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1 INTRODUCTION Dans le secteur privé ou le secteur public, le contraste est souvent saisissant, entre d’un côté le discours encore dominant qui émane des pouvoirs publics et même des organisations syndicales et qui entretient l’illusion d’un monde relativement stable et rassurant, et de l’autre, la réalité économique et sociale c’est-à-dire la réalité du « terrain » qui réclame une adaptabilité de plus en plus forte des acteurs économiques, qu’ils soient privés ou publics. Les facteurs liés à ce besoin d’adaptabilité sont aujourd’hui multiples et ont fortement impacté la fonction ressources humaines des entreprises ces dernières années. .La mondialisation et l’internationalisation de l’économie intensifient la concurrence entre les entreprises à tous les niveaux. Au-delà de la recherche permanente d’une diminution des coûts de production et de la question des délocalisations, les économies sont maintenant interconnectées. Ainsi, la crise chinoise inquiète le monde et fait peser un risque important sur la reprise fragile de l’économie française, notamment en raison de la diminution des exportations et des investissements potentiels. .Les contraintes juridiques liées, entre autres, aux règles imposées par l’Union Européenne et plus globalement à la complexité de notre société contemporaine. L'inflation normative affecte aujourd’hui tous les secteurs de la société et pèse fortement sur les entreprises. D’aucuns dénoncent la « lourdeur administrative » à la française qui a un coût significatif, même s’il est difficilement chiffrable. Le Gouvernement a publié sur Légifrance un échéancier de la mise en application de la loi « El Khomri » 1 . Plus d’une centaine de décrets devraient ainsi être publiés avant la fin de l’année 2016. Outre l’abondance de règles de droit, ce sont surtout les incertitudes liées aux politiques publiques et plus particulièrement celles en relation avec la fiscalité des entreprises qui pèsent le plus. Il est difficile pour les entreprises d’investir et de recruter durablement lorsque, en plus de la concurrence, elles évoluent dans un monde instable sur le plan des normes. Ces normes exercent plus globalement une influence sur le marché de l'emploi, la compétitivité 1 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

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Page 1: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

1

INTRODUCTION

Dans le secteur privé ou le secteur public, le contraste est souvent saisissant, entre d’un

côté le discours encore dominant qui émane des pouvoirs publics et même des organisations

syndicales et qui entretient l’illusion d’un monde relativement stable et rassurant, et de l’autre,

la réalité économique et sociale c’est-à-dire la réalité du « terrain » qui réclame une adaptabilité

de plus en plus forte des acteurs économiques, qu’ils soient privés ou publics.

Les facteurs liés à ce besoin d’adaptabilité sont aujourd’hui multiples et ont fortement impacté

la fonction ressources humaines des entreprises ces dernières années.

.La mondialisation et l’internationalisation de l’économie intensifient la concurrence entre les

entreprises à tous les niveaux.

Au-delà de la recherche permanente d’une diminution des coûts de production et de la question

des délocalisations, les économies sont maintenant interconnectées. Ainsi, la crise chinoise

inquiète le monde et fait peser un risque important sur la reprise fragile de l’économie

française, notamment en raison de la diminution des exportations et des investissements

potentiels.

.Les contraintes juridiques liées, entre autres, aux règles imposées par l’Union Européenne et

plus globalement à la complexité de notre société contemporaine.

L'inflation normative affecte aujourd’hui tous les secteurs de la société et pèse fortement sur les

entreprises. D’aucuns dénoncent la « lourdeur administrative » à la française qui a un coût

significatif, même s’il est difficilement chiffrable.

Le Gouvernement a publié sur Légifrance un échéancier de la mise en application de la loi « El

Khomri »1. Plus d’une centaine de décrets devraient ainsi être publiés avant la fin de l’année

2016.

Outre l’abondance de règles de droit, ce sont surtout les incertitudes liées aux politiques

publiques et plus particulièrement celles en relation avec la fiscalité des entreprises qui pèsent

le plus. Il est difficile pour les entreprises d’investir et de recruter durablement lorsque, en plus

de la concurrence, elles évoluent dans un monde instable sur le plan des normes. Ces normes

exercent plus globalement une influence sur le marché de l'emploi, la compétitivité

1 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des

parcours professionnels

Page 2: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

2

économique des entreprises et la performance des administrations. La question d'une réforme

globale de simplification n’est pas nouvelle et suscite toujours de nombreux débats entre les

pouvoirs publics, les entreprises et les syndicats.

.Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)

a aussi bouleversé les schémas traditionnels de l’entreprise.

Avec le développement d’Internet et de la dématérialisation, les modes d’organisation et les

métiers évoluent fortement. La Société Générale prévoit ainsi de fermer jusqu’à 20 % de son

réseau d’agences d’ici 2020. Le développement du numérique s’est ainsi accompagné d’une

chute de fréquentation de ses agences bancaires.

.Les exigences accrues des consommateurs en termes de proximité, de réactivité, de qualité de

service, de transparence et d’individualisation des prestations.

Il est intéressant de noter que sur cette thématique, le secteur privé et le secteur public sont

soumis aux mêmes enjeux. A l’occasion du Congrès des Maires 2014, les résultats complets de

la deuxième édition du Baromètre du service public municipal2 ont été dévoilés et sont riches

d’enseignement sur ce dernier point. Ainsi, la première valeur attendue du service public local

est désormais l’efficacité (54%). La société adopte ainsi une logique plus consommatoire où la

capacité du service à être de qualité et à répondre aux besoins prévaut sur les valeurs traditionnelles.

.Les attentes des salariés eux-mêmes ont beaucoup évolué ces dernières années.

Le responsable ressources humaines doit attirer et fidéliser les talents en proposant des

conditions d’emploi répondant aux aspirations des collaborateurs. L’emploi n’étant plus garanti

à vie, il faut réinventer la relation de travail et proposer de nouvelles valeurs « dans l’air du

temps ». Au-delà du seul salaire, les salariés sont sensibles à la question des perspectives

d'évolution, des conditions de travail, de la formation et souhaitent un équilibre garanti entre

vie privée et vie professionnelle.

*

Dans ce contexte en profonde et constante mutation, l’enjeu managérial s’avère aujourd’hui

primordial. Les pratiques des ressources humaines ont dû en effet s’adapter à cette réalité

nouvelle. Aujourd’hui, on constate partout, la même évolution des formes d’organisation du

travail : abandon de la logique taylorienne, réduction de la distinction entre ceux qui décident et

ceux qui exécutent, plus grande prise d’initiative des salariés, développement de la

transversalité, du travail collaboratif et de la gestion par objectifs et par projets. De manière

croissante, les salariés du privé comme ceux du public souhaitent être reconnus, considérés,

responsabilisés, et veulent pouvoir exercer leurs missions dans un contexte motivant et

valorisant.

2 Etude par questionnaire administré en ligne du 14 au 18 octobre auprès de 1087 répondants Français

métropolitains de 18 ans et +

Page 3: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

3

Force est de constater que dans le secteur des ressources humaines, le responsable

« administratif » a laissé sa place au responsable « manager ». Il faut donc désormais plus

piloter que gérer et savoir anticiper les facteurs d’évolution pour s’adapter aux nouvelles

contraintes de l’entreprise. Il doit faire preuve d’une capacité réelle à mettre en œuvre de

véritables politiques de ressources humaines permettant d’accompagner le développement de la

structure. (Évaluation professionnelle, évolution de carrière, rémunération au mérite,

prévention des risques professionnels, bien-être au travail …).

Une gestion performante des ressources humaines constitue donc, un point d’équilibre à

trouver entre strict respect des règles existantes (avec les risques de rigidité que cela suppose)

et innovation liée à une utilisation pertinente des nouvelles méthodes de gestion et des outils.

Un des enjeux de la fonction ressources humaines est donc éminemment stratégique : permettre

à l’entreprise de se différencier de la concurrence grâce à son personnel ce qui suppose, avant

même d’évoquer la question de la flexibilité, une meilleure visibilité sur ses ressources

internes.

Comment s’adapter à ces nouveaux facteurs d’évolution ? Comment anticiper leurs

conséquences sur l’emploi ? Comment accompagner les salariés face au changement ?

Comment concilier performance et respect du droit du travail ?

Autant de nouvelles questions que doit se poser le responsable ressources humaines. Pour y

répondre, il doit se doter d’outils en vue de moderniser la gestion des ressources humaines.

C’est donc à la description de quelques-uns de ces outils que va s’attacher le présent document,

étant précisé que pour un responsable ressources humaines ou un manager, la connaissance du

droit du travail, dont les règles de base vont être rappelées ci-après, est totalement

incontournable.

