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Evaluation des propositions sur les micro-entreprises
A la suite du discours du PR lors des vœux aux acteurs économiques, et en s’appuyant sur le
DP associé (voir extraits en annexe), le MEIN propose plusieurs évolutions du dispositif des
micro-entreprises, notamment la suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié et du
stage préalable à l’installation ainsi que le triplement des seuils.
Au vu des éléments de constat rassemblés sur les évolutions récentes du dispositif des micro-
entreprises, il apparaît toutefois que ces propositions posent des problèmes multiples sans
probablement avoir d’effet tangible sur l’activité.
1/ Les données relatives aux entreprises économiquement actives relativisent fortement
le constat d’une baisse des créations sous l’effet des mesures décidées en 2014 sur le
régime micro-fiscal et micro-social
A/ Rappel des évolutions du statut des micro-entreprises décidées en 2014
En vue de approcher le régime des auto-entrepreneurs de celui des autres artisans et
commerçants soumis aux régimes réels, la loi ACTPE a prévu plusieurs dispositions :
- L’obligation pour tous les artisans auto-entrepreneurs, qu’ils exercent une activité
artisanale à titre principal ou complémentaire, de s’enregistrer au répertoire des
métiers et de s’acquitter de la taxe CMA et l’obligation d’immatriculation au RCS
des auto-entrepreneurs ayant une activité commerciale et de s’acquitter de la taxe pour
frais de chambre dont ils sont redevables (mesures entrées en vigueur en décembre
2014).
- L’obligation de réaliser un stage préalable à l’installation pour l’ensemble des
auto-entrepreneurs artisans (mesures entrées en vigueur en juin et décembre 2014).
- L’obligation pour les entreprises relevant du régime micro-fiscal de choisir le régime
microsocial afin de créer un dispositif unique de « micro-entreprise »1.
Plus récemment, la LFSS pour 2015 a prévu que, à défaut de tenir une comptabilité, les auto-
entrepreneurs devaient réaliser l’intégralité de leurs opérations professionnelles depuis un
compte bancaire dédié, dans le but de permettre le contrôle de ces opérations, aujourd’hui
très difficile et peu effectif pour les corps de contrôle.
B/ Observations sur les créations, radiations et le nombre de micro-entreprises
Les créations d’entreprises sont en baisse selon l’INSEE de 5% en 2015 par rapport à 2014
(525 000 après 552 000), du fait d’une baisse de 21% des créations sous forme d’auto-
entrepreneur (223 000 après 283 000).
1 Prévue pour 2016, cette obligation devait s’accompagner initialement, à compter d’une date fixée par décret et
au plus tard à compter du 1er janvier 2016 de l’application de cotisations minimales obligatoires pour les auto-
entrepreneurs disposant d’un niveau réduit de recettes ou de chiffre d’affaires (afin de leur garantir en
contrepartie un niveau de couverture sociale minimale).
Créations et immatriculations de micro-entreprises depuis 2009
Source : ACOSS, INSEE
Toutefois, il convient de relativiser la portée de cette baisse du rythme de créations :
- Le rythme des créations d’auto-entreprises ralentit progressivement depuis
plusieurs années, sans que ce profil présente de corrélation avec l’entrée en
vigueur des mesures de la loi ACTPE. Les données de l’ACOSS ne montrent pas
pour leur part de baisse marquée en 20152. Le seul indice d’une incidence des mesures
de la loi ACTPE sur les créations de micro-entreprises est la baisse marquée des
créations dans la construction et l’industrie, c’est-à-dire les activités artisanales
soumises à l’obligation de stage (qui totalisent les 3 quarts de la baisse). Inversement,
les nouvelles règles n’ont pas freiné le développement de nouvelles activités de
services sous ce statut, comme dans les transports (hausse de 48%). En tout état de
cause, la fin de la dispense de taxe pour frais de chambre consulaire depuis le 1er
janvier 2015 peut difficilement avoir eu, en soi, un effet de dissuasion à
l’immatriculation, compte tenu du niveau de ce prélèvement (de 0,015% pour l’achat
revente commercial à 0,48% pour les prestations de services artisanales). Par ailleurs,
les délais constatés pour accomplir le stage préalable à l’installation pourraient
expliquer le ralentissement : celui-ci serait ainsi lié à un effet report. Enfin, il serait
logique que le dispositif arrive à une situation de maturité (environ 1 million
d’autoentrepreneurs en 2015).
