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Andre Tardieu-LA-REVOLUTION-A-REFAIRE-tome-2-La-Profession-Parlementaire-Paris-1937

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La Révolution à Refaire, Tome 2

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  • 1. ,ANDRE TARDIEULA REVOLUTION A REFAIRE nLa profession arlementaireFLAMMARION

2. OUVRAGES DU MME AUTEURChez le meme diteur:LA RVOLUTION A REFAIRE:tome I.LE SOUVERAIN CAPTIF, 1936, 45 mille.L NOTE DE SEMALlE, 1937, 12" mille.ALERTE AUX FRANAIS, 1936, 200 mille.SUR LA PElTE, Ig35, 52 mille.LA RFORME DE LTAT, LES IDES MATRESSES DB LHEURI!DE LA DCISION ll, Ig34, Ise mille.LHEURE DE LA DCISION, Ig34, 2ge mille.DEVANT LE PAYS, Ig32, I8e mille.LPREUVE DU POUVOIR, Ig3I, 12 emille.Chez dautres diteurs :QUESTIONS DIPLOMATIQUES, Flix Alcan, Paris 1904.LA CONFRENOE DALGSIRAS,troisime dition, Flix Alcan,Paris IglO.LAFRANCE ET LES ALLIANCES, quatrime dition, Fla Alcan, Paris,Iglo.NOTES SUR LES T.TS-UNIS, sixime dition,Calmann-Lvy,Paris, 1917.LE PRINCE DE BLOW, septime dition,CalmannLvy,Paris, Ig31.LE MYSTRE DAGADIR, tI:oisime dition, Calmann-Lvy,Paris, Ig12.LAMRIQUE EN ARMES, deuxime dition, E. Fasquelle, Paris, 1919.LA PAIX, vingtime dition, Payot, Paris, Ig21.THE TRUTII ABOUT THE TREATY (Bobbs-Merril), 30 mille.SLESVIG PAA FREDSKONFERENCEN(avec la collaboration deF. de Jessen), Copenhague, Ig26.DEVANT LOBSTACLE, vingtime dition, Emile-Paul, Paris,19 2 7.FRANCE AND AIIIERICA,Houghton Mifflin Co, 1927.LE SLESVIG ET LA PAIX(en collaboration avec F. de Jessen) Jules Meynial, 1930.FRANCE IN DANGER, Denis Archer, Londres,1935. 3. ANDR TARDIEU La Rvolution refaireIlLa professionparlementaireERNEST FLAMMARION, EDITEUR 4. Il a t tir de cet ouvrage : vingt exemplaires lUI papier du Japon numrotl de 4 20,soia:ante-luinze exemplailes lUI papier de Hollandenumrots de :U 95,cent exemplaires lUI papier verg pur filOuthenin-Chalandle numrotl de 96 495et lix cent loixante exemplaires sur papier al[anumrots de 496 855.Droils de traduction, de reproduclion et dadaptation rservs pour tous les pays, Copyright J037,by ERNEST FLAMMARION 5. LA RVOLUTION A REFAIRE (1)TOllE 1. - Le souveraIn captif. *TOllE II. - La professIon parlementaIre. *TOllE III. -Le sabotage des Intrts gnraux.TOllE IY. - Le rgne du matrIalisme.TOMEV. - Les Issues possibles. TABLE DES MATIRES DU TOME II LE MTIERCIIAPITRE PIIIlMIER. -LA STRUCTURE DU MTIER. i31. Du mandat au mtier. - Les caractres du man dat (p. H). - Lvolution anglaise (p. i5). Lvolution franaise (p. i6,. - Le sophisme de la reprsentation (p. D). - Les dbuts du mtier (p. i9). - La profession constitue (p. 20).Il. Les cadres du mtier. - La libert daccs (p. 23). - La r ligibilit (p. 2-). Le cumul des mandat:; (p. 27). - La rtribution (p. 28). - Un mtier solide (p. 30).III. Statique et dynamique du mtier. - Lobsession de la rlection (p. 33). - La non-reprsentation de lin trt gnral (p. 34). - Lobsession de lavancement (p. 35). - Le pugilat pour le pouvoir (p. 37). - Le fond des choses (p. 38).CHAPITRE II. -LA SUBSTANCE DU MTIER. . . 401. Lintervention. - Les origines lointaines de linter vention (p. oU). - Comment on intervient (p. 44).(1) Les tomes parus sont marqu~ dun astrisque. 6. 6 TABLE DES MATIRES Lambassadeur-courtier (p. 4(5). - La mutuelle lecto rale (p. 4(6).IL La coalition. - Le nombre et la coalition (p. 4(7). Les coalitions dautrefois (p. 49). -- La coalition contem poraine (p. 51). - Coalition et mtier (p. 53).III. La parole. - Lvolution de la parole publique (p. 55). - Le rgne des robins (p. 58). - [Tne mauvaise prpara tion (p. 59). - La tribune et les tribunes (p. 6i).COAPITRE III. - LA TENDANCE DU MTIER G3I. Lhistoire du mouvement gauche. - Le mouve . ment gauche avant 1871 (p. 64). - Le mouvement gauche depuis 187l. (p. (6). - Les lections de gauche (p. 68). - La forme nouvelle du mouvement il gauche (p. (9). - Lexclusion des rallis (p. 70). - Lexclusion des modrs (p. 12). - Le Front populaire p. 74).II. Lexplication du mouvement gauche. - Le nombre et la gauche (p. 75). - Les autres causes du mouvement il gauche (p. 78). - La qualit des hommes (p. 80). - Le mouvement gauche et le mtier (p. 82).III. Pas de rsistance au mouvement gauche. - La faillite des droites jusqu t!l75 (p. 84-). - Le t6 mai et ses lendemains (p. 85). - Laprs-guerre (p. 87). - Les ligues (p. 88). - Hors du mtier (p. 90). LE MILIEUCIIAPITREIV. - LATTRAIT PARLEMENTAIRE.. 95~ 1. Le prestige des assembles. - Les prophtes du prestige (p. 96). - Les motifs intresss (p. 99). Les motifs dsintresss (p. 100). - Prestige et profes sion (p. 102).1Il. Lesprit de corps et la camaraderie. - La solida rit dans le plvilge (p. 103). - La camaraderie parle} mentaire (p. 107). - Les limites de la camaraderie~1(p. 108). 7. TABLE DES MATIRES 71Il. La presse et la profession. - L"volution de la presse (p. fi 1). - Les parlementaites et la presse (p. fi3). - La presse parlementaire (p. H4). - La pro fessionparlementaire et la libert de la presse (p. H 7). - Actions et ractions (p.U8). V. - LE CORPS A CORPS PARLEMENCII.TlIETAIRE . . . . . 0 il91. Les individus. - Les origines de la duplicito (p. i20).- La duplicit dmocratique (po i22). - La frocitparlementaire (p. i23). - Le mpris de la vtrit(po i26)0 - Le dcouragement des meilleurs (po i27)0 1Il. Les partis. - La trahison, me des partis (po i29)0 La trahison rvolutionnaire (p. i32). - La trahison radi cale-socialiste (p. i33). - La trahison conservatrice(p. i36).Ill. Les chefs. - La recherche de la popularit (p. i38)0 La dfaillance des chefs avant i87i (po i 39). - La dfail lance des chefs sous la Troisime Rpublique (p. i42). - Quelques vedettes (p. i45). - Les dbuts de M. Thiers (p. H:7). - M. Thiets et la Rpublique (p. H9).VI. - LA MDIOCRIT PARLEMEN ClIAPITRE TAIRE . . . . . . . . . . . . iail, Les ides. - La mdiocrit du recrutement et du travail (po i52). - Le rgne du clich (p. i54). - Tmoi gnages sur la mdiocrit (p. i57). - Mdiocrit et mtier (p. i60).Il. Le rendement. - Labsentisme (p. i(2). - La vio lence (p. i(6). - La lenteur parlementaire (p. i67). - La mauvaise qualit des lois (p. f6J). - Quelques tmoi gnages sur le rendement (p. ni). III. Le discrdit. - Le dtachement des lites (p. i3).- La dsaffection du p~uple (p. i 76). - Le complexe dudiscrdit (p. t 78). - Quand le mcontentement explose (p. i79). 8. 8TABLE DES MATIRESLE DESPOTISME CUAPITREVII. - LES MODALITS DU DESPOTISME PARLEMENTAIRE. . . . . . . . . . 181 I. La doctrine du despotisme. - Les origines philosophiques et historiques (p. 182). - Le despotisme rvolutionnaire (p. 184-). - Les deux Restaurations lp. 18;;). Le moderne despotisme (p. 186). - Quelques tmoins(p. t88). - Despotisme et mtier (p. ll). Il. La tyrannie de la sance. - Les interpellations(p. 1931. - Un peu de statistique (p. 1!J4-). - Les vicesdu systme (p. 195). - Linitiative gouvernementale(p. t97). - Linitiative parlementaire (p. 19~J. - Lindpendance de la rep"sentation (p. ~OO).Ill. La tyrannie hors sance. - Les commissions(p. 202). - Les groupes (p. 205). - Laction individuelle(p. 207). - La vaine indignation des chefs (p. 210). Au cur du mtier (p. 212). CIIAPlfRE VIII. - LABSENCE DE FREINS . . . . . 2U I. Le chef de ltat. - Le rodage des ciJefs dtat(p. 215). - ~a Prsidence de 1875 (p. 2t7). - Le prsident ananti (p. 220). - Les al.t.ributions non-exerces(p. 22t). - La victoJe de la profession (p. 224-). II. Le chef du gouvernement. - Les origines de la fai- ,blesse ministrielle (p. 226). - Sous la troisieme rpublique (p. 228). - La rgle du jeu (p. 23t). - Le gouyernement cras par les Chambres (p. 234-).. Ill. Les autres freins. - Pas de referendum (p. 236). Pas de dissolution (p. 238). - Pas de recours constitutionnel (p. 24-0). - Lusurpation snatoriale (p. 24-2). 1 Lidentit des deux Chamb"es (p. 2*5). - La dictaturetotale des assembles (p. 247). CllAPITRB IX. - LES EFFETS DU DESPOTISME PARLEMENTAIRE. . . . . . . . . 250 I. Linstabilit gouvernementale. - La stabilit du r1 gime (p. 250). - Linstabilit du gouvernement (p. 25t).- Les consquences de linstabilit (p. 2:i5): - Linstabilit et la profession (p. 256). 9. TABLE DES MATIRES 911. Lirresponsabilit gnrale. -Lirresponsabilit gouvernementale (p. 25R). - Lirresponsabilit parlemen taire (p. 260). - Lirresponsabilit populaire (p. 262). Lirresponsabilit totale (p. 263).III. - Loppression des minorits. - La tradition dop pression (p. 264). - La loi est Dieu (p. 267). Aucune limite loppression (p. 268). - Loppression el le mtier Ip. 270).LA SERVITUDECUAPITREX. - LES TROIS ESCLAVAGES . . 273J. Lesclavage local. - Laccord sur lesclavage (p. 27-i). - Llu asservi aux lecteurs Ip. 275). - Llu asservi au gouvernement (p. 278). - Un rgime mal sain (p. ~80).Il. Lesclavage politique. - Les origines de lescla vage politique (p. 281). - L"esclavage contemporain (p. 283). - Le rle des groupes Ip. 2S~). - ( LArt royal li (p. 286).III. Lesclavage pcuniaire. - Lexemple amricain (p. 288). - En France (p. 289). - Les petits services (p. 292).CUAPITREXI. - LA CORRUPTION PARLEMEN TAIRE. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . 295I. .Les prcdents. - En Angleterre (p. 296). - Aux Etats-Unis (p. 2971. - La corruption politique sous la Rvolution franaise (p. 2D8). - Les pourris Ip. 300). Restauration et Monarchie de juillet (p. 303). - Lavne ment de la Troisime Rpublique (p. 305).II. La corruption contemporaine. - La corruption paren haut (p. 306). - La pourriture dassemble (p. 307). - Les causes profondes (p. 3iO). - Le despotisme corrupteur (p. 312).III. Lcharpe et la robe. - Lavocat, la loi et le juge (p. 314). - De lusage labus (p. 316). - Inutiles dbats (p. 318). - Le mouvement gauche et la corruptionp. 321). 10. 10TABLE DES IIIATIRESCnAPITREXII. - LES SCANDALES PARLEMEN TAIRES .0 0 0 0 0 0 0 0 0I. La chronicit des scandales. - Les dbuts (p. 324,). - Laffaire Wilson (p. 325). - Le Panama (p. 326). Les scandales de lavant-guerre (p. 328). - La guerre et laprs-guerre (p. 330). - Hanau, Oustric, Stavisky, Lvy (p. 331). - Le scandale et le mtier (p. 333).Il. Le mcanisme des scandales. -Ajournement(p. 334). - Ngation (p. 335). - Reniement (p. 336). - Diversion (p. 337). - Contre-attaque (p. 338). - Appel li. la dmo cratie (p. 340).III. La rpression des scandales. - Les commissions denquHe (p. 3~2). - La justice (po 3-i6 ). - La policG (p. 350). - O lon retrouve la profession (p. 353).CHAPITREXIII. - PREMIRES CONCLUSIONS0 0 0 355Lunit des deux mensonges (p. 355). - Lunit des consquences (p. 3:;6). - Lignorance du peuple (p. 357). Ce qui ne peut pas durer (p. 35:}). - Il Y faut une rvolution (p. 3i). 11. CHAPITRE 1 LA STRUCTURE DU MTIER 1. DU MANDAT AU MTIER. - Les caractres dumandat. - Lvolution anglaise. - Lvolution fran aise. - Le sophisme de la reprsentation. - Lesdbuts du mtier. - La profession constitue. II. LES CADRES DU MTIER. - Pas de slection lentre. - Pas de limitation de dure. - Le cumuldes mandats. - La rtribution. - Un mtier solide. III. STATIQUE ET DYNAMIQUE DU MTIER. Lobsession de la rlection. - La non-reprsentationde lintrt gnral. - Lobsession de lavancement.