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Le texte de la déclaration d'Alain Juppé Voici le verbatim de la déclaration du maire de Bordeaux à la presse ce lundi matin : "À travers vous, c'est aux Françaises et aux Français que je veux m'adresser ce matin, à toutes les Françaises et à tous les Français. Jamais sous la Ve République, une élection présidentielle ne n'est présentée dans des conditions aussi confuses. La gauche, déboussolée par l'échec du quinquennat de François Hollande, s'est fracturée en plusieurs sensibilités irréconciliables. Elle court le risque d'être éliminée dès le premier tour de scrutin. Le Front national, empêtré dans les démêlés judiciaires de Mme Le Pen, en rajoute dans le fanatisme anti- européen qui conduirait notre pays au désastre. Profitant du discrédit de l'établissement politique, M. Macron, pourtant inspirateur et acteur de la politique économique de François Hollande, tente d'incarner le renouveau, mais son immaturité politique et la faiblesse de son projet ne feront pas toujours illusion. Quant à nous, la droite et le centre, quel gâchis. Au lendemain de notre primaire dont le résultat a été incontestable et incontesté, François Fillon, à qui j'avais immédiatement et loyalement apporté mon soutien,

Le texte de la déclaration d'Alain Juppé - 06/03

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Le texte de la déclarationd'Alain Juppé

Voici le verbatim de la déclaration du maire de Bordeaux à la presse ce lundi matin :

"À travers vous, c'est aux Françaises et aux Français que je veux m'adresser ce matin, à toutes les Françaises et à tous les Français.

Jamais sous la Ve République, une élection présidentielle ne n'est présentée dans des conditions aussi confuses.

La gauche, déboussolée par l'échec du quinquennat de François Hollande, s'est fracturée en plusieurs sensibilités irréconciliables. Elle court le risque d'être éliminée dès le premier tour de scrutin.

Le Front national, empêtré dans les démêlés judiciaires de Mme Le Pen, en rajoute dans le fanatisme anti-européen qui conduirait notre pays au désastre.

Profitant du discrédit de l'établissement politique, M. Macron, pourtant inspirateur et acteur de la politique économique de François Hollande, tente d'incarner le renouveau, mais son immaturité politique et la faiblesse de son projet ne feront pas toujours illusion.

Quant à nous, la droite et le centre, quel gâchis. Au lendemain de notre primaire dont le résultat a été incontestable et incontesté, François Fillon, à qui j'avais immédiatement et loyalement apporté mon soutien, avait un boulevard devant lui. Je lui ai renouvelé ce soutien à plusieurs reprises.

Le déclenchement des investigations de la justice à son encontre et son système de défense fondé sur la dénonciation d'un prétendu complot et d'une volonté d'assassinat politique l'ont conduit dans une impasse.

Tout au long de la semaine dernière, aujourd'hui encore, j'ai reçu de très nombreux appels me demandant de prendre la relève. Ils m'ont fait hésiter, j'y ai réfléchi.

À mes yeux, la condition sine qua non de succès, c'est évidemment le rassemblement le plus large possible de la droite et du centre, tel était mon objectif en me présentant à la primaire. Je n'ai pas réussi.

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Aujourd'hui, ce rassemblement est devenu plus difficile encore. Une partie du centre que certains d'entre nous ont rudement stigmatisé nous a quitté.

Comme l'a montré la manifestation d'hier au Trocadéro, le noyau des militants et sympathisants LR s'est radicalisé. François Fillon n'a cessé d'affirmer sa détermination, et hier soir encore, son obstination.

Si les pressions qu'exercent sur lui certains responsables le contraignaient à renoncer, le passage de témoin se ferait dans la douleur, et ne manquerait pas de laisser des cicatrices.

Je n'ai pas l'intention de m'engager dans des tractations partisanes ou des marchandages de poste, pour un gaulliste, ce n'est pas l'esprit de l'élection présidentielle.

Je ne suis donc pas en mesure aujourd'hui de réaliser le nécessaire rassemblement autour d'un projet fédérateur et c'est pourquoi je confirme une bonne fois pour toutes que je ne serai pas candidat à la présidence de la République. C'est ce que je dirai à Nicolas Sarkozy et à François Fillon s'ils souhaitent me rencontrer.

Je mesure la déception que provoquera cette décision chez beaucoup et les reproches que paradoxalement elle me vaudra sans doute. Je redis ma reconnaissance, mon amitié, à tous ceux qui depuis des mois, des années m'ont accompagné, soutenu, encouragé.

Je remercie ceux qui après avoir vivement critiqué ma ligne et mon projet trouvent aujourd'hui en moi le recours qu'ils recherchent mais il est trop tard.

J'ajoute deux arguments qui me tiennent à coeur, les Français veulent un profond renouvellement de leurs dirigeants politiques et à l'évidence je n'incarne pas ce renouvellement

Cette aspiration de l'opinion me semble plus forte que le besoin de solidité et d'expérience

Et deuxièmement, les récentes péripéties ont encore accru l'exigence d'exemplarité des Français vis-à-vis de leurs femmes et de leurs hommes politiques et ici encore je ne peux répondre pleinement à cette exigence même si la justice qui m'a condamné m'a exonéré de tout enrichissement personnel

Je ne vais pas livrer mon honneur et la paix de ma famille en pâture aux démolisseurs de réputation

Je le répète pour moi il est trop tard, il n'est évidemment pas trop tard pour la France, il n'est jamais trop tard pour la France.

Notre pays est malade, rétif aux réformes qu'il sait nécessaire, en colère contre ses élites politiques mais sensible aux promesses démagogiques, il

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vit aujourd'hui une terrible crise de confiance mais il a aussi de fortes capacités de rebond.

Ses jeunes dont une partie hélas est en grande souffrance seront le ferment d'une renaissance française.

Pour ma part, je continuerai à servir mes concitoyens en travaillant avec eux, ici, dans notre belle ville de Bordeaux et dans sa métropole.

Je ne me priverai pas d'exprimer mon point de vue sur les grandes questions d'avenir, le relèvement de la France, de son économie, de ses finances publiques, de sa protection sociale, le combat pour une nouvelle Europe capable de défendre nos intérêts communs mais aussi de jouer son rôle de messager de paix dans un monde où les nationalismes et les protectionnismes font ressurgir des bruits de guerre. Et aussi la sauvegarde de la planète, la transformation numérique de nos économies, de nos sociétés, peut-être de notre humanité.

Voilà quelques-uns des défis que devra relever celui qui portera les couleurs de la droite et du centre dans quelques semaines et je l'espère durant le prochain quinquennat. Vive la République et vive la France."

(Source Reuters)