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In Innover Informer Investir Juillet 2014

L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

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Page 1: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

In

Innover

Informer

Investir

Juillet 2014

Page 2: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

2

KAMITIS est une société spécialisée en expertise scientifique, en veille stratégique et technologique et en financement de l’innovation. Elle opère principalement auprès des entreprises innovantes mais également auprès des structures institutionnelles. KAMITIS réalise pour ses clients des états de l’art technologique, des études de marchés et des analyses technico-économiques. Elle les aide également à identifier et à obtenir les meilleurs financements pour leurs projets.

Lyon 6 Place Bellecour 69002 Pour plus d'informations : [email protected] - www.kamitis.com

Page 3: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

3

Édito ___________________________________________________________ 4

L’eau : enjeux et stratégies 4

Expertise scientifique _____________________________________________ 5

Des gènes qui influencent le choix des aliments 5 Une nanopuce pour la détection précoce des cancers 5

Haute précision dans l’élaboration de quantum dots 6

Financement _____________________________________________________ 7

Débloquer son CIR par une mobilisation de créance 7

Intelligence économique ___________________________________________ 9

Les grands barrages - marchés immenses et sans risque 9

Focus sur le projet « Grand Inga » 12

Focus ___________________________________________________________ 16

L’or bleu : promesses et enjeux 16

I3 _______________________________________________________________ 23

Advanced Membrane Technology 23

– par DAVID COHEN-TANUGI

Autour des technologies des membranes 25

– par PHILIPPE MOULIN

Quand les réseaux intelligents intègrent le comptage de l’eau 27

– par EDNA NAKATI

La seconde révolution des nanotubes 29

– par PASCAL BOULANGER

Soutenir l’innovation dans le domaine de l’hydraulique 31

– par ADELE WUDTAVEE

Sommaire

Page 4: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

4

L’eau : enjeux et stratégies

Nous évoquerons également les aménagements entrepris par l’homme pour répondre à ses besoins en eau, notamment à

travers l’édification des grands barrages, qui mobilisent beaucoup de ressources humaines et financières et qui ont des

conséquences parfois néfastes sur l’environnement.

Dans ce numéro, nos experts abordent plusieurs domaines relatifs à la gestion de l’eau. Ils nous présentent les différents

travaux de recherches qu’ils soutiennent et les innovations qu’ils portent au sein de leurs structures.

David Cohen-Tanugi, chercheur au département Materials Science and Engineering au Massachusetts Institute of

Technology, nous présente ses recherches concernant les technologies des membranes, notamment utilisées pour le

dessalement de l’eau ;

Philippe Moulin, président du Club Français des Membranes (CFM), nous parle du CFM et de son positionnement par

rapport aux technologies membranaires ;

Edna Nakati, System Marketing Manager chez ITRON, nous décrit les efforts entrepris pour la conception et le

développement de systèmes de comptages intelligents ;

Pascal Boulanger, Président fondateur de NaWaTechnologies, nous parle des nouvelles membranes conçues grâce à la

nanotechnologie ;

Enfin, Adèle Wudtavee, Chargée de communication chez INDURA, nous présente les travaux réalisés par ce pôle pour

soutenir l’innovation dans le domaine de l’hydraulique.

Bonne lecture,

Sans eau nous n’avons rien. Pas de vie, pas de culture, pas de société et pas

d’économie. L’eau est une ressource vitale, précieuse et dans certaines régions

du monde, elle est rare et source de maladies et de conflits. Relativement

abondante à l’échelle de la planète, elle reste inégalement répartie, et sa

disponibilité, comme sa qualité, font de plus en plus défaut.

Dans les quelques paragraphes qui suivent, nous verrons qu’au-delà de

l’approche économique, l’Or Bleu touche désormais aux questions de sécurité

stratégique des nations. Les inadéquations entre cette matière vitale et les

besoins de plus en plus élevés, provoquent un énorme déséquilibre social,

économique, culturel et politique, non seulement entre les régions du monde

mais aussi à l'intérieur de certains états.

Par KHALED BAAZIZ

Dirigeant de Kamitis

Édito

Page 5: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

5

Des gènes qui influencent le choix des aliments

Les gènes qui contrôlent la perception de l'alimentation

ont été identifiés. Une série de découvertes italiennes

montre en effet que la prédilection pour des aliments se

cache dans l'ADN. Cette découverte est le fruit du travail

d'un groupe de recherche de l'Université de Trieste et de

l'Istituto Burlo Garofalo, toujours à Trieste, coordonné

par Paolo Gasparini. Le résultat a été présenté lors de la

conférence de la Société européenne de génétique

humaine.

Ces découvertes s'insèrent dans le cadre plus général de

la compréhension des liens entre la génétique et la

nutrition, ou comment le génome change la perception

du goût. Elles ouvrent la voie à la création de régimes

personnalisés extrêmement efficaces non seulement

pour la perte de poids, mais aussi pour combattre les

maladies telles que l'hypertension ou le cancer. "Nous

pourrons prévoir par le profil génétique - explique Nicola

Pirastu de l'Université de Trieste- la nourriture que

chaque personne est le plus susceptible d'aimer ou pas.

Une des limites des régimes est due au fait qu'ils sont

souvent liés à des aliments considérés comme n'étant

pas bons, mais grâce à la génétique nous pourrons

comprendre pourquoi une personne n'aime pas les

épinards, par exemple, et trouver des moyens de les

rendre plus "acceptables".

