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Séquence 5 De la société industrielle à la mondialisation : économie et société de 1850 à nos jours 1 Séquence 5 – HG11 Sommaire Introduction 1. Croissance économique et économies-monde 2. Mutations des sociétés de 1850 à nos jours © Cned - Académie en ligne

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Séquence 5

De la société industrielle à la mondialisation : économie et société de 1850 à nos jours

1Séquence 5 – HG11

Sommaire

Introduction

1. Croissance économique et économies-monde

2. Mutations des sociétés de 1850 à nos jours

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2 Séquence 5 – HG11

Introduction

La révolution industrielle qui prend son essor dans l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle ouvre une période de croissance économique sans

équivalent dans l’histoire de l’humanité. De nos jours, en Europe et dans l’ensemble des pays développés, l’industrie tient cependant moins de place que par le passé. Nombre d’usines ont fermé, des pans entiers d’activités séculaires comme le charbon, la plupart des usines métal-lurgiques ont en grande partie cessé leur activité pour céder une place, toujours plus importante aux activités tertiaires. Certains économistes n’hésitent d’ailleurs pas à parler d’économie post-industrielle pour dési-gner l’économie des pays occidentaux (États-Unis, Canada et pays d’Eu-rope occidentale ou encore le Japon).

Il est exact que dans la plupart des pays développés, le secteur secon-daire n’occupe guère plus de 20 % de la population active, et la part des ouvriers est partout en déclin.

Pourtant, la révolution industrielle, qui débute en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et les bouleversements économiques et sociaux qu’elle a entraînés ont été la cause de profonds changements dont nous sommes encore les héritiers :

E Grâce à la révolution agricole, le spectre de la famine disparaît pour l’essentiel en Europe (à l’exception notable de l’Irlande, voir : le pre-mier chapitre d’histoire de seconde).

E L’urbanisation s’accélère et se généralise dans les pays qui connaissent la révolution industrielle. Alors que les ruraux constituaient de 80 à 85 % de la population des États occidentaux vers 1800, la population urbaine représente désormais plus de 80 % des habitants dans l’en-semble des pays développés.

E Le passage d’une économie agricole – partout le travail de la terre occupe l’immense majorité des hommes avant 1800 – à une économie industrielle se traduit par l’augmentation de la productivité du travail. Et l’augmentation de la richesse produite finit par entraîner une hausse générale du niveau de vie des populations.

E Avant 1800, les femmes travaillent – dans l’agriculture le plus sou-vent – mais sont pour l’essentiel exclues du monde du travail salarié. Elles pénètrent pourtant, dès la 1re moitié du XIXe siècle dans certains secteurs industriels, en particulier le textile. C’est alors le début d’un lent mouvement qui a profondément modifié les rapports entre les hommes et les femmes, première étape vers la libération de la femme et l’égalité entre les sexes au sein de la société.

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3Séquence 5 – HG11

E de nouvelles classes sociales apparaissent ou se développent considé-rablement : la classe ouvrière d’abord, les classes moyennes ensuite…

E les besoins de la population changent, l’enrichissement général per-met à la majorité, aux États-Unis d’abord, puis dans les autres pays occidentaux, de ne plus se limiter à la satisfaction des besoins pri-maires (se nourrir, se loger, se vêtir) mais de disposer d’un revenu croissant pour des dépenses moins immédiatement indispensables. Le monde entre alors dans l’ère de la consommation de masse (ou société de consommation).

Quelles sont les grandes étapes de la croissance économique mondiale de 1850 à nos jours ? Quelle est la nature et l’ampleur des changements éco-nomiques et sociaux engendrés par celle-ci depuis 1850 ?

Problématique

Plan : traitement de la problématique

Problématique Repères

1. Croissance économique et économies-monde

A. Les moteurs de la croissance économique : modes de pro-duction et révolutions tech-nologiques

B. Les phases de la croissance économique depuis 1850

C. De l’économie-monde à la Mondialisation multipolaire

– Croissance économique– Crise économique– Révolution industrielle– Capitalisme– Libéralisme– Fordisme– Productivité– Economie-monde– Trente Glorieuses– Société post-industrielle– Economies-monde– Monde multipolaire

– Étude d’un ensemble docu-mentaire : la révolution de l’électricité

– Analyse et lecture d’une pho-tographie : Chaîne de montage des carrosseries aux usines Renault

– Lecture de carte : le réseau ferré européen en 1850 et en 1900

– Commentaire de photographie : photo de Dorothea Lang

2. Mutations des sociétés de 1850 à nos jours

A. La population active reflet des bouleversements économiques et sociaux : l’exemple de la France

B. L’immigration : la place des immigrés dans la société française

– Population active– Classe sociale– Salariat– Urbanisation– État-Providence– Société de consommation– Culture de masse– Socialisme et marxisme– Féminisme

– Lecture de photographie : couple attablé devant une 4 CV (1954)

– Etude de texte : « Le temps des Copains » d’Edgar Morin (extraits)

– Commentaire de textes : la vie des maçons du Massif central à Paris

– Méthodologie : lecture de gra-phique, la natalité française

Etude documentaire : Les avant-gardes artistiques et la société industrielle.

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1 Croissance économique et économies-monde

Les moteurs de la croissance éco-nomique : modes de production et révolutions technologiques

Le monde entre, à partir du début du XIXe dans la période de croissance économique la plus importante qu’il a jamais connue. Cette croissance économique, marquée par des phases d’expansion et des périodes de crises est rythmée par une série de révolutions technologiques. On considère d’ordinaire que trois révolutions technologiques se succèdent des années 1850 jusqu’à nos jours :

E celle de la vapeur et du charbon entre la fin du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe.

E celle de l’électricité et du moteur à explosion dans les années 1880-1900.

E celle de l’informatique qui prend son essor à partir des années 1960 et s’accélère des années 1980 à nos jours.

n La première révolution industrielle, qui débute en Angleterre vers 1760 – l’ingénieur écossais James Watt fait breveter la machine à vapeur qui porte son nom en 1769 – fut celle de la vapeur et du char-

bon. Les applications industrielles de la machine à vapeur permet-tent une augmentation considé-rable de la productivité du travail. Celle-ci est particulièrement sen-sible dans l’industrie textile (notamment dans l’industrie cotonnière), les hauts fourneaux (fabriquant la fonte et l’acier dont l’industrie a besoin), les mines.

n La révolution de l’électricité et du moteur à explosion constituent une nouvelle étape dans le développement de la civilisation industrielle.

A

Histoire de l’électricité : chronologie

– 1871 : le Belge Zénobe Gramme invente la première dynamo, premier générateur de courant électrique.

– 1873 : l’Américain Thomas Edison invente la lampe électrique à filament, point de départ d’une aven-ture industrielle qui donnera naissance à General Electric en 1892, multinationale qui est aujourd’hui une des plus importantes de la planète.

– 1880 : l’ingénieur allemand Werner von Siemens, fondateur de la multinationale du même nom, invente l’ascenseur électrique

– Entre 1896 et 1899, utilisant les travaux du physicien français Edouard Branly, l’ingénieur italien Guglielmo Marconi invente la TSF (télégraphie sans fil).

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L’électricité révolutionne la vie quotidienne des villes occidentales. Plus pratique et moins dangereuse que le gaz, elle permet d’éclairer les bou-levards et les rues. Dans les immeubles où elle est présente, elle per-met, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, de s’affranchir de la nuit. Elle bouleverse encore les transports urbains, aboutissant à la création des premiers tramways électriques dans les années 1870 et surtout à la construction du métropolitain (abrégé rapidement en métro). Le métro de Londres, le premier du monde, dont les travaux débutent en 1853 est électrifié dès 1890. Le métro parisien, électrifié dès l’origine, ouvre sa première ligne en 1900.

La TSF avec ses chansons, ses émissions d’information ou éducatives, fait pénétrer le monde extérieur dans l’espace privé pour la première fois (en attendant la télévision, à partir des années 1950 puis l’ordinateur personnel à partir de la fin des années 1970). Il faut cependant remar-quer qu’en raison de son coût élevé, la radio reste assez peu répandue dans les foyers et qu’elle ne deviendra un produit de grande consomma-tion qu’après l’invention du transistor aux États-Unis en 1947.

L’ascenseur électrique contribue, quant à lui, à révolutionner l’architec-ture des centres- villes en rendant possible la construction de gratte-ciel. C’est l’école d’architecture de Chicago, et en particulier l’architecte américain William Le Baron Jenney, qui popularise ce type de construc-tion, d’abord à Chicago puis surtout à New York.

Étude d’un ensemble documentaire : la révolution de l’électricité

Le palais de l’électricité, Exposition universelle de Paris, 1900, © akg-images.

Document 1

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L’électricité à l’Exposition universelle de 1900

C’est alors que retentit un rire étrange, crépitant, condensé : celui de la Fée électricité ; […], elle triomphe à l’Exposition ; elle naît du ciel comme les vrais rois. Le public rit des mots : Danger de mort, écrits sur les pylônes. Elle sait qu’elle guérit tout ; l’Électricité, même les « névroses » à la mode. Elle est le progrès, la poésie des humbles et des riches ; elle prodigue l’illumination […]. A l’Exposition, on la jette par les fenêtres […]. C’est l’électricité qui permet à ces espaliers de feu de grimper le long de la porte monumentale. Le gaz abdique. […]. La nuit, des phares balaient le champ de Mars […], ce ne sont que retombées vertes, jets orchidée, orchestration du feu liquide, débauche de volts et d’ampère. La Seine est violette, gorge de pigeon, sang de bœuf. L’électricité […], c’est le fléau, c’est la religion de 1900.

Paul Morand, 1900, Les éditions de France, 1931.

Lettre d’une paysanne en 1924

« Ne t’inquiète pas : je ne m’ennuie plus avec la TSF (Transmission sans fil, c’est-à-dire la radio). On vient me la mettre en marche et j’écoute. C’est merveilleux. J’ai entendu un roman extraordinaire : Mare-Moto. C’est donné avec tous les bruits, comme si on y était. J’ai entendu Sacha Guitry, et tous les chanteurs. Et puis on n’a presque plus besoin de me lire le journal. J’ai entendu Damia, et Mistinguett qui chantait Mon homme. Ici, les gens ne trouvent pas ça convenable. Bien sûr, c’est un peu osé, mais après tout j’ai connu des femmes, même au village, qui avaient « un homme dans la peau », et ce n’est pas monsieur le curé qui peut en juger ».

Lettre dictée par une paysanne briarde aveugle en 1924, citée par D. Desanti, La femme au temps des Années folles, Stock, 1984.

1 Quelle est la nature des documents ?

2 En quoi l’électricité apparaît-elle une révolution technologique ?

3 Pourquoi Paul Morand utilise-t-il l’expression consacrée, « la Fée électricité » ? L’électricité n’a-t-elle pas un « côté » magique pour les hommes du début du XXe siècle ? Justifiez votre réponse.

4 Pourquoi peut-on dire, en analysant le document 3, que l’électricité constitue une révolution dans la vie de la femme évoquée par le texte ?

Réponses page suivante EE

Document 2

Document 3

Questions

Conseils généraux

E Avant de vouloir répondre aux questions, prendre le temps d’analyser les documents à deux ou trois reprises si nécessaire, avant

de se précipiter sur les questions. L’étude de documents ne consiste pas à lire les docu-ments de manière transversale en allant à la

À lire avant de répondre aux questions

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7Séquence 5 – HG11

Réponses page suivante EE

« pêche à la réponse ». Ceci aboutit le plus souvent au mieux, à des réponses incom-plètes, et bien souvent à une paraphrase, ce qui est évidemment à proscrire. La para-phrase est souvent le premier défaut des copies des candidats qui choisissent l’étude documentaire au baccalauréat. Il ne s’agit jamais de recopier des morceaux entiers de texte, il s’agit de montrer au correcteur qu’on a compris les documents et qu’on est capable de mettre en exergue leur intérêt. Néanmoins, citer une phrase, un morceau de texte pas trop long afin de démontrer ce que vous écrivez est au contraire très bienvenu. Cela montre que vous avez su vous appro-prier le document.

E Dans le cadre d’une analyse de document iconographique, ne jamais se contenter d’un vague coup d’œil. Essayez de hiérarchiser les plans (1er, 2e plan, arrière-plan, etc.), de com-prendre ce que le document cherche à mettre en valeur par la composition (quel élément est le plus visible ? Généralement, il se trouve au centre de l’image, mais pas toujours), par le choix des couleurs (vives, sombres), le choix des contrastes (zones de clarté, zones d’ombre) s’il s’agit d’une image en noir et blanc, quels sont les sentiments (étonne-ment, émerveillement, rejet, dégoût, etc.) qu’il cherche à faire naître chez le spectateur.

E Prendre le temps de bien observer, ce n’est pas une perte de temps ; c’est au contraire la meilleure façon de réussir l’exercice proposé.

E Pensez à prêter attention aux dates et à la source qui figurent sous les documents. Dans certains cas, comme dans le document 2 qui vous est ici proposé (l’extrait d’un ouvrage de l’écrivain Paul Morand) la date d’édition, 1931, ne concorde pas avec celle de l’évé-nement évoqué (l’Exposition universelle de Paris, en 1900). Attention cependant aux conclusions hâtives. Dans le document 3, la source, en l’occurrence un livre de l’histo-

rienne Dominique Desanti, date de 1984 mais le texte qui vous est proposé n’est pas de l’historienne. Elle s’agit d’une lettre de 1924 qui est donc contemporaine des événements qu’elle évoque.

