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La torsion de lobe pulmo- naire associée à un chy- lothorax est une affection rare, le plus souvent diagnostiquée chez des lévriers afghans. Le mécanisme exact, responsable de la concomitance de ces deux affections, n’est pas élucidé à l’heure actuelle. Le traitement nécessite de faire appel à la lobectomie et éventuellement, à la résolution du chylothorax lorsque la torsion est une lésion secondaire. Le pronostic est réservé. u Résumé Le Point Vétérinaire / N° 225 / Mai 2002 / 64 Un chylothorax peut être provoqué par une torsion de lobe pulmonaire, mais l’inverse est également possible. Un diagnostic précis est nécessaire pour adapter le traitement à la cause initiale. ne chienne de race barzoï, âgée de cinq ans et pesant 38 kg, est référée pour une suspicion de chylothorax. Cas clinique 1. Anamnèse La chienne présente depuis deux mois des troubles respiratoires d’apparition rapide (tachypnée et discordance), traités dans un premier temps par une antibiothérapie (enrofloxacine à raison de 5 mg/kg/jour par voie orale). Quelques semaines avant l’appari- tion des troubles respiratoires, la chienne a été “coincée” dans l’entrebaillement d’une porte. Devant l’absence d’amélioration clinique, un examen radiographique du thorax a été réalisé : un épanchement pleural a été mis en évidence. La thoracocentèse a permis de prélever un liquide de couleur “lait fraise”. Malgré plusieurs thoracocentèses, celles-ci n’ont apporté qu’une amélioration passagère. 2. Examen clinique Selon le propriétaire, la chienne présente un appétit normal. Aucun trouble digestif n’est rapporté. Lors de son admission, l’animal manifeste une discordance et une tachypnée. L’hydratation et la couleur des muqueuses sont normales. L’auscultation thoracique met en évidence un assourdissement des bruits cardiaques, qui conduit à suspecter un épanche- ment thoracique ou péricardique. 3. Examens complémentaires • Des clichés radiographiques de face et de profil du thorax montrent la présence d’une densité liquidienne qui masque la silhouette cardiaque. La présence de scissures interlobai- res est en faveur d’un épanchement pleural. Le médiastin n’est pas visible et seule une partie des lobes diaphragmatiques est observable, ce qui fait suspecter un épanchement pleural (PHOTO 1). • L’échographie thoracique par abord paraster- nal droit met en évidence une masse hyperécho- gène mesurant 8 cm de long sur 4 cm d’épais- seur dans la région du lobe pulmonaire moyen droit. Le cœur et les feuillets médiastinaux sont entourés de zones anéchogènes. Ces images sont compatibles avec une masse pulmonaire et avec un épanchement pleural. L’image de masse pulmonaire est compatible avec une tumeur ou une consolidation d’un lobe (torsion, bronchopneumonie). Aucune image cardiaque anormale n’est visualisée. • Les analyses sanguines (biochimie, numéra- tion et formule sanguines et ionogramme) ne révèlent aucune modification des paramètres explorés (voir le TABLEAU “Résultats des examens sanguins”). • Une thoracocentèse permet de récupérer à nouveau un liquide de couleur “lait fraise” dont les résultats d’analyses cytologique et chimique sont spécifiques d’un chylothorax (voir le TABLEAU “Caractères physiques, biochimiques et cellulaire de l’épanchement pleural”) : le taux de triglycéride est plus élevé que la triglycéri- démie sanguine, la cholestérolémie est supérieure au taux de cholestérol et les lympho- cytes sont les cellules prédominantes. Ces résultats sont en faveur d’un chylothorax. En raison de la masse thoracique visible à l’échographie, une thoracotomie est envisagée, car il s’agit du traitement de choix en cas de torsion de lobe pulmonaire. Celle-ci est suspec- tée en raison de la prédisposition raciale et de la présence du chylothorax. Les premières phases du traitement consistent à soulager l’animal d’un point de vue respiratoire : un drain thoracique est posé. 4. Thérapeutique Dans un premier temps, en raison de la détresse respiratoire, une sonde nasale est posée pour une oxygénothérapie. Cette technique permet d’apporter une quantité d’oxygène satisfaisante et la pose nécessite peu de contraintes, alors que l’animal est en détresse respiratoire. Le débit d’oxygène est de 5 l/min pendant 24 heures en attendant de poser le drain thoracique. ! Drainage thoracique La fonction respiratoire s’étant améliorée le lendemain, un drain thoracique est mis en place afin d’éliminer l’épanchement thoracique et d’effectuer un nouvel examen radiogra- phique du thorax pour rechercher l’origine du chylothorax. U Prat i quer / CAS CLINIQUE / Torsion de lobe pulmonaire chez une chienne PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DES CARNIVORES DOMESTIQUES par Fabrice Hébert Clinique vétérinaire de Venteaux 69, rue Victorien Sardou 87000 Limoges