Une nanopuce pour la détection précoce des cancers

Des chercheurs de l'Institut des Sciences Photoniques (ICFO) ont développé une nano-puce capable de détecter dans le sang les marqueurs de protéines du cancer, grâce à un système qui met à profit les plus récentes avancées en matière de plasmonique, de micro fluidique, de nano conception et de chimie des surfaces. La grande majorité des cancers sont détectés au niveau macroscopique, lorsque la tumeur est composée de millions de cellules cancéreuses, et que la maladie a déjà atteint un degré de maturité avancé. Pourtant, certains indices pourraient signaler la présence de cellules cancéreuses, y compris aux stades les plus précoces du développement de la maladie, à condition que l'on soit capable de les détecter : les marqueurs tumoraux. Des nanoparticules d'or implantées à la surface de la puce sont programmée avec un récepteur d'anticorps de telle sorte qu'elles soient capables d'attirer et de fixer les marqueurs tumoraux en circulation dans l'échantillon sanguin. Ainsi, lors de l'injection d'une goutte de sang dans la nano puce, l'échantillon circule à travers les micros canaux, et les marqueurs tumoraux présents se

fixent sur ces nanoparticules. Cette fixation provoque des variations dans ce que l'on appelle la résonance plasmonique de surface, et qui correspond à l'entrée en résonnance des électrons libres des atomes d'or et des photons. Le dispositif surveille ces variations, dont l'amplitude est directement liée à la concentration et au nombre de marqueurs tumoraux présents dans le sang du patient. Cela permet ainsi une évaluation directe du risque de développement d'un cancer chez un patient donné, grâce à une analyse dans la pratique aussi simple qu'une prise de sang.

Expertise scientifique

Page 6: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

6

Haute précision dans l’élaboration de quantum dots

Une équipe de recherche composée de physiciens de

l’institut Paul-Drud-Institut für Festkörperelektronik

(PDI) de Berlin, du NTT Basic Research Laboratories de

Atsugi au Japan, et du U.S. Naval Research Laboratory

(NRL) ont réussi à créer de façon parfaitement

reproductible des Quantum dots (appelés aussi «boîtes

quantiques») identiques. Cette avancée majeure,

publiée dans le numéro de Juillet 2014 du journal Nature

Nanotechnology, ouvre la voie à différentes applications

dans des domaines allant de la nanophotonique au

traitement d'information quantique.

La création de Quantum dots identiques exige que

chaque atome soit placé dans un endroit bien précis. Et

c’est en utilisant un microscope à effet tunnel (STM) et

partant d’un cristal d'arséniure d'indium que l’équipe,

menée par le Pr Stefan Fölsch, a réussi son pari de créer

des Quantum dots de façon parfaitement reproductible.

Les avantages d’une telle réalisation (qui permet de

s’affranchir des variations de la taille, la forme ou la

position des atomes) sont nombreux et offrent

notamment l'opportunité d'étudier la physique

fondamentale des boites quantiques et de mieux

comprendre les mécanismes de confinement

nanométrique.

Les états électroniques quantifiés d’un Quantum dot

composé de 22 atomes d’indium.

Image: Stefan Fölsch / PDI

References

1. http://www.ansa.it/scienza/notizie/rubriche/biotech/2014/06/04/scoperti-i-geni-che-influenzano-la-scelta-dei-cibi_f55d49ec-e5b8-4046-a59d-e892d8bdb3b8.html

2. http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/nl500574n

3. http://www.rdmag.com/news/2014/06/researchers-create-quantum-dots-single-atom-precision

Page 7: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

7

Financement

Débloquer son CIR par une mobilisation de créance

Les modalités de remboursement

En cas de déficit fiscal, ou de résultat ne générant pas

d’IS, plusieurs situations peuvent se présenter :

- Soit le remboursement est immédiat. C’est le cas

pour les PME, start-up et JEI.

- Soit la société constitue une créance qui sera

imputable lors des 3 exercices suivants. Ainsi, le

remboursement par le Trésor public peut avoir lieu

jusqu’à 4 ans après l’engagement des dépenses de

R&D par l’entreprise.

La mobilisation de créance

Les délais mentionnés ci-dessus peuvent être raccourcis

en utilisant une méthode de levée de fonds peu connue :

la mobilisation de créances.

En effet, les articles L 313-23 à L 313-35 du Code

monétaire et financier prévoient que la créance de CIR

peut être mobilisée auprès des établissements de crédit.

L’entreprise cède à l’organisme ses futures créances de

CIR à titre de garantie en contrepartie d’un financement

immédiat par ledit organisme.

Depuis 2013, l’article 35 de la loi de Finance rectificative

a par ailleurs étendu cette possibilité, de cession de

créances, aux organismes de titrisation.

Quels enjeux pour les entreprises ?

Comme présenté sur la figure ci-dessous, les ETI et

Grandes Entreprises ne représentent que 9,3% du total

des bénéficiaires du CIR, mais le montant qui leur est

accordé s’élève quant à lui à plus de 3,5 milliards d’euros

(soit 68,1% du montant total de CIR accordé en 2011

selon BPI France).

Ces entreprises souhaitent également accéder à un

remboursement rapide de leur créance CIR dans le but

de financer leurs éventuels décalages de trésorerie ou de

renforcer cette dernière afin de réinvestir et de

développer leurs activités.