- Les créations/immatriculations restent supérieures aux radiations et la baisse des
créations n’affecte pas principalement les entreprises actives. Le nombre de micro-
entreprises en activité n’a cessé de croître, y compris en 2015. Tandis que le nombre
des micro-entreprises administrativement actives présente une particularité en 2015
qui rend difficile son interprétation3, celui des micro-entreprises économiquement
2 Ainsi, sur les 3 premiers trimestres 2015, l’ACOSS a enregistré 232 000 immatriculations contre 255 000 sur la
même période en 2014 et 247 000 en 2013. 3 En effet, la loi ACTPE porte de 8 trimestres consécutifs à deux exercices civils le délai au terme duquel est
radiée une micro-entreprise sans activité déclarée. Son entrée en vigueur conduit à une baisse temporaire des
radiations d’office sur l’année 2015, ce qui conduit à « gonfler » le nombre des micro-entreprises recensées. Le
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Création d'entreprises AE (INSEE) Immatriculations (ACOSS)
actives, c’est-à-dire celles qui déclarent effectivement un chiffre d’affaires, reste en
hausse depuis l’origine du dispositif, et a atteint 600 000 entreprises au deuxième
trimestre 2015. Il est même vraisemblable que si les mesures de la loi ACTPE ont pu
conduire à dissuader de créer une entreprise, cet effet a avant tout joué sur les
créateurs qui n’auraient pas déclaré de chiffre d’affaires, dissuadés par le stage
préalable et les formalités d’enregistrement et d’immatriculation.
- Enfin, la baisse relative du nombre de créations de micro-entreprises doit être
relativisée au regard de l’accroissement du nombre de créations d’entreprises en
société (+5%) et aux autres catégories d’entreprises individuelles (+28%).
Immatriculations, radiations et nombres de micro-entreprises depuis 2009
2/ Les mesures envisagées ne paraissent pas de nature à avoir un effet favorable sur
l’activité
A/ La suppression de l’obligation de compte bancaire dédié
Au motif que les créations d’entreprise en auto-entrepreneur sont en baisse de 20% depuis un
an (et sans que les raisons de cette baisse, qui s’accompagne d’ailleurs d’une baisse
équivalente des radiations, et est donc sans effet sur le nombre de micro-entreprises, aient été
complètement objectivées – une analyse a donc été demandée à l’ACOSS et à la DSS), il
s’agit principalement de revenir sur certaines obligations mises en œuvre dans la loi
ACTPE (« Pinel ») de juin 2014, notamment l’obligation de stage préalable. Si ce débat est
légitime, il conduira à rouvrir un débat avec les organisations d’artisans qui ont déjà fait
connaître leur mécontentement.
rythme des radiations d’office sera sans doute repris sur le même rythme qu’auparavant à partir de 2016, avec
une répercussion sur le nombre des micro-entreprises.
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AE administrativement actifs (ACOSS) Immatriculations (ACOSS)
Radiations (ACOSS) AE économiquement actifs (ACOSS)
Par ailleurs, le MEIN propose de revenir sur l’obligation pour un micro-entrepreneur de
dédier un compte bancaire à ses activités professionnelles, qui avait été introduite en LFSS
2015 avec le soutien du Gouvernement et à la demande des corps de contrôle pour faciliter
des contrôles éventuels. Remettre en cause cette obligation, en réalité assez légère et qui est la
contrepartie raisonnable d’une absence totale d’obligation comptable, est un signal
contradictoire avec la volonté de favoriser le contrôle et la lutte contre les fraudes. Le DP
évoque uniquement une simplification de cette formalité, qu’il ne faut pas exclure si elle
présente une difficulté particulière.
B/ Le relèvement des plafonds de recettes et de CA pour le régime micro-fiscal et micro-
social (auto-entrepreneur)
L’objectif affiché est de permettre aux entreprises de bénéficier des régimes jusqu’à des
niveaux de recettes trois fois plus élevés qu’aujourd’hui (soit environ 100 000 euros au lieu
de 32 900 euros pour les activités de services et 250 000 euros au lieu de 82 200 euros pour
les ventes). Ce triplement rendrait le régime des micro-entreprises accessible au plus grand
nombre des entrepreneurs individuels, notamment dans les activités de services, lorsqu’elles
sont juridiquement éligibles. Le relèvement vise à donner un signal favorable pour bénéficier
d’un régime simplifié et éviter les effets de seuils.