Torsion de lobe pulmonaire chez une chienne

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Torsion de lobe pulmonaire chez une chienne

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Page 1: Torsion de lobe pulmonaire chez une chienne

La torsion de lobe pulmo-naire associée à un chy-

lothorax est une affection rare,le plus souvent diagnostiquéechez des lévriers afghans. Lemécanisme exact, responsablede la concomitance de ces deuxaffections, n’est pas élucidé àl’heure actuelle. Le traitementnécessite de faire appel à lalobectomie et éventuellement,à la résolution du chylothoraxlorsque la torsion est une lésionsecondaire. Le pronostic estréservé.

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Résumé

Le Point Vétérinaire / N° 225 / Mai 2002 / 64

Un chylothorax peut être provoqué par une torsion de lobe pulmonaire,mais l’inverse est également possible. Un diagnostic précis est nécessairepour adapter le traitement à la cause initiale.

ne chienne de race barzoï, âgée de cinq ans et pesant 38 kg, est référée pour une suspicion dechylothorax.

Cas clinique

1. AnamnèseLa chienne présente depuis deux mois destroubles respiratoires d’apparition rapide(tachypnée et discordance), traités dans unpremier temps par une antibiothérapie(enrofloxacine à raison de 5 mg/kg/jour parvoie orale). Quelques semaines avant l’appari-tion des troubles respiratoires, la chienne a été“coincée” dans l’entrebaillement d’une porte.Devant l’absence d’amélioration clinique, unexamen radiographique du thorax a été réalisé :un épanchement pleural a été mis en évidence.La thoracocentèse a permis de prélever unliquide de couleur “lait fraise”. Malgré plusieursthoracocentèses, celles-ci n’ont apporté qu’uneamélioration passagère.

2. Examen cliniqueSelon le propriétaire, la chienne présente unappétit normal. Aucun trouble digestif n’estrapporté. Lors de son admission, l’animalmanifeste une discordance et une tachypnée.L’hydratation et la couleur des muqueuses sontnormales. L’auscultation thoracique met enévidence un assourdissement des bruitscardiaques, qui conduit à suspecter un épanche-ment thoracique ou péricardique.

3. Examens complémentaires• Des clichés radiographiques de face et deprofil du thorax montrent la présence d’unedensité liquidienne qui masque la silhouettecardiaque. La présence de scissures interlobai-res est en faveur d’un épanchement pleural. Lemédiastin n’est pas visible et seule une partiedes lobes diaphragmatiques est observable, cequi fait suspecter un épanchement pleural(PHOTO 1). • L’échographie thoracique par abord paraster-nal droit met en évidence une masse hyperécho-gène mesurant 8 cm de long sur 4 cm d’épais-seur dans la région du lobe pulmonaire moyendroit. Le cœur et les feuillets médiastinaux sontentourés de zones anéchogènes.

Ces images sont compatibles avec une massepulmonaire et avec un épanchement pleural.L’image de masse pulmonaire est compatibleavec une tumeur ou une consolidation d’un lobe(torsion, bronchopneumonie). Aucune imagecardiaque anormale n’est visualisée.

• Les analyses sanguines (biochimie, numéra-tion et formule sanguines et ionogramme) nerévèlent aucune modification des paramètresexplorés (voir le TABLEAU “Résultats des examenssanguins”).

• Une thoracocentèse permet de récupérer ànouveau un liquide de couleur “lait fraise” dontles résultats d’analyses cytologique et chimiquesont spécifiques d’un chylothorax (voir leTABLEAU “Caractères physiques, biochimiqueset cellulaire de l’épanchement pleural”) : le tauxde triglycéride est plus élevé que la triglycéri-démie sanguine, la cholestérolémie estsupérieure au taux de cholestérol et les lympho-cytes sont les cellules prédominantes.