Par ailleurs, cette opération finance le besoin en fonds

de roulement (BFR) sans altérer la capacité

d’autofinancement de l’entreprise, qui pourra prétendre

à un autre emprunt si nécessaire. En effet, la capacité

d’autofinancement est un signal fort quant à la capacité

d’une entreprise à couvrir ses dettes et à honorer ses

échéances en matière d’emprunt. Ainsi, une bonne

capacité d’autofinancement rassure les organismes de

prêt.

Par Alissa KACEM

Chargée de Veille - Kamitis

Le crédit d’impôt recherche (CIR) est un facteur important dans les décisions stratégiques en termes de planification et de localisation des services de R&D. Il permet aux entreprises, soit de déduire de l'impôt sur les sociétés une partie de leurs investissements en R&D, soit de récupérer la partie du CIR non imputable sur l’IS. Le crédit d’impôt est de 30% sur les dépenses de R&D éligibles jusqu'à 100 millions d'euros et de 5% au-delà.

* La titrisation est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que

des créances, en transformant ces créances, par le passage à travers une société ad hoc, en titres financiers émis sur le

marché des capitaux.

Page 8: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

Procédure et échéances

Pour s’assurer de la solidité de la créance,

l’établissement bancaire ou l’organisme de titrisation

sollicite les services d’un expert agréé par le ministère de

la Recherche afin de procéder à un audit complet de la

créance CIR.

Le dossier à expertiser doit comprendre :

- Une présentation générale des activités de

l’entreprise

- L’état de l’art de la recherche

- Les incertitudes techniques

- Les travaux menés et les résultats attendus

- Les dépenses de personnel et le justificatif du temps

passé par tâche.

Les délais et échéances de la créance

La créance est monétisée dans un délai maximal de 3

mois après acceptation et validation du dossier par

l’établissement bancaire ou de titrisation.

L’échéance du prêt a lieu 6 mois après la date de clôture

de l’exercice fiscal.

Le prêt peut-être prolongé si l’entreprise ne paye pas

d’IS, ou en tout cas pas suffisamment pour imputer

l’intégralité de son CIR. Le prêt est prolongé jusqu’à ce

que le Trésor public rembourse l’organisme (6 mois

après la déclaration du CIR pour une PME ou 36 mois

pour une ETI ou une GE).

PME 30.9 % (88.5%)

ETI 35.5 % (8.7%)

% des bénéficiaires sur un total de 14882 entreprises

% de CIR sur un montant total de 5166 Millions d'euros

Non renseigné

1.1 % (2.3%)

Grandes entreprises

32.6% (0.6%)

Figure : Répartition du CIR

Page 9: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

9

Intelligence économique

Les grands barrages - marchés immenses et sans risque

Dans les prochaines décennies, de gigantesques travaux

hydrographiques vont modifier l’aspect de notre

planète. Les barrages en seront les ouvrages les plus

significatifs.

Les barrages sont souvent présentés comme des

solutions au manque d’eau. Ils permettent de soutenir

l’agriculture irriguée, comblant à la fois les besoins en

eau et en nourriture. De plus, Les innovations

technologiques ont permis de développer les nouveaux

usages de l’eau retenue par un barrage : production

hydroélectrique1, développement industriel, expansion

urbaine ou encore protection contre les inondations.

Ainsi depuis quelques années, on observe la relance de

construction des grands barrages. L’objectif premier et

l’enjeu majeur reste en revanche l’énergie électrique.

De grandes entreprises françaises telles que GDF Suez2

et EDF sont bien positionnées sur ce marché. Des

institutions financières nationales et internationales

comme la Coface, la Banque européenne

d’investissement et la Banque mondiale3 participent aux

projets de réalisation de ces ouvrages.

A l’échelle mondiale, la Chine est le plus grand

constructeur de barrages. Près de la moitié des 50 000

grands barrages de la planète sont chinois et bon

nombre d’entre eux ont été construits au 21ème

siècle.

Des pays comme le Brésil, le Canada, les Etats Unis

d’Amérique, l’Inde ou le Japon ont également érigé un

nombre imposant d’ouvrages. Mais bâtir de grands

barrages exige la mobilisation d’importantes ressources

financières et humaines.

Mais ce sont surtout les ressources financières qui

freinent le développement de beaucoup de pays et c’est

donc par ce biais que plusieurs investisseurs publics ou

privés parviennent aujourd’hui à intégrer des projets de

grande ampleur. Il est vrai que dans certains pays,

surtout en Afrique, les opportunités sont nombreuses,

les ressources inexploitées et le marché immense.

L’Afrique subsaharienne possède un potentiel

hydraulique capable d’alimenter la totalité du

continent africain en électricité4. Un fleuve en

particulier est au centre de tous les intérêts : c’est le

fleuve Congo, le deuxième au monde par son débit

(40.000 m3/sec) après l'Amazone. Il présente un

potentiel hydroélectrique estimé à 100.000 mégawatts

(MW), soit plus du tiers du potentiel africain. Près de la

moitié de ces capacités de production énergétique est

concentrée sur le seul site d'Inga (40000 MW) à une

trentaine de kilomètres de la ville portuaire de Matadi.

Le barrage Inga 3, le premier des six barrages formant

le complexe du Grand Inga, est la solution imaginée

pour la région du Katanga. D’une puissance de

4 800 MW, ce barrage servirait à fournir en électricité

l’Afrique du Sud (2 500 MW) et le réseau congolais5 :

pour les populations (1 000 MW) et les opérateurs

miniers (1 300 MW) dont la production est limitée par le

manque d’énergie disponible (spécialement la région

Katanga6).

