1
Mercredi 15 juillet 2015 Les Echos Marie Bellan [email protected] Ce sera la dernière épreuve avant la promulgation de la loi Macron. Le Conseil constitutionnel doit être saisi ce mercredi par les parlemen- taires de droite. Les sages de la rue de Montpensier ont un mois pour rendre leur avis. Le texte, définitive- ment adopté la semaine dernière par le Parlement, est d’une telle den- sité que plusieurs sujets peuvent prêter à débat, mais trois devraient faire l’objet, au Conseil, d’une atten- tion particulière. LE PLAFONNEMENT DES INDEMNITÉS P RUD’HOMALES Plusieurs syndicats de salariés mais aussi d’avocats et de magistrats sont déjà montés au créneau sur le sujet. Ils ont d’ailleurs envoyé leurs obser- vations au Conseil dès la semaine dernière. Selon eux, la mesure qui vise à encadrer en les plafonnant les indemnités supralégales versées par l’employeur à son salarié en cas de licenciement jugé abusif mécon- naît la Constitution pour plusieurs raisons. Pour une question de pro- cédure tout d’abord. L’amendement concerné a été déposé par le gouver- nement le jour même où il devait être examiné par la commission spéciale de l’Assemblée. Les députés n’ont ainsi eu que très peu de temps pour étudier la mesure. Ce qui ne les a pas empêchés de la modifier en changeant certains seuils. Sur le fond, les syndicats, ainsi que plu- sieurs juristes en droit du travail, font valoir trois autres arguments. Le premier tient à la réparation inté- grale du préjudice que l’indemnité supralégale est censée apporter. En la plafonnant, le gouvernement por- terait une atteinte disproportionnée à ce principe de réparation inté- grale. En outre, le fait de différencier le montant de l’indemnité en fonc- tion de la taille de l’entreprise (moins de 20 salariés, moins de 300 et au-delà de 300 salariés) pourrait être considéré comme une rupture d’égalité. En quoi le licenciement abusif d’un salarié de TPE serait-il moins grave que celui d’un grand groupe ? Pour le gouvernement, au contraire, le fait d’avoir multiplié les seuils (suivant la taille de l’entre- prise et l’ancienneté du salarié) ren- voie à la nécessité d’observer une forme de proportionnalité. Dernier point : le plafonnement, dans la mesure où il s’applique aussi bien aux salariés amenés à signer un contrat de travail dans le futur qu’à tous ceux qui en ont déjà un, pour- rait être considéré comme une atteinte à l’économie générale des conventions, en vertu de laquelle un contrat conclu entre deux parties ne peut être modifié en cours de route de façon unilatérale. LA LIBRE INSTALLATION DES NOTAIRES ET LEUR INDEMNISATION La loi instaure une liberté d’installa- tionàplusieursniveaux :totalement libre dans les zones où la carence en offices notariaux est la plus forte et soumise à l’accord du ministère de la Justice dans les autres zones. Dans ce cas de figure, « lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieure- ment créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titu- laire du nouvel office, dont la création a causé ce préjudice », indique le texte de loi. C’est ce point particulier qui devrait faire débat. Car le législateur, en prévoyant que les professionnels nouvellement installés dédomma- geraient leurs confrères en place, se décharge purement et simplement sur le notaire qui s’installe de la répa- ration d’un préjudice qu’il a lui- même créé. Ce transfert à des tiers de la réparation d’un préjudice pourrait être regardé comme contraire au principe d’égalité devant les charges publiques. L’INJONCTION STRUCTURELLE EN CAS DE CONCURRENCE DÉLOYALE La loi Macron étend un dispositif qui existe déjà en outre-mer depuis la loi Lurel de 2012 et qui autorise l’Autorité de la concurrence à forcer une enseigne à vendre des actifs (magasins ou terrains) si elle estime que cette dernière exerce une concentration excessive dans une zone donnée et qu’elle pratique des prix ou des marges trop élevés. Elle doit notamment dépasser un seuil de 50 % de parts de marché sur la zone définie. Selon certains juristes, cette disposition ne res- pecte pas le droit de propriété et donne un pouvoir excessif à l’Auto- rité de la concurrence. Il faut cependant noter que le Conseil constitutionnel s’est en partie déjà exprimé sur le sujet en octo- bre 2013 à propos d’une loi intro- duisant le même mécanisme en Nouvelle-Calédonie, en le décla- rant conforme à la Constitution. Il est donc probable que son avis sera identique dans le contexte de la loi Macron. Si les acteurs de la grande distribution se montrent très inquiets de ce dispositif, il n’a jamais été utilisé depuis sa création en 2012 en outre-mer. Aux yeux de l’Autorité de la concurrence, il s’agit avant tout d’un dispositif dissuasif qui doit pousser les enseignes à être plus vigilantes pour éviter d’aller jusqu’à la sanction. Les parlementaires de droite doivent saisir le Conseil ce mercredi. Les sages ont un mois pour rendre leur avis. La loi Macron sur la table du Conseil constitutionnel 308 ARTICLES dans la loi Macron, le texte législatif le plus dense de la mandature.