Ces résultats sont en faveur d’un chylothorax.En raison de la masse thoracique visible àl’échographie, une thoracotomie est envisagée,car il s’agit du traitement de choix en cas detorsion de lobe pulmonaire. Celle-ci est suspec-tée en raison de la prédisposition raciale et dela présence du chylothorax. Les premièresphases du traitement consistent à soulagerl’animal d’un point de vue respiratoire : un drainthoracique est posé.

4. ThérapeutiqueDans un premier temps, en raison de la détresserespiratoire, une sonde nasale est posée pourune oxygénothérapie. Cette technique permetd’apporter une quantité d’oxygène satisfaisanteet la pose nécessite peu de contraintes, alorsque l’animal est en détresse respiratoire. Ledébit d’oxygène est de 5 l/min pendant 24 heuresen attendant de poser le drain thoracique.

! Drainage thoracique

La fonction respiratoire s’étant améliorée lelendemain, un drain thoracique est mis enplace afin d’éliminer l’épanchement thoraciqueet d’effectuer un nouvel examen radiogra-phique du thorax pour rechercher l’origine duchylothorax.

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Pratiquer / CAS CLINIQUE /

Torsion de lobe pulmonairechez une chienne

PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DES CARNIVORES DOMESTIQUES

par Fabrice Hébert

Clinique vétérinaire

de Venteaux

69, rue Victorien Sardou

87000 Limoges

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65/ N° 225 / Mai 2002 / Le Point Vétérinaire

L’animal est anesthésié par une injectionintraveineuse de propofol à la dose de 6 mg/kgpar voie intraveineuse, puis placé sous un relaisgazeux (halothane) avec une respirationassistée. Le drain thoracique est posé du côtédroit (PHOTO 2) : deux litres de liquide sontrécoltés.

La radiographie thoracique de face montredans l’hémithorax droit, une image de densitéliquidienne de forme triangulaire, dont la baseest en contact avec le bord droit de la silhouettecardiaque et dont la pointe se dirige vers lescôtes. La vue de profil montre aussi une imagede densité liquidienne de forme ovale qui sesuperpose à la silhouette cardiaque ; sa partiehaute est en regard de la base du cœur et sapartie basse est située à 3 cm en regard del’apex cardiaque. Cette image est compatibleavec une tumeur pulmonaire, une broncho-pneumonie ou une torsion de lobe. En raisonde la localisation, le lobe moyen droit sembleconcerné.

Le drainage thoracique, réalisé pendant cinqjours, permet de recueillir, en moyenne, un litrede liquide par jour sans réduire le volumeponctionné. En raison de l’image de consoli-dation du lobe pulmonaire moyen droit et dela persistance du chylothorax, une thoracoto-mie exploratrice est proposée et acceptée parle propriétaire.

! Thoracotomie

La thoracotomie est pratiquée du côté droit, oùse situe la masse, au niveau du cinquièmeespace intercostal. Elle confirme la torsion dulobe pulmonaire moyen droit (PHOTOS 3 ET 4).Ce lobe de couleur vert brun présente un aspectnécrotique et est totalement consolidé. Une lobectomie est pratiquée sans détordre lepédicule : une double ligature transfixante estappliquée avec un fil irrésorbable (Prolène® 3-0).La bronche est suturée par un surjet. L’inspection de l’ensemble de la cavité pleuralene révèle aucune anomalie. Un nouveau drainest mis en place avant la fermeture de la plaie.Le lobe reséqué est soumis à une analysehistopathologique.

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PHOTO 1. Radiographie thoracique de profil mettant en évidence un épanchementpleural.

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! Biochimie Urée 12,4 mmol/l 3,93 à 17,14 mmol/lsanguine Créatinine 72,8 mmol/l 35,36 à 132,6 mmol/l

SGPT 22 UI/l 0 à 77 UI/lPAL 164 UI/l 0 à 300 UI/lGlycémie 6,50 mmol/l 4,44 à 6,72 mmol/lProtéines 61,9 g/l 50 à 62 g/lAlbumine 30 g/l 27 à 38 g/lCholestérol 2,5 mmol/l 3,48 à 7,24 mmol/lTriglycérides 2,1 mmol/l < 5,5 mmol/lCalcium 2,90 mmol/l 2,12 à 2,99 mmol/lSodium 164 mEq/l 143 à 168 mEq/lPotassium 5,3 mEq/l 4,1 à 5,4 mEq/lChlore 124 mEq/l 108 à 131 mEq/lBicarbonates 21 mEq/l 11 à 27 mEq/l