1

1

1 L’hydroélectricité est la principale source d’électricité renouvelable. Toutefois, au cours du temps, sa part a un peu diminué, passant de 20% à 15%

aujourd’hui. Car sa croissance n’a pas pu suivre la progression des besoins et que les grands barrages présentent un certains nombre de d’inconvénients : coûts d’investissements élevés, coûts humain et environnemental. La Chine est le plus grand producteur d’énergie hydroélectrique. En 2010, le pays a produit, 721 térawatts heure (TWh), ce qui a représenté 17% de sa consommation électrique. Selon l’Administration Nationale de l’Energie, la Chine a ajouté 29 gigawatts de capacité de production d'énergie hydroélectrique l'année dernière, pour un total de 278 GW. Si la Chine, le Canada et le Brésil sont aujourd’hui les plus gros producteurs, trois pays dépendent de l’hydraulique pour leur production électrique : la Norvège avec 98%, le Brésil avec 80% et le Venezuela avec 73%. 2

Le mégabarrage Jirau construit par GDF Suez en Amazonie, à proximité de la frontière bolivienne. 3

A l’image de la Chine et du Brésil, la Banque mondiale prévoit de financer ce type de structures particulièrement au Congo, Zambèze, Himalaya, etc. 4

Grace aux fleuves de l’Afrique centrale et notamment le fleuve Congo. 5

Exploité par la Société nationale d’électricité (SNEL) 6

Les besoins de l’industrie minière dans la région de Katanga sont estimés à 1 000 MW, et pourrait atteindre 2 300 MW d'ici à 2020.

Page 10: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

10

L'exploitation du barrage sera octroyée, sous forme de concession, à un consortium sélectionné sur appel d'offres. A ce

jour, trois consortiums ont manifesté leur intérêt : China Three Gorges Corporation et Sinohydro (Chine) ; Daewoo, Posco

(Corée du Sud) et SNC-Lavalin (Canada); Actividades de Construccion y Servicios ( ACS) et Eurofinsa (Espagne).

Figure 4. Hydroélectricité : les 10 premiers producteurs – données 2011-2012

L’échelle de volume est donnée par les volumes de production en TEP par an.

Une fois terminé, le complexe d’Inga devrait fournir plus

de 25 % de la production mondiale d’énergie électrique

d’origine hydraulique. Le Grand Inga fait d’ailleurs partie

d’un vaste plan d’interconnexion et d'harmonisation des

réseaux africains au cœur des programmes du NEPAD

(Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique)

avec peut être même, à terme, une distribution de

l’électricité pour l’Europe. D’ici là, un grand effort reste

encore à faire afin de déployer le réseau électrique et les

infrastructures adéquates tout en assurant la protection

de l’environnement.

En effet, d’autres « réservoirs de mégawatts » comme le

bassin de l’Amazone au Brésil, avec notamment la

construction du barrage de Jirau et celui de Santo

Antonio sur le rio Madeira, principal affluent de

l’Amazone, ont été au centre de différentes polémiques.

Ces ouvrages, très controversés et largement

médiatisés, sont aujourd’hui accusés d’avoir contribué et

aggravé l’impact des inondations meurtrières et

historiques que connaît le rio Madeira. Des études

d’impact environnemental ont été ordonnées par

décision de justice à l’encontre de GDF Suez et le

brésilien BTP Odebrecht.

D’après plusieurs experts en énergétique, l’Afrique peut être autosuffisante en énergie, même si pour l’instant le taux

d’électrification est extrêmement faible (de l’ordre de 30%), et que la majeure partie de la population n’a pas accès à

l’électricité. L’Afrique regorge de ressources : elle a un potentiel hydraulique considérable, notamment au niveau de la

région de l’Afrique centrale.

Page 11: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

11

Il a été démontré que le développement de

l’hydroélectricité cause beaucoup de problèmes

notamment au niveau de la protection de

l’environnement, et cela principalement à cause de

l’échec des différents acteurs (promoteurs, autorités,

investisseurs, etc.) à trouver un compromis entre le

développement hydroélectrique, les intérêts des

habitants locaux et la protection de l’environnement.

Malgré ces problèmes, les différentes nations persistent

à vouloir bâtir des barrages. Et pour beaucoup de

gouvernement, le meilleur moyen d’assurer la

croissance économique de leur pays est de mettre un

terme à la pénurie d’électricité et de moderniser les

infrastructures de transport d’énergie.

L’un des arguments en faveur de l’hydroélectricité reste

indéniablement son coût. L’énergie hydraulique est la

moins chère du marché. En effet, malgré leurs coûts de

construction colossaux, les barrages, une fois en place,

présentent très peu de frais de fonctionnement et de

maintenance. De ce fait, les gouvernements qui

cherchent à développer leurs parcs d'énergies

renouvelables, encouragent la construction de barrages.

Afin d’accélérer la construction des barrages et de

stimuler les investissements industriels, la Chine, plus

grand producteur d’énergie hydroélectrique, envisage

de modifier les prix de la production de cette énergie :

début 2014, la Commission des Reformes et du

Développement National (NDRC) a annoncé une

réforme qui vise à augmenter le prix que paient les

opérateurs du réseau pour utiliser les ressources des

centrales hydroélectriques7. En effet, le prix de l’énergie

hydroélectrique, plus bas que l’électricité générée par

d’autres formes traditionnelles (y compris le charbon),

est un obstacle pour le développement de

l’hydroélectricité. La commission explique que,

désormais, les prix de l’hydroélectricité seront basés sur

le prix général pour l’achat de l’'électricité ainsi que sur

le coût de construction des centrales hydroélectriques.

