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« L’action publique de demain » 16h15 2 ème table ronde « Quelles transformations de l’action publique ? Gouvernance, méthodes, redevabilité » - Réagir au rapport par 10 items courts. 1°) Une vraie gouvernance de « l’action publique » commande de « réunifier » (ce qui ne veut pas dire centraliser car elle peut être déconcentrée, décentralisée) les actions de toutes les administrations publiques : Etat, Odac, Protection sociale, collectivités territoriales. Ces actions visent le même bénéficiaire, le même objectif d’intérêt général, dans un enchevêtrement incommensurable, au point que ces acteurs coopèrent mal, voire deviennent rivaux. Nous avons besoin d’une réaffirmation que la République indivisible met en oeuvre une action publique offrant aux citoyens les garanties de son unité et de son indivisibilité. Une meilleure utilisation de la comptabilité nationale devrait permettre de mieux rendre compte aux citoyens de l’utilisation du fruit de leur travail et de suivre l’emploi de leur contribution publique, au sens de l’article 14 de la DDHC, j’y reviendrai à propos de la loi de règlement. 2°) Une gouvernance unifiée, avisée, prévisible, cohérente et efficiente suppose de rétablir la confiance mutuelle au sein de ses administrations publiques. A défaut, elles consomment leur énergie dans la méfiance pour ne pas dire la défiance mutuelle, elles se protègent, se jalousent, se neutralisent, jouent à perdant-perdant. Cette situation les fait camper sur des positions frileuses et statiques au dépend du mouvement pourtant si nécessaire. La confiance ne se décrète pas mais elle se construit sur les valeurs fondatrices avec celles d’impartialité, de probité et de dignité. L’appel à l’éthique peut se révéler aussi fécond que la prolifération d’un droit destructeur de confiance. 3°) La confiance ne peut plus se construire sur notre droit. La crise du droit est au coeur de la crise de l’action publique. Notre droit est devenu un corps de règles kafkaïennes chaque jour plus nombreuses, absconses, inconstantes dont la mystique transforment les praticiens en obsessionnels compulsifs de la réglementation. Réglementation qui anesthésie les angoisses des gestionnaires mais paralyse concomitamment toute créativité, toute initiative. Les mots comme « moratoire », ou « simplification » ont été usés. Il est probable qu’il faut en passer par une sorte de révision générale du droit réglementaire au regard de la hiérarchie des normes afin de transformer une partie de règles paralysantes en guides de bonne pratiques. 4°) Redonner à la LOLF son rôle de pilotage stratégique ! Oui ! Elle est loin d’avoir pu produire les effets attendus. La vérité oblige à dire que l’intention du

« L’action publique de demain » gouvernance, méthodes, redevabilité »

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« L’action publique de demain »

16h15 2ème table ronde

« Quelles transformations de l’action publique ?

Gouvernance, méthodes, redevabilité »

- Réagir au rapport par 10 items courts. 1°) Une vraie gouvernance de « l’action publique » commande de « réunifier » (ce qui ne veut pas dire centraliser car elle peut être déconcentrée, décentralisée) les actions de toutes les administrations publiques : Etat, Odac, Protection sociale, collectivités territoriales. Ces actions visent le même bénéficiaire, le même objectif d’intérêt général, dans un enchevêtrement incommensurable, au point que ces acteurs coopèrent mal, voire deviennent rivaux. Nous avons besoin d’une réaffirmation que la République indivisible met en œuvre une action publique offrant aux citoyens les garanties de son unité et de son indivisibilité. Une meilleure utilisation de la comptabilité nationale devrait permettre de mieux rendre compte aux citoyens de l’utilisation du fruit de leur travail et de suivre l’emploi de leur contribution publique, au sens de l’article 14 de la DDHC, j’y reviendrai à propos de la loi de règlement. 2°) Une gouvernance unifiée, avisée, prévisible, cohérente et efficiente suppose de rétablir la confiance mutuelle au sein de ses administrations publiques. A défaut, elles consomment leur énergie dans la méfiance pour ne pas dire la défiance mutuelle, elles se protègent, se jalousent, se neutralisent, jouent à perdant-perdant. Cette situation les fait camper sur des positions frileuses et statiques au dépend du mouvement pourtant si nécessaire. La confiance ne se décrète pas mais elle se construit sur les valeurs fondatrices avec celles d’impartialité, de probité et de dignité. L’appel à l’éthique peut se révéler aussi fécond que la prolifération d’un droit destructeur de confiance. 3°) La confiance ne peut plus se construire sur notre droit . La crise du droit est au cœur de la crise de l’action publique. Notre droit est devenu un corps de règles kafkaïennes chaque jour plus nombreuses, absconses, inconstantes dont la mystique transforment les praticiens en obsessionnels compulsifs de la réglementation. Réglementation qui anesthésie les angoisses des gestionnaires mais paralyse concomitamment toute créativité, toute initiative. Les mots comme « moratoire », ou « simplification » ont été usés. Il est probable qu’il faut en passer par une sorte de révision générale du droit réglementaire au regard de la hiérarchie des normes afin de transformer une partie de règles paralysantes en guides de bonne pratiques. 4°) Redonner à la LOLF son rôle de pilotage stratégique ! Oui ! Elle est loin d’avoir pu produire les effets attendus. La vérité oblige à dire que l’intention du