-- Le pugilat pour le pouvoir. - Le fond des choses.La vie publique de la France souffre de deux altra tions.Dune part, les principes, sur lesquels elle croit avoir fond cette vie publique, sont outrageusement viols et le peuple est dessaisi, au profit de ses lus, des pouvoirs dont on lui fait honneur. Dautre part, les lus, qui dtiennent ces pouvoirs, se comportent, non en manda taires, mais en professionnels du mtier parlementaire.A quoi le peuple est rduit par les assembles, on le sait. Ce que sont les assembles, on va le voir. 12. 14LA PROFESSION PARLEMENTAIRE 1 DU MANDAT AU MTIERMandat parlementaire? Non. Le mandat appartient aupass. De nos jours, il est devenu mtier.Les caractres du mandat. Mandat et mtier ne sont point la mme chose. Ce sontchoses diffrentes et mme contraires. Le mandat estmission de confiance, mission personnelle, mission limitedans sa dure et limite dans son objet. Le mandatairereprsente pour une tche dfinie des mandants, qui leconnaissent et quil connat. Aucun de ces caractres nesattache au mtier. On ne" peut pas concevoir un mandat impersonnel, nnmandat perptuel, un mandat universel. Ds quapparaissent ces trois traits, impersonnalit, perptuit, universalit, le mandat svanouit et sa place est prendre. Cestainsi que du mandat on est pass au mtier. Pendant des sicles, les assembles locales, municipales,rgionales, nationales mme eurent un mandat commeorigine. Les membres en taient dsigns, titre temporaire et bref, par leurs pairs, en des comices ferms.Chaque ordre ou chaque classe de la socit choisissait,sans communiquer avec les autres, son reprsentant. Cereprsentant navait qualit de parler et dagir quau nomde ceux qui lavaient choisi. Cette qualit rsultait de lacommunaut dintrts et de vie, qui existait entre euxet lui. Les mandataires, ainsi crs, reprsentaient, non lanation, mais des fragments de la nation gnralementimpntrables, souvent hostiles les uns aux autres. Ils neconstituaient point des assembles homognes, totalisant,dans une globalit de reprsentation, un pouvoir gnral.Ils ntaient que des dlgus de catgories, - en Angleterre, dlgus des villes, des comts et des bourgs; enFrance, dlgus des nobles, des clercs et des bourgeois. 13. LE MTIER 15Les hommes, qui ce mandat tait confr, le redoutaient dordinaire plus quils ne le souhaitaient. Le dplacement les drangeait. La crainte de ntre pas rembourssde leurs frais par des mandants rebelles la dpense lesalarmait. On a connu des communes espagnoles qui, pourne pas payer, refusaient dlire des mandataires. Nosetats gnraux de 1483, dont le rle fut cependant important, demandrent modestement tre convoqus de nouveau au bout de douze ans. Ces assembles courtes et rares avaient pour habituellemission de disputer au souverain largent, dont il avaitbesoin. Elles taient dfenderesses et plaidaient la causedes payeurs. Capables daccorder les subsides, mais dsireuses de les refuser, elles se sparaient, ds qutait videla matire pour lexamen de laquelle elles avaient tconvoques. Lvolutionan~lai8e.Lvolution, qui a conduit du mandat au mtier, estne des contingences et des commodits plutt que dunevue de doctrine. Cela est vrai mme de lAngleterre, quipasse pour avoir invent le rgime reprsentatif.Quarriva-t-il? Afin de ne pas multiplier les lections,qui taient une corve pour tout le monde, on prit lhabitude de proroger les mandats. Comme on chargeait lesmandataires de placets pour le roi, on saccoutuma cequils en prsentassent de leur chef. Ainsi sannonaient,sans que lon y et song, deux traits essentiels de laprofession parlementaire, la permanence et linitiative.Ds ce moment, les lus grandissent en considration.Parce que leur mandat dure; parce que les sollic.itations,quon leur confie, sont souvent accueillies; parce que lepouvoir central, en qute de points dappui, les cOJ;)sultequelquefois sur de grandes questions de paix ou deguerre, les assembles anglaises prennent, ds la fin duxVO sicle, figure de pouvoir public. Elles ne participentpas laction de lexcutif. Elles ne le contrlent pas. Ellesne f(nt pas de lois. Mais elles sont des associes du souverain. Le principe ainsi pos va porter ses fruits. Le pouvoirde voter les subsides conduira la surveillance de leuremploi. Le pouvoir de prsenter les ptitions deviendra 14. 16LA PROFESSION PARLEMENTAIREcelui de proposer des lois, voire mme de rclamer desmises en accusation. Le sauf-conduit dlivr flUX luspour leur voyage se muera en inviolabilit. La frquencecroissante des runions aboutira lannualit de limpt. Le grand changement, celui dont sortira la professionparlementaire, ne viendra que beaucoup plus tard. Cestseulement au XVIII" sicle que les auteurs, tels que Blackstone, criront que chaque membre du Parlement est unepartie de la reprsentation du royaume . Cen est fini,ds lors, des mandataires spcialiss, qui ne parlaientquau nom de leurs mandants. Dsormais lassemble estune et saffirme dans son unit, comme lexpression de lanation. De l prtendre gouverner, il ny a quun pas.Ce pas a t franchi en 1782, quand les Communes, envertu de leur mandat gnral, renversrent - ctait lapremire fois - le ministre North. En mme temps seconsolida la sparation, commence deux sicles plus tt,du Parlement en deux Chambres. Ainsi sattnuait le caractre dassemble de vassaux, quavait eu dabord laChambre des lords. Ainsi saccentuait le cadre permanentdes activits professionnelles.Il y a, ds ce moment, en Angleterre, des familles quiferont, pour des sicles, mtier de sy consacrer.Lvolution franaist-.La France, aprs avoir suivi lAngleterre avec quelqueretard, la, au XVIII" sicle, rattrape et dpasse.Depuis les assembles de Charlemagne jusqu la Rvolution, elle navait jamais conu ses J::tats gnraux commeun instrument de gouvernement. A part Philippe Pot, quifit en 1483 figure d,origiqal, personne ne prtendait quele peuple ft le donateur du pouvoir. Ni en 1303, ni en1614, les Etats gnraux ne prsentrent de vritablesremontrances. Ce soin tait laiss aux magistrats, membresdes Parlements et propritaires des charges quils avaientachetes.Quand le roi tait faible et la situation trouble, lesJ::tats gnraux devenaient sditieux. Quand le roi taitfort, ou bien ils procdaient par supplication; ou bien ilsne se runissaient point. Dans tous les cas, le pouvoircentral finissait par obtenir largent, dont H avait besoin: 15. LE ~lTIER17ctait laide ), laquelle sajoutait le c conseil ), dosortit la ptition. Ce consentement de limpt fut la base initiale desassembles franaises. Le rle propre des mandataireslus tait doctroyer ou de refuser cette aide. Nous retrouverons ce droit dans les constitutions rvolutionnaires,dans les Chartes de 1814 et 1830, dans la Constitution de1848. Ctait lcho de la dclaration anglaise de 1689 : c Tout impt lev sans le consentement des Communesest illgal. ) Rien, par contre, dans nos Etats gnraux, nannonaitle pouvoir de lgifrer, ni le caractre national du mandat. Les mandats taient locaux et impratifs, - prciss,de Charles VII Louis XVI, par des cahiers ) toujourstrs respectueux de lautorit royale. Personne ne concevait que chaque dput reprsentt la nation. Chaque dput ne reprsentait que son ordre et que sa ville. Le plussouvent, les trois ordres taient dailleurs plus occups ilbatailler les uns contre les autres qu revendiquer ensemble un pouvoir politique solidaire. Au fond, ces runions ntaient gure dsires. Les rois,devenus absolus, sen offensaient. Les lus savaient que,sous le nom daide et conseil, cest toujours une note payer qui leur serait finalement prsente. QuandLouis XVI convoqua les f:tats de 1789, il y avait centsoixante-quinze ans que, malgr bien des orages, on avaitlaiss dormir cette vieille procdure. Le sophisme de la reprsentaHon. Avec la Rvolution, tout va changer. La notion dereprsentation nationale, dabord timidement introduite, la suite des Anglais, va tout envahir et mettre la prOfession la place du mandat. On commence par supprimer le vote par ordre et parlui substituer le vote par tte. La mission daide et conseildevient pouvoir constituant. Bientt les constituants seferont gouvernants en se saisissant de la lgislation et deladministration. La loi de 1791 proclame que la Constitution franaise est reprsentative. Cen est fini du mandat.Le mtier va natre. Certains protestent, qui peut-tre prvoyaient les suites, 16. 18LA PROFESSION PARLE!IENTAIREet Us prononcen~ un rappel aux principes. Ption disait : Les membres du corps lgislatif sont des mandataires. Lescitoyens, qui les ont choisis, sont des commettants. Donc ces reprsentants sont assujettis la volont de ceuxde qui ils tiennent leur mission. Nous ne voyons aucune diffrence entre ces mandataires etles mandataires ordinaires. Les uns et les autres agissent au mme titre. Hs ont lesmmes obligations et les mmes devoirs. Dans cette voie de prudence, on prend mme certainespJ;cautions : limitation de la dure du mandat; non-rlgibilit. Mais le courant inverse est trop fort. Il emportetout. Un obscur dput, nomm Dupont, le rsume crmenten scriant :Ce ne sont pas des ~tats gnraux priodiques que nous avonsinstitus, mais une assemble nationale permanente.Ce nest pas pour venir de temps en temps voir ce qui scpasse dans ladministration que la nation envoie des dputs.Cest pour prendre une part active ladministration.Tout est dans ces quelques paroles, - la permanence,le caractre national du mandat, lomnipotence. Burkeavait dj marqu le coup et montr quon tournait le dosaux prcdents. Il avait crit, quelques mois plus tt:Vos reprsentants se sont carts des instructions quilsavaient reues du peuple et qui taient la seule source de leurautorit...Lassemble, pour obtenir et assurer son pouvoir, a agidaprs les principes les plus opposs ceux quelle paratsuivre.Bientt ce fut la Convention. Alors, sous le couvertdun mandat dsormais prim, cest la totalit de la puissance publique quusurpe la petite fraction dlus, quimne lassemble. Elle fait les lois. Elle gouverne. Elleadministre. Elle juge. Elle commande aux ministres. Ellenomme aux emplois. Elle dpose le roi. Elle lemprisonne.Elle le guillotine. Elle se dclare en permanence. Elleexerce le pouvoir absolu. La notion du mandat personnel et temporaire svanouitsi compltement; la notion du mtier, qui doit durer ct 17. LE MTIER 19nourrir son homme, stablit si imprieusement quela Convention expirante imposera il lassemble suivante,par un dcret arbitraire, labsorption des deux tiers deses membres. Ainsi la profession exproprie le peuple, dontelle affirme la souverainet, pour substituer son choixles convenances de sa dure. Sous le Consulat et sous lEmpire, qui remplacent lavolont du peuple par la volont du matre, il ny a plustrace du mandat et les assembles votent par ordre. Maistandis que le mandat disparat, le mtier se consolide. Ily aura toujours, un Corps lgislatif. Il y aura toujours unSnat. Leur contrle et leur initiative seront gaux zro.Mais ils organiseront le mtier avec un incomparablesuccs. Ils rclameront et ils obtiendront tantt une aug-mentation de salaire; tantt une dotation; tantt lhr-dit; tantt le droit dtre indfiniment rligibles. Les pires tragdies de lhistoire franaise laisserontintacte cette professionnelle vigilance et, en 1815 commeen 1814, les Snateurs de lEmpire auront lunique ambi-tion dentrer dans la Chambre des pairs de Louis XVIII.Ce sont dj des gens de mtier. Les dbuts du mtier. Louis XVIII, en oct1Oyant la France le rgime repr-sentatif, auquel il avait pris got en Angleterre, a prcipitle mouvement.Ds ce moment, lesprit professionnel a si parfaitementdnatur le mandat que la plus violemment ractionnairedes Chambres de la Restauration, celle de 1815, qui amrit le nom de Chambre introuvable, sera la plusardente affirmer les revendications du mandat-mtier; les affirmer contre le pouvoir royal, dont elle taitpassionne; exiger, au del des stipulations de la Charte,le maximum de prrogatives : contrle des dpenses,initiative, amendement, interpellations sur les ptitions.Le m04vement continuera sous Louis-Philippe etM. Thiers, au seuil de sa longue et illustre carrire, serale premier type de ce politicien professionnel, qui en-combre lhistoire de notre temps. M. Guizot dclarera ~onalarme de voir que les dputs se considrent commeinvestis dun mandat illimit. LAssemble nationale et 18. 