Les « grands » barrages ont donc un bel avenir devant

eux. Un avenir qui, comme le passé et le présent, est

caractérisé par des alliances stratégiques finement

établies, des partenariats économiques savamment

orchestrés mais aussi des retombées environnementales

trop peu considérée ou habilement ignorées.

Les besoins en eau ne cessant d’augmenter,

l’importance stratégique des pays disposant de cette

ressource ira croissant. Si les prévisions climatiques se

révèlent exactes et que la répartition de ces ressources

naturelles devient encore plus inégale, les pays riches en

eau vendront de plus en plus souvent leurs surplus à

ceux qui en manquent. Et les nations capables de

« couper le robinet » à d’autres auront alors un pouvoir

énorme. Mais si les pays situés en aval d’un bassin

fluvial sont de loin les plus riches et les plus puissants, le

développement économique des pays châteaux d’eau,

politiquement faibles, pourrait être entravés.

2

2 7 China's Policies and Actions for Addressing Climate Change (2013). http://en.ndrc.gov.cn/newsrelease/201311/P020131108611533042884.pdf

Page 12: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

12

Focus sur le projet « Grand Inga »

Par Camille BORLET

Chargée de Veille - Kamitis

Le fleuve Congo est le plus puissant fleuve du monde

après l’Amazone. Long de 4700km, il sert de frontière

naturelle entre la République démocratique du Congo, la

République du Congo et l'Angola.

Il présente un potentiel hydroélectrique estimé à

100.000 mégawatts (MW), soit plus du tiers du potentiel

africain. Près de la moitié de ces capacités de production

énergétique est concentrée sur le seul site d'Inga

(40000 MW) à une trentaine de kilomètres de la ville

portuaire de Matadi.

D’une puissance de 4 800 MW, ce barrage, appelé Inga3,

servirait à fournir en électricité l’Afrique du Sud

(2 500 MW) et le réseau congolais1 : pour les populations

(1 000 MW) et les opérateurs miniers (1 300 MW) dont la

production est limitée par le manque d’énergie

disponible (spécialement dans la région Katanga2).

3

3 Les besoins

Si les grandes entreprises du Nord et les institutions financières internationales se ruent vers les fleuves des pays du Sud pour y édifier de gigantesques barrages, aux conséquences environnementales et sociales lourdes, c'est en raison de la perspective de créer de nouveaux marchés autour de l’énergie hydroélectrique. Mais quelles sont les conséquences de ces ouvrages pharaoniques ? Et à qui bénéficient réellement ces nouveaux barrages ?

1 Exploité par la Société nationale d’électricité (SNEL)

2 Les besoins de l’industrie minière dans la région de Katanga sont estimés à 1 000 MW, et pourrait atteindre 2 300 MW d'ici à 2020.

Page 13: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

13

Le projet pharaonique, Inga, est le fruit de la

collaboration de différents acteurs du monde des

finances (Banque africaine de développement, Banque

européenne de l’investissement), du développement

(Banque de développement des Etats de l'Afrique

centrale ; Agence française de développement) ou

encore de l’ingénierie (China International Water &

Electric Corporation ; EDF ; GDF Suez).

En 2013, un accord est signé entre ces mêmes entités

dans le but de construire le projet « Grand Inga », le plus

grand complexe hydraulique du monde, à proximité des

chutes éponymes en République Démocratique du

Congo (RD Congo). La Banque mondiale a donné son

feu vert pour ce projet de grande envergure, qui viendra

détrôner le barrage des Trois Gorges en Chine, qui

détient actuellement le record du plus grand barrage du

monde. Ce plan intègre plusieurs sous-projets : la

construction d’un troisième barrage dans la région,

l’Inga 3 ; ainsi que des travaux de rénovations pour

l’ensemble de ces constructions préexistantes datant

des années 1970, l’Inga 1 et l’Inga 2, qui nécessitent

d'importants travaux de rénovations.

Contexte difficile

L’Afrique subsaharienne souffre d’un déficit durable et

chronique d’énergie électrique : seulement 31 % de la

population a accès à l’électricité, ce qui laisse près de

600 millions de personnes sans accès (selon des chiffres

officiels, 9% de la population congolaise dispose

aujourd’hui d’un accès à l’électricité). Effectivement, le

prix moyen de l’électricité dans cette région du monde

est de 0,12 dollar/kWh, soit deux fois plus élevé que dans

les autres pays en développement. De par les

constructions existantes, complétées par ce projet, le

Congo serait ainsi doté d’un énorme potentiel

hydroélectrique estimé à 100 GW (soit le troisième plus

grand au monde derrière la Chine et la Russie). Cette

source d’énergie renouvelable serait disponible en

grande quantité, rentable grâce à son faible coût de

production (environ 0,05-0,07 dollar/kWh), permettant

ainsi de concurrencer d’autres technologies comme

l’énergie thermique, éolienne et solaire.