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législateur organique a été corsetée par un appareillage réglementaire paralysant et souvent contre-productif. Le foisonnement des objectifs et des indicateurs les a rendus souvent dérisoires. Elle reste un bon outil, et doit en effet ENFIN donner à la reddition des comptes, c'est-à-dire à la loi de règlement, la même solennité et la même portée que la présentation des comptes dans une entreprise cotée ou un groupe coté. 5°) La loi de règlement ne peut et ne doit plus se limiter aux comptes de l’Etat. Elle doit viser un objectif plus élevé, celui des comptes APU, des comptes des administrations publiques. L’article liminaire introduit par la loi organique de décembre 2012 lui en donne l’opportunité. Comme il est écrit en comptabilité nationale il permet de consolider l’examen de comptes toutes APU en comptabilité nationale qui est celle de nos engagements européens. L’action publique pourrait être ainsi examinée dans son ensemble, ce qui n’est jamais fait. Car les comptes sont présentés par administrations publiques. La comptabilité nationale permet la vision transversale par politiques publiques, ce qui redonnerait au débat parlementaire sur la loi de règlement un force de frappe considérable. 6°) La question de la « responsabilité » inhibe les gestionnaires en droit budgétaire français. Le principe de « redevabilité » cité dans le rapport est intéressant. Il me semble rejoindre celui d’imputabilité en vigueur au Canada et qui a produit d’excellents effets, permettant de créer une vraie traçabilité au sein de la chaine de décision et inciter les gestionnaires, lorsque c’est nécessaire, à dépasser les questions de régularité formelle pour prendre des décisions de gestion plus appropriées et fondées sur des motifs traçables. 7°) Les systèmes d’information pour aller au-delà du vocable « numérique » sont une opportunité historique pour réussir la modernisation de l’action publique. Encore faut-il que dans leur conception, ils ne dupliquent pas le modèle de centralisation extrême dont la France a le secret, en cherchant à réunir dans « un grand tout » une myriade d’applications avec pour conséquence un fonctionnement rigide, couteux, parfois inutilisable et des conséquences financières désastreuses. Un modèle fédéral pour ces systèmes d’information serait préférable avec un système de consolidation central très stratégique et une galaxie de systèmes dédiés mis en orbite autour de lui, garantissant l’interopérabilité, tout en offrant de la subsidiarité. Les systèmes d’information doivent abattre les murs de Berlin érigés entre les différentes administrations publiques, quant à l’action publique qu’elles mènent et les coûts qui y sont associés. 8°) La rigidité en gestion des ressources humaines de l’action publique est une autre illustration d’un droit devenu inadapté, de systèmes d’information dépassés, d’un déficit managérial sidérant, et d’une pulvérisation de situations particulières qui défient l’entendement. Toutes les passerelles utiles entre administrations doivent être

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ouvertes. Des principes de mobilité doivent être posés et une instance dédiée pourrait délivrer des dérogations lorsqu’une règle oubliée viendrait à empêcher une décision de gestion raisonnable. 9°) Oui, il est possible de lever les obstacles pour permettre une meilleure action publique demain. C’est affaire de volonté politique. Même une affaire de consensus politique. Au moment où notre démocratie est à l’épreuve, les deux chambres du Parlement appartenant à des sensibilités différentes pourraient, comme cela avait été fait pour la LOLF, mettre entre parenthèses leur division et marquer une volonté commune de nous doter des instruments et des pratiques permettant de redevenir une action publique de référence dans le monde. Certes, beaucoup relève du pouvoir réglementaire, mais la volonté politique doit émaner de la représentation nationale afin d’éviter qu’un camp politique soit supposé avoir plus de mérite que l’autre. 10) La fin du « top-down » comme mode exclusif d’organisation de l’action publique au bénéfice du « bottom-up » serait le secret de la réussite.

Alain Lambert

Ancien Ministre

Président du Conseil Général de l’Orne

http://www.alain-lambert.org/