Remarques introductivesDocument 2E Le champ de Mars : vaste jardin public du

VIIe arrondissement de Paris, situé aux pieds de la Tour Eiffel.

E « Le gaz abdique », l’auteur fait ici référence à l’éclairage public des villes qui, jusqu’au début du XXe siècle, se faisait au gaz.

Document 3E Mare-Moto : pièce radiophonique de Pierre

Cusy et de Gabriel Germinet (1924). Mare-moto est un mot espagnol qui désigne un tsunami. La pièce de Gabriel Germinet raconte le récit d’un naufrage. C’est la pre-mière pièce écrite spécifiquement pour la radio et qui, en conséquence utilise les res-sources de celle-ci, en l’occurrence le son, en multipliant les bruitages, notamment pour la tempête.

E Sacha Guitry (1885-1957), grand auteur français, en particulier connu pour ses pièces de théâtre et ses films.

E Damia (1889-1978) et Mistinguett (1875-1956) chanteuses françaises célèbres dans l’entre-deux-guerres.

E « Mon Homme », chanson de Maurice Yvain et d’Albert Willemetz qui raconte l’amour fatal d’une femme pour un homme qui la bat et lui prend son argent. Grand succès de l’entre-deux-guerres.

E L’adjectif briarde renvoie à la Brie, grande région agricole qui située à l’est de Paris, elle débute aux alentours de Meaux (Seine-et-Marne).

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1 Le premier document est une lithographie réalisée à l’occasion de l’Exposition universelle qui se tient à Paris d’avril à novembre 1900.

Le deuxième est l’extrait d’un livre de l’écrivain français Paul Morand. La date d’édition qui figure sous texte (1931) nous permet de sup-poser qu’il s’agit d’un récit évoquant les souvenirs de jeunesse de l’auteur.

Le troisième document est une lettre de 1924, citée dans un ouvrage historique de 1984.

2 Le document 1 nous montre le palais de l’Electricité illuminé de mille lumières dans la nuit. La « Fée électricité », c’est le progrès, « elle pro-digue l’illumination ». Les villes, mal éclairées par le gaz, évoquées par Paul Morand à la fin du document 2, seront désormais illuminées. L’électricité ne permet pas seulement une révolution des transports urbains, elle est source de lumière et l’obscurité millénaire de la nuit s’efface désormais devant le génie de cette nouvelle invention humaine. L’électricité ne modifie pas seulement le cadre urbain en affranchissant la ville de l’obscurité de la nuit et en révolutionnant les transports urbains, elle permet également de changer également profondément la vie privée. C’est grâce à l’électricité, nouvelle source d’énergie, que la TSF fait son entrée dans les foyers comme dans celui de cette paysanne de la Brie, en 1924 (voir : doc 3).

3 L’expression – « la Fée électricité » – nous dit à quel point cette nou-velle invention a pu apparaître comme quelque chose de magique aux hommes du début du XXe siècle (Remarque : Ne commencez pas votre réponse par une formule du type « OUI – ou NON - l’électricité a un côté magique » ! C’est maladroit et parfaitement inutile !). Le docu-ment 1 nous montre un palais digne des contes de fées. Avec ses tor-rents de lumière qui jaillissent du palais, l’électricité a quelque chose de surnaturel. Grâce à elle, « la nuit, des phares balaient le Champ de Mars ». Les lumières repeignent ainsi la Seine qui prend des teintes violettes, semblables à celles de la gorge d’un pigeon, ou rouges, comme le sang d’un bœuf. Grâce à l’électricité, la réalité, en l’occur-rence le ciel de Paris et la Seine, est transfigurée.

4 La femme évoquée par le texte est une paysanne briarde qui décrit, dans une lettre, en quoi l’arrivée de la TSF a révolutionné sa vie. La TSF lui permet désormais de s’ouvrir sur le monde. Elle est enthousias-mée par le récit radiophonique, Maremoto, qu’elle vient d’entendre, en particulier les bruitages. C’est comme si les chanteuses à la mode, Damia, Mistinguett chantaient désormais pour elle. Elle peut se culti-ver en écoutant Sacha Guitry et prendre connaissance des nouvelles du monde grâce aux informations.

La sensation de liberté nouvelle est sans doute accentuée par le fait que l’auteure de cette lettre est aveugle mais il n’en demeure pas moins qu’avec la TSF, pour la première fois, le monde extérieur pénètre pleinement l’intimité du foyer même si cela ne se fait pas sans diffi-culté. La lettre nous montre en effet que certaines femmes du village et que le curé sont choqués par le ton de certaines chansons comme

Réponses

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9Séquence 5 – HG11

Mon homme. La morale rurale de l’époque a des difficultés à accepter ce type de distraction mais on peut supposer que cette opposition est également due à la jalousie dans la mesure où, dans les années 1920, et plus encore dans les campagnes, la TSF demeure un objet onéreux et rare.

1. La révolution de l’automobile

Document 4

The first oil well © akg-images.

Un des premiers derricks construit à Titusville (Pennsylvanie) par le colonel Drake en 1859. Le « Colonel » Edwin Drake est ici au premier plan, à droite, devant un derrick de 23 mètres de hauteur.

Histoire de l’automobile : chronologie

– 1859 : à Titusville, Pennsylvanie (Etats-Unis), le colonel Drake lance l’exploitation indus-trielle du pétrole.

– 1863 : création de la Standard Oil par John D. Rockefeller.

– 1889 : l’ingénieur allemand Gottfried Daimler met au point sa première automobile. Il crée une entreprise automobile qui prendra le nom de Mercedes-Benz en 1926.

– 1891 : lancement des firmes automobile françaises Panhard et Levassor et Peugeot.

– 1898 : Louis Renault construit sa première voiture.

– 1908 : l’Américain Henry Ford met au point la Ford T, la première voiture populaire.

– 1946 : la régie Renault lance la première voiture populaire en France la 4 CV (prononcez 4 chevaux).

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10 Séquence 5 – HG11

À partir du début du XXe siècle, l’industrie automobile s’impose comme un des secteurs phares de l’économie et le demeure encore aujourd’hui.

Les premiers travaux sur le moteur à explosion datent de la première moitié du XIXe siècle mais c’est seulement dans les années 1890 que cette technologie trouve son application avec la naissance de l’industrie automobile (voir le tableau ci-dessus).

Des pionniers de génie – René Panhard et Émile Levassor, Armand Peu-geot en France, Gottfried Daimler en Allemagne, Henry Ford aux États-Unis – se lancent dans cette nouvelle activité industrielle qui connaît un développement extrêmement rapide. C’est aux États-Unis qu’Henry Ford a l’idée de développer la première automobile pour les classes populaires, c’est la fameuse Ford T popularisée par le cinéma burlesque américain des années 1910-1920. Pour abaisser les coûts de fabrica-tion, il met en place, dès les années 1910, un nouveau mode de produc-tion appelé le fordisme. Celui-ci reprend en partie les théories de l’in-génieur Frederick Taylor (appelées Organisation scientifique du travail ou taylorisme) en généralisant le travail à la chaîne et l’intéressement des ouvriers afin de leur faire accepter l’augmentation considérable des cadences de travail.

Analyse d’une photographie

Chaîne de montage des carrosseries aux usines Renault, à Boulogne-Billancourt, 1931.

Exercice

Document 5

© Jacques Boyer/Roger-Viollet.

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11Séquence 5 – HG11

1 Quelle est l’activité des ouvriers que vous pouvez voir sur la photo-graphie ?

2 Expliquez en quoi consiste le travail à la chaîne d’après ce document ?

3 Pouvez-vous expliquez pourquoi ce type d’activité a pu générer une opposition de la part du monde ouvrier ?

1 On remarque deux postes de travail. À gauche de la photographie, les ouvriers mettent en place la carrosserie, tenue par des chaînes, sur le châssis de l’automobile. À droite, les ouvriers semblent travailler sur le moteur du véhicule.

2 On peut remarquer que les véhicules sont placés sur un rail qui per-met de les déplacer à la fin de chaque opération.

3 Les tâches qu’on peut observer sur cette photographie sont extrême-ment répétitives, en particulier celles de droite. L’ouvrier que l’on voit de dos doit sans doute visser le même boulon tout au long de la jour-née. Ces méthodes de travail se généralisent dans l’industrie, aux États-Unis et en Europe après la Première guerre mondiale et connaît son âge d’or dans les années 1950 malgré la dénonciation du carac-tère aliénant de ce type d’activité par les syndicats ou par certains artistes, en particulier Fritz Lang dans Métropolis (1927) ou Charlie Chaplin dans son film intitulé les Temps Modernes (1936).

L’automobile poursuit son essor après la Seconde guerre mondiale, notamment en Europe, où les grands constructeurs se mettent à leur tour à produire des voitures populaires comme la 4 CV en France. Pro-duit phare de la société de consommation, l’automobile est vantée par la publicité comme un symbole d’indépendance et de liberté.

L’automobile contribue à modifier les paysages urbains avec la construc-tion d’autoroutes urbaines au cœur des grandes villes américaines (l’exemple par excellence étant Los Angeles), ou encore la voie Georges Pompidou sur les berges de la Seine, à Paris. Les pays développés se couvrent également de voies rapides, à partir des années 1950, afin de répondre à l’augmentation du trafic automobile et routier, le transport routier de marchandises tendant à prendre le pas sur le transport ferro-viaire dès les années 1960.

Les années 1980 voient cependant un changement. Les populations euro-péennes en particulier sont désormais plus sensibles aux thèmes éco-logiques et l’image de l’automobile devient plus ambivalente. Même si elle peut continuer à faire rêver, elle devient aussi synonyme de pollution atmosphérique et sonore, d’embouteillages, d’accidents de la route…

Questions

Réponses

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12 Séquence 5 – HG11

2. La révolution informatique : la troisième révolution industrielle

Les technologies de l’information et de la télécommunication (TIC) débu-tent leur essor, d’abord aux États-Unis, dans les années 1950. Elles sont à l’origine souvent liées, dans le contexte de la guerre froide, aux activi-tés militaires et au Pentagone (Ministère de la Défense américain). Les travaux menés dans les universités californiennes de Stanford (Silicon Valley) et de UCLA (University of California, Los Angeles) aboutissent en 1972 à la mise au point du courrier électronique, supposé permettre l’échange d’information en dépit de la destruction des réseaux télépho-niques par une éventuelle attaque nucléaire…

Dès le début des années 1980, l’informatique envahit tous les domaines de l’économie : la bureautique (activités de bureau), la gestion d’entreprise, les activi-tés financières. Dès 1986, la City (centre d’affaires de Londres) met en place un réseau de transaction informatisé qui permet à la bourse de Londres d’être reliée 24 heures sur 24 aux autres places finan-cières de la planète. L’informa-tisation des transactions s’est depuis lors généralisée à toutes les grandes places boursières de la planète générant une accélé-ration et une augmentation expo-nentielle des flux financiers. Sans

l’informatique, la mondialisation financière (également nommé à partir de l’anglais, globalisation) n’aurait pas été possible.

A partir des années 1980, l’informatique envahit également l’espace privé avec la vogue du PC. D’abord réservé à une élite sociale, celui-ci se démocratise au cours des années 1990, la plupart des machines étant désormais fabriquées, non aux États-Unis, mais dans des pays d’Ex-trême-Orient à bas salaires. L’internet accélère encore cette révolution. Il y aurait aujourd’hui 1,59 milliard d’internautes. A travers l’ordinateur ou la téléphonie mobile, l’informatique occupe désormais une place cen-trale dans la vie quotidienne de la plupart des Occidentaux

Les grandes dates de l’informatique

– 1947 : invention du transistor à la Silicon Valley

– 1958 : l’Américain Jack Kilby invente le premier cir-cuit intégré.

– 1972 : mise en place, aux États-Unis, du réseau de télécommunication ARPANET, aux finalités essen-tiellement militaires. C’est l’ancêtre du réseau INTERNET.

– 1977 : la firme Apple lance l’Apple II, le premier ordinateur familial.

– 1981 : la firme américaine IBM met en vente le pre-mier PC (personnal computer) de l’histoire.

– 1992-1995 : apparition du réseau INTERNET (cour-rier électronique, web).

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13Séquence 5 – HG11

Les phases de la croissance économique depuis 1850

1. L’économie capitaliste : une économie cyclique

L’essentiel du XIXe, marqué par une croissance de 1 à 2 % par an, consti-tue une période d’essor pour l’économie mondiale. La croissance n’est cependant jamais continue. Les périodes d’essor économique cèdent régulièrement la place à des périodes de crise. La crise peut apparaître comme un phénomène inhérent à l’économie capitaliste et depuis sa naissance, l’économie capitaliste a alterné phases de croissance et de dépression.