Selon Jim Yong Kim, directeur de la Banque Mondiale,

et fervent défendeur du projet Grand Inga: « Le

développement responsable de l’énergie hydraulique peut

fortement contribuer à mettre fin à la pauvreté et à

promouvoir une prospérité partagée sur le continent

africain par la fourniture d’une source d’énergie rentable

pour les ménages et les entreprises et l’amélioration du

bien-être humain. ». La centrale d’Inga 3 fournira un

nouvel accès à l’électricité à sept millions d’habitants de

la région métropolitaine de Kinshasa. Par ailleurs, le

développement de trois projets hydroélectriques de

moyenne puissance permettra à deux millions de

personnes d’accéder à l’électricité dans l’arrière-pays

rural.

Etat actuel du projet Projet « Grand Inga »

Page 14: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

14

Cependant, les voix dissonantes avertissent de l’arrivée

d’une catastrophe écologique et sociale : comme

l’indique l’organisation Les Amis de la Terre dans leur

rapport intitulé « A qui profitent vraiment les grands

barrages ? »3, de telles constructions alimenteraient

ainsi la corruption et les conflits locaux, laissant

notamment la majorité des Congolais sans électricité

contrairement à ce qui était annoncé par la Banque

Mondiale. Sans compter le nombre important de locaux

à déplacer puisqu’afin d’élever le réservoir d’Inga 3, la

vallée de la Bundi (d’une superficie de 330 km2) sera

rayée de la carte, forçant ainsi la délocalisation de ses

habitants vers des villes proches telles que Matadi.

L’association avait notamment profité du Forum

alternatif mondial de l’eau en mars 2012 pour

sensibiliser le public sur les grands barrages, et dénoncer

leurs impacts, ainsi que l’engouement des acteurs

financiers internationaux pour cette forme d’énergie « ni

verte, ni propre ».

Effectivement, il est nécessaire de relativiser la propreté

de cette énergie, dite « non émettrice de CO2 ». Si le

processus de production n’émet pas lui-même de gaz à

effet de serre, la construction de ces barrages, parfois

pharaoniques, implique l’utilisation et le transport de

matériaux qui alourdissent considérablement le bilan

carbone de cette énergie. Par ailleurs, le réservoir du

barrage est constitué en inondant des zones de culture

et de forêts riches en matières organiques. Ces matières

se décomposent ensuite dans le réservoir, émettant de

grandes quantités de gaz (méthane, protoxyde d’azote)

à très fort effet de serre. Au total, les grands barrages

sont responsables de 4% des émissions mondiales de

gaz à effet de serre (soit plus que le secteur aérien).

De plus, suite à la mauvaise gérance sous le régime

Mobutu et la situation de guerre depuis 1997 au Congo,

le barrage Inga 2 et son voisin Inga 1 sont dans un état

de délabrement réduisant leur capacité de production

électrique à 20 %, faute de pièces de rechange. Par

manque d’entretien également, les jacinthes d'eau sont

l'une des principales causes d'encombrement du barrage

et de dégradation de ses turbines. Les centrales

électriques ne parviennent même plus à assurer une

alimentation fiable à la seule ville de Kinshasa, alors que

les projets initiaux prévoyaient une alimentation de

toute l'Afrique australe, justifiant également la

construction de la ligne électrique Inga-Shaba.

Cependant, le potentiel désastre écologique que

représente le projet Grand Inga ne semble pas effrayer

les fonds d’investissement et les autorités locales. La

Banque africaine de développement, la Banque

mondiale et d’autres investisseurs vont prêter

150 millions de dollars pour lancer le chantier, dont la

première phase d’Inga 3 coûtera la somme de

12 milliards de dollars. Soit un investissement

représentant plus du tiers du PIB annuel du RD Congo

(30,63 milliards en 2013).

Alors, pourquoi un tel engouement des organisations,

notamment chinoises, pour ce projet alors qu’elles

détiennent déjà le plus grand complexe hydroélectrique

au monde (le barrage des Trois-Gorges) ?

Figure : Ressources minières du RD Congo4

4

3 http://issuu.com/amisdelaterre/docs/plaquettebarrages/1?e=0

Page 15: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

15

Les principales causes aux intérêts chinois en RD Congo

sont les ressources naturelles dont dispose ce dernier,

en particulier les régions boisées du Bundi ou les

richesses minières de l’est et du sud du pays

(notamment dans le Katanga). En effet, la RD Congo

possède des gisements contenant une cinquantaine de

minerais recensés, même si uniquement une douzaine

de ces derniers est exploitée: le cuivre, le cobalt,

l’argent, l’uranium, le plomb, le zinc, le cadmium, le

diamant, l’or, l’étain, le tungstène, le manganèse et

quelques métaux rares comme le coltan. Le pays recèle

plus de la moitié des réserves mondiales de cobalt, 10%

de celles de cuivre, 30% de celles de diamant et plus de

70% des réserves de coltan (3/4 des réserves mondiales),

un minerai qui entre dans la composition de produits de

haute technologie. De plus, plusieurs gisements d’Or, de

germanium, de manganèse, de bauxite et de minerai de

fer restent encore inexploités.

Consciente du poids stratégique du RD Congo, la Chine

a noué des partenariats d’investissements en

infrastructures contre des concessions minières. Ainsi la

province du Katanga compte aujourd’hui environ 300

entreprises métallurgiques chinoises, la plupart

installées dans la région du Lubumbashi surnommée « la

capitale du cuivre ». En effet, à l’image de la CDM, le

plus gros producteur de cobalt chinois, 50 entreprises

chinoises s’y sont établies, et fondent le minerai pour

l’exportation.

