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Cour d'Appel de Paris Tribunal de Grande Instance de Paris Jugement du : 24 septembre 2015 32e chambre correctionnelle N° minute : 1 N° parquet : 09323096033 JUGEMENT CORRECTIONNEL Aux audiences publiques du Tribunal Correctionnel de Paris les 22 juin 2015, 24 juin 2015, 25 juin 2015, 29 juin 2015, 30 juin 2015 et 2 juillet 2015 a été appelée l’affaire ENTRE : Madame le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE FINANCIER, près ce tribunal, demandeur et poursuivant ***** PARTIES CIVILES : La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne COTE D AZUR, dont le siège social est sis Parc Tertiaire Valgora – Bâtiment 7 – 83160 LA VALETTE DU VAR Chez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile, non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier. * La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis 25, Rue du Louvre 75001 PARIS Chez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile, non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier. * La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne MIDI PYRENEES, dont le siège social est sis 2, Avenue Jean Rieux – 1er étage – 31500 TOULOUSE Chez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile, Page 1 / 163

N1 jugement françois perol-24092015

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Cour d'Appel de Paris

Tribunal de Grande Instance de Paris

Jugement du : 24 septembre 201532e chambre correctionnelleN° minute : 1

N° parquet : 09323096033

JUGEMENT CORRECTIONNEL

Aux audiences publiques du Tribunal Correctionnel de Paris les 22 juin 2015, 24 juin 2015, 25 juin 2015, 29 juin 2015, 30 juin 2015 et 2 juillet 2015

a été appelée l’affaire

ENTRE :

Madame le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE FINANCIER, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

*****

PARTIES CIVILES :

La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne COTE D AZUR, dont le siège social est sis Parc Tertiaire Valgora – Bâtiment 7 – 83160 LA VALETTE DU VARChez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne ILE DE FRANCE,dont le siège social est sis 25, Rue du Louvre 75001 PARISChez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne MIDI PYRENEES,dont le siège social est sis 2, Avenue Jean Rieux – 1er étage – 31500 TOULOUSEChez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

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non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne DE BRETAGNE,dont le siège social est sis 1, Rue de Luzel BP 1559 29105 QUIMER CedexChez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

La CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne RHONE ALPES,dont le siège social est sis Chez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

La CGT DES PERSONNELS DE LA BANQUE-ASSURANCES AUVERGNE LIMOUSIN,dont le siège social est sis 49, Boulevard de Courtais 03100 MONTLUCONChez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

La CGT DES PERSONNELS DU GROUPE BANQUE PALATINE,dont le siège social est sis 10, Avenue de Fontenay 94120 FONTENAY SOUS BOISChez Me KARSENTI Jérôme 2, avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*La Fédération CGT des PERSONNELS DES BANQUES ET ASSURANCES,dont le siège social est sis Case 537 263, Rue de Paris 93515 MONTREUIL, partie civile,chez Me KARSENTI Jérôme 2, Avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

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*

La Confédération Générale du Travail,dont le siège social est sis 263, Rue de Paris 93515 MONTREUIL, partie civile,chez Me KARSENTI Jérôme 2, Avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparante, représentée par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

Le syndicat CGT de la CEPAC,dont le siège social est sis 9, boulevard de Louvain 13008 MARSEILLEchez Me KARSENTI Jérôme 2, Avenue de la République 94100 ST MAUR DES FOSSES, partie civile,

non comparant, représenté par Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris (R215), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

SUD BANQUE POPULAIRE CAISSES D EPARGNE,dont le siège social est sis 24, Boulevard de l'Hôpital 75005 PARIS 5EME, partie civile,

non comparant représenté par Maître Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de Lille, qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*

Monsieur MAJSTER Nathanaël,demeurant : Cabinet de Maître Daniel RICHARD Avocat 133, Boulevard du Montparnasse 75006 PARIS 6EME, partie civile,non comparant, représenté par Maître Daniel RICHARD, avocat au barreau de Paris (D169) et Maître Richard VALEANU, avocat au barreau de Paris (D516), qui déposent des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

Monsieur ANDICHOU Francis, demeurant : 24 rue Henri VI 64160 MORLAAS, partie civile,

non comparant, représenté par Maître Henri MOURA, avocat au barreau de Pau, qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

*****

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TEMOINS :TEMOIN DE LA DEFENSE :

Monsieur NOYER ChristianGouverneur de la Banque de FranceBanque de France 1, rue de la Vrillère 75001 PARIS

comparant à l'audience du 25 juin 2015, à 09h00.

TEMOINS DES PARTIES CIVILES :

Monsieur GUEANT Claudedemeurant 3, rue Weber 75116 PARIS

comparant à l'audience du 25 juin 2015, à 11h.

Monsieur MAUDUIT Laurentdemeurant 5, Rue José-Maria de Hérédia 75007 PARIS

comparant à l'audience du 25 juin 2015, à 15h.

Monsieur DUTHOIS Jean-Christophedemeurant 62, Rue Philippe Fabia 69008 LYON

comparant à l'audience du 25 juin 2015.

Monsieur EDON Jean-Micheldemeurant 10, rue de Savies 75020 PARIS

comparant à l'audience du 25 juin 2015.

Monsieur LEBON Christiandemeurant 19, Rue de la Croxi Blanche 45680 DORDIVES

comparant à l'audience du 25 juin 2015.

Madame ROCHER BrigitteDemeurant 22, Avenu de Paris Campagne 91260 JUVISY SUR ORGE

comparante à l'audience du 25 juin 2015.

Madame BETTINA Christinedemeurant 22, rue de Picardie 75003 PARIS

comparante à l'audience du 25 juin 2015.

Monsieur SAURIN Patrickdemeurant 48, Boulevard de Picpus 75012 PARIS

comparant à l'audience du 25 juin 2015.Page 4 / 163

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ET

Prévenu :Nom : PEROL François, Denis, Mariené le 6 novembre 1963 à LE CREUSOT (Saone-Et-Loire)de PEROL Michel et de MARCEL DeniseNationalité : françaiseSituation familiale : célibataireSituation professionnelle : directeur de sociétéAntécédent judiciaire : jamais condamné

demeurant : 87 BOULEVARD SAINT MICHEL 75005 PARIS

Situation pénale : libre

comparant, assisté de Maître Pierre CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de Paris (P71), qui dépose des conclusions régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

Prévenu du chef de :PRISE ILLEGALE D'INTERETS

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 3 février 2015, suivie d'une citation remise à étude d'huissier le 6 mars 2015 suivie d'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 10 mars 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 18 mars 2015.

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DEBATS

Par ordonnance de l'un des juges d'instruction de ce siège en date du 3 février 2015, Monsieur François PEROL est renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention :

à Paris, courant 2009 et notamment les 25 février, 26 février 2009 et le 31 juillet 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, alors qu'il était chargé, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, au cas présent en tant que secrétaire général-adjoint à la présidence de la République :

- de formuler des avis sur des contrats conclus par une entreprise privée, en l'espèce de participer à la définition des modalités d'apports de fonds publics à des établissements bancaires et de valider ces dispositifs formalisés, en ce qui concerne la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, dans un protocole signé le 16 mars 2009 avec le ministre de l'économie et des finances,

- et de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler des avis sur de telles décisions, en l'espèce, de proposer entre le 16 mai 2007 et le 26 février 2009, directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et Banque fédérale des banques populaires, c'est à dire le montant de l'aide financière accordée par l'État dans le cadre de leur plan de recapitalisation, la structure juridique du futur groupe, les réformes législatives devant accompagner ce rapprochement, l'origine du futur dirigeant et le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement, dans le cadre de l'opération de fusion des Caisses d'épargne (CNCE) et des Banques Populaires (BFBP)

pris une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant l'expiration de ses fonctions en ayant accepté, le 25 février 2009 le poste de directeur général du conseil d'administration de la Banque Fédérale des Banques populaires, le 26 février 2009 le poste de président du directoire de la Caisse Nationale des caisses d'épargne et le 31 juillet 2009, le poste de président du directoire de la BPCE, société anonyme à directoire et conseil de surveillance issue du rapprochement de la CNCE et de la BFBP, alors qu'il avait quitté ses fonctions de secrétaire général-adjoint de l'Élysée depuis moins de trois ans,

Faits qualifiés de prise illégale d'intérêts, prévus et réprimés par les articles 432-13 et 432-17 du Code pénal.

Les débats ont été tenus en audience publique.

Audience du 22 juin 2015, à 9 heures.

A l’appel de la cause, le président a constaté la présence de Monsieur François PEROL.

Monsieur François PEROL a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

*

Le président a procédé à l'appel des parties civiles.

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Au titre de l'action ut singuli, le 27 mai 2015, Monsieur MAJSTER, représenté par Maître RICHARD et Maître VALEANU, avocats au barreau de Paris, a fait citer la BPCE et la Caisse d'épargne d'Ile de France ; le 18 juin 2015, le Tribunal a reçu une lettre de Maître GARAUD, conseil de la BPCE et de la Caisse d'épargne d'Ile de France, concluant à l'irrecevabilité de l'action du requérant et indiquant que les sociétés ne se présenteront pas, dont le président a donné lecture.

Maître Richard VALEANU, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Nathanaël MAJSTER, partie civile, a été entendu en ses observations.

Maître Pierre CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur François PEROL, prévenu, a été entendu en ses observations.

*

Le président a procédé à l'appel des témoins.

Le président a constaté l'absence de Monsieur Christian NOYER, témoin de la défense, et a indiqué qu'il serait auditionné le 25 juin 2015, à 9h.

Le président a donné les dates d'audition aux autres témoins présents et leur a fait interdiction d'assister aux débats et a demandé au chef d'escorte de bien vouloir veiller au respect de cette interdiction.

Le président a donné lecture de la lettre de Monsieur Nicolas SARKOZY, cité en qualité de témoin, et des motifs de son absence.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions sur l'absence de Monsieur Nicolas SARKOZY.

Le président a constaté l'absence de Monsieur Claude GUEANT.

Le président a indiqué aux parties que le Tribunal n'avait été destinataire d'aucun courrier de sa part.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions sur l'absence de Monsieur Claude GUEANT.

Maître Jérôme KARSENTY, avocat au barreau de Paris, conseil des parties civiles, a été entendu en ses observations sur l'absence de Monsieur Nicolas SARKOZY.

Le président a constaté qu'il n'y avait pas d'observations des autres parties.

Le Tribunal s'est retiré pour délibérer lors d'une suspension d'audience.

Après en avoir délibéré lors de cette suspension, le Tribunal a laissé à Monsieur Claude GUEANT la possibilité de se présenter devant le tribunal le jeudi 25 juin 2015 à 11h, et a indiqué qu'il se prononcerait le cas échéant, à ce moment, sur les réquisitions du Ministère Public.

Le Tribunal a indiqué que pour le surplus, les débats se poursuivaient ;

*

Le président a informé Monsieur François PEROL de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

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Mention de cette notification a été faite dans les notes d'audience.

Le président a procédé à l'interrogatoire d'identité de Monsieur François PEROL.

Le président a donné lecture de la prévention.

Le président a rappelé les faits dans un rapport préliminaire.

Le président a instruit l’affaire et interrogé le prévenu présent sur les faits.

Monsieur François PEROL a été entendu en ses déclarations.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 22 juin 2015 à 14h30.

Audience du 22 juin 2015, à 14h30.

Le président a donné lecture de la télécopie de Monsieur Claude GUEANT.

Le président a indiqué que Monsieur Claude GUEANT serait entendu en qualité de témoin à l'audience du 25 juin 2015 à partir de 11h.

L'interrogatoire de Monsieur François PEROL s'est poursuivi et il a été entendu en ses déclarations.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 24 juin 2015 à 09h00.

Audience du 24 juin 2015, à 9 heures.

L'interrogatoire de Monsieur François PEROL s'est poursuivi et il a été entendu en ses déclarations.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 25 juin 2015 à 9h00.

Audience du 25 juin 2015, à 9 heures.

Monsieur Christian NOYER, cité en qualité de témoin à la requête de Monsieur François PEROL, prévenu, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Monsieur Claude GUEANT, cité en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 25 juin 2015 à 15h00.

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Audience du 25 juin 2015, à 15h00.

Monsieur Laurent MAUDUIT, cité en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Monsieur Jean-Christophe DUTHOIS, cité en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Monsieur Jean-Michel EDON, cité en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Monsieur Christian LEBON, cité en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Madame Brigitte ROCHER, citée en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendue en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Madame Christine LARRY, citée en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendue en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Monsieur Patrick SAURIN, cité en qualité de témoin à la requête des parties civiles, a été entendu en sa déposition, après avoir prêté serment conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 29 juin 2015 à 9h00.

Audience du 29 juin 2015, à 9h00.

L'interrogatoire de Monsieur François PEROL s'est poursuivi et il a été entendu en ses déclarations.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 29 juin 2015 à 14h45.

Audience du 29 juin 2015, à 14h45.

L'interrogatoire de Monsieur François PEROL s'est poursuivi et il a été entendu en ses déclarations.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 30 juin 2015 à 9h00.

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Audience du 30 juin 2015, à 9h00.

Maître Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de Lille, conseil du syndicat SUD-BPCE, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.

Maître Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris, conseil des parties civiles, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 2 juillet 2015 à 14h30.

Audience du 2 juillet 2015, à 14h30.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître Pierre CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur François PEROL, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.

Le prévenu a eu la parole en dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis, à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 2 juillet 2015 à 14h30, le Tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 24 septembre 2015 à 13h30, conformément aux dispositions de l'article 462 du Code de procédure pénale.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le Président a donné lecture de la décision, en vertu de l'article 485 du code de procédure pénale, dont la teneur suit.

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PLAN DU JUGEMENT

1.- les étapes de la procédure page 20

1.1.-Les plaintes avec constitution de partie civile page 20

1.1.1.- La plainte avec constitution de partie civile du 3 novembre 2009 du syndicat SUD CAISSES D'EPARGNE page20

1.1.2.- La plainte avec constitution de partie civile du 23 novembre 2009 des syndicats régionaux des agents de la Caisse d'Epargne et de la Banque Palatine page 21

1.1.3. - La plainte avec constitution de partie civile de Monsieur Nathanaël MAJSTER du 19 mai 2010 page 22

1.2.- Les précédentes plaintes classées sans suite par le parquet de Paris page22

1.3.- L'ordonnance disant lieu à informer du 18 juin 2010, à la suite des plaintes avec constitution de partie civile et l'arrêt de la Cour de cassation

page24

2.- Présentation générale de la Banque fédérale des Banques populaires, de la Caisse nationale des Caisses d'épargne et de NATIXIS page 25

2.1.- Le Groupe Banque fédérale des banques populaires page26

2.2.- Le Groupe Caisse nationale des Caisses d'Epargne page27

2.3.- NATIXIS ou le prélude de la fusion de la CNCE et de BFBP page 28

2.3.1- Natexis, Ixis, EULIA page28

2.3.2.- Naissance de Natixis page 29

2.3.2.1.- NATIXIS : une étape dans le rapprochement des deux groupes page29

2.3.2.2.- le projet de rapprochement : un projet largement partagé par les pouvoirs publics page30

2.4.- Un rapprochement ayant fait l'objet de critiques page31

3.-L’analyse de la chronologie des événements de 2002 à 2009 page 32

3.1- Période de 2002 à 2007 page 32

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3.1.1.- Les fonctions exercées par Monsieur François PEROL du 24 mai 2002 au 26 janvier 2005 page 33

3.1.1.1.- Sur le message du 10 juin 2002 adressé par Monsieur François SUREAU page 33

3.1.1.2- Sur le message du 17 juillet 2002 adressé par Monsieur François SUREAU page 34

3.1.1.3- Sur les échanges du 10 octobre 2002 page 34

3.1.1.4- Sur le message du 11 décembre 2003 page 35

3.1.1.5- Sur le message du 3 avril 2004 page 35

3.1.1.6.-Sur le message du 3 mai 2004 page 35

3.1.1.7.-Sur les messages du 25 mai 2004 page 36

3.1.1.8.-Sur le message du 30 novembre 2004 page 36

3.1.2.- Les fonctions exercées par Monsieur François PEROL du 26 janvier 2005 au 16 mai 2007 page 37

3.1.2.1.- Associé gérant au sein de la banque de Rotschild page 37

3.1.2.2- Sur les messages reçus en 2006 page 39

3.2.- Période de 2007 à 2009 page 39

3.2.1.- Sur la période du 16 mai 2007 au 1er septembre 2008 page 39

3.2.1.1.- Sur la rencontre du 23 mai 2007 page 39

3.2.1.2.- Sur les rencontres des 28 et 29 mai 2007 page 40

3.2.1.3.- Le message du 5 juin 2007 page 40

3.2.1.4.- Les messages électroniques de Monsieur Jean-Marie MESSIER des 25, 27 juin et 23 septembre 2007 page 40

3.2.1.5.- Les rendez-vous des 23 juin, 29 juin, 30 juillet et 1er août 2007 page 41

3.2.1.6.- Sur le message du 1er août 2007 adressé par Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE à Monsieur François SUREAU et Monsieur Charles MILHAUD page 41

3.2.1.7.- Les rencontres du 12 septembre 2007, du 19 octobre 2007, du 27 novembre 2007 et du 18 janvier 2008 page 42

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Page 13: N1 jugement françois perol-24092015

3.2.1.8.- Le message de Monsieur Alain BAUER à l'attention de Monsieur Claude GUEANT du 22 octobre 2007 page 43

3.2.1.9.- Les messages de Monsieur François SUREAU du 21 décembre 2007 et du 6 mai 2008 et les visites des 5, 6 mai et 1er juillet 2008 page 43

3.2.1.10.- Sur les échanges de mail du 14 mai 2008 entre Monsieur Didier BANQUY et Monsieur François PEROL et entre Monsieur Bernard DELPIT et Monsieur Stéphane RICHARD page 44

3.2.2.- Sur la période du 1er septembre 2008 au 25 février 2009 page 44

3.2.2.1- Sur le contexte général de la crise financière, à la suite de la faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brother's, facteur d'accélération du projet de fusion des groupes caisses d'épargne et banque populaire page 45

3.2.2.1.1.- un projet ancien relancé par la crise page 45

3.2.2.1.2.- un projet ralenti par les dissensions et tensions internes aux deux groupes page 47

3.2.2.1.3.-Un projet de rapprochement partagé par l’ensemble des pouvoirs publics page 48

3.2.2.1.4.-une relance du projet de fusion à l'initiative des deux groupes : la réunion du 6 octobre, la note au Président du 6 octobre et la conférence de presse du 9 octobre 2008 page48

3.2.2.2-Deuxième accélération donnée au projet de fusion : la révélation d'une perte de 750 millions d'euros enregistrée par la CNCE sur des opérations de marché page51

3.2.2.2.1.- L'ouverture des négociations le 8 octobre 2008 page51

3.2.2.2.2.- L'information de la Présidence de la République et la révélation de la perte, le 10 octobre 2008 page 51

3.2.2.2.3- La rencontre du 14 octobre 2008 entre Monsieur Nicolas SARKOZY et Monsieur Philippe DUPONT page 52

3.2.2.2.3.1.-La note du 14 octobre 2008 rédigé par Monsieur François PEROL à l’attention du Président de la République page 53

3.2.2.2.3.2.-Les explications de Monsieur François PEROL sur l’objet de cet entretien et la portée de cette note page 53

3.2.2.2.3.3.- Sur la présentation dans cette note de Monsieur Philippe DUPONT comme le nouveau dirigeant de l’ensemble fusionné page 54

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3.2.2.2.3.4.- Les déclarations des témoins sur la proposition faite à Monsieur François PEROL de prendre la direction de NATIXIS page 54

3.2.2.2.4.- Le plan national en faveur du financement de l'économie et le vote de la loi du 16 octobre 2008 page 56

3.2.2.2.5.- La démission de Monsieur Charles MILHAUD et de Monsieur Nicolas MERINDOL de la CNCE le 18 octobre 2008 et la rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République le 21 octobre 2008 page57

3.2.2.2.6.- Sur la note du 20 octobre 2008 page 60

3.2.2.2.7.- Sur la poursuite du projet de fusion à la suite de la démission de Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Nicolas MERINDOL et la rencontre du 30 octobre 2008 entre le Président de la République et les nouveaux dirigeants des Caisses d'épargne page 62

3.2.2.2.7.1.- La préparation de l'entretien du 30 octobre 2008 : la réunion avec Monsieur François PEROL du 24 octobre 2008 page63

3.2.2.2.7.2.- La préparation de l'entretien du 30 octobre 2008 : la note de Monsieur François PEROL au Président de la République du 28 octobre 2008

page 64

3.2.2.2.7.3.- Sur la signature de l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance page 65

3.2.2.3.- Troisième accélération donnée au projet de fusion : la situation de la filiale commune des deux groupes, NATIXIS et les pertes annoncées de la CNCE page 68

3.2.2.3.1.- Sur la rencontre entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Claude GUEANT le 10 janvier 2009, la note de Monsieur Claude GUEANT au Président de la République du 12 janvier 2009 et l’annonce des pertes de 2 milliards chez NATIXIS et de 2 milliards chez CNCE page 69

3.2.2.3.2.-Sur la rencontre du 13 janvier 2009 entre Monsieur Philippe DUPONT, Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur François PEROL page70

3.2.2.3.3.- Sur l’accélération du calendrier : l’annonce des résultats le 26 février 2009 page 71

3.2.2.3.4.- Sur la réunion des banques avec le Président de la République le 20 janvier 2009 à 18H00 page 72

3.2.2.3.5.- Sur la note du 27 janvier 2009 page 73

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3.2.2.3.6.-Les trois réunions du 26 janvier, du 12 février et du 19 février 2009 page 73

3.2.2.3.7.- Sur la proposition faite par Monsieur Nicolas SARKOZY à Monsieur François PEROL de prendre la tête du nouvel organe le mercredi 18 février 2009 page 73

3.2.2.3.8.- Sur la note du 19 février 2009 page 74

3.2.2.3.9.- Sur l'appel téléphonique du vendredi 20 février 2009 de Monsieur Claude GUEANT à Monsieur Olivier FOUQUET, conseiller d'État, président de la Commission de déontologie de la fonction publique page 74

3.2.2.3.10.- Sur la réunion du 21 février 2009 page 75

3.2.2.3.10.1.- Présentation de la note du 21 février 2009 page 75

3.2.2.3.10.2.- Le déroulement de cette réunion selon les témoignages reçus page 77

4.- Appréciation des griefs reprochés à Monsieur François PEROL page 80

4.1.- L'appréciation par le tribunal correctionnel de Paris du délit de prise illégale d'intérêts à la suite de l'arrêt du 27 juin 2012 de la chambre criminelle de la Cour de cassation page 81

4.1.1.- L'évolution extensive du délit de prise illégale d'intérêts à la suite de la loi du 2 février 2007 et l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 juin 2012 page 81

4.1.2. - la prise illégale d'intérêts : infraction obstacle du conflit d'intérêts page 82

4.2.- La question de la prise en compte des arguments tenant au rôle du secrétaire général adjoint à la Présidence de la République page 83

4.2.1.- L'argumentation de Monsieur François PEROL page 83

4.2.2.- La position du tribunal sur cette argumentation page 84

4.3.- Les arguments liés au fonctionnement institutionnel de la Vème République sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY page 85

4.3.1.- Le fonctionnement de la Vème République sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY page 85

4.3.2.- La position du tribunal sur les arguments liés au fonctionnement institutionnel de la Vème République sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY page 864.3.3.- La question spécifique des réunions organisées à la Présidence de la République et des entretiens avec le Chef de l'État page 87

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4.4.- La question de la prise en compte par le tribunal de l'activité antérieure à 2007 de Monsieur François PEROL, notamment en qualité d'associé gérant au sein de la banque Rothschild page 88

4.5.- La question de la prise en compte par le tribunal des courriels adressés notamment par Monsieur François SUREAU et des rencontres entre Monsieur François SUREAU et Monsieur François PEROL page 89

4.5.1.Position du tribunal sur les messages antérieurs à mai 2007 page 89

4.5.2.Position du tribunal sur les messages postérieurs à mai 2007 page 90

4.5.2.1.- Sur le message du 5 juin 2007 page 90

4.5.2.2.- Sur le message du 1er août 2007 adressé par Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE à Monsieur François SUREAU et Monsieur Charles MILHAUD page 90

4.5.2.3.- Sur les rencontres des 28 et 29 mai 2007 page 90

4.6.-Sur l'examen de la portée de certaines des rencontres relevées dans la chronologie de la fusion page 92

4.6.1.- Sur les rendez-vous des 23 juin, 29 juin, 30 juillet et 1er août 2007 page92

4.6.2.- Sur les rencontres du 12 septembre 2007, du 19 octobre 2007, du 27 novembre 2007 et du 18 janvier 2008 page 92

4.6.3.- Sur la chronologie des journées des 10 et 12 novembre 2008 au regard de la signature de l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance page 92

4.7.- Sur l'examen de la portée de notes figurant à la procédure page 94

4.7.1.- L'appréciation du tribunal de la note du 6 octobre 2008 page 94

4.7.2.- Sur la portée de la note et de l'entretien du 14 octobre 2008 page 96

4.7.3.- La démission de Monsieur Charles MILHAUD, la rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République et la note élaborée par Monsieur François PEROL le 21 octobre 2008 page 98

4.7.3.1.- Sur la démission de Monsieur Charles MILHAUD page 98

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4.7.3.2.- Sur la rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République et la note élaborée par Monsieur François PEROL le 21 octobre 2008 page 100

4.7.4.- Sur La préparation de l'entretien du 30 octobre 2008 : la note de Monsieur François PEROL au Président de la République du 28 octobre 2008

page 101

4.7.5.- Sur la réunion des banques avec le Président de la République le 20 janvier 2009 à 18H00 et la note élaborée par Monsieur François PEROL à l'attention du Président de la République page 103

5.Analyse par le tribunal de la prévention page 103

5.1.Examen par le tribunal de la première branche de la prévention : le fait d'avoir formulé des avis sur des contrats conclus par les groupes CNCE et BFBP, en l'espèce en participant à la définition des modalités d'apports de fonds publics à des établissements bancaires et en validant ces dispositifs formalisés, en ce qui concerne la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, dans un protocole signé le 16 mars 2009 avec le ministre de l'économie et des finances page104

5.1.1. Sur la note du 20 octobre 2008 page 104

5.1.1.1-Examen par le tribunal des éléments d'ordre financier contenus dans le protocole de négociation visé à la prévention, du 16 mars 2009 page 104

5.1.1.2.- Analyse par le tribunal de la note du 20 octobre 2008 et du protocole du 16 mars 2009 au regard de l'aide globale de l'État apportée aux Caisses d'Epargne et aux Banques populaires : une aide globale de 7 milliards page 105

5.1.1.3.- L'éventuelle portée arbitrale de la note du 20 octobre 2008 page 108

5.1.2 Sur la note du 21 février 2009 page 111

5.1.3 Sur les autres notes page 112

5.2.-Examen par le tribunal de la seconde branche de la prévention : le fait d'avoir proposé directement aux autorités compétentes, à la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire le montant de l'aide financière accordée par l'État dans le cadre de leur plan de recapitalisation, la structure juridique du futur groupe et le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement, dans le cadre de l'opération de fusion des Caisses d'épargne (CNCE) et des Banques Populaires (BFBP) page 112

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5.2.1.- Analyse de la portée des réunions organisées à la Présidence de la République sous la Présidence de Monsieur François PEROL : les trois réunions du 26 janvier, du 12 février et du 19 février 2009 page 113

5.2.1.1.-Sur la chronologie de ces réunions page 114

5.2.1.2.-Sur le contexte de tension entourant le projet de fusion page 115

5.2.1.2.1.- Sur les dissensions entre les pouvoirs publics et les dirigeants des banques eux-mêmes page 115

5.2.1.2.2.- les dissensions entre les dirigeants des banques eux-mêmes page 116

5.2.1.3.-Sur le contenu de ces réunions page 116

5.2.1.4.- Sur l'appréciation par le tribunal de la portée de ces réunions page 119

5.2.1.5.- M. PEROL a-t-il explicitement au cours de ces réunions formulé une proposition de décision ou d’avis ? page123

5.2.1.6.- M. PEROL A-t-il implicitement formulé une proposition de décision ou d’avis ? page 123

5.2.1.7.- Le fait que François PEROL ne se soit pas opposé aux propositions faites par les autorités compétentes vaut-il validation implicite ? page126

5.2.2-Le montant de l'aide financière accordée par l’Etat dans le cadre de leur plan de recapitalisation page 128

5.2.2.1.- Rappel de l'architecture générale de l'aide accordée par l'État page 128

5.2.2.2.- Le rôle de la Présidence de la République dans la détermination de l’aide page 128

5.2.2.3.- Le statut d'indépendance de la Banque de France page 132

5.2.2.4.- L'analyse par le tribunal des autres déclarations portant sur l'aide apportée à la CNCE page 132

5.2.2.5.- Monsieur François PEROL a-t-il validé explicitement ou implicitement le montant de l’aide ? page135

5.2.3.- La structure juridique du futur groupe page136

5.2.3.1.- La structure juridique du groupe et la gouvernance page 136

5.2.3.2.- Le niveau structurel auquel l'aide doit être accordée page 137

5.2.4. - les réformes législatives devant accompagner ce rapprochement page 140

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5.2.4.1.- Sur le rôle de Monsieur François SUREAU dans la détermination des réformes législatives page 141

5.2.4.2.- Sur le rôle de la Présidence de la République dans ces réformes législatives page 142

5.2.4.2.1.- L’argument tiré des échanges de mail du 14 mai 2008 page 142

5.2.4.2.2.- Position du tribunal sur ces messages page 143

5.2.5.- Sur le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement page 144

5.2.6.- l'origine du futur dirigeant page 145

5.2.6.1- Les tergiversations des dirigeants des deux groupes : d’une nomination en interne à une proposition de nomination d’une personne extérieure aux banques page 146

5.2.6.1.1.- L’hypothèse Philippe DUPONT page 146

5.2.6.1.2.- L’hypothèse d’une personne extérieure aux deux groupes page 148

5.2.6.2- L’intervention directe de Monsieur Nicolas SARKOZY dans le processus de nomination de François PEROL page 149

5.2.6.3.- L’incidence de l’absence de saisine de la commission de déontologie page 151

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Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

1.- Les étapes de la procédure

1.1.-Les plaintes avec constitution de partie civile

1.1.1.- La plainte avec constitution de partie civile du 3 novembre 2009 du syndicat SUD CAISSES D'EPARGNE

Attendu que le 3 novembre 2009, Maître Stéphane DUCROCQ déposait plainte auprès du Doyen des juges d'instruction de Paris, exposant qu'en sa qualité de conseil du syndicat SUD CAISSES D'EPARGNE, représenté par son secrétaire général, Monsieur Jean-François LARGILLIERE, il entendait déposer plainte avec constitution de partie civile, contre Monsieur François PEROL suite à sa nomination à la présidence du Directoire de la Caisse Nationale des Caisses d'épargne (CNCE) et à la Direction générale de la Banque fédérale des Banques populaires (BFBP) ;

Attendu qu'il relatait, que le 2 mars 2009, Monsieur François PEROL avait pris la présidence du directoire de la Caisse nationale des Caisses d'épargne (CNCE) et avait été nommé directeur général de la Banque fédérale des Banques populaires (BFBP) ; que pourtant, depuis 2002, Monsieur François PEROL avait exercé des fonctions de Directeur adjoint du cabinet du ministre des finances, Monsieur Francis MER, en charge des questions financières et bancaires, et qu'à ce titre, il avait été chargé de la gestion du dossier de la Caisse des dépôts et consignations et des Caisses d'épargne ; qu'il avait scellé l'accord entre les banques en 2004 visant à la création d'une banque d'investissement, IXIS, dont la Caisse d'épargne devait ensuite prendre le contrôle ; Attendu, selon les termes de la plainte, que dès l'origine, Monsieur François PEROL connaissait parfaitement «le dossier» de la Caisse d'épargne, comme il l'avait affirmé lors de son audition devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale qui s'est tenue le 25 mars 2009 ; que pourtant, en 2006, et malgré un avis défavorable de la commission de déontologie, il avait piloté la création de NATIXIS, en qualité d'associé de la banque Rothschild (banque conseil de la Caisse des dépôts et consignations) ; qu'à ce titre, il aurait perçu près de deux millions d'euros d'honoraires, versés par NATIXIS, banque d'investissement produit d'une fusion des deux entités IXIS et NATEXIS, appartenant aux Caisses d'épargne et Banques populaires ;

Attendu, selon les termes de la plainte, que du 16 mai 2007 au 2 mars 2009, Monsieur François PEROL avait exercé les fonctions de secrétaire général adjoint à la Présidence de la République en charge des questions économiques et sociales ; que durant cette période, il aurait organisé, de concert avec Madame Christine LAGARDE, Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, la venue de l'État dans le capital des Caisses d'épargne et Banques populaires et aurait organisé la fusion des deux banques ;

***

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1.1.2.- La plainte avec constitution de partie civile du 23 novembre 2009 des syndicats régionaux des agents de la Caisse d'épargne et de la Banque Palatine.

Attendu que le 23 novembre 2009, Maître Jérôme KARSENTI déposait plainte avec constitution de partie civile, au nom des syndicats CGT régionaux des agents de la Caisse d'épargne et de la Banque Palatine, constitués en collectif, du chef de prise illégale d'intérêts ;

Attendu, selon les termes de la plainte, que Monsieur François PEROL aurait la qualité d'agent public au sens de l'article 432-13 du Code pénal, «exerça(n)t, avant sa nomination, la fonction de secrétaire général adjoint au cabinet du Président de la République, où il était en charge des affaires financières et industrielles» ; que le membre d'un cabinet est un agent visé explicitement par l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993, qui leur impose la saisine de la commission de déontologie, laquelle a notamment pour but de prévenir la commission de l'infraction de prise illégale d'intérêts ;

Attendu, selon le plaignant, que la nouvelle rédaction de l'article 432-13 du Code pénal, issue de la loi n°2207-148 du 2 février 2007 vise le fait, dans le cadre de fonctions effectivement accomplies, d'exercer une surveillance, laquelle aurait «été largement caractérisée, notamment par la presse» ; qu'ainsi, «le quotidien La Tribune, a-t-il, dans son édition du 6 mars 2009, publié un article sous le titre «Caisse d'épargne Banque populaire : comment l'Elysée a pris le pouvoir», divulguant de nombreux éléments sur le rôle exercé par Monsieur François Pérol, en tant que «pilote» du projet de fusion entre les deux groupes» ;

Attendu que le plaignant faisait état des réunions des 26 janvier, 12 février et 19 février 2009 afin de caractériser le rôle qu'aurait pris Monsieur François PEROL, dans l'opération ; que le 26 janvier, celui-ci aurait convoqué les deux présidents des Caisses d'épargne et des Banques populaires dans son bureau de l'Elysée, avec Monsieur Xavier MUSCA, directeur du Trésor, Monsieur Christian NOYER, gouverneur de la Banque de France et Madame Danièle NOUY, secrétaire générale de la commission bancaire ; que les deux présidents auraient présenté un projet de fusion aux antipodes du projet d'origine et que surpris, Monsieur François PEROL aurait exprimé sa colère, posant un ultimatum à ces deux dirigeants afin que la fusion aille «vite et bien» ; que le 12 février suivant, Monsieur François PEROL aurait annoncé à Monsieur Bernard COMOLET et à Monsieur Philippe DUPONT que le patron du futur groupe ne serait ni un «rouge», ni un «bleu», mais un «violet», c'est-à-dire une personnalité extérieure ; que le 19 février 2009, le leadership du futur groupe se serait joué désormais entre Monsieur François PEROL et Stéphane RICHARD ; que le plaignant citait également un article du Point du 26 février 2009, relatif au rôle de Monsieur François PEROL à l'Elysée sur les dossiers économiques et un article de Médiapart du 2 mars 2009 sur des instructions qu'aurait donné Monsieur François PEROL aux services de l'Etat ;

Attendu, selon les termes de la plainte, que Monsieur François PEROL a été nommé le 26 février 2009 à la présidence du nouvel organe central, commun aux réseaux des banques populaires et des caisses d'épargne et de prévoyance, et détenu à parité entre les deux groupes, comprenant leurs principales filiales dans le domaine de la banque de détail et leurs structures de production et que

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la commission de l'infraction de prise illégale d'intérêts résulterait de la conscience qu'il a eue de commettre le délit, sans avoir à établir une action frauduleuse au détriment de l'Etat ;

***

1.1.3.- La plainte avec constitution de partie civile de Monsieur Nathanaël MAJSTER du 19 mai 2010

Attendu que le 19 mai 2010, Monsieur Nathanaël MAJSTER a déposé plainte avec constitution de partie civile, exposant que «porteur de 10 parts sociales, qui sont des titres de capital de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France», il serait «légitime à engager l'action ut singuli au nom et pour le compte de la Caisse d'épargne Ile-De-France», compte tenu, selon lui, de ce que «les dirigeants ont peur d'engager (une) action en réparation» ; que, selon lui, «jamais un groupe n'a subi une telle purge de ses dirigeants et de ses cadres responsables avec le départ de près de 1000 cadres de l'ex CNCE et des plans sociaux dans les banques (les caisses d'épargne régionales)» ; qu'«en outre, des actifs remarquables sont aujourd'hui mis sur le marché par des banques d'affaires liées à l'actuel dirigeant» ; qu'«enfin, le salaire de Monsieur Pérol a été multiplié par 3 en 2010, par rapport à 2009» ; qu'il appartiendrait donc, selon Monsieur Nathanaël MAJSTER, aux porteurs de parts sociales, des différentes entités du groupe, d'engager l'action ut singuli ;

***

1.2.- Les précédentes plaintes classées sans suite par le parquet de Paris

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'une plainte avait été déposée le 26 mars 2009 par le syndicat SUD Caisse d'épargne auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, du chef de prise illégale d'intérêts ; que les 17 et 24 mars 2009, les associations ANTICOR et les CONTRIBUABLES ASSOCIES avaient également déposé plainte ;

Attendu, qu'à la suite de ces dépôts de plainte, une enquête, en la forme préliminaire, était ordonnée par le parquet de Paris, le 31 mars 2009, du «chef de prise illégale d'intérêts par un ancien fonctionnaire», confiée à la brigade financière ; qu'il était demandé de procéder «à l'audition de Monsieur François PEROL, président du directoire de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et directeur général de la Banque Fédérale des Banques Populaires, afin de préciser si, au sens de l'article 432-13 du code pénal, les conditions dans lesquelles il a exercé ses précédentes fonctions de secrétaire général adjoint à la présidence de la République l'ont conduit effectivement soit à assurer la surveillance des groupes Caisses d'Epargne et Banques Populaires, soit à proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par ces groupes, telles que celles conduisant à leur rapprochement ou à l'obtention d'un soutien financier de la part de l'Etat, soit encore à formuler un avis à l'autorité compétente sur de telles décisions» ;

Attendu que la brigade financière était autorisée par le parquet à s'appuyer sur les déclarations de Monsieur François PEROL faites devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale, lors de la séance publique du 25 mars 2009, laquelle était jointe à la procédure le 3 avril 2009 ; que le 8 avril 2009,

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Monsieur François PEROL était entendu librement par les services de la brigade financière ;

Attendu, après un compte-rendu du 20 mai 2009, qu'il était fait retour de la procédure au parquet le 22 mai 2009 ; que la lettre du 24 février 2009 du Président de la Commission de déontologie, Monsieur Olivier FOUQUET, au secrétaire général de la Présidence de la République était également jointe à la procédure d'enquête ;

Attendu que la procédure faisait l'objet d'une décision de classement sans suite en date du 28 août 2009 ;

Attendu, selon la décision de classement que Monsieur François PEROL a exercé, en qualité d'inspecteur général des finances mis à disposition, les fonctions de secrétaire général adjoint à la Présidence de la République, en charge des questions économiques et sociales, du 16 mai 2007 au 2 mars 2009 et qu'il a ensuite démissionné de ses fonctions au sein de la Présidence de la République ainsi que de l'Inspection générale des finances pour devenir, le 2 mars 2009, président du Directoire de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, président du conseil de surveillance de la banque Natixis ;

Attendu, selon le parquet de Paris, que la fonction de secrétaire général adjoint à la Présidence de la République comportait trois aspects :

-apporter au Président de la République un éclairage sur les conséquences politiques des choix faits en matière économique par le Gouvernement et sur la cohérence de ses choix avec les grandes options politiques du Président ; qu'il s'agissait d'un avis politique et non d'un avis technique, ce dernier relevant des ministères ;

-une mission de «diplomatie économique», c'est à dire préparer notamment les grandes réunions internationales ;

-informer le Président de la République de l'évolution de certains dossiers et l'éclairer sur certaines questions économiques, notamment par la production de synthèses sur la conjoncture ou la préparation de rencontres avec certains interlocuteurs ;

Attendu, selon la décision de classement, que Monsieur François PEROL n'avait aucun pouvoir ni délégation de signature, ni de mission de surveillance ou de contrôle sur les deux groupes bancaires ;

Attendu que pour le procureur de la République, au regard d'une part, des missions d'un secrétaire général adjoint, en l'absence de texte fixant notamment leurs attributions ou leur délégant des pouvoirs particuliers et, d'autre part, de la teneur de la lettre du Président de la commission de déontologie du 24 février 2009, s'inscrivant dans la lignée de la jurisprudence de la commission, il apparaissait que «la mission de Monsieur François PEROL a consisté à informer et donner un avis au Président de la République sur le rapprochement des groupes Banque Populaire et Caisse d'épargne, sur le soutien financier de l'Etat et sur l'explication à donner de ces décisions à l'opinion publique» ; que, «le secrétaire général adjoint à la Présidence de la République n'étant pas une autorité publique compétente soit au titre de la

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régulation, soit au titre du contrôle, comme le ministre des finances ou le gouverneur de la Banque de France pour intervenir dans ce dossier, les éléments constitutifs de la prise illégale d'intérêts au sens de l'article 432-13 du Code pénal, ne sont pas caractérisés» :

***1.3.- L'ordonnance disant y avoir lieu à informer du 18 juin 2010, à la suite des plaintes avec constitution de partie civile et l'arrêt de la Cour de cassation

Attendu qu'à la suite du dépôt de plaintes avec constitution de partie civile et du versement de la consignation, le procureur de la République, pour les mêmes motifs que ceux articulés dans la décision de classement sans suite du 28 août 2009, délivrait des réquisitions de non-lieu à informer le 15 mars 2010 ;

Attendu que le 18 juin 2010, le magistrat instructeur rendait une ordonnance disant y avoir lieu à informer aux motifs notamment que s'«il n'existe pas de textes fixant leurs attributions ou leur déléguant des pouvoirs particuliers, exception faite des délégations de signature qui peuvent être accordées au Directeur de Cabinet d'un Ministre, voir à son Directeur adjoint, les collaborateurs du Président de la République tout comme les membres d'un cabinet ministériel sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 432-13 du Code pénal, car même si ce point n'est pas extrêmement tranché en jurisprudence, tout conduit à penser que l'expression «fonctionnaire ou agent d'administration» inclut l'hypothèse d'un collaborateur d'un cabinet présidentiel ou ministériel» ; que «la question posée est de savoir si la preuve peut être rapportée de ce que Monsieur PEROL a exercé au titre de ses fonctions à la Présidence de la République, soit une fonction de surveillance ou de contrôle susceptible de donner lieu à des observations à l'égard des Caisses d'Epargne (C.N.C.E.) et de la Banque Fédérale des Banque Populaires (B.F.B.P.) ou de conduire à l'intervention d'une décision favorable ou défavorable à celles-ci, soit des fonctions le conduisant à proposer directement à l'autorité compétente, des décisions relatives à des opérations réalisées par elles, ou de formuler un avis sur de telles opérations» ;

Attendu, selon le magistrat instructeur, que «le secrétaire général de l'Elysée est assisté de deux secrétaires généraux adjoints chargés plus particulièrement des questions économiques et sociales et qu'il incombe au secrétariat général de procéder à la préparation technique des Conseils des ministres en collaboration étroite avec le secrétaire général du gouvernement, et que dès lors, dans ce cadre, Monsieur François PEROL était susceptible de donner des avis ou d'intervenir par sa position auprès de l'autorité publique compétente dans le dossier» ;

Attendu que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris interjetait appel de cette ordonnance le 23 juin 2010 ;

Attendu que sur cet appel, la chambre de l'instruction a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile précitées et dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque, en application de l'article 86, alinéa 4 du Code de procédure pénale ;

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Attendu que, pourvoi ayant été interjeté contre l'arrêt de la Cour d'appel par les parties civiles, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 27 juin 2012 a jugé que, «pour infirmer l'ordonnance du juge d'instruction disant y avoir lieu à informer contre M.Perol, du chef de prise illégale d'intérêts, l'arrêt énonce notamment que, de façon manifeste au regard de la nature de ses fonctions, ce dernier n'est pas intervenu et ne pouvait pas intervenir dans le processus formalisé de prise de décisions administratives relatives à la fusion et à la recapitalisation des établissements bancaires et qu'en conséquence, les investigations envisagées par le juge d'instruction ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher la nature des fonctions effectivement exercées par l'intéressé et alors que l'article 432-13 du code pénal n'exige pas que l'intervention du fonctionnaire s'inscrive dans le processus formalisé des décisions administratives, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé;

Attendu que l'évolution législative et jurisprudentielle du délit de prise illégale d'intérêts amène à considérer que dès lors que l'article 432-13 du Code pénal n'exige pas que l'intervention de la personne s'inscrive dans le processus formalisé des décisions administratives, il y a lieu de rechercher la nature des fonctions effectivement exercées par l'intéressé et de procéder à une analyse in concreto des actes accomplis par Monsieur François PEROL, ainsi qu'aux actions concrètes qu'il a pu mener, en s'attachant à ses pouvoirs réels et effectifs;

***

2.- Présentation générale de la Banque fédérale des Banques populaires, de la Caisse nationale des Caisses d'épargne et de NATIXIS

Attendu que les faits qui sont reprochés à Monsieur François PEROL prennent place dans le contexte du rapprochement entre le groupe Banque populaire et le groupe Caisse d'épargne ;

Attendu que les établissements de crédit du réseau mutualiste et coopératif, créés à la fin du 19ème siècle, sous la pression des pouvoirs publics ont eu pour objet de faire bénéficier des agents économiques dont les opérations étaient considérées comme peu rentables par les banques traditionnelles de financements adaptés à leurs besoins ; qu'à la différence des banques commerciales, le réseau coopératif et mutualiste présente une structure hiérarchisée et décentralisée comprenant généralement trois niveaux : des caisses locales, des caisses régionales et des organes centraux assurant des fonctions financières et de concertation ;

Attendu que la première des caisses d'épargne a été créée en 1818, sous l'égide de l'État, dans le but de favoriser la prévoyance sociale des agents économiques les plus modestes, ces établissements pouvant proposer des livrets d'épargne ;

Attendu qu'un long mouvement va s'opérer de transformation de ces banques mutualistes et coopératives en banques universelles ;

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Attendu qu'il résulte des débats que les faits reprochés à Monsieur François PEROL s'inscrivent dans ce contexte macro-économique de profonde transformation et de restructuration du système bancaire et financier français, ainsi que cela a été développé lors de l'audience à l'occasion de la déposition des témoins entendus à la demande des parties civiles, le jeudi 25 juin 2015 ;

Attendu qu'il y a lieu de relever le témoignage de Monsieur Laurent MAUDUIT, journaliste à Médiapart, évoquant «l'économie sociale à la française» ;

Attendu toutefois, qu'il n'appartient pas au tribunal, d'apprécier cette transformation, évoquée à l'audience par Monsieur Laurent MAUDUIT comme étant «l'implosion de ce système» ;

2.1.- Le Groupe Banque fédérale des banques populaires

Attendu qu'il résulte de la Décision n°09-DCC-16 du 22 juin 2009 de l'Autorité de la Concurrence relative à la fusion entre les groupes Caisse d'épargne et Banque populaire, versée aux débats, que la Banque fédérale des banques populaires dite BFBP, était une société anonyme ayant la qualité d'établissement de crédit agréé en qualité de banque et assurant les fonctions d'organe central du réseau des Banques populaires ; qu'elle était détenue par les différents établissements qui lui étaient affiliés, à savoir 18 banques populaires régionales, la CASDEN Banque Populaire et, depuis l'acquisition en 2002 du groupe Crédit coopératif, le crédit coopératif Banque Populaire ; que ces établissements avaient le statut légal de sociétés anonymes coopératives de banque populaire à capital variable ; que la structure capitaliste présentait la forme d'une «pyramide inversée», puisque les sociétaires -au nombre de 3, 4 millions - détenaient 80 % du capital et des droits de vote des 20 Banques Populaires, les 20 % restant étant détenus par Natixis via des certificats coopératifs d'investissement ; que les 20 Banques populaires détenaient à leur tour 99, 51 % de la BFBP ;

Attendu que la BFBP, en tant qu'organe central, exerçait les missions de définition de la stratégie, de coordination et d'animation de l'ensemble des entités sur lesquelles elle exerçait un contrôle administratif, technique et financier ; qu'elle mettait en œuvre la solidarité financière du groupe, définissant la politique et les orientations stratégiques, négociait et concluait, pour le compte de son réseau, des accords nationaux et internationaux ;

Attendu que les Banques populaires régionales, la CASDEN Banque populaire et le Crédit coopératif étaient actifs dans les secteurs de la banque de détail et de la banque commerciale ; que le crédit coopératif Banque populaire adoptait un statut légal de société coopérative anonyme de banque populaire le 30 janvier 2013 ;

Attendu qu'en 2008, la BFBP acquérait auprès du groupe HSBC son réseau de banques régionales en France, composé de la Société Marseillaise de Crédit, la Banque de Savoie, la Banque Chaix, la banque Dupuy, de Perseval, la Banque Marze, la Banque Pelletier et le Crédit commercial du Sud-ouest ; que ces banques étaient actives principalement dans les secteurs de la banque de détail et de la banque commerciale et marginalement dans le secteur de la distribution

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de produits d'assurance ;

Attendu que le groupe banque populaire était également actif dans le secteur des services immobiliers via la société Foncia dont il avait pris le contrôle exclusif en 2007, ainsi que dans le secteur de l'assurance via deux filiales de la BRED, Prepar Vie et Prepar IAD ;

Attendu que l'ensemble du groupe réalisait en 2008 un produit net bancaire de 7 253 millions d'euros ;

Attendu que Monsieur Philippe DUPONT a été le président et le directeur général de la banque fédérale des banques populaires jusqu'au mercredi 25 février 2009, date où Monsieur François PEROL était nommé directeur général des banques populaires par le conseil d'administration ;

Attendu à cet égard que Monsieur Philippe DUPONT devait déclarer : «en 1984, j'ai été approché par les Banques Populaires pour devenir administrateur de la Banque Populaire de l'Ouest de PARIS. 4 ans plus tard, on m'a proposé de prendre la Présidence de cette banque (BPROP), fonction que j'ai acceptée tout en conservant la Présidence et la Direction générale de la société familiale ; en 1990, j'ai été appelé au Conseil d'administration du Groupe Banques Populaires et j'en suis devenu Vice-Président. En 1999, j'ai été élu Président du Groupe Banques Populaires et j'ai créé la Banque Fédérale des Banques Populaires (BFBP) qui est devenu l'organe central du Groupe dont je suis devenu le PDG»;

Attendu qu'à l'occasion de la nomination de Monsieur François PEROL en qualité de directeur général, il a été procédé, à cette occasion, à la dissociation des fonctions de président et de directeur général que M. Philippe DUPONT centralisait (D142) ;

Attendu que le directeur général délégué était jusqu'au 25 février Monsieur Bruno METTLING ; qu'il indiquait (D118), avoir été «en charge d'animer la négociation qui a conduit au rapprochement avec les caisses d'épargne».

2.2.- Le Groupe Caisse nationale des Caisses d'Epargne

Attendu qu'il résulte de la décision du 22 juin 2009 de l'Autorité de la Concurrence précitée, que la Caisse nationale des Caisse d'épargne était une société anonyme, ayant également la qualité d'établissement de crédit agréé en qualité de banque, réunissant les fonctions d'organe central des établissements qui lui étaient affiliés à la tête de réseau ;

Attendu que le groupe Caisse d'épargne était constitué de 17 caisses d'épargne et de prévoyance régionales regroupant 287 sociétés locales d'épargne et 3, 7 millions de sociétaires, lesquels détenaient le capital de la CNCE ;

Attendu que la structure du capital du groupe Caisse d'épargne présentait également la forme d'une «pyramide inversée» ; que les 3,5 millions de sociétaires détenaient 80 % des 17 caisses d'épargne et de prévoyance régionales, les 20 % restant étant détenus par Natixis via des certificats coopératifs d'investissement (CCI) ; que les caisses d'épargne et de prévoyance

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régionales détenaient 100 % de la CNCE, depuis la sortie de la Caisse des dépôts et consignations du capital le 29 janvier 2007 ;

Attendu que le groupe Caisse d'épargne était actif dans les secteurs de la banque de détail et de la banque commerciale via les caisses d'épargne, le crédit foncier et la banque Palatine, mais également dans le secteur des services immobiliers via un ensemble de sociétés, telles Perexia, filiale détenue à 100% par le groupe Caisse d'épargne, ainsi que dans le secteur de l'assurance ; que le Groupe était également présent dans les territoires ultramarins via le groupe Océor composé de 12 banques ;

Attendu qu'en 2007, la CNCE acquérait le contrôle exclusif de la société NEXITY, active dans le secteur de la promotion immobilière et les services immobiliers, à destination des particuliers et des professionnels ; qu'elle était également active depuis 2007 dans le secteur du courtage en prêts immobiliers ;

Attendu que le groupe Caisse d'épargne et Natixis étaient également présents dans le secteur de la réassurance ;

Attendu que l'ensemble du groupe réalisait en 2008 un produit net bancaire d'environ 8 400 millions d'euros ;

Attendu que jusqu'au 9 octobre 2008, le président du directoire de la CNCE était Monsieur Charles MILHAUD ainsi que le directeur général des caisses d'épargne ; que le 9 octobre 2008, Monsieur Bernard COMOLET devenait le président du directoire de la Caisse nationale des Caisses d'Epargne et Monsieur Alain LEMAIRE, le Directeur général ;

2.3.- NATIXIS ou le prélude de la fusion de la CNCE et de BFBP

2.3.1- Natexis, Ixis, EULIA

Attendu, d'une part, qu'en 1996, la banque Natexis SA naît de la fusion du Crédit national et de la Banque française pour le commerce extérieur ; qu'en 1998, le groupe des banques populaires procédait à l'acquisition de Natexis SA ;

Attendu, d'autre part, que dans la perspective de séparer les activités relevant d'une mission de service public et de celles regroupant des activités concurrentielles, la Caisse des dépôts et consignations créait une filiale appelée «CDC Ixis», chargée de ces dernières activités ;

Attendu qu'il résulte d'un avis du 17 juin 2004 de la Commission des participations et des transferts (publié au journal Officiel du 27 juin 2004) que la Caisse des dépôts et consignations et les Caisses d'épargne ont entretenu des relations étroites durant tout le 19ème et le 20ème siècle ; qu'à la suite de la loi du 25 juin 2009 réformant le statut du réseau des Caisses d'épargne, les deux groupes ont organisé leurs rapports au sein de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance par un acte d'actionnaires ; que, «désireuses de renforcer leur partenariat en mettant en commun leurs intérêts dans les activités financières concurrentielles au sein d'une société commune, la Caisse

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des dépôts et la CNCE ont en 2001 conclu un accord dénommé «l'Alliance» ; que, «dans ce cadre, la Caisse des dépôts cédait la majorité de sa filiale CDC Ixis à la Compagnie financière Eulia constituée avec la CNCE, la Caisse des dépôts détenant dans le capital d'Eulia une participation majoritaire (50,1 %). La CNCE apportait pour sa part à CDC Ixis, son pôle finances, 40 % du Crédit foncier de France et ses participations dans des filiales» ;

Attendu qu'un nouveau partenariat entre la Caisse des dépôts et les Caisses d'épargne a eu pour objet de transférer le contrôle de CDC Ixis (via Eulia) à la CNCE, la Caisse des dépôts étant actionnaire stratégique, avec 35 % du capital de la CNCE dans sa nouvelle configuration ;

Attendu ainsi qu'un décret n°2004-610 du 25 juin 2004 autorisait le transfert au secteur privé de la propriété de la société Compagnie financière Eulia, après avis conforme de la Commission des participations et des transferts recueilli le 17 juin 2004 en application des articles 3 et 20 de la loi n°26-912 modifiée relative aux modalités des privatisations ;

2.3.2.- Naissance de Natixis

2.3.2.1.- NATIXIS : une étape dans le rapprochement des deux groupes

Attendu que par une décision C2006/45 et une lettre du ministre de l'économie et des finances en date du 10 août 2006, relative à une concentration dans le secteur des services bancaires, publiée au BOCCRF du 15 septembre 2006, est née la filiale commune NATIXIS, issue du rapprochement de NATEXIS et IXIS, laquelle regroupait les activités de banque de financement et d'investissement des deux groupes ; que cette filiale commune était détenue, conjointement et à parité, à hauteur de 34, 6 % par la CNCE et la BFBP, le reste du capital étant réparti entre le public et les institutionnels ; que cotée en bourse, Natixis intervient à titre principal sur les marchés de la banque de financement et d'investissement, et plus accessoirement, sur certains marchés de la banque commerciale ;

Attendu que la CNCE a apporté à Natixis ses filiales Compagnie 1818, CACEIS, CGE Garanties, Gestitres, IXIS CIB, IXIS Asset management, CIFG, CEFI, GCE FS, GCE Affacturage, GCE Bail et Foncier assurance ; que la BFBP a apporté à Natixis ses filiales Novacrédit et Natexis Banque Populaire regroupant l'ex Crédit National et l'ex banque France du Commerce extérieur (avec ses propres filiales, notamment la Coface, Natexis Interépargne, Natexis Asset Management, Natexis Investor servicing, Natexis Factorem, Banque privée Saint Dominique, Natexis assurance, Natexis Lease, Natexis Bleichroeder et Natexis private Equity) ;

Attendu que Monsieur Dominique FERRERO était directeur général et membre du directoire de NATIXIS ; qu'il indiquait (D117) être «arrivé dans le dispositif NATIXIS le 1er mai 2006 en qualité de conseiller de Monsieur Philippe DUPONT qui à l'époque était le président du Groupe BANQUES POPULAIRES et Président de NATEXIS BANQUE POPULAIRE. J'ai donc été recruté comme conseiller dans l'objectif de devenir le futur Directeur général de l'entité NATIXIS, qui devait résulter de la fusion IXIS et NATEXIS BANQUES POPULAIRES (NBP)» ;

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Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure soumises à l'appréciation du tribunal et des débats que le rapprochement entre la CNCE et la BFBP était un projet ancien, dont NATIXIS a constitué une des étapes ;

2.3.2.2.- le projet de rapprochement : un projet largement partagé par les pouvoirs publics.

Attendu qu'il apparaît en outre que ce projet de rapprochement était un projet largement partagé par les pouvoirs publics et les opérateurs économiques ;

Attendu ainsi que les déclarations de Monsieur Philippe DUPONT, de Monsieur Charles MILHAUD et de Monsieur Christian NOYER, gouverneur de la Banque de France, confirment de manière convergente tant l'ancienneté du projet que l'assentiment largement partagé de la part des pouvoirs publics ;

Attendu que, sur l’ancienneté du projet, Monsieur Xavier MUSCA (D131) indiquait que «la fusion des caisses d'épargne et des banques populaires était considérée par les deux groupes dès le moment où ensemble les banques avaient créé une filiale d'investissement commune, NATIXIS. Les deux dirigeants à l'époque, MM.DUPONT et MILHAUD, étaient venus me trouver, j'étais directeur du Trésor, pour me présenter NATIXIS comme le premier pas vers la fusion.»

Attendu que selon Monsieur Philippe DUPONT (D142), «après diverses acquisitions du Groupe BFBP et notamment la Société NATEXIS qui deviendra NATEXIS Banques Populaires (acquisition d'un noyau dur dans le cadre d'une privatisation, puis de la majorité des titres par OPA), dont j'ai été le Président dès 1999, nous nous sommes rendus compte que notre banque de financement et d'investissement n'avait pas suffisamment développé ses activités de marchés. Ceci nous était notamment reproché par les investisseurs, certains analystes et certains actionnaires.» ; qu'il ajoutait que «Le groupe Caisse d'épargne m'a approché pour évoquer l'avenir de sa banque d'investissement IXIS, nous avons débouché en novembre 2006 sur la création de NATIXIS, fusion de NATEXIS avec IXIS (...). Par cette opération NATIXIS était filiale à parité des deux organes centraux BFBP et CNCE. A cette occasion, je suis devenu Président du Directoire de NATIXIS, Charles MILHAUD (Président du Directoire de CNCE), devenant Président du Conseil de Surveillance de NATIXIS.»

Attendu, que de manière particulière, Monsieur Philippe DUPONT précisait que «depuis 1999, tous les Ministres de l'Economie et des Finances m'avaient incité à me rapprocher des Caisses d'Epargne. Cette idée de rapprochement existait de longue date et s'imposait aux Ministres successifs de Bercy» ;

Attendu que le témoignage de Monsieur Charles MILHAUD confirmait encore les déclarations de Monsieur Philippe DUPONT sur la volonté des pouvoirs publics, de longue date, de voir le rapprochement des Groupes banque populaire et Caisse d'épargne se réaliser ;

Attendu ainsi, selon Monsieur Charles MILHAUD (D138), «qu'il faut remonter à mon avis à l'acquisition que nous avions faite auprès de la CDC (dirigée à l'époque par feu Francis MAYER) de la filiale IXIS, filiale

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permettant à la CNCE d'exercer une activité de marché ; parallèlement, dans ce cadre là, au cours des entretiens que j'avais eus avec M. Francis MER, alors Ministre des Finances, celui-ci me faisant part de son accord sur cette opération, m'avait indiqué qu'il souhaitait que par la suite un rapprochement avec les Banques Populaires s'engage»; qu'il ajoutait : «Il faut dire que c'était une option qui avait cours à Bercy depuis longtemps, le Ministère des Finances, quelle que soit la couleur politique, souhaitant ce rapprochement sans que cela soit exprimé officiellement» ;

Attendu, sur la création de NATIXIS, que Monsieur Charles MILHAUD (D138) déclarait ainsi : «selon ma mémoire en 2005, par l'intermédiaire de M.Bruno METTLING qui était passé aux Banques Populaires, j'ai été approché par ce Groupe bancaire, pour voir dans quelle mesure il ne serait pas intéressant de rapprocher IXIS et la filiale NATEXIS des Banques Populaires pour créer NATIXIS et détenir ensemble à parité plus de la moitié du capital social de cette nouvelle structure ; cette filiale permettait aux deux groupes bancaires d'intervenir sur les marchés de manière plus importante. L'intérêt pour moi dans cette opération, résidait aussi dans le fait que NATEXIS possédait une filiale d'assurance et que par la suite cela pouvait être intéressant pour la CNCE ; le rapprochement s'est donc fait avec la bénédiction de Bercy mais pour réaliser cette opération il fallait que la CDC sorte du capital de la CNCE» ;

Attendu, enfin que Monsieur Christian NOYER, entendu par le magistrat instructeur (D176) devait faire des déclarations confirmant celles de Monsieur Philippe DUPONT et de Monsieur Charles MILHAUD ; que selon lui, «la fusion BP/CE est une opération dont l'origine remonte assez loin dans le temps ; que dès 1996, le groupe Caisse d'épargne et le groupe Banque Populaire, décident de créer une filiale commune, NATIXIS qui regroupe du côté des banques populaires, l'ancien crédit national et l'ancienne banque française du commerce extérieur et du côté des caisses d'épargne les activités de marché dont elle avait hérité de la Caisse des dépôts. Dès cette époque là les dirigeants nous indiquent qu'à terme le rapprochement des deux groupes pourrait faire du sens industriel, puisqu'on a d'un côté les caisses d'épargne qui collectent beaucoup de dépôts et sont peu implantées dans les entreprises et de l'autre les banques populaires qui ont une vaste clientèle d'entreprises auxquelles elles font du crédit mais qui manquent de ressources» ;

Attendu que Monsieur Christian NOYER devait, à l'audience, indiquer que l'initiative de la relance du processus de fusion ne résultait pas d'une «Caisse d'Epargne impulsion politique» ; qu'il ajoutait, ainsi qu'il sera examiné ultérieurement qu'au moment de l'annonce des pertes début janvier 2009 des pertes de NATIXIS, «les groupes se sont tournés vers l'Etat» ;

2.4.- Un rapprochement ayant fait l'objet de critiques

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que la création de NATIXIS ne se réalisa pas sans difficultés et que de fortes oppositions sont nées tant sur ce projet que sur la lente démutualisation à laquelle elle semblait procéder ;

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Attendu que le tribunal relève, au titre des pièces versées aux débats par Maître Jérôme KARSENTI, un rapport du 12 juin 2015 de la Caisse nationale des caisses d'épargne où en page 8 il est indiqué que «le groupe caisse d'épargne risque (…) de se trouver confronté avec la création de NATIXIS à une double exigence qui semble difficile à satisfaire : d'une part, le maintien de son rôle économique et social lié notamment à son statut de mutualiste, d'autre part, apporter des réponses aux standards de rentabilité qu'exige le marché afin de crédibiliser le projet présenté» ;

Attendu qu'en outre, des communiqués syndicaux montrent l'opposition forte à ce projet de rapprochement, qui pour certains, était en contradiction avec l'esprit mutualiste ;

Attendu enfin que la création de NATIXIS a été source de conflit entre la Caisse des dépôts et consignations et les caisses d'épargne, la première détenant 35 % des secondes ; que monsieur Augustin de ROMANET a relaté ce conflit (D139/2) : «La séparation entre la CDC et les Caisses d'Epargne au sein de l'actionnariat d'IXIS s'est déroulée dans des conditions douloureuses fin 2005- début 2006. Le directeur général de l'époque de la CDC (mon prédécesseur), Francis MAYER ayant le sentiment d'être trahi par les caisses d'épargne qui lui avaient promis que l'actionnariat commun d'IXIS serait durable. Dans ce contexte de passif, mes relations avec les caisses d'épargne étaient limitées au strict minimum. La CDC gardait encore dans ses livres plusieurs millions de garanties d'engagement de la caisse nationale des caisses d'épargne, par ailleurs beaucoup de collaborateurs de la CDC restaient détachés à la CNCE ou dans la filiale IXIS. J'attachais donc un soin particulier à maintenir une sorte de muraille de Chine avec les Caisses d'épargne, l'affectio societatis ayant été brisé dans des conditions incontestables» ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que 7 milliards d'euros devaient être versés au titre du dédommagement de la Caisse des dépôts et consignations résultant de la création de Natixis ;

***

3.-L’Analyse de la chronologie des événements de 2002 à 2009

3.1- Période de 2002 à 2007

Attendu que, par arrêté du 22 mai 2001, Monsieur François PEROL, inspecteur des finances de 1ère classe, est nommé sous-directeur du financement de l'économie et du développement des entreprises à la direction du Trésor du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une durée de trois ans (arrêté portant détachement de l'inspection générale des finances du 13 juillet 2001) ;

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3.1.1.- Les fonctions exercées par Monsieur François PEROL du 24 mai 2002 au 26 janvier 2005

Attendu que par arrêté du 24 mai 2002, Monsieur François PEROL est nommé au cabinet du Ministre de l'Economie, Monsieur Francis MER, comme directeur adjoint, en 2ème position (2ème directeur adjoint sur 3, le Directeur de cabinet étant Monsieur Xavier MUSCA qui sera au moment des faits, directeur du Trésor) ; que le 3ème directeur adjoint de cabinet est Monsieur Augustin DE ROMANET qui sera au moment des faits, président de la Caisse des dépôts et consignations ;

Attendu que par arrêté du 5 avril 2004 portant nomination au cabinet du ministre d'Etat, Monsieur Nicolas SARKOZY, Monsieur François PEROL est nommé Directeur de cabinet adjoint – le cabinet comprenant cinq directeurs de cabinet adjoints-, Monsieur François PEROL étant le deuxième dans l'ordre protocolaire, Monsieur Xavier MUSCA chargé de mission auprès du ministre, étant le premier ;

Attendu, selon les plaignants et l’accusation que Monsieur François PEROL connaissait le dossier du Groupe Caisse d’Epargne et du Groupe Banque Populaire, pour avoir, depuis 2002, alors qu’il exerçait les fonctions de directeur-adjoint du cabinet de Francis MER, ministre des finances en charge des questions financières et bancaires, été chargé de la gestion du dossier de la Caisse des dépôts et consignations et des Caisses d’épargne et qu’il avait, en 2004, «scellé» l’accord entre les banques visant à créer la banque d'investissement IXIS, dont la Caisse d'épargne avait pris ensuite le contrôle ;

***

Attendu qu'il y a lieu, au titre de la chronologie des événements de rappeler ci-dessous l'ensemble des messages figurant en procédure avant d'en apprécier la portée sur les chefs de prévention retenus à l'encontre de Monsieur François PEROL au point 4.5. ;

3.1.1.1.- Sur le message du 10 juin 2002 adressé par Monsieur François SUREAU (D34)

Attendu qu’il résulte d’un message du 10 juin 2002, adressé par Monsieur François SUREAU à Monsieur Philippe WAHL -qui occupait, en 2002, les fonctions de directeur général de la Caisse nationale d’épargne-, Monsieur Charles MILHAUD -qui occupait en 2002 les fonctions de président du directoire de la CNCE- et Madame Christiane MARCELLIER, ayant pour objet «PEROL dans sa chambre introuvable» : «Je viens d'avoir un PEROL en grande forme, sur le thème «bon, maintenant on a la chambre qu'il faut. Quand est ce qu'on y va avec l'écureuil ?» ; «Le vent est dans le bon sens. il va falloir voir Remont (qui occupait en 2002 les fonctions de directeur de cabinet adjoint du Ministre des Finances Francis MER) juste après F-vive, et je continuerai en duo avec PEROL derrière. Profitons de L'euphorie.»

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3.1.1.2- Sur le message du 17 juillet 2002 adressé par Monsieur François SUREAU (D35)

Attendu qu’il résulte d’un message électronique du 17 juillet 2002, adressé par Monsieur François SUREAU à Madame Christiane MARCELLIER -qui occupait, en juillet 2002 les fonctions de directeur de la stratégie à la Caisse nationale des caisses d’épargne-, Monsieur Alain MINC -qui occupait les fonctions de président du conseil de surveillance du journal Le Monde-, Monsieur François HENROT -qui occupait, au cours du mois de juillet 2002, les fonctions d’associé-gérant au sein de la banque ROTHSCHILD-, Monsieur Philippe WAHL et Monsieur Charles MILHAUD, ayant pour objet «discussion PEROL» :

«J 'ai eu PEROL sur le calendrier : en soulignant les points relatifs 1) à la nécessité de faire CNP-Eulia pour le rating, et 2) au temps nécessaire à la mise en ordre du réseau en période de renouvellement des présidents de directoire. Il a parfaitement compris, mais son propos est « nous sommes d'accord sur la stratégie, mais ne confondons pas vitesse et précipitation, Matignon et nous sommes en ligne la dessus.» «Je propose donc une pause de maturation de quelques semaines.».

3.1.1.3- Sur les échanges du 10 octobre 2002 (D36)

Attendu qu’il résulte d’un échange de messages électroniques, ayant pour objet «tribulations de l'écureuil (suite)», que Monsieur François SUREAU écrivait à Monsieur François PEROL (sans indication de date et d’heure) : «Souhaitez-vous que Wahl et moi passions vous voir pour évoquer quelques problèmes de méthode, de périmètre et de calendrier concernant le projet des caisses d’épargne? Si tel est le cas, je prends rendez-vous avec votre secrétariat» ;

Attendu que Monsieur François PEROL répondait le 10 octobre 2002 à 9H07 en ces termes : «C’est toujours un plaisir de vous voir! Je me demande même si la bonne méthode ne serait pas d’abord – n’en dites rien à votre client – un tête à tête» ;

Attendu que ce message était le même jour transféré à 12H00 par Monsieur François SUREAU à Monsieur Charles MILHAUD, sans message d’accompagnement ;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l'audience que ce projet «des caisses d'épargne» visait le transfert du contrôle de CDC Ixis (via Eulia) à la CNCE, la Caisse des dépôts devenant actionnaire stratégique, avec 35 % du capital ; qu'ainsi qu'il a été rappelé précédemment, un décret n°2004-610 du 25 juin 2004 autorisait le transfert au secteur privé de la propriété de la société Compagnie financière Eulia, après avis conforme de la Commission des participations et des transferts recueilli le 17 juin 2004 en application des articles 3 et 20 de la loi n°26-912 modifiée relative aux modalités des privatisations ;

Attendu, selon Monsieur François PEROL, qu'il y avait un «intérêt budgétaire, car l'Etat pouvait percevoir un dividende exceptionnel de la Caisse des dépôts et consignations» (page 17 des notes d'audience) ;

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3.1.1.4- Sur le message du 11 décembre 2003 (D37)

Attendu que le 11 décembre 2003, Monsieur François SUREAU adressait à Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Nicolas MERINDOL un fichier «amendement à l’article 40 bis(nouveau) du projet de loi de finances pour 2004» avec le message suivant : «Chers amis, le texte sur lequel je me suis mis d’accord ce matin avec F. PEROL, pour parer à l’argument, fondé, d’inconstitutionnalité du texte précédent. Amitiés, FS» ;

Attendu que Monsieur François PEROL a, sur ce message, expliqué à l'audience qu'il s'agissait du transfert «EULIA» susvisé ;

Attendu, selon lui, que «des salariés de droit public allaient se trouver dans une entreprise de droit privé ; il fallait prendre une disposition législative» ; que le «projet de loi reven(ait) au Ministre» (page 17) ; qu'il expliquait être «intervenu dans cette opération», et avoir «assisté le Ministre» (page 18) ;

Attendu à cet égard que l'article 60 de la loi de finances pour 2004 (n°2003-1311 du 30 décembre 2003), publiée au Journal Officiel du 31 décembre 2003 a prévu que «la Caisse des dépôts et consignations verse en 2004 au budget général de l'État, après avis de sa commission de surveillance, un montant représentatif de la plus-value nette constatée à l'occasion de la cession des participations qu'elle détient, directement ou indirectement, dans les sociétés CDC-Ixis et Compagnie financière Eulia» ;

3.1.1.5- Sur le message du 3 avril 2004 (D38)

Attendu que dans un message du 3 avril 2004, Monsieur François SUREAU écrivait à Monsieur Charles MILHAUD, avec pour objet : «Personnel : Gouvernement» ; que dans ce message figure un paragraphe concernant Monsieur François PEROL : «En effet, MUSCA m'avait dit qu'il restait. Il est assez lié avec SARKOZY, ce que peu de gens savent, depuis l'époque de BALLADUR : Quant à PEROL, qui il y a peu voulait aller dans une banque d'affaires il se dit que Sarko mérite peut être un détour,.. Par l'intermédiaire de DARROIS, qui est très lié avec SARKOZY (vraiment très lié, c'est la bande de Martin BOUYGUES, etc...) j'ai recommandé REMONT, qui s'occupe parfois de nos affaires et devrait rester aussi».

Attendu que Monsieur François PEROL a reconnu à l'audience, le caractère déplacé des commentaires, tout en précisant qu'il n'avait jamais pour sa part écrit des messages rédigés de la sorte ;

3.1.1.6.-Sur le message du 3 mai 2004 (D39)

Attendu que le 3 mai 2004, Monsieur François SUREAU adressait le message suivant à Monsieur Charles MILHAUD, avec pour objet «pacte» : «comme je ne cesse pas de lire, dans la coulisse, les documents qui vous concernent je suis tombé en fin de semaine dernière sur une dernière version du pacte d'actionnaires, à insérer dans le préambule et sur laquelle on me dit que tu serais tombé d'accord avec F MAYER. (....) Mais comme nous vivons dans un univers un peu paranoïaque... bref, peut-être que la solution est aussi de

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s'assurer auprès de PEROL qu'il ne voit pas d'inconvénient à cette rédaction» ;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l'audience (page 18) que l'objet de ce message était sans lien avec NATIXIS ;

Attendu que ce message porte sur le pacte d'actionnaires, susceptible de concerner la Caisse des dépôts et Consignations et le groupe Caisses d'épargne ;

3.1.1.7.-Sur les messages du 25 mai 2004 (D41 et D42)

Attendu que dans un message du 25 mai 2004 de Monsieur Laurent VIELLEVIGNE -qui occupait, au mois de mai 2004, les fonctions d’associé au sein de la société Bucéphale Finance, société spécialisée dans les fusions acquisitions- à Monsieur Charles MILHAUD, Monsieur Francis MEYER, Monsieur Guy ROUSSEAU -banquier conseil- et Monsieur Anthony ORSATELLI -qui occupait, en mai 2004, les fonctions de président du Directoire de CDC IXIS (filiale de la Caisse des dépôts et consignations)-, il les informait qu'il était convoqué à 21h à Bercy par Monsieur François PEROL pour évoquer la signature d'un protocole, sur une base «incroyable», puis que cette réunion était annulée ;

Attendu que ce message était complété, à l'attention de Monsieur Charles MILHAUD seulement, d’un message complémentaire rédigé ainsi : «F.PEROL comprend votre engagement de limiter les grands risques à 10% des futurs fonds propres de la BFI (22) mais m'a indiqué vouloir explorer avec le ministre et le Gouverneur comment cette limite pourrait être rehaussée pour nous permettre d'être comme « les autres banques.» «sans commentaires de ma part...» ;

Attendu que Monsieur François PEROL a indiqué à l'audience (page 18) que l'objet de ce message concernait le «sauvetage d'Alsthom» ;

3.1.1.8.-Sur le message du 30 novembre 2004

Attendu que dans un message du 30 novembre 2004, avec pour objet «GAYMARD et GRAPINET son dir. cab», Monsieur François SUREAU a écrit à Monsieur Charles MILHAUD en réponse à une demande de ce dernier : «Les connais-tu?» : «Je connais assez bien Gaymard. Mon père est en outre très copain avec lui. Je lui ai mis un mot hier pour lui recommander de prendre Remont comme dir. Cab adjoint, à la place de PEROL qui va chez ROTHSCHILD. Je sais qu’Augustin de Romanet a fait la même démarche auprès de lui, et que Perol parle à Grapinet ce matin pour lui dire de prendre Rémont comme adjoint. C’est cette fonction là qui est la plus importante, le dircab en titre (ex Guéant ou Musca) étant très absorbé par la conduite de cette énorme ministère. Pour nous, ça serait remarquable que ce soit Rémont (...)» ;

Attendu que la portée de l'ensemble de ces messages sera appréciée au point 4.5. ;

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3.1.2.- Les fonctions exercées par Monsieur François PEROL du 26 janvier 2005 au 16 mai 2007.

3.1.2.1.- Associé gérant au sein de la banque Rothschild

Attendu que par décret du Président de la République en date du 19 janvier 2005, Monsieur François PEROL, inspecteur des finances de 1ère classe, est nommé inspecteur général des finances à compter du 1er janvier 2005 ; qu’il obtient une mise en disponibilité le 26 janvier 2005 lui permettant de rejoindre la banque Rothschild et Cie, en qualité d'associé gérant ;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l’audience (page 20) qu’après avoir exercée pendant 14 ans pour l'État, il était difficile de progresser, ayant peu de possibilités d’évolution ; qu’il a expliqué avoir été «sollicité par les banques d’affaires» ; qu’interrogé sur l’objectif recherché par ces banques, il a expliqué que ces banques «cherchent un profil, étant capable de gérer une situation lourde, que cette personne est bien introduite, mais ce n’est pas l’essentiel» ; qu’il précisait toutefois que c’était lui qui avait «sollicité la banque Rotshchild, car (il) pensai(t) que c’était la meilleure», précisant avoir «fait une démarche», sans les avoir eu auparavant comme client ;

Attendu, selon les plaignants qu'en 2004, lorsque Monsieur François PEROL est devenu associé au sein de la banque Rothschild après avoir exercé les fonctions d'inspecteur des finances, la Commission de déontologie avait exclu la possibilité qu'il travaille sur des banques dont il avait eu le contrôle et la surveillance durant ses fonctions ; que, toutefois, selon les plaignants, malgré un avis défavorable émis en 2006 par la Commission de déontologie, Monsieur François PEROL aurait piloté, en qualité d'associé de la banque Rothschild, banque conseil de la Caisse des dépôts et consignations, la création de la banque NATIXIS, en conseillant les Banques populaires ; qu’il aurait à cet égard et selon les plaignants, perçu deux millions d'euros d'honoraires ;

Attendu qu’a été versé à la procédure un extrait de l’avis de la Commission de Déontologie n°04A0826 du 22 décembre 2004 concernant Monsieur François PEROL ;

Attendu qu’aux termes de cet avis, un conseiller au cabinet du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, précédemment chef du bureau «endettement international et assurance- crédit» à la direction du Trésor peut exercer une activité d’associé gérant au sein d’un département d’une banque d’affaires sous réserve qu’il s’abstienne de traiter toute affaire dont il a eu à connaître dans ses fonctions à la direction du Trésor et au cabinet du ministre, ainsi que de conseiller la direction du Trésor ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a expliqué que la Commission de déontologie, après avoir procédé à son audition, avait émis un avis favorable sous deux réserves, de s'abstenir de traiter d'affaires dont il avait eu à connaître et de s'abstenir de conseiller la Direction du Trésor ;

Attendu, selon les témoignages recueillis au cours de l’information judiciaire, qu’il apparaît que la banque Rothschild devait être le conseiller des Banques populaires au titre de la création de NATIXIS ;

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Attendu que Monsieur Charles MILHAUD expliquait le rôle de Monsieur François PEROL dans le rapprochement des deux filiales IXIS et NATEXIS pour la création de NATIXIS, de la manière suivante : «J'avais connu M. PEROL lorsqu'il était conseiller au Cabinet de M. Francis MER. Pour le rapprochement IXIS et NATEXIS, la banque conseil de Banques Populaires était ROTHSCHILD et il m'a été dit qu'à l'époque Monsieur François PEROL était le représentant de cette banque conseil auprès des Banques Populaires ; Pour ce qui concernait la CNCE, à l'époque, la banque conseil était LAZARD, représentée par M. Mathieu PIGASSE. Nous avions également un cabinet d'avocats qui nous conseillait, le cabinet DARROIS représenté par MM. BROCHIER et SURREAU. Je n'en connais pas plus de l'intervention de M.PEROL dans le dossier, à ce moment-là»;

Attendu, selon Monsieur Dominique FERRERO (D118), qu’«en 2006, Monsieur François PEROL était impliqué dans le rapprochement IXIS/NBP en qualité de banquier d’affaires (au sein de la banque Rothschild), mandaté par les banques populaires. C’était un banquier conseil qui était là pour apporter son savoir-faire dans l’opération de fusion, au sens capitalistique du terme (évaluations des actifs, garanties de passif, gouvernance, audit, etc…)» ;

Attendu que, selon Monsieur Philippe DUPONT (D142), «lors de cette opération de rapprochement, la BFBP était entourée de nombreux conseils : la banque Rothschild avec comme chef d’opération François HENROT assisté de Monsieur François PEROL, CITY BANK et ABN AMRO, des conseils juridiques (Bredin Pratt), d'autres banquiers d'affaires. Auprès de François HENROT, Monsieur François PEROL coordonnait les équipes afin de mener à bien l'opération. J'avais donné mandat à la Banque ROTHSCHILD représentée par François HENROT de mener à bien cette opération. J'avais pour interlocuteurs David ROTHSCHILD, François HENROT et parfois Monsieur François PEROL, cela dépendait des points évoqués, Monsieur PEROL faisait partie de l'équipe (…)»

Attendu que Monsieur Christian NOYER, entendu par le magistrat instructeur, faisait part des relations s'étant nouées entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur François PEROL (D176/5) : «Monsieur DUPONT connaissait personnellement et de longue date Monsieur PEROL, qu'il avait eu comme banquier conseil quelques années auparavant»;

Attendu qu’à l’audience, Monsieur François PEROL a expliqué avoir fait «partie de l’équipe qui a conseillé la BFBP» (page21) ;

Attendu que selon lui, cette affaire était sans lien avec celle qu'il avait été amené à connaître au cabinet de Monsieur Francis MER, évoquée précédemment, s'agissant du transfert du contrôle de CDC Ixis (via Eulia) à la CNCE, donnant lieu au décret n°2004-610 du 25 juin 2004 susvisé ; qu'il a précisé à l'audience que «l'intérêt, je le prends auprès de la BFBP, et non de la Caisse d'épargne» ; qu'il lui avait semblé ne pas avoir été dans le champ des réserves en conseillant la BFBP, dès lors que selon lui, la formulation «toute affaire dont j'ai eu connaissance» ne concernait pas IXIS ;

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3.1.2.2.- Sur les messages reçus en 2006

Attendu que parmi les messages reçus par le magistrat instructeur, deux messages figurent à la procédure pour l’année 2006 ;

Attendu que le huitième message, du 2 juin 2006, adressé à Monsieur François PEROL (23) et à Monsieur Bruno METTLING -qui occupait, au cours du mois de juin 2006, les fonctions de directeur adjoint, puis de directeur général délégué de la BFBP- par Monsieur Mathieu PIGASSE -qui occupait, au cours du mois de juin 2006, les fonctions d’associé gérant au sein de la banque LAZARD Frères, puis de Vice-Chairman de la banque LAZARD Europe-, évoquait les différentes versions d'un projet et divergences qui subsistaient, message directement transmis ensuite, sans commentaire, à Monsieur Charles MILHAUD -qui occupait, au cours du mois de juin 2006, les fonctions de Président du directoire de la Caisse nationale des caisses d’épargne- ;

Attendu que le neuvième message, également du 2 juin 2006, ayant pour objet : «Champion», était adressé par Monsieur Mathieu PIGASSE à Monsieur Charles MILHAUD, Monsieur Nicolas MERINDOL -qui occupait au cours du mois de juin 2006 les fonctions de Directeur général de la Caisse nationale des caisses d’épargne- et Monsieur Emmanuel BROCHIER -un des fondateurs du cabinet Darrois, Villey Maillot Brochier : «Nous venons de nous parler avec F PEROL. Il demeure des sujets de divergence, à la fois financiers (impact CDC sur les valorisations – impact marginal à notre sens), ainsi que sur certaines clauses juridiques (clause dite MAC).(....)» ;

***

Attendu que la position du tribunal sur l’activité de Monsieur François PEROL au sein de la banque Rotschild en qualité d’associé gérant sera examiné au point 4.4.

***

3.2.- Période de 2007 à 2009

Attendu que par arrêté du 16 mai 2007 portant nomination à la Présidence de la République, Monsieur François PEROL est nommé secrétaire général adjoint ; qu'il a expliqué (page 27) avoir été appelé le 5 mai 2007 par Monsieur Claude GUEANT dans l'entre-deux tours des élections présidentielles sans avoir participé à la campagne électorale de 2007 ; qu'il était en charge des questions économiques, disposant d'une équipe de 6 à 7 personnes ;

3.2.1.- Sur la période du 16 mai 2007 au 1er septembre 2008

Attendu que le tribunal constate sur la période du 16 mai 2007 au 1er septembre 2008 les événements suivants :

3.2.1.1.- Sur la rencontre du 23 mai 2007

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD se rend à l'Elysée et rencontre Monsieur Claude GUEANT ;

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3.2.1.2.- Sur les rencontres des 28 et 29 mai 2007

Attendu que Monsieur François SUREAU se rend à l'Elysée et rencontre Monsieur François PEROL à 16H00 ;

Attendu que Monsieur François SUREAU, qui occupait en mai 2007, les fonctions d'avocat associé au sein du cabinet DARROIS, VILLEY, MAILLOT, BROCHIER a adressé le 29 mai 2007 un message électronique à Monsieur Charles MILHAUD : «J'ai passé à peu près deux heures avec Pérol sur différents sujets. Il faudra, à un moment, que nous allions le voir. Je le trouve bien disposé... et par exemple désireux de favoriser une belle opération stratégique comportant démutualisation totale ou partielle» ;

Attendu que dans ce message il apparaît que Monsieur François SUREAU tend à présenter Monsieur François PEROL comme un acteur influent susceptible de disposer d'un pouvoir décisionnel ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a indiqué ne pas croire «avoir passé 2 heures avec M. SUREAU» ; que selon lui, «il (lui) a parlé du projet des caisses d'épargne de démutualisation» et qu'il a répondu «toujours la même chose : il n'y aucune demande politique de démutualisation» ;

Attendu, selon Monsieur François PEROL, que Monsieur François SUREAU a dû manifestement être envoyé par Monsieur Charles MILHAUD, qu'il accomplit «son travail de lobbyiste» et qu'il «se vante» (page 32) ; qu'il a expliqué au tribunal qu'il y avait lieu de «traiter» ce type de démarches ;

Attendu que la portée de ces rencontres sera appréciée au 4.5.2.3. ;

3.2.1.3.- Le message du 5 juin 2007

Attendu qu'a été versé à la procédure un message électronique du 5 juin 2007, adressé par Monsieur François SUREAU à Monsieur Charles MILHAUD en ces termes :«Manoeuvre en marche. Je sors de chez Augustin. Il a deux candidats, Luc et un autre dont il ne m'a pas dit le nom. Quand à la CNP j'ai plaidé. Il faudra que PEROL m'aide. Je m'en occupe. Par ailleurs, il a été assez ferme sur son souhait d'obtenir une compensation sur GESTRIM, en m'expliquant que sans ça il irait au contentieux. Je suis resté dans mon rôle en lui disant qu'alors il perdrait».

Attendu que la portée de ce message sera appréciée au 4.5.2.1. ;

3.2.1.4.- Les messages électroniques de Monsieur Jean-Marie MESSIER des 25, 27 juin et 23 septembre 2007

Attendu qu'un courrier anonyme parvenait au Cabinet du magistrat instructeur le 3 avril 2013, contenant des copies de mails échangés entre Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Jean-Marie MESSIER, relatifs à la création d'un groupe multimédia Sud autour du Groupe des Caisses d'épargne, à une société EUROPACORP, ainsi qu'à un projet de création de pôle immobilier ;

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Attendu d'une part que figure à la procédure un message de Monsieur Jean-Marie MESSIER à Monsieur Charles MILHAUD du 25 juin 2007 aux termes duquel il adresse un «projet de note pour François Pérol», relatif à la création d'un «groupe multimédia Sud autour de CNCE» ;

Attendu que, d'autre part, le 27 juin, Monsieur Jean-Marie MESSIER adresse un nouveau message dans lequel figurent les mots : «pour ce qui concerne le dossier PQR, j'attends le retour de François Pérol» ;

Attendu, enfin, que le 23 septembre 2007, Monsieur Jean-Marie MESSIER adresse à Monsieur Charles MILHAUD un message relatif à la création d'un pôle immobilier dont deux paragraphes sont rédigés en ces termes : «Si vous en êtes d'accord, je peux valider le soutien d'Alain, assurer une première présentation à François Pérol et Claude Guéant que je vois cette semaine avant que vous ne mettiez Nicolas dans la boucle, mais sur une idée déjà «testée» et largement validée. Je vois également Stéphane Richard vendredi matin. (…). Par ailleurs, François (mon rdv est jeudi soir avec lui) m'a dit avoir posé la question CNP à Augustin de Romanet et attendre ses réactions (sic !). Je comprends que De Castries pousse beaucoup pour AXA. Il faut que nous reparlions pour ne pas être «débordés»... Quelle activité à l'Élysée»

Attendu que Monsieur François PEROL, à l'audience, a indiqué qu'il s'agissait de notes d'un «lobbyiste» et qu'il n'en avait «rien fait» ; qu'il ajoutait : «mon métier est de savoir traiter les solliciteurs» (page 32) ;

3.2.1.5.- Les rendez-vous des 23 juin, 29 juin, 30 juillet et 1er août 2007

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD a rencontré Monsieur Claude GUEANT le 23 juin à 10H00 ; que le 29 juin, Monsieur Philippe DUPONT s'est rendu à l'Élysée pour rencontrer Monsieur François PEROL ; que le 30 juillet 2007, Charles MILHAUD s'est rendu à l'Élysée pour rencontrer Monsieur François PEROL et que le 1er août 2007, François SUREAU a rendu visite à Monsieur François PEROL ;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué ces rendez-vous par le fait qu'il y avait lieu de renseigner le Président de la République et que cela «faisait partie de son métier de recevoir les dirigeants des grandes entreprises» ;

Attendu que la portée de ces rendez-vous sera appréciée au 4.6.1. ;

3.2.1.6.- Sur le message du 1er août 2007 adressé par Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE à Monsieur François SUREAU et Monsieur Charles MILHAUD.

Attendu qu'un message du 1er août 2007 fait état d'un échange entre Monsieur François SUREAU et Monsieur Charles MILHAUD, avec Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE -qui occupait, en août 2007, les fonctions d'associé au sein de la société Bucéphale finance puis de Specia Advisor et Managing Director au sein de Bank of AMERICA Merrill Lynch France -) en copie, dans lequel le premier indiquait au second avoir vu Monsieur François PEROL, que sa réaction n'était pas «négative» mais «mitigée». (...) Qu'il y avait «deux points

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auxquels il fallait répondre pour la rentrée: 1° quel est le bon modèle industriel pour ta CNP (.,) 2° la CGE même associée aux banques pop a t-il aujourd'hui Les moyens d'une opération de rachat de la Caisse des dépôts et consignations?» ; qu'il ajoutait: «Quant à la procédure : Il a demandé à Augustin (8) ce qu'il voulait faire de la CNR et la réponse est «la garder». PEROL lui a alors dit que «la garder» sans lui apporter quoi que ce soit était une attitude probablement condamnée par l'évolution des choses et que pour finir il risquait de devoir la céder sans l'avoir voulu. D'un autre côté il ne donnera pas «l'ordre» à Augustin de vendre. Il recommande donc une vraie discussion sur le fond entre la CDC et nous. D'autant ajoute-t-il, qu'il a déjà reçu d'autres acteurs du secteur bancaire intéressés par la participation de la CDC et que donc la «pression » pour les enchères concurrentielles sera forte au sein de l'État. Il nous indique donc par là que si nous devons sortir la CDC, ce doit être à l'amiable et au sein d'un pacte de l'existence duquel l'État pourra se prévaloir pour expliquer pourquoi la CDC n'a pas mis sa participation en concurrence. Ceci pour lui exclut, sauf à titre de modalité technique, le rachat du flottant sans l'accord de la CDC. Je lui ai quand même fait part de mes réserves sur cette idée d'enchères, motif pris de ce que la valeur de la CNP dépendait de ses réseaux et que donc si nous ne nous mettions pas d'accord, il y aurait enchères, mais sur une coquille plus qu'à moitié vide, ce dont il n'a pas disconvenu. Tout ceci pour dire qu'une discussion avec Augustin s'impose, après quoi nous pourrons réintervenir auprès de PEROL en fonction de la réaction d'Augustin.(,..). Surtout ne déclenche pas l'offre avant que je ne revienne».

Attendu que Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE lui répondait, ainsi qu'à Monsieur Charles MILHAUD, le jour même (…) : «je vous propose de nous revoir à votre retour de vacances pour d'une part finaliser l'entretien que suggère François avec PEROL, mais surtout travailler une approche d'Augustin selon tes remarques très utiles de PEROL».

Attendu que Monsieur François PEROL a, sur cet échange, indiqué au tribunal qu'il n'avait pris aucune décision sur ce dossier et n'avoir jamais «pensé donner un ordre à la CNCE» (page 33) ;

Attendu que la portée de ce message sera appréciée au point 4.5.2.2. ;

3.2.1.7.- Les rencontres du 12 septembre 2007, du 19 octobre 2007, du 27 novembre 2007 et du 18 janvier 2008

Attendu que Monsieur Philippe DUPONT se rendait à l'Élysée et rencontrait Monsieur François PEROL le 12 septembre 2007 puis le 27 novembre suivant ;

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD se rendait à l'Élysée et rencontrait Monsieur François PEROL le 19 octobre 2007 ; qu'il rendait visite à Monsieur Claude GUEANT le 18 janvier 2008 dans la matinée et qu'il rencontrait Monsieur François PEROL le même jour à 18H30 ;

Attendu que sur ces rencontres avec Monsieur François PEROL, Monsieur Charles MILHAUD devait indiquer (D138) : «Je vous précise qu'en dehors du contexte de la crise, à partir de mai 2007, je rencontrais de temps en temps M.PEROL qui me rappelait ce que nous avait dit M. Francis MER («qu'il

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fallait rapprocher la BFBP de la CNCE»).

Attendu que la portée de ces rencontres sera appréciée au point 4.6.2. ;

3.2.1.8.- Le message de Monsieur Alain BAUER à l'attention de Monsieur Claude GUEANT du 22 octobre 2007.

Attendu que figure à la procédure (scellé AN/PEROL/UN) un courriel de Monsieur Alain BAUER à l'attention de Monsieur Claude GUEANT ayant pour objet : «Situation NATIXIS-Caisses Epargne-Banques Populaires» ; que ce message relatait les tensions internes à la CNCE, sa situation financière et évoquait la situation de NATIXIS, pour conclure que «tous ces éléments de tension semblent indiquer un risque considérable de détérioration qu'il conviendrait d'anticiper»;

Attendu que figure sur ce message l'annotation manuscrite de ce qu'il a été transmis à Monsieur François PEROL le 23 octobre 2007 ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a indiqué qu'il s'agissait d'une «note d'ambiance» qu'il avait «dû faire suivre à Berçy», précisant prendre «ça avec précaution» ; (page 34)

Attendu que le tribunal ne dispose d'aucun élément sur les suites données à ce message et sur d'éventuelles instructions qui auraient pu être données ;

3.2.1.9.- Les messages de Monsieur François SUREAU du 21 décembre 2007 et du 6 mai 2008 et les visites des 5, 6 mai et 1er juillet 2008

Attendu que figurent à la procédure deux messages électroniques adressés par Monsieur François SUREAU à Monsieur François PEROL le 21 décembre 2007 et le 6 mai 2008 transmettant des notes portant spécifiquement sur le rapprochement des deux groupes ;

Attendu qu'il apparaît en outre que Monsieur François SUREAU s'est rendu à l'Élysée pour rencontrer Monsieur François PEROL le 5 mai 2008 puis le 1er juillet 2008 et qu'il rencontrait Monsieur Claude GUEANT le 6 mai 2008 ;Attendu que le courriel adressé le 21 décembre 2007 par Monsieur François SUREAU (scellé AN/PEROL/UN) transmet, «comme convenu», «quelques réflexions sur le rapprochement des organes centraux» ;

Attendu que le contenu de ce message et sa portée seront examinés ultérieurement dans le jugement au point 5.2.3.1.;

***Attendu que dans un message du 6 mai 2008, Monsieur François SUREAU, alors indiquant se trouver en Afghanistan, adresse une nouvelle note «fusion des organes centraux» ;

Attendu que le contenu de ce message sera examiné ultérieurement dans le jugement, au moment de l’analyse des griefs reprochés à Monsieur François PEROL au point 5.2.4. ;

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***

3.2.1.10.- Sur les échanges de mail du 14 mai 2008 entre Monsieur Didier BANQUY et Monsieur François PEROL et entre Monsieur Bernard DELPIT et Monsieur Stéphane RICHARD

Attendu que figurent à la procédure, sous scellé DD/AN/PEROL/UN des courriels issus des disques durs saisis aux archives nationales ; que le message du 14 mai 2008 à 15H10 dans lequel Monsieur Didier BANQUY, secrétaire général du groupe caisse d'épargne écrit à Monsieur François PEROL, énonce : «j'ai essayé de te joindre pour te parler des 3 amendements d'accompagnement de la réforme du livret A, dont le plus important est le 1er («banalisation» des caisses d'épargne portant sur la suppression de la référence dans la loi des missions d'intérêt général et donc corrélativement de la présence d'un commissaire du gouvernement au Conseil, de l'obligation d'affecter un montant prédéterminé au financement des PELS, de l'agrément du Président du Directoire de la CNCE par le Ministre des finances). Les 2 autres sont des aménagements mineurs rédigés à la demande de la fédération des Caisses d'épargne. Ces amendements ont été rédigés en commun avec le Trésor et ont le OK du Cab Lagarde» ;

Attendu que le même jour, à 21H24, Monsieur Bernard DELPIT, conseiller technique à la présidence de la République travaillant pour Monsieur François PEROL, adressait, sous son couvert, à Stéphane RICHARD un message contenant le message de Didier BANQUY à Monsieur François PEROL dans lequel il indiquait avoir reçu un appel de Charles MILHAUD l'informant que les amendements avaient été «dealés» (…) qu'il était « réticent sur le plus important d'entre eux (l'agrément du président)» et «qu'avant de prendre position officiellement», il souhaiterait que soit «sollicit(é) l'avis du gouverneur de la Banque de France» et d'en reparler avec lui «demain soir chez Antoine» ;

Attendu que la portée à donner à ces messages sera développée au point 5.2.3.2.1. ;

3.2.2.- Sur la période du 1er septembre 2008 au 25 février 2009

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que le projet de fusion des groupes Caisse d'épargne et Banque populaire constituait un projet ancien dont la création de NATIXIS a été un des jalons ; que le contexte de la crise financière a été un facteur d'accélération du projet de fusion, avec trois moments clefs au cours de ce processus :

- le contexte de la faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brother's le 15 septembre 2008

-la révélation d'une perte de 750 millions d'euros enregistrée par la CNCE sur des opérations de marché

-la situation de la filiale commune des deux groupes, NATIXIS,

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3.2.2.1- Sur le contexte général de la crise financière, à la suite de la faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brother's, facteur d'accélération du projet de fusion des groupes caisses d'épargne et banque populaire

3.2.2.1.1.- Un projet ancien relancé par la crise

Attendu que c'est dans le contexte général de la crise financière qu'est intervenue la faillite de la banque d'investissement Lehman Brother's le 15 septembre 2008 ;

Attendu, ainsi que Monsieur Stéphane RICHARD devait indiquer (D122) : «A l'automne 2008, les groupes Caisses d'Epargne et Banques Populaires avaient engagé depuis plusieurs mois des négociations en vue de rapprocher leurs organes centraux. Ce projet était né après la fusion des sociétés IXIS et NATEXIS, respectivement filiales des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires pour créer NATIXIS» ; qu'«au delà de NATIXIS, le projet d'un rapprochement global entre les deux réseaux avait été porté par l'ancienne équipe dirigeante des Caisses d'Epargne et notamment M. MILHAUD. Puis ce projet avait été ralenti par les changements intervenus à la tête des Caisses d'Epargne» ; qu'il précisait que «ces négociations apparaissaient à l'automne 2008 comme suspendues, tout en restant un projet souhaité par les deux réseaux mais la question se posait de redonner un élan à ce projet»;

Attendu qu’il résulte notamment des déclarations de Monsieur Stéphane RICHARD que la crise financière va relancer le processus de fusion (D122) : «En octobre 2008, nous sommes au plus fort de la crise financière mondiale, quelques semaines après la faillite de la banque américaine LEHMAN BROTHERS et de la quasi-faillite de l'assureur AIG. Partout dans le monde la question de la solvabilité des banques était posée, notamment en Europe où grandissaient des inquiétudes sur les banques anglaises, belges (DEXIA), allemandes, italiennes, espagnoles et françaises» ; que «la nécessité de renforcer les fonds propres et d'augmenter la taille des banques françaises paraissait évidente. Sous l'égide de la Banque de France et de la Commission Bancaire, de la Direction Générale du Trésor, mais aussi sous la pression de la Commission Européenne et du FMI, les banques françaises étaient invitées à étudier tous les moyens pour renforcer leurs fonds propres face à la montée des risques. Le constat se faisait sur l'ensemble des banques mondiales et donc sur les banques Européennes et peut-être un peu moins sur les banques françaises, que le ratio de fonds propres par rapport aux engagements était insuffisant face à la montée des risques» ; que «par ailleurs, la crise économique et financière avait un impact négatif sur la valeur des actifs des banques, par exemple les participations dans les sociétés industrielles ou les crédits accordés, ce qui nécessitait donc une meilleure couverture des risques dans le bilan des banques ;

Attendu qu’il résulte encore des mêmes déclarations de Monsieur Stéphane RICHARD que les autorités compétentes en première ligne était la Direction générale du Trésor à Bercy, la banque de France et la Commission bancaire ; qu’ainsi Monsieur Stéphane RICHARD a indiqué que «la Direction Générale du Trésor à Bercy dont le Directeur Général était M. MUSCA et en son sein la Sous-Direction chargée des banques qui était dirigée par M. Hervé de VILLEROCHÉ, La Banque de France, dont le Gouverneur était déjà

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M. NOYER et la Commission Bancaire, Mme NOUY, avaient fortement soutenu depuis le départ le projet de rapprochement entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires.»

Attendu enfin que le contexte de la crise financière a rendu le projet de rapprochement plus urgent ; que ces éléments résultent suffisamment des mêmes déclarations de Monsieur Stéphane RICHARD : «A l'automne 2008, dans le contexte déjà décrit, ces deux organismes publics (Trésor et Banque de France) estimaient encore plus urgent et nécessaire ce rapprochement. Le Cabinet du Ministre et le Ministre elle-même (le Cabinet que je dirigeais et Mme LAGARDE) partageaient sans réserve l'analyse des services ; les deux équipes dirigeantes des Caisses d'Epargne, MM. COMOLET et LEMAIRE et des Banques Populaires, M. DUPONT et M. METTLING, ont repris leurs négociations à cette époque, très encouragés par les pouvoirs publics. J'ai reçu pour ma part à plusieurs reprises, les dirigeants des deux groupes.» ;

Attendu que Monsieur Philippe DUPONT, devait, de la même manière, mettre en corrélation, la relance du projet de fusion et le contexte de la crise financière ; qu'il devait ainsi déclarer (D142) qu'«en 2007, dès janvier, la Banque HSBC a annoncé qu'elle provisionnait des créances sur des produits immobiliers américains et à compter de février c'est un sujet qui n'a fait que s'amplifier. Avec le Directeur Général de NATIXIS, Dominique FERRERO, ce sujet a été au centre de nos préoccupations puisque dès mars 2007, nous avons coupé notre ligne de trésorerie de 1 milliard de dollars sur un opérateur immobilier américain (COUNTRY WILD)» que «la crise est dès lors devenue plus prégnante et à partir du printemps 2007 nous les banquiers nous avons été sollicités régulièrement pour répondre à des questions et participer à des réunions à Bercy, à Matignon et à l'Elysée et ceci jusqu'à la mi-2009» ;

Attendu que l'accélération du projet de fusion dans le contexte de la crise financière est encore confirmée par les déclarations du Gouverneur de la Banque de France, Monsieur Christian NOYER, qui entendu par le magistrat instructeur (D176), indiquait : «L'histoire s'accélère au moment de la crise à partir d'octobre 2008. NATIXIS, leur filiale commune est durement touchée par la crise aux États Unis, les caisses d'épargne elles même ont essuyé une forte perte d'environ 800 millions sur des activités qu'elles géraient en propre et nous sommes en fin 2008 début 2009 dans une période où toutes les banques du monde sont sous une énorme pression. Dans de nombreux pays les états doivent se porter au secours de banques menacées de faillite, les états européens ont décidé conjointement de lutter contre une méfiance généralisée en renforçant le capital de toutes leurs banques chaque fois que nécessaire, en France une Loi est votée en urgence le 13 novembre 2008 (6 octobre 2008) pour permettre d'apporter des compléments de capital aux banques. Les cinq grands groupes bancaires français bénéficient d'une augmentation de capital fin 2008 et début 2009 plusieurs d'entre elles demandent une deuxième vague de recapitalisation. C'est particulièrement le cas des deux groupes Banque Populaire et Caisse d'épargne, très déstabilisés par la situation de NATIXIS qui a perdu 2,5 milliards en 2008, et qui présente encore des risques très importants, et c'est également le cas de ses maisons mère qui apparaissent fragiles, les banques populaires ont perdu 500 millions en 2008 et les caisses d'épargne ont été frappées par la perte de 800 millions que j'évoquais» ;

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Attendu que Monsieur Dominique FERRERO confirmait enfin le fait que «le rapprochement BANQUES POPULAIRES et CNCE commence à être évoqué sérieusement» «au moment du paroxysme de la crise financière» (D118) ;

3.2.2.1.2.- Un projet ralenti par les dissensions et tensions internes aux deux groupes

Attendu que les déclarations de Monsieur Alain LEMAIRE, qui sera désigné directeur général du groupe CNCE à compter du 19 octobre 2008 ont confirmé ce point, mettant en exergue comme facteur de ralentissement de la mise en œuvre de ce projet de fusion, les dissensions et tensions internes aux deux groupes ;

Attendu que Monsieur Alain LEMAIRE devait ainsi indiquer (D120) que «Début septembre 2008, Charles MILHAUD nous apprend qu'en accord avec les autorités de place (Banque de France, Ministère des Finances, Matignon et l'Elysée) il a engagé avec M. Philippe DUPOND, Président des Banques Populaires, un processus de fusion. Il semblait que les postes du nouveau Groupe était déjà attribués et une certaine opposition au sein du réseau s'est manifesté contre l'idée de voir l'équipe qui a dirigé NATIXIS ces dernières années, prendre la direction du nouveau Groupe» ; qu'«il faut dire que nous avions créé en 2004 avec les Banques Populaires, la société NATIXIS assumant pour l'ensemble des deux groupes les fonctions de banques de financement et d'investissement» ; qu'il ajoutait : «Je pense que les autorités étaient très inquiètes de la situation de NATIXIS et souhaitaient que cette fusion permette d'intégrer dans l'organe de tête la structure qui leur paraissait présenter le plus de risques. Ceci intervenait dans le contexte de crise aiguë de septembre 2008 (faillite de LEHMAN BROTHERS)».

Attendu, sur la question des tensions et des désaccords entre dirigeants que Monsieur Alain LEMAIRE déclarait (D120) : «Je vous précise que tout au long de l'année 2008, les tensions vont croissantes au sein du Groupe, sur la conduite de la stratégie d'acquisition. En fait les tensions avaient notamment pour origine l'acquisition de NEXITY et l'acquisition de la BTK en Tunisie. C'est sur cette toile de fond qu'est survenue la grave crise financière de 2008 qui va provoquer une inquiétude croissante dans le réseau Caisse d'épargne. En fait on va se rendre compte petit à petit et notamment au cours de l'été 2008 des graves difficultés du groupe et de celles de la filiale NATIXIS.»

Attendu que sur la mésentente entre les Banques populaires et les Caisses d’Epargne, Monsieur Dominique FERRERO (D118) ajoutait : «Quand je dis mésentente, je ne veux pas dire dispute permanente ou hostilités personnelles. Je veux dire difficulté constante à se mettre d'accord sur des objectifs communs concernant NATIXIS. Bien sûr, cela concernait les questions de gestion financière de NATIXIS à la lumière de la crise, mais aussi les questions de structures ou de personnes. En tout cas c'est le souvenir que j'en garde.»

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3.2.2.1.3. Un projet de rapprochement partagé par l’ensemble des pouvoirs publics

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le projet de rapprochement des groupes Caisses d’Epargne et Banques populaires était partagé par l’ensemble des pouvoirs publics ;

Attendu que c’est ainsi que Monsieur Bernard COMOLET indiquait (D112) : «Je dois vous dire que dans les mois qui ont précédé le mois d'octobre 2008, les Présidents Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD, m'avaient fait part de l'assentiment des pouvoirs publics sur le projet de rapprochement. Monsieur Charles MILHAUD, tout comme Monsieur Philippe DUPONT évoquaient précisément le soutient de Monsieur Xavier MUSCA à la Direction du Trésor, de Mme Christine LAGARDE et de son Cabinet au Ministère des Finances (et de son Cabinet représenté par Monsieur Stéphane RICHARD), ainsi que de Monsieur François PEROL au Secrétariat Général de l'Elysée» ;

3.2.2.1.4.-Une relance du projet de fusion à l'initiative des deux groupes : la réunion du 6 octobre, la note au Président du 6 octobre et la conférence de presse du 9 octobre 2008

Attendu qu'il résulte des écritures de Monsieur François PEROL que «les groupes banque Populaire et Caisse d'épargne étaient directement atteintes par la crise au cours de cette période notamment à travers les graves difficultés de leur filiale commune NATIXIS qui devait boucler en catastrophe en septembre 2008 une augmentation de capital de 3,7 milliards d'euros au prix de 2,25 euros par actions après avoir été introduites en bourse à 19,55 euros en novembre 2006, qui publiait des pertes trimestrielles depuis le quatrième trimestre 2007 et était l'objet de rumeurs récurrentes sur de graves difficultés qui menaçaient ses deux actionnaires principaux» ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'au cours du mois de septembre et au début du mois d'octobre, le projet de fusion était repris par Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Philippe DUPONT ;

Attendu ainsi que Monsieur Charles MILHAUD déclarait (D138) : «Quand la crise financière de 2008 est intervenue, la CNCE avait conservé «sa signature» alors que la signature de NATIXIS s'était dégradée. C'était donc la CNCE qui permettait d'assurer la liquidité de l'ensemble, puisque certains intermédiaires sur les marchés refusaient de prêter à NATIXIS» ;

Attendu en outre qu'il résulte des déclarations de Monsieur Charles MILHAUD qu'il prend l'initiative de la relance du processus de fusion : «C'est à ce moment-là que je suis allé voir Monsieur Philippe DUPONT pour lui indiquer qu'il faut répondre aux marchés pour annoncer que nous allons fusionner. Cela doit se situer en septembre 2008. A ce moment-là, M. PEROL est Secrétaire Général Adjoint de l'Elysée ; qu'ainsi que cela a été relevé précédemment, Monsieur Charles MILHAUD avait précisé : «Je vous précise qu'en dehors du contexte de la crise, à partir de mai 2007, je rencontrais de temps en temps M.PEROL qui me rappelait ce que nous avait dit M. Francis MER («qu'il fallait rapprocher la BFBP de la CNCE»). En dehors du contexte de crise, on

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pouvait en discuter avec M. DUPONT, mais cela n'était pas vraiment envisageable» ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Philippe DUPONT vont prendre l'initiative d'aller rencontrer Monsieur François PEROL ;

Attendu qu'il résulte des investigations que :

-le 1er octobre 2008, Monsieur Philippe DUPONT se rend à l'Élysée et rencontre Monsieur François PEROL à 14H30 (départ résultant de l'inscription sur les registres d'entrée à l'Elysée à 16H41) ;

-le samedi 4 octobre 2008, à 12H00, se tient une réunion entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD avec Monsieur François PEROL à l'Élysée ;

-le 6 octobre 2008 à 7H30, Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD se rendent à l'Élysée et rencontrent Monsieur François PEROL ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a expliqué avoir reçu Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD le 6 octobre 2008, qui lui indiquaient envisager la fusion des structures et que «le projet (était) lancé» ; qu'il indiquait qu'il y avait, ce 6 octobre, «un vrai sentiment d'inquiétude» (page 37) ;

Attendu que le 9 octobre 2008, Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD annonçait le rapprochement des deux structures lors d'une conférence de presse ;

Attendu que l'enchaînement des événements résulte des déclarations tant de Monsieur Charles MILHAUD que de Monsieur Philippe DUPONT ;

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD a déclaré : «Je pense que j'ai rencontré Monsieur Philippe DUPONT, le vendredi 3 octobre 2008 au matin. On s'est mis d'accord sur la fusion. Puis nous avons dû voir Monsieur François PEROL, le vendredi soir ou le samedi matin 4 octobre, pour que la fuite ait lieu dans LE MONDE, le dimanche soir et que M. PEROL puisse faire sa note datée du 6 octobre. La conférence de presse a dû avoir lieu juste après» ;

Attendu que selon Monsieur Philippe DUPONT, interrogé sur la réunion du 6 octobre 2008 (D142) : «Au cours cette réunion qui s'est tenue dans le bureau de M. PEROL me semble-t-il, nous (Charles MILHAUD et moi) lui avons présenté notre projet et la future répartition de la gouvernance du groupe à constituer» ;

Attendu, qu'il résulte suffisamment de ces éléments que Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD ont pris l'initiative de cette réunion pour faire part de leur analyse à Monsieur François PEROL ;

Attendu que le tribunal constate que figure à la procédure une note du 6 octobre 2008, rédigée par Monsieur François PEROL, à l'attention du Président de la République, sous couvert du secrétaire général qui a visé ladite note

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(AN/PEROL/UN), ayant pour objet : «Discussions entre Caisses d'épargne et Banque populaires» :

«1)Charles Milhaud, président des Caisses d'épargne et Monsieur Philippe DUPONT, président des banques populaires, sont venus ensemble ce lundi matin m'exposer leur projet de rapprochement de leur deux groupes :

-la Caisse nationale des Caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires (ce que l'on appelle les «organes centraux» des deux groupes mutualistes et coopératifs) fusionneraient. L'ensemble, non coté, serait contrôlé par les banques populaires et les caisses d'épargne régionales, probablement à parité. Cette société serait dirigée par un conseil de surveillance, dont le président serait issu du réseau des caisses d'épargne, et un par un directoire, dont le président serait Monsieur Philippe DUPONT. Pour sa part, Charles Milhaud se retirerait ;

-les deux réseaux de banque de détail resteraient distincts, et conserveraient chacun leurs marques auprès de leurs clientèles respectives (clientèle populaire pour les caisses d'épargne, petites et moyennes entreprises et artisans pour les banques populaires) ;

-Natixis resterait cotée, mais serait restructurée (fermeture de certains métiers de banque de financement et d'investissement ; cession d'actifs, par exemple dans le domaine de l'assurance). Le management de Natixis serait renouvelé : dans l'immédiat, le directeur financier des caisses d'épargne (Julien Carmona) rejoindrait le directoire de Natixis ; les deux présidents sont par ailleurs en quête d'un nouveau directeur général en remplacement de Dominique Ferrero qui quitterait ses fonctions.

2) J'ai parlé du projet avec Christian Noyer qui pense que ce rapprochement serait une bonne chose, principalement pour conforter les caisses d'épargne, dont il pense que le management est beaucoup plus faible que celui des banques populaires. Il considère que Monsieur Philippe DUPONT est parfaitement en mesure de diriger le nouvel ensemble. Je partage le même avis.

3)«Le monde» s'est fait l'écho dans son numéro d'aujourd'hui des discussions engagées. Cela va contraindre les deux dirigeants à accélérer leurs discussions et à communiquer avant la fin de la semaine sur leurs intentions précises. Il va leur falloir convaincre leur «base mutualiste», ce qui risque d'être plus difficile aux caisses d'épargne, qui sont en position de faiblesse compte tenu de mauvais résultats attendus en fin d'année, qu'aux banques populaires.

Lors de la réunion des banques de 16h30, je vous suggère de saluer le mouvement de la BNPP, qui est objectivement remarquable, et d'indiquer que vous encouragez toutes les discussions en cours qui peuvent conduire au renforcement des établissements français.»

***

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Attendu que la portée de cette note du 6 octobre 2008 sera analysée au point 4.7.1. ;

***3.2.2.2-Deuxième accélération donnée au projet de fusion : la révélation d'une perte de 750 millions d'euros enregistrée par la CNCE sur des opérations de marché

3.2.2.2.1.- L'ouverture des négociations le 8 octobre 2008

Attendu qu'il y a lieu de relever, à ce stade de l'examen de la chronologie des événements, qu'il résulte de l'accord d'ouverture des négociations signé le 12 novembre 2008 entre la Banque fédérale des banques populaires et la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance que «le conseil d'administration de la BFBP et le conseil de surveillance de la CNCE, réunis le 8 octobre 2008, ont décidé d'ouvrir les négociations en vue de la conclusion d'un accord dans les meilleurs délais» ;

3.2.2.2.2.- L'information de la Présidence de la République de la révélation de la perte, le 10 octobre 2008

Attendu que dans une note du 10 octobre 2008 dont Monsieur François PEROL est placé en copie, Monsieur Claude GUEANT adresse une note au Président de la République, ayant pour objet : «Perte de 600 millions de la CNCE» ; que dans cette note, il indique :

«J'ai rencontré ce matin Charles MILHAUD.

Il m'explique que le directoire de la Caisse a interdit cet été le genre d'opérations qui a causé la perte. Selon lui un trader pour compenser une petite perte a réalisé une opération interdite. S'est ajouté à cela le fait qu'aucun des 3 niveaux de sécurité mis en place n'a fonctionné !...

Je lui ai redit que cela ne pouvait rester sans conséquences. Il a déjà licencié le trader et ses 2 supérieurs. Il va licencier le directeur des risques, le directeur financier et Julien CARMONA, membre du directoire (ancien du cabinet de Jacques CHIRAC) chargé de la supervision des 2 fonctions».

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la Présidence de la République est informée le 10 octobre de ces pertes, dont l'ampleur et le retentissement sont confirmés par les déclarations de Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Charles MILHAUD ;

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD devait ainsi déclarer (D138) : «Puis est intervenu un accident au sein de la CNCE, un trader ne respectant pas les consignes de niveau d'engagement a conduit la CNCE à constater une perte de l'ordre de 500 millions d'euros. A la suite de quoi, la presse s'est déchaînée contre moi. Je rappelle que peu avant un scandale similaire s'était révélé à la Sté Générale (affaire KERVIEL)».

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Attendu que Monsieur Bernard COMOLET décrivait l'impact de cette information de la manière suivante (D112) : «C'est à ce moment-là, en septembre ou octobre 2008, qu'il nous a été révélé par Nicolas MERINDOL et Charles MILHAUD, une perte sur des opérations de trading, réalisée par CNCE, perte dont l'estimation est passée en quelques semaines de 400 millions d'€ à 750 millions d'€ (de mémoire)» ; qu'«à l'occasion de cette perte, les actionnaires de CNCE (donc les Caisses d'Epargne) ont découvert l'existence d'un compte propre à CNCE sur lequel elle faisait des opérations de trading pour elle-même et non pour le compte de ses clients Caisses d'Epargne» ; qu'«il y a eu alors un étonnement de la part de l'ensemble des Présidents des Directoires et des Conseils de Surveillance des Caisses d'Epargne qui ont jugé inadmissible cette administration de compte propre dont on ne nous avait pas parlé et une indignation sur la perte générée par les opérations de trading» ; qu'«il y a eu alors, une perte de confiance totale envers le directoire de CNCE» ; que «C'était d'autant plus compliqué qu'on était en période de discussion de rapprochement avec les Banques Populaires» ; «Avec les Banques Populaires, nous étions alors sur la base d'un projet de rapprochement capitalistique à 50/50 pour créer un nouvel organe central qui aurait chapeauté les deux organismes bancaires» ; «il y avait une forte suspicion de la part des Banques Populaires sur la valeur de nos actifs, donc la validité de nos comptes et la qualité de notre gouvernance. Tout cela aurait pu remettre en cause le projet de mariage à parité avec les Banques Populaires»; qu'«entre septembre et le 18 octobre 2008, date à laquelle M. MILHAUD a été démis, en fait où il lui a été demandé sa démission, il y a eu de multiples discussions et rencontres entre les Présidents des Conseils de Surveillance et les Présidents des Directoires des Caisses d'Epargne pour savoir ce qu'il convenait de faire face à cette situation» ;

Attendu, sur la portée de cette note que Monsieur François PEROL a expliqué : «ce que dit M. GUEANT, c'est ce que dit M. SARKOZY publiquement. Il pense que les dirigeants doivent assumer les fautes commises dans leurs établissements», ajoutant «je ne crois pas que M. SARKOZY soit responsable de la démission de M. MILHAUD» (page 44) ;

3.2.2.2.3- La rencontre du 14 octobre 2008 entre Monsieur Nicolas SARKOZY et Monsieur Philippe DUPONT

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le 14 octobre 2008, Monsieur Philippe DUPONT rencontre le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY ;

Attendu qu’à l’audience, Monsieur François PEROL a expliqué que c’était Monsieur Philippe DUPONT qui avait été à l’initiative de ce rendez-vous ; qu’il a expliqué que le Président de la République recevait les dirigeants des banques, qu’«il voulait comprendre», mais que pour autant ce n’était pas «un sujet élyséen» (page 42) ; que de manière générale, il a expliqué que «ce n’est pas parce que le Président de la République voit quelqu’un, que le sujet devient élyséen» ;

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3.2.2.2.3.1.-La note du 14 octobre 2008 rédigée par Monsieur François PEROL à l’attention du Président de la République

Attendu qu’à l’appui de ce rendez-vous du 14 octobre 2008, de 12H30 à 13H00 entre Monsieur Nicolas SARKOZY et Monsieur Philippe DUPONT, il est établi que Monsieur François PEROL va préparer une note à l’attention du Président de la République, sous couvert du secrétaire général (SCELLE AN/PEROL/UN) ;

Attendu que la note a été rédigée en ces termes :

«Objet : Votre entrevue avec Monsieur Philippe DUPONT

1) Monsieur Philippe DUPONT est président de la Banque fédérale des banques populaires et président du directoire de Natixis. Aux termes de la fusion avec la Caisse nationale des caisses d'épargne, il sera le dirigeant exécutif de l'ensemble (les caisses d'épargne désigneront le président non exécutif, qui ne sera pas Charles Milhaud).

2) Les messages à passer à Monsieur Philippe DUPONT pourraient être les suivants :

-la fusion doit être l'occasion de renforcer les deux banques (caisses d'épargne, banques populaires). Cela nécessite la vérité des comptes. Les guichets publics de fonds propres peuvent aider (pour Natixis, pour les Caisses d'épargne) à faire une fusion propre, mais la condition c'est de ne rien cacher sous le tapis.

-il faut renforcer le management de l'ensemble. C'est vrai aux caisses d'épargne comme chez Natixis. J'ai sondé Monsieur Philippe DUPONT sur Charles-Henri Filippi, mais il considère qu'il n'a pas été bon chez HSBC (il tire ce jugement de la situation qu'il aurait trouvée chez la banque de détail de HSBC, rachetée il y a un an par les Banques Populaires).»

Attendu en outre que cette note était transmise au Président de la République, accompagné d’un bordereau daté également du 14 octobre 2008, sur lequel la formule suivante est mentionnée : «M. le Président : MM. DUPONT et MILHAUD m’ont proposé de prendre la direction de NATIXIS. Je leur ai répondu que je ne me voyais pas partir maintenant et que ce n’était de toute façon pas un job pour moi» ;

3.2.2.2.3.2.-Les explications de Monsieur François PEROL sur l’objet de cet entretien et la portée de cette note

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l’audience que dans cette note, il «relaie le message de renforcer le management de l’ensemble» et que «M. DUPONT n’a pas dû être surpris des messages du Président, c'étaient les mêmes que ceux de la Banque de France» (page 41) ;

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3.2.2.2.3.3.- Sur la présentation dans cette note de Monsieur Philippe DUPONT comme le nouveau dirigeant de l’ensemble fusionné.

Attendu que dans cette note, Monsieur François PEROL présente au Président de la République Monsieur Philippe DUPONT comme le futur dirigeant exécutif de l’ensemble fusionné ;

Attendu que sur ce point, Monsieur Bernard COMOLET (D112) indiquait, à la question portant sur le poids et le contrôle de la Présidence de la République sur le choix du Président de la nouvelle structure : «Je n'en sais rien mais ça corrobore ce que disait Monsieur Philippe DUPONT : «ce sera moi ou ce sera personne» ;

Attendu que sur l’explication à donner sur le fait que ce ne soit pas Monsieur Philippe DUPONT qui ait pris au final la présidence du nouveau groupe, Monsieur Bernard COMOLET indiquait : «Je crois que l'explication c'est que nous les Caisses d'Epargne nous ne voulions pas de la présidence de Monsieur Philippe DUPONT. On avait pu constater entre temps que sa présidence de NATIXIS était calamiteuse dans la mesure où cette banque révélait de semaine en semaine des pertes de plus en plus importantes. »

3.2.2.2.3.4.- Les déclarations des témoins sur la proposition faite à Monsieur François PEROL de prendre la direction de NATIXIS

Attendu, sur la proposition qui aurait été faite à Monsieur François PEROL de prendre la tête de NATIXIS, que Monsieur Alain LEMAIRE devait déclarer (D120) : «Je ne connaissais pas M. PEROL à l'époque, je savais juste qu'en tant que Secrétaire Général Adjoint de l'Elysée, chargé des affaires économiques et financières, il était forcément informé de toutes les affaires concernant les difficultés de NATIXIS et le projet de fusion BP et CNCE. Je découvre aujourd'hui qu'on lui avait proposé ce poste. Je ne sais pas pourquoi on a pu lui proposer ce poste en dehors du fait qu'il avait une connaissance de NATIXIS parce qu'il était conseiller des Banques Populaires à l'époque où il était associé chez Rothschild» ;

Attendu que Monsieur Stéphane RICHARD déclarait pour sa part (D122) : «Monsieur François PEROL ne m'a pas parlé de cette proposition à l'époque. Il était connu que le management de NATIXIS n'avait plus la confiance de ses actionnaires. Compte tenu du passé professionnel de M. PEROL, il n'est pas anormal ou surprenant que cette proposition lui ait été faite. Quand je parle de son passé professionnel, je pense à ses années passées au Trésor et chez Rothschild. Il me paraît incontestable que Monsieur François PEROL était à l'époque un des bons connaisseurs des affaires financières et bancaires.»

Attendu que pour Monsieur FERRERO (D118), «Je ne savais pas que la direction de NATIXIS avait été proposée à M. PEROL et je ne sais pas pourquoi à ce moment-là. Je n'en ai rien su et je n'ai pas la moindre idée. Par rapport aux dates, le 14 octobre que je vois sur ce document correspond à un mois après l'annonce de la faillite de LEHMANN BROTHERS et à une dizaine de jours avant le départ de Charles MILHAUD» ;

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Attendu que Monsieur Bernard COMOLET (D112), sur cette proposition qui aurait été faite à Monsieur François PEROL, déclarait : «Je suis très surpris, j'ignorais et ignore encore ce jour l'existence de cette proposition» ;

Attendu que Monsieur Philippe DUPONT a indiqué pour sa part (D142) : «Dans le contexte, toutes les vicissitudes rencontrées chez NATIXIS se cristallisaient sur Dominique FERRERO, notamment au sein des Caisses d'Epargne où Charles MILHAUD était sous la pression de ses mandants pour changer le Directeur Général de NATIXIS. Dans la note que vous me montrez, je suis seul désigné par M. PEROL, néanmoins j'étais avec M. MILHAUD à cette occasion tel que cela ressort du bordereau. La théorie de la CNCE et de certains de mes collaborateurs était de faire sortir Dominique FERRERO de la Direction Générale de NATIXIS, pour placer à ce poste une personnalité extérieure. M. PEROL faisait partie des quelques personnalités pouvant avoir le profil pouvant correspondre aux exigences de la fonction. » ;

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD déclarait (D138) : «Je ne me souviens pas de cette proposition. Si DUPONT l'a faite c'est parce que pour moi, cela lui permettait de se mettre un allié dans la place, ce d'autant que M.PEROL étant Inspecteur Général des Finances (Major de l'ENA), il avait toutes les compétences pour assurer ces fonctions».

Attendu que Monsieur Bruno METTLING pour sa part devait indiquer ne pas se souvenir de cette proposition (D118) en déclarant que «de mémoire, Charles MILHAUD était très critique quant à la gestion de Dominique FERRERO. Monsieur Philippe DUPONT avait pu se rallier de faire évoluer la Direction Générale de NATIXIS, d'où la proposition que vous me présentez. Plusieurs hypothèses quant à la direction générale de NATIXIS avaient pu être faites à l'époque mais je n'en avais pas le souvenir.»

***

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la proposition qui a été faite à Monsieur François PEROL intervenait dans un contexte de crise de gouvernance de NATIXIS ; qu’il résulte suffisamment de ces déclarations que Monsieur François PEROL avait pu être considéré pour Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD, même s’il devait indiquer ne pas se souvenir de cette proposition, comme un moyen de remplacer Monsieur Dominique FERRERO ;

Attendu sur ce point qu’interrogé par le tribunal sur le retour que le Président de la République lui fera de cette note, Monsieur François PEROL a répondu que Monsieur Nicolas SARKOZY lui avait indiqué «qu’il avait besoin de (lui)» (page 41) ;

***Attendu que la portée de cette note et de cet entretien seront analysés au point 4.7.2. ;

***

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3.2.2.2.4.- Le plan national en faveur du financement de l'économie et le vote de la loi du 16 octobre 2008

Attendu, selon la défense que, «le choix dicté par les conséquences catastrophiques de la chute de Lehmann Brother's de ne pas laisser une banque ou une compagnie d'assurance faire faillite avait été pris par tous les pays européens et autorisé en France par la loi du 16 octobre 2008 qui prévoit en outre que les aides accordées devront faire l'objet de contreparties» ;

Attendu que la loi n°2008-1060 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie a permis au ministre chargé de l'économie d'accorder la garantie de l'État dans les conditions prévues à l'article 6 de la loi ; que le VI de cet article a prévu que la garantie de l'État est accordée pour un montant maximal de 360 milliards d'euros ; qu'il résulte des pièces produites et des débats que ce plan national a été adopté le lundi 13 octobre 2008 en Conseil des Ministres, après que le Conseil d'État eut émis son avis le dimanche 12 octobre 2008 ;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l'audience que le soutien au secteur financier a été formalisé par le Sommet du 12 octobre 2008 de la zone euro, ce plan s'étant concrétisé par la loi n°2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificatives pour le financement de l'économie ; qu'il s'agissait, selon Monsieur François PEROL, d'un «engagement vis-à-vis des voisins (D29)» ;

Attendu en effet que l'article 6 de cette loi prévoit les conditions dans lesquelles la garantie de l'État peut être accordée pour un montant maximal de 360 milliards d'euros ;

Attendu qu'il résulte de l'article 6 de cette loi, la mise en place de deux dispositifs distincts :

1° que le II de l'article 6 a prévu la mise en place d'une société de refinancement qui a pour objet de consentir des prêts aux établissements de crédit et en conséquence de réinjecter des liquidités dans l'économie ;

Attendu qu'il résulte d'un communiqué du Ministre de l'Economie et des finances du 20 octobre 2008 que le vendredi 17 octobre 2008, Madame Christine LAGARDE, ministre de l'économie et des finances installait la société française de financement de l'économie (SFFE) qui devait lever des financements sur les marchés grâce à la garantie de l'État ; qu'en utilisant ces ressources, elle avait vocation à permettre aux banques de disposer des emprunts à moyen et long terme ; que, sans que ce montant soit fixé par la loi, il résulte des débats que l'octroi de la garantie de l'État aux banques dans ce cadre était limité à 320 milliards d'euros, sur l'enveloppe globale de 360 milliards d'euros ;

Attendu que ce montant de 320 milliards couvrait également le traitement de DEXIA, s'agissant de l'octroi d'une garantie de l'État aux emprunts par les sociétés du groupe Dexia (Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg et Dexia Crédit local de France) ;

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2° que le III de l'article 6 a prévu que, «afin de garantir la stabilité du système financier français, la garantie de l'État peut être accordée aux financements levés par une société dont l'État est l'unique actionnaire, ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres réglementaires» et en conséquence de renforcer les fonds propres des organismes financiers ;

Attendu qu'il résulte des débats que si l'enveloppe globale était fixée à 360 milliards, le montant de la garantie de l'État dans ce cadre s'établissait à 40 milliards d'euros, ainsi que cela été rappelé tant par Monsieur François PEROL que par le gouverneur de la banque de France, Monsieur Christian NOYER (page 68) et Monsieur Claude GUEANT, secrétaire général de la Présidence de la République (page 76) ;

Attendu qu'il résulte du communiqué précité du 20 octobre que Madame Christine LAGARDE avait annoncé que la Société de prise de participation de l'État (SPPE) – c'est à dire l'État – était prête à souscrire pour un montant de 10,5 milliards à des émissions de dette subordonnée effectuées par les établissements de crédit ;

Attendu que les réseaux bancaires avaient fait part de leur intention d'émettre d'ici à la fin de l'année 2008 des titres de dette subordonnée à un taux supérieur d'environ 400 points de base en moyenne au taux sans risque et pour les montant suivants : 0,95 milliard d'euros pour les Banques populaires, 2,55 milliards d'euros pour la BNPP, 1,10 milliard d'euros pour les Caisses d'épargne, 3 milliards pour le Crédit agricole, 1,20 milliard pour le crédit mutuel et 1,70 milliard pour la société générale ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces débats qu'en application de la loi du 16 octobre 2008, et à la suite des négociations entre les pouvoirs publics et les organismes bancaires, les structures Caisse d'épargne et Banque populaire ont effectivement bénéficié d'une aide de 2,05 milliards (950 millions d'euros pour les Banques populaires et 1,10 milliard d'euros pour les caisses d'épargne) ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a expliqué que le Président de la République Monsieur Nicolas SARKOZY avait fait l'annonce relative à la garantie de l'État de 360 milliards, s'agissant d'une l'enveloppe globale et qu'il avait «validé 40 milliards de recapitalisation» (page 47) ;

Attendu, selon les explications de Monsieur François PEROL que la loi du 16 octobre 2008 constituait «un message politique», à savoir qu'il n'y avait «pas d'aide sans contrepartie», que «le message des contreparties est affirmé au Sommet européen» (page 43) ;

3.2.2.2.5.- La démission de Monsieur Charles MILHAUD et de Monsieur Nicolas MERINDOL de la CNCE le 18 octobre 2008 et la rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République le 21 octobre 2008

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*Sur la démission de Monsieur Charles MILHAUD et de Monsieur Nicolas MERINDOL

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que l'information des pertes subies par la CNCE, à l'occasion de laquelle Monsieur Charles MILHAUD avait rencontré Monsieur Claude GUEANT le 10 octobre, devenait publique les 16 et 17 octobre 2008 ; que le 19 octobre 2008, le conseil de surveillance se réunissait et obtenait la démission de Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Nicolas MERINDOL, pour désigner Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE, comme Président du directoire de la caisse nationale des caisses d'épargne et Directeur général et membre du directoire en charge des finances de la caisse nationale des caisses d'épargne ;

Attendu, sur ces circonstances, que Monsieur Bernard COMOLET devait déclarer (D112) que «Le Conseil de Surveillance de CNCE a été convoqué par le Président du Conseil de Surveillance Yves HUBERT, un dimanche d'octobre 2008, le 19, pour faire le point sur la situation du Groupe et les mesures qu'il convenait de prendre. Dans le débat du Conseil de Surveillance, la défiance vis à vis du Directoire de CNCE s'est manifestée. A l'époque le Directoire de CNCE était composé de Charles MILHAUD, Président, Nicolas MERINDOL, Directeur Général, Guy COTTERET, Alain LACROIX, et Julien CARMONA ; Après de longues discussions (M. MILHAUD ne souhaitait pas démissionner dans un premier temps), il nous a été demandé à M. Alain LEMAIRE et à moi, par M. Yves HUBERT, d'assurer respectivement la Direction Générale et la Présidence du Directoire après le départ de M. Charles MILHAUD, que tous souhaitaient et qui devaient être décidées lors de ce Conseil de Surveillance ; (…) Le 19 octobre au soir, le Conseil de Surveillance a accepté la démission de M. Nicolas MERINDOL et de M. Charles MILHAUD et j'ai été nommé Président du Directoire de CNCE avec Alain LEMAIRE, Directeur Général, Guy COTTERET et Alain LACROIX en restant membres.» ;

Attendu que Stéphane RICHARD devait déclarer (D122) : «Je pense qu'il y a eu des contestations fortes à l'intérieur du Groupe des Caisses d'Epargne de certains choix stratégiques de M. MILHAUD (la création de NATIXIS et le coût que cela a représenté pour les Caisses d'Epargne, certains investissements immobiliers et des acquisitions de banques à l'étranger). Il y avait à l'intérieur des Caisses d'Epargne, une ambiance qui s'était dégradée, est survenu un incident avec un trader de la CNCE (c'était une petite affaire «Kerviel») et il est clair qu'à ce moment, la responsabilité de M. MILHAUD était engagée ce qui a provoqué sa chute» ;

Attendu que sur les conditions du départ de Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Nicolas MERINDOL, que Monsieur Christian NOYER, gouverneur de la Banque de France, déclarait (D176/5) : «cela s'est produit à la suite de la perte de marchés sur les opérations que CNCE gérait en propre. C'est le conseil de la CNCE qui les a poussés à la démission. Plusieurs des administrateurs sont venus me voir, et je les ai encouragés à renouveler les dirigeants compte tenu du fait que la CNCE était dans une passe très difficile, que les relations avec les dirigeants des banques populaires s'étaient tendues, et que les groupes n'arrivaient plus à se mettre d'accord sur les orientations de redressement de NATIXIS».

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Attendu que Charles MILHAUD diffusait un communiqué le 19 octobre 2009 faisant part de sa démission ;

***Attendu que le tribunal examinera les conditions de la démission de Monsieur Charles MILHAUD et le rôle éventuel de la Présidence de la République au point 4.7.3. ;

***

*La rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République le 21 octobre 2008

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Monsieur Charles MILHAUD rencontrait le Président de la République, le 21 octobre 2008, à la suite de sa démission intervenue le dimanche 19 octobre 2008 ;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l'audience que cette entrevue a eu lieu à l'initiative de Monsieur Charles MILHAUD (page 44) ; qu'il précisait que Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Nicolas SARKOZY se connaissaient de longue date, que «M. SARKOZY veut être agréable à M. MILHAUD, alors qu'il avait été désagréable» ;

Attendu qu'à l'appui de ce rendez-vous, Monsieur François PEROL préparait une note «information», en date du 21 octobre 2008 (AN/PEROL/UN) selon ses termes (page 44), à l'attention du Président de la République, sous couvert du secrétaire général, lequel visera cette note :

«Objet : Votre rendez-vous avec Charles Milhaud, ancien président du groupe des caisses d'épargne

1)Charles Milhaud sera certainement très amer : il a depuis 1999 profondément transformé le groupe des Caisses d'épargne, jusqu'à tout récemment, en donnant l'impulsion décisive au rapprochement avec les Banques Populaires, et doit quitter le groupe dans les pires conditions, contraint par le conseil de surveillance de donner sa démission.

2) Sous la conduite de Charles Milhaud, le groupe des Caisses d'épargne est devenu un véritable groupe bancaire diversifié, avec une part de marché significative dans la banque de détail et des actifs de qualité dans la banque de gros (gestion d'actifs pour compte de tiers avec Natixis Asset Management, assurance-crédit avec la Coface, conservation de titres avec Cacéis...) Au fond, il aura eu deux torts :

- ne pas s'entourer d'un numéro 2 qui soit un véritable gestionnaire du groupe, capable de «serrer les boulons» ; son directeur général, Nicolas Mérindol, était un bon développeur et un «deal maker», mais pas un gestionnaire précis et suffisamment rigoureux» ;

- tout récemment, avoir sous-estimé l'impact médiatique, dans le contexte de la crise financière, de la perte «surprise» de plus de 600 millions d'euros de la CNCE. Une déclaration de sa part dès vendredi

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dernier indiquant qu'il quittait le groupe après la fusion avec les banques populaires et, dans l'intervalle, qu'il préparait sa succession, aurait permis peut-être d'éviter la position extrêmement dure du conseil de surveillance.

3) Il sera sans doute très négatif sur son successeur (Monsieur Bernard COMOLET, président de la caisse d'épargne d'Ile-de-France, nouveau président du directoire) et sur le nouveau directeur général (Alain Lemaire, président de la caisse d'épargne de Provence Alpes). Il sera également probablement très négatif sur Monsieur Philippe DUPONT, le président des Banques populaires.

Il peut toutefois être intéressant d'entendre son «testament» de dirigeant : les forces et faiblesses du groupe aujourd'hui ; la façon de conduire à son avis le rapprochement avec les Banques Populaires.

Souhaitez-vous que je participe à l'entretien ou bien préférez-vous un tête-à-tête ?»

Attendu que la portée de cette entretien au regard des faits reprochés à Monsieur François PEROL sera examiné au 4.7.3.2. ;

***

3.2.2.2.6.- Sur la note du 20 octobre 2008

Attendu que Monsieur François PEROL adressait le 20 octobre 2008 une note à l'attention du Président de la République sous couvert du secrétaire général de la Présidence ;

Attendu que cette note est rédigée de la manière suivante (contenu créé par Monsieur François PEROL le 20 octobre à 11H39 et faisant l'objet d'un dernier enregistrement le même jour à 15H19) :

«Objet : Crise financière. Evolutions en France

1)L'analyse des données de marchés montre deux choses :

-le marché monétaire (ou marché interbancaire, marché de l'argent entre banques à court terme continue de se détendre peu à peu : le taux Euribor 3 mois baisse régulièrement, peu à peu et est ainsi ce matin à 5 % contre un plus haut à 5, 40 % vendredi dernier :

-la volatilité des marchés actions atteint des niveaux jamais vus (le double des pics constatés pendant la crise asiatique en 1998 et lors de l'éclatement de la bulle internet), ce qui tend à montrer que l'ajustement à la baisse n'est pas terminé.

2) Après le vote de la loi la semaine dernière, la semaine doit voir la mise en œuvre pratique des mesures de recapitalisation des banques et de garantie de leurs financements. Le dispositif suivant a été négocié ce week-end par le Trésor avec les banques :

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a)S'agissant de la recapitalisation :

-Souscription par l'État d'une première tranche de 10,5 Md€ de titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) émis par les banques ;

-Ces titres sont considérés comme des fonds propres «durs» par la réglementation bancaire. L'idée n'est pas de permettre aux banques émettrices de respecter les ratios prudentiels réglementaires (toutes respectent ces ratios) mais de leur donner un «coussin» de fonds propres supplémentaires de 50 points de base pour leur donner la capacité de prêter davantage à l'économie ;

-Ils ne donnent pas de droit de vote mais une rémunération élevée qui est prioritaire par rapport au dividende ;

-la rémunération sera calée sur les conditions de marché, en tenant compte de la qualité de la signature de chaque banque. En pratique, elle devrait tourner autour de la rémunération des titres d'Etat (OAT sur le très long terme) majorée de 400 points de base environ. A titre d'exemple, cela devrait faire environ 8% pour une banque comme BNPP (BNPP avait payé 8,02% début septembre pour une émission réalisée avant la fermeture complète du marché, mais sur un marché très tendu) ;

-Les 6 grandes banques françaises seraient concernées (soit en milliards d'euros : Crédit Agricole 3 ; BNPP 2,55 ; Société Générale 1,7 ; Crédit Mutuel 1,2 ; Caisses d'épargne 1,1 ; Banques populaires 0,95).

-Par convention passée avec l'État, chaque banque émettrice confirmerait son engagement de mettre en œuvre les recommandations MEDEF-AFEP sur la rémunération des dirigeants et à présenter sous 6 mois à la Commission bancaire de nouvelles règles de rémunération des opérateurs de marché. Par ailleurs, elle prendrait des engagements précis sur les crédits à l'économie (cette partie-là est encore en cours de discussion).

-Enfin, l'État indiquerait sa disponibilité pour la souscription, si nécessaire en 2009, d'une seconde tranche de 10, 5 MD€s.

b) S'agissant de la garantie sur les financements : la structure de refinancement (baptisée «société française de financement de l'économie») est en place. Grâce à un financement relai de la CDC, elle pourra dès mercredi faire ses premières opérations, pour un montant de 10 Md€s. Les émissions sur le marché (d'abord placements privés, puis avec appel public à l'épargne) prendront la suite de la CDC dans 15 jours environ.

c)La communication :

-Il faut annoncer les TSDI rapidement, parce que le marché spécule en ce moment sur de possibles augmentations de capital, ce qui affaibli les banques françaises cotées (à 15H00 : Société Générale -8, 6 % à 15H00, BNPP -6, 4, dans un marché en hausse de 1, 2 %). En pratique, cela veut dire ce soir après marché, après avoir informé peu avant la Commission européenne ;

-il faut coordonner les choses entre le premier Ministre d'une part, qui a pris l'initiative d'une réunion aujourd'hui avec les entreprises, les Banques et les

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représentants des collectivités locales sur le financement des collectivités locales (enveloppe exceptionnelle de 5 Md€s sur les fonds d'épargne de la CDC, qui sera attribuée directement par la CDC par moitié, et par les banques pour l'autre moitié) et sur le financement de l'économie (mobilisation des administrations locales pour suivre les difficultés de financement des entreprises) et Bercy d'autre part, qui prévoyait de communiquer sur la recapitalisation et sur la garantie ;

Il faut à mon sens une seule communication sur le financement de l'économie, sous la forme d'un communiqué en provenance de Bercy (mise en œuvre des décisions prises dimanche 12 octobre au sommet de l'euro et lundi 13 octobre pour la France : recapitalisation, garantie, suivi des difficultés de financement des entreprises). Nous avons demandé au cabinet du Premier Ministre de surseoir à toute communication après sa réunion.

Êtes-vous d'accord avec ces orientations ?

3) Situation des Caisses d'épargne : les messages suivants pourraient être passés à la nouvelle direction du groupe (MM. Comolet, président du directoire et Lemaire, directeur général) :

-préparer l'avenir par le rapprochement rapide avec les banques populaires ;

-travailler avec l'Etat à la gouvernance du nouveau groupe (il faudra un article législatif pour la réalisation du rapprochement).

Souhaitez-vous recevoir les deux nouveaux dirigeants ?»

***

Attendu que la portée de cette note du 20 octobre 2008, qui articule la seconde branche de la prévention à l'encontre de Monsieur François PEROL sera spécifiquement examinée par le tribunal au point 5.1.1.;

***

3.2.2.2.7.- Sur la poursuite du projet de fusion à la suite de la démission de Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Nicolas MERINDOL et la rencontre du 30 octobre 2008 entre le Président de la République et les nouveaux dirigeants des Caisses d'épargne

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que le processus de rapprochement des groupes Banque populaire et Caisse d'épargne, se poursuivra le lendemain de la démission de Monsieur Charles MILHAUD et de Monsieur Nicolas MERINDOL, dans un contexte de tension liée au caractère aigu de la crise financière ;

Attendu en effet qu'il résulte de l'audition de Monsieur Alain LEMAIRE (D120) : «Il était donc prévu qu'une première réunion pour préparer la fusion se tienne le 20 octobre 2008 au matin avec la délégation des Banques Populaires conduite par M. Bruno METTLING ; A partir de là a commencé une période qui va courir d'octobre 2008 jusqu'à fin février 2009 où avec Monsieur Bernard COMOLET, nous allons devoir gérer le groupe, gérer la

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considérable crise de NATIXIS (pour moi 60 milliards d'euros d'actifs toxiques) et conduire le processus de fusion des deux groupes ; J'en garde le souvenir d'une période de crise extrême. J'avais fait la réflexion aux CAC que je ne savais pas provisionner la fin du monde et notamment réviser toutes les valeurs d'acquisition que la Caisse d'épargne avait faites (NEXITY, BANQUE PALATINE, CREDIT FONCIER, Banques à l'étranger...) ;

Attendu que le tribunal relève, de manière particulière, les dissensions entre les dirigeants des deux groupes manifestées notamment par les déclarations de Monsieur Alain LEMAIRE (D120) sur la gouvernance du groupe : «Contrairement à la position de Monsieur Philippe DUPONT, M. COMOLET et moi nous ne souhaitions pas arrêter d'emblée les personnes appelées à diriger le futur organe central. Monsieur Philippe DUPONT au contraire en faisait un préalable à son accord sur la forme de la nouvelle structure et il voulait en être le véritable patron» ;

3.2.2.2.7.1.- La préparation de l'entretien du 30 octobre 2008 : la réunion avec Monsieur François PEROL du 24 octobre 2008

Attendu que dans ce contexte, et ainsi que cela résultait de la note du 20 octobre 2008, un entretien va être organisé entre les nouveaux dirigeants de la Caisse d'épargne et le Président de la République, lequel va avoir lieu le 28 octobre suivant ;

Attendu en conséquence qu'avant le rendez-vous du 30 octobre 2008 entre le Président de la République et les nouveaux dirigeants des Caisses d'épargne, une rencontre intervenait le 24 octobre 2008 à 10H30 entre Monsieur Bernard COMOLET, Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur François PEROL à l'Élysée ; que ce rendez-vous du 30 octobre 2008 était validé à l'agenda du Président de la République le 27 octobre ;

Attendu s'agissant des préparatifs de cet entretien que Monsieur Alain LEMAIRE (D120), interrogé sur le rôle de la présidence de la République dans le processus de fusion, va indiquer : «Pour ce qui concerne l'Élysée, nous avons d'ailleurs eu un rendez-vous avec M. PEROL le 24 octobre au matin pour préparer notre entretien avec le Président de la République qui s'est tenu peu de temps après. Ces entretiens se tenaient alors que nous discutions très fréquemment avec Monsieur Philippe DUPONT, Bruno METTLING sur la gouvernance, c'est-à-dire la forme juridique du futur organe central, les principes de fonctionnement du réseau avec l'organe central et la nomination des dirigeants» ;

Attendu qu'il y a lieu de rappeler dans la continuité des déclarations de Monsieur Alain LEMAIRE sur le fait que les discussions avaient lieu avec Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Bruno METTLING sur la gouvernance et les principes de fonctionnement du réseau, celles de Monsieur Philippe DUPONT (D142), évoquées précédemment décrivant les discussions avec BERCY pour la détermination des aides financières à apporter aux deux structures bancaires ;

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Attendu que Monsieur Bernard COMOLET, sur cet entretien avec Monsieur François PEROL va indiquer (D112 page 5) : «Je me rappelle seulement que M. PEROL nous a demandé d'aller vite. Les raisons invoquées étaient la crise financière, la pression des marchés, la crédibilité des deux groupes et l'accès aux liquidités. L'intérêt de l'État dans cette affaire, selon moi, était que la fusion réalisée rapidement diminuait le risque de défaillance d'une des banques et ses conséquences systémiques» ;

3.2.2.2.7.2.- La préparation de l'entretien du 30 octobre 2008 : la note de Monsieur François PEROL au Président de la République du 28 octobre 2008

Attendu que figure à la procédure une note du 28 octobre 2008, adressée par Monsieur François PEROL à l'attention du Président de la République, sous couvert du secrétaire général, portant sur «votre entretien avec les nouveaux dirigeants des Caisses d'épargne» ;

Attendu qu'il y a lieu de rappeler que dans sa note du 20 octobre 2008, Monsieur François PEROL suggérait au Président de la République de rencontrer les nouveaux dirigeants des Caisses d'épargne, nommés le 19 octobre, 2009 à la suite de la démission de Charles MILHAUD et de Nicolas MERINDOL ;

Attendu que la note est rédigée en ces termes (scellé AN/PEROL/UN) :

1) Monsieur Bernard COMOLET (61 ans) est le nouveau président du directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE), nommé en remplacement de C. Milhaud. Diplômé d'HEC, banquier depuis 1970, entré dans le groupe des Caisses d'épargne en 1985, président du directoire de la Caisse d'épargne Ile-de-France depuis 1997.

Alain Lemaire (58 ans) est le nouveau directeur général de la CNCE, nommé en remplacement de N. Mérindol. Ancien élève de l'ENA, cadre de la Caisse des dépôts de 1982 à 1997, entré dans le groupe des Caisses d'épargne en 1997, président du directoire de la Caisse d'épargne Provence Alpes depuis 2002.

2) Trois messages pourraient être passés à MM. Comolet et Lemaire (les mêmes messages ont été passés à P. Dupont :

-le rapprochement avec le groupe des Banques Populaires doit être la priorité. Il faut aller aussi vite que possible ;

-il faut «nettoyer» sans état d'âme les compte des deux groupes à l'occasion du rapprochement;

-le rapprochement passe par une disposition législative : nous devrons définir avec eux les nouvelles règles de gouvernance de l'ensemble fusionné (Caisse nationale des caisses d'épargne + Banque fédérale des banques populaires, ce qu'on appelle «l'organe central» dans une banque mutualiste) ;

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3) Dans un souci d'apaisement, et au vu des services qu'ils ont rendu au groupe des Caisses d'épargne dans le passé, B. Comolet et A. Lemaire sont d'accord pour que C. Milhaud conserve la présidence non exécutive d'Océor (filiale en charge de l'outre-mer et des développements en Méditerranée) et N. Mérindol la présidence non exécutive du Crédit Foncier. Ces mandats seraient conservés au plus tard jusqu'à la fusion avec les Banques Populaires. Ils ont en revanche renoncé à confier la direction générale exécutive du Crédit Foncier à N. Mérindol. Par ailleurs, C. Milhaud et N. Mérindol abandonneraient tous leurs autres mandats, exécutifs et non exécutifs, au sein du groupe.

4) Didier Banquy devrait également conserver ses fonctions de secrétaire général du groupe. Il ferait par ailleurs un bon membre du directoire de l'ensemble fusionné.»

Attendu qu'en paraphant la note, Monsieur Claude GUEANT, secrétaire général ajoute en fin de note, de manière manuscrite, à l'attention du Président de la République :

«Didier m'a appelé pour me dire qu'il était important à son sens que C.Milhaud conserve quelque temps une responsabilité relative aux développements de la Méditerranée. Il ajoute que nous pourrions lui confier une mission : il l'aime bien».

***Attendu que la portée de cette note au regard des faits reprochés à Monsieur François PEROL sera examinée au point 4.7.4.;

***

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'à la suite de cet entretien du 30 octobre 2008 entre le Président de la République d'une part et Monsieur Alain LEMAIRE et Monsieur Bernard COMOLET d'autre part, que plusieurs rencontres vont avoir lieu :

*le 31 octobre 2008 : rencontre à MATIGNON entre Monsieur Bernard COMOLET, Monsieur Alain LEMAIRE et Monsieur GOSSET –GRAINVILLE ;

*le 6 novembre : rencontre à BERCY entre Monsieur Bernard COMOLET, Monsieur Alain LEMAIRE et Monsieur Stéphane RICHARD ;

3.2.2.2.7.3.- Sur la signature de l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance

Attendu qu'il résulte du rapprochement des pièces de la procédure que le 10 novembre 2008, Monsieur Philippe DUPONT se rendait à l'Élysée et rencontrait Monsieur François PEROL à 12H00 et que le même jour à 19H30, Monsieur François PEROL rencontrait Monsieur Bernard COMOLET et Alain LEMAIRE ; que le 12 novembre 2008 était signé l'accord d'ouverture de négociations entre la Banque fédérale des Banques populaires et la Caisse nationale des Caisses d'épargne et de prévoyance (Scellé

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Archives/BPCE/Huit) ;

Attendu, ainsi que cela a été rappelé précédemment qu'il résulte de cet accord que c'est par une réunion du 8 octobre 2008 que le conseil d'administration de la BFBP et le conseil de surveillance de la CNCE ont décidé d'ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un accord dans les meilleurs délais ;

Attendu que cet accord apporte les précisions suivantes :

- à l'article 1er relatif à la «structure de l'opération» : «l'opération prendrait la forme d'une fusion de la BFBP et la CNCE, en vue de constituer un nouvel organe central unifié, qui serait détenu paritairement par les Banques Populaires Régionales, le Crédit coopératif et la CASDEN, d'une part, et les Caisses d'Epargne et de Prévoyance» d'autre part ;(...)

-à l'article 2 relatif à la «fusion de la BFBP et de la CNCE» : «Il est envisagé que l'opération prenne la forme d'une fusion entre la BFBP et la CNCE (…). Il est envisagé que la Fusion soit réalisée au cours du premier semestre 2009 avec effet rétroactif au 1er janvier 2009» ;(...)

- à l'article 3 relatif au «processus législatif» : «la réalisation de l'opération nécessitera l'adoption par le Parlement de plusieurs modifications législatives, notamment en ce qui concerne le statut de la BFBP (articles L. 512-10 et suivants du Code monétaire et financier), le statut de la CNCE (articles L. 512-94 du code monétaire et financier), le statut de la Fédération Nationale des Caisses d'Epargne (article L.512-99 du Code monétaire et financier)» ;

«Le Gouvernement a confirmé à la BFBP et à la CNCE qu'il proposera au Parlement, dans les meilleurs délais, d'adopter les modifications législatives nécessaires en vue de permettre la réalisation de l'opération» ;

«Les Parties détermineront d'un commun accord les propositions de modifications législatives à soumettre au Gouvernement, et agiront de manière concertée auprès du Gouvernement, de toute entité étatique compétente (notamment la Direction du Trésor et le Conseil d'État) ou de toute autre personne impliquée dans le processus législatif (parlementaires...) en s'abstenant de toute démarche individuelle effectuée sur une base non concertée ou autrement que dans le cadre d'un message défini en commun. A cet effet, toute proposition de modification législative ne pourra être communiquée ou discutée par une Partie au Gouvernement, à toute autre entité étatique compétente, sans avoir été préalablement agréée par l'autre Partie» ;

-à l'article 4 relatif aux «autorisations réglementaires» : «L'opération fera l'objet d'une notification dans les meilleurs délais :

(i) aux autorités françaises (Ministre chargé de l'Economie ou Autorité de la Concurrence selon le cas) et étrangères compétentes au titre du contrôle des concentrations,(ii) au CECEI en application de l'article L. 511-12-1 du Code monétaire et financier,

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(iii) ainsi qu'aux autre autorités françaises et étrangères dont l'autorisation préalable serait requise à raison de l'Opération (en ce compris ses conséquences sur Natixis et les autres filiales de la BFBP et de la CNCE) à quelque titre que ce soit.»(...)

-à l'article 5 relatif «aux participations détenues dans des sociétés cotées», s'agissant des diligences à accomplir vis-à-vis de l'Autorité des marchés financiers ;

- à l'article 6 relatif à l'«organisation de l'entité fusionnée», s'agissant de la dénomination sociale et du siège social ;

-à l'article 7 relatif aux «organes sociaux et direction de l'entité fusionnée»;

«La gouvernance du nouvel ensemble sera fondée sur les principes d'équilibre et de parité entre les deux réseaux. En particulier :

1. l'entité résultant de la fusion sera une société anonyme à directoire et conseil de surveillance.

2. Le Conseil de surveillance de l'entité résultant de la Fusion comportera un nombre identique de membres issus du Groupe Banque Populaire et de membres issus du Groupe Caisse d'Epargne.

3. Le Directoire de l'entité résultant de la Fusion comprendra initialement quatre membres : deux membres issus du Groupe Banque Populaire, et deux membres issus du Groupe Caisse d'épargne. Il comprendra deux Directeurs Généraux.

4. En application d'un principe de parité, le Président du Directoire et le Président du Conseil de Surveillance seront issus de chacun des deux Groupes. De même les deux Directeurs Généraux seront issus de chacun des deux Groupes.

5. Lors du renouvellement des mandats des membres du Directoire, le critère de compétence des candidats sera le premier critère de sélection et l'appartenance à l'un ou l'autre des Groupes ne sera pas déterminante.

6. Par ailleurs, à compter de la signature des présentes, les Parties constitueront un comité de projet présidé par M. Monsieur Philippe DUPONT et composé, en plus de lui-même, de MM. Monsieur Bernard COMOLET, Alain Lemaire et Yvan de Laporte du Theil. Ce comité sera chargé de préparer et de coordonner l'ensemble des opérations relatives au projet industriel et à l'organisation du nouvel ensemble qui seront soumises le moment venu aux différentes instances».

Attendu que l'annexe 1.4. relatif au calendrier indicatif simplifié fixait notamment à fin-décembre la finalisation des termes du projet d'accord définitif intégrant notamment les valorisations, le mécanisme de rééquilibrage et les autres termes et conditions de l'opération, à la mi-mars la date limite pour l'adoption des modifications législatives, à la mis-mars/fin mars, la signature du traité de fusion et des accords définitifs et à la mi/fin avril l'assemblée générale

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extraordinaire de la BFBP et de la CNCE portant sur l'approbation des comptes 2008, l'approbation et la mise en œuvre du mécanisme de rééquilibrage, le cas échéant et l'approbation de la fusion ;

***Attendu que la portée de la chronologie des journées des 10 et 12 novembre 2008 sera examinée au point 4.6.3. ;

***Attendu que postérieurement à ces journées des 10 et 12 novembre, la chronologie suivante peut être relevée :

-15 novembre 2008 : Sommet du G20 de Washington

-20 novembre 2008 : Dîner avec Monsieur Claude GUEANT, Monsieur Alain LEMAIRE et Monsieur Didier BANQUY

Attendu que le tribunal ne dispose en procédure d’aucun élément sur la portée de ce dîner ;

-28 novembre 2008 : rencontre à l'Élysée entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur François PEROL de 16H30 à 17H30 ;

-1er décembre 2008 : conférence téléphonique entre Monsieur Bernard COMOLET et la ministre de l’Economie et des finances à 10H30 ; que s’agissant d’une information relevée sur l’agenda de Monsieur Bernard COMOLET, le tribunal ne dispose d’aucun élément sur les autres personnes présentes ;

Attendu que le tribunal ne dispose pas d’élément sur la tenue de cette conférence et son objet ;

-19 décembre 2008 : rendez-vous avec Madame Christine LAGARDE et Bernard COMOLET à 9H30 ;

3.2.2.3.- Troisième accélération donnée au projet de fusion : la situation de la filiale commune des deux groupes, NATIXIS et les pertes annoncées de la CNCE

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure et des débats qu’au début de l’année 2009, le projet de fusion entre dans une phase plus active ;

Attendu que cette troisième accélération a été décrite par Monsieur Christian NOYER, gouverneur de la Banque de France dans sa déposition spontanée à l'audience le 25 juin 2015 (page 66) : «(…) Les pertes sont localisées à Natixis. Sa gouvernance n'est pas bonne. La durée de vie est assez courte. Les pertes se sont accumulées. Les actionnaires vont se chamailler à Natixis. La gouvernance était mauvaise. La situation était intenable. Les groupes se sont tournés vers l'État. L'État n'allait pas socialiser les pertes. La Direction du Trésor nous a constamment interrogé. Resurgit le projet qui existait à l'origine, le rapprochement des deux groupes. La Caisse d'épargne avait des excès de

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dépôt, et les Banques Populaires beaucoup moins. (…) Confronté à Natixis, je ne peux tolérer une telle gouvernance » ;

Attendu qu'il devait préciser : «on a poussé à l'accélération de l'histoire, du rapprochement »;

Attendu qu’il résulte de l’agenda de Monsieur Bernard COMOLET que le 2 janvier 2009, il rencontrait à 11H00 la Ministre de l’économie et des finances, puis le 5 janvier suivant, il se rendait à Matignon ;

Attendu que le 5 janvier 2009, le Président de la République adressait à Monsieur Bernard COMOLET, une lettre qui semblait avoir été adressée à l'ensemble des dirigeants des banques (scellé COMOLET/DOM/4) ; qu’aux termes de cette lettre, Monsieur Nicolas SARKOZY indique que «le marché de l’immobilier connaît une baisse brutale d’activité» et que «pour freiner la baisse actuelle des mises en chantier», il a fait le «choix de soutenir le secteur de la construction neuve» ; que cette lettre fait état du plan de relance de l’économie mis en œuvre notamment dans son dispositif concernant les primo-accédants rappelant que «l’Etat a mis en place différents dispositifs de soutien du secteur bancaire, de nature générale au travers de la Société de financement de l’économie française (SFEF)», le Président de la République indiquant son souhait que la CNCE «fasse connaître les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics et examine de manière non restrictive les demandes de crédits qui vous seront faites» ;

3.2.2.3.1.- Sur la rencontre entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Claude GUEANT le 10 janvier 2009, la note de Monsieur Claude GUEANT au Président de la République du 12 janvier 2009 et l’annonce des pertes de 2 milliards chez NATIXIS et de 2 milliards chez CNCE

Attendu que le 10 janvier 2009, Monsieur Philippe DUPONT rencontrait Monsieur Claude GUEANT à la présidence de la République ;

Attendu que le tribunal constate que cette visite donnait lieu à une note rédigée par Monsieur Claude GUEANT à l’attention du Président de la République, en date du 12 janvier 2009, transmise ensuite à Monsieur François PEROL, au regard des annotations figurant sur ce document (scellé DD/AN/PEROL/UN) :

«J’ai rencontré le samedi 10 janvier Monsieur Philippe DUPONT et le Président des Banques Populaires. Il souhaitait, avant de rencontrer Monsieur François PEROL en compagnie de l’équipe dirigeant de la caisse nationale des caisses d’épargne, livrer en dehors de la présence de ces derniers son diagnostic de la situation avant la fusion entre Caisses d’Epargne et Banques Populaires qui vient d’être confirmée :

1. S’agissant des Banques Populaires, Monsieur Philippe DUPONT estime que le groupe ne présente pas de risque particulier. Il n’a pas acheté de produits toxique.

2. NATIXIS a enregistré 2 milliards de perte. D’autres risques existent et des pertes supplémentaires sont possibles.

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3. Le CREDIT FONCIER a consenti à 24 milliards de crédit hypothécaire dont 31 % en Espagne. Cet engagement est à comparer avec le total des crédits hypothécaires consentis par les banques françaises qui se montent à 14 milliards.

4. Les comptes propres de la caisse nationale des caisses d’épargne enregistrent au 31 décembre dernier de l’ordre de 2 milliards de perte. Par ailleurs, les cours des actions de NATIXIS possédés par la CNCE sont surévalués pour un montant de l’ordre de 4 milliards.

Une orientation stratégique sera :

- De créer un ensemble «banque de détail, banque de crédit de proximité à l’économie».

- De créer un pôle avec NATIXIS, la COFACE, le CREDIT FONCIER…

Ils vont essayer d’aboutir à la fusion pour le mois de mai».

Attendu que le tribunal constate à la lecture de la note, la révélation de l’information notamment des pertes subies par NATIXIS, d’un montant de 2 milliards, ainsi que de la perte de 4 milliards chez CNCE ;

Attendu sur l’appréciation à porter sur cette note, qu'il convient de se reporter aux déclarations de Monsieur Bruno METTLING selon lesquelles (D118, page 5), «Il est arrivé dans la période à Monsieur Philippe DUPONT de rencontrer différentes autorités. Notre préoccupation était alors que les travaux avaient mis en évidence des risques de pertes (et non des pertes) de nature à fragiliser le futur ensemble. Il souhaitait donc en faire part à travers Monsieur Claude GUEANT, au Président de la République à une époque où l'intensité de la crise bancaire, donnait au projet une dimension incontestablement politique. Mon interprétation du document que vous m'avez montré et surtout du choix de Monsieur Claude GUEANT, traduisait la volonté de Monsieur Philippe DUPONT de porter ce message de prise de conscience des risques que représentaient certains actifs des CAISSES D'EPARGNE, aux plus proches collaborateurs du Président. Il traduisait ainsi la nécessité d'une aide à la constitution du futur ensemble pour assurer durablement sa solvabilité, là où la tentation des CAISSES D'EPARGNE pouvait être de minorer ce risque.»

Attendu, en l’état de l’appréciation du tribunal, que cette note s’inscrit dans une information communiquée à la Présidence de la République ;

3.2.2.3.2.-Sur la rencontre du 13 janvier 2009 entre Monsieur Philippe DUPONT, Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur François PEROL

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que Monsieur Philippe DUPONT se rendait à l'Élysée le 13 janvier 2009 et rencontrait Monsieur François PEROL à 19H30 (D83) ;

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Attendu, selon la défense que Monsieur Bernard COMOLET participait également à cette réunion ; qu’ils «étaient à nouveau reçus à leur demande par Monsieur François PEROL qu'ils informaient alors d'une circonstance nouvelle extrêmement inquiétante concernant la situation de la filiale commune des deux groupes qui, selon eux, étaient de nature à entraîner la défaillance de ceux-ci» ;

Attendu, selon la défense, que «selon les dirigeants des deux groupes, une intervention de l'État était nécessaire pour éviter cette défaillance susceptible, dans le contexte de crise financière aiguë, d'entraîner une crise systémique du système bancaire français» ;

Attendu que le tribunal ne dispose pas en procédure d’élément particulier sur le déroulement de cette réunion et les suites éventuelles données ;

Attendu en tout état de cause, que cette réunion du 13 janvier 2009 s’inscrit dans la continuité de celle du 10 janvier 2009 durant laquelle Monsieur Philippe DUPONT avait souhaité rencontré en tête-à-tête Monsieur Claude GUEANT ;

3.2.2.3.3.- Sur l’accélération du calendrier : l’annonce des résultats le 26 février 2009

Attendu que Monsieur François PEROL fait valoir qu’à compter du moment où les pertes de NATIXIS étaient connues, «une intervention de l'État était d’autant plus urgente que les deux banques devaient annoncer leurs résultats le 26 février 2009, date fixée depuis de nombreux mois et qui ne pouvait pas être reportée au regard, notamment, du fait que la filiale commune en grande difficulté NATIXIS était cotée en bourse» ;

Attendu que la date du 26 février 2009, présentée par Monsieur François PEROL à l’audience comme la date limite de l’annonce de la fusion, élément qui a pu être discuté par les parties civiles au cours des débats, apparaît devoir être retenue par le tribunal, compte tenu de la tension liée à la crise financière et les risques liés à l’annonce de pertes importantes de NATIXIS ;

Attendu que cet élément ne résulte pas des seules déclarations de Monsieur François PEROL mais aussi de celles de Monsieur Christian NOYER qui soulignait que (D176) «l'urgence était très grande puisque les groupes devaient communiquer sur leur résultat fin février, et donc devaient être capables de faire des annonces sur le renforcement du capital, sur leur avenir commun et sur les instances dirigeantes futures» ;

Attendu en tout état de cause que le tribunal constate, ainsi que cela va être analysé ci-après, une accélération du calendrier ;Attendu ainsi, que la chronologie suivante peut être reconstituée :

-14 janvier à 17H30 : Réunion de Monsieur Bernard COMOLET avec Madame Christine LAGARDE ;

-16 janvier 2009 : Monsieur Charles MILHAUD se rend à l'Élysée et rencontre Monsieur François PEROL (arrivée à 19H05) ;

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Attendu que ce même jour, Monsieur Bernard COMOLET rencontre Monsieur Xavier MUSCA à 10H30 ;

-19 janvier 2009 : Réunion entre Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Antoine GOSSET-GRAINVILLE à Matignon à 18H30 ;

Attendu que le tribunal ne dispose pas d’élément particulier sur le contenu de ces réunions et les suites qui ont pu être données ;

3.2.2.3.4.- Sur la réunion des banques avec le Président de la République le 20 janvier 2009 à 18H00

Attendu que figure à l’agenda de Monsieur Bernard COMOLET une réunion «banquier» avec le Président de la République, le 20 janvier 2009 à 18H00 ;

Attendu qu’à cette occasion, il apparaît que Monsieur François PEROL préparait une note à l’attention du Président de la République, en date du 27 janvier 2009, sous couvert du secrétaire général :

Attendu que cette note ayant pour objet «Réunion avec les banques. Dernières informations» a été placée sous scellé DD/AN/PEROL/DEUX ; qu’il apparaît que cette réunion a porté sur la rémunération des dirigeants :

«I/Sur la question de la rémunération des dirigeants

1)Frédéric OUDEA vient de m’informer que le conseil d’administration de la Société Générale avait accepté sa proposition de suppression de sa part variable pour 2008 (de même que celle de Daniel BOUTON). L’information sera rendue publique à 17H30 ce soir.

2)Le conseil d’administration de Crédit Agricole est actuellement en discussion sur le même sujet. Selon toute probabilité, il devrait prendre la même décision pour Georges Pauget.

3) Je n’anticipe pas de difficultés sur ce point du côté des Caisses d’Epargne ou des Banques Populaires. Je n’ai pas eu de nouvelles du Crédit Mutuel.II/Sur la question de la deuxième tranche de recapitalisation

1)BNPP, Caisses d’Epargne et Banques Populaires confirmeront en avoir besoin. Pour Caisses d’Epargne et Banques Populaires, il faudra que la recapitalisation s’inscrive dans le cadre plus global du rapprochement en cours, qui doit être accéléré.

2)Il y a plus de réticences du côté de Crédit Agricole, Société Générale et Crédit Mutuel qui estiment ne pas en avoir besoin.

Dans ces conditions, la solution raisonnable ma paraît être, compte tenu de la récession dans laquelle se trouve l’économie mondiale et de l’incertitude sur le secteur bancaire, que l’on communique sur les éléments suivants : i) la deuxième tranche est ouverte à tous les établissements, par exemple jusqu’à fin août ; (ii) chaque établissement a la liberté d’y venir pendant cette période ; (iii) aucune banque n’indique avant la publication de ses résultats qu’elle

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n’ira pas.

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a indiqué, s'agissant de cette réunion : «L'objet, c'est l'incarnation de la mobilisation face à la crise. Il ne se décide rien lors des réunions. Il s'agit du 2ème plan de capitalisation»;

***Attendu que la portée de la note du 20 janvier 2009 sera examinée au point 4.7.5.;

***

3.2.2.3.5.- Sur la note du 27 janvier 2009

Attendu que figure à la procédure une note en date du 27 janvier 2009 adressée par Monsieur François PEROL au Président de la République, sous couvert du secrétaire général ;

Attendu que dans cette note de quatre pages, dont l'objet est : «Votre entretien avec Jean-Claude Trichet à 19h00», figure en page 2 un paragraphe «ii) Vous pourriez faire part confidentiellement à Jean-Claude Trichet de vos inquiétudes sur Caisses d'épargne – Banques populaires – Natixis, qui pourraient (pas de certitude à ce stade) relever d'un traitement de type Dexia»;

Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué à l'audience qu'il s'agit d'une note de préparation d'entretien, le problème étant celui de la dette souveraine ; que s'agissant de l'aide à apporter aux deux groupes, «il y avait nécessairement une aide en capital à la tête du groupe» et «on est encore dans l'idée d'être dans un traitement de type Dexia» ;

3.2.2.3.6.-Sur les trois réunions du 26 janvier, du 12 février et du 19 février 2009

Attendu que trois réunions vont être organisées à la Présidence de la République, présidées par Monsieur François PEROL, les 26 janvier, 12 février et 19 février 2009 portant sur la fusion des groupes Caisses d’Epargne et Banque Populaire ;

***

Attendu que ces réunions et leur portée seront analysées au point 5.2.1.;

***

3.2.2.3.7.-Sur la proposition faite par Monsieur Nicolas SARKOZY à Monsieur François PEROL de prendre la tête du nouvel organe le mercredi 18 février 2009

Attendu qu’entendu en qualité de témoin, Monsieur Claude GUEANT a indiqué que Monsieur Nicolas SARKOZY a demandé à Monsieur François PEROL s’il accepterait de devenir le nouveau président du groupe fusionné ;

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Attendu qu’à l’audience, Monsieur François PEROL a expliqué (page 124) que le Président de la République lui avait demandé de prendre la tête de la BPCE ; que, selon lui «le Président de la République est le premier qui l’a évoqué avec moi, à un moment où tout est réglé sauf le dirigeant» ; que, selon Monsieur François PEROL, cette conversation aurait eu lieu, après la réunion du 12 février 2008, peut-être le mercredi 18 février 2009 ;

Attendu que le tribunal analysera l'ensemble de ces éléments au point 5.2.5. sur «l'origine du futur dirigeant» ;

***

3.2.2.3.8.- Sur la note du 19 février 2009

Attendu que figure dans les scellés DD/AN/PEROL/DEUX une note dans laquelle, selon l’ordonnance de renvoi, Monsieur François PEROL faisait état de droits de l'Etat sur la gouvernance du groupe en contre-partie des actions de préférence et préconisait la nomination, dès le 25 février 2009, d'une personnalité extérieure aux deux groupes ;

Attendu que Monsieur François PEROL a, à l’audience, contesté en être l’auteur ;

Attendu que le tribunal ne dispose d’aucun élément circonstancié sur la provenance de cette note et l’utilisation qui a pu en être faite ; qu'il n'est en conséquence pas en mesure de pouvoir tirer de conséquences pénales à ce document ;

***

3.2.2.3.9.- Sur l’appel téléphonique du vendredi 20 février 2009 de Monsieur Claude GUEANT à Monsieur Olivier FOUQUET, Conseiller d’Etat, président de la Commission de déontologie de la fonction publique.

Attendu que Monsieur Olivier FOUQUET a déclaré avoir reçu, le vendredi 20 février 2009 dans la soirée, à son domicile, un appel téléphonique de Monsieur Claude GUEANT l'informant de la nomination de Monsieur François PEROL à la tête de la BPCE la semaine suivante et de l'urgence de réunir la Commission de déontologie d'ici là ;

Attendu que Monsieur Olivier FOUQUET relatait (D116) que «Le vendredi soir précédent la semaine où M. PEROL a été nommé, je reçois un coup de téléphone à mon domicile de M. GUEANT que je ne connaissais pas, secrétaire général de l'Elysée. (…) Il me dit que M. PEROL va être nommé à la tête de la BPCE par le conseil d'administration la semaine prochaine, il faut réunir la commission pour deux raisons :-ce n'était pas le candidat annoncé : un inspecteur des finances de Bercy dont je n'avais pas eu le nom (ce qui est souvent le cas) -M. Guéant ignorait tout du fonctionnement de la commission de déontologie, notamment à propos du délai d'instruction des affaires. J'ai répondu à M. GUEANT que je ne pouvais pas réunir la commission aussi rapidement, il m'a alors demandé si la consultation de la commission était obligatoire. Je lui ai expliqué la différence entre la saisine obligatoire et la saisine facultative. Il découvrait la question, n'y comprenait pas grand -chose

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et finalement, nous avons convenu que je lui enverrai une lettre expliquant les conditions que devait remplir M. PEROL pour que la saisine de son dossier soit facultative (…).J'ai appelé mon collègue du Conseil d'Etat, secrétaire général du gouvernement, Serge LASVIGNES pour lui demander de faire rechercher la jurisprudence. J'ai rédigé un projet de lettre que j'ai envoyé le lundi (suivant le coup de fil du vendredi avec M.GUEANT) à M. LASVIGNES. Il m'a donné la jurisprudence relative au départ des membres des cabinets ministériels» ;

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure qu’une note signée par Monsieur Serge LASVIGNES, secrétaire général du Gouvernement était faxée le 21 février 2009 par Monsieur Antoine GOSSET-GRAINVILLE, directeur du cabinet du Premier Ministre, à l’attention de Monsieur François PEROL ;

Attendu que la conclusion de cette note était la suivante : «En conclusion, il doit être possible, d'un strict point juridique de défendre de la validité de l'une ou l'autre des désignations envisagée, en prenant appui sur la doctrine bienveillante de la commission de déontologie, renforcée par la nouvelle écriture de la loi pénale, laquelle est en outre d'interprétation stricte. C'est toutefois sous la réserve qu'il n'existe pas d'éléments précis montrant un investissement particulier de l'un ou l'autre : les subtilités du droit trouvent leurs limites lorsqu'elles se heurtent directement au «réalisme déontologique» ;

«En tout état de cause, on sait que les questions d'ordre déontologique se prêtent facilement à une exploitation polémique, spécialement lorsqu'elles ont un arrière-plan pénal. Il faut à cet égard apprécier notamment le risque de procédures contentieuses qui, même si elles n'aboutissent pas, peuvent affaiblir le dirigeant en jetant le soupçon sur sa légitimité»;

3.2.2.3.10.-Sur la réunion du 21 février 2009

Attendu que s’est tenue le 21 février 2009 une réunion à la Présidence de la République au cours de laquelle Monsieur Nicolas SARKOZY, en présence de Monsieur Claude GUEANT et Monsieur François PEROL, a reçu Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Bernard COMOLET à 11H45 ;

Attendu qu’à l’occasion de ce rendez-vous, Monsieur François PEROL avait préparé la note ci-dessous détaillée, adressée au Président de la République, sous couvert du secrétaire général ;

3.2.2.3.10.1.- Présentation de la note du 21 février 2009

«Objet : Votre entretien avec Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Bernard COMOLET à 11H45

L'état des discussions est le suivant :

1)Accord sur la nécessité et l'urgence du rapprochement (en raison des difficultés de Natixis qui peuvent créer un problème systémique si des décisions rapides ne sont pas prises ; en raison de l'intérêt industriel du projet :

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créer le deuxième groupe bancaire français par la taille).

2)Quelques points de discussion encore sur les conditions de succès de l'opération. Je vous propose de leur faire part de la position définitive de l'État sur chacune de ces conditions, sans laisser trop de place à la discussion (compte-tenu de l'urgence d'annoncer publiquement des décisions : dès le 26 février 2009).

1.Conditions financières

(i)Soutien financier de l'État, pour assurer la stabilité financière du groupe, jusqu'à 5 milliards d'euros de fonds propres complémentaires.

Il est préférable d'annoncer un plafond et non un chiffre définitif : le chiffre définitif devra être ajusté au vu de l'analyse de la situation faite par le nouveau dirigeant, des efforts que le groupe peut réaliser de lui-même pour diminuer le besoin de fonds propres (par exemple sous forme de cession d'actifs), de la capacité du groupe à payer la rémunération des fonds apportés par l'Etat.

(ii)Ce soutien prendra la forme d'actions de préférence convertibles en actions ordinaires par l'État au terme d'une période de 3 à 5 ans, donnant à l'Etat jusqu'à 20 % du capital de la structure résultant de la fusion.

Il ne peut s'agir immédiatement d'actions ordinaires en raison de la question de la valorisation de Natixis, rendue délicate par la très forte décote boursière subie par le titre (3 Md€s de valeur boursière, pour un actif net de 14, 5 Md€s) : si l'État entrait aujourd'hui en actions ordinaires, il ne pourrait le faire que sur la base de la valeur boursière de Natixis, ce qui entraînerait une destruction de fonds propres considérable dans les Caisses d'épargne et les Banques populaires et la nécessité d'une recapitalisation beaucoup plus massive : il faut donc décaler dans le temps l'entrée de l'État sous forme d'actions ordinaires. D'où l'idée de l'option pour l'État de conversion en actions ordinaires.

(iii)Ce soutien ne serait accordé qu'à l'organe central résultant de la fusion.

Et pas avant : cette condition essentielle pour garantir que les deux groupes s'engageront bien sur le chemin de la fusion.

B. Conditions de gouvernance

(i)L'État aurait immédiatement des droits stratégiques : au moins 2 administrateurs, exigence d'une majorité qualifiée du conseil pour les décisions stratégiques (nomination des dirigeants, budget, plan stratégique, opérations sur le capital, cessions et acquisitions d'actifs importants).

De cette manière, l'État aura une influence sur la gestion du groupe, sans toutefois remettre en cause la prédominance des actionnaires caisses d'épargne et banques populaires. En effet, si cette prédominance était remise en cause par les droits conférés à l'État, une offre publique obligatoire devrait être lancée sur le flottant de Natixis, qui pourrait être très coûteuse, y compris pour l'État.

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(ii)Présence d'au moins 4 administrateurs indépendants.

(iii)Présidence du comité d'audit par un administrateur indépendant

(iv)Organisation sous la forme d'un conseil d'administration avec président non exécutif et directeur général exécutif, ou sous la forme d'un conseil de surveillance avec directoire. Les caisses d'épargne sont très demandeuses de la deuxième formule, et les banques populaires pourraient l'accepter. Ce point pourrait être concédé aux Caisses d'épargne.

C.-Conditions de mise en oeuvre du projet

(i)Recrutement du futur directeur général (ou du futur président du directoire)

***

3.2.2.3.10.2.- Le déroulement de cette réunion selon les témoignages reçus

Attendu que, selon Monsieur Philippe DUPONT (D142), son secrétariat a été contacté la veille pour lui demander de bien vouloir être reçu par le Président de la République ; qu’il déclarait : «Le matin même je me suis retrouvé avec M.COMOLET dans l'anti-chambre des bureaux du Président de la République et on nous a fait entrer dans la salle de réunion attenante au bureau du Président. Celui-ci est entré accompagné de Monsieur Claude GUEANT et de Monsieur François PEROL et nous a annoncé qu'il était temps de sortir par le haut de ce dossier pour déboucher sur une fusion des deux établissements dans un contexte où les résultats négatifs des Caisses d'Epargne, qui devaient être annoncés la semaine suivante, présentaient un danger pour l'équilibre de la place. Comme nous n'avions pas réussi à déboucher sur un acte volontaire de fusion, il nous a notifié sa volonté de voir gérer ce dossier par une personne extérieure au périmètre des deux banques et nous a proposé que Monsieur François PEROL puisse occuper cette fonction» ;

Attendu que selon Monsieur Philippe DUPONT, si le Président de la République a évoqué dans son propos liminaire, la situation de crise financière, la situation des Caisses d'Epargne et les aides d'État dévolues à la place et aux deux groupes, il indiquait que «le principal objet de cette réunion était de nous signifier la nécessité d'agréer la proposition de nommer Monsieur François PEROL à la direction des deux groupes» ;

Attendu que Monsieur Bernard COMOLET indiquait pour sa part (D113) : «Quelques jours avant le samedi 21 février 2009, j'avais été prévenu que Monsieur François PEROL nous donnait rendez-vous à M. DUPONT et à moi, à l'Elysée pour rencontrer le Président de la République, ce samedi matin précisément à 11h45. A cette occasion le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY, nous a indiqué qu'il savait qu'on avait besoin de 5 milliards d'euros et que l'Etat avait pris la décision de les mettre à notre disposition. A cette réunion il y avait PEROL, GUEANT, DUPONT, le Président et moi. Le Président est ensuite entré dans les modalités selon lesquelles cette intervention pouvait avoir lieu, c'est-à-dire un prêt convertible en actions dans un délai de 3 à 5 années si des critères fixés dans un MOU (Mémorandum of Understanding) n'étaient pas respectés (conditions de remboursement). Il était précisé par M. SARKOZY que le prêt de 5 milliards

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d'euros ne serait attribué qu'à l'organe central une fois la fusion BP et CE réalisée. C'est à partir de là qu'il nous a indiqué que le Conseil du nouvel organe central devrait comprendre deux administrateurs représentant l'Etat, et qu'il entendait qu'il y ait 4 administrateurs indépendants dont le Président du futur Comité d'Audit. Ensuite, il a indiqué que la forme juridique du futur organe central pouvait être envisagée soit sous forme de société à Conseil d'Administration avec Président et Directeur Général ou si l'on préférait sous forme de société à Directoire et Conseil de Surveillance. En tout état de cause, il a annoncé que le futur Directeur Général exécutif devrait être choisi en dehors des deux groupes et que l'annonce de sa nomination devait intervenir dès le 26 février. Le Président de la République nous indiquait ensuite, en rappelant que l'Etat prêtait 5 milliards, qu'il entendait que Monsieur François PEROL dont il dressait le meilleur tableau, soit proposé comme futur Directeur Général exécutif du nouvel ensemble. Il nous a indiqué ensuite que le Président du nouvel ensemble serait issu des Banques Populaires et j'en concluais que c'était soit DUPONT Président du Conseil d'Administration avec PEROL Directeur Général, soit PEROL Président du Directoire et DUPONT Président du Conseil de Surveillance. Il a indiqué enfin, que je devrais traiter avec Monsieur François PEROL de mon rôle et de ma place dans le futur Groupe. Cette annonce était sans appel et m'a été présentée comme une décision. A la fin de cette annonce, le Président s'est excusé du fait de ses occupations et nous a demandé d'en mettre en oeuvre les modalités avec Monsieur François PEROL, dont il disait regretter de devoir s'en séparer à l'Elysée. Puis il a quitté la salle de réunion. La réunion étant dès lors terminée, Monsieur François PEROL nous a proposé à Monsieur Philippe DUPONT et à moi-même de déjeuner dans un petit restaurant de la rue Gay Lussac, proche de son domicile. C'était un repas convivial où il s'est comporté avec moi, comme un « patron souriant»(…)»

Attendu que figurent dans les scellés COMOLET/DOM/DEUX, les notes prises par Monsieur Bernard COMOLET au cours de cette réunion, conformes à son témoignage et reprenant les éléments de la note élaborée par Monsieur François PEROL montrant ainsi que Monsieur Nicolas SARKOZY avait repris les différents items de la note ;

Attendu que le tribunal indiquera sa position sur cette réunion du 21 février 2009 et sur la note du 21 février 2009 au point 5.1.2. ;

***

Attendu qu’il résulte des éléments de la procédure que le lundi 23 février 2009, Monsieur Bernard COMOLET rencontrait Monsieur Antoine GOSSET- GRAINVILLE à 19H15, avec Monsieur Philippe DUPONT ;

Attendu que le mardi 24 février 2009, Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Philippe DUPONT adressaient une lettre à la Ministre de l’Economie, Madame Christine LAGARDE (scellé COMOLET DOM/DEUX) rédigées en ces termes :

«Nous vous prions de trouver ci-joint, paraphé par nos soins, le texte qui décrit les grandes lignes de l'opération de rapprochement des groupes CNCE et BFBP.

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Ce texte est le fruit des discussions que nous avons eues avec vous et sa rédaction est définitive. C'est donc en cet état que nous le soumettrons à l'approbation de nos conseils respectifs, en leur recommandant de l'approuver».

Attendu que le document joint à la lettre est celui qui sera annexé au protocole du 16 mars 2009, arrêtant les grandes lignes de l'opération de rapprochement des deux groupes auquel est joint le tableau récapitulatif de la «séquence de nomination du futur président de directoire de la CEBP» détaillant les séquences de nomination de FP (Monsieur François PEROL) à la tête de la CNCE et de la BFBP, avant même la réunion des comités de direction.

Attendu que le mercredi 25 février 2009, Monsieur François PEROL était nommé directeur général des Banques populaires, par le conseil d'administration de la Banque fédérale des Banques populaires ;

Attendu que le jeudi 26 février 2009, le Conseil de surveillance de la Caisse Nationale des Caisses d'épargne(CNCE) se réunissait sous la présidence de Monsieur Yves HUBERT, acceptait la démission de Monsieur Bernard COMOLET de la présidence du Directoire de la CNCE et nommait Monsieur François PEROL à la présidence du directoire de la CNCE, avec effet au 2 mars 2009 ;

Attendu que le 6 mars 2009, Monsieur François PEROL était désigné comme président du conseil de surveillance de la société NATIXIS ;

Attendu que le 13 mars 2009, était publié le décret d’acceptation de la démission de Monsieur François PEROL de l’Inspection générale des finances ;

Attendu que le 16 mars 2009, le protocole de négociations était signé par la BFBP, représentée par Monsieur Philippe DUPONT, la CNCE, représentée par Monsieur Alain LEMAIRE, et l'État français représenté par Madame Christine LAGARDE, ministre de l'économie, avec pour objet, d'une part, la création du nouvel organe dirigeant issu du regroupement des Caisses d'épargne et des Banques populaires et, d'autre part, les modalités d'apports de fonds propres par l'État à cette nouvelle entité ;

Attendu que la BPCE était créée le 24 juin 2009 ; que le 16 juillet 2009 (scellé COMOLET/DOM/UN), la ministre de l’économie, adressait un courrier à Monsieur François PEROL pour la désignation des quatre membres du Conseil de surveillance de BPCE ; que le 31 juillet 2009, Monsieur François PEROL devenait président du directoire de BPCE ; qu’il était proposé à l’agrément avec Monsieur Yvan DE LA PORTE DU THEIL, Monsieur Alain LEMAIRE, Monsieur Nicolas DUHAMEL et Monsieur Jean-Luc VERGNE ;

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SUR CE, LE TRIBUNAL

4.- Appréciation des griefs reprochés à Monsieur François PEROL

Attendu que l'examen de la prévention concernant Monsieur François PEROL amène le tribunal à s'interroger sur deux questions :

1° Monsieur François PEROL a-t-il, en sa qualité de secrétaire général adjoint de la présidence de la République, entre le 16 mai 2007 et le 26 février 2009, formulé des avis sur des contrats conclus par les groupes CNCE et BFBP, en l'espèce en participant à la définition des modalités d'apports de fonds publics à des établissements bancaires et en validant ces dispositifs formalisés, en ce qui concerne la Caisse nationale des Caisses d'épargne et la Banque fédérale des Banques populaires, dans un protocole signé le 16 mars 2009 avec le ministre de l'économie et des finances ;

Attendu que pour le Parquet national financier, «Plusieurs documents saisis établissent en effet qu'il a formulé des avis, auprès des autorités de l'État compétentes, sur le montant des fonds publics versés par l'État aux banques pour renforcer leurs fonds propres et sur les modalités de versement et de remboursement de ces fonds» ; que dans son ordonnance, le magistrat instructeur vise une note du 21 février 2009, à l'attention du Président de la République sous couvert du Secrétaire général intitulé : «votre entretien avec Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Bernard COMOLET»; que dans l'ordonnance en cote D202/54, sont cités des passages, mais qui ne résultent, non de la note du 21 février 2009, mais de celle du 20 octobre 2008, dont l'objet est «Crise financière. Evolutions en France.» ;

Attendu qu'au sens de l'accusation, «en soumettant ce dispositif au président de la République pour validation, après l'avoir lui-même implicitement entériné, afin de pouvoir adresser aux autorités compétentes de l'État l'accord du président de la République pour le mettre en œuvre, Monsieur François PEROL a émis un avis sur un contrat conclu par la CNCE et la BFBP» ; que, pour l'accusation, cette note a ensuite été contractualisée dans le protocole de négociations signé le 16 mars 2009, par la BFBP, représentée par Monsieur Philippe DUPONT, la CNCE, représentée par Monsieur Alain LEMAIRE, et l'État français représenté par Madame Christine LAGARDE ;

Attendu que le tribunal estime, même si est spécifiquement visée dans l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur la note du 21 février 2009 et non celle du 20 octobre 2008, qu'il y a lieu de considérer également cette note du 20 octobre 2008 dans le champ de la prévention, dès lors que des passages de cette note ont été reproduits dans l'ordonnance de renvoi ;

Attendu que c'est dans le respect du contradictoire, que Monsieur François PEROL a pu s'en expliquer tant dans ses conclusions qu'à l'audience ;

2° Monsieur François PEROL a-t-il en sa qualité de secrétaire général adjoint de la présidence de la République, entre le 16 mai 2007 et le 26 février 2009, proposé directement à l'autorité compétente, des décision relatives à des opérations réalisées par les groupes CNCE et BFBP et des avis sur des décisions relatives à des opérations réalisées par ces deux entreprises, et ce portant sur cinq points :

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-le montant de l'aide financière accordée par l'Etat dans le cadre de leur plan de recapitalisation ;

-la structure juridique du futur groupe ;

-les réformes législatives devant accompagner ce rapprochement

-le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement

-l'origine du futur dirigeant

4.1.- L'appréciation du délit de prise illégale d'intérêts à la suite de l'arrêt du 27 juin 2012 de la chambre criminelle de la Cour de cassation

4.1.1.- L'évolution extensive du délit de prise illégale d'intérêts à la suite de la loi du 2 février 2007 et l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 juin 2012

Attendu qu'en application du premier alinéa de l'article 432-13 du Code pénal, applicable au moment des faits de la prévention «est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 Euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions» ;

Attendu que l'article 17 de la loi n°2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a procédé à la réécriture de cet article 432-13 du Code pénal, notamment en remplaçant les mots «à raison même de sa fonction», par les mots «dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées», indépendamment des ajouts résultant de la circonstance de «proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée» ;

Attendu que sur appel du ministère public, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile précitées et dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque, en application de l'article 86, alinéa 4 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'elle a jugé que «les notions de surveillance, d'administration, de liquidation ou de paiement mentionnées à l'article 432-12 du code pénal s'entendent d'actes pris par une autorité juridiquement compétente ; que de même les actes mentionnés à l'article 432-13 du code pénal : "assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise, conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou formuler un avis sur de tels contrats, proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des

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opérations réalisées par une entreprise privée ou formuler un avis sur de telles décisions" doivent s'entendre de compétences juridiques attribuées par un texte législatif ou réglementaire et la participation à un processus formalisé de prise de décision; qu'une simple influence politique, même importante, ne permet pas de caractériser les délits susvisés» ;

Attendu que la chambre criminelle de la la Cour de cassation a, dans son arrêt du 27 juin 2012, cassé l'arrêt de la Cour d'appel aux motifs que : «pour infirmer l'ordonnance du juge d'instruction disant y avoir lieu à informer contre M.Perol, du chef de prise illégale d'intérêts, l'arrêt énonce notamment que, de façon manifeste au regard de la nature de ses fonctions, ce dernier n'est pas intervenu et ne pouvait pas intervenir dans le processus formalisé de prise de décisions administratives relatives à la fusion et à la recapitalisation des établissements bancaires et qu'en conséquence, les investigations envisagées par le juge d'instruction ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher la nature des fonctions effectivement exercées par l'intéressé et alors que l'article 432-13 du code pénal n'exige pas que l'intervention du fonctionnaire s'inscrive dans le processus formalisé des décisions administratives, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé» ;

Attendu que l'évolution législative et jurisprudentielle du délit de prise illégale d'intérêts amène à considérer que dès lors que l'article 432-13 du Code pénal n'exige pas que l'intervention de la personne s'inscrive dans le processus formalisé des décisions administratives, il y a lieu de procéder à une analyse in concreto des actes accomplis par Monsieur François PEROL, ainsi qu'aux actions concrètes qu'il a pu mener en s'attachant à ses pouvoirs réels et effectifs ;

4.1.2.- La prise illégale d'intérêts : infraction obstacle du conflit d'intérêt

Attendu que le délit de prise illégale d'intérêts constitue, dans la théorie du droit pénal général et celui des conflits d'intérêts, une infraction obstacle ; qu'il a pour objet de prévenir tant le conflit d'intérêts que la convergence d'intérêts, qu'ils soient réels, apparents ou potentiels ;

Attendu à cet égard, qu'il importe peu que l'auteur du délit ait recherché un intérêt personnel et individuel ;

Attendu que seule compte la prise d'intérêts, par la démonstration que l'auteur ait, soit formulé des avis sur des contrats conclus par une entreprise privée, qu'il s'agisse d'un simple pouvoir d'émettre un avis en vue de décisions prises par d'autres, voire de simples pouvoirs de préparation ou de proposition de décisions prises par d'autres, soit, de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ;

***

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4.2.- La question de la prise en compte par le tribunal correctionnel des arguments tenant au rôle du secrétaire général adjoint à la Présidence de la République

4.2.1.- L'argumentation de Monsieur François PEROL

Attendu que Monsieur François PEROL a été nommé secrétaire général adjoint de la présidence de la République le 17 mai 2007, en charge des questions économiques et sociales ;

Attendu que dans ses écritures, Monsieur François PEROL a indiqué que «les membres du secrétariat général de l'Élysée n'ont aucune compétence qui serait définie par un texte, ne disposent d'aucun pouvoir de signature, d'aucune autorité sur les services de l'État et n'ont pas de capacité à engager un budget» ; que «le rôle du secrétaire général adjoint de la présidence de la République en charge des questions économiques et sociales comporte un triple aspect :

-apporter au Président de la République un éclairage sur les conséquences politiques des choix faits en matière économique par le gouvernement (ce qui recouvre l'économie, les finances publiques, l'agriculture, l'industrie, le logement et l'environnement),

-assurer une mission de diplomatie économique, c'est-à-dire notamment préparer les réunions internationales. Le secrétaire général adjoint est le «sherpa» du Président de la République pour les questions économiques et financières,

-informer le Président de la République de l'évolution de certains dossiers et l'éclairer sur les questions économiques»

Attendu, selon la défense, que «le rôle d'un conseiller à l'Élysée est donc politique et non technique» et que «c'est dans le cadre de sa mission d'information du Président de la République de l'évolution de certains dossiers, et dans le contexte particulier de la crise financière exceptionnellement grave qui sévissait à l'époque, que Monsieur François PEROL a été conduit à rencontrer les dirigeants des deux groupes bancaires puis, à l'occasion de trois réunions qui se sont tenues à l'Élysée, les représentants des autorités compétentes de l'État en charge de ce dossier (Banque de France et ministère de l'Economie et des Finances)» ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a expliqué ne pas disposer d'«infrastructures» (page 28), ni de «délégation de signature» (page 27), précisant disposer d'une équipe de 6 à 7 personnes (page 28), réitérant ses explications données au cours de l'information judiciaire et dans ses écritures, sur les aspects de sa fonction, «donner au Président de la République un avis ou l'éclairer sur les choix économiques, industriels et financiers», une «mission de diplomatie économique et financière», et un «aspect d'information», rendant compte au secrétaire général de l'Élysée et au Président de la République ; qu'il précisait qu'il était exceptionnel qu'il appelle un ministre en direct ;

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4.2.2.- La position du tribunal sur cette argumentation

Attendu, d'une part, que le tribunal constate que l'arrêté du 16 mai 2007 signé par Monsieur Nicolas SARKOZY et publié au Journal Officiel du 17 mai 2007 (page 9511) prévoit en son article 1 la nomination à la Présidence de la République d'un secrétaire général, d'un chef de l'état-major particulier, d'un conseiller spécial du Président de la République, de quatre conseillers du Président de la République, d'un secrétaire général adjoint, d'une directrice de cabinet, de trois conseillers à la Présidence de la République, d'un porte-parole et d'un chef de cabinet ; que Monsieur François PEROL a été nommé secrétaire général adjoint à la Présidence de la République ;

Attendu qu'aucun acte de nature réglementaire n'est venu préciser la mission de chacune de ces personnes ; qu'il résulte en outre des débats qu'aucun document, aucune instruction n'a fixé les contours de la fonction d'un membre du cabinet de la Présidence de la République ;

Attendu que les débats ont montré que le rôle et la mission des membres du cabinet résultaient de la pratique institutionnelle marquée par l'action du chef de l'Etat ;

Attendu au demeurant que des pratiques différentes peuvent exister au sein d'un même cabinet ; qu'à cet égard, le tribunal a relevé les propos de Monsieur François PEROL sur la communication des membres du secrétariat général et les pratiques divergentes selon les conseillers d'un même cabinet ; qu'il a indiqué au tribunal : «je me suis refusé à m'exprimer publiquement ; je ne me suis jamais prévalu de l'autorité du Président ; je me suis exprimé le 4 décembre 2008, c'était la seule fois ; rien n'est pire qu'un conseiller qui se prend pour un Ministre»;

Attendu en conséquence que le tribunal ne saurait, pour l'appréciation de la responsabilité pénale de Monsieur François PEROL, s'arrêter à une présentation formelle et théorique des pouvoirs dont disposerait le secrétaire général adjoint du Président de la République ;

Attendu qu'une telle approche serait en contradiction avec la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, telle que résultant de l'arrêt du 27 juin 2012 et avec l'évolution législative de l'incrimination de prise illégale d'intérêts qui impose une appréciation in concreto des actes accomplis par le membre du cabinet, indépendamment des missions théoriques qui lui incomberaient au regard de la théorie générale des institutions ;

Attendu ainsi que doit être écartée l'argumentation de Monsieur François PEROL selon laquelle il ne disposerait, par principe, «d'aucun pouvoir de signature», ni «d'aucune autorité sur les services de l'État», ou «de capacité à engager un budget» ; que doit être rejeté l'argument selon lequel, Monsieur François PEROL ne disposerait pas d'un pouvoir décisionnel propre ou délégué ;

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Attendu que c'est à une analyse in concreto des actes de Monsieur François PEROL que doit procéder le tribunal en s'attachant à ses pouvoirs réels, effectifs et aux actions concrètes qu'il a pu mener ;

Attendu qu'au sens de l'article 432-13 du Code pénal, les actes visés par cet article peuvent résulter de l'exercice d'un pouvoir de fait y compris sur les organes décisionnaires ; qu'il y a lieu pour le tribunal d'examiner notamment, si les fonctions et les compétences du prévenu, ne lui conféraient pas une autorité et une notoriété lui permettant d'imposer ses propositions à l'autorité compétente et s'il n'a pas, le cas échéant, accompli de telles actions ;

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4.3.- Les arguments liés au fonctionnement institutionnel de la Vème République sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY

4.3.1.- Les arguments tirés du fonctionnement de la Vème République sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY

Attendu que le Procureur national financier a fait état dans ses réquisitions orales du rôle du Président de la République sous la Vème République, évoquant notamment la conception même des institutions pensées, fondées et mises en œuvre par le Général de Gaulle, se référant à la conférence de presse du 31 janvier 1964, au cours de laquelle le Chef de l'État avait alors indiqué : «il n'existe aucune autre autorité ni ministérielle, ni civile, ni militaire qui ne soit conférée et maintenue par le Président de la République» ; que le ministère public a ainsi adossé son argumentation sur le régime présidentialiste de la Vème République et du rôle prééminent du Président de la République ;

Attendu en outre, et indépendamment des témoignages plus précis sur le rapprochement des Caisses d'épargne et des Banques populaires qui seront analysés ultérieurement, que plusieurs déclarations et éléments de témoignages ont, de manière générale, décrit un fonctionnement des institutions de la Vème République sous la présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY se caractérisant par le déplacement du centre de gravité de la prise de décision au niveau présidentiel, alors qu'en application de l'article 20 de la Constitution, il aurait relevé du Gouvernement de la République ;

Attendu, selon Monsieur François PEROL, entendu le 22 juin 2015 (page 28), que «la présidence de M. SARKOZY était active», qu'«elle était présente» et que «de nombreux dossiers ont été gérés par la Présidence» ; qu'il a expliqué qu'un «nouveau quinquennat (s'était mis) en place» ; que selon lui «des dossiers importants ont fait l'objet de décisions à l'Élysée» ;

Attendu que Monsieur Claude GUEANT, entendu en qualité de témoin le 25 juin 2015 a indiqué (page 79) que «le Président de la République intervient sur beaucoup de questions, qui pourraient relever du Gouvernement, selon l'article 20 de la Constitution» ;

Attendu, selon Monsieur François SUREAU, «dans l'État tel qu'il est et qui s'est progressivement éloigné du modèle militaire et pyramidal des débuts de la Vème République, il est très difficile d'attribuer une décision à un auteur. Pour l'observateur extérieur, l'impression qui prévaut, est que les décisions sont

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moins prises qu'elles ne suintent de la structure. Dans l'affaire caisse d'épargne/banque populaire, il en est allé particulièrement ainsi. La crise était connue de tous, analysée de la même manière par tous, son issue était inévitable, telle était l'opinion générale de l'Etat» ;

Attendu, selon Monsieur Stéphane RICHARD, que «le rapprochement Banques Populaires/Caisses d'Epargne était une opération majeure impactant profondément le système bancaire français, avec des implications économiques, sociales et politiques importantes. Il était donc de mon point de vue normal que l'État s'en préoccupe» ; qu'il ajoutait : «Quant à l'implication de l'Élysée, il est notoire que sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY, le pouvoir de décision a été très concentré à l'Élysée».

Attendu, selon Monsieur Xavier MUSCA, interrogé par le magistrat instructeur sur le fait que l'Élysée recevait les banquiers toutes les semaines pendant la crise de 2008, que selon lui, «le Président SARKOZY avait décidé d'assumer personnellement la responsabilité du traitement de la crise et il a reçu effectivement à plusieurs reprises, les banquiers français à l'Élysée pour se tenir informé du développement de la crise» ;

Attendu, selon Monsieur Charles MILHAUD qu'«il faut bien se dire que depuis que l'on est passé sous le quinquennat et plus particulièrement sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY, c'est l'Élysée qui commande».

Attendu que, selon Monsieur Alain MINC, interrogé par le magistrat instructeur sur la décision de nommer Monsieur François PEROL comme dirigeant de la BPCE que : «qui décide ? Sous le quinquennat SARKOZY, la réponse est évidente» ; qu'il ajoutait, interrogé sur le rôle de l'Élysée dans la coordination des pouvoirs publics sur l'opération de fusion des deux réseaux bancaires avant la nomination de Monsieur François PEROL : «sous la Vème République, aucune opération de cette ampleur ne se fait sans que l'Élysée ne soit au courant et d'accord».

4.3.2.- La position du tribunal sur les arguments liés au fonctionnement institutionnel de la Vème République sous la Présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY.

Attendu que l'ensemble des témoignages recueillis au cours de l'information judiciaire et à l'audience ont confirmé une pratique institutionnelle de la Vème République, sous la présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY, marquée par un élargissement du champ d'intervention du Président de la République, au-delà des domaines dévolus à ce dernier par la Constitution de la Vème République, faisant remonter le pouvoir de décision au niveau présidentiel ;

Attendu, à cet égard, qu'il résulte des éléments de l'information judiciaire, des témoignages recueillis et des débats à l’audience que, de manière générale, le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY, s'est directement impliqué dans le traitement de la crise financière, compte tenu des risques systémiques qu'elle pouvait engendrer et des graves conséquences économiques et sociales sur les populations ; qu’en cette période, l’ensemble des pouvoirs publics était fortement mobilisé compte tenu de la gravité de la situation, le traitement de la crise financière nécessitant par surcroît une

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démarche concertée au niveau international ; qu’à cet égard, le traitement de la situation de la banque DEXIA, expliqué à l’audience par Monsieur François PEROL, impliquant une prise de décision présidentielle dans la nuit, en lien avec le premier ministre du Royaume de Belgique, illustre l’état de tension dans lequel se trouvait les pouvoirs publics ;

Attendu que Monsieur Christian NOYER, Gouverneur de la Banque de France, entendu le 25 juin 2015 (page 64), témoignait ainsi du contexte de la crise financière : «dans la période d'octobre 2008 à février 2009, on est dans une période extraordinaire», «la faillite de Lehman cré(ant) une incertitude généralisée» ;

Attendu que Monsieur Philippe DUPONT confirmait cette implication, relatant les réunions organisées par le Président de la République, avec les présidents et les dirigeants des grands groupes, BNP, SG, CREDIT AGRICOLE SA, CNCE, CREDIT MUTUEL et BFBP, en présence du Ministre de l’Economie et des Finances, et quelques fois son Directeur de Cabinet, Monsieur Stéphane RICHARD, le Gouverneur de la Banque de France, Monsieur Christian NOYER, le secrétaire général de l'Élysée, Monsieur Claude GUEANT et le secrétaire général adjoint, Monsieur François PEROL ; que Monsieur Philippe DUPONT indiquait : «on sentait qu’il y avait une vraie prise en mains de ce dossier par le Président de la République et une implication forte de lui-même» ;

***

Attendu que si les éléments de témoignage susvisés sur le fonctionnement institutionnel de la Vème République sous la présidence de Monsieur Nicolas SARKOZY, peuvent éclairer le tribunal sur le contexte général de l'action de Monsieur François PEROL, ces éléments, par leur caractère de généralité, ne sauraient, à eux-seuls, constituer des éléments de preuve de culpabilité ;

Attendu en effet que, conformément aux principes posés par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 juin 2012, il convient de procéder à une analyse in concreto des actes de Monsieur François PEROL, en s'attachant à ses pouvoirs réels et effectifs, aux actes qu'il a accomplis et aux actions concrètes qu'il a pu mener ;

Attendu que le tribunal ne saurait raisonner sur la base de considérations générales sur «la Présidence de la République sous Monsieur Nicolas SARKOZY» ; qu'une telle approche induirait l'effacement du principe de responsabilité pénale personnelle au profit d'une supposée responsabilité institutionnelle collective, incompatible avec l'œuvre de Justice et, plus spécifiquement, avec la démarche du tribunal ;

***

4.3.3.- La question spécifique des réunions organisées à la Présidence de la République et des entretiens avec le Chef de l'État

Attendu qu'à l'occasion de l'examen de cette procédure s'est posée, de manière générale, la question de la portée de certains entretiens présidentiels, indépendamment de l'examen plus approfondi de ces entrevues auquel le

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tribunal va procéder ;

Attendu qu’il pourrait être considéré que dès lors que le Président de la République attrait par devers lui un dossier, ce dernier relève alors de sa compétence, le chef de l'État devenant, inéluctablement, le niveau décisionnel ;

Attendu qu’à cette conception, s’oppose celle présentée par Monsieur François PEROL selon laquelle, la Présidence de la République a pu être le relais de décisions prises par d’autres institutions ;

Attendu, indépendamment des règles constitutionnelles, qu’aucun cadre normatif ne régit le fonctionnement institutionnel et la portée des entrevues du Chef de l'État ; que le tribunal ne saurait adopter une position unique sur la portée institutionnelle et décisionnelle des entretiens présidentiels ;

Attendu qu’au titre de l’examen des éléments de la prévention, seule doit être prise en considération la réalité de l’entretien tel qu’il résulte des pièces présentées au tribunal et des preuves qui lui sont soumises ;

Attendu, de manière particulière, qu'interrogé sur le point de savoir si le Président de la République s’était approprié la parole d’autres pouvoirs publics, Monsieur François PEROL a justifié de cette pratique à l’audience, expliquant qu'«il fallait une homogénéité de l’information» ; qu’il trouvait que «c’était une bonne idée qu’il relaye les messages», qu’«il fallait assurer la cohérence de l’information» ; qu’il «va dire le même chose que la Banque de France, c’est une bonne chose, c’est cohérent» ; qu’à cet égard, le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY avait «joué un rôle déterminant» (page 42) ;

***

Attendu qu'en cet état, le tribunal sera amené à constater, indépendamment de toute considération d’ordre institutionnel sur la place et le rôle du Président de la République dans la Constitution de la Vème République, que le Chef de l'État apparaît avoir été, à certains moments, le relais de décisions et de positions prises par d’autres pouvoirs publics ;

***

4.4.- La question de la prise en compte par le tribunal de l'activité antérieure à 2007 de Monsieur François PEROL, notamment en qualité d'associé gérant au sein de la banque Rothschild

Attendu, indépendamment de la question du non-respect par Monsieur François PEROL de l'avis du 22 décembre 2004 énonçant qu'il devait s'abstenir «de traiter toute affaire dont il a eu connaissance...», (voir point 3.1.2.1.), élément que le tribunal n'est pas en mesure d'évaluer compte tenu des pièces soumises à son appréciation et des éléments qu'elles comportent, que son implication au sein de la banque Rothschild, en qualité d'associé gérant, ne saurait, en tout état de cause, constituer, en soi, un élément permettant de caractériser les griefs soumis à l'appréciation du tribunal ;

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Attendu, de manière générale, que la récurrence avec laquelle Monsieur François PEROL a été amené, au titre de ses différentes fonctions, d'abord au Trésor, puis au sein de la banque Rothschild, à connaître de l'évolution des établissements bancaires, lui a très certainement permis de disposer d'informations privilégiées à leur endroit et d'une connaissance fine du secteur bancaire ;

Attendu que si cette confusion entretenue dans l'exercice successif de fonctions publiques et privées ne cesse d'interroger, elle ne permet pas, en cet état, au regard des griefs reprochés, d'établir ou de concourir à établir, le délit de prise illégale d'intérêts qui suppose la démonstration d'éléments différents ;

Attendu qu'il ne suffit pas, pour caractériser la prise illégale d'intérêts, de démontrer que Monsieur François PEROL a eu une connaissance antérieure d'opérateurs dont il a de nouveau à suivre l'évolution ; que l'infraction pénale de prise illégale d'intérêts répond à une exigence particulière au regard de la preuve de l'avis formulé ou de la proposition ;

***

4.5.-La question de la prise en compte par le tribunal des courriels adressés notamment par Monsieur François SUREAU et des rencontres entre Monsieur François SUREAU et Monsieur François PEROL

4.5.1.Position du tribunal sur les messages antérieurs à mai 2007

Attendu que l’ensemble des messages figurant à la procédure, pour la période antérieure à mai 2007, adressés par Monsieur François SUREAU à Monsieur François PEROL questionnent quant au fonctionnement de l'État et à la singulière porosité entre secteur privé et secteur public ;

Attendu, indépendamment des explications données par Monsieur François PEROL sur le «traitement» qu’il y a lieu de donner à des intervenants extérieurs, que le ton des messages, l'apparente familiarité avec laquelle les plus proches collaborateurs d’un ministre de la République sont traités, révèlent une forme de confusion donnant l’apparence d’une connivence pour des affaires privées, particulièrement regrettable au titre du respect dû aux institutions de la République ;

Attendu que l'ensemble de ces messages permet de comprendre que Monsieur François PEROL a suivi le dossier des groupes Banques populaires et Caisses d'épargne, au titre de ses précédentes fonctions, sous ses différents aspects ; qu'il en connaissait donc l'historique et les enjeux et disposait sur l'évolution desdits établissements bancaires d'informations privilégiées ;

***

Attendu cependant que ces éléments, s'ils constituent des éléments de contexte, ne constituent pas, en tant que tels des éléments de culpabilité au titre de l'examen de l'infraction de prise illégale d'intérêts reproché, au regard de l'exigence de preuve rappelé précédemment ;

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4.5.2. Position du tribunal sur les messages postérieurs à mai 2007 et les rencontres entre Monsieur François SUREAU et Monsieur François PEROL

Attendu qu'il y a lieu d'apprécier les différents messages émis par Monsieur François SUREAU durant la période où Monsieur François PEROL est devenu secrétaire général adjoint à la Présidence de la République ;

4.5.2.1.- Sur le message du 5 juin 2007

Attendu qu'il y a lieu d'apprécier la portée du message du 5 juin 2007, examiné en point 3.2.1.3., dans lequel Monsieur François SUREAU écrit notamment à Monsieur Charles MILHAUD : «Quand à la CNP j'ai plaidé. Il faudra que PEROL m'aide. Je m'en occupe» ;

Attendu que ce message tend à faire une présentation peu flatteuse du rôle de Monsieur François PEROL, secrétaire général adjoint de l'Élysée, proche collaborateur du Président de la République, dont un avocat, ancien membre du Conseil d'État, pourrait «s'occuper» pour qu'une partie privée soit «aidée» ;

***

Attendu cependant que ce message ne permet pas, pour autant, de s'assurer de la réalité des échanges entre Monsieur François SUREAU et Monsieur François PEROL à la suite de ce courriel et en conséquence, de constituer, dans les circonstances de l'espèce, un élément à charge ;

***

4.5.2.2.- Sur le message du 1er août 2007 adressé par Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE à Monsieur François SUREAU et Monsieur Charles MILHAUD

Attendu que les échanges en date du 1er août 2007 entre Monsieur Laurent VIEILLEVIGNE, Monsieur François SUREAU et Monsieur Charles MILHAUD, examinés au point 3.2.1.6. établissent une nouvelle fois l'importante considération portée à Monsieur François PEROL par les opérateurs économiques au regard de son rôle d'influence ;

***

Attendu toutefois que le tribunal ne dispose pas de preuve qu'à la suite de cet échange, des instructions ou des ordres aient été donnés par Monsieur François PEROL ;

***

4.5.2.3.- Sur les rencontres des 28 et 29 mai 2007

Attendu, s'agissant des rencontres des 28 et 29 mai 2007 entre Monsieur François SUREAU et Monsieur François PEROL, examinées en point 3.2.1.2., que les explications de Monsieur François PEROL tendent, de manière générale, à minimiser son rôle au sein de la Présidence de la République, sauf à

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considérer que Monsieur François SUREAU, ancien membre du Conseil d'État et avocat au sein d'un cabinet spécialisé en droit des affaires se méprenne totalement sur le rôle du secrétaire général adjoint, conseiller du Président de la République pour les questions économiques ;

***

Attendu toutefois que ce message ne permet pas pour autant de constituer en soi un élément de preuve de la responsabilité pénale de Monsieur François PEROL dans les faits qui lui sont reprochés ;

Attendu en effet que si ce rendez-vous tend à établir l'influence de Monsieur François PEROL au sein de la Présidence de la République, ou à tout le moins, la perception de ce pouvoir d'influence, il ne constitue pas en soi une preuve de culpabilité mais un élément de contexte dans lequel les faits se sont inscrits ;

***

Attendu que les messages adressés par Monsieur François SUREAU transmettant à Monsieur François PEROL des projets de modification législative seront examinés ultérieurement, à l'occasion de l'examen de la seconde branche de la prévention (point 5.2.4.1.) ;

***

Attendu, indépendamment de la question de savoir si les propositions de Monsieur François SUREAU ont été, ou non, suivies d'effet par Monsieur François PEROL, que la récurrence avec laquelle Monsieur François SUREAU s'adresse à Monsieur François PEROL sur le rapprochement des deux Groupes, illustre l'intense activité de lobbyisme déployée auprès des institutions de la République et du risque d'immixtion d'intérêts privés dans l'exercice de fonctions publiques ;

Attendu en effet que c'est avec la même constance que Monsieur François SUREAU adresse des messages à Monsieur François PEROL, qu'il soit à BERCY, au sein de la banque d'affaires Rothschild ou à la présidence de la République ;

Attendu que par ces messages, Monsieur François PEROL apparaît, pour les opérateurs économiques extérieurs, comme un acteur susceptible de faciliter des projets privés et un agent d'influence ;

***

Attendu que ces pièces sont de nature à établir l'appréhension que les opérateurs économiques pouvaient avoir du rôle de Monsieur François PEROL au sein de la présidence de la République ;

Attendu toutefois que le tribunal ne dispose d'aucun élément permettant d'établir que Monsieur François PEROL ait donné des suites à ces interventions et qui établirait son intervention le cas échéant sur des organismes publics ;

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Attendu que ces éléments, s'ils constituent des éléments de contexte, ne constituent pas, en tant que tels des éléments de preuve de culpabilité au titre de l'examen de l'infraction de prise illégale d'intérêts reproché, au regard de l'exigence de preuve rappelée précédemment ;

***

4.6.-Sur l'examen de la portée de certaines des rencontres relevées dans la chronologie de la fusion

4.6.1.- Sur les rendez-vous des 23 juin, 29 juin, 30 juillet et 1er août 2007

Attendu, s'agissant des rencontres entre Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Claude GUEANT le 23 juin à 10H00, entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur François PEROL le 29 juin, entre Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur François PEROL le 30 juillet 2007 et entre Monsieur François SUREAU et Monsieur François PEROL le 1er août 2007, examinées au point 4.5.7., que le tribunal ne dispose d'aucun élément particulier sur l'objet et les suites de ces différents rendez-vous ;

Attendu que les déclarations de Monsieur Claude GUEANT, de Monsieur Philippe DUPONT ou de Monsieur Charles MILHAUD, ne permettent pas, en l'état, de déterminer l'objet de ces rendez-vous et de remettre en cause les explications de Monsieur François PEROL selon lesquelles il y avait lieu de renseigner le Président de la République et que cela «faisait partie de son métier de recevoir les dirigeants des grandes entreprises» ;

4.6.2.- Sur les rencontres du 12 septembre 2007, du 19 octobre 2007, du 27 novembre 2007 et du 18 janvier 2008

Attendu, s'agissant des différentes rencontres, du 12 septembre 2007, puis du 27 novembre suivant entre Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur François PEROL, du 19 octobre 2007 entre Charles MILHAUD et Monsieur François PEROL, du 18 janvier 2008 entre Charles MILHAUD et Monsieur François PEROL, que si ces rencontres établissent le suivi par Monsieur François PEROL des questions relatives au Groupe Caisse d'épargne et au Groupe Banque Populaire, le tribunal ne dispose pas d'élément particulier sur le contenu de ces entretiens au regard du projet de rapprochement des deux organismes ;

4.6.3.- Sur la chronologie des journées des 10 et 12 novembre 2008 au regard de la signature de l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance

Attendu qu'a été examinée au point 3.2.2.3.7.3. la signature de l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, ainsi que la chronologie des journées des 10 et 12 novembre 2008 ;

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Attendu que le tribunal constate que ni Monsieur Bernard COMOLET ni Monsieur Alain LEMAIRE n'ont précisément été entendus sur l'enchaînement exact des événements du 10 et du 12 novembre et ce, de manière précise ; qu'aussi, l'objet de ces entretiens avec Monsieur François PEROL demeure imprécis ;

Attendu notamment qu'il y a lieu pour le tribunal de s'interroger, ainsi que cela a été le cas à l'audience, sur le point de savoir si les réunions du 10 novembre 2008 ont constitué, ou non, une réunion d'arbitrage ou de validation portant sur les éléments qui seront contenus dans l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance ;

Attendu que deux hypothèses se présentent au tribunal :

-soit les réunions du 10 novembre ont été des réunions de validation de l’accord d’ouverture des négociations ;

-soit les réunions du 10 novembre ont été des réunions d’information de Monsieur François PEROL sur les éléments contenus dans cet accord ;

***

Attendu que si la corrélation des rendez-vous du 10 novembre 2008 et de l'accord du 12 novembre 2008 d'ouverture de négociations ne manque pas d'interroger, il n'est pas suffisamment établi que ces réunions ont eu pour objet soit un arbitrage, soit une validation de Monsieur François PEROL ;

Attendu que le tribunal ne dispose d’aucun élément déterminant pour trancher entre ces deux hypothèses ;

Attendu qu'il ne saurait s'en tenir à des considérations d'ordre général sur la Présidence de la République entre 2007 et 2012, rappelées précédemment, pour considérer que, nécessairement, la Présidence de la République a validé ces dispositifs ;

Attendu que le tribunal s’est interrogé sur le point de savoir si les dirigeants des banques étaient venus rechercher auprès de Monsieur François PEROL une validation implicite ;

Attendu que ce point constitue une hypothèse que le tribunal ne saurait considérer comme une certitude au-delà du doute raisonnable ;

Attendu que les preuves présentées au tribunal sont encore une fois insuffisantes pour établir une telle corrélation entre les événements, sauf à adopter des motifs hypothétiques ; que sur ces circonstances, le tribunal ne dispose ni d'écrit, ni de témoignage précis ;

Attendu, en tout état de cause, qu'il n'est pas non plus établi qu'à la suite de cette réunion des propositions des décisions ou des avis auraient été formulés et communiqués aux autorités compétentes, à savoir la Banque de France et la Commission Bancaire, ce qui constitue au demeurant un des fondements de la prévention ;

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Attendu que le tribunal relève à cet égard l’absence en procédure de tout élément issu des dossiers de la Banque de France et de la Commission Bancaire relatif au processus décisionnel et à la réception le cas échéant de validations, ou de propositions d’avis ;

***

4.7.- Sur l'examen de la portée de notes figurant à la procédure

Attendu que ne sera pas abordé au titre de ces développements, l'examen des notes du 20 octobre 2008 et du 21 février 2009, qui seront analysées ultérieurement, à l'occasion de l'examen de la première branche de la prévention (point 5.1.) :

4.7.1.- Sur l'appréciation du tribunal de la note du 6 octobre 2008

Attendu que la question se pose de l'origine des éléments contenus dans la note du 6 octobre 2008, rédigée par Monsieur François PEROL, à l'attention du Président de la République, sous couvert du secrétaire général qui a visé ladite note (AN/PEROL/UN), ayant pour objet : «Discussions entre Caisses d'épargne et Banque populaires», examinée en point 3.2.2.1.5. ; qu'il y a lieu de rappeler que dans cette note, Monsieur Philippe DUPONT est présenté comme le futur dirigeant du groupe fusionné ;

Attendu que le tribunal est en mesure de constater que lors de leur réunion avec Monsieur François PEROL, Monsieur Charles MILHAUD et Monsieur Philippe DUPONT ont donné des précisions sur le projet de rapprochement qui ont ensuite figuré dans la note à l'attention du Président de la République ;

Attendu que cette circonstance résulte d'une part des déclarations de Monsieur Philippe DUPONT (D142) : «Nous nous étions mis d'accord (avec) M.MILHAUD en amont de la répartition du nouveau groupe. En ce qui le concernait, il souhaitait qu'une personne prenne la Présidence non-exécutive du nouvel ensemble, me confiant la Présidence du Directoire. M.MILHAUD avait lui-même annoncé cette répartition lors d'une réunion où les Directeurs Généraux et les Présidents des Banques Populaires étaient réunis au siège de la BFBP. En ce qui le concernait, Charles MILHAUD souhaitait sortir de l'opérationnel et occuper des fonctions non exécutives chez OCEOR, OCEOR étant la structure internationale de CNCE (DOM TOM, Italie, Maroc, Tunisie, Ile Maurice)».

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a indiqué au tribunal que le fait que Monsieur Philippe DUPONT soit envisagé comme le dirigeant de la future structure, était une information qui lui avait été communiquée (page 39) ;

Attendu, sur ce point, que Monsieur Charles MILHAUD déclarait : «En septembre 2008, nous avons donc annoncé le processus de fusion lors d'une conférence de presse. Je vous indique que nous avions rencontré M. PEROL peu de temps avant. A ce moment-là, le Président SARKOZY réunissait les banquiers tous les lundi pour faire le point. En fait j'avais rencontré M. PEROL seul (me semble-t-il) un vendredi soir, pour lui faire part de l'intention qui était la nôtre de fusionner. Le dimanche soir une information a fuité dans le

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Monde (parution du dimanche soir datée du lundi : je me suis toujours demandé l'origine de la fuite : soit PEROL soit DUPONT) et le lundi matin, lors de la réunion organisée par M. SARKOZY, celui-ci nous a incité à accélérer le processus de fusion. Nous avons donc ensuite fait une conférence de presse.»

Attendu qu'interrogé sur la gouvernance du futur groupe, Monsieur Charles MILHAUD a indiqué (D148) : «(…) Moi compte tenu de mon âge je ne pouvais pas aspirer à autre chose qu'à la retraite. Néanmoins dans mon esprit, les Caisses d'Epargne représentant un poids plus important que les Banques Populaires il était clair que le Président du Directoire devait être pris en dehors des deux réseaux. C'est vrai que Monsieur Philippe DUPONT se voyait à la tête du nouveau groupe mais on n'en a jamais discuté»;

Attendu qu'il devait faire les déclarations suivantes sur la réunion qui s'était tenue : «Je n'ai pas souvenance de cette réunion. Elle a peut-être eu lieu, mais je doute des conclusions qui y sont indiquées. Je n'imagine cependant pas que M. PEROL ait pu écrire quelque chose qui ne soit pas conforme avec la réalité. Ce qui me gêne c'est que j'ai pu dire que j'acceptais que Monsieur Philippe DUPONT prenne la présidence du Groupe. J'ai cependant pu être manœuvrier et accepter sachant que les Caisses d'Epargne ne l'accepteraient jamais. D'ailleurs l'histoire m'a donné raison. --En relisant le document que vous m'avez montré, je pense que j'ai rencontré Monsieur Philippe DUPONT, le vendredi 3 octobre 2008 au matin. On s'est mis d'accord sur la fusion. Puis nous avons dû voir Monsieur François PEROL, le vendredi soir ou le samedi matin 4 octobre, pour que la fuite ait lieu dans LE MONDE, le dimanche soir et que M. PEROL puisse faire sa note datée du 6 octobre. La conférence de presse a dû avoir lieu juste après.»

Attendu, indépendamment des variations dans les déclarations de Monsieur Charles MILHAUD, que le dernier état de ses déclarations n'est pas en contradiction avec les déclarations de Monsieur Philippe DUPONT et de Monsieur François PEROL, sur le fait que Monsieur Philippe DUPONT était pressenti pour la présidence du groupe ;

Attendu que c'est dans ces conditions que son nom a alors figuré dans la note que Monsieur François PEROL a rédigé à l'attention du Président de la République ;

Attendu cependant que pour le Parquet National Financier, les mots : «je partage le même avis» permettent d'établir un rôle de Monsieur François PEROL dans le processus décisionnel ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a justifié de la rédaction de la note par le fait que «le Président de la République doit savoir que la fusion se prépare» (page 37) ; qu'il s'agissait d'une «très brève» note d'information, faite «rapidement» ;

Attendu au surplus que Monsieur François PEROL a contesté les déclarations de Monsieur Charles MILHAUD selon lesquelles il aurait donné des informations à la presse (page 38) ;

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Attendu, en tout état de cause, et indépendamment des circonstances dans lesquelles l'information du rapprochement des deux structures a été donnée à la presse, que dans l'analyse des événements qu'effectue le tribunal, il est clairement établi que la note constitue une note d'information de Monsieur François PEROL au Président de la République pour l'informer d'un projet qui sera rendu public et qui aura un fort retentissement dans les milieux économiques et bancaires, dès lors qu'il apparaît que ce sont Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD qui sont venus rendre visite à Monsieur François PEROL de leur propre initiative, pour l'informer du projet de fusion ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a expliqué que son avis était «un peu superfétatoire» ;

Attendu que les mots «je partage le même avis», dans les circonstances de l'espèce, ne s'apparentent pas à un avis émis dans un processus décisionnel mais à un avis donné au Président de la République au regard d'une information qui lui est communiquée, indépendamment de tout processus décisionnel ou d'arbitrage ;

Attendu en effet qu'aucun élément de la procédure ne permet de considérer qu'à ce moment du projet, la question de la nomination du président était en cours de fixation et un sujet de niveau présidentiel ; qu'il apparaît que l'avis émis par Monsieur François PEROL ne porte que sur une information communiquée par les deux dirigeants ;

Attendu que pour le tribunal, dès lors qu'une conférence de presse devait avoir lieu et des informations devaient être rendues publiques, il relevait des attributions de Monsieur François PEROL d'en informer le Président de la République ;

Attendu en outre qu'il résulte des déclarations de Monsieur Charles MILHAUD (D138), que «le lundi matin, lors de la réunion organisée par M. SARKOZY, celui-ci nous a incités à accélérer le processus de fusion» ; qu'il résulte à cet égard de la note rédigée par Monsieur François PEROL qu'il recommandait au Président de la République «d'encourage(r) toutes les discussions en cours qui peuvent conduire au renforcement des établissements français» ;

Attendu que pour le tribunal, il résulte suffisamment de ces éléments que l'indication dans la note de Monsieur François PEROL à Monsieur Nicolas SARKOZY sur le fait que Monsieur Philippe DUPONT pourrait diriger le nouvel ensemble, ne résulte pas d'une proposition de Monsieur François PEROL mais d'une indication des dirigeants des deux groupes eux-mêmes ;

***4.7.2. Sur la portée de la note et de l'entretien du 14 octobre 2008

Attendu qu’à l’appui du rendez-vous du 14 octobre 2008, de 12H30 à 13H00 entre Monsieur Nicolas SARKOZY et Monsieur Philippe DUPONT, examiné au point 3.2.2.2.3.1., il est établi que Monsieur François PEROL va préparer une note à l’attention du Président de la République, sous couvert du secrétaire général (SCELLE AN/PEROL/UN) ; que dans cette note, Monsieur Philippe DUPONT est présenté comme le futur dirigeant du groupe fusionné ;

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Attendu, sur le fait que Monsieur François PEROL ait présenté Monsieur Philippe DUPONT au Président de la République comme le futur dirigeant exécutif du futur ensemble, qu’il apparaît que cette proposition, dont il n'est pas établi qu'elle résulte de la présidence de la République, intervient dans un contexte de mésentente entre les deux groupes et de difficultés pour aboutir à la fusion ;

Attendu à cet égard que le tribunal relève les déclarations de Monsieur Alain LEMAIRE (D120), sur la période de janvier et février 2009 selon lesquelles : «Contrairement à la position de Monsieur Philippe DUPONT, M. COMOLET et moi nous ne souhaitions pas arrêter d'emblée les personnes appelées à diriger le futur organe central. Monsieur Philippe DUPONT au contraire en faisait un préalable à son accord sur la forme de la nouvelle structure et il voulait en être le véritable patron. Cette opposition croissante a abouti à une réunion fin janvier/début février 2009 au cours de laquelle Monsieur Bernard COMOLET et moi-même lui avons indiqué que les Caisses d'Epargne n'accepteraient jamais qu'il soit le numéro un du futur ensemble» ;

Attendu que Monsieur Bernard COMOLET déclarait (D112) : «après un Conseil de Surveillance de NATIXIS, filiale commune aux deux banques, à l'été 2008, il m'avait été annoncé par Monsieur Philippe DUPONT (Président du Directoire de NATIXIS) qu'il serait le futur président du nouvel organe commun et que Charles MILHAUD serait le futur Président du Conseil de Surveillance. Devant mon étonnement, M.DUPONT m'a déclaré que sa Présidence était «consubstantielle» au projet et que le rapprochement ne se ferait qu'à cette condition. M.MILHAUD validait cette option et Monsieur Philippe DUPONT prétendait qu'il avait l'assentiment de l'ensemble des pouvoirs publics sur son nom. Au 19 octobre, lorsque je prends mon poste de Président de CNCE, en pleine crise financière, Monsieur Philippe DUPONT est toujours sur la même ligne, souhaitant accélérer la réalisation du Projet» ;

***

Attendu que ces témoignages montrent les difficultés pour les dirigeants des deux Groupes à trouver un accord et à aboutir au projet de fusion ;

Attendu qu’il est suffisamment établi que les dirigeants du groupe Caisse d’épargne ont laissé prospérer la proposition de nomination de Monsieur Philippe DUPONT tout en sachant qu’ils s’y opposeraient en tout état de cause ;

Attendu qu’il apparaît que Monsieur Philippe DUPONT a été laissé dans la conviction qu’il serait président de la nouvelle structure, comme en atteste le rendez-vous qu’il a eu le 12 janvier 2009 avec Monsieur Claude GUEANT, à l’issue duquel ce dernier écrira que Monsieur Philippe DUPONT avait souhaité le voir avant de rencontrer Monsieur François PEROL en compagnie de l'équipe dirigeante de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne ; qu’il apparaît qu’à cette date, soit le 12 janvier 2009, Monsieur Philippe DUPONT considérait encore qu’il allait être à la tête de la structure fusionnée ;

Attendu enfin qu'il n'est pas suffisamment établi que la présentation de Monsieur Philippe DUPONT comme étant le futur dirigeant du groupe résulte d'une initiative de la Présidence de la République ;

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Attendu en outre qu'il n’est pas suffisamment établi, pour le tribunal, que cet entretien du 14 octobre 2008 ait pu avoir une portée décisionnelle ou d’arbitrage.

4.7.3.- Sur la démission de Monsieur Charles MILHAUD, la rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République et la note élaborée par Monsieur François PEROL le 21 octobre 2008

4.7.3.1.- Sur la démission de Monsieur Charles MILHAUD

Attendu que la question s'est posée au cours de l'information judiciaire et des débats du rôle de la présidence de la République dans la démission de Monsieur Charles MILHAUD (développé au point 3.2.2.2.5.) ;

Attendu que Monsieur Bernard COMOLET indiquait sur ce point (D112) : «Au cours de la semaine précédente, le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY, alors en voyage au CANADA, avait indiqué à un journaliste, tout en rappelant l'excellent travail réalisé par M. MILHAUD, qu'il trouvait la perte de trading de CNCE choquante et qu'il souhaitait que les conséquences soient tirées de cette affaire».

Attendu sur ce point que Monsieur Alain LEMAIRE déclarait (D120) que : «Les 16 et 17 octobre 2008, ces événements sont devenus publics et le Président de la République qui était en voyage au Canada a déclaré qui «si des erreurs avaient été commises, elles devaient être assumées». Dans le même temps, la Banque de France, par son Gouverneur M. NOYER a fait savoir à Yves HUBERT, Président du Conseil de Surveillance de la CNCE et à Nicole MOREAU, Présidente de la Fédération des Caisses d'Epargne que la Banque de France n'avait plus confiance dans les dirigeants du Groupe et qu'ils devaient être remplacés» ;

Attendu sur ce point que Monsieur Charles MILHAUD expliquait que «Cette campagne a perduré jusqu'à ce que le Président SARKOZY, alors en voyage au Canada face une annonce selon laquelle les responsables devaient en assumer les conséquences. En d'autres termes, cela voulait dire qu'il fallait que je démissionne et cela a excité les appétits de mes successeurs potentiels»;

Attendu, sur cette question du rôle de la présidence de la République que Monsieur Stéphane RICHARD (D122) a déclaré que «les déclarations du Président de la République comparables à celles qu'il avait faites après l'affaire KERVIEL ont sans doute joué un rôle dans le départ de M.MILHAUD, cependant je me dois de rappeler que dans le système mutualiste des Caisses d'Epargne, ce n'est pas l'État qui nomme le Président des Caisses d'Epargne. L'État n'a qu'un pouvoir d'agrément. A ma connaissance, M.MILHAUD et M.SARKOZY se connaissaient, ils avaient des relations chaleureuses mais M.MILHAUD ne faisait pas partie du cercle des intimes de M. SARKOZY» ;

Attendu à cet égard que les investigations du magistrat instructeur ont permis d'établir par le contrôle des entrées des visiteurs à la Présidence de la République que Monsieur Charles MILHAUD rencontrait Monsieur Claude GUEANT le 18 octobre 2008 (heure d'arrivée 9H45 et heure de départ : 12H01);

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Attendu que le tribunal relève que Monsieur Charles MILHAUD n'a donné aucun élément sur le contenu de cette visite à Monsieur Claude GUEANT le 18 octobre et qu'il a indiqué avoir souhaité ne pas démissionner ;

Attendu en effet que Monsieur Charles MILHAUD déclarait (D138) : «Avec le Directoire, nous avions décidé de ne pas démissionner pour traiter le problème à froid (le problème de la perte engendrée par le trader). Ensuite quand on est arrivé en séance, Nicolas MERINDOL mon Directeur Général m'a annoncé qu'il voulait préserver sa carrière et qu'il allait démissionner. En conséquence, pour moi, autant je ne pouvais pas être démis de mes fonctions en qualité de membre du Directoire autant cette démission entraînait de facto ma perte des fonctions de Président. De ce fait, j'ai présenté également ma démission» ;

***

Attendu qu'aucun élément de l'information judiciaire et des débats ne permet de déterminer l'objet et le contenu de cette visite ; qu'en cet état, aucun élément ne permet d'établir que la Présidence de la République soit intervenue dans la démission de Monsieur Charles MILHAUD;

Attendu que si le tribunal relève la concomitance entre la visite le samedi 18 octobre de Monsieur Charles MILHAUD à Monsieur Claude GUEANT, puis la réunion du comité de surveillance le 19 octobre 2008 à la suite de laquelle Monsieur Charles MILHAUD va démissionner de ses fonctions, le lien direct entre ces deux événements n'est pas établi ;

Attendu au surplus que devant le tribunal, Monsieur François PEROL indiquait ne pas être intervenu dans la démission de Monsieur Charles MILHAUD, précisant être au surplus au Canada avec le Président de la République, l'ayant rejoint pour le sommet de la francophonie (page 43) et avoir appris par la presse la démission de Monsieur Charles MILHAUD (page 44) ;

Attendu, s'agissant des propos tenus par Monsieur Nicolas SARKOZY au Canada, que François PEROL précisait que «le Président de la République a tenu des propos politiques» et que «c'est la CNCE qui avait poussé M. MILHAUD à la démission» (page 43) ; qu'il indiquait que le Président de la République ne l'avait pas sollicité avant de prononcer ces paroles, qu'«il n'avait pas besoin de mon avis» (page 44) ;

Attendu, bien que ce point ne soit pas visé à la prévention, qu'il n'est pas suffisamment établi, au regard des déclarations mêmes de Monsieur Stéphane RICHARD et de Monsieur Charles MILHAUD, que la démission de ce dernier résulterait d'une instruction de la Présidence de la République, à la suite de la note du 10 octobre 2008 de Monsieur Claude GUEANT informant le Président de la République de la perte de 600 millions d'euros, ni davantage des propos du Président de la République au Canada ;

Attendu que si ces propos étaient susceptibles d'influer sur la réflexion des membres de la CNCE, ce que le tribunal, au regard des pièces et des preuves qui lui sont présentées n'est pas en mesure d'évaluer, ils ne sauraient s'analyser, dans les circonstances de l'espèce, comme une décision ;

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4.7.3.2.- Sur la rencontre entre Monsieur Charles MILHAUD et le Président de la République et la note élaborée par Monsieur François PEROL le 21 octobre 2008

Attendu que les éléments de cette rencontre ont été évoqués au point 3.2.2.2.5. ; qu'il y a lieu d'en analyser la portée ;

Attendu que le tribunal relève s'agissant du lien entre la démission de Monsieur Charles MILHAUD et les propos du Président de la République que Monsieur François PEROL écrit dans sa note au Président (1er paragraphe) que Monsieur Charles MILHAUD a été «contraint par le conseil de surveillance de donner sa démission», permettant de considérer qu'il n'y a pas de lien direct entre la démission de Monsieur Charles MILHAUD et une intervention de la Présidence de la République ;

Attendu, sur le déroulement de l'entretien, que Monsieur Charles MILHAUD va expliquer : «J'ai effectivement rencontré Monsieur Nicolas SARKOZY dans les jours qui ont suivi ma démission et c'était à ma demande. Cette rencontre s'est tenue en présence de Monsieur François PEROL. Il en est ressorti que le Président que je vouvoie m'a dit : «Tu ne pouvais pas faire autrement que démissionner mais je sais que tu n'y es pour rien». Après il a fait une sortie contre le fait que Nicolas MERINDOL, ancien membre du Directoire de CNCE puisse prendre la Présidence du CREDIT FONCIER DE FRANCE, ce dont la presse se faisait l'écho. En parlant de COMOLET et de LEMAIRE, il m'a dit: «On a mis ces deux là pour faire la fusion après il faudra mettre un véritable banquier!». A ce moment-là, je suis intervenu pour dire qu'il y avait Charles-Henri FILIPPI (Inspecteur Général des Finances), ancien Président de la filiale française d'HSBC qui était sur le marché. Le Président a alors réagi en se tournant vers PEROL pour lui dire que cela allait poser des problèmes avec DUPONT. Je vous précise que pendant tout l'entretien PEROL n'est pas intervenu (mais les conseillers n'interviennent jamais en présence du Président)» ;

Attendu que le tribunal constate que les propos prêtés au Président de la République trouvent leur source d'une part, dans la note du 20 octobre 2008, mais également dans celle du 14 octobre 2008, rédigée par Monsieur François PEROL à l'occasion de la rencontre entre le Président de la République et Monsieur Philippe DUPONT, dans laquelle il écrivait à Monsieur Nicolas SARKOZY «il faut renforcer le management de l'ensemble, (...) j'ai sondé Monsieur Philippe DUPONT sur Charles-Henri FILIPPI, mais il considère qu'il n'a pas été bon chez HSBC(...)»;

Attendu que Monsieur Charles MILHAUD va préciser : «A ce moment-là j'ai demandé au Président de conserver la Présidence de la filiale OCEOR (sous holding de CNCE supervisant les banques d'outre-mer). Le Président s'est alors tourné vers PEROL lui demandant de s'en occuper c'est-à-dire qu'il devait faire passer le message à COMOLET et LEMAIRE selon lequel il ne devait pas «toucher à MILHAUD la dessus». Dans les faits je suis resté Président d'OCEOR jusqu'à l'été 2009, c'est-à-dire jusqu'à ce que PEROL ayant pris la Présidence de BPCE, mette en place sa nouvelle organisation» ;

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Attendu, s'agissant des propos de Monsieur Charles MILHAUD, selon lesquels, le Président de la République aurait dit : «On a mis ces deux là pour faire la fusion après il faudra mettre un véritable banquier!», que Monsieur François PEROL a indiqué ne pas s'en souvenir ;

***

Attendu que ces propos tendraient à établir que la Présidence de la République serait intervenue dans la nomination de Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE, par l'utilisation du mot «On», par le Président de la République ;

Attendu toutefois qu'au regard des éléments soumis à l'appréciation du tribunal, cette seule déclaration ne permet pas suffisamment d'établir que les nominations de Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE, résulteraient de l'intervention de la Présidence de la République ;

***

Attendu en revanche qu'il résulte des propos de Monsieur Charles MILHAUD que le Président de la République a demandé à Monsieur François PEROL d'intervenir auprès de Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE ;

Attendu que ces propos n'ont pas été contestés par Monsieur François PEROL et permettent d'établir, dans les circonstances de l'espèce, une intervention du Président de la République dans la gouvernance du groupe bancaire ; qu'il résulte, ainsi qu'il sera vu ultérieurement que cette demande sera suivie d'effets puisque dans la note de Monsieur François PEROL du 28 octobre 2008, préparant un entretien entre le Président de la République, Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE, Monsieur François PEROL indiquait que «dans un souci d'apaisement, et au vu des services qu'ils ont rendu au groupe des Caisses d'épargne dans le passé, B. Comolet et A. Lemaire sont d'accord pour que C. Milhaud conserve la présidence non exécutive d'Océor...» ;

Attendu que ces éléments, qui ne sont toutefois pas couverts par la prévention, démontrent dans les circonstances de l'espèce une intervention du Chef de l'État, que Monsieur François PEROL a relayée, dans la gouvernance des structures au regard de la présidence non exécutive d'Océor ;

***

4.7.4.- Sur La préparation de l'entretien du 30 octobre 2008 : la note de Monsieur François PEROL au Président de la République du 28 octobre 2008

Attendu qu'a été examinée au point 3.2.2.2.7.2. la note de Monsieur François PEROL au Président de la République du 28 octobre 2008, ayant pour objet «votre entretien avec les nouveaux dirigeants des Caisses d'épargne» ;

Attendu que le tribunal constate en premier lieu, ainsi qu'il a été relevé précédemment, que les demandes du Chef de l'État afin que Monsieur Charles MILHAUD prenne la tête de la présidence non exécutive d'OCEOR ont été

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suivies d'effets ;

Attendu que si Monsieur Bernard COMOLET devait indiquer ne pas avoir le souvenir d'avoir parlé de Monsieur Charles MILHAUD avec Monsieur François PEROL (D112), il résulte du rapprochement de l'ensemble des éléments de la procédure que Monsieur François PEROL a nécessairement fait part de cette demande du Président de la République aux dirigeants des caisses d'épargne, lesquels ont fait droit à ces demandes ;

Attendu qu'est établie en l'espèce l'intervention du Chef de l'État dans la gouvernance du groupe ;

Attendu toutefois qu'il ressort du rapprochement du témoignage de Monsieur Charles MILHAUD et de la note du 28 octobre 2008 que c'est Monsieur Charles MILHAUD qui va directement évoquer au Président de la République le fait de demeurer à la tête d'OCEOR, Monsieur Nicolas SARKOZY demandant alors à Monsieur François PEROL de s'en occuper ;

***

Attendu en conséquence qu'il n'est pas suffisamment établi que le maintien de Monsieur Charles MILHAUD à la tête d'OCEOR résulte d'une proposition ou d'un avis de Monsieur François PEROL ; que le fait que le Chef de l'État soit intervenu à ce sujet ne constitue pas en soi un élément caractérisant la propre implication de Monsieur François PEROL, le tribunal devant apprécier concrètement les éléments portés à sa connaissance ; qu'en tout état de cause, ces faits relatifs au maintien de Monsieur Charles MILHAUD à la tête d'OCEOR ne sont pas inclus dans le champ de la prévention ;

Attendu par ailleurs s'agissant de cette note du 28 octobre 2008 que le tribunal constate que les messages qu'il est proposé au Président de la République de faire passer, relèvent d'un niveau de généralité sans corrélation avec les éléments de la prévention ;

Attendu en effet que le fait pour le Président de la République d'indiquer que «le rapprochement avec le groupe des Banques Populaires doit être la priorité» ne saurait s'analyser comme une décision du Chef de l'État, mais plutôt, à ce moment du calendrier de la fusion, comme un élément partagé par l'ensemble des pouvoirs publics que le Président de la République rappelle ;

Attendu que ne constitue pas davantage une décision ou une intervention du Chef de l'État le fait d'indiquer aux nouveaux dirigeants des caisses d'épargne qu'il y a lieu de «nettoyer» les comptes «sans état d'âme» ;

Attendu qu'il en est de même sur le fait que le rapprochement doit passer par une disposition législative, cette indication relevant de l'évidence et de la nécessité juridique que les dirigeants des caisses d'épargne ne pouvaient pas ignorer ;

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4.7.5.- Sur la réunion des banques avec le Président de la République le 20 janvier 2009 à 18H00 et la note élaborée par Monsieur François PEROL à l'attention du Président de la République

Attendu que le tribunal analyse la note du 20 janvier 2009, examinée au point 3.2.2.3.4. comme une note d’information ;

Attendu qu’il n’est pas suffisamment démontré, ni même allégué, que la phrase «Pour Caisses d’Epargne et Banques Populaires, il faudra que la recapitalisation s’inscrive dans le cadre plus global du rapprochement en cours, qui doit être accéléré», constitue, selon les termes de la prévention, une proposition ou un avis au Président de la République, lequel l’aurait validé ou arbitré ;

Attendu qu’il n’est pas démontré non plus que cette phrase constituait une proposition ou un avis qui aurait ensuite été communiqué au Gouverneur de la Banque de France, à la Commission bancaire ou à BERCY ;

Attendu au surplus que le tribunal est en mesure de constater que Monsieur François PEROL soumet à l’arbitrage du Président de la République des éléments relevant de la seule communication, dans le dernier paragraphe de la note retranscrite ci-dessus ;

Attendu que le tribunal n’accorde aucune portée décisoire à cette présente note, laquelle au surplus, porte comme titre : «Réunion avec les banques. Dernières informations» ;

***

5. - Analyse par le tribunal de la prévention

Attendu qu'il y a lieu de rappeler à ce stade du jugement, que le projet de rapprochement entre les groupes Banques populaires et Caisses d'épargne était un projet ancien, largement partagé par les pouvoirs publics et les opérateurs économiques ;

Attendu que la création de NATIXIS a constitué un des jalons de ce rapprochement ; qu'elle ne se réalisera pas sans difficultés au regard des fortes oppositions à la lente démutualisation à laquelle cette création semblait procéder ;

Attendu que le contexte de la crise financière a donné un nouvel élan à ce projet de rapprochement ;

Attendu qu'il apparaît pour le tribunal que l'annonce de la fusion devait intervenir au plus tard le 26 février 2009, les groupes devant communiquer sur leur résultat fin février et devant ainsi pouvoir faire des annonces sur leur avenir commun ;

***

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5.1.Examen de la première branche de la prévention : le fait d'avoir formulé des avis sur des contrats conclus par les groupes CNCE et BFBP, en l'espèce en participant à la définition des modalités d'apports de fonds publics à des établissements bancaires et en validant ces dispositifs formalisés, en ce qui concerne la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, dans un protocole signé le 16 mars 2009 avec le ministre de l'économie et des finances ;

Attendu qu'au terme de l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur, il est reproché à Monsieur François PEROL d'avoir «formuler des avis sur des contrats conclus par une entreprise privée, en l'espèce d'avoir participé à la définition des modalités d'apports de fonds publics à des établissements bancaires et d'avoir validé ces dispositifs formalisés, en ce qui concerne la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, dans un protocole signé le 16 mars 2009 avec le ministre de l'économie et des finances» ;

Attendu que pour l'accusation, Monsieur François PEROL a, dans cette note du 20 octobre 2008 – tout comme dans celle du 21 février 2009 – formulé un avis sur un contrat conclu par la CNCE et la BFBP, s'agissant du protocole de négociations signé le 16 mars 2009, soumettant ce dispositif au Président de la République pour validation, après l'avoir lui-même implicitement entériné, afin de pouvoir adresser aux autorités compétentes de l'État l'accord du Président de la République pour le mettre en œuvre ; qu'ainsi, l'ordonnance de renvoi mentionne : «exposant le dispositif de recapitalisation des banques, il (Monsieur François PEROL) demande au président de la République s'il approuve ces orientations, ce qui, implicitement, signifie qu'elle ne rentrera en vigueur qu'après son accord» ;

Attendu que, selon les termes de l'ordonnance de renvoi, «cette note a été contractualisée ainsi que le démontre la pièce saisie suivante» qui est le protocole de négociations signé le 16 mars 2009 par la BFBP représentée par Monsieur Philippe DUPONT, la CNCE représentée par Alain LEMAIRE et l'Etat français représenté par le ministre de l'Economie» ;

Attendu, ainsi qu'il a été rappelé, que si dans son ordonnance, le magistrat instructeur vise une note du 21 février 2009, sont cités des passages qui résultent, non de la note du 21 février 2009, mais de celle du 20 octobre 2008 précitée, s'agissant du paragraphe du a) et b) du 2) commençant par les mots «souscription par l'État d'une première tranche de 10 M d'euros de titres subordonnés à durée indéterminée (…)» jusqu'à «… 15 jours environ» ;

5.1.1. Sur la note du 20 octobre 2008

5.1.1.1.-Examen par le tribunal des éléments d'ordre financier contenus dans le protocole de négociation du 16 mars 2009 :

Attendu que le scellé PER/BUR-NEUF contient un extrait du protocole signé le 16 mars 2009 entre la BFBP représentée par Monsieur Philippe DUPONT et la CNCE représentée par Monsieur Alain LEMAIRE ;

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Attendu que ce protocole prévoit que «l'apport de fonds propres à CEBP par l'État par la souscription par celui-ci selon des proportions visées à l'article 1.4. ci-dessous (i) d'actions de préférence convertibles en actions ordinaires à l'option de l'État selon des modalités qui seront arrêtées dans le contrat d'émission de ces titres et qui sont résumées en Annexe 1.4. au présent protocole, et (ii) de titres super-subordonnés (TSS), pour un montant total de 5 milliards d'euros»

Attendu que le point 1.4. du protocole est rédigé de la manière suivante :

«1.4. Souscription d'actions de préférence et de TSS par l'État

Immédiatement après la réalisation des Apports (en ce compris les cessions mentionnées à l'article 1.2.), l'État souscrira par l'intermédiaire de la Société de prise de participation de l'État :

(i) pour un montant de l'ordre de 3 milliards d'euros des actions de préférence convertibles, dans certaines conditions, en actions ordinaires émises par CEBP (ci-après les «Actions de Préférence»), donnant droit, sur conversion de tout ou partie d'entre elles, à un maximum de 20 % des actions ordinaires de CEBP à la date de conversion ;

(ii) pour un montant de l'ordre de 2 milliards d'euros des titres super-subordonnés émis par CEBP (ci-après, les «TSS») ;

Dans le cadre de l'enveloppe de 5 milliards d'euros susvisée, la répartition définitive des montants devant être souscrits en Actions de Préférence ou en TSS sera arrêtée avant le 30 avril 2009 ;

5.1.1.2.- Analyse par le tribunal de la note du 20 octobre 2008 et du protocole du 16 mars 2009 au regard de l'aide globale de l'État apportée aux Caisses d'Epargne et aux Banques populaires : une aide globale de 7 milliards

Attendu qu'il y a lieu pour le tribunal, au regard de l’analyse de la note du 20 octobre 2008 et du protocole du 16 mars 2009 de rappeler à ce stade le processus global d'aide apporté aux groupes Caisses d'épargne et Banques populaires ;

Attendu qu'il a été rappelé précédemment, au moment de l'analyse de la loi du 16 octobre 2008 que sur la garantie globale de 360 milliards prévue à l'article 6 de la loi du 16 octobre 2008, une enveloppe de 40 milliards d'euros avait été arbitrée par le Président de la République ;

Attendu que la Société de prise de participation de l'État (SPPE) – c'est à dire l'État – a souscrit ensuite pour un montant de 10,5 milliards à des émissions de dette subordonnée effectuées par les établissements de crédit ;

Attendu que les négociations entre les banques et les pouvoirs publics au titre de la mise en œuvre de l'aide de l'État suite à la loi du 16 octobre 2008 résultent des déclarations de Monsieur Philippe DUPONT faisant état de négociations intervenues le dimanche 19 octobre 2008, jour du départ de Monsieur Charles MILHAUD, soit la veille des annonces de l'aide de 10,5 milliards (D142) :

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«Pour parler du départ de Charles MILHAUD, je vous précise que le jour où Charles MILHAUD était en Conseil de Surveillance où le sujet était sa démission, j'étais convoqué moi à Bercy dans le bureau du Directeur Général du Trésor, afin de participer à une réunion aux fins de déterminer les besoins en fonds propres à prélever sur les enveloppes mises à dispositions des établissements bancaires français par les pouvoirs publics, suite à la recapitalisation et à la nationalisation des banques britanniques. Ce jour, là il y avait le Directeur du Trésor, le Gouverneur de la Banque de France, d'autres fonctionnaires du Trésor et les dirigeants des autres banques. L'ordre du jour c'était : « de combien a-t-on besoin pour rassurer les marchés et quel doit être le montant des enveloppes en fonction des poids spécifiques de chaque banque». A ce titre, j'ai défendu les enveloppes pour le Groupe Banques Populaires et le Groupe CNCE. A cette époque-là on était à 3 milliards pour les Caisses d'Epargne et 2 pour les Banques Populaires ; La crise qui était à son paroxysme n'était cependant pas une crise de fonds propres mais une crise de liquidité, cependant selon le G20, il fallait recapitaliser et c'était une directive des pouvoirs publics relayée par Monsieur le Président de la République qui souhaitait ainsi rassurer les marchés sur la santé financière des banques françaises. Je me souviens d'une banque qui ne voulait pas de cette recapitalisation et du Président de la République qui intimait le Dirigeant de cette banque d'accepter cette recapitalisation sous peine de ne plus avoir le soutien des pouvoirs publics» ;

Attendu que le tribunal relève au demeurant que bien que Monsieur Philippe DUPONT évoque une intervention du Président de la République «intim(ant)» à un dirigeant de banque, aucun élément de cette nature n'est relevé s'agissant des groupes caisses d'épargne et banque populaire ;

Attendu que s'il est établi que le dimanche 19 octobre 2008, des négociations ont eu lieu entre les organismes bancaires et les pouvoirs publics pour la détermination des aides à apporter, le tribunal ne dispose pas d’éléments précis sur le déroulement de ces négociations ;

Attendu en tout état de cause qu'il apparaît que les éléments négociés avec le Ministère de l'Économie figurent dans la note du 20 octobre 2008, s'agissant de la souscription par l'État d'une première tranche de 10,5 milliards d'euros de titres subordonnés à durée indéterminée concernant 6 banques françaises dont les Caisses d'épargne pour un montant de 1,1 milliard et les banques populaires pour un montant de 0,95 milliard ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées à la procédure par la défense que cette souscription de l'État fera l'objet d'un communiqué de presse de la Ministre de l'économie en date du 20 octobre 2008, ainsi que cela a été rappelé précédemment ;

Attendu que pour la compréhension de la prévention, le tribunal doit rappeler qu’il résulte des débats et des explications de Monsieur François PEROL, que l'aide globale de l'État apportée aux groupes Caisses d'épargne et Banques populaires correspond à un montant global de 7 milliards, ainsi que l'a confirmé le gouverneur de la Banque de France, Monsieur Christian NOYER, lors de son audition devant le tribunal le 25 juin 2015 (page 68) ;

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Attendu que l’aide globale de 7 milliards s’est déclinée de la manière suivante :

- souscription par la société de prise de participation de l’État (SPPE), c’est-à-dire la puissance publique, d'une première tranche de titres super subordonnés à durée indéterminée émis par la CNCE et la BFBP, à hauteur de 1,1 milliard d’euros pour la première et de 950 millions d’euros pour la seconde, soit une première aide de 2, 05 milliards d’euros ;

- fusion des deux groupes et injection de cinq milliards d’euros de fonds publics, à la suite des pertes de NATIXIS ;

Attendu que la première aide de 2,05 milliards et celle de 5 milliards correspondent à deux moments différents ;

Attendu que le protocole du 16 mars 2009, base juridique de la fusion entre les groupes Caisse d’épargne et Banque populaire, porte, non sur la première tranche d’aide de 2,05 milliards d’euros, mais sur la seconde, d'un montant de 5 milliards ; qu'il prévoit ainsi que des titres super subordonnés vont être émis et souscrits par la SPPE à hauteur de deux milliards d'euros et que trois milliards d’euros d’actions de préférence seront émis par le nouvel organe central et souscrites par l’État, soit un total de 5 milliards ;

Attendu qu'il y a lieu de rappeler à ce stade que les actions de préférence présentent une double caractéristique par rapport à des actions ordinaires ; qu'elles ne confèrent pas de droits de vote à l’assemblée générale – ce qui ne fait pas obstacle à la présence de l’État au sein du conseil de surveillance mais qu'en contrepartie, elles bénéficient d’une rémunération garantie et relativement élevée ; que la rémunération des actions de préférence étant croissante au fil du temps, cela constitue une incitation à leur remboursement rapide ;

Attendu que les titres super subordonnés à durée indéterminée ne confèrent pas de droits de vote à l’assemblée générale des actionnaires et sont remboursables à tout moment ; qu'une prime de sortie, croissante au fil du temps, doit alors être versée, ce qui incite à un remboursement rapide ;

***

Attendu en conséquence qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la garantie de l'État mentionnée dans la note du 20 octobre 2008 de Monsieur François PEROL à l'attention du Président de la République vise la première tranche de titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) émis par les banques, soit 1,1 milliard d'euros pour la CNCE et 950 millions d'euros pour la BFBP ;

Attendu que cette aide de 2 milliards n’est pas celle qui est visée dans le protocole du 16 mars 2009 tant au titre des 3 milliards que des 2 milliards ; que ces montants s’ajoutent, pour aboutir au montant total de 7 milliards ;

Attendu en conséquence que la somme de 5 milliards visée dans le contrat du 16 mars 2009 et répartie en 3 milliards d'euros d'actions de préférence et 2 milliards d'euros de titres super-subordonnés, si elle est comprise dans la

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somme globale de 360 milliards visée à l'article 6 de la loi du 16 octobre 2008, est sans lien avec les sommes visées dans la note du 20 octobre 2008 ;

Attendu, en considération de cette confusion entre les différentes aides apportées aux groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire, qu'il convient de dire que Monsieur François PEROL n'a pas, aux termes de cette note du 20 octobre 2008, émis un avis qui s'est ensuite concrétisé dans le protocole du 16 mars 2009 ;

Attendu qu'il apparaît que la prévention manque en fait, dès lors qu'il n'y a pas de corrélation entre les éléments contenus dans la note du 20 octobre 2008 et le protocole du 16 mars 2009 ;

Attendu dès lors que l'infraction n'est pas suffisamment caractérisée au regard de la note du 20 octobre 2008 ;

***

5.1.1.3.- L'éventuelle portée arbitrale de la note du 20 octobre 2008

Attendu cependant et au surplus, que dans le souci de répondre à l'ensemble des moyens soulevés par la prévention qu'il y a lieu d'examiner la portée de la note du 20 octobre en considération, de l'arbitrage ou de la validation attendus de la part du Président de la République ;

Attendu que pour le procureur national financier et les parties civiles, les mots : «Êtes-vous d'accord avec ces orientations» portent non seulement sur le point c) «la communication», mais également sur les points a) «s'agissant de la recapitalisation» et b) «s'agissant de la garantie sur les financements» ;

Attendu qu’à l’appui de cette argumentation, est mis en exergue le fait que Monsieur François PEROL présenterait au Chef de l'État le dispositif qui «a été négocié ce week-end par le Trésor et les banques», l'emploi du conditionnel démontrant que le dispositif ne pourrait être mis en œuvre qu'après l'accord du Président de la République ;

Attendu que Monsieur François PEROL conteste cette présentation, arguant que les mots : «Êtes-vous d'accord avec ces orientations», portent sur la seule communication, dans la mesure où ces mesures devaient être annoncées le même jour ; qu'à cet égard, Monsieur François PEROL a expliqué à l’audience que la question était de savoir si la communication relevait du Premier ministre ou du Ministre de l’Economie ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur Claude GUEANT, après avoir pris connaissance de cette note, a indiqué que le terme «orientations» était relatif à la communication, ajoutant que «pour les mesures techniques, le Président de la République y est indifférent» (page 79) ;

Attendu, indépendamment des explications données par Monsieur Claude GUEANT et Monsieur François PEROL qu'il convient de relever en premier lieu, que les parties a) et b) de la note procèdent de l'information sur les modalités de mise en œuvre de la loi du 6 octobre 2008, au titre de l'utilisation de la garantie de l'État prévue de 40 milliards dans l'enveloppe globale de 360

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milliards ; que le tribunal ne constate pas, à la lecture de cette note que Monsieur François PEROL sollicite expressément la validation du Président de la République sur les parties a) et b) ;

Attendu qu'à l'inverse, la partie c) suggère une action à venir en terme de communication, s'agissant d'«une seule communication sur le financement de l'économie», le rédacteur de ladite note précisant avoir demandé au cabinet du Premier ministre de surseoir à toute communication ;

Attendu, à titre liminaire, que le tribunal rappelle qu'il ne saurait tenir pour acquis le fait que tout sujet abordé par le Président de la République relève nécessairement de son arbitrage et de sa validation ;

Attendu au contraire que l’implication du Ministère de l’économie et du Trésor résulte des déclarations de Monsieur Stéphane RICHARD qui évoque spécifiquement la validation par le Ministre de l’économie et des finances en ces termes : «Parallèlement à ces négociations, la Direction Générale du Trésor, avec la validation du Cabinet LAGARDE a mis en place un dispositif de renforcement des fonds propres de l'ensemble des banques françaises, principalement sous la forme de prêts participatifs (convertibles en actions). Il faut bien avoir à l'esprit qu'à l'époque le système financier était bloqué, il n'y avait plus de solidarité de place, les banques ne se prêtant plus entre elles. Il y avait également une quasi-impossibilité pour les banques de se refinancer sur les marchés cette faculté n'étant plus ouverte qu'aux États. D'où l'implication forte du Trésor et de la Banque de France pour permettre aux banques, malgré tout, de continuer à accorder des crédits à l'économie et à renforcer leurs fonds propres ; Le dispositif mis en place consistait en une enveloppe globale dans laquelle les banques pouvaient puiser en fonction de leurs besoins de liquidité dans le cadre de conventions passées entre chacune des banques et le Trésor» ;

***

Attendu en premier lieu qu’il résulte des pièces du dossier que l’autorité compétente pour l’utilisation de l’enveloppe d’aide globale de l'État était le Ministère de l’Economie ;

Attendu en deuxième lieu qu'il y a lieu de s'interroger, au regard du fonctionnement de l'État, sur le fait que l'arbitrage du Président de la République sur de tels sujets ait pu être sollicité dans de telles conditions ; que le tribunal ne dispose d'aucun élément permettant d'établir si cette note était accompagnée d'un dossier technique, précédée d’une réunion avec les ministres ou avec les collaborateurs concernés, permettant au Chef de l'État d'apprécier les éléments communiqués et de porter un regard critique ; qu'à cet égard Monsieur François PEROL a expliqué à l’audience que «les grandes décisions sont prises en présence du Premier ministre et des Ministres» ; qu'il préparait alors des notes d'information, à l'appui d'un dossier préparé pour le Président de la République ;

Attendu en troisième lieu qu'en l'état de cette seule note, le tribunal constate, eu égard aux éléments de l'espèce portant sur la technicité des points abordés, que le Président de la République était manifestement dans l'impossibilité d'exprimer une validation éclairée ; que le seul point qu'il était à même de

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vérifier, en dehors de tout autre élément, était que le montant global ne dépassait pas l'enveloppe de 40 milliards qu'il avait lui-même arbitrée, seul cas dans lequel il aurait pu valablement s'opposer ; qu’il apparaît, aux termes des débats, que l’arbitrage du Président de la République s’était portée sur les deux montants de 320 et de 40 milliards ;

Attendu en quatrième lieu que le tribunal ne dispose d’aucun élément d’appréciation sur la restitution que le Président de la République a faite de cette note, après en avoir pris connaissance, et ce, en l’absence d’annotations ou de décision formalisée, permettant ainsi, et avec certitude, de déterminer le champ de sa validation ;

Attendu en cinquième lieu qu'une prise de décision sur la communication, entre le Premier ministre et le Ministre de l’Economie, ne nécessitait aucune expertise technique particulière, mais relevait d'une appréciation politique que le Président de la République pouvait effectuer, proprio motu, sur la base de cette seule note, sans élément de dossier complémentaire ;

Attendu en sixième lieu qu'il n'est pas, en tout état de cause, suffisamment établi que Monsieur François PEROL en retranscrivant ces montants donnait lui-même un avis sur ces montants ; que les prises de position de Monsieur François PEROL dans cette note portent en revanche sur les aspects de communication ; qu'enfin, la note ne contient aucun avis exprimé par Monsieur François PEROL sur le dispositif de recapitalisation des banques ;

Attendu en septième lieu qu'il ne résulte pas du point 3 de la note «Situation des caisses d'épargne» que Monsieur François PEROL a émis un avis aux autorités compétentes, à savoir le Trésor, la Banque de France et la Commission bancaire, en ayant suggéré comme messages à faire passer à la nouvelle direction, de «préparer l'avenir par le rapprochement rapide avec les banques populaires» et «travailler avec l'État à la gouvernance du nouveau groupe»;

Attendu en effet que ces éléments sont d’une telle généralité, qu’ils relèvent manifestement du discours politique et non de la technicité d’une fusion entre deux groupes bancaires ;

Attendu en outre qu'il résulte suffisamment des déclarations de Monsieur Alain LEMAIRE que ces deux questions étaient en tout état de cause déjà identifiées comme étant importantes ;

Attendu en conséquence qu'il n'est pas suffisamment démontré que la validation sollicitée auprès du Président de la République portait non seulement sur la communication, mais également sur les montants fixés ;

Attendu en conséquence, et dans les circonstances de l'espèce, que le tribunal juge qu'il n'est pas suffisamment établi que cette note du 20 octobre ouvrait un espace d'arbitrage et de validation sur les points a) et b) ;

***

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5.1.2. Sur la note du 21 février 2009

Attendu que pour Monsieur Claude GUEANT, à qui la note a été présentée à l'audience, «cette note traduit le consensus des Administrations et des deux groupes» ; que «ce n’est pas une note d’arbitrage», «mais de conduite de réunion» ;

Attendu, à titre liminaire, sur le contexte de la prise de connaissance de cette note par Monsieur Nicolas SARKOZY, que le tribunal constate qu'elle a été enregistrée sur l’ordinateur de Monsieur François PEROL le samedi 21 février 2009 à 2H34 ; qu’il ressort de l’agenda de Monsieur Nicolas SARKOZY que le matin même à 8H30, il se rendait au Salon de l’agriculture à Paris ; que selon Monsieur Claude GUEANT, il avait dû voir cette note à son retour, avant le rendez-vous de 11H45, avec Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Philippe DUPONT ;

***

Attendu que pour le tribunal, la réunion du 21 février 2009 n’avait pas d’autre objet pour Monsieur Nicolas SARKOZY que de proposer Monsieur François PEROL à la tête de BPCE ; qu’ainsi qu’il sera examiné au point 5.2.6. relatif à la question de la nomination du dirigeant, face à l’incapacité des responsables des deux groupes bancaires à se mettre d’accord et à trouver un dirigeant, le Président de la République est intervenu directement ;

Attendu que le tribunal constate qu’au regard de la date du mercredi 26 février 2009, correspondant à l'annonce des pertes notamment de NATIXIS, il devenait urgent de procéder à l'annonce d'un nouveau dirigeant ;

Attendu qu'il apparaît pour le tribunal que la question de la nomination de Monsieur François PEROL s’est décidée dans la semaine du lundi 16 février 2009 ; que l’urgence dans laquelle cette décision a été prise, explique au demeurant les conditions dans lesquelles la Commission de déontologie a été sollicitée (voir point 5.2.6.3.) ;

Attendu, en considération de ces éléments, qu'il convient de juger que la note du 21 février 2009 qui reprend toutes les modalités de la fusion des deux groupes ne constitue pas une note à l’attention du Président de la République aux fins d’obtenir un arbitrage, mais une note d’information dont le seul objet était de permettre l'annonce de la nomination à venir de Monsieur François PEROL ;

Attendu sur ce point que Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Bernard COMOLET ont souligné, au cours de leurs auditions, que si les modalités de la fusion avaient été rappelées, l’objet de cet entretien était pour le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY de signifier la nomination de Monsieur François PEROL ;

Attendu que les mots figurant en première page : «je vous propose de leur faire part de la position définitive de l'État sur chacune de ces conditions, sans laisser trop de place à la discussion», indique que l'État avait déjà pris position et que le Président de la République la rappelait ;

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Attendu que le conditionnel utilisé en page 2 dans la formule : «Ce soutien ne serait accordé qu’à l’organe central résultant de la fusion», n’établit pas suffisamment, pour le tribunal, la portée arbitrale de cette note ;

Attendu en effet que cette position était partagée par l’ensemble des pouvoirs publics et tout particulièrement par le Ministère de l’Economie et des finances et le Gouverneur de la Banque de France ; qu’il en est de même en page 3, s’agissant des mots «ce point pourrait être concédé aux Caisses d’épargne», sur le fait que la forme prise pour le nouveau groupe s’accompagnerait «d’un conseil de surveillance avec directoire» ;

Attendu en conséquence que ce grief doit être rejeté ;

5.1.3. Sur les autres notes

Attendu que dans ses prises de parole à l’audience, le Ministère public a fait valoir, le premier jour de l'audience, le 22 juin 2015, que le champ de la prévention ne se réduisait pas seulement aux notes du 20 octobre 2008 et du 21 février 2009 ;

Attendu ainsi qu’il a été analysé précédemment au point 4.7., que les notes du 6 octobre 2008, 14 octobre 2008, 21 octobre 2008, 28 octobre 2008 et 20 janvier 2009 ne constituent pas davantage un avis sur des contrats conclus par les groupes CNCE et BFBP ;

Attendu en dernier lieu que figure dans les scellés DD/AN/PEROL/DEUX une note en date du 19 février 2009 dans laquelle, selon l’ordonnance de renvoi, Monsieur François PEROL fait état de droits de l'Etat sur la gouvernance du groupe en contre-partie des actions de préférence et préconisait la nomination, dès le 25 février 2009, d'une personnalité extérieure aux deux groupes ;

Attendu que Monsieur François PEROL a, à l’audience, contesté être l’auteur de cette note ;

Attendu que le tribunal ne dispose d’aucun élément circonstancié sur la provenance de cette note et l’utilisation qui a pu en être faite ;

Attendu en tout état de cause que le tribunal n’estime pas pouvoir tirer de conséquences pénales de ce document ;

***

5.2.-Examen de la seconde branche de la prévention : le fait d'avoir proposé «directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire le montant de l'aide financière accordée par l'État dans le cadre de leur plan de recapitalisation, la structure juridique du futur groupe et le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement, dans le cadre de l'opération de fusion des Caisses d'épargne (CNCE) et des Banques Populaires (BFBP)»

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Attendu qu'il est reproché à Monsieur François PEROL, au terme de la seconde branche de la prévention, d'avoir entre le 16 mai 2007 et le 26 février 2009, «proposé directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire le montant de l'aide financière accordée par l'État dans le cadre de leur plan de recapitalisation, la structure juridique du futur groupe et le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement, dans le cadre de l'opération de fusion des Caisses d'épargne (CNCE) et des Banques Populaires (BFBP)» ;

Attendu qu’il y a lieu, avant de distinguer chacun des cinq aspects précisés dans la prévention, d’analyser de manière transversale la question de la portée des réunions organisées à la Présidence de la République, sous la présidence de Monsieur François PEROL, afin de déterminer, à ces occasions, il a «proposé directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis (….)» ;

5.2.1.- Analyse de la portée des réunions organisées à la Présidence de la République sous la Présidence de Monsieur François PEROL : les trois réunions du 26 janvier, du 12 février et du 19 février 2009

Attendu, selon le Procureur national financier, que Monsieur François PEROL a, au cours de ces réunions, à tout le moins implicitement, validé l’ensemble des dispositifs tenant au rapprochement des deux groupes ;

Attendu que Monsieur François PEROL, a, au cours de son interrogatoire de première comparution, donné les explications suivantes sur l’objet de ces trois réunions :

«j'ai été amené, probablement à trois reprises à organiser à l'Élysée des réunions que bien entendu j'animais, qui se déroulaient si ma mémoire est bonne en deux temps : un premier temps avec les autorités compétentes (Banque de France, direction générale du Trésor, Cabinet de la Ministre de l'économie et des finances) et le Cabinet du Premier Ministre et un deuxième temps avec en plus les dirigeants des deux banques.

L'objectif de ces réunions, compte tenu de l'urgence dans laquelle se trouvaient les deux groupes qui devaient annoncer les résultats le 26 février 2009, était double. D'abord assurer l'information en temps réel de l'ensemble des autorités publiques pour éviter toute déperdition de temps, et ensuite éviter les manœuvres de contournement, ou les tentatives de division qu'auraient pu mener les dirigeants des deux groupes auprès des différentes autorités publiques; il s'agissait au fond d'éviter que les dirigeants des deux groupes puissent penser qu'ils trouveraient une oreille attentive à Matignon ou à l'Élysée, pour leur permettre d'empêcher la réalisation des mesures prises dans l'intérêt de l'État.

J'ai souvenir de trois réunions. Les participants du côté des pouvoirs publics, et notamment le Gouverneur de la Banque de France, le Directeur général du Trésor s'inquiétant et s'exaspérant de la propension des dirigeants des deux

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groupes, qui avaient eux-mêmes décrit une situation pouvant être irrémédiablement compromise, à tergiverser et à ne jamais parvenir à des accords sur l'essentiel» (D150/4 et /5) ;

Attendu que Monsieur François PEROL devait ajouter sur l’objet de ces réunions :

«Nous étions dans un contexte de crise aiguë, les autorités publiques étaient habitées par un sentiment d'urgence, et toutes les énergies étaient mobilisées pour aller au plus vite. Le deuxième intérêt, c'était de démontrer in vivo, aux dirigeants des deux banques, qu'ils ne pouvaient pas espérer trouver à MATIGNON, ou à l'ELYSEE, des oreilles attentives pour leur éviter de faire ce qui était prescrit dans leur situation par les autorités compétente. A tort ou à raison il est prêté aux groupes bancaires mutualistes une forte capacité d'influence politique, compte tenu de leur forte assise régionale et nationale. L'objectif était tout simplement de faire face à l'urgence, et montrer que les pouvoirs publics étaient totalement unis» (D150/7) ;

Attendu enfin, selon la défense de Monsieur François PEROL qu’«il convient de rappeler que l'opération de rapprochement de BFBP et de CNCE, tout au long des mois d'octobre 2008 à mai 2009 et au-delà, a mobilisé de nombreux agents de la direction du Trésor et de la Commission bancaire, que chacune des banques, ainsi que l'État, était conseillée par un ou plusieurs banquiers conseils et un cabinet d'avocats, ce qui mobilisait encore de nombreuses personnes qui se sont réunies très souvent à la Commission bancaire ou au Trésor» ;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur François PEROL a indiqué (page 120) : «Il fallait montrer un front unique. Le climat de ces réunions a pu être tendu. L'objectif, dans l'urgence, est de montrer que les pouvoirs publics sont unis».

***

Attendu qu'il y a lieu pour le tribunal de dire si Monsieur François PEROL a implicitement validé l’ensemble des dispositifs tenant au rapprochement des deux groupes et aurait, ce faisant, proposé «directement aux autorités compétentes, à la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires », selon les termes de la prévention dont est saisi le tribunal ;

5.2.1.1.-Sur la chronologie de ces réunions

Attendu que de manière plus particulière, Monsieur François PEROL a, à l'audience, donné les précisions suivantes sur ces différentes réunions :

Que s'agissant de celle du 26 janvier 2009, il indiquait ne pas en avoir pris l'initiative ; qu'il précisait pour les dirigeants des banques, «il est question que NATIXIS ne soit pas dans la fusion, mais c'est impossible pour Bercy et Banque de France» ; qu'il précisait qu'à cette réunion, «on ignore le montant et les 5 milliards» (page 120) ;

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Attendu que Monsieur François PEROL précisait que «l'accélération de la fusion est acquise» et qu'«un des messages que nous faisons passer est l'accélération de la fusion, avant le 26 février» ; qu'«ils savent que si c'est une aide, c'est forcément à la tête de groupe. C'est la doctrine» (page 121) ;

Attendu que selon lui, le message était celui d'une fusion annoncée pour le 26 février, mais qu'au 26 janvier, «on sait que l'aide est importante, mais on n'en connaît pas les formes. L'audit est en cours» (page 121) ;

Attendu que l'ambiance de ces réunions était décrite de la manière suivante par Monsieur François PEROL : «L'objet n'était pas de négocier. C'était un peu la technique de la seringue» ; que selon lui, «il n'y avait rien à débattre. La position était prise. Il n'y a rien à arbitrer» ;

Attendu que Monsieur François PEROL a indiqué que le 26 janvier, les deux autres réunions n'avaient pas encore été actées ;

***

Attendu d’une part, qu’il résulte des constatations effectuées, que d’autres réunions avaient lieu durant cette période, à laquelle Monsieur François PEROL n’était pas associé ; qu’ainsi, il résulte de l’agenda de Monsieur Bernard COMOLET qu’une réunion avait lieu sans François PEROL le mercredi 28 janvier 2009, à 11H00, réunissant le gouverneur de la Banque de France, Monsieur Bernard COMOLET, Monsieur Philippe DUPONT, Monsieur Alain LEMAIRE et Monsieur Bruno METTLING ;

Attendu que pour la journée du 12 février 2009, figure à l’agenda de Monsieur Bernard COMOLET, une réunion avec Madame Christine LAGARDE à 14H30, suivie de la réunion à 16H30 à l'Élysée ;

5.2.1.2.-Sur le contexte de tension entourant le projet de fusion

Attendu que le tribunal constate que les dissensions sont à ce moment du processus de deux ordres :

5.2.1.2.1.- Sur les dissensions entre les pouvoirs publics et les dirigeants des banques eux-mêmes

Attendu que le tribunal relève sur ce point les témoignages suivants :

Attendu que Monsieur Philippe DUPONT déclarait (D142/1) : «Je confirme que le schéma que nous envisagions ne recevait pas l'agrément des pouvoirs publics et au premier d'entre eux, le régulateur à savoir la Banque de France et la Commission Bancaire qui a le dernier mot en matière d'organisation. C'est le régulateur qui a la responsabilité finale de l'opération. C'est la Commission Bancaire et la Banque de France qui avaient le pouvoir de bloquer la fusion. L'ensemble des pouvoirs publics partageaient cette analyse et forcément l'Élysée qui coordonnait les actions de ceux-ci» ;

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Attendu que Monsieur Alain LEMAIRE évoquant la relance de la fusion à partir du 20 octobre (D120), précisait : «En fait, il y avait deux problématiques. La première c'était l'organisation financière du Groupe et notamment les liens capitalistiques entre l'organe central et les différentes filiales. La seconde c'était la gouvernance de la nouvelle structure et notamment la désignation des dirigeants ; Concernant l'organisation financière du Groupe, Bruno METTLING et moi nous préférions une organisation qui garde l'ensemble des participations sous une holding spécifique alors que les autorités en place préféraient une intégration très forte entre les filiales et l'organe central» ;

***

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure, des débats et des témoignages sus-visés, qu'un désaccord existait entre les pouvoirs publics et les deux Groupes sur le positionnement de l'aide apportée ; que si les représentants des deux groupes souhaitaient que l'aide soit apportée au niveau de la filiale défaillante, NATIXIS, il apparaît que les pouvoirs publics exigeaient que l'aide financière soit positionnée au niveau des actionnaires du groupe fusionné ;

5.2.1.2.2.- Sur les dissensions entre les dirigeants des banques eux-mêmes

Attendu que le tribunal est en mesure de constater que les dirigeants des banques étaient dans l'incapacité de se mettre d'accord pour choisir un nouveau dirigeant;

Attendu ainsi que Monsieur Alain LEMAIRE déclarait (D120) : «Contrairement à la position de Monsieur Philippe DUPONT, M. COMOLET et moi nous ne souhaitions pas arrêter d’emblée les personnes appelées à diriger le futur organe central. Monsieur Philippe DUPONT au contraire en faisait un préalable à son accord sur la forme de la nouvelle structure et il voulait en être le véritable patron ; cette opposition croissante a abouti à une réunion fin janvier/début février 2009 au cours de laquelle Monsieur Bernard COMOLET et moi-même lui avons indiqué que les Caisses d’Epargne n’accepteraient jamais qu’il soit le numéro un du futur ensemble» ;

5.2.1.3.-Sur le contenu de ces réunions

Attendu qu’à l’audience, Monsieur François PEROL a fait état des tensions existantes entre les dirigeants des deux groupes et les tergiversations constantes sur le processus de fusion avec les pouvoirs publics portant notamment sur le point de savoir si l'aide apportée devait l'être au niveau des filiales ou du groupe fusionné ; que, selon les termes qu’il a utilisés à l’audience, il «fallait leur taper sur la tête», ces réunions ayant pour objet selon lui de rappeler la position des pouvoirs publics à cet effet ;

Attendu qu'il y a lieu pour le tribunal d'examiner le contenu de ces réunions à travers les différents éléments de témoignage recueillis au cours de l'information judiciaire ;

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Attendu, sur l'objet de ces réunions, que le tribunal relève les témoignages suivants :

Attendu que Monsieur Xavier MUSCA, entendu sur la réunion du 26 janvier 2009 indiquait au magistrat instructeur (D131) : «Mon souvenir est que cette réunion a été séparée en deux parties. Au cours de la première, les représentants de l'État, du SGCB et de la Banque de France, ont débattu d'une position commune. Celle-ci a ensuite été exprimée aux banquiers qui participaient à la deuxième partie de la réunion. Ce message, dans mon souvenir, était le suivant : il faut être en mesure de rassurer le marché au moment de l'annonce des résultats de NATIXIS. L'État est prêt à apporter son aide mais il faut que les banques qui se sont engagées dans cette voie, présentent un projet de fusion crédible. Nous leur avions également dit à cette occasion que l'apurement de la situation de NATIXIS nécessitait des efforts financiers des banques, et que nous n'interviendrions pas au niveau de NATIXIS» ;

Attendu que les déclarations de Monsieur Xavier MUSCA étaient confirmées par celles de Monsieur Philippe DUPONT ;

Attendu en effet que sur l'organisation de ces réunions, Monsieur Philippe DUPONT indiquait (D142, page 6) : «Je confirme que des réunions coordonnées par M. PEROL ont été vives avec les régulateurs, avec le directeur du Trésor, sur les actifs à risque sur lesquels je me souviens avoir eu des échanges avec nos banques conseils et la commission bancaire. A cette époque effectivement les 5 milliards d'aide de l'État étaient actés pas encore débloqués. Que les interventions des pouvoirs publics sur la structure du futur ensemble puissent être interprétées par les uns ou les autres comme faisant l'objet d'une conditionnalité à la mise en œuvre du nouvel ensemble me paraît être une analyse pertinente. Pour autant, cette pression, nous la ressentions tant du régulateur dont j'ai dit qu'il avait le dernier mot, que de Bercy, de Matignon et de l'Élysée»;

Attendu que le tribunal relève également sur ce point les déclarations de Monsieur Bernard COMOLET :

«La plupart du temps, j'y allais avec Monsieur Philippe DUPONT mais quelques fois, il me disait de le rejoindre là-bas et à chaque fois qu'il me disait de le rejoindre là-bas, je constatais qu'il avait vraisemblablement une réunion en bilatérale avec Monsieur François PEROL. Pour moi, c'était désagréable et étonnant. Il y eu une grande réunion, un soir de février 2009 en semaine, selon ma mémoire et visiblement selon mon agenda que vous me montrez sous scellé COMOLET/DOM/SIX ce pourrait être soit le jeudi 19/02/2009 à 18h45 soit le mardi 10/02/2009 à 19h30. Il y avait la direction du Trésor, MUSCA, la Banque de France, NOYER, la Commission bancaire, Mme Danièle NOUY, le cabinet du ministre des finances, Monsieur François PEROL, Monsieur Philippe DUPONT, Bruno METTLING, Alain LEMAIRE, moi-même et un représentant de Matignon. Cette réunion était animée en particulier par MUSCA, PEROL, NOYER et le représentant du ministère des Finances. On nous a dit à cette occasion que la situation était grave en raison des pertes importantes de CNCE et de NATIXIS, qu'il y avait un besoin important de fonds propres et de liquidités et que faute de réaliser rapidement la fusion entre les deux groupes, il serait impossible d'éviter une crise majeure et

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systémique ensuite (engendrant la défaillance d'autres organismes bancaires). On nous a demandé de réaliser au plus vite cette fusion et de nous arranger pour trouver le dirigeant du nouveau groupe (…) ».

Attendu que Monsieur Alain LEMAIRE (D120 page 4), interrogé sur la divergence entre les pouvoirs publics et les dirigeants des deux groupes sur l'exigence des premiers d'apporter l'aide financière non pas à la filiale défaillante NATIXIS mais au niveau du groupe fusionné, a indiqué : «Il y avait une forte coordination entre le tryptique qui suivait ce dossier côté pouvoir public, Banque de France, Ministère des Finances et Élysée (plus que Matignon) et cette coordination était pilotée par l'Élysée puisque toutes les réunions se sont tenues à l'Élysée. De facto, c'était M. PEROL qui menait les débats de ces réunions. Je me souviens de plusieurs échanges houleux et notamment un où M. PEROL nous a mis la pression en nous disant que nous n'aurions jamais l'accord des pouvoirs publics pour que nous acceptions d'intégrer les filiales au futur organe central. Il était clair que dans le contexte de l'époque, ayant besoin du soutien des pouvoirs publics par une aide financière, on ne pouvait que suivre les orientations qui nous étaient données par l'État» ;

Attendu que Monsieur Xavier MUSCA indiquait, sur la question de la pression exercée sur les dirigeants des deux groupes : «je n'ai pas un souvenir précis d'une colère de Monsieur François PEROL. En revanche il est clair que nous étions inquiets de la lenteur avec laquelle avançaient les discussions pour le rapprochement des deux banques. Comme je vous l'ai dit, la question des délais était liée à la publication des résultats de NATIXIS qui, dans mon souvenir, devait intervenir à la fin du mois de février. Nous ne voulions pas qu'à ce moment-là les questions de gouvernance du groupe, et donc de NATIXIS, demeurent ouvertes.»

Attendu qu’il précisait que selon lui, l’intérêt de faire cette réunion à l'Élysée était, «j’imagine», «de montrer aux banquiers que l'ensemble de l'État était uni sur une même vision des solutions à apporter aux problèmes du groupe.»

Attendu, de manière générale, que sur la méthodologie de gestion par l'État de cette crise, Monsieur Xavier MUSCA devait souligner la mobilisation conjointe de l’ensemble des pouvoirs publics (D131) : «s'agissant de la partie étatique, nous avions un mode de travail de gestion de crise, c'est à dire que nous étions en contact sur cette affaire, avec la Banque de France, Christian NOYER et Monsieur REDOUIN, avec le secrétariat général de la commission bancaire, Madame NOUY, avec le cabinet du Ministre, essentiellement Monsieur SAUDO et Monsieur RICHARD, Directeur de Cabinet, avec MATIGNON, Monsieur GOSSET-GRAINVILLE et l'Élysée, essentiellement Monsieur PEROL. Nous étions également en contact avec les banques concernées, MM.LEMAIRE et COMOLET pour les Caisses d'épargne, Monsieur DUPONT pour les banques populaires» ;

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5.2.1.4.-Sur l'appréciation par le tribunal de la portée de ces réunions

Attendu que l'analyse précédente des témoignages permet de relever les éléments constants suivants, dans le contexte de l'urgence à accomplir la fusion:

1°Qu’il y avait une forte dissension entre les dirigeants des groupes bancaires et les pouvoirs publics compétents sur le modèle de fusion à conduire et le niveau où les aides de l'État devaient être portées ;

2° Que les négociations ont été conduites par les autorités compétentes à savoir la Banque de France, la direction du Trésor et la Commission bancaire

Attendu qu’il apparaît que les réunions à la Présidence de la République furent plus ponctuelles ;

Attendu que ces éléments résultent notamment des déclarations de Monsieur Bruno METTLING selon lesquelles (D118) : «Cette négociation entre les deux groupes était surtout le fait des quatre dirigeants, sous le contrôle de leurs conseils, de leurs conseils (avocats et banques d'affaires) et des directions financières de chaque groupe. Après une phase assez secrète, la négociation a été portée à la connaissance de l'autorité de tutelle, la Direction du Trésor et la Commission au cours du second semestre 2008. Ensuite, de mémoire début 2009, on est entré dans une phase active de négociations. Je me souviens de ce point de vue, de réunions importantes plusieurs avec la commission bancaire à qui nous avions demandé expressément de se prononcer sur un certain nombre de risques, de nombreuses réunions Trésor et une réunion à l'Élysée en début d'année en présence de : Monsieur François PEROL, Secrétaire Général Adjoint, du Gouverneur de la Banque de France et de son adjoint, Mme NOUY, Xavier MUSCA, les quatre dirigeants des deux groupes bancaires et sans doute d'autres personnes dont je n'ai plus le souvenir. Cette réunion était animée par Monsieur François PEROL».

3° Que le fait que l’aide soit octroyée à l’organe fusionné et non à NATIXIS correspondait à la doctrine de BERCY, partagée par le Gouverneur de la Banque de France ;

Attendu que les témoignages précités établissent l’unité de vue des pouvoirs publics compétents, au regard du processus de rapprochement des deux groupes ;

Attendu en tout état de cause qu'il n’apparaît pas que cette modalité ait résulté d’une proposition de décision de Monsieur François PEROL ; qu’il n’est pas davantage établi qu’il ait proposé un avis sur ces modalités ;

Attendu à cet égard que les déclarations de Monsieur Xavier MUSCA au cours de l’information judiciaire confirment les déclarations de Monsieur François PEROL à l’audience : «nous étions au milieu d'une crise très grave. Nous avions pris des mesures générales de soutien à l'ensemble du secteur bancaire. Nous avions le sentiment à ce moment-là, que la fragilité de NATIXIS pouvait fragiliser l'ensemble du secteur bancaire français. Notre action a visé alors à essayer de déterminer à travers l'expertise de la Commission bancaire, quels

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étaient les risques portés par NATIXIS. Cela a consisté ensuite à essayer de promouvoir cette fusion, car seule elle pouvait redonner de la crédibilité à la banque d'investissement. (…) nous étions prêts à apporter une aide financière supplémentaire au groupe, mais nous essayions de convaincre les deux banques et l'ensemble des pouvoirs publics que cette aide devait être apportée au niveau de la tête du nouveau groupe, et non au niveau de NATIXIS elle-même. Cette option aurait été en effet, beaucoup plus risquée pour l'État» ;

Attendu que les déclarations de Monsieur Christian NOYER, gouverneur de la Banque de France, confirment également cette unité de vue, sur la structure juridique du groupe fusionné et le niveau auquel l’aide devait être affectée :

Attendu que Monsieur Christian NOYER devait ainsi déclarer : «tel que j'ai vécu cette période, je peux dire d'abord que les analyses qui ont été conduites à ma connaissance à la direction du Trésor, étaient parfaitement cohérentes avec nos propres analyse sur la meilleure solution industrielle», que c'est bien dans nos analyses et celles du Trésor que ce projet industriel a été considéré comme le plus pertinent.»; qu’ainsi que cela sera examiné au point 5.2.3.2. Monsieur Christian NOYER ajoutera sur ce point : «Ces dirigeants des deux groupes, avaient imaginé plusieurs schémas qui revenaient à se débarrasser sur l'État du risque NATIXIS en proposant soit une nationalisation, soit une garantie d'un montant très élevé qui aurait été donnée par l'État sur les actifs à risque. C'est la direction du Trésor qui instruisait ce dossier, qui nous a demandé notre avis technique et nous avons indiqué que de telles solutions n'avaient pas de sens industriel et feraient porter des risques importants à l'État, et que la meilleure solution industrielle pour résoudre le problème de commandement à NATIXIS, serait que les groupes décident de fusionner» ;

«Autrement dit pour répondre à votre question, je dirai que Monsieur PEROL n'a été en aucune mesure en état de donner un avis sur l'activité de surveillance et d'élaboration des solutions industrielles qui nous paraissaient crédibles telles que nous même nous l'avons fait, et que mon sentiment est que le Ministère des Finances s’est reposé essentiellement sur nos analyses» ;

4°que l’objet de ces réunions était d’affirmer un point de vue déjà défini ;

Attendu qu’aucun élément de la procédure ne permet d’établir que ces réunions ont eu pour objet de définir les modalités du rapprochement des deux groupes, ces modalités apparaissant comme ayant été définies au préalable ;

Attendu qu’il résulte des déclarations précitées de Monsieur Philippe DUPONT, Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE, ainsi que de celles de Monsieur Xavier MUSCA que l'objet de ces réunions était de signifier un message aux dirigeants des deux banques, tout particulièrement sur le fait que l’intervention n’interviendrait pas au niveau de NATIXIS mais au niveau du nouveau groupe fusionné ; que selon lui, l’intérêt de faire la réunion à l'Élysée «était de montrer aux banquiers que l'ensemble de l'État était uni sur une même vision des solutions à apporter aux problèmes du groupe».

Attendu, en tout état de cause, qu’il n’est pas suffisamment établi que Monsieur François PEROL, ait, lors de ces réunions donné des indications ou des instructions aux pouvoirs publics compétents ;

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Attendu en effet que lors de son audition par le tribunal, Monsieur Christian NOYER interrogé sur d'éventuelles instructions de la part de Monsieur François PEROL, notamment à l'occasion de ces réunions, déclarait : «Je suis affirmatif : dans cette période, je n'ai jamais reçu d'indications ou d'instructions; pas de tentative d'influence. Personne ne s'y serait tenté. J'ai déjà dit non au Président de la République. Je ne suis pas sensible à l'influence. J'avais beaucoup M. PEROL au téléphone, sur des questions générales. J'imagine que le Président de la République voulait savoir certaines choses. Pour moi, c'était des réunions d'information» ;

Attendu que le tribunal relève en outre la concordance entre les déclarations de Monsieur Xavier MUSCA et de Monsieur Bernard COMOLET sur l'objet de la réunion, en ce que le message était de présenter un «projet de fusion crédible» ; qu'à cet égard, il y a lieu de rappeler les propos de Monsieur Bernard COMOLET selon lesquels, «On nous a demandé de réaliser au plus vite cette fusion et de nous arranger pour trouver le dirigeant du nouveau groupe» ;

Attendu que la circonstance que les réunions avec les banques étaient précédées d’une réunion avec l’ensemble des pouvoirs publics correspond, en considération des témoignages recueillis, à des réunions ayant pour objet de définir un message commun, sur la base de décisions déjà prises ;

Attendu à cet égard que le fait que la réunion soit organisée à la Présidence de la République était un moyen d’éviter que par des manœuvres de contournement, les dirigeants des deux groupes bancaires puissent réussir par des appuis politiques à ce que l’aide intervienne au niveau de NATIXIS ;

Attendu que le tribunal est en mesure de constater au regard des pièces de la procédure que le processus de rapprochement des groupes bancaires avait donné lieu à des interventions de personnes non concernées directement, qu’il s’agisse de Monsieur Alain BAUER, Monsieur Jean-Marie MESSIER ou Monsieur Alain MINC ; que le risque de manœuvres de contournement n’était donc pas à exclure ;

Attendu qu’à l’audience, Monsieur François PEROL a développé ce point, confirmé par les déclarations de Monsieur Xavier MUSCA au cours de l’information judiciaire (D131) : «nous avions dans cette affaire, deux soucis. D'abord nous assurer que les banques populaires et les caisses d'épargne qui jouissent d'une influence certaine dans le milieu politique, n'essayeraient pas de nous imposer politiquement la solution consistant à intervenir au niveau de NATIXIS qui aurait été préjudiciable aux intérêts financiers du Trésor. Nous avions donc le souci de nous assurer que toutes les instances politiques étaient en permanence alignées sur la même position. Par ailleurs nous savions que le sauvetage du groupe était une opération risquée susceptible en cas d'échec de provoquer un rebond de la crise. Enfin, nous savions qu'il y aurait la nécessité d'apporter au groupe une aide substantielle. Le contexte politique de l'époque était que l'intervention de l'État était souvent critiquée au motif de l'insuffisance de ses contreparties. Pour toutes ces raisons, financières, budgétaires et politiques, nous n'avons cessé, tout au cours de cette crise, de fonctionner en étroite collaboration avec l'Élysée et Matignon. Ceci a d'ailleurs été le cas sur d'autres dossiers tel que DEXIA. Lorsqu'il y avait des réunions à l'Élysée, elles se tenaient évidemment sous la présidence de

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l'Élysée, mais elles étaient précédées de séances de concertation au cours desquelles nous essayions de définir une position commune de l'ensemble des parties publiques, y compris la Banque de France et le secrétaire général de la commission bancaire qui ne sont pas soumis à l'autorité de la présidence de la République».

Attendu encore que les propos de Monsieur Xavier MUSCA doivent être relevés par le tribunal en ce qu’ils soulignent qu’au cours de ces réunions à la Présidence de la République participaient la Banque de France et le secrétaire général de la Commission bancaire, non soumis à l’autorité de la présidence de la République;

Attendu à cet égard que l’objet de la réunion préalable à celle avec les banquiers, était, selon Monsieur Xavier MUSCA, de définir la «ligne que nous devions présenter aux banquiers» ; qu’ainsi, s’agissant de la réunion du 26 janvier 2009, Monsieur Xavier MUSCA devait indiquer : «nous avons écouté Madame NOUY exposer ce qu'elle savait des risques portés par NATIXIS et de l'insuffisance de fonds propres des groupes bancaires. Puis nous nous sommes concertés sur la ligne que nous devions présenter aux banquiers»

5° Qu'il n’apparaît pas en conséquence de l'ensemble de ces déclarations que les modalités de rapprochement des deux groupes ont été décidées lors de ces réunions ;

Attendu tout particulièrement qu’il ne résulte pas des propos de Monsieur Bernard COMOLET, ni d'un autre dirigeant de groupe bancaire que leur auraient été signifiées à ce moment les modalités arbitrées du processus de fusion, mais plutôt qu’il fallait «réaliser au plus vite cette fusion et de nous arranger pour trouver le dirigeant du nouveau groupe» ;

Attendu qu’il résulte de ces déclarations et de celles précitées de Monsieur Philippe DUPONT que la réunion avait manifestement vocation à amener les dirigeants à conduire la fusion selon la doctrine arrêtée par les pouvoirs publics et non d'arbitrer les éléments de la fusion ;

***

Attendu au surplus, s’agissant de la réunion du 12 février 2009 à 16H30 que la pochette avec une étiquette mentionnant «rendez-vous Monsieur François PEROL 12 février 2009 à 16H30», et contenant notamment une note estampillée «strictement confidentiel» relative au «rapprochement au Groupe Caisse d'épargne et du Groupe Banque Populaire» - saisie lors de la perquisition au sein de la BPCE - n’apparaît pas appartenir à M. PEROL, ainsi que le motive l'ordonnance de renvoi, mais plus vraisemblablement à un ancien dirigeant du Groupe Caisses d'épargne (scellé ARCHIBES/BPCE/ TROIS) ;

Attendu que ce point est renforcé par le fait que ce dossier contient des courriels adressés notamment en copie à Alain LEMAIRE ; qu'un de ces courriels est annoté et signé de la même main que celle qui a annoté le document intitulé «Rappel des réflexions sur la gouvernance du nouvel organe central (Version du 4 février 2009)», par les mots : «5/02/09 CE (flèche) Alain LEMAIRE «dossier transmis à 13H00 ce jour par les conseils BFBP pour la réunion avec la CB de 16H30» ;

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Attendu enfin que figure dans le scellé (ARCHIVES/BPCE/SIX), une autre pochette avec une étiquette mentionnant «Dossier F. PEROL Du 12 février» contenant certains des documents contenus dans le dossier précédemment décrit;

Attendu qu'en l'état de ces constatations, il n'est en tout état de cause pas suffisamment démontré que les documents contenus dans ces dossiers auraient été rédigés, élaborés ou préparés par Monsieur François PEROL, ainsi que le suggère l’accusation ;

***

5.2.1.5.- Monsieur François PEROL a-t-il explicitement au cours de ces réunions formulé une proposition de décision ou d’avis ?

Attendu en définitive, au regard de l’ensemble des éléments examinés ci-dessus, qu'il ne résulte pas des éléments versés à la procédure que les réunions du 26 janvier, du 12 février et du 19 février 2009 à la Présidence de la République ont constitué des réunions d'arbitrage sur les différents aspects de la fusion entre les deux groupes bancaires, à l'occasion ou à l'issue desquelles Monsieur François PEROL aurait formulé des propositions de décisions ou d'avis à la Banque de France ou à la Commission bancaire ;

Attendu en effet qu'avant que ne se tiennent lesdites réunions, la position de l'Etat était déjà connue et parfaitement partagée par l'ensemble des pouvoirs publics ; qu'ainsi que cela a été relevé précédemment, il n'est pas démontré que les réunions préalables entre pouvoirs publics précédant la réunion avec les dirigeants avaient un autre objet que celui de définir en commun les messages devant être adressés aux dirigeants des deux banques ;

Attendu au surplus que la preuve n'est pas rapportée que cette position de l'Etat résulterait d'une quelconque initiative, qu'elle soit de l'ordre de la décision ou de l'avis, émanant de Monsieur François PEROL ; qu'à ce titre, aucun document, aucun témoignage, aucune missive ne témoigne d'une impulsion, d'une validation expresse provenant de Monsieur François PEROL, s'agissant des modalités techniques du processus de fusion entre les deux groupes ;

Attendu au contraire que cette question faisait l'objet de discussion entre les deux groupes et les autorités compétentes, sans que Monsieur François PEROL n'intervienne dans le processus décisionnel ;

5.2.1.6.- Monsieur François PEROL a-t-il implicitement formulé une proposition de décision ou d’avis?

Attendu que s'il n'est pas démontré que Monsieur François PEROL a explicitement proposé une décision ou un avis, il y a lieu de s'interroger, ainsi que le requiert le ministère public, sur le fait que ces réunions auraient eu pour objet de procéder à une validation implicite ;

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Attendu en effet qu'il est soutenu par l'accusation que Monsieur François PEROL a «validé explicitement ou de facto les décisions techniques définies par les différents services de la Banque de France et de Bercy après une séance de concertation» ;

Attendu qu'il y a lieu pour le tribunal d'examiner si, au sens de l'infraction de prise illégale d'intérêts, Monsieur François PEROL a procédé à une validation implicite des différents aspects de la procédure de fusion et a, ce faisant, proposé une décision ou un avis aux autorités compétentes, en l'espèce la Banque de France et la Commission bancaire ;

Attendu que ce raisonnement amène à considérer qu'en présidant les réunions à la Présidence de la République, Monsieur François PEROL, aurait, de fait, attrait à lui le pouvoir décisionnel ou de confirmation de la décision, de sorte que la position exprimée n'était plus seulement celle de la Banque de France, de BERCY et de la Commission bancaire, mais celle, validée par lui, de manière implicite ;

Attendu que le tribunal constate à titre liminaire qu’il ne dispose d'aucun relevé de décisions de ces réunions, de sorte, qu'il ne peut connaître de leur contenu que par les témoignages recueillis, lesquels ne sont pas particulièrement précis sur la portée exacte de chacune de ces réunions ;

Attendu que les déclarations des témoins dirigeants des sociétés font état toutefois de trois éléments constants :

-une position et une pression communes des pouvoirs publics ;

-une coordination au niveau de la Présidence de la République ;

-un message tendant à voir la concrétisation de la fusion et notamment, le message selon lequel l'aide des pouvoirs publics était conditionnée au fait qu'elle soit portée non au niveau de NATIXIS, mais au niveau du nouvel organe fusionné ;

***

Attendu que les éléments ainsi recueillis des témoins dirigeants de banques permettent d'établir que Monsieur François PEROL portait la voix des pouvoirs publics ;

***Attendu qu'une des parties civiles invoque un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 3 décembre 2008 (n°08-83.432) sur le pouvoir de décision au titre d'une participation à un organe collégial ;

Attendu que la Chambre criminelle a jugé :

«Attendu que, pour déclarer coupable de prise illégale d'intérêts Emile V, ministre des Postes, des télécommunications et des sports du gouvernement de Polynésie française, l'arrêt énonce qu'il résulte des écrits, des déclarations et des témoignages recueillis, qui ne sont contredits par aucun élément incontestable, que celui-ci a été constamment présent lors du conseil des

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ministres du 5 octobre 2005 au cours duquel a été approuvé le projet d'arrêté faisant droit à sa demande d'occupation d'une partie du domaine public maritime ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que serait-elle exclusive de tout vote, la participation du prévenu à une délibération portant sur une affaire dans laquelle il a un intérêt vaut surveillance ou administration au sens de l'article 432-12 du Code pénal, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, a justifié sa décision » ;

Attendu que la Chambre criminelle, dans un arrêt du 14 novembre 2007 (B. n°279) a également jugé que «la participation serait-elle exclusive de tout vote, d'un conseiller d'une collectivité territoriale à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du Code pénal» ; que la Chambre criminelle avait aussi jugé en ce sens le 19 mai 1999 ;

Attendu que ces arrêts du 19 mai 1999, 14 novembre 2007 et 3 décembre 2008, concernent des personnes poursuivies dans le cadre d'un exercice de contrôle ou de surveillance lorsque, même sans participer à un vote en restant taisant, ont assisté à des réunions au cours desquelles étaient prises des décisions relevant de ce pouvoir de contrôle et de surveillance ;

Attendu que cette jurisprudence trouve son fondement dans le fait que la participation à une délibération ou à une enceinte décisionnelle constitue l'occasion d'influencer la décision qui en résulte, indépendamment même du fait que l'agent public ait effectivement pesé sur l'action administrative ;

Attendu que le tribunal considère à cet égard qu’il serait indifférent au demeurant que la personne dispose d’une compétente dévolue par les textes, d’une délégation de signature ou de pouvoir ; qu’il suffit que son influence puisse être de fait, compte tenu de sa compétence ou de sa notoriété ;

Attendu que dans cette hypothèse, l’infraction tend en effet à prévenir le fait que l'on puisse imaginer que la personne ait pu influer sur la décision prise, en fait ou en droit ; qu’en effet, au regard du droit des conflits d'intérêts, l'intérêt protégé est celui, non seulement de l'atteinte effective au fonctionnement de l'administration, mais le soupçon qui pourrait naître quant à la régularité de ce dernier ;

Mais attendu qu’il y a lieu d’établir qu’une décision a été prise ;

Attendu qu’une validation implicite ne peut s’entendre que si le fonctionnaire ou la personne concernée a participé voir présidé une réunion ou une enceinte à portée décisionnelle ;

Attendu que tel n’est pas le cas en l’espèce ;

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Attendu que le tribunal considère comme établi le fait que les trois réunions à la Présidence de la République n'avaient pas pour objet de décider ou d'arbitrer les modalités de rapprochement des deux groupes bancaires ; que par leur objet, elles avaient pour vocation à signifier aux dirigeants des banques la position déjà arbitrée de l'État, en les amenant à accélérer la procédure de fusion ;

Attendu que procéder par analogie avec la jurisprudence sus-mentionnée reviendrait à reconnaître, par principe, qu'en raison des fonctions exercées par Monsieur François PEROL et de l'implication de l'Élysée dans le traitement de la crise financière, l'ensemble des actes qu'il a accomplis en la matière avaient intrinsèquement et nécessairement une portée décisionnelle ou arbitrale ;

Attendu que si tel a pu être le cas, notamment sur l’arbitrage de la somme de 40 milliards au titre de la loi du 6 octobre 2008, ou du traitement de la situation de DEXIA, le tribunal ne saurait, en revanche, au regard des seuls éléments rassemblés, considérer par principe que tel a été le cas pour le rapprochement des groupes Caisses d’épargne et Banques populaires ;

Attendu que dans le cas de l'espèce, la Présidence de la République n’apparaît pas comme un lieu de détermination des modalités de la fusion, mais comme un lieu d’affirmation de la position de l'État ;

Attendu que ce faisant, le rappel de la position de l'État ne saurait s’analyser en une proposition de décision ou d’avis, selon les termes de la prévention ;

Attendu en conséquence qu’il convient de dire que Monsieur François PEROL, en présidant les réunions à l'Élysée relatives au suivi du dossier BP/CE en janvier/février 2009, n'a pas implicitement proposé «directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires» ;

Attendu qu'en tout état de cause, les autorités compétentes avaient préalablement à ces réunions arrêté les objectifs qu'elles entendaient voire respectés par les deux banques ;

Attendu néanmoins à ce stade que la question du pouvoir d'objection de Monsieur François PEROL par rapport aux décisions prises par la Banque de France et la Commission bancaire se pose ; qu'il convient de l'examiner plus avant ;

5.2.1.7.- Le fait que Monsieur François PEROL ne se soit pas opposé aux propositions faites par les autorités compétentes vaut-il validation implicite ?

Attendu que le fait, pour Monsieur François PEROL de ne pas s’être opposé aux propositions faites par les autorités compétentes ne valait-il pas, de manière générale, validation implicite ?

Attendu qu'adopter un tel raisonnement reviendrait à considérer l'infraction de prise illégale d'intérêts constituée non en raison d'un acte positif de proposition de décision ou d'avis, selon les termes de la prévention, mais en raison de

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l'absence de formulation d'une position différente, valant validation implicite du dispositif et par la même formulation implicite d'une proposition de décision ou d'une proposition d'avis ;

Attendu en l'espèce qu'il peut être convenu que la Présidence de la République avait le pouvoir de s'opposer à une décision prise par les autres pouvoirs publics ; qu'en effet, interrogé sur ce point, le Gouverneur de la Banque de France a concédé que si le Président de la République avait opté pour un choix économique contraire à la doctrine de la Banque de France, le Gouverneur n'aurait pas eu la possibilité de s'y opposer ; que Monsieur François PEROL disposait incontestablement de l'influence, de la notoriété et de la compétence pour s'opposer à un processus défini par les pouvoirs publics ;

Attendu en conséquence, que Monsieur François PEROL, en ne modifiant pas le cours des événements, alors qu'il en avait le pouvoir, directement, ou indirectement, par l'influence qu'il avait auprès du Président de la République et sur les pouvoirs publics, n'a-t-il pas, implicitement, mais nécessairement, validé le dispositif de fusion et par là-même formulé de manière inéluctable une proposition de décision ou d'avis aux autorités compétentes ? ;

Attendu que le tribunal observe que cette prise de position ne porterait au demeurant que sur la forme juridique que devrait prendre la nouvelle structure, seule question, qui, des témoignages des personnes entendues, semble avoir été abordée au cours de ces réunions ;

Attendu que suivre ce raisonnement reviendrait à considérer possible que l'élément matériel du délit de prise illégale d'intérêts puisse résulter, dans cette hypothèse où ces réunions n'avaient pas pour objet de décider ou d'arbitrer les modalités de rapprochement des deux groupes bancaires, d'une telle abstention ;

Attendu que le tribunal juge qu'une telle abstention ne saurait caractériser, dans les circonstances de l'espèce, le fait, d’avoir «proposé (…) directement aux pouvoirs publics (…) une décision ou un avis» ;

***

Attendu, en définitive, qu’au regard de la divergence de vue entre les dirigeants des deux groupes bancaires et les pouvoirs publics réunis, ces réunions ont eu pour objet de signifier aux banques des modalités prédéfinies de fusion ;

Attendu, en tout état de cause, que ce n’est pas en direction des pouvoirs publics que le message a été exprimé mais vis-à-vis des banques ;

Attendu ainsi qu'au sens de la prévention, le fait d'avoir signifié aux banques des modalités de fusion, ne constitue pas, au sens de la prévention, le fait, d’avoir «proposé (…) directement aux autorités compétentes, (en l'espèce) la Banque de France et la Commission bancaire (…) des décisions et des avis» ;

***

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5.2.2-Le montant de l'aide financière accordée par l'État dans le cadre de leur plan de recapitalisation

Attendu que Monsieur François PEROL a soutenu, tant au cours de l'information judiciaire qu'à l'audience, que la détermination de l’aide financière n'avait point relevé de sa compétence, mais de celle des services de la Banque de France ; qu'il n'avait pas davantage validé le montant de 5 milliards ; qu'enfin, il n'avait en tout état de cause pas proposé directement aux autorités compétentes une décision ou un avis portant sur cette aide de 5 milliards ;

5.2.2.1.- Rappel de l'architecture générale de l'aide accordée par l'État

Attendu qu’il y a lieu, à ce stade de l’examen des griefs par le tribunal, de rappeler l’architecture générale de l'aide accordée par l'État au groupe CNCE, laquelle a été détaillée dans les développements concernant la loi du 6 octobre 2008 et l’examen par le tribunal de la note du 20 octobre 2008 que Monsieur François PEROL a rédigé à l’attention du Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY ;

Attendu ainsi que l'engagement total de l'État dans les groupes Caisse d’épargne et Banque populaire s'est élevé à 7 milliards d'euros ;

Attendu, qu’à la suite de la mise en place de la société de prise de participation de l’État (SPPE) à l’automne 2008, la puissance publique a souscrit une première tranche de titres super-subordonnés à durée indéterminée émis par la Caisse nationale des caisses d’épargne et la Banque fédérale des banques populaires, à hauteur de 1,1 milliard d’euros pour la première et de 950 millions d’euros pour la seconde ;

Attendu qu'en raison des pertes subies par NATIXIS et révélées au début de l’année 2009, une deuxième tranche d'aides a été décidée, laquelle s’est inscrite dans le contexte du rapprochement des deux groupes ; qu’elle a correspondu à une nouvelle injection de cinq milliards d’euros de fonds publics ;

Attendu que cette seconde tranche, correspondant à 5 milliards, s'ajoutant à la première tranche s'est décomposée de la manière suivante :

*2 milliards d'euros de titres super-subordonnés émise et souscrite par la SPPE à hauteur de 2 milliards d’euros ;

*3 milliards d’euros d’actions de préférence émises par le nouvel organe central et souscrites par l’État ;

Attendu que la prévention vise la seconde tranche d'aide, correspondant à 5 milliards, laquelle figure au point 1.4. du protocole signé 16 mars 2009 entre la BFBP représentée par Monsieur Philippe DUPONT et la CNCE représentée par Monsieur Alain LEMAIRE (scellé PER/BUR-NEUF) ;

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5.2.2.2.- Le rôle de la Présidence de la République dans la détermination de l’aide

Attendu qu'il y a lieu pour le tribunal, afin d'appréhender le rôle de la Présidence de la République dans la détermination de l’aide de 5 milliards, et indépendamment des éléments de chronologie déjà rappelés, de s'attacher aux témoignages spécifiques sur cette question recueillis au cours de la procédure ;

Attendu que le tribunal relève en premier lieu les déclarations de Monsieur Christian NOYER, au cours de l'information judiciaire (D176) et à l'audience le 25 juin 2015 confirmant lesdites déclarations : «C'est la Commission bancaire qui pendant toute cette période a évalué les risques des banques, relevé les insuffisances de capital, les faiblesses de la gouvernance qui pouvaient exister et qui a fixé l'objectif de fonds propres que chaque banque devait avoir. C'est donc nous qui dans le cas des caisses d'épargne et des banques populaires, avons fixé le ratio de fonds propres comparés aux actifs pondérés par les risques que chacun des groupe et que NATIXIS devaient avoir. Par conséquent, c'est nous qui avons calculé et indiqué aux groupes et à l'Etat comme nous le faisions pour toutes les banques, le besoin de recapitalisation de chacun. Plus précisément, nous avons estimé que chacun des groupes avait besoin d'un milliard début 2009 pour compléter ses fonds propres et recapitaliser NATIXIS. Dès cette époque nous avions effectué des calculs des besoins complémentaires qui pourraient s'avérer nécessaires en fonction des évolutions de marché — ce que nous appelons des tests de stress — et nous avions indiqué que ces besoins complémentaires pour l'ensemble, pourraient aller selon nos estimations, jusqu'à 4 milliards supplémentaires. Au moment de la constitution de BPCE en juillet 2009, nous avons finalement considéré qu'un chiffre complémentaire de 3 milliards était suffisant et c'est le montant qui a été apporté par l'État dans la troisième étape de recapitalisation de l'ensemble. Pour illustrer ce qui en est résulté, au 31 décembre 2009 BPCE avait un ratio de 9,1 % quand les autres grands groupes bancaires avaient des ratio compris entre 9,7 % et 10,4 %, et à l'époque le chiffre de 9 % était considéré sur les marchés internationaux, comme le minimum pour des grandes banques» ;

Attendu que Monsieur Christian NOYER a, de manière particulière, décrit les relations de travail entre la Banque de France et Monsieur François PEROL s'agissant du dossier BPCE (D176 page 4), évoquant une relation d'information à l'égard de la Présidence de la République, sans qu'il y ait eu lieu à instruction ou proposition : «je n'ai pas le souvenir d'avoir eu des rapports différents de ceux que j'avais d'une façon générale sur les affaires bancaires et économiques. Je le tenais informé des très grandes lignes de nos analyses, de nos recommandations. C'est au Trésor que nous donnions le détail de nos travaux, puisque c'était dans cette direction que s'élaboraient les propositions d'apport en capital de l'État» ;

Attendu que Monsieur Christian NOYER décrivait dans cette même perspective les réunions ayant eu lieu à la Présidence de la République, n’induisant pas l’existence d’instructions, de décisions ou d’avis de la Présidence de la République à ces occasions (D176) :

«Monsieur PEROL comme le directeur de Cabinet du Premier Ministre, faisait de temps à autre une réunion de balayage de la situation économique et des

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problèmes bancaires et financiers à laquelle soit moi-même, soit un de mes sous gouverneurs participait, de même que le directeur général du Trésor et le Directeur de Cabinet du Ministre. Elle se tenait soit à l'Élysée soit à Matignon. C'était des réunions d'information où sur un dossier comme celui-là je pouvais indiquer notre analyse, nos estimations en besoin de capital, et il appartenait au représentant du Ministère des Finances, de dire ce qu'il proposait que l'État fasse sur les différentes banques et les conditions imposées.»

Attendu que Monsieur Christian NOYER a précisé la portée que ces réunions pouvaient avoir à la Présidence de la République, soulignant l’objet de donner une information :

«D'abord ces réunions étaient épisodiques, ensuite je n'évoquais que les grandes idées mais il appartenait naturellement aux services du Ministère des Finances, de faire une instruction très précise et très fouillée, comme ils le font toujours lorsque l'État est amené à injecter du capital dans une entreprise. De mon point de vue ces réunions avaient pour objet que le Président de la République et le Premier Ministre, soient informés dans les grandes lignes de l'évolution des problèmes et de leur résolution dans le système bancaire et des conséquences que cela pouvait avoir pour l'économie française, notamment à travers la distribution des crédits.»

Attendu, qu'interrogé sur les propos de Monsieur RICHARD selon lesquels l'Élysée pilotait ou coordonnait l'action des services de l'État au regard du rapprochement BFBP/CNCE, Monsieur Christian NOYER indiquait :

«Tel que je l'ai vécu, je ne dirais pas cela. Bien sûr, notamment dans cette période, le Ministre des Finances n'aurait pas conduit des opérations importantes concernant le secteur bancaire sans l'aval du Président de la République et du Premier Ministre, mais, tant le projet industriel que les montants de capital à injecter, ont été élaborés en partie dans les services de la Banque de France et en partie à la Direction générale du Trésor. Donc je ne dirais pas que l'initiative de la fusion, ni la recapitalisation sont venues de l'Élysée» ;

Attendu que le tribunal relève toutefois les déclarations de Monsieur Dominique FERRERO (D118), selon lesquelles lorsque l'État prête à des organismes comme la BFBP et le CNCE «ce sont d'abord des services techniques essentiellement, Banque de France et Direction du Trésor, qui font l'instruction du dossier avec l'organisme concerné, même si dans le contexte de la crise financière de l'époque, les autorités politiques de l'époque ont supervisé le processus. Par autorités politiques, j'entends les services du Premier Ministre, les services de la Présidence, le Cabinet du Ministre de l'Économie. Je vous précise que cette réponse n'est pas une réponse d'un témoin, puisque je n'étais pas impliqué dans la mise en place du prêt. Cette réponse est celle d'un technicien de la banque».

Attendu que le témoignage de Monsieur Dominique FERRERO ne permet pas d’apporter de précisions utiles, l’intéressé indiquant ne pas être impliqué dans la mise en place du prêt, pour établir le rôle de la présidence de la République dans la détermination de l’aide ;

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Attendu que le tribunal doit examiner également les déclarations de Monsieur Xavier MUSCA selon lesquelles «il est clair que l'aide ne pouvait être accordée sans la validation du Ministre, du Premier Ministre et du Président» ; qu'il ajoutait : «Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas le souvenir qu'il y ait eu à un moment donné, un arbitrage formel puisque tout le monde était d'accord sur l'idée qu'il fallait au moins 2,5 milliards et au maximum 6 milliards, pour assurer le succès de l'opération. Le choix entre ces montants relevait avant tout de considérations liées au risque d'une reprise de la crise et à la volonté que la présentation des résultats de NATIXIS qui devait intervenir fin février, soit accompagnée d'une nouvelle positive qui permettait d'éviter un effondrement encore prononcé du cours» ;

***

Attendu qu’il résulte des déclarations de Monsieur Christian NOYER que la détermination de l’aide à apporter a nécessité la mise en oeuvre d’un processus technique, à partir d’une expertise spécifique et des moyens informatiques particuliers au regard des «tests de stress» évoqués tant au cours de l’information judiciaire qu’à l’audience ;

Attendu en outre que le tribunal constate que les déclarations de Monsieur Christian NOYER, dans sa description des relations entre les autorités bancaires et la Présidence de la République, ne permettent pas d’établir que Monsieur François PEROL ait proposé des décisions ou des avis, notamment sur le montant de l’aide financière ;

Attendu, au regard des déclarations de Monsieur Christian NOYER qui ont été rappelées précédemment et du processus général de l'octroi de l'aide de l'État que les propos de Monsieur Xavier MUSCA rappelés précédemment ne sauraient établir le fait qu'une proposition de décision ou d’avis ait été effectuée par Monsieur François PEROL ;

Attendu au contraire que le tribunal est en mesure de constater que ce sont les autorités compétentes à savoir la Banque de France, la Direction du Trésor et la Commission bancaire qui ont procédé à la détermination de cette aide et non la Présidence de la République ;

Attendu enfin, qu’interrogé par le tribunal sur le fait que la Présidence de la République aurait, selon certains témoignages, validé le montant de 5 milliards, le Gouverneur de la Banque de France, Monsieur Christian NOYER, a, à l’audience, (page 69), affirmé n’être jamais allé chercher un avis, ni directive et n’avoir «pas eu le sentiment que le Directeur du Trésor attendait un aval» ;

Attendu que cet aspect est conforté institutionnellement par le statut de la Banque de France, invoqué par Monsieur Christian NOYER, tant au cours de l’information judiciaire qu’à l’audience du 25 juin 2015 (5.2.2.3.) et par les autres déclarations (5.2.2.4) ;

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5.2.2.3.- Le statut d'indépendance de la Banque de France

Attendu qu’aux constatations du tribunal sur la détermination de l’aide, devaient faire écho les déclarations de Monsieur Christian NOYER sur le statut d’indépendance de la Banque de France ;

Attendu que le Gouverneur de la Banque de France devait, tant au cours de l'information judiciaire qu'à l'audience, rappeler le principe d'indépendance de l'institution et l'autonomie avec laquelle elle avait agi au titre du rapprochement entre les groupes Caisse d’épargne et Banques populaires ;

Attendu que Monsieur Christian NOYER devait ainsi indiquer au magistrat instructeur (D176) :

«Au total, pendant toutes ces années, la Commission bancaire et le CECEI sont intervenus à de multiples reprises, naturellement en toute indépendance pour d'abord instruire et agréer la constitution de NATIXIS, ensuite relever les insuffisances dans la gestion des diverses parties prenantes, en particulier celle de NATIXIS et des Caisses d'épargne, pour surveiller l'évolution de la solvabilité des groupes je veux dire par là le montant des fonds propres par rapport à l'ensemble des risques, pour suivre la préparation des réformes de structure et autoriser la constitution de BPCE» ;

Attendu que le tribunal relève également les éléments institutionnels tenant à l'indépendance de la Banque de France qui confortent le fait que la détermination de l’aide résulte des institutions compétentes et non de la Présidence de la République :

Attendu, qu'à la question posée par le magistrat instructeur de savoir si, sous la Vème République, «l'État c'est surtout l'Élysée», Monsieur Christian NOYER indiquait : «Non. En ce qui concerne les responsabilités qui sont confiées à la Banque de France au sens large y compris la commission bancaire, je peux vous assurer que j'agis en toute indépendance», évoquant une affaire financière dans laquelle il avait tenu, au regard de ses responsabilités, à ne pas informer les autorités publiques;

Attendu qu'à l'audience, Monsieur Christian NOYER devait indiquer sur cette aide de 5 milliards : «Les 5 milliards, nous les avons discuté et décidé» ; qu'il ajoutait «avoir validé les travaux de (d)es services compétents» ; que «le superviseur demande de mettre en place ce qui a été décidé. Le MINEFI a la responsabilité, elle est l'autorité pour la recapitalisation. Les autres autorités de l'État sont informées» (page 68) ;

5.2.2.4.- L'analyse par le tribunal des autres déclarations portant sur l'aide apportée à la CNCE

Attendu qu’il appartient au tribunal d’analyser les auditions portant sur l’octroi de 5 milliards ;

Attendu que Monsieur Bernard COMOLET (D113 page 3), interrogé sur le point de savoir si Monsieur François PEROL a ou non participé aux études, à l'évaluation et à la définition du besoin ayant conduit l'État à accorder au

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nouveau groupe une aide de 5 milliards d'euros, précisait :

«A la question de savoir qui a défini les 5 milliards, je présume que la Banque de France a déterminé ainsi le montant minimum de fonds propres dont nous avions besoin pour respecter les ratios réglementaires. Le Ministère des Finances a dû évaluer la possibilité de mobiliser 5 milliards de fonds publics pour nous aider et je présume que Monsieur François PEROL, par son expérience de la banque et sa connaissance du dossier Banque Populaire NATIXIS Caisses d'Epargne a pu se faire sa propre opinion sur le besoin en fonds propre et conseiller ainsi le chef de l'État dans sa décision politique d'intervention» ;

Attendu que l'emploi des mots «je présume», figurant dans le procès-verbal d'audition, non repris toutefois dans l'ordonnance de renvoi, induit un caractère hypothétique limitant la force probante de ce témoignage ;

Attendu que Monsieur Bernard COMOLET devait encore indiquer (D112), en réponse à la question portant sur l'implication et le niveau de décision de la Présidence de la République par rapport à l'aide financière de l'État :

«Je présume que la décision politique d'accorder une aide de l'État à la CNCE et à NATIXIS en difficulté, dépendait de la Présidence de la République selon l'avis du Ministre des Finances. Les modalités de mise en application étaient mise en œuvre par le Ministère des Finances avec l'accord de Bruxelles. Je m'explique : l'impression que j'ai eue c'est que le ministère des finances a déterminé l'urgence à aider les banques, les quotités d'aide dont elles avaient besoin, pour laisser à la Présidence la décision politique d'aider ou non les banques, puis confiant l'exécution de la décision prise au ministère des finances.»

Attendu que les propos de Monsieur Bernard COMOLET sont là encore hypothétiques ; qu’ils constituent, selon les termes mêmes du témoin, une présomption ;

Attendu que le tribunal ne saurait pareillement déduire des déclarations de Monsieur Bruno METTLING (D118, page 5), que Monsieur François PEROL a proposé des décisions ou des avis sur le montant de l'aide directement aux autorités compétentes ;

Attendu ainsi qu'à la question de savoir si l'aide de l'État de 5 milliards d'euros pouvait être accordée sans l'autorisation voire la décision du Président de la République et celle de ses plus proches conseillers et notamment Monsieur Claude GUEANT et Monsieur François PEROL, Monsieur Bruno METTLING indiquait : «L'ensemble de l'instruction de ce dossier a relevé de la Direction du Trésor croisée à l'expertise technique de la Commission Bancaire. Il n'y aurait pas eu d'aide si ces instances n'en avaient pas validé le besoin et la nécessité. Il est clair également que dans le contexte de crise bancaire que traversait le pays ce dossier avait une dimension politique. Il n'est donc pas anormal que dans le cadre du fonctionnement de l'État qui caractérisait la période (implication forte du Président de la République dans les grands dossiers du pays), ce dossier ait été porté à la connaissance des plus hautes autorités de l'État. Je rappelle en particulier l'existence d'une opinion publique très remontée envers les banques donnant à toute aide en ce domaine une

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dimension politique forte».

Attendu, qu’interrogé plus précisément encore sur le rôle de Monsieur François PEROL (D118), il devait déclarer : «De mémoire on se battait beaucoup (entre CNCE et BFBP) sur le niveau des fonds propres requis. Je n'ai pas souvenir, à ma connaissance dans ce débat très technique d'intervention du niveau politique le tout sous réserve de ma mémoire sur des faits qui remontent à plus de 5 ans dans un contexte de crise financière aiguë. Il y a eu certainement, un moment donné où la somme de tous les risques a été validée par les autorités publiques. En tout cas, mes interlocuteurs en ce qui me concernait, étaient la Commission Bancaire et le Trésor».

Attendu que ces déclarations ne comportent pas un degré de certitude au-delà du doute raisonnable sur l’intervention de Monsieur François PEROL, l’emploi des mots, «il y a eu certainement, un moment donné où la somme de tous les risques a été validée par les autorités publiques», n’étant pas suffisamment précis pour caractériser l'implication de Monsieur François PEROL dans la fixation du montant de 5 milliards ;

Attendu que pour sa part, Monsieur Charles MILHAUD déclarait (D138 page 6) : «Au delà des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires, M. PEROL devait sans doute participer aux différentes réunions et processus d'accord d'octroi de fonds propres en fonction des demandes des différents organismes financiers.»

Attendu qu’il n’apparaît pas que Monsieur Charles MILHAUD ait été un témoin direct ;

Attendu qu’il y a lieu de rappeler à ce stade du jugement les déclarations de Monsieur Philippe DUPONT, interrogé sur le déroulement des réunions à la Présidence de la République en 2009, présidées par Monsieur François PEROL qui indiquait (D142) : «Je confirme que des réunions coordonnées par M. PEROL ont été vives avec les régulateurs, avec le directeur du Trésor, sur les actifs à risque sur lesquels je me souviens avoir eu des échanges avec nos banques conseils et la commission bancaire. A cette époque effectivement les 5 milliards d'aide de l'État étaient actés mais pas encore débloqués. Que les interventions des pouvoirs publics sur la structure du futur ensemble puissent être interprétées par les uns ou les autres comme faisant l'objet d'une conditionnalité à la mise en œuvre du nouvel ensemble me paraît être une analyse pertinente. Pour autant, cette pression nous la ressentions tant du régulateur dont j'ai dit qu'il avait le dernier mot, que de Bercy, de Matignon et de l'Élysée » ;

Attendu qu’il résulte des déclarations de Monsieur Philippe DUPONT que l’aide de 5 milliards était «actée» avant les réunions à la Présidence de la République ;

Attendu encore, qu’interrogé précisément sur l’éventuel accord de l'Élysée sur l’aide accordée, Monsieur Philippe DUPONT affirmait : «A partir du moment où le texte concernant les aides était voté par le parlement, l'équité entre les groupes ne pouvait être subordonnée à une pression quelconque même si je ne doute pas que l'Élysée avait à cette époque, de façon légitime, le dossier global de la place financière à gérer.»

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Attendu que les mots «même si je ne doute pas que l'Élysée avait à cette époque, de façon légitime, le dossier global de la place financière à gérer», ne suffisent pas à établir que cette aide ait été déterminée ou accordée par la Présidence de la République ;

Attendu enfin que si Alain MINC devait répondre à la question de savoir si «l’aide de l'État pouvait-elle être accordée sans l’accord de l'Élysée», «bien sûr que non», il devait indiquer dans le même temps qu’il «n’éta(it) pas dans la machine» ; que son témoignage n’est pas assez circonstancié pour être retenu (D133 page 4) ;

***

Attendu qu'il n'est pas suffisamment établi à partir de l'ensemble de ces déclarations que le montant de 5 milliards a été validé par la Présidence de la République ;

***

5.2.2.5.- Monsieur François PEROL a-t-il validé explicitement ou implicitement le montant de l’aide ?

Attendu qu’il y a lieu de se référer pour l’examen de cette question aux développements figurant aux points 5.2.1.5. et 5.2.1.6., desquels il résulte que la Présidence de la République n'a ni explicitement, ni implicitement validé ce montant de l’aide, et n’a pas davantage proposé une décision ou un avis sur ce montant ;

Attendu, au surplus que sur ce point, Christian NOYER, interrogé spécialement par le tribunal sur ce point va indiquer : «nous informions régulièrement le secrétaire général de la Présidence. C'est nous qui avons arrêté le chiffre. Je n'ai jamais été cherché un avis, ni directive. J'ai participé à des réunions et j'ai informé le Président de la République ou le Premier Ministre. Je n'ai pas eu le sentiment que le Directeur du Trésor attendait un aval» (page 69) ;

Attendu, au surplus, que le tribunal observe que du rapprochement de la note de Monsieur François PEROL en date du 21 février 2009 et du protocole du 16 mars 2009 figure une différence sur les modalités de l’aide de 5 milliards ;

Attendu qu'aux termes de l'ordonnance de renvoi :

«Il formalise les conditions d'apport de fonds propres par l'État au nouvel organe central, désigné CEPB, et dispose, notamment, en son paragraphe (III) « l'apport de fonds propres à CEPB par l'État par la souscription par celui-ci (...) d'actions de préférence convertibles en actions ordinaires à l'option de l'État (...) pour un montant total de 5 milliards d'euros ».

«Il détaille dans un paragraphe intitulé «souscription d'actions de préférence et de TSS par l'État» les modalités de la prise de participation de l'État au sein du nouvel organe, ainsi que les engagement de remboursements.»

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Attendu que le tribunal constate que la note du 21 février 2009 évoque des actions de préférence convertibles en actions ordinaires à l'option de l'Etat pour un montant de 5 milliards d'euros.

Attendu que le protocole signé le 16 mars 2009 vise toutefois :

-pour un montant de l'ordre de 3 milliards d'euros des actions de préférence convertibles, dans certaines conditions, en actions ordinaires émises par CEBP ;

-pour un montant de l'ordre de 2 milliards d'euros des titres super-subordonnés émis par CEBP ;

***

Attendu, en cet état, qu’au regard de l’ensemble des éléments susvisés, il n’est pas suffisamment établi que François PEROL ait proposé «directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire le montant de l'aide financière accordée par l'État dans le cadre de leur plan de recapitalisation» ;

***

5.2.3.- La structure juridique du futur groupe

Attendu que sur la question de la structure juridique, deux aspects doivent être envisagés, celui concernant l'organisation de la gouvernance du groupe et celui portant sur l'opposition existante entre les pouvoirs publics et les dirigeant des groupes Caisses d'épargne et Banques populaires sur l'affectation de l'aide financière ;

5.2.3.1.- La structure juridique du groupe et la gouvernance

Attendu, ainsi qu'il a été rappelé au point 3.2.2.3.7.3., que le 12 novembre 2008, sera signé l'accord d'ouverture de négociations entre la Banque fédérale des Banques populaires et la Caisse nationale des Caisses d'épargne et de prévoyance (Scellé Archives/BPCE/Huit) ;

Attendu qu'il résulte de cet accord que c'est par une réunion du 8 octobre 2008 que le conseil d'administration de la BFBP et le conseil de surveillance de la CNCE ont décidé d'ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un accord dans les meilleurs délais ;

Attendu, s'agissant de la structure juridique que l'article 7 relatif aux «organes sociaux et direction de l'entité fusionnée» détaille la forme des organes de gouvernance, précisant que «l'entité résultant de la fusion sera une société anonyme à directoire et conseil de surveillance», que «le Conseil de surveillance de l'entité résultant de la Fusion comportera un nombre identique de membres issues du Groupe Banque Populaire et de membres issus du Groupe Caisse d'épargne», que «le Directoire de l'entité résultant de la Fusion

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comprendra initialement quatre membres : deux membres issus du Groupe Banque Populaire, et deux membres issus du Groupe Caisse d'épargne. Il comprendra deux Directeurs Généraux» ;

Attendu que la structuration telle que prévue à l'article 7 de cet accord d'ouverture des négociations se concrétisera dans la création d'une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, avec un nombre égal de représentants dans le Conseil de surveillance de la nouvelle entité ;

Attendu qu'il apparaît que dès le 12 novembre 2008, les éléments devant structurer la gouvernance de la nouvelle entité étaient connus ;

Attendu au surplus que figurent sous scellé «ARCHIVES/BPCE/CINQ» divers documents relatifs aux textes législatifs et réglementaires, dont un projet de texte de loi du 30 janvier 2009, avec la mention manuscrite «projet BFBP» ; que le tribunal constate au demeurant que ce projet diffère très sensiblement de ce qui deviendra la loi n°2998-715 du 18 juin 2009 relative à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires, sans pouvoir en tirer une quelconque conclusion sur la responsabilité de Monsieur François PEROL ;

Attendu surtout que figure également un document intitulé «Rappel des réflexions sur la gouvernance du nouvel organe central (Version du 4 février 2009)» ; que sur ce document figure la mention manuscrite suivante : «5/02/09 CE (flèche) Alain LEMAIRE «dossier transmis à 13H00 ce jour par les conseils BFBP pour la réunion avec la CB de 16H30» ;

Attendu que cette pièce, ainsi que des courriels figurant dans ce même scellé entre les Caisses d'épargne et leurs avocats montrent que les discussions avaient lieu entre les deux groupes, leurs avocats et la Commission Bancaire -déduction des initiales CB - ;

***

Attendu, ainsi qu'il a été déjà démontré au point 5.2.1., qu'il n'est pas, en tout état de cause, établi que Monsieur François PEROL ait validé ce dispositif, ni lors des réunions du 10 novembre 2008 avec Monsieur Philippe DUPONT d'une part et Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE d'autre part, ni davantage lors des réunions des 26 janvier, du 12 février et du 19 février 2009 ;

Attendu qu'il est insuffisamment démontré que Monsieur François PEROL a proposé des décisions ou des avis sur cette architecture ;

5.2.3.2.- Le niveau structurel auquel l'aide doit être accordée

Attendu que le second aspect pouvant toucher la question de la structure juridique du nouveau groupe porte sur le désaccord entre les pouvoirs publics et les dirigeants des banques sur le fait que l'aide de l'État ne soit pas apportée à la filiale défaillante NATIXIS mais au niveau du groupe fusionné ;

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Attendu qu’à l’audience Monsieur François PEROL a indiqué que la «doctrine» de BERCY était de prévoir une aide au niveau de l’organe fusionné et non au niveau des filiales ;

Attendu que l’audition de Monsieur Christian NOYER, Gouverneur de la Banque de France, a permis de confirmer les éléments de la procédure selon lesquels les pouvoirs publics compétents pour le rapprochement des groupes Caisse d’Epargne et Banques Populaires étaient opposés à la proposition faite par les deux groupes ;

Attendu que le désaccord entre les pouvoirs publics et les dirigeants des deux banques sur ce point ressort notamment des déclarations de Monsieur Christian NOYER devant le magistrat instructeur (D176) : «le projet de fusion BPCE est à ma connaissance quelque chose qui a été conçu par les dirigeants progressivement à l'automne 2008 et début 2009. Les deux groupes se sont rendus compte que la gouvernance de NATIXIS ne fonctionnait plus, que cette filiale à 50/50 qui était une très grosse banque de marché, de financement et d'investissement, ne pouvait plus continuer d'être pilotée par deux actionnaires qui n'avaient pas à tout moment la même vision de ce qu'il fallait faire pour redresser la situation. Ces dirigeants des deux groupes, avaient imaginé plusieurs schémas qui revenaient à se débarrasser sur l'État du risque NATIXIS en proposant soit une nationalisation, soit une garantie d'un montant très élevé qui aurait été donnée par l'État sur les actifs à risque. C'est la direction du Trésor qui instruisait ce dossier, qui nous a demandé notre avis technique et nous avons indiqué que de telles solutions n'avaient pas de sens industriel et feraient porter des risques importants à l'État, et que la meilleure solution industrielle pour résoudre le problème de commandement à NATIXIS, serait que les groupes décident de fusionner» ;

Attendu, qu'à la question plus précise encore de savoir si, s'agissant de la décision prise par le Ministère des Finances, l'«on peut penser que cette décision est prise directement par l'Élysée ?», Monsieur Christian NOYER devait répondre : «tel que j'ai vécu cette période, je peux dire d'abord que les analyses qui ont été conduites à ma connaissance à la direction du Trésor, étaient parfaitement cohérentes avec nos propres analyses sur la meilleure solution industrielle et la meilleurs solution du point de vue des intérêts financiers de l'État, et que donc nous-mêmes recommandions la fusion sans pouvoir l'imposer et que le Trésor considérait que la fusion et la concentration de l'augmentation de capital sur un groupe fusionné capable de piloter NATIXIS avec une unité de commandement, étaient la seule bonne solution pour minimiser le risque financier de l'État Je pense donc que, à toutes les étapes, l'Élysée et Matignon ont été informés, j'imagine que le Ministre des Finances ne serait pas passé outre s'il avait reçu des instructions contraires de l'Élysée ou de Matignon, mais je n'ai absolument pas le souvenir que les idées et les décisions soient venues de l'Élysée en particulier — au contraire, c'est bien dans nos analyses et celles du Trésor que ce projet industriel a été considéré comme le plus pertinent.»;

Attendu, ainsi que ce point a été analysé au moment de l'examen des trois réunions ayant eu lieu à la Présidence de la République, qu'au regard de cette divergence de vue, les pouvoirs publics ont imposé leur solution aux dirigeants des deux banques ;

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Attendu, ainsi que ce point a été rappelé, que c'est au niveau de la Présidence de la République que cette coordination des pouvoirs publics a eu lieu, de nature à imposer la solution souhaitée ; qu'il est clairement établi qu'une pression a été exercée sur les dirigeants des deux banques pour imposer le point de le vue de l'État ;

Attendu que ces pressions sont illustrées notamment par le témoignage déjà évoqué de Monsieur Alain LEMAIRE (D120 page 4) ainsi que par celui de Monsieur Stéphane RICHARD selon lequel (D122) : « L'objectif des pouvoirs publics était que nous arrivions le plus vite possible à la fusion et tous les acteurs, Président de la République compris, exerçaient des pressions» ;

***

Attendu que pour le tribunal, le fait qu'une pression ait été exercée au regard des modalités d'octroi de l'aide, ne permet pas d'établir que Monsieur François PEROL ait proposé une décision ou un avis aux pouvoirs publics, selon les termes de la prévention ; qu'il a été à ce moment le relais de la décision des pouvoirs publics qui, ainsi que cela a été rappelé précédemment avait été prise par la Banque de France, la Commission bancaire et le Ministère de l'Economie et des finances ;

Attendu que Monsieur Xavier MUSCA a illustré ce point en déclarant : « les deux banques actionnaires de NATIXIS voulaient en effet que le soutien de l'État se matérialise au niveau de leur filiale commune NATIXIS. Celle-ci portait des risques très lourds et d'ailleurs encore à l'époque mal évalués. Le Trésor était évidemment contre cette solution qui aurait rendu peu probable le remboursement de l'aide qu'il était prêt à apporter. Au demeurant cette solution aurait été moralement et politiquement choquante puisqu'elle aurait exonéré les actionnaires des responsabilités qu'ils avaient à l'égard de NATIXIS. Nous l'avons donc combattue ».

Attendu que le fait que Monsieur Xavier MUSCA ait indiqué dans la même audition et à la suite, que : «Nous c'est le Trésor, mais cette position était validée par les organes politiques, le cabinet du Ministre, Matignon et l'Élysée», ne permet pas suffisamment d'établir si, dans le cas présent, Monsieur François PEROL a, selon la prévention, «propos(é) (…) des décisions et des avis», sur ces modalités, ou s’il s’agissait d’un point de vue partagé par tous, ce que Monsieur François PEROL a indiqué à l’audience en parlant de «doctrine» ;

Attendu que les mots employés ne permettent pas suffisamment de tirer des conséquences pénales à l’endroit de Monsieur François PEROL, notamment pour caractériser le cas échéant qu’il ait «propos(é) (…) des décisions et des avis» ;

***

Attendu, en cet état, qu’au regard de l’ensemble des éléments susvisés qu’il n’est pas suffisamment établi que François PEROL ait proposé «directement aux autorités compétentes, à la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire la structure juridique du groupe» ;

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***

5.2.4.- les réformes législatives devant accompagner ce rapprochement

Attendu que la loi n°2009-715 du 18 juin 2009 relative à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires a modifié le Code monétaire et financier afin de mettre en œuvre la fusion des deux groupes ;

Attendu que les modifications ainsi adoptées étaient en tout état de cause indispensables, dans la mesure où le code monétaire et financier contenait des dispositions spécifiques aux groupes mutualistes et coopératifs, pour attribuer des prérogatives aux organes centraux sur leurs affiliés ;

Attendu en effet que le rapprochement devant se traduire par la création d'un nouvel organe central commun aux deux réseaux, une loi devait accorder les prérogatives nécessaires pour le pilotage du nouvel ensemble ;

Attendu que le tribunal rappelle, ainsi que cela a été précisé, que l’accord d’ouverture des négociations du 12 octobre 2008 prévoyait dans son article 3 relatif au «processus législatif» : «la réalisation de l'opération nécessitera l'adoption par le Parlement de plusieurs modifications législatives, notamment en ce qui concerne le statut de la BFBP (articles L. 512-10 et suivants du Code monétaire et financier), le statut de la CNCE (articles L. 512-94 du code monétaire et financier), le statut de la Fédération Nationale des Caisses d'Epargne (article L.512-99 du Code monétaire et financier)» ;

«Le Gouvernement a confirmé à la BFBP et à la CNCE qu'il proposera au Parlement, dans les meilleurs délais, d'adopter les modifications législatives nécessaires en vue de permettre la réalisation de l'opération» ;

«Les Parties détermineront d'un commun accord les propositions de modifications législatives à soumettre au Gouvernement, et agiront de manière concertée auprès du Gouvernement, de toute entité étatique compétente (notamment la Direction du Trésor et le Conseil d'État) ou de toute autre personne impliquée dans le processus législatif (parlementaires...) en s'abstenant de toute démarche individuelle effectuée sur une base non concertée ou autrement que dans le cadre d'un message défini en commun. A cet effet, toute proposition de modification législative ne pourra être communiquée ou discutée par une Partie au Gouvernement, à toute autre entité étatique compétente, sans avoir été préalablement agréée par l'autre Partie.»

Attendu que la loi précitée du 18 juin 2009 a créé une section spécifique dans le Code monétaire et financier intitulée : «Organe central des caisses d’épargne et des banques populaires» ; qu’à titre principale l’article L. 512-106 dispose que «L'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires est l'organe central du groupe bancaire coopératif composé des réseaux des banques populaires et des caisses d'épargne ainsi que des autres établissements de crédit affiliés. Il est constitué sous forme de société anonyme dont les banques populaires et les caisses d'épargne et de prévoyance détiennent ensemble la majorité absolue du capital social et des droits de vote. Il doit avoir la qualité d'établissement de crédit».

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5.2.4.1.- Sur le rôle de François SUREAU dans la détermination des réformes législatives

Attendu que Charles MILHAUD déclarait (D138), s’agissant de la préparation du projet de loi permettant de réaliser la fusion, «dans la loi régissant les Caisses d'Epargne, il y avait des articles qui régissaient les relations entre les Caisses d'Epargne et la CNCE. Ce projet de loi devait avoir trait tant à ces relations qu'à la notion de « chef de réseau » puisqu'une nouvelle entité apparaissait et que les deux anciennes disparaissaient» ; qu’il ajoutait que «M.SUREAU devait forcément être en relation avec les services de Bercy et de Matignon mais il était forcément en relation avec l'Élysée et Monsieur François PEROL. Il faut bien se dire que depuis que l'on est passé sous le quinquennat et plus particulièrement sous la Présidence de Monsieur NICOLAS SARKOZY, c'est l'Élysée qui commande. »

Attendu qu’il résulte de l’examen de la chronologie des événements qu’à deux reprises, François SUREAU a adressé des propositions législatives à Monsieur François PEROL :

Attendu, d’une part, que dans un courriel adressé le 21 décembre 2007, François SUREAU (scellé AN/PEROL/UN) transmettait, «comme convenu», «quelques réflexions sur le rapprochement des organes centraux» ;

Attendu que la note jointe indiquait : «poursuivant l'évolution du rapprochement entre le groupe des caisses d'épargne et celui des banques populaires, tel qu'il s'est manifesté dans un premier temps par la création de Natixis, il est désormais envisagé de fusionner les organes centraux des principaux actionnaires de cette banque, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCE) et la Banque fédérale des banque populaires (BFBP)» ; que «la présente note a pour objet d'envisager le meilleur régime juridique applicable à l'organe central né de la fusion et de se pencher sur les modalités susceptibles de concrétiser une telle opération» ; que cette note est favorable à la création d'un organe central, «calqué sur le régime juridique de la CNCE», avec un directoire et un conseil de surveillance et préconise, pour une «gouvernance satisfaisante et un fonctionnement efficace», «de proscrire les structures de détention interposées propres à chaque réseau, et en particulier d'éviter la création de «groupes» antagonistes issus «du milieu banques populaires» ou du «milieu écureuil» et dont l'opposition pourrait paralyser l'organe fusionné» ; que la note présentait en outre les modalités de rapprochement, soit par «une intervention du législateur pouvant être réduite au strict minimum», suivant l'accord des parties, soit, «en cas de discorde des acteurs en présence», «l'autorité publique pourrait se substituer à l'initiative privée en décidant de procéder d'office à la fusion des organes centraux dont s'agit» ;

Attendu que Monsieur François PEROL a indiqué au tribunal que cette note lui avait «donn(é) l'indication qu'ils n'ont pas cessé d'y penser», que «le sujet n'a jamais quitté le devant de la scène» (page 34) ;

Attendu que le tribunal constate que Monsieur François SUREAU préconise une organisation calquée sur le régime juridique de la CNCE, en proposant une modification des articles L. 512-95 et L. 512-96 du Code monétaire et financier, concernant la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance

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en assurant la coordination des textes par l'adjonction des mots «banques populaires» ;

Attendu toutefois qu'il résulte de la lecture de la loi du 18 juin 2009 que le choix du législateur fut différent par la création d'une section 9 dans le chapitre 2 «les banques mutualistes ou coopératives», intitulée : «organe central des caisses d'épargne et des banques populaires», aux articles L. 512-106 à 512-108 du Code monétaire et financier ;

Attendu, d’autre part, que dans un message du 6 mai 2008,Monsieur François SUREAU, alors qu'il dit se trouver en Afghanistan, a adressé une nouvelle note «fusion des organes centraux» ;

Attendu que le tribunal constate notamment que dans cette note, est préconisé le choix d'une société par actions simplifiées ; que tel n'a pas été le choix opéré par le législateur au nouvel article L. 512-106 du code monétaire et financier, créant le nouvel organe central des caisses d'épargne et des banques populaires sous forme de société anonyme dont les banques populaires et les caisses d'épargne et de prévoyance détiennent ensemble la majorité absolue du capital social et des droits de vote ;

***

Attendu qu'aucun élément à la procédure ne permet de déterminer les suites données à ces notes ; qu'en outre, il apparaît que les choix opérés par le législateur ne sont pas conformes aux propositions adressées par Monsieur François SUREAU ;

Attendu qu'aucun autre élément de la procédure ne permet de dire que Monsieur François PEROL a donné une suite particulière à ces notes et notamment qu'il ait formulé auprès de la Banque de France et de la Commission bancaire, des propositions ou des avis relatifs aux réformes législatives ayant abouti à la loi précitée du 18 juin 2009 ;

***

5.2.4.2.- Sur le rôle de la Présidence de la République dans ces réformes législatives

5.2.4.2.1.- L’argument tiré des échanges de mail du 14 mai 2008

Attendu qu’au soutien la responsabilité pénale de Monsieur François PEROL, dans le fait d’avoir proposé, directement aux autorités compétentes, des décisions ou des avis, ont été invoqués par le Procureur national financier, les échanges de mails du 14 mai 2008 entre Monsieur Didier BANQUY et Monsieur François PEROL et entre Bernard DELPIT et Monsieur Stéphane RICHARD ;

Attendu que ces messages, figurant sous scellé DD/AN/PEROL/UN dont le détail a été rappelé dans la chronologie des faits, établissent que la Présidence de la République, en la personne de Monsieur François PEROL a été destinataire de trois amendements d’accompagnement de la réforme du Livret

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A par Monsieur Didier BANQUY ; que le collaborateur de Monsieur François PEROL, Monsieur Bernard DELPIT, conseiller technique à la présidence de la République travaillant pour Monsieur François PEROL, adressait, sous son couvert, à Monsieur Stéphane RICHARD un message contenant le message de Monsieur Didier BANQUY à Monsieur François PEROL dans lequel il indiquait avoir reçu un appel de Monsieur Charles MILHAUD l'informant que les amendements avaient été «dealés» (…) qu'il «était réticent sur le plus important d'entre eux (relatif à l'agrément du président)» et «qu'avant de prendre position officiellement», il souhaiterait que soit «sollicit(é) l'avis du gouverneur de la Banque de France» et d'en reparler avec lui «demain soir chez Antoine» ;

Attendu que sur ce message, Monsieur Stéphane RICHARD a déclaré : « M.BANQUY qui est le rédacteur du mail joint adressé à M. PEROL, était Secrétaire Général de la CNCE (...). Il fait référence dans ce mail à des amendements discutés par le parlement portant sur le statut et l'organisation des CAISSES D'EPARGNE. Le Cabinet de Mme LAGARDE (M. MOULIN et moi-même), le Cabinet du 1 er Ministre (M. GOSSET-GRAINVILLE) étaient tout à fait normalement saisis de ce dossier, puisqu'une position gouvernementale devait être arrêtée. L'intervention de M. PEROL dans ce processus ne me surprend pas. Il est d'usage que le Cabinet du Président de la République participe aux arbitrages dans ce domaine. Pour votre information, M. Bernard DELPIT était Conseiller à la Présidence de la République, il travaillait exclusivement auprès de M. PEROL.»

