ERP, elle doit dabord commencer par le mettre en place. Nous verrons que ce projet dinstallation nest pas un projet comme les autres, et quil reprsente pour lentreprise une aventure risque et seme dembches. Les tmoignages des diffrents acteurs que nous avons rencontrs rendent compte de ces obstacles et de la faon dont il est possible, ou non, de les contourner. A travers ces tmoignages, qui dpendent beaucoup du point de vue de leurs auteurs, nous prsenterons les difficults dun tel projet en suivant les tapes de son droulement habituel : en partant du choix dun ERP jusqu la prise en main du systme dinformation par les utilisateurs.

2.1 Un projet pas comme les autresUn pont entre deux rivesImaginons un plateau peupl de tribus nomades qui commercent entre elles. Ce plateau est coup par un prcipice. On dcide de construire un pont pour faciliter les changes. Mais le prcipice est en permanence recouvert dun pais brouillard. Les matres duvre ont donc plac sur chaque bord du prcipice un ouvrier qui crie intervalles rguliers pour que ceux qui construisent le pont, plongs dans le brouillard, sachent dans quelle direction progresser. Les chefs dquipe expriments savent se guider au bruit et valuer la distance qui spare les deux bords du prcipice. On choisit de construire un pont suspendu en acier, bien que les constructeurs naient pas lhabitude de cette nouvelle technologie. Chaque tribu a des contraintes sur la forme de ce pont : certaines roulent droite, dautres gauche et les signalisations doivent apparatre dans diffrentes langues. En plus, lemplacement des extrmits du pont est sans arrt remis en cause en raison du dplacement des tribus. Et le prcipice savre tre une faille qui bouge parfois. Dailleurs, ce nest mme pas un simple pont quon veut construire, mais un vritable changeur qui permettra aux flux commerciaux entre les tribus dutiliser des chemins optimaux Lorsque le pont est finalement construit, on remarque que les membres des tribus, qui nont jamais vu de pont suspendu et qui comprennent difficilement les mandres de lchangeur, hsitent saventurer dessus. On se rend compte galement que les moyens de transport voluent vite : ils deviennent plus lourds et plus larges. En plus, les tribus se sentent contraintes par lemplacement du pont, mais ne veulent cependant pas se sdentariser. En fait, le pont va devoir tre modifi priodiquement pour prendre en compte toutes les volutions.

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CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE Qui serait assez fou pour se lancer dans une telle entreprise ? Cest pourtant cela que ressemble un projet ERP ; et cest mme encore beaucoup plus compliqu.

Un projet ERPLimage du pont a naturellement ses limites, mais elle illustre assez bien quelques unes des particularits des projets ERP : la technologie en jeu volue rapidement, les spcialistes expriments sont rares et vite dpasss ; on ne dispose pas de mthodes de conduite du projet prouves une chelle industrielle ; il est difficile de mesurer lavancement du projet et de se rendre compte de la forme que prend le systme ; les utilisateurs ne savent ni ne peuvent exprimer un besoin unique et constant ; lentreprise volue pendant le projet qui stale sur des mois, voire des annes ; le projet fait appel des comptences diverses et de nombreux acteurs. De plus, le projet nest jamais vraiment termin. Le systme doit venir en support dactivits qui voluent avec lenvironnement de lentreprise. La technologie disponible volue et les diteurs prsentent souvent de nouvelles versions des applications. Enfin, ce sont des projets risqus pour ceux qui les entreprennent. Les difficults ou lchec du projet se ressentent tous les niveaux de lentreprise et sont trs mal compris par les directions. Les ttes peuvent tomber jusquau plus haut niveau de lentreprise. Nous avons rencontr plusieurs personnes qui se sont trouves dans ce cas, ou ont remplac ceux qui avaient lanc le projet et qui avaient d dmissionner cause de lui. Ce sont ces projets atypiques que nous allons nous intresser travers les tmoignages de nos interlocuteurs.

2.2 Les acteurs en prsenceMettre en place un ERP est une aventure complexe qui fait appel des comptences trs varies : une bonne connaissance de lentreprise, ncessaire pour adapter le systme informatique lorganisation du client ; une connaissance du progiciel mettre en place, indispensable, dune part, pour savoir ce quil peut faire, et, dautre part, pour pouvoir le paramtrer. Les progiciels intgrs tant trs complets, une mme personne ne peut pas connatre toutes les possibilits du progiciel dans ses dtails. Certains ont une vision densemble des fonctionnalits offertes, dautres sont spcialistes dun ou deux modules fonctionnels ; des comptences de gestion de projet car la mise en place dun ERP est un projet complexe qui ncessite, pour aboutir, la mise en uvre dun pilotage et dune organisation ad hoc.