Figure : Les 14 matières premières minérales qualifiées de « critiques » par l’UE - http://globalmetal.fr/metaux-strategiques/

Il est vrai que la Chine est l’un des pays où se trouvent les

principales concentrations de minerais de terres rares.

(Carte ci-dessus). Or, l'impact de l'exploitation de ces

derniers sur l'environnement conduit aujourd’hui à des

conséquences sociales majeures en Chine. Cela pousse

le gouvernement à mieux rentabiliser son monopole4

pour en équilibrer les effets néfastes et pour mettre en

place les processus coûteux permettant de réduire

l'impact environnemental. Cette situation mène donc la

Chine à explorer d’autres sites et explique en partie sa

présence en RD Congo ainsi que son soutien au projet de

barrage.

5

4

Du fait de l'impact environnemental désastreux, les exploitations de ces minerais se sont arrêtées partout dans le monde, hormis en

Chine où les autorités se sont montrées peu regardantes sur la pollution générée. Ainsi depuis 2010, la Chine assure un quasi-monopole de la production de terres rares dans le monde.

Etats-Unis Béryllium 85%

Brésil Niobium 92%

RD Congo Cobalt 41%

Afrique du Sud Platine 79%

Chine Antimoine 91% Germanium 72% Graphite 72% Indium 58% Magnesium 56% Terres rares 97% Tungstène 78%

Page 16: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

16

Focus

L’or bleu : promesses et enjeux

Source abondante…

Différentes estimations des ressources mondiales en

eau ont permis d’évaluer le volume total d’eau sur la

planète à 1,4 milliards de km3. L’eau douce représente

environ 2,5% du volume total (35 millions de Km3),

dont :

68,9% (24 millions de km3) sont stockés à l’état

solide (dans les calottes glacières et dans la

couverture neigeuse persistante et pour l’essentiel,

piégés dans les glaces de l’Antarctique et du

Groenland.

30,8% (8 millions de km3) se situe sous la terre dans

les nappes phréatiques, les bassins souterrains, les

marécages, etc.

0,3% soit 105000 km3 sont réparties dans les lacs, les

rivières, etc.

Figure 1. Ressources mondiales en eau

Par Myriam TISSEAUX Chargée de développement - Kamitis

Pour les états, l’enjeu de l’eau est un problème d’adéquation entre les besoins et

les ressources disponibles, ce qui induit des questions d’accessibilité et de

partage et se traduit par différentes solutions de gestions du stress hydrique.

Certaines nations ont opté pour des politiques de construction d’importants

ouvrages hydrauliques. D’autres privilégient l’appropriation de terres cultivables

avec une grande capacité d’irrigation.

Quelle que soit l’option retenue, la gestion durable de cette ressource

indispensable s’impose à tous : dans certaines régions du monde, elle est rare et

source de maladies et de conflits car elle touche désormais aux questions de

sécurité stratégique des nations.

97.4 %

2.6 %

Eau salée

Eau douce

STOCKS MONDIAUX

EAU DOUCE

Eaux souterraines

30.8%

68.9%

Glaciers et couverture neigeuse permanente

0.3% Lac et reservoirs

Page 17: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

17

L’eau facilement accessible (rivières, nappes

souterraines) ne représente que 0,7% du stock d’eau

mondial, à savoir 40 000 km3 (environ 6 500 m

3 par

habitant et par an). Il est certain que cette quantité

globale disponible couvre les besoins de l’humanité et

suffit à préserver les écosystèmes. En revanche, la

répartition géographique et sociale de cette richesse à

l’échelle planétaire reste inégale. De plus la mauvaise

gestion de l’eau participe à la dégradation de sa qualité

et concourt au stress hydrique et aux conflits que nous

exposerons plus bas.

… mais inégalement répartie 6

Avec 2,6% d’eau douce sur la terre, cette ressource est renouvelable car elle est formée par le cycle de l’évaporation qui

rend cette quantité disponible toujours constante.

A cause de problématiques techniques d’accessibilité, les réserves d’eau douce, essentiellement concentrée dans les

inlandsis de l’Antarctique (28 millions de km3) et du Groenland (2,6 millions de km

3), ne sont pas exploitées pour le

moment. Reste alors les réserves sous-terraines (approximativement 10,5 millions de km3) plutôt bien réparties entre les

continents mais souvent difficile d’accès. Les eaux superficielles sont pour une grande partie stockées dans les lacs

(123 000 km3)

1. Selon la banque mondiale 1,5 milliard d’humains n’ont pas accès à l’eau potable et 400 millions survivent

en zone de pénurie.

Projection pour 2050

6

On parle de pénurie lorsque la consommation dépasse 75% des ressources. La situation est déjà préoccupante quand

elle atteint 60%. En 2030, les prélèvements en Europe sont estimés à 12% de la ressource, la consommation à 4.5%,

avec des chiffres contrastés : 32% en Espagne, 8% en France, 2% en Scandinavie. La situation est tout autre en zones

arides (certains pays du Maghreb, du Moyen Orient et de l’Afrique subsaharienne).

Du point de vue administratif, le manque d’eau se définit comme une situation pour laquelle la disponibilité en eau

renouvelable pour un pays ou une région est inférieure à 1000 m3 par personne et par année. En deçà de cette

quantité, la moindre sécheresse peut s’avérer catastrophique.

