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4 ANCIM N° 42 | Juin 2014
Synthèse de la 22ème journée Nationale des Cadres de Santé
La journée s’est déroulée le vendredi 18 octobre 2013 au Centre Hospitalier Robert Ballanger au
sein des locaux de l’Institut de formation en Soins in�rmiers d’Aulnay-sous-Bois. M. Jean PINSON,
Directeur de l’Etablissement et Mme Dominique COMBARNOUS, Présidente de l’ANCIM ont ouvert la
journée devant une assemblée de cadres de santé.
Thème du Congrès : Ethique et Management : peut-on les concilier ?
LA NOTION D’ETHIQUE EN MANAGEMENT
Cédric ARCOS, Directeur d’hôpital, directeur de cabinet
du Président de la Fédération Hospitalière de France, a
été le premier de nos éminents orateurs.
Pour lui, l’éthique, à l’origine du soin, est venue toucher
les autres milieux du monde hospitalier, entre autres, la
relation entre les Hommes. Dans un monde où les déci-
sions sont de plus en plus dif�ciles compte tenu de la
nécessaire répartition des ressources, l’éthique apparaît
indispensable face aux arbitrages que l’encadrement
doit prendre.
Le management hospitalier ne peut être déconnecté
des valeurs de service hospitalier : L’Egalité (absence
de discrimination), la Laïcité (la neutralité), la Continuité
(24h/24), l’Adaptabilité (la mutabilité, la recherche…).
L’éthique ne doit pas être un alibi. L’éthique intervient
dans le management dès lors que la conciliation des
valeurs fondamentales devient problématique (donnons
en exemple l’accès aux thérapeutiques innovantes).
L’éthique est là pour tenter de concilier les valeurs énon-
cées pour aboutir à une décision juste.
S’agissant de la tari�cation à l’activité (T2A), la ques-
tion serait de savoir si elle crée des inégalités. En 2005,
l’idée ayant présidé à la mise en place de la T2A était
de « bien allouer les ressources ». Toutefois la T2A induit
deux problèmes. Elle favorise les actes techniques au
détriment des missions sociales et elle limite le dévelop-
pement des coopérations par un mécanisme de risque
de transfert de l’activité (risque de perte �nancière). Si
l’on ne peut concéder que l’exigence de la performance
est présente pour les établissements de soins, l’éthique
est là, justement pour concilier deux principes : ici celui
de l’application de la T2A et le respect des valeurs. Pour
autant l’éthique ne se distancie pas de la notion d’acti-
vité : assurer un retour rigoureux sur le codage, et donc
sur l’optimisation de l’activité est fondamental. Négliger
le codage priverait l’hôpital de ses ressources et aurait
une répercussion sur le principe de responsabilité (mes
actions individuelles ne vont-elles pas compromettre la
pérennité (ou l’équilibre) du groupe ? On ne peut le nier,
le risque existe, lorsque le principe de gestion prime (sé-
lection possible des patients rentables...). Sans éthique,
manager serait donc risquer. On pourrait ainsi, exceller à
partir d’indicateurs performants de tout genre.
C’est donc bien notre mission qui va nous ramener sans
cesse aux sources de notre engagement personnel.
Edito | | ème
5ANCIM N° 42 | Juin 2014
ETHIQUE DU CADRE, POUR QUEL MANAGEMENT ?
L’après-midi de cette journée nourrie d’échanges
entre professionnels réunis autour de la thématique de
l’éthique, nous a permis d’accueillir autour d’une table
ronde animée par Fabienne DOIRET, cadre de santé su-
périeur, membre de l’Espace Ethique Rhône-Alpes, des
cadres de santé de toute la France.
Fabienne DOIRET ouvre la session et positionne l’éthique
comme un élément charnière du changement à l’hôpital.
Olivia RUFAT, cadre de santé formateur à Bordeaux,
évoque l’importance de la lisibilité de nos situations
d’acteurs : garder le patient au centre de nos préoccu-
pations, arbitrer les con�its de logique, sans les évacuer,
les garder en tension au sein d’une pensée dialogique :
pensée « AVEC » plutôt que « CONTRE ». Il s’agirait
de créer des « écosystèmes durables » sur un modèle
basé avec des valeurs humanistes. L’idée nommée
« AMBITIEUSE » serait de construire un cadre éthique
MANAGEMENT HOSPITALIER ET ETHIQUE PROFESSIONNELLE
Maître Jean Charles SCOTTI, avocat au barreau de
Marseille, consultant et formateur en droit de la santé,
est ensuite intervenu durant cette matinée.
Succédant à l’intervention de Cédric ARCOS, il reprend
ses propos : il est nécessaire d’être dans un « rapport
sous forme d’une tension intelligente ». Celle-ci permet-
tra d’aboutir à une optimisation des moyens.
Concernant la fonction de cadre de santé, il nous invite
à la ré�exion suivante « Je ne dis pas que la fonction
n’a pas changé, mais pour autant en termes d’obligation
vis-à-vis des patients, rien n’a changé. Donc tant que le
patient n’est pas lésé, cela ne pose aucun problème,
chacun peut envisager son activité autrement (c’est-à-
dire comme manager et non pas comme surveillant).
Toutefois, lorsqu’il y a un problème avec un patient, l’au-
torité judiciaire est un contre-pouvoir qui a besoin d’un
plaignant (loi 4 mars 2002), et tout le reste n’est que
commentaire. Vous devez rester ancré avec la réalité, et
la réalité c’est la règlementation en vigueur ».