Ces crises, loin d’annoncer la fin du capitalisme comme l’ont cru un temps Karl Marx puis, à sa suite, Lénine, constituent en fait des phases d’ajustement des économies. Dès les années 1860, l’économiste fran-çais Clément Juglar mit en lumière l’existence de cycles économiques de 8 à 10 ans alternant périodes de croissance et périodes de dépression ou de stagnation. Ceci correspond à ce qu’on appelle le cycle de Juglar. En 1926, l’économiste russe Nicolaï Kondratieff mit en évidence l’exis-tence de cycles longs (cycle de Kondratieff), de 40 à 60 ans, alternant une phase de croissance, appelée phase A, et une phase de dépression, appelée phases B. Le passage d’une phase à l’autre est marqué par l’éclatement de la crise proprement dite.

2. Les cycles de la croissance

La phase A d’essor débutée au lendemain des guerres napoléoniennes (1815) prend fin avec la crise de la fin des 1840’s qui débuta, comme les crises économiques d’ancien type, par une crise de subsistance et se poursuivit par une crise industrielle.

La crise des années 1870, qui se poursuit jusqu’aux années 1895, est marquée par les difficultés du secteur agricole et l’augmentation des tarifs douaniers en Allemagne, puis en France (protectionnisme). L’éco-nomie mondiale entre alors dans une phase B.

La phase A qui prend son essor à la toute fin du XIXe siècle est brutale-ment interrompue par la 1ère guerre mondiale. Dans les années 1920, passée la période de Reconstruction, en particulier en France, la crois-sance économique est globalement moins forte qu’avant guerre.

La première guerre mondiale puis l’entre-deux-guerres sont marqués par une relative stagnation, notamment visible dans l’évolution du com-merce international. Cette tendance à la fermeture des économies sur leur espace national ou colonial, particulièrement visible dans le cas de l’économie française, est encore renforcé par la crise de 1929.

B

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14 Séquence 5 – HG11

n La crise de 1929 : la grande dépression

L’année 1929 est celle de la crise économique la plus grave de l’histoire du capitalisme en raison de ses conséquences sociales et politiques.

La crise éclate le 24 octobre 1929 avec le krach de Wall Street, c’est le fameux « Jeudi noir » où la bourse perd 10 % en une seule journée. Dans les jours qui suivent le cours des valeurs continue à chuter et la crise financière se transmet à l’ensemble de l’économie. L’agriculture est par-ticulièrement touchée avec l’effondrement des cours des produits agri-coles. Les photographies de Dorothea Lange témoignent de la misère qui touche alors le monde rural américain et notamment ces Okies (paysans de l’Oklohoma) et ces Arkies (paysans de l’Arkansas) également ruinés par le Dust Bowl (séries de tornades et de vents extrêmement violents qui ravagea les terres agricoles du centre des États-Unis dans les années 1930.

Les difficultés sont également terribles dans l’activité industrielle. Les usines Ford de Détroit, symbole de la prospérité, employaient 128 000 employés en 1929. Elles n’en emploient plus que 37 000 en 1931… Au début des années trente, plus 20 % de la population active américaine est alors au chômage. Cette situation sociale dramatique contribue à la victoire électorale du candidat démocrate, Franklin Delano Roosevelt, à l’élection présidentielle de 1932. Celui-ci propose au peuple américain une nouvelle politique économique, le New Deal (la Nouvelle Donne) qui fait de l’État un acteur majeur de l’économie. Roosevelt s’emploie alors à créer un Welfare State (État-Providence) avec des mesures comme la création de la CWA (Civil Work Administration) qui emploie 4 millions de chômeurs, pour la construction de 80 000 km de routes secondaires et de la TVA (Tennessee Valley Authority), vaste programme, essentiel-lement financé par l’État, consistant à construire une série de barrages hydroélectriques dans la vallée du Tennessee. En 1935, Roosevelt crée une assurance chômage financée par les employeurs et une assurance vieillesse financée par les employeurs et les employés. Cette politique, en partie inspirée des idées de l’économiste britannique John Meynard Keynes met provisoirement fin à l’ère du capitalisme libéral où le rôle de l’État dans l’économie se limitait pour l’essentiel à garantir la paix sociale et à fixer les droits de douane.

Au niveau mondial, la fermeture des économies nationales consécutive à la crise, se traduit par une guerre des monnaies (dévaluations succes-sives) et des tarifs douaniers (augmentation des tarifs douaniers pour freiner l’importation des produits étrangers), autant d’éléments qui jouè-rent sans doute un rôle non négligeable dans l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale.

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15Séquence 5 – HG11

Commentaire d’une photographie

Mère de famille travailleuse itinérante, Photographie de Dorothea Lange, 1936.

© akg-images.

1 Observez la date et le lieu de cette photographie. Que pouvez-vous en déduire ?

2 Décrivez la scène représentée par cette photographie.

3 Pourquoi la photographe a-t-il photographié cette femme dans une telle situation ? Qu’a-t-elle cherché à montrer par cette photographie ?

1 Cette photographie a été prise en 1936, par la photographe Dorothea Lange, aux États-Unis. Elle nous montre que cette femme est une des victimes de la crise et du Dust Bowl.

2 Cette femme allaite son enfant. Elle semble particulièrement marquée par la fatigue, la souffrance et les privations, alors que la photographe nous apprend son âge : 32 ans. Elle est en haillons et vit sous un abri de fortune, une simple couverture tendue sur des piquets de bois.

3 Dorothea Lange a voulu montrer à ses compatriotes une autre Amé-rique, celle des démunis, celle de ces paysans du centre des États-Unis, de l’Oklahoma et de l’Arkansas, qui déjà terriblement éprouvés par la crise de 1929, ont fini d’être totalement ruinés par le Dust Bowl. La scène qu’elle choisit, une femme encore jeune mais prématurément vieillie par la misère nourrissant son enfant, a pour objet d’émouvoir les spectateurs sur le sort de ces compatriotes déshérités.

Exercice

Document 6

Questions

Réponses

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16 Séquence 5 – HG11

3. « Les Trente Glorieuses » 1945-1973 et l’explosion du commerce mondial

La fin de la Seconde Guerre mondiale marque le début d’une période de croissance économique sans précédent pour les pays occidentaux et le Japon. L’expression « Trente Glorieuses », qui désigne cette période, a été inventée par l’économiste français Jean Fourastié dans un livre de 1979 (Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible de 1946 à 1975) pour désigner les formidables bouleversements économiques et sociaux que la société française connaît alors.. Au cours des Trente Glorieuses, les pays d’Europe de l’Ouest, en particulier la France, et le Japon ont une croissance économique variant entre 3 et 5 % par an en moyenne. L’Europe occidentale rattrape alors les États-Unis et redevient le premier espace économique mondial dès la fin des années 1960. La période est marquée par une hausse rapide du niveau de vie et par l’entrée dans la société de consommation en raison de la disparition quasi totale du chômage, de la hausse générale des salaires et de la généralisation en France, en Allemagne, mais aussi en Grande-Bretagne sous le gouverne-ment travailliste de Clement Attlee (1945- 1951) et dans une moindre mesure en Italie, de l’État-Providence.

La croissance économique est par ailleurs vigoureusement soutenue par l’explosion du commerce mondial. Cette évolution s’explique notam-ment par les accords du GATT (General Agreements on Tariffs and Trade, qui donne naissance à l’OMC – Organisation mondiale du commerce – en 1995) signés à Genève en 1947, sous l’égide de l’O.N.U.. Ils visent à la suppression progressive des droits de douane et à la généralisation du libre-échange à la planète. Dans le contexte économique des Trente Glorieuses, les échanges de marchandises explosent. Les flux mari-times, les plus importants pour les marchandises, passent de 550 M de t en 1950 à plus de 7 MM de t en 2004. Cette ouverture des économies nationale contribue largement à la croissance économique en général.

4. Les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 et la fin des « Trente Glorieuses »

Le 1er choc pétrolier de 1973, conséquence indirecte de la guerre du Kippour opposant Israël aux états arabes du Proche-Orient (voir la Séquence 5 du cours) provoque une brusque envolée des prix du pétrole et met brutalement fin à la croissance. En fait, les échanges commer-ciaux internationaux avaient eu tendance à se contracter dès la fin des années 1960. De même, le chômage avait fait une timide réapparition dès cette période. Néanmoins, après 1973, les faillites se multiplient dans les pays occidentaux, notamment dans les industries de main d’œuvre (sidérurgie, textile, automobile, charbonnages) et le chômage devient à nouveau une constante de la vie économique comme il l’avait été au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. En 1979, la

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17Séquence 5 – HG11

révolution iranienne faisant craindre une pénurie pétrolière provoque le second choc pétrolier, renchérissant encore le coût de l’énergie.

En 1979, le nombre de chômeurs augmente de 29 % en Allemagne fédé-rale, de 65 % au Royaume-Uni. En 1980, on compte plus d’1,5 millions de chômeurs en France, soit 7,3 % de la population active, l’inflation s’envole et la croissance économique s’écroule.

5. L’économie mondiale à l’ère de la Mondialisation

Le concept de Mondialisation, forgé dans les universités américaines à partir des années 1960 se répand dans les médias à partir des années 1990 pour désigner cette explosion des échanges matériels et imma-tériels (par exemple les flux d’informations, de capitaux…), des flux touristiques ou migratoires et des économies mondiales de plus en plus interdépendantes les unes par rapport aux autres… Les États-Unis demeurent le centre de l’actuelle mondialisation, au travers du poids de leurs activités financières, Wall Street, à New York, reste de très loin la première bourse du monde du monde, et de leur avance dans le domaine des hautes technologies en général et des TIC en particulier. Les années 1990-2000 sont néanmoins marquées par l’émergence d’un monde de plus en plus multipolaire avec la formidable croissance économique de la Chine qui fait désormais de ce pays le premier concurrent de la puis-sance américaine à côté de l’Europe de l’Ouest et du Japon.

6. La dérégulation généralisée de l’économie et la « Globalisation »

Les années 1980-2000 sont marquées par la dérégulation de l’écono-mie mondiale dans la foulée de la politique économique de Ronald Rea-gan. C’est le secteur de la finance qui fait l’objet de la déréglementation la plus totale. Les États abandonnent aux marchés boursiers le contrôle de l’activité financière. Aux quatre coins de la planète, dans les années 1980, les flux financiers explosent donc en même temps que les profits des investisseurs, c’est ce qu’on appelle la mondialisation financière ou « globalisation ». La spéculation boursière se poursuit à un rythme effréné jusqu’à nos jours en dépit de crises ponctuelles et de krachs boursiers comme celui de 1987, la crise asiatique de 1997 ou encore l’éclatement de la bulle Internet en 2000 qui se traduit par l’écroulement de l’indice NASDAQ (c’est-à-dire l’indice des valeurs de haute technolo-gie à la bourse de NewYork).

La faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers en 2008, aux États-Unis, fragilise une grande partie du système financier et bancaire international et marque le début de la crise dans laquelle nous nous trouvons actuellement : faillite de pays entiers comme l’Islande, la Grèce

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18 Séquence 5 – HG11

ou de l’Irlande, menaces sur la stabilité de l’euro, montée du chômage, notamment aux États-Unis (actuellement plus de 10 % de la population active sont au chômage aux États-Unis), ralentissement de la croissance économique mondiale, hormis en Chine…

Les économies-monde successives (Grande-Bretagne, États-Unis, économie multipolaire)

1. Les économies-monde successives

La notion clé à définir ici est bien celle d’économie monde, forgée par l’historien Fernand Braudel à la fin des années 1940 : selon lui, il s’agit d’un « morceau de la planète économiquement autonome, capable pour l’essentiel de se suffire à lui-même et auquel ses liaisons et échanges confèrent une certaine unité ». On peut rappeler que, dans l’esprit de Braudel, cette notion apparaît avec les Grandes Découvertes de la fin du XVe siècle et se manifeste d’abord à l’échelle de villes, ports domi-nants de l’économie européenne. Cette économie-monde est d’abord à l’échelle des cités-États italiennes, tournées vers la Méditerranée et l’Orient avant de se déplacer vers le Nord de l’Europe : villes hanséa-tiques, Provinces-Unies (Pays-Bas) puis Grande-Bretagne à partir du milieu du XVIIIe siècle. Cette notion ne se réfère donc pas uniquement à un niveau de richesse, mais bien à un rôle de centre d’impulsion des échanges mondiaux.