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP Il nest pas possible de trouver toutes ces comptences au sein de lentreprise cliente. Elle doit donc faire appel diffrents acteurs spcialiss : le constructeur des matriels ncessaires : PC, serveurs, rseau ; lditeur du progiciel : il fournit le progiciel lui-mme et assure la correction des bugs et anomalies ; il peut aussi apporter au client un support ponctuel sur son produit ; lintgrateur : cest un cabinet de conseil disposant des consultants et informaticiens mme de raliser le paramtrage et linstallation du progiciel ; ventuellement, une SSII peut intervenir pour la ralisation de programmes spcifiques supplmentaires ; un cabinet dassistance la matrise douvrage peut aussi aider le client piloter le projet, valuer le budget et les moyens ncessaires, et coordonner laction de lintgrateur-matre duvre. En ce qui concerne les diteurs dERP, les plus importants sont SAP, Oracle, PeopleSoft, BaaN, JDEdwards SAP, leader mondial sur le march des ERP, possde en France 36 % du march, ce qui est suprieur la somme des parts de march de ses principaux concurrents !

March franais des diteurs d'ERP en 2000

32%

36%

SAP Oracle PeopleSoft Intentia JDEdwards

2% 5% 7% 9% 9%

Baan Autres

Les diteurs ont choisi trs tt de ne pas effectuer eux-mmes linstallation de leurs produits, mais de se consacrer essentiellement leur conception et leur ralisation. Ils ont souvent pass des partenariats avec des cabinets de conseil qui sont devenus des intgrateurs de leur produit. Cette stratgie permet de fait une vritable dmultiplication des possibilits de mise en uvre. Cette dmultiplication a sans doute t un facteur important de la russite des ERP : sans cela, il naurait pas t possible de trouver les ressources ncessaires pour tous les projets lancs depuis le milieu des annes 1990.(source: Pierre Audoin Conseil, octobre 2001)

2.3 ChoisirLentreprise souhaitant installer un ERP doit donc non seulement choisir lditeur de lapplication, mais aussi lintgrateur, le fournisseur du matriel et se faire assister ventuellement dun cabinet de matrise douvrage. Le choix de lditeur et de lintgrateur est souvent conjoint : les diteurs ont des partenariats privilgis avec certains intgrateurs, et les intgrateurs font leurs propositions avec un diteur prcis. A lexception des marchs du secteur public14, le choix du produit ne se fait pas en gnral sur un cahier des charges labor. Le processus14

Les entreprises du secteur public sont contraintes par le code des marchs publics soumettre un cahier des charges. Celui-ci est souvent volumineux mais, daprs nos interlocuteurs, lapparence de rationalit du dpouillement des appels doffre cache en fait le recours aux mmes critres de choix que pour les entreprises prives en gnral, que nous dtaillons ensuite.

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CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE est plutt le suivant : lentreprise lance un appel doffre sur une description rapide de son besoin. Les intgrateurs font des rponses bases sur le produit dun diteur donn. Lentreprise fait un tri rapide qui lui permet dobtenir une short list de deux ou trois propositions adaptes. Une short list sera par exemple forme des couples SAP + Cap Gemini, Oracle + Accenture et JDEdwards + Unilog. Un rapide benchmark permet ensuite lentreprise de choisir lun de ces couples. Le fait de ne pas prsenter un cahier des charges labor est normal et souhaitable selon les intgrateurs. Lorganisation et le systme cibles du projet vont en effet dpendre du produit choisi. Linverse reviendrait construire un systme sur-mesure, ce qui est contradictoire avec le choix de mettre en place un ERP. Quant la dfinition du besoin, elle fait prcisment lobjet du projet lui mme et il est illusoire de la constituer en avantprojet dans un temps limit. Daprs nos interlocuteurs, une vritable tude de choix entre les options de la short list nest jamais faite. On se contente de vrifier si les progiciels proposs permettent de couvrir grossirement le besoin de lentreprise. Les diteurs appellent cela le scope ou le gap analysis . A part cette couverture du besoin, les raisons du choix voques par nos interlocuteurs dans les entreprises sont les suivantes : la rfrence du secteur : on sait par exemple que lautomobile ou la chimie utilisent SAP, les entreprises du secteur public et des services, Oracle ou PeopleSoft, etc. ; la prennit de lditeur et de lintgrateur ; lutilisation antrieure dune partie dun ERP pour dautres fonctions dans lentreprise, qui amne privilgier le mme diteur (pour la simplicit) ou au contraire le rejeter (pour lindpendance), selon les cas ; lintime conviction du chef dentreprise ou du directeur informatique ; le souhait de lun ou de lautre de ne pas recourir un diteur particulier ; les avis recueillis auprs dautres chefs dentreprise, en marge donreux sminaires de prsentation des ERP (sans tenir compte de ce qui a t dit dans le cadre de ces derniers) ; la qualit du contact avec lquipe commerciale ; le fait que lintgrateur ne remette pas en cause le planning prsent par lentreprise ; la rputation de lintgrateur ; la couleur de la cravate du commercial de lditeur (sic).

Le choix dun diteur et dun intgrateur se font donc sur des critres de rationalit limite , au sens de Cyert et March (cf. [8]).

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP

2.4 Prparer le projetEn rgle gnrale, la phase de prparation dure environ trois mois, mais beaucoup dentreprises regrettent de ne pas y avoir consacr plutt six mois. Il convient de dterminer le primtre, les structures du projet, les instances en charge de son suivi (au niveau des cots, des dlais et de la qualit) et les quipes de travail. Il faut fixer les rgles du jeu , dterminer un schma directeur dintgration, vritable plan durbanisme du futur systme, et choisir les caractristiques techniques des matriels installer. Il faut enfin valuer le budget et passer des contrats avec les diffrents prestataires.

Les contratsUn avocat que nous avons rencontr souligne linconscience des ingnieurs gnralement en charge des projets ERP, qui ngligent laspect contractuel de laventure. Selon lui, la russite du projet rside aussi dans la qualit du contrat qui lie les parties : le contrat doit prvenir les drapages, prparer des remdes pour le cas o ils surviendraient et des rparations sils ont caus des retards ou un chec. Un bon contrat doit tre conu en deux parties pour prendre en compte, dune part, ltude pralable, lalignement sur le standard, la dtermination du spcifique, lintgration et le paramtrage selon un forfait clair au niveau du prix et des dlais, et, dautre part, les dveloppements spcifiques soit par petits forfaits, soit aux frais rels. Il faut, toujours selon les avocats, dfinir clairement un matre douvrage et un matre duvre. Lentreprise ne doit pas prendre le rle du matre duvre parce quelle nen a pas les comptences, mais elle ne doit pas abandonner la responsabilit du matre douvrage si elle veut garder la matrise du projet. Les intgrateurs sont trs rticents signer des contrats au forfait, en raison du dcalage habituel entre lventuel cahier des charges initial et le travail finalement effectu pour rpondre aux besoins exprims par le client au fur et mesure du projet. Ils prfrent des contrats qui fixent un objectif de cot et de dlais et qui instituent une responsabilit partage des acteurs pour atteindre cet objectif. Daprs les entreprises, ce type de contractualisation conduirait plus de drives des cots.

Les aspects techniquesQuelques uns de nos interlocuteurs, essentiellement les chefs de projets et les spcialistes universitaires ou juridiques, ont insist sur les aspects techniques en jeu dans les projets ERP. Ces considrations sont trop souvent sous estimes, nous ont-ils dit, alors quelles ont des consquences fondamentales sur la qualit du systme final, telle quelle est ressentie par les utilisateurs. Choisir les serveurs, les infrastructures de rseau, la configuration des PCs, les OS et les protocoles qui vont tre utiliss pour le systme dinformation ncessite beaucoup dexpertise. On observe en pratique que les configurations choisies sont souvent rduites dans un souci dconomie. Le cot des matriels peut en effet reprsenter plusieurs millions deuros, et jusqu des dizaines de millions deuros dans les grosses entreprises. Mais des serveurs, rseaux et PCs sous dimensionns conduisent des saturations du systme dinformation et des temps de rponse trop longs. Or, un utilisateur qui doit attendre plusieurs dizaines de secondes, voire plusieurs minutes, pour que le systme affiche les informations, considre systmatiquement que cest un dysfonctionnement

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CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE inacceptable du systme. Concevoir un bon systme dinformation, cest donc prvoir les matriels adapts au fonctionnement de lERP et aux flux de donnes prvus.

Le budgetNous avons remarqu quune tude chiffre des cots escompts tait rarement faite de manire approfondie. Le cadrage du budget est en gnral approximatif, sauf dans le cas o lentreprise fait appel un cabinet dassistance la matrise douvrage. Nos interlocuteurs nous ont affirm que lexprience de ces cabinets leur permet aujourdhui dvaluer le budget dun projet 10 % prs (ce qui est largement infrieur aux drives de 100 300 % observes dans bien des cas !). En effet, sous la pression commerciale, les devis proposs par les intgrateurs aux entreprises sont souvent trs sous-estims et oublient de prendre en compte nombre de cots imputer au projet. Ainsi, daprs un cabinet dassistance la matrise douvrage, si les cots des licences sont connus lavance, les cots des matriels et du conseil sont souvent multiplier par deux. Quant aux cots des interfaces provisoires ou dfinitives, en gnral lev, et de la ralisation des tats de synthse, qui peuvent reprsenter jusqu 30% du budget, ils sont tout simplement luds. Donnons, sur des exemples rels, quelques ordres de grandeur approximatifs de budgets :Taille de lentreprise 400 personnes 15000 personnes, 1,5 Md de CA 70000 personnes 17 Md de CA 15000 personnes, 500 M CA 1500 personnes, 250 M de CA 4000 personnes, 600 M de CA 40 personnes, 800 k de CA Budget prvisionnel 75 M (*) 40 M 2000 utilisateurs 35 M 8000 utilisateurs 15 M 15 M n.d. 100 k 20 utilisateurs Cot rel 85 M 60 M n.d. environ 60 M (projet non termin) n.d. 12 M n.d.