En premier lieu, alors que la position constante du MFCP consiste à faire respecter le
monopole des lois financières en matière de fiscalité et plus largement de prélèvements
obligatoires, il semble hautement inopportun que des dispositions fiscalo-sociales soient
insérées dans un projet de loi ordinaire, en particulier dans le PL transparence.
En second lieu, l’opportunité de la mesure est très contestable :
o L’utilité de la mesure n’est pas démontrée, aucun effet d’accumulation à
proximité des seuils n’ayant été constaté, invalidant leur caractère dissuasif. Au
contraire, la plupart des micro-entreprises sont très éloignées des seuils ;
o La démarche risque de susciter la contestation des organisations patronales,
notamment l’UPA, alors que la loi ACTPE avait abouti à un compromis
acceptable pour l’ensemble des parties ;
o Le relèvement des seuils serait surtout un effet d’aubaine pour les entreprises
situées au-delà de ceux-ci dont les charges sont les plus faibles. Ce sont celles qui
auraient intérêt à ne pas déclarer leurs charges réelles et d’opter pour le système du
forfait. Ces entreprises sont très peu nombreuses (10% environ de celles situées
dans la plage visée), il s’agit d’entreprises dont les charges sont plus réduites que
les abattements forfaitaires, qui seront favorisées par rapport à celles dont les
charges sont plus élevées. En pratique, le triplement du seuil applicable aux
activités de services (près de 100 000 euros) permettra à la quasi-totalité de la
population éligible d’opter pour ce dispositif, c’est-à-dire presque tous les artisans
et surtout une majorité des professions libérales non réglementées (en effet 80%
des professions libérales ont un revenu inférieur à 90 000 euros, or les charges sont
généralement faibles pour ces professions) ;
o La mesure serait coûteuse, dès lors que seules les entreprises qui ont un intérêt
évident et important à réduire leurs prélèvements sociaux et fiscaux choisiront le
régime micro. Il est très peu probable que les entreprises fassent le choix, au moins
dans l’immédiat, de payer davantage d’impôts et de cotisations pour réduire leurs
frais de tenue de comptabilité, hypothèse sur laquelle repose l’idée que la mesure
serait neutre pour les finances publiques ;
o Le triplement des seuils obligerait à réinterroger les taux d’abattement
forfaitaires de 71%, 50% et 34%, qui n’ont pas été modifiés depuis la LFSS
pour 2007. L’absence de questionnement sur ces taux pouvait se justifier compte
tenu des seuils actuels de la micro-entreprise mais leur triplement nécessiterait un
réexamen. Notamment, ces abattements tiennent compte des prélèvements sociaux,
qui constituent des charges déductibles en fiscal. Or, ces prélèvements ont très
largement évolué depuis 2007, les dernières années étant notamment marquées par
une réduction des prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants à faibles
revenus, dont il conviendrait de tenir compte en ajustant à la baisse les taux
d’abattement ;
o La mesure pénaliserait les ménages modestes, car l’absence de cotisation
implique également une moindre ouverture de droits. Certains ménages seront
donc perdants sur le long terme ;
o Le dispositif serait complexe, puisqu’il n’est pas envisagé de relever à due
concurrence les seuils de franchise en base de TVA, ce qui rencontrerait d’ailleurs
une impossibilité communautaire, et qu’il restera donc nécessaire de remplir un
minimum d’obligations comptables ;
o Le risque juridique n’est pas écarté. Le relèvement du plafond offrant la faculté
d’opter pour un versement libératoire d’impôt sur le revenu pourrait être regardé
comme faisant échapper à la progressivité de celui-ci des montants désormais
significatifs et sans lien avec l’objectif d’inciter à l’activité ;
o Il existe un risque d’accroissement du recours au salariat déguisé. En effet, le
relèvement du seuil de CA rendra plus facile l’embauche au statut
d’autoentrepreneur. Ceci est d’autant plus vrai que le régime général, qui prévoit
un abattement de 10% des revenus d’activité pour calculer l’impôt sur le revenu,
pourra paraître moins intéressant que le régime de la micro-entreprise, qui prévoit
un abattement plus important (34%).