L’économie monde britannique (1850-1914)

OcéanAtlantique

Océan

Pacifique

Océan

Indien

84

92

79

53121

316

197

65

110

88

4250

3700

1800

1850

1050

2800

2000

ROYAUME-UNICanada

Argentine

AmériqueLatine

Inde

Japon

Égypte

Pays-BasAllemagne

France

Londres

SoudanGhanaNigéria

Rhodésie

Kénya

États-Unis

Australie

Nlle Zélande

Afriquedu Sud

Europe

Royaume-Uni et dominionsbritanniquesAutres territoires de l’Empire

Pays de culture anglo-saxonne

Principaux marchés pour les exportationsbritanniques en 1912 (en millions de $)Principale place financièrePlacements britanniques à l’étrange(en millions de $ en 1914)

C

Document 7

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19Séquence 5 – HG11

L’économie-monde américaine à son apogée dans les années 1970

ÉTATS-UNIS

6

12

10

7

85

75

80

50

100

NOUVEAUX PAYSINDUSTRIALISÉS

D'ASIE

AUSTRALIENOUVELLE-ZÉLANDE

AMÉRIQUELATINE

AFRIQUE

MOYENORIENT

États liés par une alliance aux États-Unis

Importations américaines (en milliards de $)

Directions régionales de CNN hors États-Unis

Centre financier

Flottes américaines

Principales bases américaines

Une économie mondiale désormais multipolaire

OcéanIndien

OcéanAtlant ique

Océan Paci f ique

Brésil

Sénégal

Nigéria

Afrique du Sud

Argentine

Mexique

États-Unis Canada

Russie

Inde

Chine

JaponAustralie

Indonésie

Égypte ArabieSaoudite

Roy-Uni

FranceAllemagne

Italie

TelesurCNN

Fox NewsNHK World

ChannelNews Asia

Al Arabiya

Euronews

TV5 Monde

BBC WorldDeutsche

Well

Medi 1 Sat Al jaziraEnglish

RussiaToday

CCTVInternational

Membres permanents duConseil de Sécurité del’ONU et membres du G20

Autres membres du G20

L’UE, membre du G20,est représentée par lePrésident du conseilet celui de la Banquecentrale européenne

Principales chaînestélévisuelles internationales

Pays souhaitant devenirmembre permanent duConseil de Sécurité de l’ONU

Document 8

Document 9

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20 Séquence 5 – HG11

2. L’économie monde britannique (1850-1914)La Grande-Bretagne prend une avance décisive sur les autres pays au début du XIXe siècle car c’est dans ce pays que le phénomène de l’indus-trialisation a débuté.

Les fondements de sa domination au XIXe siècle sont les suivants :

– C’est l’atelier du monde (« the workshop of the world ») : sa puissance économique est d’abord une puissance industrielle reposant sur l’ex-ploitation des mines du charbon du nord de l’Angleterre et du pays de Galles – le charbon, abondant dans ces régions, étant l’énergie clé de la première industrialisation, sur le développement de l’industrie textile (notamment à Manchester), sur la précocité de la révolution des transports (chemin de fer et marine à vapeur), sur l’importance de l’ou-verture maritime et l’existence de ports tournés vers le reste du monde (Liverpool).

– C’est la métropole d’un immense empire colonial, dont la conquête s’achève au XIXe siècle, sous le règne de la reine Victoria (voir cours sur la colonisation).

En 1850, la Grande-Bretagne produit plus de 40% des produits manufac-turés de la planète. Cette domination économique est aussi une domi-nation financière, symbolisée par le quartier de la City, un quartier d’un mile carré (260 ha), qui regroupe les activités bancaires et d’assurances et voit le développement de la Bourse avec la diffusion de la capitali-sation des entreprises. Cette puissance financière se traduit par une puissance monétaire : la livre-sterling devient la première monnaie des échanges internationaux.

Pourtant, cette puissance connaît une certain déclin à la fin du XIXe siècle : la Grande-Bretagne est alors dépassée par les États-Unis puis par l’Allemagne, qui s’affirme comme la première puissance industrielle européenne à la veille de la Première Guerre mondiale.

The Royal Stock Exchange, la Bourse de Londres, au cœur de la City. Photo de 1895.

Document 10

© akg-images / Ullstein Bild.

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21Séquence 5 – HG11

3. Les États-Unis première superpuissance de rang mondial

La primauté économique des États-Unis s’est affirmée dès la fin du XIXe siècle : ils sont la première puissance économique mondiale depuis 1914, le premier créancier de la planète dans l’entre-deux-guerres.

Mais au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis devien-nent une superpuissance mondiale, victorieuse de l’Allemagne nazie et du Japon mais épargnée par les combats et les grands massacres qui ont ravagé l’Europe et l’Asie.

Les grandes conférences économiques consacrent la domination de cette nouvelle « économie monde ». Les accords de Bretton Woods (1944) font du dollar, considéré comme « as good as gold », la monnaie de référence du nouveau système monétaire international qui se met alors en place. De plus, le GATT (1947) favorise la libéralisation et le développement des échanges internationaux, au profit des grandes firmes américaines. Ces firmes multinationales impulsent la libéralisation des échanges et l’aug-mentation significative du commerce international à partir des années 1950.

Le Chrysler Building à New York, à l’angle de la 42° Rue et de Lexington Avenue. Cliché de 1933.

Construit par l’architecte améri-cain William Van Alen entre 1928 et 1930, il mesure 319 mètres de haut et compte 77 étages. C’est le premier immeuble au monde à avoir dépassé une hauteur de 300 mètres.

Question

Pourquoi ce bâtiment peut-il représenter l’affirmation de la puissance mondiale des États-Unis dans les années 1920 ?

Réponse

Le Chrysler Building a été construit en plein cœur économique de New York dans les années 1920 et 1930, Manhattan. Dans les années

Document 11

© Rue des archives / Spaarmestad

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22 Séquence 5 – HG11

1920, l’économie des États-Unis est prospère, et la place manque pour construire des bâtiments qui doivent aussi symboliser la puissance de leurs commanditaires. Dès lors, le choix de la forme architecturale du gratte-ciel peut-il être compris comme une réponse au manque de place : la verticalité permet d’offrir un grand nombre de mètres carrés de bureaux, en plein cœur économique. Mais cette manière de construire correspond aussi à un défi architectural. Enfin, il s’agit pour l’industriel Walter Chrysler, à la tête de l’entreprise de construction automobile du même nom, et un des chefs d’entreprise majeurs de cette époque, de symboliser sa propre ascension spectaculaire.

Pourtant, le record battu par le Chrysler Building fut rapidement éclipsé : la construction de l’Empire State Building, haut de 381 mètres, com-mence l’année suivante. Paradoxalement, ces bâtiments spectaculaires ont été construits à la veille de l’entrée du pays dans la plus grave crise de son histoire, retardant pour longtemps leur rentabilité.

4. Une économie mondiale multipolaire

Les États-Unis demeurent la première puissance économique mondiale. Toutefois, depuis la fin du XXe siècle, leur domination économique est de moins en moins univoque : des puissances nouvelles, appelées pays émergents, apparaissent de plus en plus comme de sérieux « challen-gers » de la superpuissance mondiale.

Depuis les années 1980, le nombre des pays participant aux échanges mondiaux augmente. Cette croissance a accompagnée le réveil éco-nomique des pays asiatiques, marchant sur les traces du succès japo-nais depuis les années 1950. Ont suivi les Nouveaux Pays Industriali-sés d’Asie (NPIA) dans les années 1980 : Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong avant son rattachement à la Chine en 1997 et Singapour. Surtout, depuis les années 1990, les deux géants démographiques mondiaux, la Chine et l’Inde sont devenus des géants économiques qui connaissent aujourd’hui des taux de croissance économique annuels de l’ordre de 10%.

L’acronyme de BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine – a été forgé pour dési-gner ces puissances particulièrement dynamiques – même si très diffé-rentes – qui revendiquent une place croissante sur la scène internatio-nale, et notamment au sein des grandes institutions de la gouvernance économique internationale comme le FMI. Mais incontestablement, la nouvelle puissance majeure du monde des premières décennies du XXIe demeure la Chine qui voit son économie s’envoler, portée par des taux de croissance économique à deux chiffres, le premier marché de consommation intérieure et sa position de nouvelle usine du monde. Créancière des États-Unis, acteur majeur dans le commerce mondial la Chine entend désormais peser sur la diplomatie mondiale et veut deve-nir l’une des deux super puissances militaires.

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23Séquence 5 – HG11

« Alors que les conséquences économiques et sociales de la crise ne cessent de s’approfondir dans l’ensemble du monde développé, et que les États-Unis sont toujours impliqués dans une guerre en apparence sans fin contre le terrorisme en Afghanistan, le « basculement du monde » vers l’Asie en général, et plus particulièrement la République popu-laire de Chine (RPC), semble inéluctable. L’image d’une superpuissance chinoise est véhiculée dans les médias et intégrée par les opinions publiques et les décideurs politiques. Dans ces conditions, la question est posée d’un monde rebipolarisé, où la RPC, d’ores et déjà dominante dans l’espace asiatique, occuperait la place qui était celle de l’URSS face aux États-Unis.

(…)

Cette image d’une superpuissance chinoise émergeant triomphalement du champ de ruines de la crise mondial s’appuie sur des actes symbo-liquement forts et calculés, comme le rachat de la prestigieuse marque Volvo par le constructeur chinois Geely. »

Introduction du chapitre « Asie » du RAMSES 2011, Un monde post-américain ?, sous la direction de Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges,

Dunod, 2010

Il n’y a donc plus un centre unique de l’économie mondiale mais des centres qui sont liés entre eux par une interdépendance croissante. L’interdépendance entre les économies des États-Unis et de la Chine a même pu contribuer à créer le terme de Chinamérica. Cette interdépen-dance entraîne à la fois des relations réciproques mais aussi une forte compétition entre les différents territoires

Document 12

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24 Séquence 5 – HG11

2 Mutations des sociétés de 1850 à nos jours

La population active : reflet des bouleversements sociaux

1. Une classe ouvrière politisée et syndiquée

Le début des années 1920 marquent une rupture dans l’histoire du monde ouvrier, au moins en Europe en raison de la seconde révolu-tion russe qui porte au pouvoir Lénine et le parti bolchevik en Russie. Le mouvement socialiste se divise alors sur la question du choix entre voie révolutionnaire et voie réformiste. Dès 1919, à Berlin, le mouvement spartakiste, aile gauche du SPD, tente de lancer une révolution de type communiste. Le SPD, alors au pouvoir, choisit de s’allier à l’armée et aux corps francs afin de rétablir l’ordre. La révolution spartakiste est écrasée mais les communistes allemands qui fondent le KPD (Parti communiste allemand) perçoivent l’attitude du SPD comme une trahison et mène-ront une lutte féroce contre la République de Weimar jusqu’à sa chute en 1933.

En France, c’est au congrès de Tours, en décembre 1920, que le mouve-ment socialiste se divise, la majorité allant créer le PCF (Parti commu-niste français). Léon Blum fait partie de ceux qui décident de rester fidèle à la « vieille maison », c’est-à-dire la SFIO. Communistes et socialistes s’opposent de manière violente tout au long des années 1920 et au début des années 1930. L’arrivée au pouvoir d’Hitler, le 30 janvier 1933 et la manifestation des ligues d’extrême droite à Paris, le 6 février 1934 poussent les communistes à adopter une nouvelle attitude qui aboutit la conclusion d’un accord politique, appelé Front populaire, avec les deux autres partis de gauche, le parti radical et la SFIO en 1935. C’est cette coalition de gauche, le Front populaire, qui gagne les législatives d’avril-mai 1936. Avant même la formation du gouvernement, Léon Blum devient président du Conseil le 5 juin 1936, un vaste mouvement de grève se déclenche, s’étendant bientôt à tout le pays. En mai - juin 1936, on compte 12 000 grèves avec 9 000 occupations d’usines, forme nou-velle de lutte qui s’impose sans violence à ce moment. Ces grèves sont l’origine directe des accords Matignon, signés le 8 juin 1936 entre les représentants du patronat et de la CGT.

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A

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25Séquence 5 – HG11

Les grèves de 1936 en France

Cette photo nous montre des ouvriers en grève devant l’usine Sautter-Harle qui fabrique du matériel d’armement militaire. En octobre 1936, les ouvriers sont en grève depuis 34 jours, la direction vient de procéder au licenciement de 20 d’entre eux pour faits de grève et pratique le lock-out, la grève patronale, les portes de l’usine sont fermées et les ouvriers manifestent leur soutien aux licenciés à l’extérieur des bâtiments. Sur la banderole, on lit le nom du syndicat CGT et leur revendication : « contre les affameurs, les patrons partis avec la paie de ouvriers, Vive la CGT, aux licenciements, opposons les 40 heures ».

Les grèves de mai-Juin 1936, totalement spontanées, constituent un moment d’espoir et demeurent une période clé de la mémoire ouvrière dans la mesure où celle-ci semble, pour la première fois, trouver une place au sein de la nation française. C’est également dans les années trente, et en particulier pendant le Front Populaire (1936-1938) que l’ouvrier fait son apparition dans l’art, et en particulier le cinéma. De grands cinéastes, souvent proches du parti communiste, mettent en scène l’époque dans des films qui se veulent des hommages à la classe ouvrière. C’est La vie est à nous de Jean Renoir (1936), c’est la Belle équipe de Julien Duvivier (1936), et l’acteur Jean Gabin impose à l’écran au cours de ces années la figure de l’ouvrier et de l’homme du peuple. Des photographes comme Henri Cartier-Bresson ou Willy Ronis prennent

Document 13

© Suddeutsche Zeitung/Rue des Archives.

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26 Séquence 5 – HG11

sur le vif les scènes de la vie ouvrières et l’atmosphère de kermesse des grèves de mai - juin 1936. Le groupe Octobre, également proche du parti communiste, prétend créer un théâtre populaire, opposé au théâtre bourgeois. De 1932 à 1936, ses membres jouent ainsi dans les usines en grève, lors des meetings politiques, dans les rues. Parmi ses membres, on trouve Jacques Prévert, les acteurs Raymond Bussières ou Maurice Baquet et Paul Grimault, auteur d’un des plus grands films du cinéma d’animation français, Le roi et l’oiseau.

Chronologie des lois sociales

France :

– 1864: droit de grève

– 1884 : autorisation des syndicats

– 1892 : journée de 10 heures pour les femmes et les enfants, interdiction du travail de nuit, 12 heures pour les hommes.