Apparaissent dès lors les con�its d’intérêts vécus pas le
cadre de santé. Ce dernier est à la fois partie prenante
dans la maîtrise des coûts (rationalisation, optimisation
des moyens) tout en garantissant la qualité des soins.
La maîtrise des coûts relève de la fonction administra-
tive et n’est pas inscrite dans le décret de compétences.
La qualité des soins fait référence au décret in$rmier de
juillet 2004. De cette ambivalence naît le con�it d’intérêts
qu’il faudra hiérarchiser.
Comment ? Surgissent ici tous les enjeux de la com-
préhension des notions de santé publique évoquées
en première partie par Cédric ARCOS : comprendre,
sans oublier la dimension soignante et les obligations
juridiques qui y sont associées. La question éthique est
de trancher par rapport à un $l d’Ariane qui sera votre
référentiel. Pour un soignant, lequel sera-t-il sinon LE
PATIENT ? Qu’impose la loi du 4 mars 2002 pour un soi-
gnant ? Protéger le patient ! La démarche éthique, qui
vous est proposée est intéressante mais elle est haute-
ment risquée.
Ce qui va dé$nir le cadre de santé, ce n’est pas son
niveau d’expertise, ce n’est pas la reconnaissance de
ses pairs, mais son environnement. Le cadre de santé
va être in�uencé par une culture d’entreprise. Sa volonté
d’émancipation le pousse à permettre de donner les
meilleurs soins possibles, à rationaliser les ressources,
à répondre ef$cacement dans un environnement sous
contraintes économiques et $nancières.
Contre toute attente, cette volonté managériale du cadre
est mal dé$nie, entre maîtrise des coûts et qualité des
soins. Plus une profession est mal dé$nie, plus elle est
malléable. Ce défaut de dé$nition induit la volonté d’une
dé$nition qui n’a de cesse de se dé$nir… La qualité du
manager sera d’être adaptable, mais attention, l’autorité
légitime ne rend pas l’ordre légitime. Les patients sont
des acteurs sanitaires. Ils seront en droit de demander
des comptes devant l’administration judiciaire.
| | Préprogramme | |
6 ANCIM N° 42 | Juin 2014
autour de valeurs partagées. Construire un savoir dans
l’action, une ré�exion dans la pratique… la notion de
posture ré�exive est alors apparue, tout comme celle de
l’appropriation des savoirs professionnels. Olivia RUFAT
insiste, le pari de la con�ance est dans « l’ETRE », non
pas dans le « FAIRE ».
Marc COULON, cadre supérieur de santé, Etablissement
public de santé mentale de l’Aude, met en perspectives
l’éthique de la conviction, l’éthique de la responsabilité,
l’éthique de la discussion d’Habernas. Il insiste, il y a un
danger à ce que les soins ne soient abordés que comme
une succession d’actes. Le langage est le cadre néces-
saire à toute pensée. La complexité se manifeste sous
les traits de l’incertain.
Philippe SVANDRA, maître conférences associé université
Paris-Est-Marne-la-Vallée, formateur consultant pôle
formation centre Hospitalier Saint Anne, revient sur
l’origine du mot éthique. « Ethos », correspond à « la
manière dont on habite le monde », et pour le sujet
d’aujourd’hui « la manière dont on habite l’hôpital ». Dans
le monde actuel, on assiste de plus en plus à une volonté
de rationaliser. La représentation de la complexité du
réel se traduit alors en langage statistique, en scores….
Au départ, ce n’est pas notre culture ! Nos patients,
les équipes ne se plient pas toujours à cette exigence
de rationalité. Malgré toutes les procédures, et c’est
précisément cela qui est étonnant, l’institution continue
à fonctionner. Les propos de Philippe SVANDRA, nous
laisse entrevoir une composante du cadre de santé :
LE CADRE DE SANTE LUBRIFIANT ! Mais ne tarde pas
à y succéder une nouvelle composante : LE CADRE
DE SANTE CLANDESTIN… Philipe Svandra explique,
« entre nous, sous une certaine forme, on ne travaillerait
pas on trouvaillerait ! » En ce sens, le con�it du cadre
de santé serait le con�it de �n et de moyens. Ce travail
nécessaire d’articulation semble « invisible », voire même
« obscur » : obscur au sens de terne, sombre mais aussi
au sens de dif�cile ou d’impossible à comprendre.
Il aborde alors une composante additionnelle du cadre
de santé : LE CADRE DE SANTE SOIGNANT, celui qui
prend soins de son institution a�n que celle-ci prenne
soins des patients ! Il précise qu’il faut mettre en valeur le
travail du « CARE » qu’assument au quotidien les cadres
de santé envers les institutions. Les éthiques du care se
sont rapprochées de l’écologie et de la politique.
En conclusion de cette table ronde, nous pourrions
peut-être retenir une phrase d’Olivia RUFAT, « S’ouvrir
au mystère de l’autre, c’est ECOUTER » et garder en
mémoire les propos de Philippe SVANDRA : « L’éthique
c’est le souhait. Le management n’est pas une visée
mais un moyen. On devrait ré�échir à la déontologie du
management : je n’utiliserai pas n’importe quel moyen
pour une �n bonne ».
Céline BERION
Cadre de Santé
Edito | | ème