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Le mercredi 15 janvier, Jean-Pierre Bel, président du Sénat, a présenté ses vœux pour l’année 2014.
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VŒUX DE M. JEAN-PIERRE BEL, PRÉSIDENT DU SÉNAT
Mercredi 15 janvier 2014
Salons de Boffrand - 18 h 30
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Devant une telle assemblée, je mesure la chance et l’honneur qui sont les miens de
pouvoir m’adresser à vous,
à vous M. le Premier ministre,
à vous Mesdames, Messieurs les Ministres,
à toi mon cher Claude, Président de l’Assemblée nationale,
à vous mes chers collègues parlementaires, sénatrices, sénateurs, députés, l’honneur de
m’exprimer devant près d’une centaine d’ambassadeurs venus représenter leur pays,
de m’adresser aux représentants civils et militaires,
aux représentants des cultes,
aux autorités de grandes institutions qui me pardonneront de ne pouvoir les nommer,
aux acteurs de la vie institutionnelle, économique, et sociale,
devant vous, chers amis, qui appartenez au monde de la culture, du sport, au monde des
arts, des medias, qui m’avez fait la gentillesse d’accepter mon invitation,
devant la presse nationale et étrangère,
devant vous tous qui, par votre présence, illustrez la volonté d’ouverture du Sénat vers la
France et le monde d’aujourd’hui.
Nous avons besoin de ces moments. C’est une occasion de prendre un peu de distance
avec le flot continu de l’actualité, la possibilité de nous retourner sur le chemin parcouru
mais aussi, de donner du sens à notre engagement.
Comme tu l’as fait toi-même, mon cher Claude, pour tes propres vœux, ce matin, mes
premières pensées vont, vous le comprendrez, vers nos soldats qui, au péril de leur vie,
sont éloignés de leur foyer, engagés pour le maintien de la paix et pour sauvegarder des
vies humaines. Ils sont présents sur ces théâtres d’opération, sur mandat international ;
ils y sont car c’est la responsabilité et l’honneur de la France.
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Je m’incline devant la mémoire des 9 soldats qui ont perdu la vie cette année au service
de notre pays.
En 2013 nous avons eu la joie de vivre plusieurs libérations d'otages, récompensant de
longs mois de patience et d'effort. Je veux dire, devant eux, mon amitié à Daniel Larribe,
libéré il y a quelques mois, et à son épouse Françoise, qui avait partagé pendant un
temps sa captivité et ses souffrances au Niger. Merci d’être là.
J’exprime ma solidarité et mon espoir pour tous nos compatriotes enlevés au Sahel ou
en Syrie. Qu’ils sachent que les autorités françaises œuvrent sans relâche pour leur
libération, exprimant en cela la détermination de votre gouvernement, M. le Premier
ministre, et en particulier celle de Laurent Fabius, que je tiens à saluer ce soir.
J’ai une pensée émue, à cet instant, pour Ghislaine Dupont et Claude Verlon,
journalistes à RFI, qui ont été assassinés le 2 novembre dernier dans le nord du Mali,
alors qu’ils faisaient leur travail de témoignage sur le terrain.
Je veux également faire part de mon soutien et de mon admiration à celles et ceux, où
qu’ils soient, qui sont engagés dans des actions humanitaires.
Mesdames et Messieurs,
Nous partageons, avec nos voisins et amis européens, une histoire et un projet commun.
Après les élections, le nouveau Parlement européen, ainsi que la nouvelle Commission
devront répondre aux attentes des citoyens de l’Union européenne. Car la déception et
l’incompréhension devant l’évolution du projet communautaire est une réalité.
À nous de saisir l’opportunité de cette échéance électorale pour ranimer l’enthousiasme
du projet européen.
A nous de lui redonner du sens et de l’ambition. À nous de renouer avec l’esprit pionnier
des pères fondateurs, qui leur permettait de surmonter les divisions et les difficultés.
L’Europe n’est pas que la mémoire de son passé ; elle est notre avenir.
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Notre avenir c’est aussi la Méditerranée : j’accueillerai lundi prochain à Marseille avec le
Président Bartolone, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, pour promouvoir un
partenariat plus étroit autour de cette mer qui nous unit, bien plus qu’elle ne nous sépare.