– 1906 : dimanche chômé

– 1910 : retraites paysannes et ouvrières

– 1919 : journée de 8 heures déci-dée par le gouvernement Clé-menceau

– 1936 : congés payés (deux semaines), semaine de travail de 40 heures mis en place par le gouvernement de Front populaire

– 1945 : ordonnance du 4 octobre sur la création d’un système généralisé de sécurité sociale (assu-rance maladie, chômage, vieillesse).

– 1950 : création d’un salaire minimum, le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti qui devient le SMIC (salaire minimum interprofession-nel de croissance) en 1970.

– 1956 : troisième semaine de congés payés.

Autres pays

– 1853 : en Prusse, interdiction du travail au moins de 12 ans

– 1860 : aux États-Unis, la journée de travail est limi-tée à 10 heures

– 1875 : reconnaissance du droit de grève en Grande-Bretagne

– 1883-1889 : lois sociales en Allemagne du chan-celier Otto von Bismarck portant sur la maladie, les accidents du travail, la retraite

– 1911 : en Angleterre, assurances chômage et mala-die

– 1948 : National Health Service

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27Séquence 5 – HG11

2. L’entrée des populations dans la société de consommation et des loisirs

a) Les travailleurs deviennent des consommateurs

Après la Seconde guerre mondiale, la croissance économique reprend enfin, s’ouvre alors la période des Trente Glorieuses. La fin de la guerre ne marque pas immédiatement la fin des difficultés, en particulier dans l’Europe dévastée. Le rationnement des denrées de première nécessité est maintenu jusqu’au début des années 1950 en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne.

L’année 1947 est marquée, en particulier en France par de très impor-tantes grèves qui prennent parfois un caractère quasi insurrectionnel.

On peut admettre qu’en France le revenu par tête a augmenté d’1,4 % par an entre 1814 et 1913 ce qui revient à une multiplication par 4 en un siècle. Désormais, le niveau de vie augmente beaucoup plus vite, sou-vent de 2 à 5 % par an. Avec la Reconstruction et l’essor économique, les années 1950 constituent une sorte d’apogée pour la classe ouvrière.

En France, vers 1950, les ouvriers sont 6 millions, soit le tiers de la population active. Beaucoup d’entre eux viennent des campagnes car la mécanisation des campagnes qui prend son essor dans les années 1950 entraîne une chute du salariat agricole et corrélativement une accéléra-tion de l’exode rural.

Cette classe ouvrière élargie constitue une clientèle électorale prioritai-rement tournée vers le PC qui connaît alors son âge d’or en France et en Italie. De même, le syndicalisme français, qui n’était devenu un syndi-calisme de masse qu’avec le Front populaire, atteint son apogée, la CGT comptant 4 millions d’adhérents en 1945-1946.

L’essor économique et l’augmentation des salaires permet à la classe ouvrière, mais aussi aux petits employés du tertiaire, aux petits com-merçants d’accéder, pour la première fois de leur histoire à la société de consommation. Symbole de cette évolution, l’accession à l’automobile de franges de plus en plus larges de la population. Désormais, l’industrie automobile européenne suit la voie tracée par Ford dès les années 1910.

En Allemagne, la Volkswagen, appelée Coccinelle en France, conçue avant guerre, devient, comme son nom l’indique, la voiture du peuple. En France, la 4 CV est présentée au salon de l’automobile de Paris dès 1946 (la Régie Renault en vendra 1 105 000 exemplaires avant d’en arrêter la production en 1961). En 1955, on ne compte encore que 7 % d’ouvriers parmi les acheteurs de voitures neuves, mais d’occasion, la voiture n’est plus forcément un rêve inaccessible et en 1970, plus de 70 % des ménages de contremaîtres et d’ouvriers qualifiés possèdent une automobile.

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28 Séquence 5 – HG11

Couple attablé devant une 4 CV, en Camargue, 1954, France.

1 Décrivez cette photographie en distinguant le premier plan, le deu-xième plan, l’arrière-plan. Qu’est-ce que représente cette scène ?

2 Quels sont les éléments qui vous permettent de supposer que cette photographie représente une scène de la vie des classes populaires ?

1 Nous pouvons distinguer au premier plan de la photographie un couple attablé pour un pique-nique. On trouve au deuxième plan l’au-tomobile du couple, une 4 CV. Celle-ci, est en bordure de route. En arrière-plan, on remarque des cabanes de pêcheurs caractéristiques de la Camargue, et au delà une étendue d’eau. On peut supposer que nous sommes un dimanche ou lors d’une journée de vacances. Le couple est venu se détendre de la tension de la vie urbaine.

Document 14

Questions

© Roger-Viollet.

Réponses

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2 Le couple, tel qui nous est présenté, est typique des classes popu-laires des années 1950. A cette époque, le vêtement est encore lar-gement représentatif de la classe sociale à laquelle on appartient. L’homme porte la casquette des ouvriers, ainsi qu’un maillot de corps et vraisemblablement un pantalon de bleu (c’est-à-dire le vêtement de travail des ouvriers en grosse toile). La 4 CV, est, quant à elle, par excellence la voiture des classes populaires.

La nourriture qui représentait souvent le premier poste de dépense des ménages populaires avant guerre laisse désormais plus de place pour d’autres achats. Le mot prêt-à-porter apparaît dans la langue française en 1949 ; il transcrit un nouvel usage pour les catégories populaires et moyennes, celui d’acheter ses vêtements dans les supermarchés qui apparaissent alors. Edouard Leclerc ouvre son premier magasin parisien à Issy-les-Moulineaux en 1959, Carrefour ouvre sa première grande sur-face à Annecy en 1960.

Les changements des sociétés industrielles s’accélèrent encore dans les années 1960. Entre 1960 et 1975, le revenu par habitant double en France. D’autres objets symboles de la société de consommation enva-hissent alors les foyers, le réfrigérateur, le lave-linge, l’électrophone qui va de pair avec le développement de l’industrie du disque et l’apparition d’une culture à destination des adolescents, ou encore la télévision.

b) La société de loisirs pour tous

Le XIXe siècle est marqué par le développement des premiers loisirs de masse. La presse, la « littérature de gare » sous forme de romans poli-ciers bon marché – Arsène Lupin du Français Maurice Leblanc, Sherlock Holmes du Britannique Conan Doyle, Harry Dickson du Belge Jean Ray – ou de feuilletons en revue connaissent un formidable essor dans la deu-xième moitié du XIXe siècle en raison de la généralisation progressive de l’école. Le début du XXe siècle voit l’apparition de nouvelles formes de loisirs promises à un grand succès, le cinéma, art populaire s’il en est, mais aussi le sport spectacle. Au XVIIIe siècle, la pratique du sport s’impose dans l’aristocratie britannique. La période qui suit voit la géné-ralisation progressive de certaines activités sportives aux autres classes sociales. Le football, né en Angleterre devient très populaire sur le conti-nent dès la fin du XIXe – Le Havre Hatletic Club, premier club français, est créé dès 1894. Ce sport commence alors la formidable ascension qui en fait le premier loisir de notre époque. Le vélo est également particulière-ment apprécié des classes populaires comme en témoigne la naissance du Tour de France cycliste en 1903.

Mais c’est à partir des années 1960 que le monde occidental entre réel-lement dans la « civilisation des loisirs ». La hausse du niveau de vie permet à de plus en plus de personnes de partir en vacances ; même si ceux qui ne partent pas représentent encore environ 40 % de la popula-tion d’un pays comme la France. Par ailleurs, le baby boom contribue au

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rajeunissement des populations européennes et à l’émergence dans les années 1960 de classes d’âge plus nombreuses et disposant d’un plus grand pouvoir d’achat. Ces conditions socio-économiques expliquent l’apparition, à la fin des années 1950, d’une « culture jeune », d’abord aux États-Unis, avec sa musique, le rock, ses héros, James Dean, ses films, Graine de violence de Richard Brooks (1955) ou L’équipée sau-vage avec Marlon Brando (1953)… En France, l’arrivée du rock et du twist débouche sur le phénomène « yé-yé » Dans la nuit du 22 au 23 juin 1963, place de la Nation à Paris, à l’appel de Daniel Filipacchi, sur Europe 1 et du journal Salut les copains, premier journal français spécifiquement destiné aux adolescents, 150 000 « jeunes » viennent applaudir leurs idoles, Sylvie Vartan, Richard Anthony et Johnny Hallyday.

Johnny Hallyday et son épouse Sylvie Vartan dans une scène de D’où viens-tu Johnny, film français de Noël Howard (1964)

Salut les copains (extraits)

La nouvelle classe adolescente

« L’adolescence surgit en classe d’âge, dans le milieu du XXe siècle, incontestablement sous la stimulation permanente du capitalisme du spectacle (…).

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© Rue des Archives/AGIP.

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L’adolescence en tant que telle apparaît et se cristallise lorsque le rite de l’initiation dépérit ou disparaît, lorsque l’accession à l’état d’homme se fait graduellement. Au lieu d’une rupture, sorte de mort de l’enfance et de renaissance à l’état adulte, se constitue un âge de transition (…) qui fournit le terrain favorable à l’éventuelle constitution d’une classe d’âge adolescente (…).

La constitution d’une classe d’âge adolescente n’est pas qu’un simple accès à la citoyenneté économique (…). Cette promotion constitue un phénomène complexe qui implique notamment une précocité de plus en plus grande (…).

La formation de la nouvelle classe s’effectue dans un climat de promo-tion des valeurs juvéniles dans l’ensemble de la société, rester jeune est devenu l’ambition du « croulant »(c’est-à-dire l’adulte).

La classe d’âge s’est cristallisée sur :

– une panoplie commune qui du reste évolue au fur et à mesure que les « croulants » avides de juvénilité se l’approprient : ainsi ont été arborés blue-jeans, polos, blousons et vestes de cuir, tee-shirts imprimés, chemises brodées (…)

– l’accession à des biens de propriété pour les décagénaires (c’est-à-dire des jeunes gens d’une dizaine d’années) : électrophone, guitare de préférence électrique, radio à transistor, collection de disques, etc.

– un langage commun ponctué d’épithètes superlatives comme « ter-rible », sensass (…)

– ses héros. Un culte familier d’idoles-copains est né. »

Sociologie de Edgar MORIN, © Librairie Arthème Fayard, 1984.

1 Quelles sont les caractéristiques de la nouvelle classe d’âge adoles-cente ?

2 Quelles sont les raisons de l’apparition de cette classe d’âge ? Que signifie l’expression « citoyenneté économique » ?

1 L’adolescence est une création du XXe siècle, et tout particulièrement des années 1950-1960. Auparavant, on passait de l’enfance à l’âge adulte sans guère de transition. Cette nouvelle classe d’âge adoles-cente se constitue, selon le sociologue Edgar Morin, autour de modes vestimentaires communes – le jeans, le polo, le blouson, de pra-tiques culturelles – la musique rock, les films de jeunes, le « culte » des idoles comme James Dean, la possession d’objets générationnels comme les disques, l’électrophone, ou encore un langage particulier fait d’onomatopées, de superlatifs…

2 Les raisons de l’apparition de la classe d’âge adolescente sont mul-tiples. Le baby-boom et la présence d’une jeunesse désormais plus nombreuse dans les années 1950-1960 sont sans doute un élément

Questions

Réponses

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de réponse. Mais, il faut également prendre en compte l’ouverture de l’école secondaire aux enfants des classes moyennes, la durée des études qui se prolonge retarde d’autant l’âge moyen d’entrée dans le monde du travail. Enfin et surtout, l’élévation continue du niveau de vie permet désormais aux enfants des classes moyennes d’accéder vers l’âge de dix ans à une « citoyenneté économique », c’est-à-dire à la capacité d’acheter des objets fabriqués spécialement pour eux, grâce à l’argent de poche que leur donne leurs parents. C’est comme si, désormais, la capacité d’acheter constituait un élément constitutif essentiel de la citoyenneté des classes d’âge issues du baby-boom.

Le sociologue Edgar Morin voit dans cet événement la démonstration du fait que l’adolescence – ce qu’il appelle alors la « génération des copains » – constitue désormais une classe d’âge à part entière, coupée de l’enfance et en rupture avec la société des adultes, disposant de ses propres repères, de son langage, de sa propre culture… Cette individua-lisation de la jeunesse en classe d’âge à part entière s’explique encore par la généralisation de l’enseignement secondaire. Avant la Seconde guerre mondiale, l’enseignement secondaire était réservé à l’élite sociale. Après la guerre, les collèges et les lycées ou leur équivalent, s’ouvrent largement aux enfants des classes moyennes, d’abord pour les garçons, puis pour les filles qui rattrapent les effectifs masculins au milieu des années 1960. L’entrée dans l’âge adulte, généralement mar-quée par l’entrée dans le monde du travail, recule largement au cours des Trente Glorieuses. Dans les années 1950, les enfants des classes populaires entraient le plus souvent dans le monde du travail vers l’âge de 15 ans, au début des années 1970, l’entrée en activité se situe désor-mais au delà de 18 ans et cet âge continue à reculer jusqu’à nos jours.

c) De nouvelles formes d’urbanisation

Pour répondre à la concentration humaine des villes de l’âge industriel, et à la circulation toujours plus importante, des architectes et urbanistes cherchent des solutions audacieuses.