! Hématologie Leucocytes 8,2 x109/l 6,1 à 17,4 x109/lNeutrophiles 6,1 x 109/l 3,9 à 12 x 109/lÉosinophiles 0,5 x 109/l 0 à 1,9 x 109/lLymphocytes 1,2 x 109/l 0,8 à 3,6 x 109/lMonocytes 0,4 x 109/l 0,1 à 1,8 x 109/lHématies 6,9 x 1012/l 5,6 à 8,5 x 1012/lHémoglobine 186 g/l 132 à 192 g/lHématocrite 56,4 l/l 38 à 57 l/lPlaquettes 311 x 109/l 145 à 440 x 109/l

Examen Animal Normes

Résultats des examens sanguins

Couleur Lait fraise (blanc ou rosé)

Densité 1 022

Taux de protéines 40 g/l

Type cellulaire prédominant Lymphocytes

Taux de triglycérides 5,87 mmol/l

Taux de cholestérol 1,55 mmol/l

Paramètres Résultats

Caractères physiques, biochimiques et cellulairede l’épanchement pleural

PHOTO 2. Drain thoracique posé et seringueremplie de chylothorax. Remarquer l’aspect“lait fraise” du liquide.

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! Traitement postopératoire

Les soins postopératoires consistent à drainerdeux fois par jour la cavité pleurale et àadministrer une antibiothérapie préventive parvoie sous-cutanée (enrofloxacine à la dose de5 mg/kg une fois par jour). • Le lendemain de l’intervention, 200 ml deliquide d’épanchement sont récoltés, ainsi que100 ml d’air. • Les trois jours suivants, 200 à 300 ml deliquide sont drainés quotidiennement, ainsi que300 à 500 ml d’air. En raison du risque dedéveloppement d’un pneumothorax secondairedû à un défaut d’étanchéité au niveau du drain,ce dernier est retiré le quatrième jour. Un drainest à nouveau posé dans l’hémithorax gauche.• Le cinquième jour, le pneumothorax est totale-ment résorbé. • Dans les trois jours qui suivent, environ300 ml de liquide de couleur “lait fraise” sontdrainés. • Le liquide est brun le neuvième jour et lachienne présente une hyperthermie (40,1 °C).Un examen cytobactériologique est effectué àpartir du liquide pleural et met en évidence laprésence d’Escherichia coli. Il est possible quel’antibiothérapie instaurée ait sélectionné cettesouche uniquement sensible à la colistine et auxquinolones de troisième génération. En outre,l’examen cytologique révèle la présence deleucocytes (1 110/mm 3) et d ’hématies(9 000/mm3). Malgré l’instauration d’uneantibiothérapie à base de norfloxacine(1)

(Noroxine® 20 mg/kg deux fois par jour par voieorale), l’état de la chienne se dégrade. À lademande des propriétaires, l’euthanasie estpratiquée mais pas l’autopsie.

L’analyse histopathologique du lobe pulmonaireconfirme la lésion de nécrose. La présence deremaniements nécrotiques ischémiques sévères,associés à une pleurésie aiguë, fibrinoleucocy-taire et réactionnelle, est compatible avec l’infar-cissement de ce lobe pulmonaire.