Au-delà de notre voisinage euro-méditerranéen immédiat, vous le savez bien, M. le
ministre des Affaires étrangères il y a nos priorités internationales que nous percevons
bien.
D’abord en Afrique, dans le prolongement du Sommet de l’Elysée qui a donné un souffle
ambitieux à la relation particulière qui lie la France aux pays de ce continent. La sécurité,
le développement et le climat : tels sont les principaux enjeux autour desquels ce
partenariat devra être approfondi.
Nous aurons d’ailleurs à travailler sur un texte sans précédent, une loi relative à notre
politique de développement et de solidarité internationale, à laquelle je sais que Pascal
Canfin est très attaché.
Nous suivrons de près l’évolution de la situation au Mali et en Centrafrique, où nous
souhaitons, avec l’aide de tous nos partenaires, accompagner la consolidation politique
et la reconstruction économique. Inspirons-nous de l’esprit de vérité et de générosité que
Nelson Mandela nous a laissé en héritage.
La France devra également poursuivre le resserrement de ses liens avec les nouveaux
pays émergents, qui, sur tous les continents, sont devenus les moteurs de la croissance
mondiale. L’année 2014, qui marquera le 50ème anniversaire de l’établissement de nos
relations diplomatiques avec la Chine, sera notamment l’occasion de mettre en lumière
le partenariat privilégié que nous souhaitons développer avec ce grand pays devenu
aujourd’hui une puissance mondiale majeure.
Un autre cinquantenaire nous mobilisera en Amérique latine, celui de la tournée
historique du général de Gaulle en 1964 dans cette région. Celle-ci a su se rassembler et
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se donner un cadre d’intégration prometteur au travers de la Communauté des Etats
d’Amérique latine et des Caraïbes, la CELAC, dont j’ai rencontré le Président en
exercice.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Je vous remercie d’être venus nombreux aujourd’hui.
Votre présence, qui nous honore, me donne l’occasion de rappeler à quel point le Sénat
est ouvert au monde et sans cesse connecté aux grands enjeux internationaux.
Je sais que vous êtes vous-mêmes en relation étroite avec notre Commission des
affaires étrangères et de la défense et notre Commission des affaires européennes, dont
je salue l’excellent travail. Leurs analyses sur la situation géopolitique et internationale
sont toujours très précieuses pour le débat démocratique. Vous êtes également en
contact avec nos groupes d’amitié qui jouent un rôle déterminant en termes d’échanges
et de coopération interparlementaire.
Je le mesure pleinement dans des fonctions qui m’amènent à participer à cette
diplomatie parlementaire, au service du rayonnement extérieur de notre pays. J’ai ainsi
accueilli en 2013 au Petit Luxembourg 15 chefs d’Etat et de Gouvernements et
10 Présidents d’Assemblée parlementaire. Je me suis rendu au Canada et au Québec,
puis en Australie, où j’ai représenté notre pays aux cérémonies du 11 novembre, et enfin
au Maroc, où s’est tenue la première session du Forum parlementaire franco-marocain,
projet qui nous tenait particulièrement à cœur.
Un des moments les plus émouvants de cette année aura sans doute été, vous vous en
doutez, le déplacement que j’ai effectué à Berlin en janvier dernier avec une importante
délégation de sénateurs et aux côtés de nos amis députés, à l’occasion du 50ème
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anniversaire du Traité de l’Elysée. 2013 aura été pour l’amitié franco-allemande une
année forte, que nous avons achevée il y a quelques semaines en accueillant, au Sénat,
le nouveau Président du Bundesrat M. Stephan Weil.
2014 sera pour notre pays une grande année de souvenir. Nous commémorerons en
effet le centenaire de la Grande Guerre, dont l’assassinat de Jean Jaurès donna le signal
inéluctable ; nous célébrerons le 70ème anniversaire de la Libération de la France lors de
la Seconde Guerre mondiale.
Ce temps de la mémoire nous rappellera les épreuves terrifiantes que les générations
précédentes ont surmontées. Il nous rappellera la force et la nécessité de l’idéal
européen, qui est d’abord un idéal de paix. Le Sénat s’impliquera dans ce moment qui
doit nous rassembler et nous donner confiance dans notre capacité à préparer l’avenir.