Ainsi, l’architecte allemand Walter Gropius crée le Bauhaus, situé à Wei-mar de 1919 à 1925 puis à Dessau de 1925 à 1932 et enfin Berlin de 1932 à 1933. Cette école d’architecture ambitionne d’unir l’architecture et les arts (sculptures, peintures) et Gropius prétend révolutionner l’ar-chitecture grâce au nouveau matériel que lui offre l’âge industriel : le béton, l’acier, le verre.

Le Corbusier se propose de résoudre le problème de l’entassement dans les centres villes en densifiant l’habitat grâce à l’architecture verticale et en repensant la totalité de l’espace urbain sur une base géométrique. Ainsi le Plan Voisin de 1925 prévoyait de raser le centre de Paris pour y établir un grand axe autoroutier Nord-Sud / Est -Ouest. Des tours de 60 étages auraient logé les Parisiens. Les quartiers du Marais et du Temple auraient été rasés, sauf quelques églises.

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Plus modestement, l’entre-deux-guerres voit la multiplication des lotis-sements ouvriers sous formes de petits immeubles ou de pavillons bon marché dont la trame suit celle des voies ferrées.

Les plus grands changements surviennent cependant après la Seconde guerre mondiale. Au lendemain du conflit, l’Europe, détruite, manque cruellement de logements. L’exode rural s’accélère rapidement, les campagnes se vident créant dans certaines régions un véritable désert humain. C’est ce qu’évoque, en 1967, le sociologue Henri Mendras dans un livre intitulé La fin des paysans. De véritables bidonvilles, occupés en particulier par les populations immigrées qui arrivent en grand nombre dans une France qui, en plein essor économique, manque cruellement de main d’œuvre, se développent à la périphérie des grandes villes fran-çaises. Le bidonville de Nanterre, près de Paris ne disparaît qu’au début des années 1970.

Le bidonville de Nanterre et des barres HLM à l’arrière-plan, 1965

d) « L’heure » des grands ensembles

L’heure est à la rationalisation de l’espace et la solution retenue en Europe est souvent celle du grand ensemble. C’est en particulier en France que l’État s’emploie à développer ce type d’habitat, sous la forme de ZUP, créées en 1958, puis de ZAC à partir de 1967. Ces grands

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ensembles, plutôt sous forme de barres d’immeubles dans les années 1950-1960 puis sous celle de tours dans les années 1970, étaient cen-sés répondre à un souci d’organisation rationnel de l’espace, offrant aux nouveaux habitants tout le confort moderne, notamment en matière de douche et de sanitaires, dans un pays où, avant la guerre, la plupart des appartements en étaient dépourvus. On voit donc des villes entières sor-tir de terre, un des exemples les plus connus étant celui de Sarcelle.

Critiqués parfois dès leur construction, le langage populaire utilisant des expressions imagées comme celles de « cages à poules » ou plus encore de « cages à lapins » pour désigner ces types de construction, les grands ensembles font l’objet d’une réprobation générale à partir des années 1970-1980. A l’origine, ces constructions avaient servi d’espace de rési-dence aux classes populaires, et notamment ouvrières, de l’après-guerre. Avec la hausse du niveau de vie, la plupart de ces familles s’en vont en grande banlieue, où le terrain est moins cher, pour se faire construire un pavillon. Mais, à partir du milieu des années 1970, avec la crise, tout change. Le chômage augmente rapidement et frappe tout particulière-ment les populations des grands ensembles – il n’est pas rare que le taux de chômage y atteigne 40 % pour une moyenne nationale d’environ 10 % - et celles-ci ne peuvent désormais plus guère espérer en partir. Souvent extrêmement délabrés à peine quinze ans après leur construction, encla-vés au cœur du tissu urbain et souvent mal reliés au centre, lieux de toutes les pathologies sociales, chômage, éclatement des cellules fami-liales, délinquances, trafic divers, ces espaces urbains reçoivent souvent l’appellation dès les années 1980 de « quartiers sensibles ».

3. Une nouvelle place pour la femme

La société industrielle est également marquée par l’irruption de plus en plus massive des femmes dans le salariat. Contrairement à une idée reçue, les femmes travaillent avant la guerre de 1914-1918, outre celles qui sont paysannes, elles sont également largement majoritaires dans l’industrie textile dès le XIXe siècle. Néanmoins, la Première guerre mon-diale marque un saut quantitatif et qualitatif, permettant aux femmes d’accéder à de nouveaux emplois industriels, par exemple dans les industries mécaniques comme le montre l’exemple de Renault, ou chimiques où les salaires sont plus élevés que dans le textile, ou et à des emplois de service de plus en plus nombreux comme secrétaires, employées de bureau, institutrices.

La place des femmes dans la société commence également à évoluer. Cela se traduit notamment par l’apparition des suffragettes en Grande-Bretagne. Ces femmes, appartenant le plus souvent à la bonne société britannique mènent des actions spectaculaires afin d’obtenir le droit de vote à l’égal des hommes. En 1913, Emily Davison est mortellement blessée en tentant d’arrêter le cheval du roi George V lors d’une course. Les femmes britanniques obtiennent le droit de vote (30 ans contre 21

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ans pour les hommes) en 1918, les Allemandes et les Américaines en 1919 mais les Françaises devront attendre l’ordonnance du 5 octobre 1944 prise par le Gouvernement provisoire de la République pour exer-cer elles aussi leur devoir civique.

Une suffragette

Christabel Pankhurst est la fille aînée de Emmeline Pankhurst, une des suffragettes britanniques les plus célèbres. On la voit ici à Manchester, en janvier 1909, peu après sa libération de prison.

L’après-guerre est également mar-quée par la mode des garçonnes, celles-ci symbolisant un nouveau type de femmes. Néanmoins, pour la plupart des femmes les choses changent peu encore, elles demeurent sous l’étroit contrôle des hommes.

Encore une fois, c’est la seconde guerre mondiale qui constitue la césure fondamentale. Les femmes profitent elles aussi de la généralisation de l’école secondaire à l’ensemble de la jeunesse. La mixité entre garçons et filles se répand dans les années 1960 en France, en Allemagne, aux États-Unis, un peu plus tardivement en Grande-Bretagne. Les femmes

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Christabel Pankhurst à Manchester en 1909. © The Granger Collection NYC / Rue des Archives.

Taux d’activité des femmes de 15 ans et plus en France

1906 39 % 1975 38,9 %

1954 36,2 % 1982 43,4 %

1968 36,1 % 1990 46,4 %

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travaillent également de plus en plus et leur mode d’activité change par rapport à l’avant-guerre. Auparavant, elles travaillaient souvent avant leur premier enfant, s’arrêtaient jusqu’à l’orée des quarante ans pour élever les enfants avant de reprendre une activité. Désormais, beaucoup de femmes ne s’arrêtent que le temps d’une, de deux ou de trois mater-nités. En France, en 1962, 38 % des femmes travaillent entre 20 et 40 ans mais elles sont 65 % en 1990.

Mais, ce n’est guère avant les années 1960 que les sociétés occidentales mettent en place les réformes qui permettent à la femme de conqué-rir son autonomie : autorité parentale sur les enfants partagée avec le père, possibilité de disposer de ses biens et d’ouvrir un compte bancaire sans le contrôle de l’époux… Les États-Unis jouent le rôle pionnier en la matière. La pilule contraceptive y est autorisée dès 1960 (1967 avec la loi Neuwirth en France) et le féminisme, dans l’atmosphère d’émulation idéologique des années 1960, y prend une forme particulièrement viru-lente avec la création du Women’s Liberation movement (Mouvement de Libération des femmes) qui milite pour le droit à la contraception et à l’avortement. A travers ce combat, les femmes réclament le droit de pouvoir disposer de leur corps à l’égal des hommes. Ces mouvements américains sont l’origine directe de la création du MLF français (Mouve-ment de libération des femmes) En France, il faut attendre la loi Veil sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse) en 1975 pour que l’avorte-ment soit dépénalisé.

Depuis la Seconde guerre mondiale, les femmes ont gagné une autono-mie nouvelle mais, à compétences égales, elles ont encore bien souvent un salaire inférieur à celui des hommes et demeurent largement minori-taires dans toutes les fonctions de direction ou d’encadrement.

4. De la critique de la société de consom-mation à la société post-industrielle

a) L’explosion de 1968

Avant même 1968, la société de consommation donne lieu à de nom-breuses critiques, notamment à l’extrême gauche, et même parfois dans certains milieux de droite. L’Internationale situationniste, groupe d’extrême gauche qui prend son essor dans les années 1950, notam-ment en France et en Italie, prétend rompre avec le malheur historique de la société de classes et la « dictature de la marchandises » par l’orga-nisation de la révolution. Parmi ses figures les plus connues, le philo-sophe français Guy Debord qui se rend notamment célèbre en publiant, en 1967, la Société du spectacle, un ouvrage qui dénonce les nouveaux médias, notamment la télévision, et les formes modernes du spectacle de masse comme autant d’entreprises d’abrutissement des masses.

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L’année 1968 est celle d’une formidable explosion contestataire de la jeunesse, en particulier aux États-Unis, en France et en Allemagne, et même dans le Bloc de l’Est où le Printemps de Prague se comprend au moins en partie en écho aux soubresauts de la jeunesse des pays occidentaux. La contestation commence sur les campus universitaires, notamment ceux de Californie, à une époque où l’université est encore largement réservée aux enfants de la bourgeoisie. Aux États-Unis, l’agita-tion universitaire s’explique en grande partie par l’opposition à la guerre du Viet-Nam et par le refus de partir mais pas seulement. Des romanciers comme Jack Kerouac, en particulier avec son roman Sur la route, publié en 1957, invitent la jeunesse américaine à s’engager dans un voyage sans fin le long des highways des États-Unis, loin du conformisme de la société capitaliste.

La « beat generation »

« J’ai connu Dean peu de temps après qu’on eût rompu ma femme et moi. J’étais à peine remis d’une grave maladie dont je n’ai rien à dire sinon qu’elle n’a pas été étrangère à cette lamentable et déprimante rupture, à mon impression que tout était foutu. Avec l’arrivée de Dean Moriarty com-mença le chapitre de ma vie qu’on baptiser « ma vie sur la route ». Aupa-ravant, j’avais souvent rêvé d’aller vers l’Ouest pour voir le pays, formant toujours de vagues projets que je n’exécutais jamais. Pour la route, Dean est le type parfait, car il y est né, sur la route, dans une bagnole, alors que ses parents traversaient Salt Lake City en 1926 pour gagner Los Angeles. »

Jack Kérouac, Sur la route, Gallimard, collection Folio, traduction Jacques Houbart, 1972.

Des groupes de rock comme les Doors dont les textes, souvent oni-riques, sont signés par leur chan-teur charismatique Jim Morrisson, un film à grand succès comme Easy Rider, sorti sur les écrans américains en 1969, participent de la même contre-culture qui pré-tend rejeter la société de consom-mation et son culte de la réussite matérielle.

Grand succès cinématographique de l’année 1969 aux États-Unis, Easy Rider raconte l’odyssée de

deux motards américains qui traversent le sud des États-Unis d’ouest en est, se confrontant au passage à une Amérique conservatrice et raciste. Cette traversée de cette Amérique réactionnaire leur sera fatale.

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Document 20 Photographie d’Easy Rider

© COLUMBIA PICTURES / ALBUM / akg-images.

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En France, le mouvement de 1968 débute sur le campus de Nanterre avec le mouvement du 22 mars, autour de la figure d’un jeune étu-diant en sociologie, Daniel Cohn Bendit. A la suite de l’évacuation des locaux de l’université de Nan-terre le 2 mai 1968, il fait partie

des étudiants qui partent occuper la Sorbonne. C’est le début du mouve-ment de mai 1968 qui va si profondément bouleverser la France. Les étu-diants dénoncent le capitalisme, l’atmosphère d’ordre moral qui règne dans la France du général de Gaulle à laquelle ils opposent la liberté sexuelle et sont bientôt rejoints, le 13 mai, par le monde ouvrier qui se lance dans une grève générale, la plus importante de l’histoire française (8 millions de grévistes le 22 mai). Fin mai, l’essence a disparu des sta-tions, le pays est totalement bloqué. Le 27 mai, les Accords de Grenelle, signés à l’initiative du Premier ministre Georges Pompidou, entre la CGT et le CNPF (Confédération nationale du patronat français) aboutissent à l’augmentation de 25 % du salaire minimum (SMIG). Ceux-ci ne mettent pas fin immédiatement aux grèves et aux manifestations étudiantes mais le mouvement reflue début juin et se clôt sur la victoire écrasante du parti gaulliste aux élections législatives des 23 et 30 juin 1968.