20LA PROFESSION PARLEMENTAIRElAssemble lgislathe de 1848 sortiront de cette conception. Le Second Empire lui-mme ny chappera pas. SonCorps lgislatif, brid par le Conseil dtat, trouvera danslesprit de mtier, avec la complicit de son prsident, leduc de Morny, le stimulant de son rveil. Et, de transitionen transition, on arrivera lEmpire libral, qui confierases destines aux professionnels de la politique. La Troisime Rpublique, peine ne, sest orientedans le mme sens. LAssemble nationale navait reuquun mandat : faire la paix. Elle a fait une constitution.Par contre, et bien quelle ft en majorit composedhommes qui ntaient point des professionnels, elle sest,en quelques mois, si fortement prise du mtier parlementaire quelle en a t la fondatrice. Possdant, en vertu des textes et des faits, un pouvoirplus absolu que celui de la Convention, elle en a revendiqu tous les privilges, sans se soucier du vu de sesmandants. Elle a tout sacrifi sa dure, mme ses convictions. Quand M. douard Laboulaye lui a dit en 1875 quillui fallait choisir entre constituer ou sen aller, elle aconstitu. Elle a vot la Rpublique, dont elle ne voulaitpas, pour viter dtre dissoute. Pis encore. Aprs avoir rtabli son profit le clme delse-majest, elle a de nouveau affirm son esprit de corpslors de la dsignation des snateurs inamovibles. Il fallaittrouver soixante-quinze noms de qualit. Lide ne vint personne, pas plus droite qu gauche, quon plit leschercher hors de lassemble. Et lon lut soixante-quinzedputs. Ce qui sest pass depuis, et qui est plus prs de nous,fait lobjet de ce volume. La transformation du mandat en mtier a cr la dictature des majorits, la ruinede lautorit et la servitude des lus. Nul nen contesteles ravages. Mais nul ne propose dy mettre fin. La guerrede 1914, qui a chang tant de choses dans lordre matrielet dans lordre moral, a laiss intacte, avec tous ses attributs, la profession parlementaire.La profession constitue.Les Amricains, qui ne pensent pas que le peuple souve 19. LE MTIER21rain, incapable dexercer sa souverainet par lui-mme,puisse, de ce fait, la dlguer ses lus, ont fix deslimites crites lomnipotence de la reprsentation etd~fini un certain nombre de choses, -libert des glises;comptences du jury; publicit des dbats de justice;droit dassociation, de runion, de ptition; libert de lapresse, - quoi les lus nont pas le droit de toucher. Rien de tel dans nos lois de ~875, o tout est sous-entendu. Il en est rsult que rien, chez nous, na mis obstacleau dessaisissement du peqple par le mtier et limmolation des principes sur lautel de la profession. Alors le jeu commence. Par les brigues lectorales; parla mutilation deAeffectif qui vote et de la comptence desvotants; par le dcoupage des circonscriptions; par lesabstentions tolres; le scrutin majoritaire darrondissement; la rligibilit indfinie; le cumul des mandats; laquasi-permanence des assembles, lancien mandatairegratuit, dsormais rtribu et pensionn, tient, commeArlequin, sa boutique sur les marches du Palais. Cest un mtier comme un autre, quon exerce, suivantdes rgles fixes, avec un automatisme qui rappelle lesanimaux-machine de Descartes - un mtier qui mne tout, condition dy rester.Les rgles, qui rgissent cette profession, sont complexes ce point que, sans puiser la matire, feu M. EugnePierre, Secrtaire gnral de la Chambre des dputs, lui a consacr trois gros volumes de quatorze cents pages cha cun. Cest le brviaire des rites. Les premires assembles de Grande-Bretagne et de France navaient rien prvu de tel.M. Raymond Poincar, qui sans doute loccasion a manqu, dans une longue vie charge dhonneurs et de pouvoirs, de gurir ce mal, le qualifiait nagure aussi sv rement que moi en crivant : La dputation devient un emploi, un mtier, une fonction,au lieu de rester un contrat de bonne foi, - ce qui est en droitcivil la dfinition du mandat - entre les lecteurs et les lus ...On sachemine ainsi vers lheure o la dputation sera, saufrare exception, le luxe de la richesse ou le gagne-pain des politiciens daventure.. On fait, de nos jours, mtier dtre dput, snateur et 20. 22LA PROFESSION PARLEMENTAIlEministre. On dcide de devenir parlementaire, commejadis on dcidait dtre prtre c pour tre tranquille ) ;comme on dcide de devenir picier, mdecin ou sousprfet. Le dput, paltie composante de lorgane appelParlement, sabsorbe dans cet organe. Et, comme lorganelui-mme, il aspire lternit, avec la conscience illusoire de reprsenter, sans limites de comptence, laFrance entire. Ce nest plus un mandat. Ce nest mmeplus un mtier. Cest une charge. Cest un privilge. Pour exercer ce privilge, un corps professionnel sestform, dont la fonction est de dtenir le souverainetusurpe sur le peuple. La profession a cr cette classe.Mais la classe a dvelopp la profession, dont elle vit.Au xx sicle, le cycle du phnomne est rvolu. Et laFrance, sans y regarder de trop prs, voit dans ses lus lesinterprtes de sa volont. Lhabitude aidant, elle ignoreque sa prtendue souverainet nest que la matire premire de lindustrie parlementaire. CeUe transformation et cette spoliation sont les maHrestl"aits du rgime contemporain. 11. Taine et sa gnrationsemblent les avoir ignors, faute sans doute den avoirconnu lachvement. La profession parlementaire, dsormais tablie dans les murs, domine la politique de laFrance. Dfinir sa structure, son objet, ses tendances, sonmilieu, ses moyens, ses effets, son despotisme, ses servitudes, cest expliquer aux consciences alarmes lesconditions de la vie franaise. II LES CADRES DU MTIERIl nest pas de mtier plus fortement charpent que lemtier parlementaire. Les profits, quil comporte, ne seretrouvent en aucun autre.Ces profils sont au nombre de six : totale libert daccs; totale libert de dure; totale libert dextension;salaire rgulier; retraite assure; avantages en nature. 21. LE MTIER23 La libert daccs. Erasme disait que pour tre cocher, il faut apprendreson tat, mais que, pour tre prince, il suffit de natre. Il en va de mme pour tre parlementaire. Il suffitdavoir vingt-cinq ans, sil sagit de la Chambre; quarante,sil sagit du Snat. Comme les systmes aristocratiquesde lantiquit, notre dmocratie prfre, pour son recrutement, le critrium physique de lge au critrium intellectuel et moral. La profession parlementaire est la seule rentre delaquelle ne soient exigs ni titres, ni diplmes, ni concours,ni examen, ni comptence quelconque, ni mme capacitphysique. Le candidat, qui, comme on dit, " se porte :),est seul juge de sa valeur. Ainsi que les marquis de Molire, il est cens tout savoir sans avoir rien appris. LesAmricains imposent aux immigrants des conditions dinstruction. La Rvolution franaise en imposait aux lecteurs. La Troisime Rpublique tout en se recommandantde la science, se place, pour le choix de ses lus, sous lesigne de lignorance. Jentends bien quil en a toujours t ainsi et que dj,au dire de Platon, les Athniens sadressaient aux techniciens pour les petites choses et, pour les grandes, auxamateurs. Je nignore pas non plus que des professeursde droit ont doctrin la supriorit, pour les postes dedirection, de ce quils appellent lamateurisme. Il nendemeure pas moins que, par sa facilit daccs, lactivitparlementaire est la plus sduisante des carrires. Et cestil ce titre que je ltudie. Cest trs exactement la seulepour laquelle on accorde des blancs-seings des incomptents et des inconnus. Un second avantage, qui se lie au premier, est dans legrand nombre des places disponibles. On a souvent reconnu quil serait sage d rduire aux proportions desJChambres des tats-Unis le nombre des dputs et lenombre des snateurs. Mais, chaque fois quon sen estoccup, on a augment ce nombre, au lieu de le rduire:39 dputs de plus, quand on a institu le scrutin de listeen 1885 ; 23 de plus, lorsquon la supprim en 1927. Laproposition Hovelacque de 1893, qui tendait rduire 2 22. 24LA PROFESSION PARLEMENTAIREdun tiers leffectif de la Chambre, fut repousse denthousiasme. La loi fe 19~9 avait fix cet effectif 584. Il semontait en 1937 618. Il Y avait eu, aux lections de 1902, 2.515 candidats. Oncn compta 5.635, aux lections de 1932. La rll~lbllit. tlu vingt-cinq ans, on peut, dautre part, se flatterde lespoir ,de rester, sa vie durant, en tat dactivit parlementaire, - dabord parce quon a le droit dtre indfiniment rlu; ensuite, et consquemment, parce que laprofession parlementaire est la seule qui ne connaisse pasde limite dge. Les hommes de la Rvolution, que les Franais duKX" sicle invoquent tort et tra,crs, ne pensaient pasque ce f(rt aIle bonne chose. A peine issus du mandat,encore fidles ses exigences et inspirs de son esprit,redoutant le rgne du mtier, beaucoup dentre eux rclamaient la brivet du terme et, plus encore, linterdictiondtre rlu. A la Constituante, tout le monde tait l-dessus daccord. Les uns, comme le reprsentant Hardy, sappuyaientsur lexemple de lantiquit. Hs invoquaient la rlectiondes Dcemvirs, annonciatrice .de la perte de la libert etles proscriptions de Marius, aprs quil eut t sept foisnomfD consul. Les autres, attaquant de front le problmt!,donnaient; contre la dure et contre le renouvellementindfini du mandat, des raisons, qui, de nos jours, feraientseandale et qui taient pourtant de bonnes raisons. On lesinVQqua pareillement la Lgislative. . Le Girondin Buzot disait que c: la continuation despouvoirs et des fonctions est un principe de corruption :t. Il ajoutait que les nouveaux lus valent mieuX que les anciens, ,parce que, moins comptents peut-tre, ils sont aussi moins corrompus. Et il allait au fond des choses en dnonant les ambitieux, qui voudront se faire dela lgislature un mtier et pour qui toute mesure serabonne, pourvu quils russissent se faire rlire :t.Un autre reprsentant, dont le nom na pas connu lagloire - il sappelait Prugnon - avanait le 16 mai 1791ce clairvoyant pronostic : 23. LE MTIER25 Le jour o la France aura des reprsentants perptuels (cest -dire indfiniment rligibles) sera le dernier jour de la libert. Cest assez que le pouvoir lgislatif rside dans une Chambre unique, sans y ajouter lincontestable danger de la rlection. Le plus terrible des despotismes est celui qui porte le cos tume de la libert. Veut-on des cautions plus notoires et plus pures ? Ecoutons le citoyen Barre :La rlection indfinie met les hommes la place des insti tutions. Elle cre les natteurs du peuple qui deviennent bien tt ses maUres ou ses tyrans.Elle corrompt la fois le gouvernement et la lgislaLure, le lgislateur qui se vend et le minisLre qui lachte.Le ministre, au lieu de tenir les rnes du gouveTnement, tient le tableau des places quil peut donner aux parents du lgislateur.Voulez-vous mieux encore? Voici, toujours dans le mme sens, contre les longs mandats, contre la rligibiIit, la sentence de Maximilien Robespierre : A mesure que [lu, sil est rligible, approchera de la fin de sa carrire, il songera plus son canton qu sa patrie; plus lui mme qu ses commettants. Cent ans plus tard, avec lpreuve du fait, un crivain de gauche, M. Robert de Jouvenel, montrera ce que devient un rgime o tout-Ie monde se perptue. .Les assembles rvolutionnaires ont dabord essay de profiter de ces bons conseils. La premire a interdit la rlection de ses membres. La troisime a fix douze mois la dure du mandat. Une autre a propos un mandat de quatre ans, avec possibilit de rvocation. Mais que pesait tout cela en face du sophisme de la reprsentation,- de la reprsentation totale, souveraine, professionnelle ?Au nom de la souverainet du peuple, Thouret, Duport.Le Chapelier ont donc rclam, ds le dbut, la rligibilitindfinie. On les couta avec faveur et, uue fois lanc, onne sarrta plus. On vit la Convention naissante supprimer la Constitution. On la vit, expirante, imposer lAssemble suivante le repchage des deux tiers de soneffectif. 