NB : les chiffres ci-dessus ne sont que des ordres de grandeur trs approximatifs. Ils ne concernent pas tous des entreprises que nous avons rencontres. Ils sont donns titre indicatif. Il na pas t toujours possible de dterminer sils incluaient les cots internes lentreprise (en gnral, ce nest pas le cas). Dans un cas (*), le budget concerne un projet de rorganisation plus large que la seule mise en place de lERP et inclut donc des cots qui ne sont pas directement lis au projet ERP.

La conception gnrale du systmeLes avis divergent. Pour certains, le projet serait beaucoup plus simple mener si on dfinissait au dpart, prcisment, le primtre fonctionnel couvrir et si la conception gnrale tait pousse assez loin dans le dtail ds le dbut du projet. Des rfrentiels et une structure de donnes bien prcis, concernant les donnes (clients, stocks, tarifs) et les processus (commercial, production, finance), permettent de mieux grer le projet par la suite. Faire les bons choix au dpart et ne pas revenir en arrire vite les drives des cots et des dlais. Ceux-l pestent contre la matrise douvrage qui ne sait pas ce quelle veut .

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP Mais comment dfinir de faon dtaille le systme cible ? Comment recueillir lavis des utilisateurs ? Cela suppose quon puisse les identifier, quils sachent exprimer leurs besoins et que ceux-ci soient cohrents entre eux. Si on obtient tout ceci, faut-il suivre cet avis des utilisateurs ? On dvoierait le concept de lERP puisquon reviendrait un systme sur mesure, et cela coterait cher car il faudrait crire de nombreux programmes complmentaires, les spcifiques . Faut-il alors imposer un objectif ? Les utilisateurs, souvent inquiets du changement de systme, risqueraient de le rejeter. Et qui aurait une vision globale suffisante la fois de lentreprise et de lERP pour dfinir un tel objectif ? Nous pensons que cette difficult est irrductible : un projet est certes dautant plus facile mener quil sait o il va. Mais, dans le cas de lERP, lobjectif est trop complexe, flou et conflictuel pour quil puisse tre dfini au dpart avec prcision. Il faut donc accepter cette incertitude et se poser plutt la question importante : comment mener bien un projet qui dfinit lui mme son objectif au fil de leau ?

Les quipesLes responsables de projets se sont plaints auprs de nous de deux difficults principales : - limplication insuffisante de la direction de lentreprise pourtant ncessaire pour que le projet avance de manire efficace ; - la difficult obtenir que des informaticiens expriments et les meilleurs lments oprationnels de lentreprise rejoignent lquipe projet. Les quipes sont assez nombreuses (typiquement 40 100 personnes au plus fort du projet) et composes de personnes internes lentreprise et de consultants externes.

2.5 Mettre en uvre la ralisation La ralisation de lERP consiste : identifier le fonctionnement souhait du systme (selon le besoin des utilisateurs et lorganisation cible du projet) ; paramtrer lERP en consquence ; concevoir les interfaces provisoires et dfinitives avec les autres applications ; dvelopper les programmes spcifiques pour prendre en compte des fonctionnalits que ne propose pas lERP ; prparer la reprise des donnes des anciens systmes.

Cette ralisation stale sur plusieurs mois, voire plusieurs annes. Pour des entreprises moyennes (2000 5000 personnes) et des projets de complexit modre, il est possible deffectuer la ralisation en 12 15 mois. Pour des entreprises plus grosses, le projet peut staler sur 4 5 ans (sachant quil est toujours difficile den dfinir la fin). Daprs nos interlocuteurs, la mise en uvre est une priode de conflit entre les parties. Nous lavons dit, le cahier des charges initial est souvent peu prcis. Daprs les quipes projets, la dfinition initiale du besoin et du primtre sont presque toujours modifis au cours du projet. De plus, la dure du projet tant souvent plus longue que les chelles de temps de lentreprise : cette dernire volue pendant le projet, ce qui amne aussi des modifications du systme cible. Tout cela entrane souvent des retards et des

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CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE dpassements de cots, sans quil soit toujours vident den imputer la responsabilit lune ou lautre des parties en prsence. Selon certains consultants, un partenariat dans le cadre dun vritable management par projet devrait pouvoir rsoudre les tensions entre matrise douvrage et matrise duvre. A linverse, dans une des entreprises que nous avons rencontres, le responsable de projet nous a dit avoir dlibrment organis la guerre entre les acteurs du projet pour faire prendre les dcisions essentielles sans compromis sur les cots, les dlais et la qualit : ainsi, les objectifs ont pu tre tenus. Daprs un avocat, les drapages sont inhrents aux projets ERP et il faut les accepter. Nous lavons dit ci-dessus : le cadrage initial consiste en une valuation grossire des cots et du planning et en la fixation dun objectif flou. La mise en uvre ne peut pas tre totalement conforme ces prvisions. Les chefs de projet ont insist galement sur limportance de la qualit des quipes du projet. Les meilleurs lments de lentreprise, disposant pour certains dun vritable pouvoir de dcision et ayant une vision globale de lorganisation de dpart ainsi quune ide claire de lorganisation cible, doivent tre librs pour participer au projet. De mme, la prsence de consultants expriments, ayant dj particip des projets dans dautres entreprises, est ncessaire. Enfin, les personnes charges du paramtrage de lERP doivent en connatre rellement les possibilits. De nombreux chefs de projets se sont plaints du manque dexprience des quipes de lintgrateur, lun dentre eux affirmant mme : les consultants dcouvraient les possibilits du progiciel en mme temps que nous. Leur valeur ajoute tait nulle . Nombre de nos interlocuteurs ont soulign le rle essentiel des dirigeants qui doivent apporter leur sponsorship . Mais on ne retrouve pas les mmes ides derrires les mots. La direction estime parfois que son rle est essentiellement de fixer les objectifs du projet, de montrer lexemple et de rappeler rgulirement limportance de la dmarche. Pour les responsables de projet, au contraire, cest notoirement insuffisant : la direction doit tre prsente, comprendre les difficults de la mise en place et dgager en priorit les ressources ncessaires au bon avancement du projet. On verra plus loin que ce malentendu tient en partie la ralit des attentes des dirigeants, et au fait quils considrent lERP comme un outil technique dont linstallation ne les concerne pas.