Page 4: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

4

PLAN DE COURS

CHAPITRE I / LES FONDEMENTS DE LA RELATION DE TRAVAIL

I / LES FONDEMENTS JURIDIQUES : LE CODE DU TRAVAIL ET LA NEGOCIATION

COLLECTIVE

II / LE CONTRAT DE TRAVAIL ET LA LIBERTE CONTRACTUELLE

CHAPITRE II – LE RECRUTEMENT : UN EQUILIBRE ENTRE RECHERCHE DE

COMPETENCES ET RESPECT DE LA LOI

I / LES ETAPES ET LES OUTILS INDISPENSABLES AU RECRUTEMENT

A / COMMENT CHOISIR SES COLLABORATEURS ?

B / L’INTERDICTION DES DISCRIMINATIONS A L’EMBAUCHE

II / LE RECRUTEMENT DANS LE SECTEUR PRIVE : LE CDI ET LES CAS DE

RECOURS AUX CDD

III / LA PERIODE D’ESSAI ET SES ENJEUX

A / LES CONDITIONS DE LA PERIODE D’ESSAI

B / LA DUREE ET LA RUPTURE DE LA PERIODE D’ESSAI

CHAPITRE III – DETERMINER LA VALEUR PROFESSIONNELLE DES

SALARIES : LES ENJEUX DE L’EVALUATION

I / LES RISQUES LIES A L’EVALUATION PROFESSIONNELLE

II / LE CHOIX DE L’EVALUATION PROFESSIONNELLE ET DE SES METHODES

A / L’EXPRESSION DU POUVOIR DE DIRECTION ET SES LIMITES

B / LES METHODES D’EVALUATION

III / LE RESULTATS DE L’EVALUATION PROFESSIONNELLE

A / LE DROIT A L’INFORMATION DU SALARIE

B / LES EVOLUTIONS DE CARRIERE ET SALARIALE

CONCLUSION

Page 5: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

5

CHAPITRE I / LES FONDEMENTS DE LA RELATION DE TRAVAIL

Gérer du personnel dans le secteur privé ou public, c’est, de prime abord, inscrire son

action dans un cadre réputé pour être excessivement normé. Les règles concernant la gestion

des ressources humaines sont nombreuses, multiples et d’origines diverses : lois, principes

généraux du droit, règlements, jurisprudences, conventions collectives, accords d’entreprise ...

Autant de normes qui sont de fait difficiles à appréhender par les entreprises et les

administrations. Elles sont, par ailleurs, la source d’un abondant contentieux qui nourrit la

fonction ressources humaines au quotidien. Le droit de l’Union Européenne a évidemment

contribué grandement à bouleverser ces règles et a rendu la tâche du responsable des ressources

humaines plus complexe.

L’enjeu est aujourd’hui de taille puisque les conditions d'emplois des salariés privés et publics

dépendent directement de ces règles de droit. Pour le responsable des ressources humaines, la

connaissance de ces règles est donc un préalable indispensable à une gestion du personnel qui

sécurise l’entreprise en lui apportant une plus grande stabilité sur le plan juridique.

A ce titre, la loi « El Khomri »3 procède à une réécriture complète du code du travail que le

responsable des ressources humaines devra rapidement appréhender. La publication de plus

d’une centaine de décrets avant la fin de l’année 2016 ne lui facilitera pas la tâche.

I / LES FONDEMENTS JURIDIQUES : LE CODE DU TRAVAIL ET LA NEGOCIATION

COLLECTIVE

Les textes législatifs et réglementaires concernant le droit du travail sont aujourd’hui codifiés.

Le code du travail s’applique ainsi à tous les salariés employés au moyen d’un contrat de droit

privé. Au fil des réformes successives, le code du travail adopte désormais une numérotation à

quatre chiffres avec une structure subdivisée en parties, livres, titres et chapitres.

Le code du travail est désormais composé de la manière suivante :

- Chapitre préliminaire relatif au dialogue social

- Première partie relative aux relations individuelles de travail

- Deuxième partie relative aux relations collectives de travail

- Troisième partie relative à la durée du travail, au salaire, à l’intéressement, à la

participation et à l’épargne salariale

3 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des

parcours professionnels

Page 6: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

6

- Quatrième partie relative à la santé et à la sécurité au travail

- Cinquième partie relative à l'emploi

- Sixième partie relative à la formation professionnelle tout au long de la vie

- Septième partie relatives aux dispositions particulières à certaines professions et

activités

- Huitième partie relative au contrôle de l'application de la législation du travail

Tous les aspects de la relation de travail entre le salarié et l’employeur semblent couverts par le

code du travail. Toutefois, ce dernier ne prévoit pas toutes les normes sociales applicables et

organise également la négociation collective, au moyen de conventions ou d’accords collectifs.

La négociation collective, appelée aussi « dialogue social » vise à instaurer une discussion

entre les employeurs et les représentants des salariés sur les conditions d’emploi, de formation

et de garanties sociales.

Pour connaître les règles applicables au contrat de travail, il faudra nécessairement se reporter

au code du travail (respect de la loi) mais également à la convention ou à l’accord collectif

dont l’entreprise relève (respect du dialogue social). La convention collective a vocation à

traiter l'ensemble de ces thèmes alors que l’accord collectif, quant à lui, ne portera que sur un

sujet en particulier (égalité professionnelle par exemple). La distinction entre accord et

convention repose donc sur leur champ d'application. Ce champ d'application peut être

géographique (national, régional ou local) ou/et professionnel (interprofessionnel, branche,

entreprise).

Au niveau de l’entreprise, la négociation obligatoire ou facultative d’une convention ou d’un

accord permet d’adapter les règles du code du travail aux spécificités et aux besoins de

l’entreprise.

A ce titre, l’ambition de la loi « Travail » est notamment de créer une véritable culture du

dialogue social en France en donnant une place centrale à la négociation collective au niveau

de l’entreprise c’est-à-dire au plus près des salariés.

Les accords majoritaires doivent progressivement devenir la règle au niveau de l’entreprise.

Ainsi pour être valides, les accords devront être signés par des organisations syndicales qui

rassemblent plus de 50 % des suffrages et non plus 30% comme aujourd’hui. Il sera également

possible de valider des accords minoritaires par référendum afin de permettre aux salariés de

s’exprimer sur leurs conditions de vie au travail et les choix qui les concernent directement.

Cette nouvelle règle sera appliquée dans un premier temps au chapitre relatif à la durée du

travail, aux congés et aux repos, ainsi qu’aux accords en matière d’emploi. Elle sera ensuite

progressivement étendue aux autres chapitres du code du travail, après un premier bilan d’étape

en 2018.

Les accords d’entreprise pourront, avec l’accord du salarié, se substituer aux contrats de travail

lorsqu’ils visent à préserver ou à développer l’emploi. La rémunération mensuelle des salariés

ne pourra pas être impactée par la substitution.

Les accords d’entreprise devront mettre en œuvre un droit nouveau créé par la loi « Travail »:

le « droit à la déconnexion ». Il est ainsi prévu qu’au sein de chaque entreprise, employeur et

employés discutent chaque année de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le

respect des temps de repos et de congés des salariés.

Page 7: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

7

En effet, selon le Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du

Dialogue social :

23% seulement des cadres se déconnectent systématiquement en dehors de leur temps

de travail (un tiers le fait rarement) selon une étude Apec (décembre 2014)

89% des cadres estiment que les outils connectés contribuent à les faire travailler hors

de l’entreprise.

II / LE CONTRAT DE TRAVAIL ET LA LIBERTE CONTRACTUELLE

Les salariés privés se voient proposer un contrat de travail au moment de leur engagement. Le

contrat de travail existe dès lors qu’une personne s’engage à travailler, contre rémunération,

pour le compte et sous la direction d’une autre personne. Le contrat dépend avant tout des

conditions dans lesquelles le travail est effectué et non de la volonté exprimée par les parties.

La Cour de cassation a ainsi posé trois critères cumulatifs qui sont nécessaires pour consacrer

l’existence d’un contrat de travail entre deux personnes.

1. Une prestation de travail doit être effective et réalisée au profit de l’employeur.

A défaut de travail réel exercé par le salarié, le contrat est considéré comme fictif.

2. Une rémunération est versée dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Il s’agit d’une somme d’argent, fixe ou variable et/ou des avantages en nature

(hébergement, nourriture …). La rémunération est le plus souvent fixée compte tenu du

temps de travail mais pourquoi pas en fonction du nombre de produits vendus, du

volume d’affaires effectué … En l’absence de contrat de travail, le juge pourra se baser

sur la délivrance de bulletins de salaire par l’employeur pour caractériser la relation

salariale.

3. Un lien de subordination juridique.

Le salarié est placé sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres,

d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Ainsi, la prestation de

travail rémunérée ne pourra pas être constitutive d’un contrat de travail si elle est

réalisée de manière indépendante. Le lien de subordination repose sur un « faisceau

d’indices » : le contrôle de l’employeur, la fourniture de moyens, l’intégration dans un

service organisé.

