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SHESL “Société d’Histoire et d’Epistémologie des Sciences du Langage” Vers une histoire générale de la grammaire française ? Paris, 27-29 janvier 2011, Université “Denis Diderot” Paris 7 Luca Nobile EA 854 CAER “Centre Aixois d’Etudes Romanes" UMR 7597 HTL "Histoire des Théories Linguistiques" La Grammaire de Condillac face au paradoxe de l’origine naturelle du langage

Nobile - Condillac paradoxe origine

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Luca Nobile, La Grammaire de Condillac face au paradoxe de l'origine naturelle du langage, Paris, SHESL, 2011

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SHESL “Société d’Histoire et d’Epistémologie des Sciences du Langage”

Vers une histoire générale de la grammaire française ? Paris, 27-29 janvier 2011, Université “Denis Diderot” Paris 7

Luca NobileEA 854 CAER “Centre Aixois d’Etudes Romanes"UMR 7597 HTL "Histoire des Théories Linguistiques"

La Grammaire de Condillac face au paradoxe

de l’origine naturelle du langage

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0. Les neurosciences et Condillac

La découverte des neurones miroirs. Une liaison instinctive entre mes gestes et les gestes d’autrui. Un dispositif imitatif pour s’identifier à l’autre. Les neurones miroirs se trouvent dans l’aire de Broca.

Une théorie imitativo-gestuelle de l’origine. Le langage évoluerait à partir d’une imitation manuelle... ...qui deviendrait ensuite buccale et enfin articulatoire Un cratylisme influent chez les neurophysiologues

La référence est Condillac. Origine du langage et origines de la linguistique à l’âge des Lumières.

Biblio. Rizzolatti et Arbib 1998. Rizzolatti et Sinigaglia 2006. Rizzolatti et Craighero 2007. Fadiga et al. 2002. Gallese et Lakoff 2005. Gentilucci et Corballis 2006.

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1. Condillac change d’avis

De l’Essai (1746) à la Grammaire (1775). Le signe cesse d’être « arbitraire » et devient « artificiel ».

L’« analogie » devient le principe fondamental des langues.

Q - Pourquoi cette discontinuité ? La plupart des auteurs la minimise.

AUROUX 1982 : La question qu'on se pose est donc de savoir pourquoi [la négation de l'arbitraire] intéresse tant Condillac au point d'en faire le mot d'ordre de sa doctrine contre celle de ses prédécesseurs.

R - Le débat impose d’abandonner l’arbitraire. L’arbitraire est un argument en faveur de l’origine divine.

L’analogie assure la laïcisation des sciences du langage.

Biblio. Condillac 1746 et 1775. Henschel 1977. Trabant 1986. Auroux 1979, 1982, 1992, 2007. Ricken 1986a, 1986b. Bertrand 2002. Charrak 2003.

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2. Rousseau ‘auto-critique’ Condillac

Le paradoxe de la convention originaire CONDILLAC 1746 : Il semble qu'on ne sçauroit se servir des signes d'institution, si l'on n'étoit pas déjà capable d'assez de réflexion pour les choisir et pour y attacher des idées : comment donc, m'objectera-t-on peut-être, l'exercice de la réflexion ne s'acquerroit-il que par l'usage de ces signes ?

ROUSSEAU 1755 : On s'avisa enfin de lui substituer [au geste] les articulations de la voix, qui, sans avoir le même rapport avec certaines idées, sont plus propres à les représenter toutes comme signes institués ; substitution qui ne put se faire que d'un commun consentement et d'une manière assez difficile (...) à concevoir en elle même, puisque cet accord unanime dut être motivé, et que la parole paroît avoir été fort nécessaire pour établir l'usage de la parole.

Biblio. Condillac 1746. Rousseau 1755. Herder 1772. Auroux 1982. Nobile 2007 et 2010.

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3. Beauzée ‘auto-critique’ Rousseau

Retour à l’origine divine du langage ROUSSEAU 1755 : Quant à moi, effrayé des difficultés qui se multiplient, & convaincu de l'impossibilité presque démontrée que les langues aient pu naître & s'établir par des moyens purement humains; je laisse à qui voudra l'entreprendre, la discussion de ce difficile problème.

BEAUZEE 1765 : Les lumières véritables de la raison ne peuvent jamais être opposées à celles de la révélation, et l'une par conséquent ne doit pas se prononcer autrement que l'autre sur l'origine des langues.

BEAUZEE 1765 : L'hypothèse de l'homme sauvage, démentie par l'histoire authentique de la Genèse, ne peut d'ailleurs fournir aucun moyen plausible de former une première langue [...] : c'est donc Dieu lui-même qui non content de donner aux deux premiers individus du genre humain la précieuse faculté de parler, la mit encore aussi-tôt en plein exercice, en leur inspirant immédiatement l'envie et l'art d'imaginer les mots et les tours nécessaires aux besoins de la société naissante.

Biblio. Rousseau 1755. Beauzée 1765. Auroux 1973 et 1982. Nobile 2007 et 2010.

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4. Condillac répond à Rousseau

Réponse explicite (1769) et réponse implicite (1775).

1 : L’analogie dissout le paradoxe (1769)

CONDILLAC 1782 (1769) : (a) M. Rousseau [...] sent qu’il faut beaucoup de métaphysique [...] pour savoir le françois [...]; il sembleroit suposer qu’il en falloit autant, pour le savoir comme on le savoit il y a plusieurs siecles [...] [Mais] tout cela ne demandoit que cette portion de métaphysique qui est en nous, même avant que nous sachions parler.

CONDILLAC 1782 (1769) : Ils n'ont pas dit, faisons une langue: ils ont seulement senti, suivant les circonstances, le besoin d'avoir des mots ; ils en ont prononcé, & les langues se sont faites peu-à-peu. Il ne leur étoit pas même aussi dificile, qu'on pourroit le croire, d'imaginer les premiers mots ; parce que la nature leur donnoit des secours. Elle leur faisoit entendre, dans les cris de quelques animaux, des modeles de sons articulés. Or ces sons, répétés par eux, seront devenus les noms de ces animaux, & les premiers noms auront été des sons imitatifs (a).

Biblio. Condillac 1782. Rousseau 1755.

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5. Condillac se sert de Brosses

2 : L’analogie se systématise entre 1769 et 1775

Biblio. Condillac 1775 et 1782. De Brosses 1765. Nobile 2007.

CONDILLAC 1782 (1769) Les mots sont des

signes arbitraires

CONDILLAC 1775 Les mots n'ont pas été choisis

arbitrairement

Observations générales sur les commencemens des langues

Pour se convaincre combien les mots sont peu arbitraires, il faut lire le traité de la formation méchanique des languesConsidérations générales sur la formation des languesPour faire... une langue primitive... il n’étoit point nécessaire de connoître les propriétés des chosesLorsque je dis qu'ils représentoient les choses avec des sons articulés, j'entends qu'ils les représentoient d'après des apparences, des opinions, des préjugés, des erreurs....

La systématisation est due à la lecture du Traité (1765)

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&. L’origine et nous

Les Lumières, de l’arbitraire à l’analogie. C’est l’analogie qui assure la laïcisation des sciences du langage. Le langage est le fondement de la culture, donc il n’en dépend pas. L’analogie ouvre l’espace logique de la préhistoire (→ Bopp) Elle impose la phonétique articulatoire en étymologie (→ Grimm)

L’origine et nous Les neurosciences nous ramènent aux origines de la linguistique. Des fondements épistémologiques vont être remis en cause? L’histoire des idées va repérer les ressources pour aborder ce changement.

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