0!1 vit ensuite le Premier Empire accorder larligibilit perptuelle; le Second y ajouter la pratique de 24. ~ LA PROFESSION PARLE}lENTAIREla candidatl:lre officielle, au bnfice des sortants. On vitenfin lAssemble nationale de 1875 confter soixantequinze de ses membres la dignit de snateurs inamovibles. A ce rgime dternit dans le mandat, on a cherch desexcuses. On a dit que, mme mauvais, ce rgime taitncessaire pour obtenir un minimum de stabilit gouvernementale et parlementaire. Ce nest pas vrai. Cest sousle rgime de la rligibilit indfinie que la France, ensoixante-six ans, a consomm plus de cent ministres. Etcest sous le mme rgime quon a vu sortir des Chamooes,par chec lectoral, des hommes tels que MM. Albert deJlun, Jules Ferry, Paul de Cassagnac, Jacques Piou, Clemenceau, Jaurs. Aussi bien, si lon souhaite la dure, on na, en ce quiconcerne le gouvernement, qu modifier le jeu de la responsabilit ministrielle; en ce qui concerne les dputs,qu voter soit UJ1 mandat plus long, soit le renouvellementpartiel. La rligibilit ne se justifie quc dans le cas dedissolution. On a, an surplus, constat que le~ plus dsintresses de nos assembles, celles de 1789, de 1848, de1871 et de 1919, avaient t celles aussi o la rlectionon bien navait pas jou, ou bien navait que peu jou. Les dputs et les snateurs sont en fait inamovibles.Le pays est convaincu quil lit les premiers pour quatreans et les seconds pour neuf ans. En ralit, et considrer les deux Chambres qui sont des vases communicants, il les lit pour beaucoup plus longtemps. LesChambres de 1940 seront, raison de 60 %, composes enmajorit de membres qui ont, dans lune ou danslautre, dbut en 1920, ou mme avant. En dautres termes,les assembles, grce la rligibilit, ne se renouvellentpas aussi vile que le pays. La reprsentation lue ncst jamais contemporaine de la gnration qui llit. Elle exprime, dans sa majorit, la formation et lesprit dil y a vingt-cinq ans. .Les tats-Unis ont, dans leurs lois, dispos que, dans certains cas dailleurs exceptionnels, les lecteurs pour raient rvoqu~r leurs lus, sils jugeaient que ces lus ont cess de les reprsenter fidlement. Une telle disposition dchanerait, au Luxembourg et au Palais-Bourbon, une explosion dindignation. Quand, en 1917, M. Emmanuel 25. LE lllTI-ER27Brousse proposa la non-rligibHit des sorta,n,ts, peu senfallut quil ne mt jetil la Seine. Le mandat parlementaireest tenu par ses dtemeurs comme dessence permanente.Ils estiment que cest leur bien, ainsi qu.une tude denotaire est le bien de son propritaire. Par voie de consquence, la rligibilit indfinie entrane labsence de limite dge. Les Chambres votentconstamment des lois pour fixer lge auquel un fonctionnaire leur parat incapable de lemplir plus avant sa foncton. Elles nen ont jamais vot pour elles-mmes. Tout lemonde a connu destims collgues qui, bien que frappsde paralysie gnrale, posaient nouveau leur candidatureet qui, bien que personne nignort leur tat, taient unefois de plus lus. On a mme connu des battus, qui, ayant exerc cinquante ans le mtier, ne se rsignaient pas penser quils ne leKerceraient plus et revenaient machinalement sasseoir sur les banquettes, dont les huissiers les cartaientdoucement.Le eum des mandats. Ce quon vient de lire est relatif "1extension indfiniedu mtier dans le temps. Il sy ajoute lextension indfiniedu mandat dans lespace. La seconde nest pas moins prilleuse que la premire. -Quiconque a conquis un mandat lectif aspire, soit pourle fortifier, soit pour le remplacer, en conqurir unautre. Quiconque a t lu dput aspire devenir snateur. Quiconque est dput ou snateur aspire tre, enoutrc, conseiller municipal, mail1e du chef-lieu, conseillergnral, Prsident de lAssemble dpartementale. Au mandat, qui sexerce Paris, on ajoute ainsi lesmandats locaux, qui, par leur faisceau, crent ces puissances fodales, dont parlait nagure un crivain radical.Quon soit dplJ1t ou quon soit snateur; quon soitrduit au terme bref ou quon bnficie du terme long, cest la mme chose. Lessentiel est de disposer de tous les mandats rgionaux en addition au mandat national.En vain remarquerait-on que ces mandats sont des sen,ces diffrentes et rt,~prsentent des jntrts parfois contradictoires. Il ne sagit que de les cumuler dans un iontrt de personne ct de mtier. On a supprim en lS89 26. 28 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE le droit pour un seul homme de se prsenter dans plusieurs circonscriptions, ce cumul nayant quun sens poli tique. Mais on a laiss subsister le droit de reprsenter plusieurs fois, des titres varis, la mme circonscription, ce cumul ayant, dfaut de sens politique, un sens tout fait positif de profit lectoral et professionnel. Lorsque,en 1910, M. lAbb Lemire proposa dinterdire ce cumul, il fut battu haut la main.De l sont nes les tyrannies locales, par o sexprimele plus efficacement la dictature parlementaire et qui sont lessence du mtier. Feu M. Henry Chron tait Caen, cheflieu de son dpartement du Calvados, un vrai souverain. De mme, au Mans, chef-lieu de son dpartement dela Sarthe, M. Joseph Caillaux est souverain. Et, de mme, Grenoble, chef-lieu de son dpartement de lIsre,M. Lon Perrier. Chacun de ces messieurs possdait oupossde dans sa Prfecture le pouvoir absolu. Chacun ydisposait ou y dispose dun bureau, dune chambre, dunlit, dune baignoire" dun chef de cabinet et de nombreuxsecrtaires. Cest la profession ralise au maximum.Un seul cumul de mandats tait autrefois interdit, sinonpat la loi, du moins par lusage : celui du mandat lgislatif avec le mandat de conseiller municipal de Paris.Depuis la guerre, cette interdiction a disparu et, sansdistinction de nuances, les conseillers municipaux deParis restent lHtel de Ville, quand ils sont nommsdputs. Il arrive mme que les dputs de la Seine oudailleurs posent leur candidature au Conseil Municipalde Paris, sans cesser, pour cela, dtre dputs.Et, consid~rant le mtier, je demande une fois de plus,sil en est un meilleur.La rtribution. Cette profession po"ssde, dautre part, lavantage dtre,il linverse de beaucoup dautres, rgulirement rmunre. La rmunration parlementaire date de loin el, ds lorsque llection est la base, elle est logique. Puisque, sans, devenue la principale occupation des dputs. 41. LE MTIER43Un dput du centre confessait que beaucoup .A mesure que, dans les annes suivantes, la professionparlementaire sest organise, labus de lintervention sestfait plus scandaleux et les dfenseurs les plus obstins dustatu quo nont pas pu sempcher de le signaler. M. Ribot"qui ntait point un homme de fer et navait pas lmerformatrice, reconnaissait que le rgime rpublicain ressemblait beaucoup lancienne monarchie, o toutdpendait de la favel!lr >. M. Poincar se plaignait que leslus fussent devenus des commissionnaires et il ajoutait : Au lieu daV-ol a:ffaire un reprsentant du peuple, qui nelui doit compte que de sa conduite politique, llecteur assigellu par sa correspondance et souvent par sa prsence relle. Il le harcle et le dput cherche sen dbarrasser en sendchargeant quelquefois sur son voisin, quelquefois sur lesous-prfet, quelquefois sur le brigadier de gendarmerie ousur le juge de paix. Mais si llecteur pousse la curiosit jusqu venir au centre,le dput sen dcharge sur les ministres. Est-ee la faute des lecteurs P Est-ce la faute des lus P Nullement. Cest la faute du rghne.M. Poincar a rpt la mme chose en 1912. Il la rpteen 1926, sans malheureusement profiter, pour apporter desremdes, de labsolu pouvoir, dont il disposait alors. 11prcisait sa pense en ces termes :Nous sommes obligs cl employer la plus grande partie denatre activit des besognes fastidieuses, des dmarchesingrates.Nous arrivons, sous la pression des Influences locales, considrer notre ingrence quotidienne dans les questions administratives comme une ncessit vitale pour conserver notremandat. 42. H LA PROFESSION PARLEMENTAIREIl Y a moins de dix ans, un dput de mrite, M. Lafagette, crivait que, cause de cela cest grce leurs dfauts plus qu leurs qualits que les candidats triomphent. Comment on intervient. La Chambre est organise spcialement pour lintervention. Elle compte une centaine de groupes de dfense :.,o, sans distinction de parti, ses membres se rencontrent pour systmatiser cette intervention. Il y a des groupes trs-nombreux pour la dfense v.iticole, forestire, pay sanne; pour la dfense de lautomobile, de laronautique, de llevage, des matriaux franais, de lartisanat, des cheminots, des blesss du poumon, des anciens combat tants, des ayants-droit la carte du combattant, de la dmocratie rurale; des vieux travailleurs non pensionns, des marchands forains, des mdaills du travail,des bouil~ leurs de cru, des rentiers viagers, des planteurs de bette raves, des locataires, des inscrits maritimes, des travail leurs de letat, des retraits, des sapeurs-pompiers, des receveurs-buralistes, des douaniers, du personnel des administration centrales, du personnel des P. T. T., du personnel des polices de France.Les lus sont ainsi embrigads dans larme offensive de lintervention. Gaspillage du budget; ngligence des intrts gnraux; favoritisme; intolrance; instabilit; matrialisme; corruption en sont la consquence etjy reviendrai. Quil suffise de noter ici que le mtier, dansses bases publiques, a pour tche matresse, cette intervention collective et permanente.A lintervention collective sajoute lintervention individuelle, quoi chacun des lus consacre le meilleur deson temps. Le dput est tenu de rpondre un volumineux ,courrier. Pour lui faciliter sa tche, la questure luiassure, outre la franchise postale, dont jai parl plus haut,des formules imprimes de lettres aux ministres, dont ilsuffit d,e remplir les blancs avec le nom et ladresse dusolliciteur. Mais, comme on craint que limprim, forcede servir, npuise son effet, on lui prfre dordinaire lalettre autographe. De laube la nuit, entre les sances etpendant les sances, on voit les .dputs, assis cte cte 43. LE 1IIlTIEiB 45comme des ooliers, rd:iger soU dans des salles spciales,soit mme dans lhmicycle, cette norme