Page 8: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

8

.Le contrôle de l’employeur peut ainsi consister en la détermination des horaires

de travail du salarié (un orthoptiste qui a la capacité de choisir librement ses horaires

exerce son activité à titre libéral alors même qu’il travaillait exclusivement pour un

ophtalmologiste dans les locaux et avec le matériel de celui-ci - Cass. Soc. n° 85-

42.016 du 17 décembre 1987), la formalisation et la délivrance de directives

(instructions orales et/ou écrites, notes de service, règlement intérieur …), et

l’organisation de contrôle (rapports d’activité, comptes-rendus …).

Sur ce dernier point, la Cour de cassation a ainsi confirmé que les participants à un

programme de télévision étaient liés par un contrat de travail à la société de production

(Cass. Soc. n° 08-40.981 du 3 juin 2009). Les candidats avaient l'obligation de prendre

part aux différentes activités et réunions et devaient suivre les règles définies

unilatéralement par le producteur. Ils étaient également soumis à un règlement qui

imposait une disponibilité permanente, assortie d'une interdiction de sortir du site et de

communiquer avec l'extérieur, et qui stipulait que toute infraction pourrait être

sanctionnée par un renvoi.

.La fourniture de moyens par l’employeur est également un indice pour détecter

l’existence d’un contrat de travail. Il appartient à l’entreprise de fournir les moyens

nécessaires ce qui implique l’absence de personnel et de matériel propre pour le salarié

(un anesthésiste qui a la latitude pour embaucher et rémunérer des infirmières ne peut

être considéré comme salarié de la clinique dans laquelle il exerce son activité – Cass.

Soc. n° 78-40.352 du 7 mars 1979).

.L’intégration dans un service organisé peut enfin constituer un autre indice mais

qui ne peut être suffisant pour qualifier la relation de travail (un sous-traitant dépendant

exclusivement de son client ne peut être qualifié de salarié).

A la différence du secteur public, le contrat de travail repose sur la liberté contractuelle. Les

conditions d’exécution et les engagements réciproques entre le salarié et l’employeur sont

déterminés au moyen de clauses, sous réserve que ces dernières soient compatibles avec la loi

et/ou la convention collective.

Le contenu d'un contrat à durée indéterminée est donc libre sauf s’il existe des mentions

conventionnelles obligatoires.

En pratique, il convient de préciser notamment :

- L'identité des parties

- L’adresse des parties

- La fonction

- La qualification professionnelle

- Le lieu de travail

- La durée du travail

- La rémunération (salaire et primes)

- Les congés payés

Page 9: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

9

- La durée de la période d'essai

- Le renouvellement de la période d’essai

- Les délais de préavis en cas de rupture du contrat

Le contrat de travail peut également comporter d’autres clauses dites « particulières » qui ont

notamment pour objet de protéger l’entreprise et restreindre les droits du salarié. Ces clauses

doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché

(Article L. 1121-1 du Code du travail).

.La clause de non-concurrence va ainsi interdire, pendant une certaine durée, dans une certaine

zone géographique et moyennant une contrepartie financière d’exercer la même activité.

.La clause d'exclusivité oblige le salarié à ne travailler que pour son seul employeur.

Restreignant la liberté du travail, cette clause ne peut empêcher un salarié d’exercer une

activité en dehors de son temps de travail, dans un secteur sans rapport avec celui de

l’employeur dès lors qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts ou de concurrence déloyale.

.La clause de confidentialité prolonge l'obligation de secret professionnel. Le salarié ne peut

ainsi divulguer des informations auprès des concurrents notamment sur les produits et plus

largement sur la stratégie de l’entreprise. Le salarié peut continuer d’y être soumis après la

rupture de son contrat de travail.

. La clause d’objectifs dite « de quotas » vise à définir par avance des objectifs que le salarié

doit atteindre. L’insuffisance de résultats ne peut jamais être en soi un motif de licenciement du

salarié. L’employeur devra prouver le lien entre l’absence de résultats et l’insuffisance

professionnelle ou la faute du salarié.

Il est possible de prévoir d’autres clauses dans le contrat de travail (clause de garantie

d’emploi, de rémunération forfaitaire, de rémunération variable, de mobilité géographique …),

le salarié et l’employeur jouissant tous deux de la liberté contractuelle, sous réserve de

respecter la loi et/ou la convention collective.

Page 10: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

10

CHAPITRE II – LE RECRUTEMENT : UN EQUILIBRE ENTRE RECHERCHE DE

COMPETENCES ET RESPECT DE LA LOI

Le recrutement permet aux entreprises et aux administrations d’acquérir de nouvelles

compétences pour assurer la continuité et la qualité de leurs activités. Exercice par nature

difficile et risqué, elles devront trouver le juste équilibre entre la satisfaction de leurs besoins et

le respect de règles juridiques strictes.

La loi organise ainsi le recrutement du personnel selon des modalités différentes entre secteur

public et privé. Toutefois, il existe des étapes et des outils incontournables qui sont communs

pour organiser, avec succès, le choix de nouveaux collaborateurs au sein de l’organisation.

Dans un contexte économique difficile pour les entreprises et les administrations, « l’erreur de

casting » est lourde de conséquences. Un professionnel ne répondant pas aux exigences du

poste pourra être amené à le quitter rapidement obligeant ainsi l’entreprise à diligenter une

nouvelle procédure coûteuse. Pis, l’intéressé ne pourra pas nécessairement trouver un autre

emploi dans l’immédiat, ce qui impactera négativement le fonctionnement de la structure.

I / LES ETAPES ET LES OUTILS INDISPENSABLES AU RECRUTEMENT

A / COMMENT CHOISIR SES COLLABORATEURS ?

Le recrutement, qu’il s’agisse d’une entreprise ou bien d’une administration, repose

fondamentalement sur des étapes communes afin de garantir la meilleure adéquation entre les

besoins et le profil de compétences des candidats.

Page 11: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

11

Etapes de la procédure de recrutement

1. Analyse du besoin

Identification des objectifs

Analyse du contexte de recrutement

Prise de décision

2. Formalisation

Définition du poste à pourvoir

Fiche de poste créée ou modifiée par le service « RH »

Détermination du profil recherché

Rédaction de l’annonce

3. Publicité

Déclaration

4. Sélection

Organisation matérielle d’un jury de recrutement

Définition des outils de sélection (grille de critères, tests écrits …)

Présélection sur dossiers et/ou entretien téléphonique

Entretien, épreuves pratiques le cas échéant

Vérification des conditions d’emploi

Prise de décision

Réponse aux candidats retenus ou non

Constitution du dossier d’embauche

Le recruteur doit se pencher avec attention sur les caractéristiques du poste et analyser les

principaux points à identifier. Est-ce un poste qui nécessite une prise de responsabilité ? La

personne doit-elle avoir des qualités d’animateur d’une équipe, des qualités d’encadrement ?

Au vu du développement de l’entreprise, quelles doivent être les qualités futures à attendre de

ce collaborateur ?

Les fonctions et missions, une fois définies, permettront d’identifier le niveau de recrutement et

les compétences attendues. La technicité du poste (savoir-faire) est importante mais souvent il

s’agit de connaître des dispositifs qui peuvent s’apprendre, notamment par une formation

interne adéquate. En revanche, les compétences relationnelles, la capacité d’encadrement

s’acquièrent plus difficilement. Les qualités comportementales (savoir-être) sont donc à

prioriser très fortement.

Dans l’acte de recrutement, la définition du besoin est donc essentielle. La fiche de poste

constitue dans ce contexte un support inestimable en ce sens qu’elle intègre non seulement le

profil du poste, mais également le référentiel de compétences nécessaires. Outil indispensable à

une gestion moderne du personnel, la fiche de poste va au-delà de la stricte problématique du

recrutement et structure l’ensemble des tâches de ressources humaines. Par exemple, elle

permet également de préciser les conditions d’hygiène et de sécurité pour engager une

meilleure évaluation du risque professionnel.

Page 12: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

12

Concrètement, que doit contenir la fiche de poste, support préalable de tout recrutement ?