Discussion

1. Épidémiologie et pathogénie• La torsion de lobe pulmonaire et le chylotho-rax sont deux affections qui peuvent atteindreun même animal. 36 % des chiens chezlesquels une torsion de lobe pulmonaire a étédiagnostiquée avaient un chylothorax [6].Cependant, il est très difficile de déterminerlaquelle des deux lésions est responsable de laseconde.• Les chiens dont le thorax est profond et étroitreprésentent 68 % des animaux atteints detorsion de lobe pulmonaire [6]. Les lévriersafghans sont les plus souvent affectés [3, 5, 6,7]. Des cas ont été décrits chez des chiots, maiscela reste exceptionnel [4] ; il en est de mêmechez le chat [1]. • Les torsions de lobe pulmonaire semblentsurvenir lorsque le mouvement d’un lobe autourde son pédicule est permis par une conditionpathologique. Un épanchement pleural, unpneumothorax, une chirurgie thoracique, untraumatisme, une pneumonie ou une massepulmonaire, peuvent ainsi être une cause detorsion [5]. Une torsion peut aussi survenir sanscause apparente.Les lobes les plus fréquemment atteints sont,par ordre de fréquence décroissante : le lobemoyen droit, le lobe cranial gauche, le lobecranial droit, les lobes craniaux droit etmoyen de façon simultanée et enfin, le lobecaudal gauche [6]. Selon certains auteurs, lamobilité du lobe moyen droit, due à la tailleréduite de son pédicule, facilite sa torsion enprésence des conditions prédisposantesprécitées [6, 7]. • Lors de la torsion, les vaisseaux et la bronchese collabent ; le retour veineux est bloqué avantle flux artériel, ce qui entraîne une exsudationalvéolaire et une consolidation. Par la suite, l’airemprisonné dans les alvéoles est absorbé et lelobe se consolide. En absence de vascularisa-tion, le lobe pulmonaire se nécrose.

Le Point Vétérinaire / N° 225 / Mai 2002 / 66

Pratiquer / CAS CLINIQUE /

PHOTO 4. Vue peropératoire rapprochée : visualisation de la torsion du pédicule du lobe pulmonaire moyen droit.

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PHOTO 3. Vue peropératoire de la thoracotomie mettant en évidence le lobe moyen droit en voie de nécrose.

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(1) Médicamentà usage humain.

ATTENTIONL’image radiologiquepathognomonique d’une torsion de lobe estune trajectoire anormaled’une bronche etde ses vaisseaux adjacents.

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Lobe moyendroit nécrosé

Torsion du pédicule

Drain thoraciqueLobe moyen droit nécrosé

Page 4: Torsion de lobe pulmonaire chez une chienne

Points forts! Il convient de suspecterune torsion de lobepulmonaire lors de dyspnéeaiguë, de toux, d’hémoptysieet/ou en présence d’un chylothorax.

! En première intention, il est nécessaire de compenser la détresserespiratoire par une oxygénothérapie et par un drainage thoracique.

! La thoracotomie estle traitement de choix lors de torsion de lobepulmonaire.

! Les torsions de lobepulmonaire sont plusfréquentes chez les lévriers et chez les animaux dont le thorax est profond.

67/ N° 225 / Mai 2002 / Le Point Vétérinaire

2. Signes cliniquesLors de torsion, les motifs de consultation sontgénéralement une dyspnée d’apparition aiguëet une toux associée à une hémoptysie. Lorsque la torsion est présente depuis plusieursjours, l’animal peut être présenté pour unabattement, de la fièvre ou de l’anorexie. Le motif de consultation est parfois directementlié à la cause responsable de la torsion : discor-dance lors d’épanchement pleural ou depneumothorax, état de choc lors de trauma-tisme thoracique grave.

3. DiagnosticLes hypothèses diagnostiques sont établies dansun premier temps à partir du recueil de l’anam-nèse, du motif de consultation et de l’examenclinique. Lorsqu’un animal est présenté pourune dyspnée d’apparition brutale avec ou sanstraumatisme thoracique, il convient d’inclurela torsion de lobe pulmonaire parmi leshypothèses diagnostiques.

! Imagerie

L’imagerie permet d’obtenir de précieux rensei-gnements diagnostiques. • La radiographie thoracique met en évidencedes modifications qui diffèrent selon le tempsécoulé depuis la présence de la torsion et selonla cause responsable de cette torsion. Unépanchement pleural, toujours présent [6], peutmasquer la consolidation du lobe. Lorsque leliquide est éliminé, l’hépatisation du lobe atteintest visible si la torsion est présente depuisplusieurs jours. L’image radiologique pathogno-monique d’une torsion de lobe est une trajec-toire anormale d’une bronche et de sesvaisseaux adjacents [5] : en raison de la torsion,la bronche principale du lobe atteint est en effetdéviée de sa position habituelle. • L’examen fibroscopique respiratoire met enévidence un collapsus par torsion de la broncheprincipale du lobe atteint. Des sécrétions séro-hémorragiques peuvent s’écouler de la bronche.Dans le cas décrit, la fibroscopie respiratoire n’apas été pratiquée, principalement en raison ducoût. La thoracotomie exploratoire aurait enoutre été inéluctable pour établir un diagnosticprécis, quelle que soit l’image obtenue.