correspondance.De mme quon a prfr ,la lettre autographe la lettreimprime, on prfre daiHeurs le plus souvent celle-cila c dmarche ~ personnelle. Cela signifie que, tous lesjOllrs, les neuf-diximes des dputs et des snateurs, luspour contrler le budget et pour vot.er les lois, courent lesadministrations publiques pour y disperser leurs recommandations. On les voit chez les ministres, chez les secrtaires des ministres, chez les fonctionnaires des ministres. On les retrouve galement en province dans Iesservices de ltat, des dpartements et des communes. Il sagit, pour tre rlu, dobtenir ce que les lecteursdemandent. Et les lecteurs demandent tout ce qui peuttre demand, - voire mme quelque chose en plus.Nominations, avancements, mutations, affectations militaires, dcorations, subventions, remise dimpts, pallsedroits de toutes sortes, cest le travail quotidien du mtier. Ladministration ,de Ia justice nest pas exclue de cetravail : demandes damnistie, de .grces, de rductions depeine, de non-lieux, de mises en libert provisoire, pressions sur les Parquets et sur les tribunaux. Lambassadear-eoartier. Lcrivain radical, qui, tout en enseignant la philosophie dans nos lyces, signe du nom dAlain des critsde partisaQ, a vridiquement reconnu que le mandat lgislatif est celui dun ambassadeur-courtier. Llecteur entend que son bulletin de vote ralise pourlui la promesse du ciel sur la terre. Il se sent, en face delttat, dans .la position dun porteur de crances, que leslus sont chargs de recouvrer. Le dput et le sna1eurvoient la plus grande partie de leur temps absorbe parlaccomplissement de leur rle de commissionnaires, superbureaucrates de leurs rgions. Ce sont de fidles gensdaffaires, soucieux des consignes ou des exigences queformulent les groupements syndicaux ou les individus;dsireux de satisfaire tout le monde; zls sen aller,sur place, senqurir des vux de tout le monde. Ledput est lin procureur attentif qui dfen.d de son mieux 44. 46 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE les intrts particuliers, lui confis, dont dpend sa r lcction.Il est si parfaitement cxact que cest l lessentiel delactivit parlementaire que nombre dlus ticnnent jourla statistique de leurs dmarches; le nombre de lettresreues; le nombre de lettres rpondues; le pourcentagedes solutions obtenues, pour sen glorifier ensuite comme candidats. Jai sous les yeux une profession de foi o jelis : Jai reu de vous 196.000 lettres, dont 58.000 ont cusatisfaction. ) M. Clemenceau disait en y pensant : c Occupation dun genre tout spcial! > Cette occupation est, plus ou moins, celle des lus, entous pays de rgime lectif. En Suisse, il y eut un temps,o, dans le canton de Schwitz, les partis se divisaient en hommes du btail corne> et en hommes des piedsfourchus ..-- ce qui signifiait que lintrt matriel, basede lintervention, dominait llection. Un dlgu du Texasdisait la Convention rpublicaine de 1880 : c Est-ce quenous venons ici pour autre chose que pour les emplois? ) Lusage de lintervention parlementaire sest, depuisquelques annes, beaucoup dvelopp en Angleterre, oil tait, il y a trente ans, peu prs ignor. Il y tientcependant moins de place quen France, parce que lesAnglais ne possdent pas la formidable centralisationadministrative, que nous avons b,rite de Louis XIV etde Napolon. Plus le pouvoir est centralis, plus prometdtre efficace laction quon exerce sur lui. La ~fotuclle lectorale. Avais-je tort de dire que lintervention est la substancedu mtier parlementaire? Ai-je tort, cela tant, de rpterque cest bien dun mtier quil sagit, et non pas dunmandat? La recherche des rsultats lectoraux, par lemoyen de lintervention, prcise le caractre de ce quejai appel tout lheure une Mutuelle lectorale. Commentparler de mandat, quand il ny a pas indpendance? Lorsq~on se fait nommer dput, cest, sauf de trsrares exceptions, moins pour voter des lois et contrler lapolitique gnrale que pour administrer, par lintermdiaire des autres pouvoirs, une partie du territoire national. La fabrication mme des lois est souvent utilise pour 45. LE MTIER 47laccomplissement de la tche fondamentale, qui consiste couronner, grce aux ministres, les vux des lecteurs. Et je dis quon retrouve dans tout cela les lments normaux dun mtier, mais nullement les bases dun mandat,ni celles dun rgime politique et dun rgime national. II LA COALITIONLa coalition est, avec lintervention, la base du rgimelectif et de la profession parlementaire.Lun"e et lautre se ramnent la recherche du nombrepar o il est entendu que sexprime, relle ou non, lasouverainet. Le nombre et la coalition. Quil sagisse dtre lu ou daccder au pouvoir, on Depeut pas travailler seul. En politique, les isols ne comptentpas. Quest-ce quune majorit lectorale? Cest sur le nomdun citoyen, quon appelle candidat, la rencontre dequelques milliers dautres citoyens, qui ne sont pas identiques les uns aux autres et quil a fallu runir et amalgamer pour faire la majorit. Cest une coalition dindividus. Quest-ce quune majorit gouvernementale? Cest, ensoutien dun ministre, lassociation de partis et degloupes, qui, bien que diffrents les uns des autres, ontrsolu de se rapprocher pour voter de la mme faon enfaveur des mmes personnes. Cest une coalition de collectivits. Au sommet donc, aussi bien qu la base, pour entrerdans les Chambres aussi bien que pour entrer dans lesgouvernements, il ne suffit pas davoir, par lintervention,satisfait ceux qui votent. Il faut encore raliser et maintenir, par un continuel travail de rapprochement, lesvotes obtenus. Cest essentiellement lobjet de la coalition,par laquelle sobtient au maximum la conscration dunombre lgal.3 46. 48LA PROFESSION PARLEMENTAIRE Les assembles vivellt en tat de coalition permanente;dabord, parce quelles sont nes dlections,cest::direde coalitions; ensuite, parce quelles sont tTOp diVIsespour quun parti sen puisse rendre matre. Aucun parti,depuis 1871, na dispos la Chamhre franaise de lamajorit absolue. Sinscrire un parti, soit comme candidat, soit commelu, cest se coaliser, cest--dire aliner, en change dunappui ncessaire, une part de sa libert et de ses ides,si lon en a. Notre rgime de scrutin deux tours pose leproblme avec simplicit. Au ballottage, llecteur, quireporte sa voix dun candidat sur un autre, fait, luiseul, de la coalition. Llu, qui bnficie de ces reports,est llu dune coalition.A la Chambre, cela recommence. Quand le dput nouveau sinscrit un groupe, il se coalise, le p.lus souventsans savoir pourquoi, ou pour des raisons secondaires,telles que lentre dans une commission, avec dautres dputs. Il pose ainsi les bases des coalitions ultrieures que dveloppera le jeu parlementaire. Chaque groupe est fragment de coalition.Quand un gouvernement se constitue, il passe la rev~ des groupes, qui, dans les Chambres franaises, sont par ticulirement nombreux. Et, en puisant des membres dans quelques-uns dentre eux, il se dfinit, par sa naissance mme, gouvernement de coalition.Ce sont galement des dplacements de groupes, qui dcident, par la suite, de la chute des gouvernements ainsi forms. Les ministres durent autant que dure lassocia tion des groupes, dont ils sont sortis. Ds que cette association saffaiblit et que, contre elle, sen form~ une autre plus forte, le ministre disparat. Tout gouvernement naitdune coalition et meurt dune coalition.Cest dire la place immense que liennent les coalitionsdans la vie des assembles et dans la pDofession parlementaire. Ce rgime, pas plus que celui de linterventiQn, nestpropre fortifier les convictions. Qui se coalise smascule. et toutes les coalitions politiques ont lquivoque leur base. Les lus aboutissent ainsi une dvaluationgnrale des principes. Ils avaient commenc comme candidats. Ils continuent comme dputs. 47. LE MTIER49 Les coalitions dautl"efois.Depuis quexiste le rgime lectif, les partis nont cessde faire des coalitions dans les circonscriptions et dansles assembles. On en a vu, ds le dbut, qui paraissaientinconcevables. .Dans la Chambre introuvable de 1815, il Y eut des genspour rver dune alliance lectorale entre lextrme-droiteet lextrme-gauche, qui, dans la faible mesure o ellespensaient lune et lautre, ne pensaient pas la mme chose.M. de Genoude, lgitimiste, disait un peu plus tard auxhommes de gauche : Si nous navons pas le mme paradis, nous avons le mme enfer. Et, pour prciser lac-cord, au moins sur lenfer, la Gazette de FIanoe delpoque rclamait le suffrage universel, voire mme lap-pel au peuple.Une coalition plus forte et plus durable, a laquelle lesCent Jour~ avaient donn naissance, se noua, la mmepoque, entre les lments rvolutionnaires et les lmentsbonapartistes. On y discernait, la fois, la rencontre decertaines ides simples ct un dsir rciproque de seduper. Louis-Philippe, lors du retour des Cendres, essayade sattacher le mouvement. La campagne des banquetset la rvolution de 1848 prouvrent quil ny avait pasrussi. La coalition, utilise par lui en 1830, prit contrelui sa revanche par llection de Louis-Bonaparte et parle 2 dcembre. Pour plus de cinquante ans, dabord enprparant lEmpile, ensuite en le faisant vivre, cette coa- lition a domin lhistoire de France.On trouvait l runis les restes grognons du personnel de lEmpire; une bourgeoisie librale, dont laveuglement rvait daboutir par cette voie un rgime quasi britan- niql,le ; une jeunesse rpublicaine, qui ne savait pas bien ce quelle voulait; de rares lments ouvriers. Ce sont ces lments qui saluaient du cri de Vive la Rpublique ~ telle pice napolonienne reprsente en province sous Louis-Philippe. M. Branger fut le barde de cette coalition, qui, en combattant les deux Restaurations au nom de la libert, finit par crer le Second Empire.Sous la Monarchie de Juillet, les coalitions parlemen- taires furent innombrables et immorales. On se souvient de celles de 1837 et 1842, qui fl.lrent les instruments de la 48. 