1/ L’identification du poste . Sa dénomination

. Le service de rattachement

. Le lieu d’activité

. Le niveau hiérarchique

. La durée et les horaires de travail

2/ La description du poste . Les activités, les fonctions, les missions du poste

. Les tâches régulières et ponctuelles

. Les variations saisonnières

3/ Les liaison fonctionnelles . Le supérieur hiérarchique direct

. Les collègues de travail

. Les subordonnés

. Le niveau de délégation

. Les liaisons directes avec des fournisseurs ou usagers

. Les liaisons directes avec des agents d’autres services

4/ Le niveau de compétences nécessaires . La qualification (diplôme, titre ou permis obligatoire)

. Les compétences : les savoirs, le savoir-faire et le savoir-être

5/ Les moyens matériels mis à disposition de l’agent . Le local de travail

. La bureautique

. L’outillage

. Les engins

Page 13: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

13

Exemple de fiche de poste dans le secteur public

Page 14: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

14

B / L’INTERDICTION DES DISCRIMINATIONS A L’EMBAUCHE

Si les étapes et les outils sont clairement identifiés et bien maîtrisés par les « ressources

humaines », les recrutements seront réussis. Il s’agit d’un formidable levier pour faire

progresser l’entreprise, maintenir sa compétitivité voire l’améliorer. Pour autant, les

employeurs privés et publics, s’ils disposent d’une marge de manœuvre non négligeable dans le

choix de leurs futurs collaborateurs, devront s’acquitter préalablement du respect de certains

principes afin de garantir la légalité de leur procédure de recrutement.

Le code du travail et le statut de la fonction publique prohibent ainsi toute forme de

discrimination à l’embauche :

« aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à

un stage […] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou

identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses

caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou

supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses

activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence

physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de

santé ou de son handicap. » (L. 1132-1 du code travail).

« aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en

raison de leur origine, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur

patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de

leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une

race. » (article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des

fonctionnaires).

Ainsi, un salarié qui a postulé sans succès à 14 reprises sur un poste de sous-directeur alors

même qu’il avait répondu à des propositions de postes à l'international et à une proposition de

poste dans une filiale à Paris, qu’il était le seul de sa promotion à ne pas avoir eu de poste et

qu’il était parmi les plus diplômés, est victime d'une discrimination en raison de son orientation

sexuelle. Plusieurs témoignages concordants relevaient d’ailleurs une ambiance homophobe,

l’intéressé a reçu 615000€ de dommages et intérêts (Cass. Soc. du 24 avril 2013 n° 11-15.204).

L’employeur qui méconnait les principes de non discrimination s’expose à des sanctions

pénales et encourt une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45000€ d’amende (article 225-1

et suivants du code pénal).

Les hommes et les femmes bénéficient d’une égalité de traitement lors de leur embauche et tout

au long de leur carrière. Il est, par exemple, interdit de mentionner ou de faire mentionner dans

une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille du candidat recherché. Ou encore, un

employeur ne peut refuser d'embaucher une personne en considération du sexe, de la situation

de famille ou de la grossesse ou sur la base de critères de choix différents selon le sexe, la

situation de famille ou la grossesse. Ces règles issues du code du travail (article L. 1142-1 et

suivants du code du travail) sont pleinement transposables aux agents publics qui jouissent des

mêmes garanties.

Page 15: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

15

L’administration qui considère qu’ « il est probable que l’intéressée continuera une progression

en responsabilité car elle évolue actuellement du fait d’obligations personnelles et familiales

sensiblement en dessous des responsabilités qu’elle pourrait assumer ». La HALDE4 considère

que cette appréciation est discriminatoire puisque « l’impact de la charge de famille d’une

femme fonctionnaire sur son appréciation procède d’un stéréotype, ce critère d’appréciation ne

devant pas intervenir dans l’évaluation d’un agent public [...] quel que soit le degré

hiérarchique auquel il se situe». Cette appréciation est d’autant plus discriminatoire qu’elle

avait été faite indépendamment du travail fourni, considéré excellent, et alors même que les

éléments du domaine familial évoqués étaient sans aucune incidence sur son assiduité, attestée

par le relevé des absences (Délibération HALDE n°2007-72 du 12 mars 2007, @.).

Il est utile de rappeler que le CV anonyme est très largement discuté et fait l’objet de nombreux

débats entre les pouvoirs publics, les employeurs et les représentants du personnel. Selon le

code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, les informations

communiquées par écrit par le candidat à un emploi ne peuvent être examinées que dans des

conditions préservant son anonymat (article L. 1221-7 du code du travail). Le décret

d’application n’est pas, à ce jour, publié malgré la condamnation de l’Etat par le Conseil d’Etat

(CE n° 345253 du 9 juillet 2014).

II / LE RECRUTEMENT DANS LE SECTEUR PRIVE : LE CDI ET LES CAS DE

RECOURS AUX CDD

Dans le secteur privé, le contrat de travail est le plus souvent de forme écrite. Aucun écrit n'est

cependant exigé pour un CDI à temps plein, une lettre d’engagement suffit, sauf si une

convention collective le prévoit expressément.

En l'absence d'écrit obligatoire, l'employeur devra toutefois accomplir toutes les formalités

nécessaires et remettre au salarié une copie de la déclaration préalable à l'embauche (DPAE).

Un contrat de travail doit être obligatoirement rédigé par écrit dans les situations suivantes :

- Le contrat à durée déterminée (CDD)

- Le contrat à durée indéterminée (CDI) à temps partiel

- Le contrat de travail temporaire

- Le contrat de travail intermittent

- Le contrat d'apprentissage

- Le contrat de professionnalisation

- Le contrat unique d'insertion (CUI)

Contrairement au secteur public, le salarié est présumé travailler en CDI à temps plein en

l'absence de contrat de travail écrit. La requalification du contrat en CDI à temps plein, devra

être prononcée par le juge. Il est utile de rappeler qu’à défaut de contrat écrit dans les situations

susvisées, l'employeur risque 1500 € pour un contrat à un temps partiel ou intermittent et 3150

€ d'amende (7500 € en cas de récidive) s'il recourt au CDD ou au travail temporaire sans

contrat écrit.

4 Aujourd’hui, la HALDE a laissé place au Défenseur des droits

Page 16: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

16

Le CDI est donc la forme normale et générale de la relation de travail entre un employeur et

son salarié. Il a vocation à répondre aux besoins permanents de l’entreprise. Un CDD est, en

principe, exceptionnel et ne pourra être conclu que dans les cas expressément prévus par la loi.

Le CDD répond avant tout à l'exécution d'une tâche précise et temporaire et n’a pas pour objet

de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (L.

1242-1 du code du travail). Le motif du recours au CDD doit obligatoirement apparaître dans

le contrat de travail et c’est à l’employeur de prouver la réalité de celui-ci. L’enjeu est

important car l’entreprise risque la requalification du contrat en CDI.

. Les cas de recours aux contrats à durée déterminée dans le secteur privé

. Les entreprises sont ainsi autorisées à recruter par le biais d’un CDD pour assurer le

remplacement d’un salarié absent temporairement ou dont le contrat est suspendu (maladie,

maternité, congés payés, congé parental …), à temps partiel (congé parental, congé pour créer

ou reprendre une entreprise …) ou ayant quitté définitivement l'entreprise et dans l'attente de la

suppression de son poste.

Les employeurs privés peuvent également recourir à un CDD, à titre transitoire, dans l'attente

de l'arrivée d'un salarié recruté en CDI.

. L’utilisation d’un CDD est également possible pour faire face à des variations d’activité. Il

s’agit de couvrir un accroissement temporaire d’activité, ponctuel ou récurrent, de l'activité de

l'entreprise (commande exceptionnelle et imprévue, expérimentation d’une nouvelle activité

…).

. D’autres activités correspondent à des travaux temporaires par nature et sont incompatibles

avec l’idée de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de

l’entreprise. Le code du travail organise ainsi le recours à un CDD pour répondre à une activité

saisonnière (tourisme, récoltes agricoles …).

Il est aussi possible de signer un CDD pour pourvoir à des emplois d’usage c’est-à-dire des

emplois pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir à un CDI. (Réparation navale,

déménagement, centres de loisirs et de vacances, activités foraines …).

Le recours au CDD est possible pour des emplois où l'usage exclut le recours au CDI en raison

de la nature de l'activité et du caractère temporaire de ces emplois. Le contrat de vendanges qui

a pour objet la réalisation des travaux de vendanges est enfin un CDD qui peut être proposé aux

salariés et aux fonctionnaires.

. Enfin le contrat dit « de projet » permet de recruter en vue de la réalisation d’un objet

spécifique. Il est réservé aux ingénieurs et aux cadres et a vocation à se terminer lors de la

réalisation d’un objet défini. Ce type de contrat n’est possible qu’il est prévu par un accord de

branche ou à défaut d’un accord d’entreprise.

Page 17: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

17

La durée maximale d’un CDD est, généralement, limitée à 18 mois, renouvellement compris.

Toutefois, la durée de certains CDD peut être différente dans certaines situations :

9 mois pour le CDD conclu à titre transitoire dans l'attente de l'arrivée d'un salarié

recruté en CDI

24 mois pour le CDD conclu à l’étranger ou en cas de départ définitif d’un salarié

précédant la suppression de poste de travail ou encore en cas de commande

exceptionnelle à l’exportation (CDD qui ne peut être inférieur à 6 mois)

36 mois pour le CDD de projet (CDD qui ne peut être inférieur à 18 mois)

Les CDD doivent, en principe, comporter un terme fixé avec précision, dès sa signature. Le

code du travail prévoit néanmoins que certains CDD peuvent être conclus, sans terme précis,

simplement pour une durée minimale. Le CDD conclu afin de remplacer un salarie absent ou

dont le contrat de travail est suspendu peut ne pas comporter de terme précis et prévoir une

durée minimale, par exemple la durée du congé de maternité.

Le recours au CDD est également possible dans le cadre de contrats spécifiques tels que :

Le contrat unique d'insertion (CUI)

L'emploi d'avenir

Le CDD d'insertion (CDDI) conclu dans une structure d'insertion par l'activité

économique (IAE)

Les contrats de professionnalisation et d'apprentissage

Le "CDD senior"

III / LA PERIODE D’ESSAI ET SES ENJEUX

On l’a vu précédemment, le recrutement présente de nombreux enjeux pour les entreprises et

les administrations. Dans le strict respect de la loi, elles organisent le choix et l’intégration de

leurs nouveaux collaborateurs. Le processus repose ainsi sur des méthodes et des outils ayant

vocation à apporter des garanties au recruteur. Il faut rapidement détecter, au cours des

différentes étapes du processus (tests écrits, entretiens oraux, mise en situation, cas pratiques

…), si le futur salarié présente toutes les compétences requises pour apporter une véritable plus-

value à la structure et s’il est capable de s’intégrer rapidement.

Malgré les efforts de sélection qui sont déployés par les services « ressources humaines », force

est de constater que le profil ne correspond pas toujours aux attentes exprimées par

l’employeur. Avec un solide entraînement, certains candidats peuvent assurer une prestation

convaincante lors de leur entretien d’embauche mais ils n’arrivent pas toujours à « transformer

l’essai » par la suite.

Page 18: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

18

Le secteur public est lui aussi exposé à ce phénomène car la logique de recrutement repose

encore largement sur l’organisation de concours et d’examens professionnels. Certains

candidats multiplient ainsi les inscriptions et procèdent à un « bachotage » des épreuves. Pour

autant, sont-ils aptes à occuper un emploi public ? Seront-ils en capacité de contribuer de

manière opérationnelle au service public ? A ce titre, le phénomène des « reçus-collés » dans la

fonction publique territoriale est aujourd’hui inquiétant puisque 10% des lauréats ne trouvent

pas de poste dans les 3 ans5. L’Inspection Générale de l’Administration (IGA) s’en est

d’ailleurs inquiétée dans un rapport de mars 20126.

Le code du travail et le statut de la fonction publique protègent donc l’employeur avant le

recrutement définitif.

Les textes instaurent ainsi une période d’essai qui permettra de s’assurer, qu’au-delà de la seule

réussite de l’entretien d’embauche, le salarié sera capable de répondre aux exigences de

l’entreprise. Si l’évaluation n’est pas probante, la relation de travail pourra être interrompue

permettant l’éviction du salarié.

A l’inverse, le salarié peut également mettre fin à la période d’essai notamment s’il estime que

le poste ne correspond pas à ses aspirations.

A / LES CONDITIONS DE LA PERIODE D’ESSAI

La période d’essai permet avant tout à l’employeur d’évaluer les capacités du salarié sur son

poste travail et d’apprécier les conditions dans lesquelles il exerce effectivement ses missions.

A ce titre, il n’est pas possible de prévoir une période d’essai lorsque l’employeur connaît déjà

les compétences professionnelles du salarié, notamment lorsque celui-ci a été recruté

précédemment par un CDD.

Pendant ce laps de temps, le contrat de travail peut être librement rompu à l’initiative de

l’employeur mais également du salarié, sans besoin de motivation, et sans indemnité

pécuniaire, en principe.

La période d’essai permet ainsi de s’extraire des règles habituelles qui concernent le

licenciement. Bien évidemment, la rupture ne doit pas être abusive. A défaut, le salarié peut

prétendre à des dommages et intérêts.

Ainsi « après avoir notifié à la salariée, par lettre du 14 juin 2004, que sa période d'essai qui

expirait le 7 juillet suivant serait renouvelée pour une période de trois mois, l'employeur l'avait

finalement informée de la rupture de leurs relations contractuelles dès le 5 juillet ; qu'ayant

ainsi fait ressortir que la société Otis avait rompu le contrat de travail quelques jours seulement

après avoir décidé de renouveler la période d'essai, avant même que ce renouvellement n'ait

pris effet et alors que la salariée n'avait pas encore bénéficié de l'intégralité de la formation

5 Durée de validité de la liste d’aptitude dans la FPT (1 an renouvelable deux fois)

6 Rapport de l’IGA n° 12-018/11-098/01 de mars 2012 relatif à la situation des «reçus-collés » dans la FPT –

Analyse et propositions

Page 19: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

19

prévue au contrat de travail et nécessaire à l'exercice de ses fonctions, elle a pu décider qu'elle

avait agi avec une légèreté blâmable » (Cass. Soc. n° 08-42.826 du 6 janvier 2010 Mme X.).

Egalement, le fait de mettre fin à la période d’essai moins de deux semaines après son début

alors qu’elle était initialement de trois mois renouvelable une fois, constitue un abus (Cas. Soc.

n° 03-47.546 du 15 novembre 2005 M. X.).

A la différence de la période de stage des fonctionnaires, la période d’essai et son possible

renouvellement ne se présument pas. La période d’essai et son renouvellement doivent, en

effet, être expressément stipulés dans le contrat de travail ou dans la lette d’engagement pour

être opposables.

B / LA DUREE ET LA RUPTURE DE LA PERIODE D’ESSAI

S’agissant du CDI, le contrat de travail ou la lettre d’engagement peut prévoir l’existence d’une

période d’essai dont la durée maximale est expressément indiquée (article L 1221-9 du code du

travail) :

2 mois pour les ouvriers et les employés

3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens

4 mois pour les cadres

Afin de conserver une évaluation effective du salarié, la durée de la période d’essai peut être

prolongée en cas de suspension du contrat de travail (congés de maladie, accident du travail,

congés sans solde …).

La possibilité de renouveler la période d’essai doit également être stipulée dans le contrat de

travail ou dans la lettre d’engagement (sous réserve d’un accord de branche étendu). La

période d’essai peut ainsi être renouvelé une fois, sa durée, renouvellement compris est portée

à :

4 mois pour les ouvriers et employés

6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens

8 mois pour les cadres

L’employeur et, dans certains cas, le salarié, doivent toutefois respecter un délai de prévenance.

Ainsi, lorsque l’entreprise met fin au contrat en cours ou au terme de la période d’essai, le

salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

24 heures en deçà de 8 jours de présence

48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence

2 semaines après 1 mois de présence

1 mois après 3 mois de présence

Page 20: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

20

En cas de non-respect du délai de prévenance, le salarié a le droit de bénéficier d’une indemnité

compensatrice, sauf en cas de faute grave. Le montant de l’indemnité correspond aux salaires et

avantages qu’il aurait perçus s’il avait travaillé jusqu’à l’expiration du délai de prévenance,

indemnités de annuels payés comprise. Il appartient à l’employeur de notifier la rupture de la

période d’essai par une lettre recommandée avec accusé de réception.

Page 21: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

21

CHAPITRE III – DETERMINER LA VALEUR PROFESSIONNELLE DES SALARIES : LES

ENJEUX DE L’EVALUATION

On l’a vu précédemment, il n’y a pas de raison objective d’opposer systématiquement le

secteur privé et le secteur public en matière de gestion des ressources humaines. Certes, les

dispositifs sont différents mais les enjeux sont souvent identiques pour les managers.

La question de l’évaluation des salariés reste, dans ce contexte, primordiale et intéresse tous les

responsables, peu importe leur domaine d’activité.

Bien que non obligatoire dans le secteur privé, on estime que plus de 80% des entreprises

pratiquent aujourd’hui l’évaluation professionnelle. Les cadres et les cadres supérieurs des

grandes entreprises, notamment dans le secteur de la banque et de l’assurance, ont été les

premiers concernés par des méthodes destinées à évaluer leurs compétences professionnelles.

Aujourd’hui, l’évaluation est généralisée à tous les niveaux de l’entreprise y compris les

métiers d’exécution.

Au-delà de la performance collective de l’entreprise, l’enjeu est de mieux identifier les salariés

les plus efficaces et de les inciter à poursuivre leurs efforts. Les récompenses peuvent être de

nature financière, en modulant la rémunération ou encore en octroyant des promotions.

I / LES RISQUES LIES A L’EVALUATION PROFESSIONNELLE

L’évaluation professionnelle consiste le plus souvent en un entretien annuel avec son N+1

c’est-à-dire son manager. Le passage de l’entretien annuel est, en effet, souvent un moment

redouté qui provoque, à tort ou à raison, du stress chez le salarié.

La cour de cassation a ainsi confirmé qu'une dépression nerveuse qui apparaît soudainement

deux jours après un entretien d'évaluation et qui est consécutive à cet entretien, selon une

expertise médicale technique, constitue bien un accident du travail.

En effet, il appartient aux juges du fond d’apprécier « souverainement si un accident est

survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; qu'ayant constaté que M. X... avait été atteint

d'une dépression nerveuse soudaine dans de telles conditions, la cour d'appel a estimé, sans

encourir les griefs du moyen, qu'il avait été victime d'un accident du travail ». En l’espèce, « le

7 janvier 2000, au cours d'un entretien d'évaluation, M. X..., chef de poste de la société Condat,

a été avisé par son supérieur hiérarchique qu'il ne donnait pas satisfaction et qu'il était

rétrogradé dans des fonctions d'agent de maîtrise suppléant ; que le 9 janvier 2000, M. X... a

fait constater par son médecin traitant une dépression nerveuse » (Cass. Soc. n° 02-30576 du

1er

juillet 2003 M. X.).

Page 22: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

22

Comme l’exprime, en effet, Serge Vallemont dans son rapport « Gestion des ressources

humaines dans l’administration » (1999), dont les propos sont transposables au secteur privé,

les dérives de l’évaluation « tiennent pour une part non négligeable à la crainte du face à face

que requiert toute évaluation individuelle et dans les comportements d’évitement de la

confrontation qu’elle peut intégrer ».

Il existe plusieurs raisons pouvant expliquer cette situation vécue comme anxiogène.

Le salarié redoute sans doute la confrontation avec son N+1 car une partie de sa rémunération

peut être affectée par cet exercice imposé.

A l’inverse, une évaluation positive ne suffit pas toujours à l’épanouissement de l’intéressé. Il

peut ainsi avoir le sentiment de ne pas être suffisamment reconnu à sa juste valeur dans

l’organisation, notamment lorsque ses contraintes de travail ne sont pas suffisamment intégrées

par l’encadrement : poids croissant des normes juridiques, contraintes financières, exigences

toujours plus forte en termes de réactivité et de qualité des prestations … Autant de difficultés

rencontrées au quotidien qui ne permettent pas toujours d’atteindre pleinement les objectifs

assignés.

Le manager, quant à lui, manque généralement de temps pour préparer les entretiens de ses

subordonnés. Le processus d’évaluation s’intègre mal dans une charge de travail déjà

conséquente où le quotidien laisse peu de place à une réflexion préalable et approfondie. La

question des objectifs est ainsi survolée laissant un goût d’inachevé à l’exercice.

Ce constat est d’autant plus vrai que les procédures internes sont souvent excessivement

complexes et doivent donner lieu un important travail administratif en amont et en aval de

l’entretien : mise à jour des fiches de poste, envoi des convocations, rédaction des procès-

verbaux, respect des délais … Autant de contraintes qui s’imposent au manageur et qui rendent

l’exercice peu intéressant.

L’évaluation devient alors un simple « rituel », sans véritable enjeu. Les procédures

d’évaluation, par habitude, par « crainte du face à face », par manque de préparation dérivent

inexorablement en procédures stéréotypées, incapables d’appréhender la motivation des

salariés et d’objectiver les conditions d’une amélioration des prestations au sein de l’entreprise.

II / LE CHOIX DE L’EVALUATION PROFESSIONNELLE ET DE SES METHODES

A / L’EXPRESSION DU POUVOIR DE DIRECTION ET SES LIMITES

L’employeur tient de son pouvoir de direction le droit d’évaluer ses salariés. A ce titre, une fois

qu’il décide d’instaurer un dispositif d’évaluation professionnelle, tous les agents de

l’entreprise seront dans l’obligation de se soumettre à ce nouvel exercice et d’en respecter les

modalités.

Page 23: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

23

Ainsi, le refus réitéré de se rendre à un entretien d’évaluation professionnelle constitue une

faute grave qui justifie le licenciement du salarié (Cass. Soc. n° 09-70.702 du 4 mai 2011 M.

X.).

Dès lors qu’il décide de rendre l’évaluation professionnelle obligatoire au sein de l’entreprise

tous les salariés seront, dans leur intégralité, concernés. Il est effectivement interdit d’écarter

certains agents du processus pour ne pas laisser présumer l’existence d’une disparité de

traitement.

L’évaluation des salariés peut être aussi prévue par la convention collective notamment pour

conditionner l’évolution de carrière. Dans ce cas, l’exercice est obligatoire et s’impose tant aux

salariés qu’à leur employeur. Le salarié qui n’a pas bénéficié de son entretien professionnel,

alors que celui-ci était prévu par la convention collective, subit un préjudice en raison de la

perte de chance d’accéder à une promotion.

« Mesdames X..., Y... et Z..., étant toutes entrées à la MGEN avant le 1er janvier 2004, chacune

d'elles aurait donc dû être convoquée à un entretien d'évaluation avant le 31 décembre 2004, ce

qui n'a pas été le cas ; que la MGEN ne pouvait s'exonérer de cette obligation en faisant

bénéficier ses salariés d'une éventuelle augmentation au choix dès janvier 2005, «sans faire

précéder cette évaluation d'un entretien mais sur la base de critères définis au plan national

excluant toute pratique discriminatoire», ce qu'elle a pourtant fait, ainsi qu'elle l'indique dans

ses conclusions ; que Mesdames X..., Y... et Z... n'ont eu aucun entretien annuel d'évaluation

durant toute l'année 2004 ; qu'en conséquence, leurs résultats individuels n'ont pas pu faire

l'objet d'une appréciation précise ; que dès lors, rien ne justifie le fait que ces salariées aient pu

être pénalisées par le non octroi de la majoration de choix prévue par l'article 8.1 de la

convention collective UGEM » (Cass. Soc. n° 08-42114 du 10 novembre 2009 MGEN).

Plus généralement, le refus de l’employeur de faire bénéficier d’une évolution professionnelle

alors même que le salarié n’a pas été évalué est illégal (Cass. Soc. n° 08-41.544 du 24 mars

2010 Mme X.).

Ce pouvoir d’évaluation des salariés est évidemment assorti de contraintes et de limites pour

l’employeur.

Les représentants du personnel doivent être préalablement informés et consultés sur le

dispositif d’évaluation professionnelle et ses modalités au sein de l’entreprise (art. L. 2323-32

du code du travail).

La Cour de cassation rappelle que le CHSCT doit être également consulté dès lors que les

conditions de travail sont impactées par l’évaluation professionnelle notamment en raison de la

pression psychologique. C’est le cas lorsque l’évaluation annuelle conditionne les

rémunérations et qu’elle est susceptible d’avoir une incidence sur le comportement des salariés.

Page 24: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

24

« Les évaluations annuelles devaient permettre une meilleure cohérence entre les décisions

salariales et l'accomplissement des objectifs, qu'elles pouvaient avoir une incidence sur le

comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités

et les enjeux de l'entretien étaient manifestement de nature à générer une pression

psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, c'est sans encourir les

griefs du moyen que la cour d'appel a exactement décidé que le projet de l'employeur devait

être soumis à la consultation du CHSCT chargé, par application de l'alinéa 1 de l'article L. 236-

2 du code du travail, de contribuer à la protection de la santé des salariés » (Cass. Soc. n° 06-

21.964 du 28 novembre 2007 AGME).

Le CHSCT peut d’ailleurs demander une expertise du dispositif d’évaluation des salariés

lorsqu’il modifie les conditions de travail ou de santé (article L. 4614-12 du code du travail).

Le salarié, lui-même, doit être personnellement informé avant la mise en œuvre d’une

procédure d’évaluation notamment sur la question des méthodes et techniques utilisées par le

N+1 (article L. 1222-3 du code du travail). Plus largement, cette information doit concerner

l’identité de l’évaluateur, la finalité de l’entretien, le caractère facultatif ou obligatoire des

réponses …

On soulignera à nouveau l’importance de la fiche de poste au sein de l’entreprise. Elle constitue

un outil fondamental en matière d’évaluation professionnelle car elle intègre le profil du poste

et le référentiel de compétences nécessaires. La fiche de poste exprime également les liens

hiérarchiques et identifie le N+1.

B / LES METHODES D’EVALUATION

Si l’employeur tient de son pouvoir de direction le droit d’évaluer ses salariés, les méthodes

mises en œuvre sont libres mais doivent être cohérentes compte tenu de la finalité : apprécier

les compétences professionnelles (article L. 1222-3 du code du travail).

Les critères choisis doivent être objectifs, transparents et être en lien avec l’emploi exercé. Il

s’agit bien d’évaluer le travail et non le comportement de l’agent qui est une notion

éminemment plus subjective.

Les critères de « valeurs » comme le « focus client », « l’intégrité » ou la « responsabilité »

sont jugés trop flous et créent un risque de subjectivité pour le juge (TGI de Nanterre n°

08/05737 du 5 septembre 2008). De la même manière, le critère « d’agir avec courage » est

trop imprécis et ne peut être utilisé dans un processus d’évaluation (CA de Toulouse n° 11/553

du 21 septembre 2011).

Toutefois, les critères de « capacité à fédérer », ou encore d’« expertise » ont pu être

légalement intégrés dans un système d’évaluation car ils étaient suffisamment détaillés et en

lien avec le métier exercé par le salarié (CA de Versailles n° 12/00276 du 2 octobre 2012).

Page 25: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

25

Dans la pratique, les méthodes d’évaluation prennent le plus souvent la forme d’un entretien

annuel qui repose sur une rencontre entre le salarié et son supérieur hiérarchique direct. Il s’agit

d’apprécier les résultats, de fixer les objectifs pour l’année à venir et plus globalement

d’évaluer la maîtrise de l’emploi par des critères d’évaluation.

A cette occasion, les questions liées à la formation professionnelle, aux acquis de l’expérience

ou encore aux évolutions potentielles peuvent être évoquées. Des grilles d’appréciation peuvent

être constituées pour garantir une trace écrite de l’entretien et surtout pour objectiver, pour tous

les salariés, les critères de l’employeur (voir « Grille d’entretien professionnel » en annexe du

présent cours).

Page 26: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

26

Quelques critères d’évaluation pouvant être retenus par l’employeur

CRITERES SOUS- CRITERES THEMES

COMPETENCES

PROFESSIONNELLES

ET TECHNIQUES

COMPETENCES TECHNIQUES

LIEES AU POSTE Maitrise des outils de travail

Maitrise des nouvelles technologies

Respect des normes et des procédures QUALITE DU TRAVAIL EFFECTUE Connaissances règlementaires

Qualité d’expression écrite et orale

Ponctualité / assiduité SENS DE L’ORGANISATION

RESPECT DES DELAIS Appliquer les directives données

Respect des délais et des échéances

Capacité à instruire les dossiers

Rigueur/méthode/autonomie/disponibilité ESPRIT PARTICIPATIF, FORCE DE

PROPOSITION Capacité à rendre compte

Capacité à anticiper

QUALITES

RELATIONNELLES

AVEC LES COLLEGUES (TRAVAIL

EN EQUIPE) Sens de l’écoute et du dialogue

Sens du travail en équipe

Capacité à prévenir et à gérer les conflits

Capacité à se remettre en question et

prendre du recul AVEC LA HIERARCHIE Politesse discrétion courtoisie accueil

Sens du service public

Respect des relations hiérarchiques AVEC LES PARTENAIRES, LES

CLIENTS Politesse discrétion courtoisie accueil

Sens du service public

Capacité d’écoute

CAPACITE

D’ENCADREMENT OU

D’EXPERTISE

ORGANISATION DU TRAVAIL DE

L’EQUIPE Animation et pilotage d’équipe

Accompagnement et formation des

agents PREVENTION ET GESTION DES

CONFLITS Capacité à prévenir, à gérer et à arbitrer

les conflits QUALITE DU TRAVAIL COLLECTIF Organisation et planification des tâches

Respect des règles collectives

Capacité à fédérer

Capacité à déléguer et à contrôler le

travail

Respect des règles d’hygiène et de

sécurité FORCE DE PROPOSITION Fixation d’objectifs

Capacité à anticiper/capacité d’initiative

Capacité à rendre compte EXPERTISE SUR LE POSTE Entretenir et développer ses compétences

Capacité à conduire un projet

RESULTATS

PROFESSIONNELS ET

REALISATION DES

OBJECTIFS

CF. BILAN D’ACTIVITES

Page 27: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

27

Au-delà de l’entretien annuel et des critères traditionnels, les entreprises peuvent choisir de

développer des approches plus « atypiques » :

.Evaluation à « 360 degrés ».

Il s’agit d’une méthode d'évaluation qui repose sur une série de rencontre entre le salarié et son

supérieur hiérarchique mais également ses collaborateurs et ses subordonnés. Cette méthode est

utilisée par l’entreprise mais aussi par l’intéressé lui-même à des fins d'autoévaluation dans une

optique de développement personnel. L'évalué peut ensuite choisir de partager ou non les

résultats de l’évaluation à 360 degrés avec son équipe ou sa hiérarchie.

.« Assessment center ».

L’évaluation a lieu par une mise en situation réelle. La méthode est originale et se développe en

France dans les grandes entreprises mais aussi dans certaines PME.

Les compétences professionnelles du salarié sont appréhendées à travers des tests concrets, des

exercices, des jeux de rôle ou encore des cas pratiques à résoudre, seuls ou à plusieurs. Les

simulations les plus utilisées sont l’exercice dit « in basket » qui permettent à travers une mise

en situation de balayer l’ensemble des problématiques que le salarié rencontre sur son poste de

travail. Par exemple, vous rentrez de congés et devez prioriser et traiter tous les mails reçus en

votre absence.

L’idée est véritablement de privilégier le potentiel, c’est-à-dire ce que le salarié peut faire

plutôt que son niveau de diplôme.

.« Benchmark ». Le terme de « benchmarking » a d’abord été utilisé dans le domaine

informatique afin de comparer les performances de systèmes dans des conditions proches de la

réalité.

Dans le domaine des ressources humaines, la méthode consiste à comparer les salariés entre

eux pour mesurer leurs résultats et leur performance individuelle. L’objectif est de

continuellement « faire mieux que les autres » ce qui peut générer du stress et une dégradation

des conditions de travail.

C’est effectivement le cas lorsque la part variable de la rémunération est directement affectée

par la mise en concurrence des salariés ou que les résultats sont rendus publics.

« Il ressort que si la mise en place de l’outil de pilotage « benchmark » basé sur la performance

n’est pas en lui-même créateur d’une souffrance collective au travail, l’application telle qu’elle

a été faite au sein de la CERA entre fin 2007 et 2012 a causé une souffrance collective réelle

aux salariés de cette entreprise ; Que l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction,

a pris des mesures de gestion et d’organisation du travail qui ont compromis la santé et la

sécurité des salariés « (TGI de Lyon n° 11/05300 du 4 septembre 2012).

Page 28: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

28

Toutefois, comme le souligne le juge, le benchmark n’est pas une méthode qui en elle-même

est créatrice de souffrance au travail.

« Par contre, à compter de 2013, la CERA a amodié l'outil de pilotage « benchmark » et aucun

élément de quelque nature ne vient objectiver que la communauté des collaborateurs

commerciaux de la CERA ait continué à être en souffrance au travail et que leur santé et leur

sécurité aient été compromises « (CA de Lyon n° 12/06988 du 21 février 2014).

.« Ranking ».

La pratique « ranking » tend à évaluer puis à classer les collaborateurs dans des catégories. La

modulation des primes et l’évolution de carrières dépendent alors de la catégorie du salarié.

L’entreprise peut mettre en œuvre ce système d’évaluation dès lors que les éléments sont

objectifs, non discriminatoires, transparents et qu’ils n’ont pas un caractère disciplinaire (CA de

Grenoble n° 02/02794 du 13 novembre 2012).

Toutefois le « ranking forcé » ou par quota est illégal pour le juge. Il s’agit d’un système où le

nombre de salarié à classer dans chaque niveau est prédéterminé alors même que les objectifs

pourraient être pleinement atteints. L’employeur impose ainsi des quotas impératifs à

l’évaluateur fixant des pourcentages précis pour répartir les salariés dans les groupes de

performance.

« L’institution de quotas permettant de prédéterminer le nombre de salariés à classer dans

chaque niveau de performance serait illicite » (CA de Toulouse n° 11-00604 du 21 septembre

2011).

III / LE RESULTATS DE L’EVALUATION PROFESSIONNELLE

A / LE DROIT A L’INFORMATION DU SALARIE

Les résultats de l’évaluation professionnelle sont confidentiels et intéressent d’abord le salarié

et son responsable hiérarchique direct (article L. 1222-3 du code du travail).

En vertu de ce principe de confidentialité qui entoure l’évaluation, la communication des

résultats ne pourra être opérée qu’auprès des personnes concernées directement ou

indirectement par le dispositif, le directeur des ressources humaines et les décideurs de

l’entreprise notamment.

Les « tiers » c’est-à-dire ceux qui pas concernés, de près ou de loin, par l’évaluation

professionnelle doivent être exclus de cette information.

Le salarié peut accéder librement aux résultats de sa propre évaluation professionnelle bien

évidemment. A ce titre, il peut consulter l’ensemble des données d’évaluation, les rapports

écrits, les critères d’évaluation, les grilles d’entretien, la signification des codes utilisés … Il

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peut également obtenir communication des valeurs de classement et si elles ont impacté sa

situation salariales.

Le refus de communication est illicite et peut caractériser une volonté de discrimination de la

part de l’entreprise.

« Le directeur de la Caisse n'avait plus communiqué de fiche de notation à la salariée à partir de

1991, alors que l'intéressée lui avait fait part, sur celle de 1990, de son étonnement d'avoir été

écartée d'une promotion au profit de collègues moins anciens et qu'il n'avait pas répondu à sa

lettre du 27 juin 1991 lui rappelant qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un

avancement hors classe ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui ne

s'est pas prononcée par des motifs hypothétiques, a pu considérer que le refus de l'employeur

de donner connaissance à la salariée de son appréciation exprimait sa volonté de l'évincer

définitivement de tout avancement et que ces faits caractérisaient un comportement

discriminatoire à son égard » (Cass. Soc. n° 99-44.215 du 23 octobre 2001).

L’employeur qui n’évalue pas les représentants du personnel commet, à ce titre, une

discrimination syndicale.

« Monsieur X... avait souligné, dans ses conclusions d'appel, que, depuis son embauche, il

n'avait jamais bénéficié d'une procédure d'évaluation alors que l'examen annuel instauré par les

accords d'entreprise du 12 juillet 1996 est applicable à l'ensemble du personnel contractuel ;

qu'en se bornant à relever que l'instruction n° 2037 du 1er septembre 2004 excluait du bénéfice

de la procédure d'évaluation les agents de la Poste rattachés à une fonction technique du secteur

syndical, tel que Monsieur X... qui était représentant syndical permanent, sans rechercher,

comme elle y était invitée, si l'absence d'évaluation de Monsieur X... durant la période

antérieure au 1er septembre 2004, alors pourtant qu'il était, comme tous les agents de la Poste,

concerné par la procédure d'évaluation et alors, qu'elle avait constaté que les agents rattachés à

une fonction technique du secteur syndical avaient vocation à être promus comme les autres,

n'était pas de nature à démontrer l'existence d'une discrimination à son encontre, la Cour

d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L.122-45 et L.412-2,

1er alinéa du Code du travail, devenus les articles L.1132-1, L.1134-1 et L.2141-5 de ce code

« (Cass. Soc. n° 08-45.465 du 10 février 2010).

Dès lors que les données collectées lors de l’entretien professionnel figurent dans un fichier

automatisé de traitement de données, l’entreprise doit accomplir toutes les démarches

préalables à la CNIL (déclaration normale ou simplifiée selon le cas).

En l’absence déclaration, le salarié ne pourra pas être sanctionné s’il refuse de se soumettre au

dispositif de traitement automatisé d’informations de l’entreprise.

« À défaut de déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés d'un

traitement automatisé d'informations nominatives concernant un salarié, son refus de déférer à

une exigence de son employeur impliquant la mise en œuvre d'un tel traitement ne peut lui être

reproché » (Cass. Soc. n° 01-45.227 du 6 avril 2004).

Page 30: LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

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B / LES EVOLUTIONS DE CARRIERE ET SALARIALES

La motivation au sein de l’entreprise ne se décrète pas : elle se construit à partir d’un certain

nombre d’outils notamment l’évaluation. La « pression hiérarchique » peut amener le respect

des consignes, mais en aucun cas, l’investissement sur une vision élargie du poste de travail.

La motivation passe fondamentalement par la reconnaissance des compétences individuelles

des salariés, reconnaissance qui va contribuer à l’amélioration des prestations, en traduisant la

volonté de développement des personnes et des compétences.

Une fonction ressources humaines rénovée et moderne ne peut se contenter de réaliser des

évaluations par simple obligation. La finalité de l’évaluation est d’appréhender la valeur

professionnelle des collaborateurs et de prévoir des effets concrets sur leurs conditions

d’emploi.

Une différence de traitement entre les salariés au sein de l’entreprise peut ainsi reposer sur les

évaluations professionnelles, à la condition qu’elles soient objectives bien entendu.

« qu'à condition de ne pas mettre en œuvre un dispositif d'évaluation qui n'a pas été

préalablement porté à la connaissance des salariés, l'employeur tient de son pouvoir de

direction né du contrat de travail le droit d'évaluer ses salariés ; que les résultats d'une telle

évaluation peuvent constituer une justification objective des décisions de l'employeur dès lors

qu'elle est fondée sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination prohibée ; D'où il suit

que la cour d'appel qui a distingué les décisions de refus d'augmentation au mérite et celles

portant sur des augmentations qualifiée de " minimes " a relevé, d'une part, que les décisions de

refus des augmentations au mérite se fondaient sur les résultats des évaluations annuelles des

salariés qu'ils n'avaient pas contestées et étaient conformes aux règles d'administration du

personnel préalablement fixée par l'employeur qui apportait ainsi la preuve de leur justification

objective, et d'autre part que, s'agissant des augmentations " minimes ", les salariés ne

fournissaient aucun élément de comparaison permettant d'établir une différence de traitement,

laissant supposer une discrimination ; qu'elle a ainsi sans renverser la charge de la preuve,

légalement justifié sa décision » (Cass. Soc. n° 08-43.112 du 5 novembre 2009).

L’employeur dans ce cas devra veiller à une véritable cohérence entre les résultats de

l’évaluation professionnelle et la carrière du salarié. Ainsi, une appréciation positive ne pourra

pas impacté négativement la situation de l’agent.

« le procès-verbal d'entretien d'évaluation réalisé en 1993 contenait des appréciations positives

sur la qualité du travail fourni par le salarié, qu'aucune autre évaluation n'était intervenue

postérieurement et que les critiques de l'employeur relatives aux difficultés de travailler en

équipe et à la susceptibilité excessive du salarié à l'égard de sa hiérarchie n'ont été formulées

qu'a posteriori et peu de temps avant la saisine par le salarié de la juridiction prud'homale,

qu'enfin la société avait elle-même admis la nécessité d'un rattrapage de salaire en 1993 et

1995, ce dont il résultait que les éléments objectifs dont faisait état l'employeur pour justifier

une moindre progression salariale du salarié par comparaison avec ses collègues n'étaient pas

établis et que la différence de traitement constatée n'était ainsi fondée sur aucun motif valable ;

que le moyen ne peut être accueilli » (Cass. Soc. n° 06-40.085 du 20 février 2008).

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A l’extrême, une évaluation négative pourra entraîner le licenciement du salarié, le juge

recherchera la même adéquation entre les résultats et la décision.

« Enfin l'insuffisance professionnelle reprochée le 23 janvier 2006 est démentie par la dernière

évaluation professionnelle contradictoire du 14 novembre 2005 dont les conclusions sont les

suivantes : « un vrai travail et des compétences certaines entachées par certaines libertés ; rien

d'irrémédiable » ; qu'une telle appréciation portée par l'employeur sur les compétences de son

salarié deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement suffit à établir que

l'absence de participation à certaines réunions n'a eu aucune incidence sur le fonctionnement du

service ; (Cass. Soc. n° 09-68.693 du 22 mars 2011).

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CONCLUSION

On l’a vu précédemment, les facteurs d’évolution de la fonction ressources humaines

sont nombreux : mondialisation et internationalisation de l’économie, contraintes juridiques,

développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC),

schémas traditionnels de l’entreprise, exigences accrues des consommateurs, nouvelles attentes

des salariés …

Le responsable des ressources humaines doit désormais anticiper ces facteurs pour s’adapter

aux nouvelles contraintes de l’entreprise. Toutefois, l’innovation n’a de sens que si les outils

développés sont en conformité avec les règles de droit.

Les diplômés du Master II LEA « Commerce International » en tant que futurs cadres

intermédiaires seront inévitablement confrontés à ces mêmes enjeux Ils seront dans une double

posture délicate d’expert et de manager. De plus, ils se situeront souvent entre les équipes

opérationnelles et la direction c’est-à-dire « entre le marteau et l’enclume ». Leur

positionnement est à la croisée d’injonctions et d’interlocuteurs multiples où la maîtrise des

techniques de recrutement et d’évaluation sera indispensable dans l’exercice de leur emploi.

A ce titre, on rappellera que des outils de management existent aujourd’hui au sein du secteur

public et du secteur public. Plus difficile et plus délicate est, cependant, la capacité à les mettre

réellement en application dans l’intérêt de l’entreprise et de ses salariés tout en respectant les

lois et le dialogue social.