! Thoracocentèse

• L’épanchement pleural secondaire à la torsionde lobe est en général un exsudat aseptique(taux de protéines > 30 g/l et cellularité> 5 000/ml, essentiellement constituée deneutrophiles, de macrophages, d’éosinophileset de lymphocytes). • En revanche, si la torsion est secondaire à unépanchement, ce dernier peut être de naturemultiple : des cas de torsion pulmonaireassociée à des épanchements éosinophiliquesont été décrits [2].

! Thoracotomie ou thoracoscopie

La thoracotomie ou la thoracoscopie peuventégalement permettre un diagnostic définitif detorsion lorsque les autres examens, hormis lafibroscopie, n’ont pas permis d’établir undiagnostic.

4. Traitement

! Traitement de première intention

Le traitement de première intention consiste àstabiliser la fonction respiratoire et l'état dechoc de l'animal. Une thoracocentèse estpratiquée avant l’examen radiographique chezles animaux sévèrement dyspnéiques, un drainthoracique est installé lorsque l'épanchementpersiste ou lorsqu'il est massif, une oxygéno-thérapie est mise en place (cage, sonde nasale)et une fluidothérapie pré- et peropératoire estinstaurée afin de maintenir une perfusiontissulaire adéquate [5].La cause de la torsion de lobe est traitée parallè-lement lorsqu’elle est connue d’après les antécé-dents ou les examens effectués (pneumonie,pneumothorax).

! Traitement chirurgical

La seconde étape du traitement consiste àréaliser une thoracotomie, afin de pratiquer larésection du lobe affecté. • L’anesthésie est précédée d’une oxygénationau masque, administrée pendant environ5 minutes si l’animal ne s’agite pas. L’induction est effectuée avec un principe actifqui permet d’intuber rapidement l’animal enraison de la défaillance respiratoire (propofolou barbituriques).L’anesthésie est ensuite maintenue avec del’halothane ou de l’isoflurane. • L’abord thoracique se fait du côté où la torsionest présente, au niveau de l’espace intercostal,en regard du pédicule vasculaire du lobe (voirle TABLEAU “Choix de l’espace intercostal lors dethoracotomie”). Le lobe est isolé des autreslobes avec des champs ou des compresseshumides. Il convient de ne pas détordre lepédicule : du tissu nécrotique risque de circulervers les autres bronches ou d’emboliser dans lacirculation sanguine. La bronche est clampée,puis l’artère située contre la face externe de labronche (la veine est localisée contre la faceinterne) est isolée par dissection mousse. Il convient de réaliser une double ligature avecun fil irrésorbable décimale 2 ou 3 sur l’artèreet d’en poser une troisième, transfixante, entreles deux premières. L’artère est sectionnée entrela ligature transfixante et la ligature la plusdistale. La ligature de la veine est effectuée dela même manière. Deux pinces hémostatiquessont ensuite appliquées sur la bronche, qui estsectionnée entre les deux. La pince fixée sur labronche est laissée en place : la bronche estalors suturée avec un surjet en U proximale-ment au clamp, puis par un surjet simple,distalement au clamp. La plaie thoracique estrefermée plan par plan. !!

Lobe cranial 4e ou 5e espace 4e ou 5e espace

Lobe moyen 5e espace

Lobe caudal 5e (ou 6e) espace 5e (ou 6e) espace

Gauche Droit

Choix de l’espace intercostal lors de thoracotomie

- Idiopathique- Affections cardiaques (insuffi-sance cardiaque congestive,insuffisance cardiaque droite,épanchement péricardique,dirofilariose)- Néoplasie thoracique (lym-phome médiastinal chez lechat, tumeur pulmonaire, autretumeur intrathoracique)- Torsion de lobe pulmonaire- Traumatisme (rupture ducanal thoracique, hernie dia-phragmatique)/chirurgiethoracique- Congénital- Granulomes fongiques- Thrombose de la veine cavecaudale

Causes de chylothorax

chez lescarnivores

domestiques

Page 5: Torsion de lobe pulmonaire chez une chienne

Le lobe est soumis à une analyse histopatholo-gique afin de rechercher la cause de la torsion.Lorsqu’un chylothorax est présent, un drainthoracique est mis en place afin de savoir si latorsion est responsable de l’épanchement.