Loi Macron - Indemnités Prud'homales

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Loi Macron - Indemnités Prud'homales

Mercredi

15

juillet

2015Les

Echos

Marie [email protected]

Ce sera la dernière épreuve avant lapromulgation de la loi Macron. LeConseil constitutionnel doit êtresaisi ce mercredi par les parlemen-taires de droite. Les sages de la ruede Montpensier ont un mois pourrendreleur avis. Le texte,définitive-ment adopté la semaine dernièreparleParlement,estd’unetelleden-sité que plusieurs sujets peuventprêter à débat, mais trois devraientfaire l’objet, au Conseil, d’une atten-tion particulière.

• LE PLAFONNEMENT DESINDEMNITÉS P RUD’HOMALES Plusieurs syndicats de salariés mais aussid’avocatsetdemagistrats sont déjà montés au créneau sur le sujet. Ils ont d’ailleurs envoyé leurs obser-vations au Conseil dès la semaine dernière. Selon eux, la mesure qui vise à encadrer en les plafonnant les indemnités supralégales versées

par l’employeur à son salarié en casde licenciement jugé abusif mécon-naît la Constitution pour plusieurs raisons. Pour une question de pro-cédure tout d’abord. L’amendementconcernéaétédéposéparlegouver-nement le jour même où il devait être examiné par la commission spécialedel’Assemblée.Lesdéputésn’ont ainsi eu que très peu de tempspourétudierlamesure.Cequinelesa pas empêchés de la modifier en changeant certains seuils. Sur le fond, les syndicats, ainsi que plu-sieurs juristes en droit du travail, font valoir trois autres arguments. Lepremiertientà laréparationinté-grale du préjudice que l’indemnité supralégale est censée apporter. Enlaplafonnant,legouvernementpor-teraituneatteintedisproportionnéeà ce principe de réparation inté-grale.Enoutre, lefaitdedifférencierle montant de l’indemnité en fonc-tion de la taille de l’entreprise (moins de 20 salariés, moins de 300et au-delà de 300 salariés) pourrait être considéré comme une rupture d’égalité. En quoi le licenciement abusif d’un salarié de TPE serait-il moins grave que celui d’un grand groupe ? Pour le gouvernement, aucontraire, le fait d’avoir multiplié lesseuils (suivant la taille de l’entre-prise et l’ancienneté du salarié) ren-voie à la nécessité d’observer une forme de proportionnalité. Dernierpoint : le plafonnement, dans la

mesure où il s’applique aussi bien aux salariés amenés à signer un contrat de travail dans le futur qu’à tous ceux qui en ont déjà un, pour-rait être considéré comme une atteinte à l’économie générale des conventions,envertudelaquelleuncontratconcluentredeuxpartiesnepeut être modifié en cours de routede façon unilatérale.

• LA LIBRE INSTALLATIONDES NOTAIRES ETLEUR INDEMNISATIONLa loi instaure une liberté d’installa-tionàplusieursniveaux :totalementlibre dans les zones où la carence enoffices notariaux est la plus forte etsoumiseàl’accordduministèredelaJustice dans les autres zones. Dansce cas de figure, « lorsque la créationd’un office porte atteinte à la valeurpatrimoniale d’un office antérieure-ment créé, le titulaire de ce dernier estindemnisé, à sa demande, par le titu-laire du nouvel office, dont la créationacausécepréjudice »,indiqueletextede loi. C’est ce point particulier quidevraitfairedébat.Carlelégislateur,

en prévoyant que les professionnelsnouvellement installés dédomma-geraient leurs confrères en place, sedécharge purement et simplementsurlenotairequis’installedelarépa-ration d’un préjudice qu’il a lui-même créé. Ce transfert à des tiersde la réparation d’un préjudicepourrait être regardé commecontraire au principe d’égalitédevant les charges publiques.

• L’INJONCTIONSTRUCTURELLE EN CASDE CONCURRENCE DÉLOYALELa loi Macron étend un dispositifqui existe déjà en outre-mer depuisla loi Lurel de 2012 et qui autorisel’Autorité de la concurrence àforcer une enseigne à vendre desactifs (magasins ou terrains) si elleestime que cette dernière exerceune concentration excessive dansunezonedonnéeetqu’ellepratiquedes prix ou des marges trop élevés.Elle doit notamment dépasser unseuil de 50 % de parts de marchésur la zone définie. Selon certainsjuristes, cette disposition ne res-pecte pas le droit de propriété etdonne un pouvoir excessif à l’Auto-rité de la concurrence. Il fautcependant noter que le Conseilconstitutionnel s’est en partie déjàexprimé sur le sujet en octo-bre 2013 à propos d’une loi intro-duisant le même mécanisme enNouvelle-Calédonie, en le décla-

rant conforme à la Constitution. Ilest donc probable que son avissera identique dans le contexte dela loi Macron. Si les acteurs de lagrande distribution se montrenttrès inquiets de ce dispositif, il n’ajamaisétéutilisédepuissacréationen 2012 en outre-mer. Aux yeux del’Autoritédelaconcurrence,ils’agitavant tout d’un dispositif dissuasifquidoitpousserlesenseignesàêtreplus vigilantes pour éviter d’allerjusqu’à la sanction.

Les parlementairesde droite doivent saisirle Conseil ce mercredi.

Les sages ont un moispour rendre leur avis.

La loi Macron sur la table du Conseil constitutionnel

308ARTICLESdans la loi Macron,le texte législatif le plus densede la mandature.

EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné