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REPONSE OFFICIELLE A LA CONSULTATION PUBLIQUE INTITULEE « PROJET DE RAPPORT AU PARLEMENT ET AU GOUVERNEMENT SUR LA NEUTRALITE DE L’INTERNET »

Réponse de la FFTélécoms à la consultation ARCEP sur la neutralité du net

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La neutralité de l’Internet est définie par le cadre européen comme la « capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». Cet objectif, qui fait dorénavant partie des missions de l’ARCEP, est parfaitement partagé par les membres de la FFTélécoms. C'est pourquoi la Fédération a souhaité répondre à la Consultation publique lancée par l'ARCEP le 16 mai 2012 et intitulée «Projet de rapport au Parlement et au Gouvernement sur la neutralité de l’Internet».

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REPONSE OFFICIELLE A LA CONSULTATION PUBLIQUE INTITULEE « PROJET DE RAPPORT AU PARLEMENT ET AU GOUVERNEMENT SUR LA NEUTRALITE

DE L’INTERNET »

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PREAMBULE Le présent document constitue la contribution officielle de la Fédération Française des Télécoms (ci-après « FFTélécoms ») à la Consultation publique lancée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) le 16 mai 2012 et intitulée «Projet de rapport au Parlement et au Gouvernement sur la neutralité de l’Internet». La FFTélécoms est une association professionnelle regroupant les principaux opérateurs de télécommunications fixes et mobiles, sur le marché français[1]

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Les membres de la FFTélécoms souhaitent présenter leur vision sur le sujet de la neutralité de l’Internet. La neutralité de l’Internet est définie par le cadre européen comme la « capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». Cet objectif, qui fait dorénavant partie des missions de l’ARCEP, est parfaitement partagé par les membres de la FFTélécoms. Il s’accompagne de la possibilité pour les utilisateurs de faire un choix éclairé pour l’un ou l’autre des fournisseurs grâce notamment à une meilleure transparence sur les services offerts dans les différentes offres disponibles sur le marché. La FFTélécoms s’inquiète également de forts déséquilibres en défaveurs des FAI dans le projet de rapport. Dans un contexte de forte pression concurrentielle, où ils sont contraints de financer à la fois des hausses de trafic sans précédent et des ruptures technologiques sur un marché mature, les opérateurs doivent être en mesure de gérer leurs infrastructures et d’innover commercialement afin de trouver de nouvelles sources de croissance. La FFTélécoms rappelle aussi son attachement au principe de non-discrimination qui doit prévaloir dans le traitement entre les entreprises qui opèrent sur le marché de l’Internet, qu’elles soient fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou fournisseurs de contenus et d’applications (FCA) ou fabricant de terminaux. De manière générale, la FFTélécoms estime, qu’une approche « pragmatique » est aujourd’hui préférable à une approche interventionniste sur ces sujets. Si elle salue la volonté de l’ARCEP d’étendre les enjeux liés à la Neutralité de l’Internet à l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, il n’en reste pas moins que les FCA et fabricants de terminaux sont très peu cités dans ce rapport, alors même que leurs choix techniques et commerciaux jouent un rôle très important dans l’expérience des utilisateurs. Enfin la FFTélécoms s’étonne de l’architecture du document qui lui est proposé dans lequel certaines annexes ne se contentent pas d’expliciter plus précisément les points du rapport mais vont parfois bien au-delà du texte principal.

La contribution de la FFTélécoms prendra la forme de remarques de portée générale sur des aspects majeurs touchant aux spécificités des activités d’opérateurs de communications électroniques

[ 1] Pour de plus amples informations, merci de bien vouloir consulter : http://www.fftelecoms.org/content/la-federation

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1. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE GENERALE

1) Remarques sur les acteurs de l’écosystème Internet

Il est surprenant que le projet de rapport ne cite pas les fabricants de terminaux dans la partie consacrée aux acteurs de l’écosystème de l’Internet. Leur rôle au sein de cet écosystème, en particulier pour ce qui concerne l’accès à l’Internet sur les réseaux mobiles et les téléviseurs connectés, ne doit surtout pas être sous-estimé. Les fabricants de ces terminaux (tablettes, smartphones, TV connectées, …) ont en effet la possibilité (notamment à travers leur système d’exploitation) de verrouiller l’environnement dans lequel évolue le consommateur. Les choix techniques peuvent aussi avoir des impacts non négligeables sur la bande passante consommée, sans maîtrise réelle des consommateurs, et donc in fine induire des coûts importants pour les opérateurs et les consommateurs.

2) Remarques sur les prévisions de trafic

Les membres de la FFTélécoms souhaitent attirer l’attention de l’ARCEP sur le fait que les prévisions du volume de trafic mondial sur l’Internet méritent d’être analysées avec précaution. D’une part, les opérateurs disposent chacun d’estimations propres des évolutions de trafic qui tendent à montrer que la croissance du trafic sera bien une réalité dans les 5 prochaines années. D’autre part, ces estimations pourraient être sous-évaluées en ce qu’elles ne tiennent pas forcément compte de possibles ruptures technologiques (fibre, tablettes…) qui pourraient augmenter considérablement la consommation de bande passante.

Enfin, les chiffres mis en avant montrent bien une croissance annuelle du trafic en valeur absolue. La FFTélécoms note le choix de l’ARCEP de présenter l’évolution en proportion du volume global mais estime que ce choix peut être source de confusion, et donc relativement discutable. En effet, il aurait également été possible de présenter l’évolution du différentiel annuel de trafic qui, lui, semble augmenter sur la période considérée. Ainsi, le ralentissement de la croissance présentée par le graphique du projet de rapport tient essentiellement au fait que cette croissance porte sur des volumes déjà considérables.

3) Remarques sur la situation particulière des contenus audiovisuels entre services spécialisés et accès à l’Internet

Le rapport indique que « la croissance des revenus tirés par les opérateurs de la vidéo à la demande utilisant les services spécialisés pourrait être remise en cause ». Les opérateurs de la FFTélécoms tiennent à souligner que rien n’est inéluctable et que la règlementation doit jouer son rôle en assurant l’équité entre les acteurs.

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4) Intentions affichées par les FAI de faire contribuer financièrement les FCA, via les conditions d’interconnexion

Pour l’ARCEP, les FAI chercheraient à faire contribuer les FCA car leur modèle économique bénéficie davantage des hausses de trafic que celui des opérateurs qui est essentiellement basé sur des forfaits de détail « flat ».

Les opérateurs de la FFTélécoms tiennent à souligner que leur volonté de monétiser la bande passante permettrait avant tout d’envoyer un signal économique aux acteurs, incitation nécessaire pour une gestion plus efficace de la ressource. Dans la mesure où l’utilisateur final ne maîtrise pas, ou mal, sa consommation en bande passante il apparaît légitime de placer ce signal directement du côté des FCA. En effet, le consommateur ne connaît ni ne choisit l’encodage des services mis en ligne par les FCA. Un effort de transparence pourrait d’ailleurs être fait en ce sens afin de permettre aux utilisateurs de choisir les sites et contenus encodés de la manière la plus efficace possible.

Par ailleurs, l’ARCEP s’inquiète des risques pour l’innovation du possible développement du modèle payant. Elle semble oublier que, depuis le début d’Internet, les FCA se sont toujours acquittés de la prestation de transit puis de CDN pour certains. Le paiement du transit ou de l’hébergement (ou encore de la consommation électrique ou de leurs équipements) par les FCA n’a jamais freiné l’innovation sur Internet, il semble donc plus que discutable de considérer que le développement de l’interconnexion payante aurait pour effet de réduire l’innovation. D’ailleurs, certains FAI sont présents sur de nombreux points d’interconnexion accessibles à tous, ce qui garantit un accès pour les petits acteurs.

Dans tous les cas, il faut donner aux FAI les leviers permettant à l’ensemble des utilisateurs de prendre conscience de la nécessité d’une utilisation raisonnable des réseaux. Certes, les FCA, profitant pour les plus importants d'entre eux de situations quasi-monopolistiques (les principaux acteurs qui diffusent aujourd’hui leurs services dégagent des chiffres d’affaires et marges bien supérieurs à ceux des opérateurs), contribuent à leur façon au financement de certaines parties du réseau Internet mais une infime partie de cette contribution revient vers les opérateurs locaux. Ceci débouche sur une situation où les opérateurs européens financent des réseaux toujours plus performants destinés à diffuser les services contribuant à la croissance d'acteurs extra-européens.

5) Remarques concernant l’annexe 5 intitulée « Coûts supportés par les FAI pour l’acheminement du trafic sur les réseaux fixes »

Les membres de la FFTélécoms s’inquiètent des conclusions présentées dans l’annexe 5 portant sur l’analyse des coûts supportés par les FAI pour l’acheminement du trafic dans les réseaux fixes. A l’issue de cette analyse, l’ARCEP affirme que « les coûts augmentent finalement peu avec la hausse du trafic » : les membres de la FFTélécoms ne partagent pas cette conclusion.

D’une part, l’ARCEP ne tient ici compte que des coûts correspondants au réseau fixe ce qui n’est pas satisfaisant quand on sait que les coûts du réseau mobile sont sensiblement supérieurs et que la croissance du trafic est encore plus importante que sur le fixe (tablettes, 4G…).

Ensuite, l’Autorité se cantonne à évaluer les coûts incrémentaux liés aux technologies actuelles sans tenir compte des investissements massifs en cours – et à venir – dans les réseaux de nouvelles technologies.

Enfin, l’ARCEP estime à quelques dizaines de centimes d’euros par mois et par abonnés les coûts correspondant à la hausse des volumes. Un chiffre non négligeable si le calcul était agrégé par FAI et par an, mais largement finançable par les FCA concernés.

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La partie concernée et l’annexe associée apparaissent donc très contestables et, faute de débat ou consultation préalable, elles devraient être supprimées à ce stade. La FFTélécoms considère en plus qu’il n’est pas raisonnable de produire une estimation des coûts supportés par les FAI sans avoir pris en compte les commentaires qui ont été envoyés par les opérateurs à l’occasion de la consultation publique portant sur le modèle de coût utilisé pour cette analyse.