Attendu qu'il y a lieu pour le tribunal de prendre position sur la portée de ce message ;

5.2.4.2.2.- Position du tribunal sur ces messages

Attendu que le tribunal constate qu'au terme de l'arrêté du 5 avril 2004, Monsieur François PEROL et Monsieur Didier BANQUY étaient deux des cinq directeurs adjoints du cabinet du ministre d'État, ministre de l'économie et des finances, Monsieur Xavier MUSCA étant nommé chargé de mission auprès du ministre ;

Attendu, au demeurant, que l'appartenance antérieure à un même cabinet a été manifestement de nature à créer des liens et des contacts directs, indépendamment des circuits administratifs classiques et institutionnels;

Attendu à cet égard que Monsieur François PEROL a indiqué à l'audience qu'il connaissait Monsieur BANQUY «de longue date» ;

Attendu d'une part que Monsieur François PEROL est sollicité alors que selon Monsieur Didier BANQUY, «ces amendements ont été rédigés en commun avec le Trésor et ont le OK du cab Lagarde» ;

Attendu que le tribunal constate le rôle joué par le collaborateur de Monsieur François PEROL en l'espèce, d'orientation, par la saisine préconisée du Gouverneur de la Banque de France ;

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Attendu que Monsieur François PEROL a indiqué à l’audience que dans le cas présent, l'Élysée n'avait donné aucun avis, un de ses collaborateurs recommandant seulement de solliciter l'avis du Gouverneur de la Banque de France ; que selon lui, si la Présidence de la République a décidé sur d'autres sujets, tel n'était pas le cas en l'espèce, «le niveau de décision n'(étant) pas une micro-décision» (page 35) ; que selon lui, la réforme du Livret A n'était en effet pas du niveau de la Présidence, «Bercy a(yant) négocié avec les Caisses d'Epargne» et qu'«il n'y avait pas lieu que le Président en soit saisi», «la présidence n'a(yant) pas de compétence sur la banalisation du livret A» ;

Attendu, indépendamment des explications de Monsieur François PEROL à l’audience sur le niveau présidentiel ou non de la réforme du Livret A, que ces échanges de messages électroniques n'établissent pas, au titre de l'appréciation in concreto des faits de la prévention, la preuve d'une intervention décisionnelle sur le champ du rapprochement entre le groupe Caisse d'épargne et le groupe Banque populaire ;

***

Attendu que le tribunal ne dispose d’aucun élément dans la procédure sur le processus de négociation des dispositions législatives ;

Attendu au surplus que le gouverneur de la Banque de France, Monsieur Christian NOYER indiquait à l’audience (page 71) que «le processus législatif n’a jamais fait débat» ;

Attendu que sur le grief tiré d’une validation implicite, le tribunal se réfère aux développements précédents pour juger qu’il n’est pas démontré que Monsieur François PEROL ait implicitement validé le dispositif législatif ;

Attendu, en cet état, qu’au regard de l’ensemble des éléments susvisés qu’il n’est pas suffisamment établi que Monsieur François PEROL ait proposé «directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire les réformes législatives» ;

5.2.5.- Sur le délai d'exécution dans le temps de ce rapprochement

Attendu, d’une part, ainsi que cela a été rappelé précédemment, qu’il résulte de l'annexe 1.4. de l’accord d’ouverture des négociations du 12 novembre 2008 relatif au calendrier indicatif simplifié qu’était fixée notamment à fin-décembre la finalisation des termes du projet d'accord définitif intégrant notamment les valorisations, le mécanisme de rééquilibrage et les autres termes et conditions de l'opération, à la mi-mars la date limite pour l'adoption des modifications législatives, à la mi-mars/fin mars, la signature du traité de fusion et des accords définitifs et à la mi/fin avril l'assemblée générale extraordinaire de la BFBP et de la CNCE portant sur l'approbation des comptes 2008, l'approbation et la mise en œuvre du mécanisme de rééquilibrage, le cas échéant et l'approbation de la fusion;

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Attendu que le tribunal a rappelé en point 3.2.2.3.3. qu’il résulte de la défense de Monsieur François PEROL qu’à compter du moment où les pertes de NATIXIS étaient connues, «une intervention de l'État était d’autant plus urgente que les deux banques devaient annoncer leurs résultats le 26 février 2009, date fixée depuis de nombreux mois et qui ne pouvait pas être reportée au regard, notamment, du fait que la filiale commune en grande difficulté NATIXIS était cotée en bourse» ;

Attendu que la date du 26 février 2009 résulte non seulement des déclarations de Monsieur François PEROL mais aussi de celles de Monsieur Christian NOYER qui devait souligner, à la suite de l’annonce des pertes de NATIXIS que (D176) «l'urgence était très grande puisque les groupes devaient communiquer sur leur résultat fin février, et donc devaient être capables de faire des annonces sur le renforcement du capital, sur leur avenir commun et sur les instances dirigeantes futures» ;

Attendu qu’aucun élément de la procédure ne permet d’établir que Monsieur François PEROL ait explicitement proposé ou validé ce calendrier, ni davantage le délai de mise en œuvre ;

Attendu que sur la question de la validation implicite, le tribunal renvoie à ses développements figurant au point 5.2.1.6. ;

***

Attendu, en cet état, qu’au regard de l’ensemble des éléments susvisés qu’il n’est pas suffisamment établi que Monsieur François PEROL ait proposé «directement aux autorités compétentes, la Banque de France et la Commission bancaire, des décisions et des avis relatifs aux opérations réalisées par les groupes Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires, c'est-à-dire le délai d’exécution dans le temps de ce rapprochement» ;

***

5.2.6.- l'origine du futur dirigeant

Attendu, ainsi qu'il a été rappelé au point 3.2.2.3.7.3., que le 12 novembre 2008, a été signé l'accord d'ouverture de négociations entre la banque fédérale des banques populaires et la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (Scellé Archives/BPCE/Huit) ;

Attendu, ainsi que cela a été relevé précédemment, qu'il résulte de cet accord que c'est lors d'une réunion en date du 8 octobre 2008 que le conseil d'administration de la BFBP et le conseil de surveillance de la CNCE ont décidé d'ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un accord dans les meilleurs délais ;

Attendu, s'agissant de l'origine du futur dirigeant que l'article 7 relatif aux «organes sociaux et direction de l'entité fusionnée» détaille en son point 3 que «En application d'un principe de parité, le Président du Directoire et le Président du Conseil de Surveillance seront issus de chacun des deux Groupes. De même les deux Directeurs Généraux seront issus de chacun des deux

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Groupes» ;

Attendu, ainsi que le tribunal en a conclu au point 3.2.2.3.7.3., qu’il n’est pas suffisamment établi que les précisions contenues dans cet accord d’ouverture de négociations résultent des propositions de Monsieur François PEROL ou qu’elles aient été validées par lui, explicitement ou implicitement ;

Attendu, sur la question de l’origine du futur dirigeant et de sa nomination, qu'il y a lieu de relever d’une part les tergiversations des dirigeants des deux groupes et en second lieu, l’intervention directe du Président de la République dans la nomination du futur dirigeant ;

5.2.6.1- Les tergiversations des dirigeants des deux groupes : d’une nomination en interne à une proposition de nomination d’une personne extérieure aux banques

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que si l’accord d’ouverture des négociations prévoyait que les futurs dirigeants de la structure fusionnée seraient issus des deux groupes bancaires, il apparaît que ce point de vue va évoluer entre octobre et janvier 2009 ;

Attendu que les déclarations de Monsieur Christian NOYER illustrent d’une part l’incapacité des dirigeants des deux groupes à prendre la tête de la nouvelle structure issue de la fusion, d’autre part, l’idée émergente selon laquelle le dirigeant du nouveau groupe devait être extérieur aux deux banques, et, enfin, l’impréparation des dirigeants dans la conduite de ce changement, pour le choix du dirigeant ;

Attendu que le tribunal relève ainsi les déclarations de Monsieur Christian NOYER (D175/2) selon lesquelles : «Dans les mois qui ont suivi et notamment au tout début de 2009, lorsque les deux groupes ont accepté de travailler sérieusement sur l'hypothèse de la fusion, en reconnaissant que c'était probablement la meilleure méthode pour sortir des difficultés et rebondir, s'est posé le problème de savoir comment organiser la gouvernance du futur groupe. Du côté des caisses d'épargne, MM.COMOLET et LEMAIRE apparaissaient comme des dirigeants de transition qui ne semblaient pas avoir le caractère pour mener la fusion d'un groupe de cette taille et assurer son redressement, et ils n'avaient clairement pas la crédibilité nécessaire vis-à-vis des banques populaires. Du côté des banques populaires, Monsieur DUPONT était un dirigeant plus aguerri mais sa crédibilité vis-à-vis des Caisses d'épargne avait été affaiblie du fait qu'il présidait le conseil de surveillance de NATIXIS, et des deux côtés j'ai reçu l'indication qu'ils se convainquaient peu à peu que la solution pour mener à bien la fusion, serait de trouver un dirigeant extérieur aux deux groupes. Mais apparemment ils n'ont pas mis en place de processus de recherche et de sélection très structuré, en tout cas ils ne m'en ont pas fait part».

5.2.6.1.1.- L’hypothèse Monsieur Philippe DUPONT

Attendu, ainsi que cela a été relevé au point 3.2.2.1.5., qu’au mois d’octobre 2008, Monsieur Philippe DUPONT et Monsieur Charles MILHAUD s’étaient

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mis d’accord sur la répartition des postes au sein du nouveau groupe ; que Monsieur Philippe DUPONT, qui «se voyait à la tête du groupe», était censé prendre la Présidence du Directoire ;

Attendu, ainsi que cela a été analysé dans la chronologie des faits, que selon Monsieur Bernard COMOLET (D112), Monsieur Philippe DUPONT considérait que sa Présidence était «consubstantielle» au projet et que le rapprochement ne se ferait qu'à cette condition ;

Attendu qu’au 19 octobre 2008, alors que Monsieur Bernard COMOLET prend le poste de Président de la CNCE, Monsieur Philippe DUPONT est toujours sur la même ligne, «souhaitant accélérer la réalisation du Projet » ;

Attendu toutefois qu’il résulte des témoignages recueillis que Monsieur Philippe DUPONT a été laissé dans cette croyance, entre octobre 2008 et janvier 2009, alors qu’en réalité son souhait n’était pas partagé par Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE ; que Monsieur Bernard COMOLET devait indiquer sur ce point (D112) : «nous les Caisses d’Epargne, nous ne voulions pas de la présidence de Monsieur Philippe DUPONT» ;

Attendu, au surplus, que Monsieur Alain LEMAIRE et Monsieur Bernard COMOLET ne souhaitaient pas en octobre 2008 arrêter d’emblée les personnes appelées à diriger le futur organe central alors que Monsieur Philippe DUPONT en faisait un préalable et qu’il voulait «en être le véritable patron», selon les propos de Monsieur Alain LEMAIRE ;

Attendu en effet que ce n’est que fin janvier, début février, que Monsieur Bernard COMOLET et Monsieur Alain LEMAIRE indiquaient à Monsieur Philippe DUPONT «qu’ils n’accepteraient jamais qu’il soit le numéro du futur ensemble» ;

Attendu que sur ce point, Monsieur Claude GUEANT déclarait à l’audience que «Monsieur DUPONT aurait pu gérer, mais l’autre groupe ne l’acceptait pas» ; que «le spectacle des chamailleries était décevant» ;

Attendu, sur un autre champ d’analyse, que le tribunal constate que la proposition faite en octobre 2008 à Monsieur François PEROL de le nommer à la tête de NATIXIS, s’analyse comme une forme de manœuvre afin d’écarter Monsieur Dominique FERRERO ;

Attendu que selon Monsieur Philippe DUPONT, «la théorie de la CNCE et de certains de mes collaborateurs était de faire sortir Dominique FERRERO de la Direction Générale de NATIXIS, pour placer à ce poste une personnalité extérieure. M. PEROL faisait partie des quelques personnalités pouvant avoir le profil pouvant correspondre aux exigences de la fonction» ;

Attendu en tout état de cause qu’il est suffisamment établi que les dirigeants du groupe Caisse d’épargne ont laissé prospérer la proposition de nommer Monsieur Philippe DUPONT tout en sachant qu’ils s’y opposeraient le moment venu ;

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Attendu que pour le tribunal, les tergiversations des dirigeants des deux groupes sont décisives dans la compréhension de l'accélération des événements qui se sont produits entre début février 2009 et le 21 février 2009 ;

Attendu que les conditions de nomination de Monsieur François PEROL sont indissociables de la prise en compte de ce calendrier qui s’inscrit dans l’urgence et dans le contexte de la crise financière ;

***

5.2.6.1.2.- L’hypothèse d’une personne extérieure aux deux groupes

Attendu qu’il résulte des déclarations précitées de Monsieur Christian NOYER que l’idée de nommer quelqu’un d’extérieur au groupe s'est «peu à peu» forgée dans l'esprit des dirigeants des deux groupes ;

Attendu que selon Monsieur Philippe DUPONT, plusieurs noms avaient circulé, s’agissant de Monsieur François PEROL, Monsieur Stéphane RICHARD, Monsieur Charles-Henri PHILIPI, ancien Président de HSBC, Monsieur François VILLEROY de GALLAULT, directeur général délégué de BNPP ou Monsieur Philippe WHAL qui est devenu Président du Groupe LA POSTE ;

Attendu que Monsieur Stéphane RICHARD devait indiquer sur ce point (D122) : « Il y a eu d'abord la prise de conscience par les dirigeants des deux réseaux que la future banque ne serait pas dirigée par l'un d'eux ni par l'un des cadres issus des deux réseaux. A partir de là, en fonction des connaissances et des affinités personnelles, il n'est pas anormal que mon nom comme celui de Monsieur François PEROL ait pu être évoqué. En ce qui me concerne en tout état de cause, je n'ai jamais fait acte de candidature mais il est exact que j'ai été sondé à l'occasion d'un rendez-vous avec MM. DUPONT et COMOLET, sans plus. Ce rendez-vous a dû intervenir quelques jours avant la réunion avec le Président de la République dont on a parlé plus haut qui a annoncé la future direction de Monsieur François PEROL. Je pense que le profil financier de Monsieur François PEROL le prédisposait davantage que moi à ce poste. »

Attendu que sur ce point, Monsieur Olivier FOUQUET a indiqué en D116/3, que « le cabinet du ministre des finances m'avait averti par téléphone, au mois de janvier 2009 que nous allions être saisi d'une candidature d'un inspecteur des finances, sans me citer de nom, dans la mouvance de Bercy et non à l'Elysée pour prendre la tête de la BPCE et qu'on allait nous envoyer un dossier prochainement » ;

Attendu, selon Monsieur Bernard COMOLET, qu’à l’issue d’une des trois réunions qui s’est tenue à la Présidence de la République (D112), « on nous a demandé de réaliser au plus vite cette fusion et de nous arranger pour trouver le dirigeant du nouveau groupe. Nous sommes sortis de cette réunion avec l'idée de trouver ce nouveau dirigeant et j'ai discuté en aparté avec Monsieur François PEROL et lui ai demandé si lui-même n'était pas candidat. Ce à quoi il m'a répondu qu'il n'en était pas question. A partir de là, le Directoire n'était plus maître, de fait, du futur puisque tout dépendait des pouvoirs publics, notamment quant à l'aide financière de l'Etat avec l'accord de Bruxelles ; ce qui était en train d'être négocié par Mme LAGARDE depuis octobre 2008. La

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seule chose qui nous restait à proposer était un accord avec Monsieur Philippe DUPONT sur le nom du futur dirigeant de l'ensemble » ;

5.2.6.2- L’intervention directe de Monsieur Nicolas SARKOZY dans le processus de nomination de Monsieur François PEROL.

Attendu qu’à l’audience du 25 juin 2015, Monsieur Claude GUEANT, témoignait de ce que «faute de proposition des établissements, le Président de la République a pensé qu’il fallait quelqu’un de neutre» ; que «le Président de la République a demandé à M. PEROL s’il accepterait de devenir le nouveau président» ; que «Monsieur François PEROL ne voulait pas prendre cette responsabilité» ;

Attendu que l’intervention du Président de la République s’explique par l’incapacité des dirigeants des deux banques à se mettre d’accord sur le futur dirigeant ;

Attendu à cet égard que le tribunal relève sur ce point les déclarations de Monsieur Xavier MUSCA : «Tout au cours de la période qui va de la fin octobre jusqu'à février, nous les avons pressés d'aboutir à un accord sur la constitution d'un nouvel organe central, ce qui supposait également de choisir le futur directeur général. Ils n'y sont jamais arrivés et nous sommes collectivement arrivés assez vite à la conclusion que ce directeur général devait venir de l'extérieur. Je comprends qu'informé de ce problème, le Président de la République a fait le choix de Monsieur François PEROL. À l'époque, j'avais compris ce choix comme le souci de montrer que l'engagement de l'État se faisait en contrepartie d'un contrôle fort exercé par celui-ci sur le nouveau groupe bancaire. » ; qu’il précisait que « quelques jours avant la réunion (du 21 février 2009), (il avait) été informé de ce choix par Monsieur François PEROL» ;

Attendu qu'ainsi, le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY, s’est immiscé dans le fonctionnement interne d’une banque, se substituant à des organes considérés comme défaillants ; que Monsieur Claude GUEANT a justifié une telle pratique en concluant son audition par ces mots (page 86) : «Il s’est emparé du dossier, car personne n’aurait compris qu’il ne s’y intéresse pas» ;

***

Attendu que s’il n’appartient pas au tribunal d'apporter une appréciation sur cette intervention du Chef de l'État, au regard du principe de la séparation des pouvoirs, il lui incombe toutefois d'apprécier le cas échéant la portée éventuelle de cet acte s'agissant des faits reprochés au prévenu ;

Attendu à ce titre qu'il importe de déterminer si Monsieur François PEROL, directement ou indirectement, est à l’origine de la proposition de le nommer ;

Attendu que Monsieur François PEROL a évolué dans ses déclarations, à l'instar de Monsieur Claude GUEANT, entendu par le magistrat instructeur en qualité de témoin ;

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Attendu en effet que lors de son audition par les services de police au cours de l’enquête préliminaire ou lors de son interrogatoire de première comparution , Monsieur François PEROL n’avait pas explicitement indiqué que c’était Monsieur Nicolas SARKOZY qui lui avait demandé de prendre la tête du nouvel organe ;

Attendu qu’à l’audience, Monsieur François PEROL a expliqué (page 124) que «le Président de la République est le premier qui l’a évoqué avec moi, à un moment où tout est réglé sauf le dirigeant», qu’«il faut quelqu’un qui incarne l'État» ;

Attendu que pour Monsieur François PEROL, «le Président de la République est le premier à avoir évoqué le sujet» ; que cette conversation aurait eu lieu, selon lui, après la réunion du 12 février 2009, peut-être le mercredi 18 février 2009 ;

Attendu que Monsieur François PEROL indiquait avoir été surpris, pensant «qu’il veut se séparer de moi» ; qu’il précisait avoir donné sa réponse 24 heures ou 48 heures après ;

Attendu qu'il ne saurait être déduit de ces seuls éléments que Monsieur François PEROL a été l’origine de cette proposition, soit directement ou indirectement, aucun témoignage, ni écrit, ne permettant d'accréditer cette thèse ;

Attendu que les déclarations de Monsieur Alain MINC (D133) selon lesquelles d'une part, il avait «été amené à parler avec Monsieur François PEROL puis avec Nicolas SARKKOZY, de son éventuelle nomination», et, d'autre part, qu'il aurait déconseillé à Monsieur François PEROL de prendre ce poste, ayant fait part de son appréciation à Monsieur Nicolas SARKOZY qui lui aurait répondu en substance : «je veux montrer mon engagement direct pour sauver cette banque et calmer les inquiétudes», ne permettent pas davantage d'établir que Monsieur François PEROL ait été à l'origine de sa propre nomination ;

Attendu enfin que le fait d’avoir accepté la proposition du Président de la République ne saurait constituer «la proposition de décision ou d'avis» adressée directement aux autorités compétentes, exigée par la prévention ;

Attendu que le fait, pour le Président de la République de proposer la nomination d'un de ses plus proches collaborateurs à la tête du deuxième groupe bancaire français ne pouvait qu'entraîner, de la part des observateurs extérieurs, une légitime interrogation sur la nomination à un poste d'une particulière sensibilité;

Attendu qu'il n'en demeure pas moins pour le tribunal, que dans le cadre fixé par la loi, l'acceptation par Monsieur François PEROL de ce poste ne saurait constituer la proposition de décision et d’avis directement aux autorités compétentes, selon les termes de la prévention ;

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5.2.6.3.- L’incidence de l’absence de saisine de la commission de déontologie

Attendu que l'article 87 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, modifié par l'article 18 de la loi n°2007-148 du 2 février 2007 dispose, dans sa version applicable au moment des faits qu'«une commission de déontologie placée auprès du Premier ministre est chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions» ;

En application du II de cet article, «La saisine de la commission est obligatoire au titre du I pour les agents chargés soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions (…) » ; qu’en application du III de ce même article, «la commission peut être saisie pour rendre un avis sur la compatibilité avec les fonctions précédentes de l'agent, de toute activité lucrative, salariée ou non, dans un organisme ou une entreprise privé ou dans une entreprise publique exerçant son activité conformément aux règles du droit privé dans un secteur concurrentiel ou d'une activité libérale que souhaite exercer l'agent pendant un délai de trois ans suivant la cessation de ses fonctions» ;

Attendu que Monsieur Olivier FOUQUET devait indiquer que lorsque Monsieur Claude GUEANT apprenait que la Commission de déontologie ne pouvait se réunir avant un délai de 15 jours, ils avaient ensemble «convenu qu’(Olivier FOUQUET) lui enverrai(t) une lettre expliquant les conditions que devait remplir M. PEROL pour que la saisine de son dossier soit facultative» ;

Attendu ainsi que Monsieur Olivier FOUQUET adressait à Monsieur Claude GUEANT une lettre en date du 24 février 2009, aux termes de laquelle «il faut donc en conclure que si le Secrétaire général adjoint a exercé les fonctions qui lui étaient confiées dans les conditions habituelles d’exercice de leurs fonctions par les membres des cabinets ministériels, la jurisprudence traditionnelle de la Commission lui est applicable» ;

Attendu que le mardi 24 février 2009, le Président de la République, à l’occasion d’un déplacement en Italie, déclarait que la commission avait donné un avis favorable au départ de Monsieur François PEROL ; que ces déclarations devaient provoquer une vive réaction de Monsieur Olivier FOUQUET auprès de Monsieur Claude GUEANT qui le rassurait en lui indiquant qu’il allait «rectifier le tir» ;

Attendu que Monsieur Claude GUEANT rappelait Monsieur Olivier FOUQUET le mercredi 25 février 2009 à 8H30, lui indiquant : «j’ai rectifié le tir, j’ai dit que vous aviez donné un avis favorable, à titre personnel» ; qu’à la demande de Monsieur Olivier FOUQUET, furieux de cette présentation de la lettre qu'il avait adressée, Monsieur Claude GUEANT publiait la lettre ;

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Attendu que Monsieur François PEROL a expliqué qu'après s'être entretenu avec un ami avocat dont le compte-rendu de la conversation figure dans un cahier placé sous scellé PER/ BUR/ SIX, il avait considéré qu'il ne rentrait pas dans les critères de la loi, pour ce qui concerne une saisine obligatoire de la Commission ; qu'il indiquait que selon lui, à la lecture de la note du Secrétaire général du Gouvernement dont la conclusion a été rappelée précédemment, «il n'y avait pas de problème» (page 132) ;

Attendu qu'aux termes de l'ordonnance de renvoi, «aucune des dispositions légales et réglementaires n'a donc été respectée par Monsieur François PEROL ou par son supérieur hiérarchique, Monsieur Claude GUEANT, chef de l'administration de la présidence de la République en sa qualité de secrétaire général. Tous les deux se sont affranchis des règles et ont, de concert, procédé à un «habillage déontologique» qui ressort des investigations menées» ; que l'ordonnance précise que la circulaire du 31 octobre 2007 recommande de soumettre un dossier à la Commission «en cas de doute» ;

Attendu, que s'agissant de l'absence de saisine de la Commission de déontologie, le tribunal relève les déclarations de Monsieur Olivier FOUQUET selon lesquelles «M. Guéant ignorait tout du fonctionnement de la commission de déontologie, notamment à propos du délai d'instruction des affaires» ; qu’il lui a précisé «la différence entre la saisine obligatoire et la saisine facultative» ; que selon, lui, Monsieur Claude GUEANT, «découvrait la question, n'y comprenait pas grand-chose» ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il ne s’agissait pas en fait de mettre la commission devant le fait accompli et d’éviter ainsi une instruction de l’affaire qui aurait pu aboutir à un avis négatif, Monsieur Olivier FOUQUET a indiqué : «Franchement, M. GUEANT lorsqu'il m'a appelé pour demander la saisine de la commission semblait vraiment penser que l'on pouvait réunir la commission en 48 H et que la nomination de M. PEROL ne posait aucun problème. Je répète qu'il m'a paru totalement ignorant des règles applicables à la commission de déontologie».

***

Attendu que le tribunal n’estime pas que les conditions de la saisine, le vendredi 20 février 2009, procède de la volonté délibérée de contourner la commission de déontologie ; qu'il estime concevable que Monsieur Claude GUEANT ignorât le fonctionnement de la Commission de déontologie et l’impossibilité pour cet organe d’émettre un avis dans un délai inférieur à 15 jours ;

Attendu en outre que les conditions de la saisine, le vendredi 20 février 2009, sont compatibles avec l’enchaînement des événements tel qu'analysé par le tribunal et les conditions dans lesquelles Monsieur François PEROL a été envisagé à la tête de la BPCE ;

Attendu que contrairement à ce que relève l'ordonnance de renvoi, la preuve n'est pas suffisamment rapportée que le choix de nommer Monsieur François PEROL à la tête de la CNCE et de la BFBP était « bien antérieur au 21 février 2009 » ;

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Attendu en effet que la précipitation avec laquelle les événements se sont enchaînés rendent crédible le fait que le choix de nommer Monsieur François PEROL se soit arrêté au dernier moment, soit dans la semaine du lundi 16 février 2008 ;

Attendu que le tribunal ne dispose en tout état de cause pas d'élément susceptible d'invalider cette version ;

Attendu cependant, qu’apprenant que la Commission de déontologie ne pouvait se réunir immédiatement, il eut été de bonne pratique, indépendamment des contingences légitimes existantes sur l’urgence de la fusion, de rechercher d’autres solutions compatibles avec le fonctionnement de cette institution qui aurait pu garantir les conditions de la nomination de Monsieur François PEROL et éviter ainsi les légitimes interrogations sur cette nomination ; que ce dernier devait lui-même indiquer que «saisir la commission était une assurance pour la suite» (page 132) ;

Attendu surtout que Monsieur Claude GUEANT a indiqué à l’audience que son intention première était de saisir la Commission ; que ce n'est qu'ensuite (page 77), que «l’on a considéré que les conditions n’étaient pas remplies pour une saisine obligatoire», au regard des éléments communiqués par le Secrétaire général du gouvernement ;

Attendu, de manière particulière, que le fait d’avoir indiqué que le Président de la Commission avait émis un avis favorable, à titre personnel, ne correspondait manifestement pas à la réalité ; que les propos tenus par Monsieur Claude GUEANT, faisaient suite à l'erreur du Président de la République, qualifiée à l'audience de «raccourci» par Monsieur Claude GUEANT, le Président de la République, alors en déplacement en Italie, ayant indiqué en réponse à une question posée, que «l’avis était favorable» ;

Attendu qu'une telle réitération dans l'approximation ne pouvait que nourrir la suspicion de manipulation, ainsi que l'illustrent les articles de presse versés à la procédure (D179/2) et faisant état de la démission de la Commission de déontologie de Monsieur Jacques CHABRUN et de son suppléant Monsieur Pierre-Yves RICHARD, membres de la Cour des comptes ; qu'il résulte de l'audition de Monsieur Jacques CHABRUN que le Premier président de la Cour des comptes, Philippe SEGUIN, avait approuvé leur démarche ;

Attendu à cet égard que le tribunal relève un paragraphe de la lettre de Monsieur Jacques CHABRUN, en date du 29 avril 2009, figurant en cote D181/4, adressée au Président de la Commission selon laquelle : «je constate en effet que le refus de saisir la commission de déontologie n'a pas permis à celle-ci d'exercer ses compétences dans le respect du contradictoire, de protéger M. PEROL contre lui-même et de lui éviter le cas échéant les deux plaintes au pénal dont il fait actuellement l'objet» ;

***

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Attendu cependant que l'absence de saisine de la commission de déontologie, constitue un élément de contexte, non constitutif, dans les circonstances de l'espèce, et en tant que tel, d'un comportement pénalement répréhensible ;

***

Attendu, au regard de l'ensemble des éléments du dossier de la procédure et des débats, qu’il y a lieu de renvoyer Monsieur François PEROL des fins de la poursuite ;

***

SUR L'ACTION CIVILE :

Sur les constitutions de partie civile des syndicats CGT:

Sur les conclusions :

Attendu que les syndicats CGT des personnels de la Caisse d'épargne Côte d'Azur, Ile de France, Midi Pyrénées, Bretagne, Rhône Alpes, le syndicat du personnel banque-assurances CGT Auvergne Limousin, le syndicat CGT des personnels du groupe Banque Palatine, le syndicat CGT de la CEPAC, la fédération CGT des syndicats du personnel de la Banque et de l'Assurance et la CGT concluent à la recevabilité de leurs constitutions de partie civile et sollicitent chacun un euro à titre de dommages et intérêts, outre l'octroi d'une somme de 10 000 euros ;

Attendu, sur la question de la recevabilité, qu'ils font valoir qu'ils sont recevables à se constituer partie civile même en présence d'un intérêt indirect, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail qui dispose que les syndicats professionnels peuvent «exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent» ;

Attendu qu’ils arguent de ce que le délit de prise illégale d'intérêts est susceptible de causer un préjudice direct ou indirect à un syndicat ; qu'ils allèguent ainsi que la Cour de cassation n'a cessé d'étendre le droit d'exercice de l'action civile dans le cadre des infractions d'intérêt général, notamment relativement au délit de prise illégale d'intérêts, invitant les magistrats du fond lorsqu'ils apprécient la recevabilité d'une action civile à rechercher si les faits dont ils sont saisis «ne portaient pas un préjudice même indirect à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat» ;

Attendu qu'ils relèvent en outre que la jurisprudence admet que la constitution de partie civile est une prérogative attachée à la personne et peut «tendre seulement à la défense de son honneur et de sa considération, indépendamment de toute réparation du dommage par voie de l'action civile» ;

Attendu qu'ils font enfin référence aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation rendu dans la présente procédure le 27 juin 2012, estimant que les syndicats CGT qui représentent les intérêts collectifs de la profession, distincts de ceux des salariés, ont subi un préjudice du fait de la prise illégale d'intérêts qu’aurait commise Monsieur François PEROL «dès lors que de tels faits sont de nature

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à caractériser un manquement au devoir de probité et aux obligations déontologiques de nature à porter atteinte à l'image de la profession bancaire ainsi embrassée et à la confiance qu'elle se doit d'inspirer» ;

Attendu que, sur la caractérisation des préjudices, que les syndicats CGT allèguent qu'indépendamment de celui lié à la dégradation de l'image de la profession, ils «entendent rappeler que les choix économiques et de rapprochement des deux entités bancaires ont eu des conséquences graves sur les salariés préjudiciables aux intérêts collectifs de la profession» ;

Attendu qu'ils font à ce titre état notamment de communications syndicales et de plusieurs rapports établis dans le cadre, d'une part, du projet NATIXIS de 1986, et, d'autre part, du projet de «fusion BPCE» de 2009, qui établiraient, selon eux, le fait que la création de Natixis et la fusion BPCE, «le tout piloté puis administré par Monsieur François PEROL», ont mis en place une politique sociale et commerciale tout à fait préjudiciable aux salariés, marquée par des plans sociaux à la Caisse d'épargne, un sous-effectif induit par ces plans, des méthodes de management, la mise en place d'une politique commerciale agressive, le manque de reconnaissance du travail effectué, la stagnation des salaires de base ;

***

Attendu que le syndicat SUD Groupe BPCE conclut pour sa part à la recevabilité de sa constitution de partie civile et demande la condamnation de Monsieur François PEROL au paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 50 000 euros par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que sur la recevabilité de sa constitution de partie civile, le syndicat SUD Groupe BPCE indique à titre liminaire qu'il y a lieu de ne pas confondre la recevabilité de la constitution de partie civile et le constat d'un éventuel préjudice susceptible d'ouvrir droit à l'octroi de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il fait en outre valoir que le délit de prise illégale d'intérêts n'a pas pour seul objet de protéger l'État en cas de conflits d'intérêts mais a également pour finalité de réprimer quiconque utiliserait des prérogatives de puissance publique conférées par l'État pour satisfaire à des besoins d'ordre privé, indépendamment de tout préjudice causé à l'État ;

Attendu qu'il estime en l'espèce que s'il est constaté qu'une personne a utilisé des prérogatives de puissance publique pour parvenir à créer un groupe bancaire et en prendre la direction, cette personne s'est alors procurée un bénéfice dans le secteur privé sans pour autant avoir porté atteinte aux intérêts de l'État ;

Attendu qu'il se réfère aux dispositions spécifiques du code du travail pour rappeler, qu'y compris devant la juridiction de jugement, le préjudice allégué à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente peut n'être qu'indirect ;

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Attendu que sur l'évaluation de la demande de dommages et intérêts, le syndicat SUD Groupe BPCE soutient que la fusion BPCE et la nomination de Monsieur François PEROL à sa tête, conditions posées par l'État via notamment Monsieur François PEROL pour l'obtention d'une recapitalisation de 5 milliards d'euros, ont conduit à faire basculer les deux banques d'un statut de banque mutualiste à un statut de banque privée, entrainant des modifications radicales de fonctionnement, notamment pour le personnel, l'objectif d'une banque privée étant de satisfaire son actionnariat en obtenant de meilleurs profits ;

Attendu qu'il soutient ainsi qu'afin d'augmenter ces derniers, dès l'année 2010, près de 5000 emplois ont été supprimés, que 6000 instances prudhommales relatives au paiement de primes sont actuellement pendantes, que le système «benchmark» d'évaluation permanente des salariés a été mis en œuvre au détriment de la santé et du bien-être de ces derniers ;

Attendu qu'il en conclut que la transformation de la banque et la prise de direction par M. PEROL n'ont pu se réaliser «que par le fruit de la commission de l'infraction de prise illégale d'intérêts» ;

***

Attendu que Monsieur François PEROL conclut à l'irrecevabilité des constitutions de partie civile de l'ensemble des syndicats ; qu'il allègue que si la simple possibilité d'un préjudice a suffi au stade de l'instruction pour accueillir les constitutions de partie civile des syndicats, elle ne saurait suffire devant la juridiction de jugement, les syndicats devant démontrer l'existence d'un préjudice direct et certain ;

Attendu qu'il affirme que dès lors que le délit de prise illégale d'intérêts est une infraction qui a pour but exclusif de protéger l'intérêt général, en l'espèce les intérêts de l'État, l'action des syndicats doit être déclarée irrecevable ; Sur ce :

Attendu que par application des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail, «les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent» ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions que les syndicats professionnels ne peuvent exercer les droits réservés à la partie civile qu'en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, qui doit s'entendre de l'intérêt qui existe à l'égard de tous les membres de la profession ; que cet intérêt collectif est distinct de l'intérêt individuel de la victime et de l'intérêt général de la société ;

Attendu, en tout état de cause, que la possible atteinte indirecte à l'intérêt collectif de la profession bancaire doit s'apprécier in concreto, indépendamment des intérêts que l'infraction de prise illégale d'intérêts a pour objet de protéger ;

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Attendu en effet qu’il ne saurait être déduit des finalités poursuivies par cette incrimination, à savoir le fait de garantir la neutralité de l'État en prévenant, de façon objective, des situations susceptibles de faire naître le soupçon sur l'administration, une exclusion de toute constitution de partie civile dès lors qu'elle remplit les conditions ci-dessus rappelées ;

Attendu, en l'espèce, que le reproche fait à Monsieur François PEROL, secrétaire général adjoint de la Présidence de la République, d’avoir, au terme de la prévention, commis le délit de prise illégale d'intérêts serait de nature, à supposer l’infraction établie, à jeter l'opprobre sur l'ensemble des métiers de la banque, susceptible ainsi de porter une atteinte indirecte à l'intérêt collectif de la profession que les syndicats représentent ;

Attendu qu’il y a lieu de déclarer recevable les constitutions de partie civile des syndicats CGT et du syndicat SUD ;

Attendu cependant qu'en raison de la relaxe prononcée à l'égard du prévenu, les syndicats CGT et le syndicat SUD seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes tant au titre de dommages et intérêts que sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Sur la constitution de partie civile de Nathanaël MAJSTER

Sur les conclusions :

Attendu que Monsieur Nathanaël MAJSTER demande au tribunal de le recevoir en sa constitution de partie civile, de le dire bien fondé à exercer l'action ut singuli de la BPCE et de la Caisse d'épargne et de Prévoyance d'Ile de France, dite CEIDF, contre Monsieur François PEROL, de condamner ce dernier à payer d'une part à la BPCE, d'autre part à la Caisse d'épargne et de Prévoyance d'Ile de France, la même somme de un euro à titre de dommages et intérêts et de lui octroyer la somme de 20000 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il fait valoir que l'action ut singuli autorise un associé à exercer à titre individuel l'action sociale de la personne morale dont il est membre quand celle-ci a manqué de l'engager ou de la faire soutenir par ses organes légaux ;

Attendu qu'il justifie son action civile ut singuli au nom de la CEIDF, en ce que cette dernière s'est abstenue de poursuivre la réparation du préjudice que le délit reproché à Monsieur François PEROL lui a occasionné, en considération très vraisemblablement de la position occupée par Monsieur François PEROL à la tête de la CEIDF ;

Attendu qu'il argue en outre de ce que le délit reproché à Monsieur François PEROL a retenti sur l'image des associés de la BPCE dont la CEIDF, et, qu'en conséquence, en sa qualité de sociétaire de la CEIDF, il exerce donc également et ut singuli l'action civile de cette dernière contre Monsieur François PEROL en réparation de son propre préjudice ;

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Attendu qu'il fait état de ce que l'illicéité de la désignation de Monsieur François PEROL à la tête de la BPCE a en effet jeté sur la BPCE comme sur la CEIDF l'opprobre de l'opinion en suggérant qu'elles se seraient accommodées d'une infraction à la loi et qu'elles faciliteraient une politique de réseau contraire aux règles de neutralité républicaine et démocratique ; que s’en serait suivi un préjudice d'image ; qu'il affirme enfin qu'il convient de considérer l'émotion que peut susciter dans l'opinion l'idée que l'auteur et le bénéficiaire de l'infraction se seraient enrichis à cette occasion de plusieurs millions d'euros ;

Attendu qu'au soutien de ses conclusions, il verse à la procédure une «attestation de détention de titres», en date du 3 juin 2015, établie par la CEIDF consignant le fait que l'intéressé est propriétaire de 10 titres au porteur ; qu'il produit en outre la citation directe délivrée le 22 mai 2015 sur le fondement de l'article R. 225-70 alinéa 1 du code de commerce, d'une part à la CEIDF, d'autre part à la BPCE et dénoncée le même jour au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, outre une dénonciation du même acte en date du 2 juin 2015 à l'endroit de Madame le procureur national financier ;

Attendu que, par note réceptionnée le 18 juin 2015 par le greffe de la 32ème chambre correctionnelle, les conseils des sociétés BPCE et CEIDF concluent à l'irrecevabilité de l'action civile exercée par Monsieur Nathanaël MAJSTER, aux motifs du défaut de qualité à agir de ce dernier et de l'absence de justification d'un préjudice qui aurait été causé aux sociétés aux noms desquelles Monsieur Nathanaël MAJSTER prétend agir ;

Attendu, qu'au soutien de leur argumentation, ils font état, à titre liminaire, de ce que Monsieur Nathanaël MAJSTER est un ancien salarié de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance (CNCE) dont le contrat de travail avait été transféré à la BPCE le 1er août 2009 et qu’il a été licencié en octobre 2009 pour insubordination, licenciement confirmé par le conseil des prud'hommes puis par la cour d'appel de Paris le 20 mars 2014 ;

Attendu, sur le premier moyen tiré de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Monsieur Nathanaël MAJSTER, que les sociétés BPCE et CEIDF soutiennent que l'intéressé est dépourvu de qualité à agir ;

Attendu qu'elles relèvent que l'action ut singuli vise à réparer le préjudice causé à la société par ses dirigeants et qu'elle permet ainsi à un actionnaire d'agir au nom de la société dans laquelle il est actionnaire ; qu'elles font valoir en l'espèce que Monsieur François PEROL est, depuis le 31 juillet 2009, Président du directoire de BPCE et que Monsieur Nathanaël MAJSTER est sociétaire de la CEIDF, elle-même actionnaire de BPCE à hauteur de 6,96 % du capital et des droits de vote ;

Attendu qu'elles en concluent que Monsieur Nathanaël MAJSTER n'étant pas actionnaire de BPCE, il ne peut valablement exercer l'action sociale ut singuli à l'encontre d'un dirigeant de BPCE ;

Attendu, sur le second moyen tiré de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Monsieur Nathanaël MAJSTER, que les sociétés BPCE et CEIDF allèguent, sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale,

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l'absence de préjudice personnel et direct tant pour BPCE que pour la CEIDF ; qu'elles indiquent que le préjudice d'image allégué par Monsieur Nathanaël MAJSTER n'est pas caractérisé, aucun préjudice de réputation à l’endroit des sociétés CEIDF et BPCE n'ayant été causé, lesdites sociétés n'ayant pas été associées aux faits de la cause ; qu'elles affirment enfin que l'infraction de prise illégale d'intérêts relève des atteintes à l'intérêt public dont la sanction est exclusivement destinée à protéger les intérêts de l'Etat et non les intérêts privés en cause ;

***

Attendu que dans ses conclusions, Monsieur François PEROL a conclu à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Monsieur Nathanaël MAJSTER dans le cadre d'une action sociale dite ut singuli, d'une part, au motif du défaut de qualité à agir, seuls les actionnaires de BPCE pouvant exercer l'action ut singuli contre le dirigeant social de cette société, d'autre part, au motif que le délit de prise illégale d'intérêts est une infraction ayant exclusivement pour but de protéger l'intérêt général considéré comme celui du secteur public ;

Attendu, qu’en réponse à ces conclusions, Monsieur Nathanaël MAJSTER fait valoir :

-s'agissant de l'irrecevabilité de sa constitution de partie civile ut singuli pour défaut de qualité à agir, qu'en sa qualité de sociétaire de la CEIDF, il peut exercer ut singuli toutes les actions qui appartiennent à cette dernière et qu'elle s'abstient d'introduire ou de soutenir, au titre desquelles figure l'action ut singuli qui lui permet d'agir contre les dirigeants de la BPCE dont la CEIDF est actionnaire ;

Attendu qu'il indique également que la CEIDF en tant que composante majeure du groupe BPCE souffre elle-même d'un préjudice, qu'en sa qualité de sociétaire de la CEIDF, il est recevable à «exercer ut singuli» ;

- s'agissant de l'irrecevabilité de sa constitution de partie civile ut singuli pour absence de préjudice, que le préjudice résulte de l'image dégradée de la CEIDF et de BPCE à raison du scandale médiatique résultant de «l'imprudente nomination» de Monsieur François PEROL à la tête des deux sociétés et de l'acceptation par celui-ci de fonctions qui lui ont été confiées au mépris de la loi ; que la confiance des usagers d'une banque repose sur la conviction qu'ils ont de son honnêteté, c'est à dire celle de sa gouvernance et de ses collaborateurs ; que les usagers du système bancaire sont également des citoyens qui attendent que leur banque ne participe pas à des opérations contraires à la morale, valeur par ailleurs vantée par le groupe BPCE ; qu'il soutient encore que la prise illégale d'intérêts est un comportement qui suscite généralement l'opprobre et le rejet, particulièrement chez les petits déposants et épargnants dans le cas des banques ; que la question du retentissement du procès sur l'image de la BPCE a été clairement posée dans les médias ;

Sur ce :

Attendu que par application des dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce, «outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement,

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les actionnaires peuvent, [...] individuellement, [...] intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués» ; que par application des dispositions de l'article R. 225-70, «lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs actionnaires, agissant […] individuellement, [...] le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux» ;

Attendu qu'il est constant que Monsieur Nathanaël MAJSTER détient des titres au porteur de la CEIDF et que Monsieur François PEROL est Président du directoire de BPCE depuis le 31 juillet 2009 ;

Attendu dans ces conditions, que Monsieur Nathanaël MAJSTER ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 225-252 du Code de commerce afin d'intenter une action sociale ut singuli au nom de BPCE, laquelle est réservée aux seuls actionnaires de la société dont il est allégué que les intérêts ont été lésés ;

Attendu que Nathanaël MAJSTER, sociétaire de la CEIDF, elle-même actionnaire de BPCE, ne peut en effet se prévaloir d'un «actionnariat de deuxième rang», sauf à élargir la portée des dispositions susvisées, d'interprétation stricte ;

Attendu enfin que Monsieur François PEROL n'ayant pas la qualité d'administrateur ou de directeur général de la société CEIDF, l'action civile ut singuli exercée au nom de la société CEIDF à son encontre ne saurait également prospérer utilement ;

Attendu en conséquence qu'il convient de juger irrecevables les actions ut singuli exercées par Monsieur Nathanaël MAJSTER à l'encontre de Monsieur François PEROL tant au nom de BPCE que de la CEIDF ;

Sur la constitution de partie civile de Francis ANDICHOU :

Sur les conclusions :

Attendu que Monsieur Francis ANDICHOU demande au tribunal de dire sa constitution de partie civile bien fondée et de condamner Monsieur François PEROL au paiement de la somme d'un euro symbolique en réparation du préjudice moral ainsi que de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il fait valoir qu'il a été client de la Caisse d'épargne de 1982 à 2012 et qu'il est client de BPSO depuis 1979 ; qu'il précise que la BPSO comprenait la CASDEN dont il faisait partie ; qu'il indique qu'il s'agit de banques mutualistes animées de valeurs particulières auxquelles il est particulièrement attaché et qu'il a en conséquence, en sa qualité de mutualiste convaincu, été indigné par la nomination de Monsieur François PEROL à la tête de ces banques alors que ce dernier avait contrôlé et surveillé cette opération de fusion directement en collaboration avec le Président de la République, et ce, en dehors de tout contrôle hiérarchique ;

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Attendu qu'il argue de ce que l'infraction de prise illégale d'intérêts est un délit dont la finalité globale est d'éviter pour l'agent public tout conflit d'intérêts entre les affaires publiques et les affaires privées et de garantir ainsi son indépendance et son impartialité ; qu'il prétend que les faits reprochés à Monsieur François PEROL sont de nature à porter atteinte à l'image de la profession bancaire de la Banque Populaire et de la Caisse d'épargne et à la confiance qu'elles doivent inspirer et qu'ils ont fragilisé la Banque Populaire ; qu'il estime en conséquence avoir subi un préjudice moral en relation directe avec l'infraction à la loi pénale commise par Monsieur François PEROL ;

***

Attendu que Monsieur François PEROL conclut à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Monsieur Francis ANDICHOU pour défaut de préjudice direct et personnel entre les faits reprochés à Monsieur François PEROL et le préjudice allégué par l'intéressé ; que dans ses conclusions, il formule la question suivante : «faut-il déclarer recevable tout client d'une entreprise en raison du seul fait qu'il a été choqué par le comportement du dirigeant?» ;

Sur ce :

Attendu que par application des dispositions de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;

Attendu que le retentissement éventuel de la commission de l'infraction de prise illégale d'intérêts sur l'image de la profession bancaire ne saurait constituer un préjudice propre à Monsieur Francis ANDICHOU pris en sa seule qualité de client de la Banque Populaire, lequel n'est pas en charge de la défense des intérêts collectifs de cette profession ;

Attendu, au surplus, que le fait d'avoir été choqué par les faits reprochés à Monsieur François PEROL, ne saurait suffire, au seul motif que Monsieur Francis ANDICHOU est client de la Banque Populaire, à caractériser un préjudice direct ;

Attendu dans ces conditions qu'il convient de juger irrecevable la constitution de partie civile de Monsieur Francis ANDICHOU ;

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PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, en matière correctionnelle et contradictoirement à l’égard de Monsieur François PEROL, prévenu ;la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne COTE D'AZUR, la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne ILE DE FRANCE, la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne MIDI PYRENEES, la CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D EPARGNE DE BRETAGNE, la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne RHONE ALPES, la CGT DES PERSONNELS DE LA BANQUE-ASSURANCES AUVERGNE LIMOUSIN, la CGT DES PERSONNELS DU GROUPE BANQUE PALATINE, La Fédération CGT des PERSONNELS DES BANQUES ET ASSURANCES, le Syndicat CGT de la CEPAC, la Confédération Générale du Travail, parties civiles ;SUD BANQUE POPULAIRE CAISSES D EPARGNE, partie civile ;Monsieur Nathanaël MAJSTER, partie civile ;Monsieur Francis ANDICHOU, partie civile.

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

DECLARE Monsieur François PEROL NON COUPABLE et le RENVOIE DES FINS DE LA POURSUITE pour les faits qualifiés de :

PRISE ILLEGALE D'INTERETS

faits commis à Paris, courant 2009 et notamment les 25 Février, 26 février 2009 et le 31 juillet 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit,

SUR L'ACTION CIVILE :

DECLARE recevable la constitution de partie civile de la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne COTE D'AZUR, la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne ILE DE FRANCE, la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne MIDI PYRENEES, la CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D EPARGNE DE BRETAGNE, la CGT DES PERSONNELS DE LA Caisse d'épargne RHONE ALPES, la CGT DES PERSONNELS DE LA BANQUE-ASSURANCES AUVERGNE LIMOUSIN, la CGT DES PERSONNELS DU GROUPE BANQUE PALATINE, La Fédération CGT des PERSONNELS DES BANQUES ET ASSURANCES, le Syndicat CGT de la CEPAC, la Confédération Générale du Travail, parties civiles ;SUD BANQUE POPULAIRE CAISSES D EPARGNE, partie civile ;

DEBOUTE les parties civiles de l'ensemble de leurs demandes, compte tenu de la relaxe intervenue.

*

DECLARE IRRECEVABLE la constitution de partie civile de Monsieur Nathanaël MAJSTER.

DECLARE IRRECEVABLE la constitution de partie civile de Monsieur Francis ANDICHOU.

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Aux audiences 22 juin 2015, 24 juin 2015, 25 juin 2015, 29 juin 2015, 30 juin 2015 et 2 juillet 2015, le tribunal était composé de :

Président : Monsieur GHALEH-MARZBAN Peimane, premier vice-président adjoint,Assesseurs : Madame BRUERE Catherine, vice-président,

Monsieur ABASSI Marhez, vice-président,

Assistés de Madame LAVAUD Sandrine, greffière,

en présence de Madame DELAUNAY-WEISS Lovisa-Ulrika, procureur de la République financier adjoint et de Monsieur AMAR Patrice, premier vice-procureur financier.

Fait, jugé et délibéré par :

Président : Monsieur GHALEH-MARZBAN Peimane, premier vice-président adjoint,Assesseurs : Madame BRUERE Catherine, vice-président,

Monsieur ABASSI Marhez, vice-président,

Et prononcé à l'audience du 24 septembre 2015 à 13h30, de la 32ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, par Monsieur Peimane GHALEH-MARZBAN, premier vice-président adjoint, en présence de Madame Catherine BRUERE, vice-président, de Monsieur Patrick GERBAULT, juge, et de Madame Lovisa-Ulrika DELAUNAY-WEISS, procureur de la République financier adjoint et de Monsieur Patrice AMAR, premier vice-procureur financier, et assistés de Mademoiselle Sandrine LAVAUD, greffier.

et le présent jugement ayant été signé par le président et la greffière.

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT

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