50 LA PROFESSION PARLEMENTAIRElutte des chefs entre eux. On a vu M. Thiers renvers parla coaliti.Q.l1 de toutes les droites qui taient loin davoirtoutes la mme doctrine; M. de Broglie abattu par lacoalition de lextrme-droite, des bonapartistes et desrpublicains. MM. Guizot, Mol, Pasquier ont utilis, ensens divers et les uns contre les autres, ce moyen classiquede gouvernement. La Troisime Rpublique na t organise par la royaliste Assemble nationale que parce que les rpublicaiDslurent, pendant ces premires annes, matres en lartde se coaliser. M. Thiers stait servi de tout le monde,recevant alternativement la Prfecture de VersaillesMo le Comte dHaussonville ct les radicaux fraflcs-maonsde Lyon. Aprs sa chute, cest M. Gambetta, qui fut legr.and fabricateur de la coalition rpublicaine.Cette coalition sest dveloppe et complique a"ec lergime des groupes, qui na, depuis lors, jamais cess dergner. Comme, pour former une majorit, il fallait toujours cinq six groupes, on a pris lhabitude de regarderde moins en moins aux ides et de ne sattacher quau rsultat numrique. La ncessit de la coalition a eu poureffet de rejeter les programmes au second plan. Intervenir, pour tre rlus; se coaliser, pour tre ministres : les deux lois du mtier se dgageaient en force sur un fonds de scepticisme.Sous les prsidences de MM. Grvy, Carnot, Casimir Prier et Flix Faure, les coalitions eurent UR nom, qui ne signifiait pas toujours la mme chose. Elles sappelaient concentration. La concentration se faisait gnralement il. gauche par laddition de quelques transfuges radicaux, qui nengageaient queux-mmes. Il arrivait aussi quelle se fit droite, auquel cas les radicaux ne tardaient pas, pour en sortir, chercher plus gauche des remplaants.Sons la Prsidence de M. l!mile Loubet et sous celles de ses successeurs, les coalitions parlementaires ont exagr et ~implifi les coalitions lect.orales. Elles ont tendu, sous lpithte rpublicaine, associer les bourgeois actuels du parti radical aux bourgeois virtuels du parti socialiste; les nantis > et les c nantir >, cependant que, de lautre ct, des lments non moins htrognes se grou paient sous lpithte nationale. Laffaire Dreyfus, par les chocs ard-ents queUe provoqua, avait acelr le .phno 49. LE MTIER 51mne. Le mlange, n de la coalition, tait des deux parts,innommable. Des anarchistes daction directe voisinaientavec M. Scheurer-Kestner. Des communards cotoyaient, illa Ligue des patriotes, des bourgeois conservateurs. Il faut remonter cc temps-l pour saisir les indicesnaissants de la coalition, qui, aprs stre appele Carteldes gauches, est devenue Front populaire. Il ne sagit,en lespce, ni dun caprice, ni dun accident et tout cequi est arriv de nos jours se prparait depuis longtemps.Le peuple, bien que vol tant de fois par les bourgeois duprofit des rvolutions faites par lui, a gard le golit desbourgeois. Les bourgeois, terrifis par la Commune, ont,depuis lors, ouvert leurs rangs, comme M. de Lamartinele leur avait conseill. Dans nos provinces, o le classe ment sexprime par le clricalisme et lanticlricalisme,lalliance entre radicaux et socialistes est de tradition. Cest la coalition normale.Ce qUOR appelle aujourdhui Front populaire est le type achev de la coalition politique. En le retenant comme tmoignage, on est assur dy trouver tous les traits qui la caractrisent et qui sont affaire, non de doctrine, mais de mtier.La coalition contemporaine. Aux premiers contacts lectoraux et parlementairesentre les radicaux et les socialistes, M. Poincar demanda,si lon prtendait marier leau et le feu. Avant lui, },f. Mline avait prononc avec encore plus de prcision :Je dnonce ce dualisme gouvernemental, qui, selon lestemps, les circonstances, les milieux o J -on parle, la clientleque lon veut .flatter, -prsente au pays, tantt la face .proprit,capital, libert; tantt la face suppression de la proprit, ducapital et de la libert. M. Mline avait assurment raison de sattaquer ainsi aux bases dune coalition, que rprouvent ga1ement le bonSens et la morale. Vingt-cinq ans aprs lui, dans la cam pagne lectorale de 1932, jai dit, le 28 avril et le 4 mai, la mme chose, de faon plus directe, en dclarant : Les neuf-diximes du programme radical seraient inexcu tables par le Cartel des gauches. 50. 52 LA PROFESSION PARLEMENTAIRESur rien de ce qui domine la vie des peuple libres, notionde patrie, notion de lgalit, notion de proprit, socialistes etradicaux ne peuvent saccorder. Ce conflit de doctrines est tel point profond que lesfianailles du Cartel ont connu plus de divorces que denuits de noces. A Lyon, :M. Herriot, prsident des radicaux, donnait la chasse aux rvolutionnaires en peaude lapin ~. A Paris, ni en 1924, ni en 1932, il ne russissait saccorder avec eux sur une formule de gouvernement et, avant de les avoir pouss, il les rpudiait. Lacoalition avait russi lectoralement. Elle chouait gouvernementalement. Elle chouait mme parlementairement. Et cest par des voix socialistes qutaient, tour iltour, renverss, de 1932 1934, six ministres radicaux. La coalition, cependant,tait, parce que loi du mtier,matresse de lavenir. En vain, M. Blum. en 1926, avaitmultipli les articles pour dmontrer, entre soil parti ct lesradicaux, les conflits de doctrine. Uri conflit de doctrinene pse rien contre Une exigence professionnelle. Javaisprvu cette lutte ingale, quand, toujours en 1932, javaisannonc que lopration parlementaire et gouvernementalecouronnerait lopration lectorale. Effectivement, en 1936, les radicaux sont entrs dans unministre direction socialiste et en 1937 les socialistessont entrs dans un ministre il direction radicale. Labmedes ides a t combl par les exigences de la profession.La coalition, moyen organique du mtier, sest noue augouvernement entre deux groupements, dont lun proclame que la.loi est Dieu et dont lautre exige les vacancesde la lgalit. Le mtier voulait que la coalition, dabordlectorale, et ensuite parlementaire, devnt gouvernementale. Rien ne peut empcher, dans lordre des doctrines,lassociation de deux ou de plusieurs partis, quand lemobile dynamique de la profession, cest--dire la conqutedu pouvoir, exige cette association. Les coalitions, ainsi pratiques, peuvent introduire dansla vie publique une relative stabilit. Elles sont de grandesmousseuses dides. Et moins on a dides, mieux onsentend. Le maigre bagage lgislatif de cette coalitiontype, qui se nomme Front populaire et qui, en dix-huitmois de dictature, na produit que .la loi des quarante 51. LE MTIER 53heures, caractrise parfaitement cette politique, merveilleux moyen de possder le pouvoir, moyen mdiocre delexercer, - merveilleux instrument de mtier. Lpuisement des programmes a facilit les coalitions.Du programme radical que reste-t-il? Rien. Conu lafin de lEmpire, avec lgalit du suffrage et du servicemilitaire; linstruction primaire gratuite, obligatoire etlaque; la sparation de lf:glise et de lf:tat; la dissolution des congrgations; la libert dassociation et lassistance dtat gnralise, il est aujourdhui ralis. Aquelles coalitions pourrait-on lopposer? Les radicaux ont d cette situation toute facilit de senoyer dans un marxisme, qui, oublieux de la plus-value, dela concentration des capitaux et du matrialisme, taitdevenu, de son ct, par un vague tatisme, un simpleagent de distribution des places. . Ainsi les coalitions se justifiaient, des deux cts, parune solidaire intgration au mtier, dans le mpris desides. Coalition et mtier.La coalition dispose dun pouvoir sans limites.A dire v!"ai, ses bases sont fragiles et cest M. CamilleChautemps, devenuj malgr son lourd pass personnel,chef du second gouvernement de Front populaire, quimarquait la fragilit des principes soi-disant concilis,quand il disait en 1936 :Le Front populaire nest pas une notion simple.Sil est nettement et fortement constitu sur le plan spcialde la dfense rpubliqline, il est, par contre, incertain et hsitant su.r le plan constructif du gouvernement commun. La coalition, force professionnelle, la tout de mme emport. On a vu, malgr les principes et les traditions, lescommunistes lire Prsident de la Chambre M. Herriot,quils injuriaient ignoblement il ny a pas longtemps. Onles a vus dfendre le Snat; voter les crdits militaires;voter la dvaluation et les dcrets-lois; proclamer quilstaient prts participer au pouvoir; chanter la Marseillaise. Admirables vertus de la coalition 1 Ce qui doit tre dit du Front populaire, doit tre dit 52. 54 LA PROFESSIOK PARLEMENTAIREgalement de lUnion nationale. Hormis linvariable prsence du parti radical-socialiste, dans les ministres quien naissent, lUnion nationale a pour caractre dexclurede son sein, lorsquelle se ralise, tout ce qui est dans leFront populaire. Mais mutatis mutandis, cest la mmechose. La collaboration de M. Marin avec M. Herriot nestpas moins immorale que celle de M. Blum avec M. Chautemps. Il sagit, dans les deux cas, de prendre le pouvoiret dy rester. La coalition nest pas lattribut duD parti. Elle est lat- ,tribut du mtier, au mme titre que lintervention. Elleachve de dtruire ce que, daventure, lintervention auraitlaiss subsister des notions de mandat et de reprsentation. Elle est le ciment de la profession, soit quil sagissedy entrer, soit quil sagisse de sy dvelopper. Intervenir et se coaliser; intervenir pour tre lu etrlu; se coaliser, pour tre, pour rester, pour redevenirministre, voil la base.III LA PAROLE Le temps, que les parlementaires ne consacrent pas lintervention et la coalition, lintrigue lectorale et lintrigue gouvernementale, appartient la parole. La parole est reine des assembles. La dmocratie parlementaire, cest, de la base au sommet, lorateur gouvernant : Ci Pour devenir, disait Carlyle,homme dtat ou chef ouvrier, un Anglais doit dabordprouver quil peut parler. > Et M. Stuart Mill prcisait que,pour parler, les dons physiques sont encore plus importants que les dons de la pense. Il y faut dabord ce quonappelle un bon coffre. Cest l une condition ncessaire. TI se pourrait mmeque ce ft une condition suffisante. M. Henry Bergson,encore que lindulgence soit lune d ses vertus, a eu lacruaut dcrire que la dmocratie pose en principe quelon sait une chose, ds quon est capable den parler. La 53. LE MTIER55parole, effectivement, fait et dfait les ministres. Laparole ralise on empche les rfonnes. La parole est lemoyen qui transfonne le candidat en parlementaire et leparlementaire en ministre. Quand le potnoir passe dunpll,rU il lautre, cest plutt daprs les discours qued~aprs les actes. La vie parlementaire sacrifie lhomme qui mdite etqui agit lhomme qui parle. Jvolution de la parole pnJique. Lart de parler dans les assembles a beaucoup voludepuis un sicle et demi et le comte de Mun avait raisonde dire que de faction oratoire exerce dans les premiresassembles, il ne reste rien. Au ~.!!?~t, sauf Mkabeau, tout re mo.!...de, Y c.empFis lesplus efficaces des ~teEI.s r~yolutionnaires, Robespierrepar exempre, crivait ef lisait. Les premires annes de laRestauration furent rempl1s par une longue bataille entreceux qui improvisaient et ceux qui lisaient. Ces derni~rsdemandaient quon ne donnt pas, en autorisant limprovisation, une prime aux avocats et aux professeurs. A cette poque, lloquence politique bnficiait dunminimum de faveur ct de publicit. M. de Bonald et beaucoup dautres disaient quon coutait trs peu les orateurs.Dautre part, pour diffuser leur parole, il ny avait nistnographie, ni Journal Officiel. Les discours des putsntaient imprims que si la Chambre en dcidait ainsi.On imprimait, dans ce cas-l, raison d~n e~plaireP9ur chaque dput, chaque pa.ir et chaque conseillerdmat. Quand le succs tait trs-grand, on montait sixexemplaires. Sous Louis-Philippe, tin public assidu commena il: sintresser aux d~bats parlementaires, dont le ton demeuraitdllleurs solennel et guind. C~ fut, trente-cinq ansdintervalle, une vraie rvolution, quand M. de lIoutalembeN dabord, et ensuITe M. Keller donnrent lexemple querecommandait le duc de Morny, ennemi de la vieille loquence, de parler sans notes en doublant par lactionphysique laction de la pense. Les grands orateurs paziementaires datent de l. Lhabitude de lire sest dailleurs consc ne sous des 54. 