! Traitement postopératoire

Les soins postopératoires consistent à aspirerquotidiennement le liquide et l’air collectés dansla cavité pleurale, par l’intermédiaire du drain poséavant ou pendant l’intervention. En cas d’anorexie,l’animal doit être alimenté par une sonde naso-œsophagienne, de pharyngostomie ou de gastro-tomie. Si une hypokaliémie était présente lors dudiagnostic de chylothorax, il est nécessaire de lacorriger et de suivre son retour à la normale.En raison de la douleur générée par ce typed’intervention, il est conseillé d’administrer desantalgiques de type morphinique ou depratiquer des anesthésies locales le long desnerfs intercostaux ou des injections intrapleu-rales de bupivacaïne. Une antibiothérapiepréventive est en outre conseillée (pénicilline,sulfamides-triméthoprime, quinolone oucéphalosporine). En cas de suspicion d’épan-chement septique, un échantillon de ce liquideest analysé pour une recherche bactériologiqueet la détermination d’un antibiogramme, àpartir duquel l’antibiotique est choisi.

! Traitement du chylothorax

Si la torsion est responsable du chylothorax, cedernier se dissipe après la résolution de la torsion.En revanche, si le chylothorax persiste malgré letraitement chirurgical de la torsion, le chylothoraxétait vraisemblablement la cause de la torsion. Denombreuses affections peuvent être à l’origine d’unchylothorax (voir l’ENCADRÉ “Causes de chylotho-rax chez les carnivores domestiques”). Dans ce cas,le traitement est adapté pour éliminer la cause duchylothorax (voir le TABLEAU “Traitement duchylothorax en fonction de l’affection causale”).

5. PronosticUne étude portant sur une série de 22 chiensatteints de torsion de lobe montre que le pronos-tic reste réservé après lobectomie. En effet, surces 22 chiens, l’un a été euthanasié avant l’inter-vention et les 21 autres ont subi une lobectomie.Parmi ces 21 chiens, 15 animaux ont récupéréaprès l’intervention chirurgicale, mais 3 sontmorts d’affections thoraciques qui se sontdéveloppées ensuite et ont eu des complicationsgraves dans les deux mois qui ont suivi(mésothéliome médiastinal, chylothorax,torsion de lobe et dilatation gastrique) et 6 sontmorts dans les deux semaines qui ont suivi lachirurgie (détresse respiratoire aiguë, pneumo-nie, choc septique, pneumothorax et chylotho-rax). Ainsi, sur 22 chiens, 10 sont morts decomplications postchirurgicales immédiates oud’une autre affection thoracique [6].Dans notre cas, l’origine de la persistance del’épanchement est inconnue. Il peut s’agir :- d’un processus infectieux lié à l’interventionchirurgicale et entretenu par une antibiorésis-tance ;- ou d’une torsion d’un lobe adjacent ;- ou d’un chylothorax idiopathique responsa-ble de la torsion. Une lymphangiographie aurait certainementpermis d’infirmer une rupture du canalthoracique.

Conclusion

Affection rare, la torsion de lobe associée à unchylothorax reste un véritable défi diagnostiqueet thérapeutique pour le praticien. Laquelle deces deux affections est responsable de l’autre ?La réponse est toujours délicate à établir. Lescomplications et le taux de mortalité considéra-blement élevé après le traitement chirurgical fontde cette entité pathologique une affection gravedont le pronostic est réservé. ■

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Pratiquer / CAS CLINIQUE /

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Lymphome médiastinal Chimiothérapie pouvant être associée à une exérèse de la masse tumorale.Drainage thoracique si nécessaire.

Autre masse thoracique Exérèse de la masse.Drainage thoracique si nécessaire.

Torsion de lobe pulmonaire Lobectomie.Drainage thoracique si nécessaire.

Traumatisme Drainage thoracique seul en règle générale.Chirurgie correctrice du traumatisme (hernie diaphragmatique).Ligature du canal thoracique si échec, voire l’associer au drainage.

Affection cardiaque Traitement spécifique.de l’affection cardiaque en cause.

Chylothorax idiopathique Drainage thoracique.Ligature du canal thoracique.Épiploïsation de la cavité pleurale.

Chylothorax congénital Drainage thoracique.Ligature du canal thoracique si échec.

Affection responsable du chylothorax Traitement à mettre en œuvre

Traitement du chylothorax en fonction de l’affection causale

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