La gestion du dveloppement et le paramtragePour mener bien le dveloppement, des quipes mixtes sont normalement constitues. Des ateliers associent oprationnels de lentreprise ( utilisateurs cls et responsables fonctionnels) et consultants-informaticiens, pour que les seconds puissent traduire dans le systme le besoin exprim par les premiers. Le paramtrage nest pas une tache anodine. On peut avoir le choix entre plusieurs solutions pour raliser un mme besoin, mais ces solutions ne sont pas toutes quivalentes. Dans une entreprise, par exemple, on souhaitait suivre les cots de revient par ligne de produit. Une premire solution fut envisage, mais elle aurait oblig grer environ 350 000 ordres de fabrication par mois, calculer le cot de revient de chacun et agrger ensuite les rsultats. Cest heureusement une autre solution qui fut choisie : elle permettait dobtenir le mme rsultat en faisant le suivi de seulement 120 objets ! La difficult du paramtrage rside aussi dans la ncessit de modliser la structure de lentreprise dans la structure de lERP. Beaucoup dentreprises ont adopt, depuis les - 30 -

TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP annes 1990, une organisation matricielle : des activits regroupes en business units sont effectues partir de services transversaux. La structure de lERP, au contraire, est hirarchise. Il faut parfois avoir recours des artifices pour rendre compatible lune et lautre.Direction gnrale

Groupe Socit Domaine dactivit Division Entrept Filiale Domaine dactivit

Mandant Socit Domaine dactivit Division Magasin division Filiale Domaine dactivit Org. Commerciale Secteur dactivit

Fonction production

Fonction Fonction commercial finance

Produit A

Produit B

Produit C

Service

Secteur

Organisation globale de SAP

Organisation matricielle en entreprise

La mthode classique de dveloppement dun progiciel, base sur la rpartition des rles entre matrise douvrage et matrise duvre, suit un cycle en V .Matrise douvrage

Conception fonctionnelle gnrale Conception fonctionnelle dtaille Conception technique

Tests dintgration

Tests unitaires

Matrise duvre

Ralisation

Cycle de dveloppement en V. Pour un projet ERP, dont la complexit dpasse souvent ce qui peut tre humainement matris, le cycle en V prsente un gros danger : ce nest qu la fin du paramtrage, au moment des tests, que lon peut vrifier la validit du modle. Or, dans le cas de lERP, certaines inadquations mineures dtectes lors des tests peuvent

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CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE remettre en cause toute la structure du paramtrage. On a alors le choix entre deux maux : reprendre le projet presque zro, ou accepter un rsultat dfectueux. Pour viter cet effet tunnel provoqu par le cycle en V, certains chefs de projets conseillent de procder plutt de manire incrmentale, en ralisant des maquettes successives qui sont chaque fois testes par les utilisateurs. Les erreurs de conception sont dtectes beaucoup plus tt, les utilisateurs sont plus impliqus dans le projet et cette mthode empirique permet de contourner en partie lirrductible complexit du projet.