Le mouvement de 1968 a pourtant profondément marqué la société fran-çaise. La jeunesse en tant que groupe est désormais un acteur à part entière de la société. Les anciens rapports hiérarchiques sont remis en cause dans les années qui suivent, par exemple à l’université. L’ensei-gnement supérieur commence également dans les années 1970, après le secondaire, sa massification avec une explosion des effectifs d’étu-diants…

b) La crise économique des années 1970 et ses conséquences

Le premier choc pétrolier met fin à la période des Trente Glorieuses. La croissance économique ne disparaît pas, mais elle retrouve désormais les niveaux du XIXe siècle, de 1 à 2 % par an pour la plupart des pays déve-loppés, trop peu pour empêcher le chômage de s’envoler. Le second choc pétrolier de 1979, lié à la révolution islamique en Iran vient renforcer le marasme. Les chocs pétroliers ne sont pas seuls en cause. Le début des années 1970 marque également la fin d’un cycle économique, celui des industries tayloriennes. Désormais, les industries de main d’œuvre occi-dentales ou japonaises, utilisant des travailleurs peu qualifiés ne sont plus compétitives face à des pays émergents comme le Brésil, ou plus tardivement la Chine qui offrent pour le même travail une main d’œuvre bien meilleur marché. Aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Belgique, en Allemagne dans une moindre mesure, les secteurs de la sidérurgie, du textile, des charbonnages voient leurs effectifs fondre.

Vous pouvez chercher des informations sur votre moteur de recherches en monde image sur le film Easy Rider.

Pour aller plus loin…

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En France, entre 1975 et le début des années 1990, la sidérurgie perd près de 90 % de ses emplois et les grands groupes comme Usilor-Saci-lor ne survivent qu’en automatisant au maximum leurs usines et en se reconvertissant vers les activités de plus haute technologie comme la fabrication d’aciers spéciaux.

Usine sidérurgique entièrement automatisée Usinor de Longwy (Meurthe-et-Moselle) en 1979

L’industrie automobile, également touchée se restructure beaucoup plus vite en Europe qu’aux États-Unis mais elle licencie également. Suivant l’exemple du Japon, elle robotise la plus grande partie du processus de fabrication de l’automobile afin d’abaisser les coûts de fonctionnement et faire face à la concurrence.

Les grandes régions de vieilles industries, celles qui avaient été le fer de lance de la révolution industrielle en Angleterre, en France, en Belgique, aux États-Unis s’enfoncent dans une crise durable qui, dans bien des cas, n’a pas encore trouvé de solutions quarante ans après. La grève des mineurs de 1984-1985 en Grande-Bretagne n’empêche pas le gouvernement Thatcher de fermer de très nombreux puits de mine, ren-tables ou non. En France, le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine, perdent la plus grande partie de leurs activités industrielles, de même dans le Borinage, dans la région de Charleroi, en Belgique, les mines ferment les unes après les autres. A Liège, ancien cœur industriel du pays, la sidérurgie, notamment autour du groupe Cockerill, perd l’essentiel de

Document 21

© Roger-Viollet. Coulée d’acier automatisée. L’usine fonctionne avec un personnel très peu nombreux.

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ses emplois au cours des années 1990. Aux États-Unis, le Manufacturing Belt, ancien poumon industriel du pays autour des Grands Lacs, sombre également dans le marasme. Les usines ferment les unes après les autres, les friches industrielles se multiplient tout comme dans le nord de l’Angleterre et en Europe continentale. L’industrie automobile, cen-trée en particulier sur Detroit, connaît également d’immenses difficultés et le 3e grand constructeur américain, Chrysler, est au bord de la faillite au milieu des années 1980. La Ruhr connaît également une situation difficile. Là aussi, les vieilles usines ferment, les friches industrielles se multiplient – certaines donneront lieu à de brillantes réhabilitations sous forme de musées, de salles de spectacles au cours des années 1990 – mais la qualité de la production allemande contribue à faire que la crise y est moins grave qu’ailleurs. Aujourd’hui encore, la Ruhr demeure un des premiers espaces industriels d’Europe, où une partie des activités s’est réorientée vers les hautes technologies, même si le taux de chômage y reste bien plus fort que dans le Pays de Bade voisin ou la Bavière davan-tage tournés vers le tertiaire supérieur ou les industries de pointe.

c) La tertiarisation accélérée des économies occidentales

Les années 1970 marquent donc la fin d’un âge d’or de la classe ouvrière. Si les ouvriers constituent encore de nos jours 20 % de la population active en France et 33 % en Allemagne ils ne constituent plus une classe homogène dotée d’une culture et de solidarité spécifiques. A l’inverse, la crise a accéléré la tertiarisation des économies des pays dévelop-pées. Désormais, dans la plupart de ceux-ci – à l’exception de l’Alle-magne – le tertiaire représente plus de 75 % de la population active. Les secteurs du commerce et de la finance ont été ceux qui ont créé le plus d’emplois depuis les années 1970. Cette situation amène parfois certains économistes à parler d’économies post-industrielles expression qu’il faut cependant nuancer. D’une part, dans de nombreux pays déve-loppés, dont la France, le secteur secondaire n’a jamais représenté plus de 50 % de la population active ; par ailleurs, même si l’industrie a vu fondre ses effectifs depuis une trentaine d’années, c’est bien souvent ce secteur qui entraîne par son dynamisme le reste de l’économie. Ainsi le secteur de l’informatique et le secteur militaro-industriel aux États-Unis, la chimie, l’agro-alimentaire, l’automobile ou l’aérospatiale ou l’arme-ment en France, la chimie, l’électronique ou également l’automobile en Allemagne, l’électronique, avec des groupes comme Sony, l’informa-tique ou encore l’automobile au Japon…

d) Les nouvelles formes de précarité

La pauvreté n’a jamais disparu des sociétés industrialisées, pas même durant les Trente Glorieuses. La société américaine où la révolution conservatrice s’est accompagnée, tout comme en Grande-Bretagne, d’un

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accroissement considérable des inégalités, compte rarement moins de 15 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté.

En France, au cours de l’année 1954, marquée par un hiver particulière-ment rigoureux, l’abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, attire l’at-tention de l’opinion et des pouvoirs publics sur le sort des sans-abris. La crise et l’augmentation du chômage conduisent à l’explosion de la précarité à partir des années 1980.

Le nombre de ceux qu’on appelle désormais les sans domicile fixe (SDF) en France, Homeless aux États-Unis croît rapidement et les associations caritatives, comme le Secours catholique ou les Restos du cœur créés par le comédien et humoriste Coluche en 1985, en France, reçoivent des foules croissantes d’année en année.

La précarisation d’une partie de la population s’accompagne à partir des années 1980 de la hausse de la délinquance dans les quartiers défa-vorisés des grandes villes. Aujourd’hui, ce sont 7,2 % des Français qui vivraient selon l’INSEE sous le seuil de pauvreté.

Les restos du cœurDocument 22

Coluche, lors de l’ouverture des « restos du cœur » le 21 décembre 1985.

© Louis Monier/Rue des Archives.

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5. La France : Un modèle socio-économique original

a) La révolution des campagnes

Le poids démographique et économique des campagnes diminue gra-duellement jusqu’aux années 1950, puis tout s’accélère à partir de cette date. Alors que le géographe Jean-François Gravier évoquait déjà, dans un ouvrage célèbre, Paris et le désert français, publié en 1947, la ten-dance de Paris à concentrer l’essentiel du dynamisme humain et éco-nomique français, l’après Seconde guerre mondiale voit l’apparition de véritables « déserts » ruraux. De 1946 à 1954, le monde rural perd 1 mil-lion d’actifs et encore 700 000 de 1954 à 1962. Ceux qui partent sont tout d’abord les journaliers. Avec la mécanisation accélérée de l’agricul-ture française, ceux-ci trouvent de moins en moins de travail dans les campagnes. Ils vont alors s’embaucher dans les industries tayloriennes en plein essor. Le projet de modernisation trouve un écho important dans la génération des jeunes agriculteurs, souvent formés par la JAC (Jeunesse agricole chrétienne) qui, née avant guerre, atteint son apogée au début des années 1950.

Des régions jusqu’à là moins touchées que d’autres par l’émigration rurale comme la Bretagne, peut-être en raison de la langue, sont désor-mais touchées par l’exode rurale. D’autre régions continuent à se dépeu-pler et finissent par former de véritables « déserts » humains, notam-ment évoqués par le sociologue Henri Mendras dans son ouvrage, La fin des paysans (1967). L’intérieur de la Lorraine et les Vosges, l’intérieur de la Champagne, le Massif central surtout à l’exception de la région de Clermont-Ferrand et des environs de quelques grandes villes comme Limoges, l’essentiel des Pyrénées, l’intérieur de la Corse. On parle désor-mais de « diagonale du vide » pour désigner ces régions du « rural pro-fond ».

La « fin » des paysans, extraits

« La plupart des historiens de l’agriculture française se sont félicités de la « sagesse française » grâce à laquelle notre pays s’est gardé de pousser la révolution agricole du XVIIIe siècle jusqu’à ses conséquences sociales extrêmes [c’est-à-dire à la disparition progressive de la classe paysanne par la biais d’un exode rural précoce, la France, contrairement à la Grande-Bretagne, conserve une classe paysanne très nombreuse jusqu’à la Première guerre mondiale]…

Aujourd’hui, la seconde révolution agricole bouleverse toutes les struc-tures et le sage équilibre est rompu. L’agriculture, à son tour, « s’indus-trialise » et la paysannerie française est tuée, avec cent cinquante ans de retard, par la civilisation qu’on appelle industrielle. »

La Fin des paysans, Henri Mendras, 1967 pour la première édition.

Document 23

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43Séquence 5 – HG11

À partir du recensement de 1982, la tendance à l’augmentation de la population urbaine, qui représente dès lors environ 85 % de la popu-lation totale, semble stagner. Certaines campagnes semblent même regagner des habitants et certains analystes n’hésitent pas alors à par-ler de renaissance des campagnes. En fait, depuis les années 1980, le rural profond continue à perdre des habitants et le relatif dynamisme démographique de certaines campagnes s’explique par des migrations de retraite, comme c’est le cas dans le département de la Creuse, ou, bien plus souvent par des phénomènes de péri-urbanisation qui trans-forment des bourgs ruraux en communes dortoirs pour urbains.

Cette évolution se traduit également par la baisse continue du nombre de paysans dans la population active. En 1950, les agriculteurs étaient 6 millions, ils ne sont plus que 1, 7 millions en 1982. En 1946, les agri-culteurs représentaient 30 % de la population active, 7 % en 1982 et moins de 4 % aujourd’hui. Ce recul du poids social du monde paysan témoigne de la révolution sociale qu’a connue la France depuis 1945.

b) Démographie et société

La démographie française est particulièrement originale. La France est le premier pays du monde à s’être engagé dans la Transition démogra-phique. Dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, certaines régions comme le Bassin parisien ou le Sud-Ouest enregistrent un début de baisse de la natalité. La natalité continue à décroître tout au long du XIXe siècle, alors qu’elle reste élevée en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, au Japon, et la baisse de la mortalité, notamment infantile, est beau-coup moins rapide que dans les autres pays développés. Ainsi, dès avant la Première guerre mondiale, l’accroissement naturel est souvent négatif. Après la guerre, la natalité remonte quelque peu, avec le retour des hommes du « Front » mais retombe rapidement pour se stabiliser à moins de 15°/oo. Dans un pays de tendance malthusienne comme la France, on mesure l’ampleur du changement que constitue le baby-boom. Dès 1944, la natalité remonte et dépasse les 20°/oo jusqu’au milieu des années 1960. Dans le même temps, la mortalité infantile qui était encore de 71°/oo en 1936 décroît rapidement pour être aujourd’hui une des faibles de la planète (moins de 5°/oo). Cet essor démogra-phique qui perdure jusqu’au milieu des années 1960 se marque par un rajeunissement de la population française. En 1936, les moins de 20 ans constituaient 28,9 % de la population totale, 30,7 % en 1954 et 33,1 % en 1962. L’entrée dans l’adolescence et la jeunesse des classes d’âge nombreuses du Baby boom au début des années 1960 contribue à ren-forcer les effets de la société de consommation et à expliquer l’ampleur de la révolution sociale que connaît la France au cours de ces années.

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44 Séquence 5 – HG11

Pour commenter une courbe prenez bien de la lire sur toute sa longueur en cherchant à dis-tinguer les différentes phases sans vous perdre pour autant dans les détails. Il ne s’agit pas de réécrire les évolutions année par année mais de distinguer de grandes périodes.

Conseils

Document 24 La natalité française de l’après-guerre

1935 1945 1955 1965 1975

5

6

7

8

9

10Naissances en centaines de miliers

Baby-boom1946 1951

arrivée des enfantsdu Baby-boom à l’âge

de la nuptialité

On remarque que la natalité baisse de 1935 à 1943. Cette baisse s’ex-plique par le contexte économique des années 1930 et par la crainte de la guerre. Le départ des hommes pour la guerre en 1940 et les nombreux prisonniers qui restent en Allemagne jusqu’à la fin du conflit provoque encore une baisse.

De manière étonnante, la natalité remonte dès 1944-1945. Le baby-boom proprement dit commence en 1945-1945, avec le retour des pri-sonniers de guerre et se poursuit jusqu’à la fin des années 1960.

Le début des années 1970 marque un nouveau retournement de ten-dance, la natalité baisse à nouveau, baisse qui se poursuit au cours des années 1980.

Mais, dès le milieu des années 1960, la natalité commence à nouveau à baisser, la baisse s’affirmant avec la crise du milieu des années 1970. A la fin des années 1980, la natalité française retombe à environ 15°/oo avec un indice de fécondité d’environ 1,7 enfant par femme. Depuis le début du XXIe siècle, la natalité française est à nouveau légèrement remontée. L’indice de fécondité français est aujourd’hui d’environ 2 enfants par femme, ce qui en fait désormais le plus élevé d’Europe.