56 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE1 formes diverses. M. pQin.car~, avec ~e~uc,oup, dadrttsse, mais non sans monotonie, 1isait ses discours dun bout laufr. ""MIf. JUles Ferry, Goblet, Waldeck-=Rousseau, Millerand sappuyaient, pour des intermittences dimprovisation, sur un dossier soigneusement charpent et dont lesmorceauxesentiels taient crits. MM. Challemel-Lacour,Viviani, Deschanel rcitaient la plupart du temps. Cfa~4.cita.it et improvisait avec une gale matrise. Limprovisatrl-plUS c-ompTt semble avdir t M. Gambetta. Ces hommes taient des matres du mtier oratoire.Mais le temps est venu o, de plus en, plus, les matresse s()nt confondus dans la foule - car aujourdhui tout le1monde pal:l,e. Autrefois tout le monde ne parlait pas etceux qui parlaient constituaient une minorit. Dans laChambre de 1898, dont jai suivi les dbats au cabinet deM. Waldeck-Rousseau, il ny avait pas, lour sy risquer,plus de 50 membres sur 550. Aujourdhui tout le monde syrisque et sans se donner de mal. On rpte, de sa place ouIde la tribune, ce quon a cueilli dans un journal; ou bienencere, on transforme en amendement, aprs lavoir lne lassemble, une lettre dlecteur reue le matin. CestlimprovisatiQll d.u pau,yrc. Les dtenteurs mme des fonctions publiques sont logsil la mme enseigne. Quand un Prsident du Conseil doitparler vingt fois en douze heures, on ne peut pas luidemander de mditer ses discours. Aussi bien, par suitede la longueur des sessions et des sances, tout le monde,parlant souvent, est forc de parler dabondance. Onmonte la tribune, en gnral sans avoir rflchi; presquetoujours, sans avoir prpar. La Rarole, ainsi utilise, ne se propose ni loriginalitdu fond, ni la beaut de la forme. Elle remplace tr,QPsouvent la pense. On parle sans mesure. Ds le tempsdLou-is-Philippe, quand on discutait des chemins de fer,tout le monde se plaignait de ce que tant de dputs fissentdes discours interminables et inutiles. En 1876, dans sondiscours de Bordeaux, M. Gambetta scriait : Il ne faut pas croire que la politique soit simplement lexercice de ,quelques facults oratoires et de combinaisons dans les} couloirs et les buraux. Ainsi comprise, la EQlitique n est quune comdie parlement~Jre. -- 55. LE MTIER57 Lloquence parlementaire est une loquel!lce formesoit la confrence Mol, soit au caf. Et le caf a hrit,avec la tenue en moins, d. es vices des salons. La crainte,. 1qtie_ la tribune a inspire tous les grands orateur.$, e~tinonnue des mdio,res. Lord Bryce stonnait un, jour,en coutant M. Lloyd George, du merveilleux outillage de 1lieux communs, dont disposent les hommes publics. Toutle monde, mme regret, se soumet cette rgle. Combiende fois ai-je remarqu quune Chambre, qui reste frO}de,;en....hce dides vraies et fort~s, senflamme aux plusgrossiers truismes? Cest ,la marque pr.opre de la littrature parlementaire, - ehez les meilleurs comme chez lespires., Telle quelle est, cette pl;lrole dval..!:!e reste le matreressort des carrires lectives et le moyen principal durecrutement gouvernemental. Cest al elle quon ~st lu;.E!l,par elle quon est applaudi; p.!r _e..e-qu:Qn 9~tieP.L!!tinsfi"e. Qualld-on a diT (fun homme politique quil a dutaIent, cela signifie, - rien de plus, rien de moins _.qu.jliparIe bien.Comment pourrait-il en tre autrement et comment,dans: une assemble, le chOIX des ministres appels if laconq,uire pourrait-il obir une autre rgle que celle .qUirgit lassemble elle-mme? Ce.!.!Lrgle ~nt la_I!8l"Qle,la slection, qui aura fonction de gouverner, i. Un ambas sadeur anglais, la fin du XVI sicle, crivait son matre : La France est aux mains de gentilshommes delplume et dencre et gouverne par des robins, attendu que la noblesse ne peut pas, faute dinstruction, recevoir des emplois. :. Cette tradition nest pas perdue.A cause delle, sous les rgnes suivants, on a vu les fils des marchands bourgeois brler du dsir dendosser la robe. A cause delle, une classe sest forme qui sestlcrue destine gouverner la France. La Chine disait : les lettrs; et le Moyen Age : les clercs. La France du xx sicle est toute fleurie de clercs et de lettrs, qui ont envahi la politique. Ce sont les a,ocats-dputs.La premire floraison date de la Rvolution. On retrou vera dans les livres de M. Hippolyte Taine et de M. Augus tin Cochin les noms des avocats, membres de SocitsI de pense et de Loges mao-nnigues, qui o-nt - rdfg -en srie les Cahiers de 1789. Quelques mois plus tard, ces,r~dacteurs taient tous dputs. L~ ~rofession assurait, ,des ce moment, son recrutement pnncJpal par la r.Qbe. 1 , Sur 577 Constitqants, il, y avait 377 avocats, nomms, dfaut de notorit et de rayonnement, pour cette seule rai~9lL quils savaient par!~r. Les avocats, ds celte pre mire assemble, fournissaient, eux seuls, la moiti de la reprsentation parisienne, Ua Lgislative, on comp-tait 4.00 a.!~s. Le baron de Stal disait : c -roil re-Conseil des avocats de toutes les villes ct de tous les villages de 57. LE MTIER59 France. :1> El Burke, dune plume plus pre, dcrivait ce ramassis dobscurs avocats de province, de clercs de petites jurRIcfions locales, de procureurs de villages, de notaires, tQute la racaille municipale :1>.On a constamment rencontr, dans les assembles sui vanles, un bon tiers de gens de robe. Avocat, M. Dupin; avocat, M. Dufaure; avocat, M. Jules Favre; avocat, M. Ollivier; avocats, M. Gambetta, M. Ferry, M. Waldeck Rousseau, M. Loubet, M. Poincar; avocat mme, M. Aristide Briand, qui, ne plaidant jamais, se qualifiait gentimentd avocat manuel :1>. A considrer notre Chambre et notreSnat, on y trouve une bonne moiti dactuels et danciensrmmes de lpi qui ont fond leursituation la barre des tribunaux dEtals.Une mauvaise p,paratlon.Lexercice de la parole judiciaire est-elle, en rgle gn rale, une bonne prparation lexercice. de laction poli tique? Il est permis den douter.Lavocat, aprs avoir plaid beaucoup de dossiers, continue plaider, c~mme des dossiers, les thses poli tiques. Lavocat est accoutum penser que, lorsquil a parl, son rle est puis, la dcision appartenant il. dautres, qui sont les juges. La profession davocat ne dveloppe donc ni le sens de laction, ni le sens de la responsabilit.Cela, qui est manifestement vrai des mdiocres, est quelqgefois vrai des plus grands. Cicron confessait que ses discours exprimaient, non pas ses convictions, mais 58. 60LA PROFESSION PARLEMENTAIRE lintrt propre la cause quil plaidait. M. Dupin, malgr lclat de sa carrire parlementaire, na jamais t quu avocat prt sontenir les thses les plus contraires. Qu penser de M. Gambetta allant de 4: la guerre outrance ~ au : Nen parlons jamais! :. et de la glorification des nouvelles couches lexcration des c: ilotes ivres 1 ;)Cest aussi lesprit robin qui pennit .M. Waldeck Rousseau, aJ2!s avoir dnonc le socialisme...Q.0II1l!!~ .c. ~a perte de la France , daccueillir en 1899 M. Millerand dans son mIi11str : il sagissait, en chaque occasion, de plaider un dossier diffrent. Poincar, crivait Barrs en 1912, est avocat. Aujourdhui il pl:a.ide le dossier de la Prsidence. Dans sept ans, il mettra une sangle, bouclera et passera un autre dossier. :.Cet inconvnient, et quelques autres, ont dcllan contre le prestige de lloquence politique dimplacables adversaires. A leur gr, lironique postulat de M. Bergson nest pas valable. Il test moins que jamais dans un temps o tout sest compliqu et o il convient, pour gouverner, davoir au moins une vision sommaire des problmes rsoudre. Lloquence du XIX sicle avait t, sauf de rares exceptions, illumine de grands mots vides, qui ne suffisent plus aux dbats contemporains. Pa, ailleurs, il est difficile dinvoquer dans les Chambres les immortels principes, que lon voit cyniquement bafous dans le pays par ceux qui les proclament.Au temps de la rpublique athnienne, Clon, qui, mal gr les invectives dAristophane, tait homme desprit, , reprochait aux membres des assembles de devenir des spectateurs de la parole et des auditeurs de laction ). Napo.lon tenait que 1. ~~gens,_qui domine.!!!. le I2]us com pltement les as~e_mbIees, sont dor"(Hnafre lSPIus1 mooiofs ditre les homme~ P91j1iques. Le prince de Bismarck se contentait dopiner que lloquence est un don, qui exerce une influence suprieure sa valeur. Des hommes, qui ntaient ni Napolon, ni Bismarck, nont PaJ t moins svres pour la dictature de la }>llrole.~:.~~ lillustre savant, disait, aprs avoir obtenn les plus magnifiques succs de~tribune, gue la ~htorique1 une calamit nationale. ,_Mazzini;) en qui sincarnait est IeSPrllde revolution, SCriait:-Les discoureurs, aprsjl avoir perdu la France, perdront lEurope. :. Et cette opi 59. I.E MTIER61 nion rigoureuse sur lloquence tait aussi celle de Ver laine qui grognait : - Prends-la et tords-lui le cou 1La tribune et les t,ribnnes. On na pas tordu le cou lloquence. Tout,au contraire,on lui a, dans nos assembles, lev un temple et un autel. Lautel, cest la tribune. Le temple, cest les tribunes.La tribune est pour lofficiant, cest--dire pour lorateur.Les tribunes sont pour les fidles, cest--dire pour lepublic. La disposition de la tribune permet lorateur dese produire, comme un acteur sur un thtre. La disposi tion des tribunes permet au public de suivre lorateur,comme il suit lin acteur sur une scne des boulevards. La tribune est dorigine franaise. Les Anglais, quifurent nos devanciers dans la pratique du rgime parle mentaire, nen ont jamais voulu. Car ils pensent quellefavorise le creux de lloquence par la majest artificiellequelle lui confre. Chez nous, c"est le 20 juin 1790 que,dans la salle du Mange, la tribune a t installe pourla premire fois. Le rglement de la Lgislative en renditlemploi obligatoire. Nul navait le droit de parler de saplace. Le mtier voyait dj grand. En 1852, Louis-Napolon, aux applaudissements dupeuple, fit brtler la tribune dans la cour du palais lgislatif et cest une question de savoir sil trouva profit lartablir en 1867 et restaurer, pour la fin de son rgne,le prestige des hommes de parole. Aprs lui, lAssemblenationale remit lloquence sur le pavois. Ctait, avec ses 738 membres, lassemble la plus nombreuse qui sefut jamais runie - presque une foule, - et tOlite fouleest public de thtre. La salle, o elle sigeait, tait unesalle de spectacle et cest sur une scne que se dressaitla tribune. Les voyages de Paris Versailles et retourprtaient la corpor.ation laspect dune troupe en tourne.Le soir, au caf Procope, M. Gambetta entretenait cetteatmosphre en rcitant de longs passages des Misrables. Cest alors que les orateurs, qui montaient cette tribune garde par des huissiers chane adorns dunepe, se sont accoutums sadresser, non pas seulement leurs collgues,. mais aussi, et quelquefois plus encore, 60. i:! LA PROFESSU)l( PAIU..EHENTAIREau pubUc des tribunes. est la loi qui veut quil y ait unpublic et que les tribunes soient occupes, em mme temp8que la tribune. Mais la composition de ce public ne rsulteque de lusage. Le public de la Chambre est ml. Il y a, dans les tribunes, o le public a accs, des auditeurs dun jour, quisont venus ce jour-l et qui ne reviendlont pas. Mais il y aaussi, dans les tribuRes privilgies., d~nt les cartesportent les mentioLls tlaUeuses : Prsident de la Rpublique, Corps Diplomatique, Prsident de la Chmnbre,Ministres, Snat, Conseil d"Etat, Conseil municipal, Officiers gnmux, des gens qui viennent peu prs tous lesj&urs et qui, en tout cas, ne manquent jamais les grandessances. Ce public dhabitus, bien que priv du droitdapplaud~r, est, au premier chef, un public de th-tre,qui se divise en coteries, dont cila Derrir~ esformules, il ny avait rien. Elles nen ont pas moins pro- 1 duit leur effet.A labrl...k ~e yerbalisme, on a pratiqu tour tour leBloc-aes Gauches, le Cartel et le Front populaire, qui ontpu inscrire leur actif les lections de 1902, 1906, 1910, ( 1914, 1924, 1932. Celles de 1936 en ont marqu le triomphe.Dans cette priode, le mouvement gauche sest annexce IJuil avait prcdemment combattu. La Constitution de187 Cela a permis la moyenne bourgeoise" qUi avait, avec M. Thiers, fusill les communards, dac-)l cep!ID:.Jes voix de leurs hritiers. M. All.s.tide Briand ]1 nava~~ . I!.