2. TRAVAUX ET ACTIONS ENGAGES PAR L’ARCEP DEPUIS SEPTEMBRE 2010

1) Gestion de trafic

Les membres de la FFTélécoms rappellent que les pratiques de gestion visent surtout à protéger les réseaux de la saturation et permettent de garantir la continuité du service de l’accès à Internet.

En outre, certaines mesures peuvent être partie intégrante des offres opérateurs et relever de leur politique marketing, de leur liberté commerciale. Il serait excessivement regrettable qu'une application trop stricte du principe de proportionnalité et de la neutralité de l’Internet ait pour effet d'imposer aux opérateurs une offre commerciale homogène au dépend des possibilités de segmentation sur le marché de détail.

Si la transparence du contenu des offres de détail est un facteur clef pour la neutralité de l’Internet, le droit d’innover commercialement et de se différencier en fonction de différents facteurs tels que la QoS, les contenus proposés, les partenariats choisis… sera déterminant pour permettre aux opérateurs de satisfaire la demande réelle des consommateurs et de trouver des nouveaux relais de création de valeur dans un contexte fortement concurrentiel.

2) Remarques sur la qualité de service de l’Internet

Les membres de la FFTélécoms prennent une part active dans les travaux sur la qualité de service de l’Internet conduits sous l’égide de l’ARCEP en concertation avec des représentants de la société civile.

Dans ce contexte, la FFTélécoms considère inopportune la demande de l’ARCEP de moyens ou pouvoirs supplémentaires en matière de mesure de qualité de service alors même que la consultation menée par l'Autorité sur les indicateurs de la qualité de service n’a pas encore aboutie et donc bien avant leur mise en œuvre et les premiers retours d'expérience.

Enfin, la Fédération regrette que l’ARCEP alimente ainsi la suspicion envers les mesures conduites par les opérateurs.

3) Remarques sur les pouvoirs de l’ARCEP

La FFTélécoms s’interroge sur les prérogatives de l’ARCEP mises en avant par l’Autorité au fil du projet de rapport.

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- La précision des informations précontractuelles

La FFTélécoms s’interroge également sur le pouvoir de l’Autorité de « préciser la portée et les modalités [des obligations des opérateurs en matière d’informations extracontractuelles] au moyen d’une décision prise en application de l’article L.36-6 du CPCE » (cf. annexe 2).

En effet, ces obligations en matière d’informations relèvent avant tout de l’article L.121-83 du code de la consommation portant sur l’information contractuelle, article auquel renvoie l’article L. 121-83-1 (pour les informations précontractuelles) auquel l’article L.33-1 n) du CPCE fait référence. Or, l’article L.121-83 du code de la consommation doit être précisé par « un arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé des communications électroniques, pris après avis du Conseil national de la consommation et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».

Que du fait de son pouvoir réglementaire délégué et d’un mécanisme de renvois législatifs successifs, l’Autorité précise la portée de dispositions prévues dans un article du code de la consommation devant lui-même être précisé par un arrêté serait source de risques juridiques pour les opérateurs et, potentiellement, d’incohérence entre les précisions fixées respectivement par arrêté des Ministres et décision de l’Autorité. Ce serait d’autant plus paradoxal que le législateur a d’ailleurs prévu que l’avis de l’Autorité soit recueilli quant aux dispositions que devra prendre l’arrêté. Ce faisant, le législateur a clairement indiqué le rôle qui incombe à l’Autorité en la matière.

- L’imposition d’une qualité minimale :

La FFTélécoms souhaite rappeler que la compétence réglementaire reconnue à l’Autorité par l’article L. 36-6 5° est très limitée dans son champ d’application et doit s’exercer, en vertu dudit article, dans le respect des dispositions du code des postes et des communications électroniques et de ses règlements d’application. Le Conseil Constitutionnel, par une décision du 23 juillet 1996 sur la loi de réglementation des télécommunications (n° 96-378 DC), a en effet admis la constitutionnalité du pouvoir réglementaire dévolu à l’Autorité par l’article L. 36-6 du code des postes et des communications électroniques. Les auteurs de la saisine faisaient grief au 1° de l’article L. 36-6 de méconnaître l’article 21 de la Constitution en conférant à l’Autorité des pouvoirs de réglementation excessifs par leur champ d’application et leur contenu.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a estimé que «l’article 21 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’Etat autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi, à condition toutefois que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu

En conséquence, l’ARCEP ne dispose que d’une compétence très limitée pour la fixation des exigences minimales de qualité de service, celles-ci étant soumises à homologation par le ministre et exercées sous le contrôle du Conseil d’Etat. Au demeurant, il convient de souligner que le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 26 janvier 200

».

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1 CE, 26 janvier 2000, Pauc et autres, requêtes 197709, 197801

, a annulé l’arrêté du 14 mai 1998 du secrétaire d’Etat en tant qu’il homologuait une décision de l’Autorité fixant les conditions d’utilisation des installations de radioamateurs et de délivrance des certificats et des indicatifs d’opérateurs radioamateurs au motif que les dispositions de cette décision ont été prises par une autorité incompétente.