Les spcifiquesDe lavis de tous, la plus grande contrainte rside dans la ncessit de coller le plus possible au standard de lERP. Les ERP sont paramtrables mais jusqu un certain point seulement. Lentreprise est parfois tente dajouter au progiciel des fonctions maison afin de satisfaire des besoins propres : on parle de dveloppements spcifiques. Par exemple, dans un projet qui concernait des fonctions logistiques, une entreprise a choisi de dvelopper un spcifique permettant le suivi et la gestion des emballages lous, une fonctionnalit qui ntait pas propose par son ERP. Dans un autre projet, qui concernait la gestion de production de matriel roulant, lentreprise a dvelopp un spcifique pour grer des articles fantmes . Il sagissait de pouvoir produire des sousensembles du produit fini sans quil soit ncessaire de lancer des ordres de fabrication pour chacun deux dans lERP, ni de suivre ces sous-ensembles dans des stocks valoriss. L encore, lERP ne permettait pas ce suivi simplifi. Mais tous nos interlocuteurs affirment que lexprience met en garde contre le cauchemar du spcifique . En dveloppant des spcifiques, lentreprise sengage dans une aventure risque. Ces programmes doivent tre entirement dvelopps par des informaticiens qui connaissent lERP, ce qui est long et coteux. De plus, ces spcifiques viennent sadjoindre lERP mais leurs impacts sur les autres modules ne sont matriss ni au dmarrage ni lors des montes de version ultrieures : lditeur ne garantit pas, bien sr, que les spcifiques fonctionneront harmonieusement avec le progiciel. Les ERP sont donc trs structurants pour les entreprises, nous a-t-on rpt lenvi. Choisir un ERP, cest choisir un modle dentreprise et renoncer au sur mesure cher beaucoup dentreprises et, nous a-t-on dit, la culture franaise. Ces systmes ne sont pas adapts la doctrine dominante des annes 80 selon laquelle cest loutil qui doit sadapter lhomme, et non lhomme loutil . Lentreprise est au contraire amene modifier ses faons de travailler pour que ses procdures soient conformes aux processus prvus par lERP.

La reprise des donnes Notre plus grosse erreur a t de ngliger la reprise des donnes , le systme ne marchait pas bien parce que nous navions pas fait correctement la reprise des donnes : plusieurs industriels ont insist sur limportance de la reprise des donnes des systmes antrieurs. Cette tape est souvent sous estime mais elle est essentielle un bon dmarrage.

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP Les donnes qui vont tre utilises par le systme doivent tre correctes, cohrentes et compltes, sinon linformation produite par le systme sera ncessairement de mauvaise qualit. Or, les donnes de dpart du nouveau systme sont normalement issues des donnes hrites des systmes prcdents, quil faut donc convertir. Cette tape est coteuse car il faut filtrer les donnes issues des anciens systmes pour bannir incohrences, doublons et erreurs ; il faut galement dvelopper des moteurs de reprise de donnes et des interfaces provisoires entre anciens et nouveau systme. La tentation est grande, lorsque le temps presse et que le budget spuise, de ne pas perdre trop de temps sur cet aspect. Les consultants et chefs de projets qui y ont cd nous ont tous dit lavoir pay par la suite. Ils regrettaient de navoir pas retard le dmarrage du nouveau systme et allong la facture pour prparer soigneusement la reprise des donnes. Lidal aurait t de sen proccuper ds le dbut du projet plutt que quelques semaines peine avant le dmarrage. La ralisation est donc une priode de conflit. Elle ncessite de faire travailler ensemble des comptences trs varies. La gestion du projet est en elle-mme un dfi pour les responsables de lentreprise et de lquipe projet.

2.6 Conduire le changementMettre en place un ERP en respectant le standard, sans dvelopper de spcifiques, permet de bnficier des best practices15 prvues par le systme mais cela force lentreprise changer sa manire de travailler. Il faut par exemple vrifier le crdit du client avant de saisir une commande, prciser la dure de la garantie au moment de lenregistrement de la vente ou approvisionner certains matriels en flux tendu. Et mme lorsque lentreprise choisit de personnaliser le systme avec des spcifiques, les utilisateurs ont finalement affaire une application quils ne connaissent pas. Daprs tous les consultants et les chefs de projet, il est donc absolument ncessaire de mettre en place une bonne conduite du changement . Cette expression, que nous avons entendue sur toutes les bouches, dsigne selon les consultants et les chefs de projet LA solution qui permettrait une bonne mise en place dun ERP. Daprs eux, lessentiel des difficults vient du caractre structurant de lERP et de la rvolution fonctionnelle quil reprsente pour les utilisateurs de base. Les employs de lentreprise ont du mal sadapter , nous a-t-on dit partout, en attribuant ce dcalage soit une certaine peur de la technique (dans certaines entreprises, mme, les nouveaux utilisateurs de lERP navaient pas lhabitude des outils informatiques), soit un conflit de gnration , soit encore un blocage social d la crainte dune restructuration et dune rduction deffectifs. Dailleurs, les syndicats sont parfois intervenus cause de ce dernier point. Le rejet total ou labandon du systme par15

Les best practices se veulent tre les meilleures pratiques oprationnelles observes par mtier dans les entreprises.

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CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE les utilisateurs est la crainte ultime exprime par les responsables de projet. Tout le monde a peur du dbut la fin nous rsume un de nos interlocuteurs. Il faut tout mettre en uvre pour que les utilisateurs sapproprient le systme. En ltat actuel, les stratgies de conduite du changement reposent sur des lments de communication et sur des modules de formation.

La communicationDaprs les consultants, il est important de soigner la communication autour du projet : il sagit de rassurer les futurs utilisateurs et dintresser toute lentreprise la dmarche. Ces actions de communication peuvent prendre plusieurs formes selon les habitudes de lentreprise. Certaines ont par exemple organis des grands forums de prsentation du projet, propos des Prsentation de la nouvelle filire logistique dmonstrations du nouveau systme dEDF-GDF services Serval, la nouvelle plate forme logistique dEDFpartir de maquettes, ou diffus des GDF Services sinstalle progressivement en France. A journaux internes consacrs au projet. chaque projet dimplantation, nous organisons unejourne de travail avec des collaborateurs de la rgion

Nous avons remarqu que les concerne. Nous avons conu un programme alternant ateliers (systmes dinformation, RH, organisation) et messages que voulait faire passer la runions plnires (la nouvelle donne de la logistique direction du projet ne parvenaient pas moderne). Nous laissons une grande place au pour toujours jusquau niveau des dialogue, avec des tmoignages externesmtiersmieux comprendre les enjeux de lvolution des de la utilisateurs de base. Ainsi, dans une logistique. Des comdiens entreprise qui diffusait pourtant un accompagnent dans de la ligue dimprovisation nous lhumour et la drision, ce qui journal interne, les futurs utilisateurs nous aide dcrypter et faire passer les messages (assistantes commerciales, etc.) fondamentaux sur le sujet. estimaient ntre pas du tout informs par la hirarchie des buts et de Exemple : programme de communication autour du lavancement du projet. En fait, ils projet Serval dEDF, par la socit NEP TV. disposaient dinformations qui leur (source : site www.neptv.com) taient transmises de manire informelle par leurs collgues utilisateurs cls qui participaient au projet. Dans dautres entreprises, au contraire, nous avons retrouv les messages de la direction jusque dans les usines et au niveau des employs. Notons que lassimilation de ces messages par les utilisateurs ne les poussait pas forcment adopter le nouveau systme de gaiet de cur.

La formationTous saccordent sur limportance de linvestissement en formation. Daprs un consultant, ce poste devrait reprsenter jusqu 50% du budget ! En fait, responsables de projet et utilisateurs dclarent, presque partout, que ce besoin a t sous estim. Tous les utilisateurs de base que nous avons rencontrs considrent quils ont t insuffisamment forms et quils ont d apprendre sur le tas . Pourtant, la direction et le chef de projet des entreprises qui nous ont apport leur tmoignage insistaient sur limportance accorde la formation. Un directeur informatique nous a expliqu les raisons de ce paradoxe : en dbut de projet, tous saccordent sur le fait que les utilisateurs doivent tre abondamment forms. Mais lorsquon fait le compte des moyens ncessaires la formation pousse de centaines dutilisateurs, le budget en jeu fait souvent reculer les responsables de lentreprise, et il est souvent trop tard pour mettre en uvre un ambitieux programme de

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP formation. On choisit alors une mthode de dmultiplication de la formation, moins coteuse et plus rapide : certains utilisateurs, utilisateurs cls ou volontaires particulirement motivs, reoivent une formation pousse, qui dure typiquement de 5 8 jours. Ce sont les dmultiplicateurs. Les autres utilisateurs ne reoivent que 0,5 2 jours de formation et ce sont ensuite les dmultiplicateurs qui doivent former leurs collgues lutilisation du systme. Nous avons constat que cette mthode ne donne pas de mauvais rsultats terme, mais il est probable que la priode dapprentissage en est rallonge. Et surtout, les utilisateurs ont alors limpression dtre abandonns eux mme pour apprivoiser le nouveau systme. Il semble que les obstacles les plus difficiles lever dans un projet ERP ne sont pas les difficults techniques mais les rsistances humaines. Daprs un consultant, quels que soient les moyens mis en uvre, les changements au niveau des hommes conditionnent la dure minimale du projet. Des progrs importants sont encore faire dans laccompagnement du changement, de lavant projet lexploitation normale du nouveau systme. Ce sont peut-tre ces enjeux de management qui sont les plus difficiles apprhender pour les responsables des entreprises franaises, de formation scientifique en gnral, et pour les consultants, souvent jeunes, peu expriments et trangers lentreprise.

2.7 Dmarrer, dployerLe dmarrage dun ERP dbute en gnral sur un site ou sur une fonction pilote pour tre poursuivi ensuite sur lensemble de lentreprise. Ce processus est vu de manire diffrente par les acteurs du projet. Les informaticiens et les consultants sont particulirement sensibles la fiabilit technique et la stabilit des ERP. Les chefs de projet ressentent plutt le dmarrage comme un moment magique : on appuie sur un bouton et tout marche dun coup ! Mais il faut toutefois corriger des erreurs de conception et compter environ 3 mois pour monter en puissance. Il faut aussi citer les cas o le projet na pas permis de construire un systme, des donnes et des rgles de travail cohrents et assimils par les utilisateurs. Dans ce cas, le dmarrage peut tre une vritable catastrophe : pendant un temps plus ou moins long, lentreprise est incapable dutiliser le systme et de travailler. Nous avons rencontr des entreprises qui ont perdu le contrle de leur gestion comptable, de leur planning de production, voire de leurs livraisons pendant quelques temps. On cite souvent le cas de Hershey (cf. 1.1 p. 12), incapable de livrer ses chocolats pendant la priode des ftes qui a suivi le dmarrage de son ERP. Les pertes de contrle totales semblent assez rares, mais des priodes de flottement de deux semaines trois mois sont possibles : il faut en tre conscient, prvoir des procdures de travail robustes et choisir pour le dmarrage une priode peu critique pour lentreprise. Quant aux utilisateurs finaux, ils vivent le dmarrage avec quelques apprhensions : tout commence ce moment l pour eux et ils estiment souvent tre mal prpars. Presque tous ceux que nous avons rencontrs disent quil leur a fallu environ 3 mois pour sapproprier le nouveau systme. Dans certaines entreprises, la priode de prise en main sest tellement prolonge que le systme a t presque abandonn et que la productivit sen est gravement ressentie. - 35 -

CHAPITRE 2 - LES PROJETS ERP : UNE FOLLE EQUIPEE Un deuxime projet dassimilation et dappropriation a t mis en place pour redresser la situation. Il aurait sans doute t plus judicieux de prvoir cette phase ds le projet initial Daprs les consultants et les avocats qui assistent les matres douvrage, on ne peut exclure que le dploiement se passe mal. Dans ce cas, ils estiment que lentreprise et les intgrateurs doivent privilgier une entente lamiable et viter le contentieux. Le pire serait dcarter les responsables en charge du projet, comme on le voit frquemment, car lentreprise perd avec eux lexprience et la connaissance de ce qui a t fait. Et recommencer le projet depuis le dbut signifierait perdre les sommes importantes dj investies. Il semble quune certaine dception au dpart est invitable, daprs un consultant : Un projet fini ne correspond pas ce quon attendait au dbut. LERP est un pari qui cote cher et la mise en place casse les anciennes faons de travailler. Cela ne se fait pas de faon fluide. Il y a en plus des erreurs de paramtrage quil faut corriger. Au final, le systme marche mais ne peut pas tre la hauteur du rve. Cest en effet ce que nous avons observs chez nos interlocuteurs qui venaient de vivre le dploiement dun ERP dans leur entreprise.projetdmarrage

3 moiscorrection des erreurs, prise de contact par les utilisateurs

18 mois 2 ansprise en main par les utilisateurs

2.8 ExploiterLa plupart des industriels que nous avons rencontrs ont poursuivi le dploiement de leur ERP sur toutes les fonctions et les sites de leur entreprise aprs le dmarrage du pilote , ou prvoient de le faire. Ce processus peut staler sur plusieurs annes, surtout si des modifications importantes de paramtrage sont ncessaires pour prendre en compte les besoins des nouvelles entits couvertes par le dploiement. Passe la priode de prise en main, lentreprise passe dans la phase dexploitation normale . Des centres de comptences ddis lERP et internes lentreprise, souvent issus de la structure projet, permettent de capitaliser les comptences et lexprience dveloppes pendant le projet. Ce sont eux qui se chargent normalement de lexploitation du systme. La principale difficult est de faire face un turnover important dans ces centres de comptences.

Le retour sur investissementCest lorsque lutilisation du systme se stabilise que peut se poser la question du retour sur investissement obtenu. Notons dabord que presque tous nos interlocuteurs nous ont avou navoir fait a posteriori aucun calcul prcis du retour sur investissement de leur ERP. Il ny a en fait rien dtonnant cela : cest ce quon observe en gnral

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TOUT CE QUE NOUS A VONS VOULU SA VOIR SUR LES ERP pour tous les investissements16. Dans notre cas, nombreux sont ceux qui pensent en fait que les possibilits de gains financiers directement dus lERP nont rien dvident. Un directeur informatique nous a affirm que le projet ERP quil allait lancer serait rentabilis par les seules conomies sur les moyens et le personnel du service informatique. Mais les directeurs informatiques que nous avons interrogs aprs un projet savouaient dus par les conomies ralises dans ce domaine. Un autre projet que nous avons tudi devait tre rentabilis en moins de trois ans par les rductions de stocks quil avait permis. Toutefois, le projet ERP tait venu lappui dune rorganisation qui permettait elle seule cette rduction des stocks, grce une diminution du nombre de lieux de stockage. Dans la plupart des cas, donc, le retour sur investissement est rarement mesur, ou controvers.

Tirer bnfice du systme Dans les entreprises qui avaient assez de recul depuis la fin de leur dploiement, nous nous sommes intresss au processus dapprentissage autour du systme. Une dure revient de faon constante : 2 ans. 2 ans pour que les procdures de travail soient utilises naturellement et que tout le monde ait limpression davoir trouv sa place. 2 ans pour que se reconstituent les procdures informelles et les feuilles excel ad hoc. 2 ans pour que la fiabilit de linformation entre dans le systme soit correcte et que les contrleurs de gestion naient plus sen proccuper. 2 ans pour que les rductions de personnel administratif prvues puissent se faire. 2 ans pour que lentreprise tire les bnfices du systme. Cest beaucoup plus long que ce qui tait en gnral prvu au dpart. Mais les entreprises se dclarent alors satisfaites des importants progrs effectus. Quant aux rductions de personnel, elles nont en gnral pas eu lieu au dmarrage du systme, mais elles peuvent tre trs importantes au b


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