Ce dynamisme démographique relatif n’empêche pas la population fran-çaise de connaître un vieillissement, de même que les autres pays déve-loppés. Même si ce problème n’est pas encore aussi préoccupant que dans des pays comme l’Allemagne ou le Japon, les plus de 60 ans repré-sentent désormais 22 % de la population française et leur part devrait s’élever à 33 % d’ici 2050, selon les projections de l’INSEE. Cette situa-tion démographique pose actuellement de nombreux problèmes dans

Commentaire

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45Séquence 5 – HG11

la mesure où il pèse sur le système de protection sociale tant en raison des dépenses de santé accrues que par le fait que le système de Sécu-rité sociale est essentiellement financé par le actifs. La question du ratio actifs-retraités est donc particulièrement essentielle.

c) La tertiarisation de l’économie française

La population active française est d’environ 29 millions de personnes. Elle a augmenté notablement après la Seconde guerre mondiale en rai-son de l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Le taux d’activité des Français reste cependant globalement plus faible que celui des autres pays développés.

Pendant longtemps, l’économie française a été marquée par le poids du secteur primaire et une croissance modérée des secteurs secondaire et tertiaire. Dès le XIXe siècle, l’industrie nécessite le développement de certaines professions comme celle du secrétariat. Le travail des « écri-tures », tant dans la fonction publique, dont les effectifs commencent également à prendre de l’ampleur, que dans les entreprises est d’abord une spécialité masculine avant de se féminiser avec l’apparition des premières machines à écrire. La « dactylo » devient alors avec la « ven-deuse » du grand magasin ou de la boutique de quartier devient alors une des figures féminine des professions du tertiaire. Le petit commerce joue un rôle également essentiel tout au long du XIXe siècle, d’autant plus essentiel que le commerce et l’artisanat symbolisent une des prin-cipales voies de promotion et d’ascension sociale dans la France du XIXe siècle.

Encore une fois, ce sont les années qui suivent la Seconde guerre mon-diale qui enregistrent les plus grands changements. Alors que le sala-riat, réservé pour l’essentiel au monde ouvrier si l’on met de côté les fonctionnaires, employés de l’État, avait été considéré comme symbole d’asservissement, il se généralise après 1945. La part des salariés passe ainsi de 65 % de la population active en 1954 à 90 % de nos jours. Les employés, qui comme les ouvriers accomplissent des tâches d’exécu-tion, mais dans le secteur tertiaire et non dans l’industrie, voient leur nombre exploser. L’INSEE distingue les employés de commerce et de bureaux. Ces deux catégories ont augmenté de manière relativement similaire en raison de l’essor des services (assurances, voyages, tou-risme…) et du développement des administrations publiques (comme la Sécurité sociale) que de la multiplication des magasins à grande surface à partir des années 1960. Ces secteurs d’activité qui continuent à assu-rer aujourd’hui l’essentiel des créations d’emplois sont également mar-qués par leur féminisation croissante puisqu’il s’agit des seuls secteurs majoritairement féminins (plus de 60 % de femmes).

L’essor des grandes surfaces a engendré, par contrecoup, le déclin du petit commerce. Alors que celui-ci assurait en 1950 89 % des ventes de détail, il n’en assure guère que plus de 50 % de nos jours – même s’il ne

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faut pas surestimer ce déclin dans la mesure où dans les centres-villes, il résiste plutôt bien, connaissant même un relatif renouveau au cours de ces dernières années en raison d’une clientèle souvent à haut niveau de revenus et de plus en plus soucieuse de qualité.

À l’inverse, les professions libérales qui représentaient 0,87 % de la population active en 1954 en représentent désormais environ 2 %. Cette croissance s’explique par l’essor des professions médicales et paramé-dicales (grâce à la généralisation de la Sécurité sociale) qui constituent plus de 50 % des effectifs totaux de ce secteur d’activité, mais aussi, dans une moindre mesure par le développement des professions juri-diques (notaires, avocats, huissiers, conseils juridiques ou fiscaux) et techniques (ingénieur-conseil en ergonomie, en informatique, en mar-keting…).

Évolution des catégories socio-professionnelles en France depuis les années 1930

1936 1954 1962 19751968 1982 1990 95

0

10

20

30

en % de la population active

agriculteurs employés

cadres moyens

professions libérales

patrons de l’industrieet du commerce

et cadres supérieurs

On observe que ce sont les agriculteurs qui diminuent le plus passant de 25 % de la population active en 1935 à moins de 5 % en 1995. À l’in-verse, les catégories qui connaissent la croissance la plus forte au cours de la même période sont les employés, les cadres moyens et supérieurs, toutes catégories composées de salariés.

Cette évolution s’explique par la mécanisation des campagnes qui a libéré de nombreux surplus de main d’œuvre rurale, l’urbanisation et la tertiarisation de l’économie.

Document 25

Commentaire

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La place des immigrés dans la société française

1. Un fait ancienLa présence d’immigrés en France est un fait ancien. En raison de la fai-blesse de la natalité, la France a eu recours à une main d’œuvre étrangère dès le milieu du XIXe siècle. Une ville comme Roubaix, un des symboles de l’industrie textile française, compte un quart de Belges dès 1851.

En 1914, 3 % de la population, soit 1,2 million de personnes, sont immi-grés alors que la loi de 1889 avait naturalisé tous les habitants nés en France. Ces immigrés sont alors issus pour l’essentiel des pays limi-trophes. Au recensement de 1901, on compte environ 330 000 Belges, venus des campagnes surnuméraires de Flandre, 320 000 Italiens, 100 000 Espagnols, 100 000 Allemands mais aussi des Suisses, des Bri-tanniques, des Autrichiens…

En 1931, les Belges ne sont plus que 250 000 mais les Italiens 900 000, les Espagnols 350 00 et les Polonais, nouveaux venus de l’après-guerre sont plus de 500 000. Ces immigrés se concentrent dans les régions industrielles. Ainsi, on retrouve les Italiens dans tout le sud-est, en rai-son de la proximité géographique mais aussi dans la région parisienne et dans la métallurgie lorraine. Les Polonais, quant à eux, sont venus en masse après la guerre pour travailler dans les mines de charbon du Nord, souvent dans le cadre d’accords signés entre le patronat et le gouverne-ment polonais.

En 1931, les étrangers représentent 2,6 millions de personnes et 6 à 7 % de la population totale, soit autant qu’au recensement de 1982.

2. Une difficile intégrationL’intégration au sein de la société française est souvent difficile pour les nouveaux arrivants. En dépit de la proximité culturelle entre Fran-çais et Italiens, ceux-ci sont souvent particulièrement mal reçus. Les milieux ouvriers, et parfois même le discours syndical, les accusent de venir prendre le travail des Français, de contribuer à tirer les salaires à la baisse. En 1893, on assiste à Aigues-Mortes (département du Gard) à un véritable pogrom perpétré par les ouvriers français où au moins dix Ita-liens trouvèrent la mort, battus ou pendus, et plusieurs centaines furent blessés. L’affaire eut d’autant plus de retentissement qu’elle ne fut suivie d’aucune condamnation. Les sentiments xénophobes des popu-lations s’exprimèrent aussi particulièrement à l’égard des Polonais. En 1922, la CGT du Nord-Pas-de-Calais affirme dans ses publications que l’arrivée des mineurs polonais génère du chômage chez les travailleurs français, affirmation qui ne résiste guère à l’analyse dans le contexte de la Reconstruction de la France après la Première guerre mondiale.

B

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3. La xénophobie des années TrenteLa période des années Trente, dans le contexte de la crise de 1929 et de la montée du fascisme et du nazisme fut une époque particulièrement propice à l’exacerbation des sentiments xénophobes. Avec la crise, le chômage touche d’abord la main d’œuvre étrangère. Des dizaines de milliers de mineurs polonais sont expulsés de force et reconduits en Pologne par des trains affrétés par les compagnies minières du Nord à partir de 1934.

Expulsion de mineurs polonais et de leur famille (septembre 1934)

Mineurs polonais et leurs familles expulsés des mines de l’Escarpelle, Pas de Calais. Illustration de Damblans in : Le Pelerin, France, 09/1934.

Le document nous montre au premier plan des familles des ouvriers, expulsées de leur logement et portant leur maigres biens sous la sur-veillance d’un gendarme à cheval. En arrière-plan, le chevalet de la mine qui est maintenant déserte.

La xénophobie de l’époque est en particulier véhiculée et amplifiée par le discours des ligues, ces mouvements politiques d’extrême droite qui jouent un rôle si important dans la France de la première des années Trente. Apparaît alors le thème de la « France aux Français », notamment popularisé par les Jeunesses patriotes. Des intellectuels d’extrême droite comme l’écrivain et journaliste Henri Béraud évoquent, dans le journal

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Gringoire, la « crasse étrangère » qui envahit la France, la souille et la vole, accordant une place particulière dans la hiérarchie de leurs haines aux juifs, décrits comme responsables de tous les maux.

La France à tout le monde

« Sommes-nous le dépotoir du monde ? Par toutes nos routes d’accès, transformées en grands collecteurs, coule sur nos terres une tourbe de plus en plus grouillante, de plus en plus fétide. C’est l’immense flot de la crasse napolitaine, de la guenille levantine, des tristes puanteurs slaves, de l’affreuse misère andalouse, de la semence d’Abraham et du bitume de Judée. Doctrinaires crépus, conspirateurs furtifs, régicides au teint ver-dâtre, polaks mités, gratin de ghettos, contrebandiers d’armes, pistoleros en détresse, espions, usuriers, gangsters, marchands de femmes et de cocaïne, ils accourent précédés de leur odeur, escortés de leurs punaises. Tandis que ceux-ci assomment nos ouvriers dont ils volent le pain, ceux-là ne cessent d’insulter à notre patriotisme, dans nos propres journaux. »

Henri Béraud, Gringoire, 7 août 1936.

Ces idées sont reprises par le régime de Vichy et les milieux parisiens de la Collaboration. Cela se traduit notamment par le statut des juifs, pro-mulgué par le régime de Vichy et la maréchal Pétain le 3 octobre 1940 et les lois rétroactives portant sur les naturalisations accordées depuis 1927 (15 000 personnes se verront ainsi privées de la nationalité française).

4. L’immigration après la Seconde Guerre mondiale

Dans le contexte des Trente Glorieuses, la France manque à nouveau de bras et les frontières s’ouvrent alors largement à l’immigration. Entre 1954 et 1975, le nombre des immigrés passe de 1,7 à 4,1 mil-lions. C’est par villages entiers que des Portugais, des Algériens, des Marocains viennent travailler en France. L’origine des immigrés change cependant. Les Italiens sont encore nombreux à venir dans les années 1950 – ils sont encore 450 000 au recensement de 1975 – mais ce sont désormais les Portugais qui deviennent majoritaires (850 000 en 1975) suivis des flux migratoires venus du Maghreb (700 000 Algériens en 1975, 260 000 Marocains). Ces nouveaux immigrés sont embauchés dans l’industrie, dans des tâches d’O.S. (ouvriers spécialisés), consti-tuant une main d’œuvre de choix pour le travail à la chaîne en pleine expansion, en particulier dans l’industrie automobile. En 1974, le tiers des employés de ce secteur sont des immigrés.

Ces immigrés se concentrent donc dans les bassins industriels et dans la France des grandes villes. De nos jours, sur les 4,9 millions d’immi-grés dénombrés officiellement par l’INSEE (chiffres de 2004) – auxquels s’ajoutent un nombre indéterminé d’immigrés clandestins – 36,5 % d’entre eux résident en Ile-de-France (ils représentent 16,5 % de la popu-

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50 Séquence 5 – HG11

lation de Paris et 17 % de celle de la Seine-Saint-Denis), les autres se trouvant pour l’essentiel dans le Nord, le Nord-Est, la région lyonnaise et la région méditerranéenne.

5. Les étrangers dans la société française à l’heure de la crise

Comme après 1929, les immigrés et les femmes furent les premières victimes de la crise et du chômage. Avec la fin des Trente Glorieuses, la France ferme ses frontières à l’immigration. Dans l’espoir de faciliter l’intégration des communautés déjà présentes, le Président de la Répu-blique Valéry Giscard d’Estaing prend en 1976 une ordonnance visant à faciliter le regroupement familial, ce qui consiste à faciliter la venue des épouses et des enfants des immigrants installés. Mais, dans un contexte de crise des industries de main d’œuvre et de hausse du chômage, ceci ne suffit pas à empêcher la montée d’un sentiment xénophobe dans une partie de la société française. Le Front National, créé par Jean-Marie Le Pen en 1972 remporte ses premiers succès électoraux au début des années 1980, s’installant désormais jusqu’à nos jours comme un des acteurs importants de la vie politique français atteignant même le second tour de l’élection présidentielle du 21 avril 2002 en devançant le candidat socialiste, Lionel Jospin.

Au cours des années 2000, alors que les flux migratoires officiels ne représentent plus guère que 71 000 personnes (dont la composition a encore évolué par rapport à la période précédente, les immigrés d’Afrique subsaharienne et d’Asie y tenant désormais la place la plus notable), la question de l’immigration reste au cœur de la société et du débat politique, étant souvent mise en relation avec celle de la sécurité.

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