~ tort de rpondre un jour ~~9.~ ~ :.!l.e,rrire la C~ne~~vaifli"Rpubli.ltlique ? Cest dans le memeesprit que, Rour d en r~tdmocratie, le ministre Blumde UW l:l immol I:.Ertr~~La qualit des hommes.Avec tant de cartes en mains, que leur fournissait la nature des choses, les gauches ont, en outre, bnfici de possder les meilleurs techniciens parlementaires, les meilleurs ouvriers du mtier.Cest ces praticiens que pensait M. Anatole France, quand il disait que la Rpublique gouverne mal, mais se dfend bien. Le 23 janvier 1875, la Rpublique tait repousse 23 voix de majorit et, six semaines plus tard, elle naissait de lamendement Wallon, dont son au teur disait : c Mon texte ne procdc pas de lenthou siasme. Pour obtenir de telles victoires, il faut avoir lesprit de manuvre et lesprit dobissance.Ni lun, ni lautre nont, en ces temps-l, fait dfaut. On a entendu le conseil de M. Gambetta, quand il disait : c Lessentiel est de maintenir lunit du parti rpubli cain. On la suivi, quand, pour porter au maximum lim prcision des ides, il a pris comme programme, en 1877, de mme quon avait fait en 1830 avec les 221, la rlec tion des 363. On lui a pareillement obi, quand il a pro nonc : c Jusquaux lections snatoriales de janvier 1879, pas une faute risquer; pas une tmrit; pas une dis sidence! 79. r. ,LE MTIER11. Gambetta avait donn lexemple personnellement, 81lorsque, trait de fou furieux par M. Thiers, ilstait mis de bonne grce sa suite, en position de brillant second. Cest ce prix que fut constitu le Bloc des gauches, de Casimir Prier Naquet, qui a gagn les lections de 1877 et de 1885. On a, par les mmes m thodes, vaincu le gnral Boulanger et le nationalisme et-cr le Front populaire. La clientle du Bloc des Gauches est plus dvoue, plus comprhensive et moins exigeante que la clientle du Bloc des droites.Habile et disciplin, le mouvement gauche a, en outre, t prudent. Il ne sest jamais obstin dans ses checs et sest effac sans clat, quand son intrt le lui comman dait. Le 4 septembre sest couvert des noms de Trochu, de Keratry et de Thiers. La rpression de la Commune u rassur les possdants. Ds 1878, M. Gambetta rclamait une halte, de mme que, en 1937, M. Blum a rclam la pause. c Le parti radical, disait M. Lon Bourgeois, est un parti de juste milieu. :) Et M. Herriot surenchrissait : c Il est linfanterie de la Rpublique. :)Aprs les grands orages, qui ont frapp le mouvement gauche, en 1899, en 1919, en 1926, en 1934, ses chefs nont pas hsit se faire hospitaliser sous le faux-nez de lunion nationale. De l est venue la vieille -rfrence au radis, qui est rouge lextrieur, blanc lintrieur et toujours dans lassiette au beurre. MM. Tirard, Rouvier, Waldeck-Rousseau, Poincar et Laval ont jou ce rle de sauveteurs en recueillant les radicaux dans leurs cabinets. Quand M. Fallires fut port par les gauches lElyse, cest M. Poincar quil prit tout aussitt pour ministre des Finances. Aprs en avoir chass M. Millerand, on battit M. Painlev, candidat des gauches victorieuses et 011 lut M. Doumergue. Ne pas faire peur, disait M. Grvy! :) Et M. Challemel-Lacour ajoutait : Ne pas fournir dargu ments aux adversaires du rgime parlementaire! ) Faut-il, pour tre complet, ajouter que le mouvement gauche a bnfici mme des circonstances? Les deuxRestaurations et le Second Empire ont multipli pour luiles occasions. La tache dhuile, si commode aux habilesde la profession, na cess de stendre. Les villes ontt prises dabor~. Mais, comme lavait prvu !d. -Gambetta, les campagnes ont suivi. Les manifestations du 80. 82 LA PROFESSION PARLEMENTAIREcomte de Chambord, la mort de Napolon III et du Princeimprial, les maladresses du marchal, tout a servi le mou~vement gauche, dont les chefs, fidles la vieille mthode des Socits de pense, dictaient eux-mmes le&vux quils se flattaient ensuite de reprsenter.- Lavenir, avait dit M. Thiers ds 1885, est la Rpublique. Le mouvement galJ(~he et le mtie...M. Thiers ajoutait dix-sept ans plus tard, sans peut-trey croire dailleurs : La Rpublique sera conservatriceou ne sera pas. Ce jour-l, il dit, comme lobservaM. J.-J. Weiss, une btise. Il est en effet impossible que notre Rpublique, constitue comme elle est, puisse tre conservatrice. Elle peutessayer de ltre ou faire !iemblant de ltre, - et cest alorsla rvolution insensible. Mais, dans sa masse, elle va gauche, comme les fleuves vont la mer. Le Jacobin, selonle mot de M. Charles Maurras, sort du libral, ainsi quele fruit de la fleur. La France est, cet gard, diffrente de lAngleterre.On ny connat point de ministre, qui ait os dire, commePitt, la Chambre des Lords: c Cest vos anctres, lesbarons anglais, que nous sommes redevables de nos lois etde nos constitutions. ) Rien de tel chei nous. Quand lAngleterre, au XVIII" sicle, a senti natre sur son sol unmouvement analogue celui do est sortie la Rvolutionfranaise, elle a export en Amrique ses rpublicains etson conservatisme sen est trouv mieax assis. La Francea conserv pour lusage interne ses rvolutionnaires, auxquels elle a gnreusement ajout les rvolutionnairestrangers. De 1830 1937, la courbe du mouvement il gauche apparat solidaire de lorganisation de la profession parlementaire. M. Paul Deschanel lexpliquait nagure par cettepeur de ntre pas assez avanc, quil appelait Je mal honteux des dmocraties. Ctait une explication qui nexpliquait rien. Dabord le mal ne se cache pas : il stale.Ensuite, il est la consquence, non de la dmocratie, cequi ne veut rien dire, mais du mtier parlementaire. Celaest tellement vrai que le mal a survcu aux menaces quonput croire diriges, en un certain temps, contre la dmo 81. LE MTIER 83.crate. Quand la Rpublique sera indiscute, disait. Jonnart en 1893, cen sera fini de la conceQtration. :1>11. Jonnart se trompait plus gravement encore que. Deschanel. Pour les commodits de la profession par 14mentaire, la concentration a dur en slargissant. Elle sa nomme en 1937 Front Populaire.a profession, ainsi oriente, sest prte toutes les ad ptations : elle a t laque sous MM. Ferry, Waldeck Ro sseau et Combes, pacifiste avec M. Briand, sociale avec M. lum. Elle dispose, en vue de ces transformations, du personnel interchangeable. Si lon ne peut pas sau l les principes, disait Mme de Stal un Conven tion el, sauvons du moins les hommes! :li Ce personnel est elui qui, par une longue patience simultanment appli ue au noyautage de la vie locale et au noyau tage es assembles, sest, depuis des annes, substitu, en ta~ que pays lgal, au pays rel. Rien ne ressemble plusun ministre Blum quun ministre Sarraut, qui lesse ble lui-mme, par beaucoup de traits, un minis tre P incar. Or, ce personnel, qui administre la France depuis trois quarts de sicle, cest la profession qui la cr. Cest de la profession quil vit et cest pour elle quil vit. Cest cause delle que, le retrouvant toujours aux leviers de ommande, . on le retrouve toujours de plus en plus g~uche. Le mouvement gauche est le secret artifice, qui permet de se couvrir du peuple, tout en lexpropriant; de dtendre le rgime, tout en refusant de le rformer; de,trahir les principes et de garder les profits.III PAS DE RSISTANCE AU MOUVEMENT A GAUCHE Le mouvement gauche est si manifestement une loi de la profession que celle-ci ne lui a jamais rien oppos. Privilgis de 1789, ultras et librux des deux Res taurations, conservateurs et modrs de la Troisime Rpublique, grands bourgeois et bourgeois moy.ens, capa 82. 84LA PROFESSION PARLEMENTAIREcitaires et notables, aucun de ces lments na fait figuredans le mtier lectif, ni ne sest montr capable de 1dominer. La faillite des d.oites jusqu 187~ SOUS la Rvolution, la noblesse na su ni sauvermonarchie; ni diriger lassemble. Dans le Tiers, labcle des lments de droite a t ininterrompue.Au mot de Saint-Just : La Rpublique consistensla destruction de ce qui lui est oppos ~, les mod rsnont rien trouv rpondre. Ils se suicidrent polit uement en votant la mort du roi, quoi tout le mond lessavait hostiles. Andr Chnier pensait eux en parla desautels de la peur. On les revit, sous lEmpire, royalis s ourpublicains, couchs au pied du trne. Presque to s lesmigrs acceptrent lamnistie de 1802 et prtr nt leserment, exig par elle, de ne rien tenter contre 1 gouvernement imprial. Sans les querelles des droites et leurs bvues, amaisles gauches nauraient russi renverser Charle~ X etLouis-Philippe. On na, sous les deux Restaurations, trouvles droites daccord que pour miner le principe quellesprtendaient dfendre. Si un chef sortait de leurs rangs,elles lui rendaient la vie impossible. Quand elles taient aupouvoir, elles sarrangeaient pour le perdre. M. Guizotconstatait en 1842 : Ce nest pas lopposition de gauchequi a gagn les lections. Cest le parti conservateur quiles a perdues par son dfaut dintelligence et de courage. Ceux qui avaient du cran, comme La Bourdonnais, disaient des btises compromettantes. Au bref, les droites et les centres, de quelque nom quilssaffublassent, nont su ni faire vivre les deux Restaurations, ni renverser la Seconde Hpublique, ni renverserle Second Empire. Quand lAssemble nationale de 1871a consacr leur triomphe, ces mmes partis nont misque six ans le gaspiller. Ils ont, en abattant M. Thiers,dmontr leur impuissance le remplacer et, juste unan plus tard, ils ont pareillement abattu le duc de Broglie : Nos chefs, disait quelques annes aprs, levicomte de Meaux, nous demandent toujours de les suivreet cest toujours pour une nouvelle btise. > M. Albert-Delpit crivait dans le mme sens : Nous sommes des 83. LE MTIER85aincus, des impuissants. La France naime pas cela. Et le nt ne nous amne rien. > Lineptie conservatrice, qui avait fait lEmpire en 1851,ajfait la Rpublique en 1875. Les contemporains, pours n rendre compte, nont pas attendu lheure de lhis to ~e : Quel manque profond dinitiative et dinventionne faut-il pas, crivait M. J.-J. Weiss, supposer, dans lesgro1pes monarchistes et dans leurs chefs, pour que, troisans :aprs les lections de 1871, le seul parti qui resttinnocent des dsastres de la France ft aussi le plus dnude cbances ! M. i Thiers, qui gardait aux droites une dent svre etque le souvenir du 24 mai aurait fini par jeter dans lesbras de la Rvolution, les jugeait avec moins damnit que de clairvoyance, quand il disait :Les partis qui veulent faire la monarchie ne veulent pas lamme...Je dteste la rue. Mais elle a, du moins un avantage : cestquelle a une force brutale quon peut, quand on sait la matriser, pousser loin et haut. On fait des armes avec.Les salons, au contraire, sont impertinents et faibles. Quand on se laisse pousser par eux, on ne trouve rien derrire. Ils nont jamais fourni de soldats.Indisciplins et incohrents, les conservateurs man quaient dhommes. A dire vrai, ils nen eurent quun, leduc de Broglie, mais dont les dfauts taient pour le moinsgaux ses qualits. Son projet de constitution de 1873avait group contre lui les colres des rpublicains, qui ydiscernaient une menace de restauration, et celles desmonarchistes, qui y dnonaient un gage offert la Rpu b