Aujourd’hui, nous devons faire preuve d’audace pour affronter la crise durable dans
laquelle la France et l’Europe sont plongées.
Le chômage, les peurs et les doutes qui font le lit des extrémismes, les déséquilibres
financiers, les plans sociaux qui se succèdent ; ces inquiétudes existent et il serait
absurde de vouloir les ignorer ou les nier. Leur expression est légitime. Notre devoir est
d’entendre ces questions et de maintenir le cap de la justice sociale au service de
l’intérêt général.
Mesdames et Messieurs, s’il est un message sur lequel je souhaite insister en ce début
d’année, c’est de prendre garde à ne jamais céder au pessimisme. J’évoquais la force de
l’amitié franco-allemande. Et bien c’est le poète allemand Goethe qui l’a formulé avec
éclat : « le pessimiste se condamne à être spectateur ». Ne nous laissons pas envahir
par le pessimisme, il est mauvais conseiller. Pire : il paralyse, il empêche l’action.
Nous devons retrouver de l’enthousiasme pour agir : voilà le secret du courage. Refuser
la facilité. S’attacher avec conviction au fond des sujets, plutôt que de surfer sur l’écume
des choses.
Etre des acteurs dans la vie quotidienne des Français et éviter les postures.
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Car il faut mesurer la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés.
Bien sûr, je ne suis pas naïf, si nous sommes d’accord sur la nécessité de redresser
notre pays, nous n’avons évidemment pas tous les mêmes solutions à proposer, et c’est
bien normal en démocratie.
Le Gouvernement a fait de la bataille pour l’emploi sa première priorité et le pacte de
responsabilité que le Président de la République a proposé aux entreprises s’inscrit dans
la droite ligne de cette dynamique positive.
Nous sommes tous, quelles que soient nos divergences, parties prenantes de cette
bataille. Et si cette crise était l’occasion d’accomplir une véritable métamorphose au sens
où l’entend Edgar Morin ? On verrait alors que les moyens de cette « métamorphose »,
les facteurs du redressement de notre pays peuvent venir de nos territoires, de notre
capacité d’innovation, qu’ils peuvent venir des jeunes, des nouvelles générations.
Car on ne redresse pas un pays sans innover. C’est donc une nouvelle manière de
penser nos modèles de production, de consommation et de développement, orientés
vers une véritable transition écologique, que nous devons promouvoir.
Le Sénat aura aussi un rôle majeur à jouer dans la préparation de la Conférence de
2015 sur le changement climatique, que nous accueillerons à Paris et qui devra
permettre de conclure un nouveau pacte mondial sur le climat. Et il faudra que chacun
de nos territoires se sente concerné.
Mesdames et Messieurs,
Puisque j’évoque les territoires, vous le comprendrez, je voudrais maintenant dire
quelques mots sur l’Assemblée que j’ai l’honneur de présider.
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Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Sénat fait l’objet de nombreux commentaires,
quelquefois contradictoires, souvent étonnants.
Je passerai sur les raccourcis de ceux qui, dans une forme de paresse intellectuelle,
tiennent toujours le même discours, renvoient la même image simpliste, et nous
rabâchent les mêmes clichés ; pour ceux-là, par principe, deux chambres, c’est une de
trop.
Il y a ensuite ceux qui ne font pas l’effort de regarder ce qu’apporte concrètement le
Sénat, bien sûr à la démocratie, mais aussi à l’élaboration de la loi et au contrôle de
l’exécutif, missions essentielles, au cœur de nos institutions.
Cette ignorance du travail ici réalisé paraît d’autant plus surprenante quand on sait la
reconnaissance dont bénéficie le Sénat auprès des partenaires sociaux, des acteurs du
monde économique et du monde associatif, qui savent bien, eux, à quel point notre
Assemblée est utile. Certains sont ici ; ils pourraient en témoigner.
Oui, je suis étonné par ceux qui n’ont pas vu les évolutions, les prises de position
ambitieuses, et parfois même avant-gardistes, qui ont marqué notre Assemblée. Nous
avons été cette année au rendez-vous de l’ouverture du mariage à tous les couples, ou
encore des lois sur l’éducation et sur l’enseignement supérieur. Comment avoir la
mémoire courte au point d’oublier qu’en 2011, le Sénat avait approuvé l’ouverture du
droit de vote aux étrangers pour les élections locales ?
Ceux-là aussi ne répondent pas à la question de savoir comment, dans une démocratie
moderne, on fait avancer le débat parlementaire en instituant un régime avec une seule
Assemblée et donc avec une lecture expéditive des textes de loi.
Certes les épisodes récents que vous avez en tête posent problème. Ils doivent nous
conduire à toujours plus de transparence mais ne peuvent servir d’alibi à l’abandon du
bicamérisme.
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Enfin, il y a ceux, qui donnent l’impression que le Sénat n’a de sens que s’il leur revient
d’en assumer la responsabilité.
J’entends les critiques : « le Sénat est absent, … il ne fait pas entendre sa voix, … il ne
compte pas … ». On retrouve là, souvent au mot près, des réquisitoires prononcés par
ceux qui en étaient l’objet il y a quelques années… Ceux qui dénoncent des attitudes
dont ils ont largement usé. C’est peut-être là un effet inattendu de l’alternance.
Derrière cela, il y a l’Histoire… et l’Histoire a la peau dure.
Le rôle du Sénat n’a pas été fixé une fois pour toutes par les constituants de la
Ve République. Il a évolué en fonction du contexte politique et de l’existence ou non
d’une majorité structurée, conforme ou non à celle de l’Assemblée nationale ou à
l’exécutif.
Les mots que l’on entend aujourd’hui rappellent ceux qui furent prononcés par des
gaullistes historiques comme Jacques Debû-Bridel, pour qui le Sénat était devenu
« parfaitement superfétatoire », et même le Général de Gaulle lui-même qui regrettait (je
le cite) que « le Sénat se confine dans une contestation aussi morose que vaine… »
Selon les mots d’un de nos anciens secrétaires généraux, le Sénat était alors « la
maison sans soleil » et devenait « progressivement une non-institution ».
Déjà, la même petite musique… (!)
Jusqu’en 1969, notre assemblée fut véritablement mise en quarantaine : les ministres
étaient absents, les derniers mots à l’Assemblée Nationale étaient très fréquents, les lois
de finances régulièrement rejetées, le taux de reprise des amendements sénatoriaux par
les députés n’était que de 25%, contre 63% aujourd’hui.
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Si l’on regarde ce qui a suivi jusqu’à nos jours, on constate que le Sénat est toujours
resté « l’enfant terrible » de la vie parlementaire.
Bien après les années 1960, il n’a d’ailleurs pas été rare d’assister à une forme de
blocage entre l’exécutif et le Sénat ; il est même arrivé (et nous sommes nombreux à
nous en souvenir, c’était il n’y a pas si longtemps), que des exécutifs disposant pourtant
d’une majorité confortable ne parviennent pas à faire passer des dispositions qui
heurtaient la conscience des sénateurs, y compris de leur propre bord…
Mesdames et Messieurs,
Lorsque j’ai été élu Président du Sénat, j’ai indiqué le sens que j’entendais donner au Sénat
de l’alternance : « Je ne serai jamais là pour servir un clan ou une clientèle. Servir la
République, tel doit être le rôle de notre Assemblée. Nous ne serons pas ici je ne sais quel
bastion. Nous sommes ouverts à tous ceux qui se retrouvent dans notre volonté de faire vivre
le bicamérisme, un bicamérisme rénové, dans lequel l’opposition sera respectée.
La Haute Assemblée se doit d’aller vers une vraie rénovation démocratique, vers une
autre façon de travailler ». C’était le 1er octobre 2011. Je ne retire pas un mot des propos
que je tenais alors.
Aujourd’hui, à l’heure des vœux, je crois que nous devons nous en souvenir.
Un Sénat utile, et d’abord réactif, parce que la crise est là. L’emploi, l’avenir de nos
retraites, l’égalité entre les femmes et les hommes, le besoin de justice sociale, la lutte
contre les discriminations, ces priorités n’attendent pas.
Nous ne pouvons céder aux délices des joutes parlementaires, même si notre société a
besoin de la respiration démocratique que permet le débat pour apaiser les tensions qui
la traversent.
C’est pourquoi je crois aussi que le « temps du Parlement » doit être respecté. Qu’il y va
de l’intérêt de tous. Car le temps des débats, ce n’est pas du temps perdu, c’est le temps
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indispensable pour que la loi exprime réellement la volonté générale. C’est une exigence
démocratique.
Je crois donc utile de rappeler que le recours aux procédures accélérées doit demeurer
l’exception ; quant aux ordonnances, elles ne doivent concerner que des mesures
caractérisées par l’urgence et de portée limitée.
N’en déplaise à ceux qui s’interrogent sur le bicamérisme, le dialogue entre les deux
assemblées a fonctionné, en 2013, pour plus de 8 textes sur 10. La capacité d’initiative
du Sénat a atteint un niveau record, puisque sur les 19 propositions de loi qui ont été
définitivement adoptées cette année, 13 ont une origine sénatoriale.
Oui, le bicamérisme, c’est le gage de la qualité de nos lois, c’est la possibilité de faire
émerger des consensus solides et durables ; c’est une chance pour nos concitoyens,
pour nos collectivités territoriales, d’être mieux entendus. Nous aurons l’occasion d’en
débattre ici même, lors d’un colloque sur le bicamérisme en avril prochain.
Je me félicite que le Sénat ne soit pas « godillot ». Mais cela ne signifie pas qu’il doive
refuser à tous propos d’apporter son point de vue, qu’il renonce à sa volonté d’influence.
Qu’il me soit permis de souhaiter qu’en 2014, notre majorité fasse preuve d’un esprit
constructif et qu’elle soit rassemblée pour mieux faire entendre la voix du Sénat.
Le Sénat c’est aussi l’assemblée qui représente et valorise nos territoires dans toute leur
diversité. Une diversité qui ne doit pas se traduire par une fracture qui laisserait
quelques-uns à l’écart de notre pacte républicain, mais être une source d’intelligence et
de création.
C’est dans cet esprit que nous avons examiné ces derniers jours, le projet de loi sur la
ville et la cohésion urbaine, et quelques semaines plus tôt le projet de loi sur la
décentralisation.
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Hier le Président de la République a appelé à une évolution de notre organisation
territoriale, pour rendre l’action publique plus efficace.
Lorsque nous débattrons au printemps 2014 de ce nouveau volet de la réforme
territoriale, le Sénat y apportera sa vision.
Quel que soit l’échelon considéré, quelle que soit leur place sur la carte, toutes les
collectivités sont animées par la dynamique qui est au cœur de la décentralisation : des
décisions prises au plus près de nos concitoyens, une capacité à libérer les énergies.
Réactive, respectée, je veux aussi que notre institution soit ouverte sur la société et sur
le monde.
C’est pour cela que j’ai tâché, cette année encore, de faire du Sénat un lieu d’échanges
et de rencontres.
Un lieu qui encourage et qui accompagne notre jeunesse, avec des manifestations
comme Talents des cités ou encore le concours du meilleur apprenti de France et
puisqu’il en a été l’initiateur, permettez-moi, à sa demande, d’excuser le Président
Christian Poncelet, retenu dans son département.
Un lieu qui promeut l’audace et l’esprit d’entreprise, comme à travers les rencontres
Tremplins.
Un lieu qui concentre et donne à voir la diversité et l’innovation, qu’elles viennent de nos
quartiers, de nos campagnes ou des outre-mer. Avec notre délégation à l’outre-mer,
nous continuons à mettre à l’honneur toutes les histoires et les cultures qui font notre
richesse. Nous croisons les mémoires d’un passé colonial que nous devons regarder en
face.
Permettez-moi d’ailleurs d’adresser mes vœux à l’ensemble de nos compatriotes
ultramarins et d’avoir une pensée particulière pour nos amis de la Réunion, durement
éprouvés par un cyclone il y a quelques semaines.
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Un mot aussi pour nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, où je me suis rendu il y a
quelques semaines : 2014 sera une année déterminante pour leur avenir institutionnel.
Le Sénat doit être le miroir de toutes les cultures comme en témoigne le colloque
consacré à la présence arabo-orientale en France en décembre dernier.
Enfin, je souhaite qu’il continue à se projeter sur les grands enjeux de demain. La
préparation de l’avenir est au cœur de l’action politique. Grâce à son rapport au temps
différent de celui de l’Assemblée nationale, notre institution est à même de se détacher
de la dictature de l’immédiateté et de se placer dans une vision prospective et de long
terme.
Le Sénat, c’est aussi une institution qui change et qui s’est résolument engagée dans la
voie de la transparence. J’ai souhaité que notre volonté de plus de sobriété et de plus de
modestie se traduise par des décisions concrètes :
certification de nos comptes par la Cour des comptes, suppression des prêts aux
Sénateurs, transparence de la réserve parlementaire, prévention des conflits d’intérêt.
C’est un Sénat exemplaire que je veux voir émerger.
Voilà pourquoi je suis intraitable envers les critiques injustes. Premier défenseur de notre
institution, je regrette pourtant que le Sénat puisse parfois prêter le flanc à la caricature.
Je ne peux accepter que par certaines décisions, incompréhensibles aux yeux de nos
concitoyens, nous donnions l’image d’une assemblée opaque et corporatiste.
C’est dangereux pour notre démocratie, car cela nourrit l’antiparlementarisme.
Pour apporter plus de légitimité aux décisions sur les demandes de levée de l’immunité,
j’ai proposé que les votes du Bureau se fassent désormais à main levée. Je ne doute
pas que chacun prendra ses responsabilités.
Je souhaite également qu’en 2014, nous puissions tirer un bilan de la mise en œuvre,
depuis cinq ans, des modifications que la révision constitutionnelle de juillet 2008 a
apportées à nos procédures. Ont-elles toutes été bénéfiques ? Ont-elles toutes permis
un fonctionnement plus efficace de nos assemblées ?
Il nous faut aujourd’hui regarder cela sereinement, mais avec lucidité.
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C’est pourquoi j’ai lancé un processus de réflexion pour une réforme de notre
organisation et de nos méthodes de travail. Nous nous donnons rendez-vous dans
quelques semaines.
Je voudrais terminer, Mesdames et Messieurs, en vous disant qu’en 2014, je souhaite
que le Sénat demeure, plus que jamais, le défenseur d’une certaine idée de la
République. Je veux qu’il soit un rempart contre la haine, le repli sur soi, et la tentation
de l’extrême-droite.
Nous ne pouvons accepter la banalisation des actes et des discours racistes, antisémites
ou xénophobes, qui frappent nos concitoyens, des plus vulnérables jusqu’aux ministres
de la République. (Je salue la lucidité du ministre de l’intérieur, ainsi que la force et le
courage exemplaires de Mme la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, présens parmi
nous ce soir.)
Nous savons bien que la crise peut conduire à la recherche de boucs émissaires.
L’histoire nous l’a montré.
Face à cela, nous ne devons pas rester désemparés. La solution n’est pas dans la fuite
en avant ou dans la surenchère ; il faut au contraire redonner du sens à la promesse
républicaine de fraternité, d’égalité et de solidarité.
Le Sénat doit être en première ligne de ce combat contre l’intolérance.
Mesdames, Messieurs,
Dans 8 mois auront lieu les prochaines élections sénatoriales qui concernent la moitié
des départements. Après les élections municipales, sans oublier les européennes,
celles-ci constitueront un temps fort, un rendez-vous avec la France des territoires, la
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France des villes et de villages, la France dans sa diversité, en métropole et en Outre-
mer.
Les choix qui seront faits seront les bons.
Mais je souhaite qu’ils s’inscrivent dans les pas de ceux dont nous sommes les héritiers,
dans les pas de Victor Schœlcher qui a abolit l’esclavage, ceux de Victor Hugo,
combattant résolu pour l’égalité des droits et l’idéal européen, tous ceux qui nous
obligent et nous engagent.
Mesdames, Messieurs,
Voici les vœux que je formule pour notre République : des vœux de confiance et de
courage.
À tous, je vous souhaite une bonne et heureuse année.
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