En revanche, afin de satisfaire les annonces présidentielles, il pourrait être proposé une
mesure de simplification du régime réel super-simplifié. En telle simplification permettrait
de limiter les coûts de gestion supplémentaires générés par le franchissement des seuils
micros tout en accompagnant les entreprises vers le régime réel, plus compatible avec le
développement à long terme de l’entreprise. Aujourd’hui, les entreprises dont le chiffre
d’affaires est inférieur ou égal à 157 000 euros (ventes) ou 55 000 euros (autres entreprises)
sont au regard du CGI dispensées de la tenue d’un compte de résultat et d’un bilan.
Cependant, cette possibilité n’est que virtuelle car cette dispense n’est pas coordonnée avec
les obligations comptables du code de commerce. Une adaptation du code commerce
permettrait de répondre à l’objectif de simplification. Comme il ne s’agirait pas d’une mesure
fiscale mais d’une mesure de droit des sociétés puisque cette possibilité existe déjà dans le
CGI, cette disposition pourrait figurer dans un projet de loi ordinaire.
Un chiffrage du triplement des seuils a été établi par l’IGF sur la base de données de la
DGFIP. Il conduit à évaluer à 156 M€ du coût de la mesure pour les finances sociales. Ce
chiffre est sans doute une estimation basse, puisqu’il ne tient pas compte d’un effet de déport
des salariés vers le dispositif rénové. Il ne tient pas compte non plus du « coin comptable ».
Annexe : extraits du discours et du DP 18 janvier 2018
1/ Extraits du discours :
« Il faudra faciliter encore toutes les créations d’entreprise. Tous les entrepreneurs, quel que
soit leur statut et les artisans bénéficieront de la simplicité d’un nouveau régime. Ils pourront
d’autant plus facilement faire le choix qu’une option fiscale, la plus appropriée à leur activité
leur sera proposée, leur permettant d’aller vers le régime réel ou le régime du forfait. Ce qui
compte, c'est la création. Ce qui doit être encouragé, c'est l’acte d’entreprendre, et tout doit
être facilité pour assurer la réussite, pas simplement la création, mais le développement. Le
régime du portage salarial sera assoupli pour permettre à chacun de proposer ses services à
des entreprises ou à des particuliers, sans néanmoins, tout de suite au moins, avoir à créer
une entreprise. »
2/ Extraits du DP précise (fiche 6) :
« Le Président de la République s’engage à renforcer le développer l’entrepreneuriat en
France à travers une série de mesures dont les effets bénéfiques pour les entrepreneurs et sur
l’emploi se traduiront dès 2016.
(…)
Microentreprise : il s’agit d’une part, d’étendre le régime de la microentreprise, reconnu
pour sa simplicité, au-delà des seuils actuels (et sans toucher à ceux de la TVA), et d’autre
part, de faciliter le parcours de croissance de l’entrepreneur en lui donnant plus de souplesse
dans le choix du moment de passer au régime réel et dans sa préparation. Par ailleurs, le retour
au régime micro fiscal pour les entreprises qui auraient opté pour le régime réel n’est
actuellement pas possible avant un délai de deux ans. Celui-ci pourrait être réduit à un an pour
permettre aux entrepreneurs de corriger plus rapidement des erreurs d’appréciation dans le
choix du régime réel. Cette flexibilité doit limiter les effets de seuils et la « peur de croître ou
d’embaucher » des TPE, notamment dans leurs premières années.
Entreprise et société individuelle : pour répondre au souhait de certaines organisations
professionnelles d’un modèle unique d’entreprise individuelle, il faut rendre l’EIRL plus
attractive, faciliter le passage d’entreprise individuelle vers l’EIRL ou en société en allégeant
les formalités de publicité et le coût du commissariat aux apports, simplifier certaines
obligations peu justifiées (double compte bancaire pour les micro-entrepreneurs, publicité
légale) et neutraliser les coûts fiscaux lors des évolutions d’entreprise individuelle vers des
sociétés unipersonnelles (plus protectrice, et plus favorable à la croissance par apport d’actif
ou par association).