1 Le volume présent dans les fleuves est estimé à 1 300 km3, l’atmosphère et la biosphère étant négligeable.

Selon des données recueillies en 2011 (Rapport de l’ONU) :

Fin 2011, 89% de la population mondiale avait accès à une source d’eau potable améliorée et 55% disposait de

l’eau courante. 768 millions d’individus n’avaient alors aucune source améliorée d’eau potable, dont 185

millions étaient tributaires des eaux de surface pour leurs besoins quotidiens.

Il existe toujours des disparités frappantes entre les populations résidantes en zone rurale et celles habitant les

villes. Les citadins comptent pour trois-quarts des individus qui ont accès à l’eau courante. Les communautés

rurales abritent 83% de la population mondiale n’ayant pas accès à une source améliorée d’eau potable et 71%

des personnes qui vivent sans assainissement.

Des pays comme le Canada, la Russie, une grande partie

de l’Europe ainsi que de l’Amérique disposent

d’importantes réserves en eau et ne présentent pas de

risque de pénurie. Dans certaines régions des Etats-

Unis, de l’Inde ou de la Chine, le risque de concurrence

est bien présent. L’Afrique Sub-saharienne connaitra

très probablement une situation critique à cause du

manque d’investissements. Enfin, les risques de pénurie

sont élevés pour l’Afrique du Nord, le moyen Orient,

l’Asie centrale, le sud de l’Inde, la Chine du Nord et

l’ouest des USA car les populations utiliseront l’eau à un

rythme plus rapide que le taux naturel de

renouvellement.

Page 18: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

18

Figure 2. La situation hydrique en 2050

L’accroissement démographique de la population

mondiale (1 milliard d’habitants en 1800, 6 milliards en

2001 et 8 milliards en 2015) est l’une des principales

causes de pénurie.

En effet le besoin des hommes qui va croissant aggrave

l’inégale répartition des ressources en eau, les conflits

entre les usages et participe à l’altération de la qualité

de l’eau.

LES BESOINS EN EAU 7

Dans le monde, l’eau est utilisée à 70% pour

l’agriculture, à 20% pour l’industrie et à 10% pour la

consommation domestique (alimentation et hygiène).

Avec la croissance continue de la population mondiale et

l’élévation du niveau de vie moyen, des différences

saisissantes et de fortes disparités d’usages sont à noter

en fonction des continents et des régions (Plus de 200

litres/jour en Europe, 500 litres/jour en Australie ou aux

USA…).

7

Mais aujourd’hui, c’est à l’agriculture irriguée que l’on

doit la sur-utilisation d’eau dans le monde : en Inde, en

Chine ou au Mexique, près de 85% de l’eau douce est

consommée pour l’agriculture alors qu’en France, ce

taux est d’environs 20%.

Afin d’assurer la survie alimentaire, il faut environ 1000 litres d’eau pour produire 1 Kg de blé, 400 L pour 1 Kg d’orge,

100 L pour 1 Kg de pommes de terre, 13000 L pour 1 Kg de bœuf ou encore 4000 L pour 1 Kg de volaille. L’enjeu du

futur étant bien entendu de nourrir 9 milliards d’individus en 2050 !

2 L’irrigation intensive peut avoir de graves conséquences sur l’environnement comme le montre l’exemple de la Mer d’Aral en Asie

Centrale. Avec le développement de la culture intensive du coton au Kazakhstan et en Ouzbekistan, l’irrigation a peu à peu réduit les

débits des fleuves Amou Daria et Syr Daria avec des pertes considérables (40% de l’eau prélevée arrivait aux cultures irriguées). Cela a eu

pour conséquence l’assèchement de la Mer d’Aral dont la surface a diminué de 30% depuis 1960.

Ressource abondante

Pénuries structurelles

Pénuries conjoncturelles

Situation critique par manque d’investissement

Non estimé

Page 19: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

19

LE CAS DE LA FRANCE

D’après le Service de l'Observation et des Statistiques (SOeS), 28,3 milliards de m3 d’eau douce ont été prélevés en France

métropolitaine en 2010, et cela pour différents usages : la production d’électricité (61%), l’eau potable (19%), l’irrigation

(11%) et l’industrie (9%).

Figure 3. Prélèvements d’eau douce en France – données 2010

Notons que ces quantités d’eau ont été prélevées à partir d’eaux de surface à hauteur de 78% et d’eaux souterraines à hauteur de 22%.

Figure 4. Evolution des prélèvements en eau par usage

Si le volume total prélevé dans les ressources en eau baisse depuis les années 2000, les évolutions selon les usages

diffèrent. Concernant l’industrie et les autres usages économiques, les prélèvements diminuent depuis la fin des

années 90, alors que pour la production d’eau potable, la baisse est plus récente. Pour les prélèvements agricoles, les

changements successifs de mode de calcul ne permettent pas de donner de tendance3.

8

3 À partir de 2008, l’estimation de certains prélèvements pour l’irrigation a été modifiée et les données ne sont plus comparables.

Source : agences de l’Eau, 2012. Traitements : SOeS, 2013.

Production d'électricité

Eau potable

Agriculture

Industrie

17%

11%

9%

61%

Prélèvements d’eau douce en France en 2010.

Page 20: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

20

LE CAS DE L’UNION EUROPEENNE 9

Au niveau de l’Union Européenne, les prélèvements

d'eau par usage varient d'un état à un autre. Cela est dû

aux contextes géographiques et climatiques très variés

dans lesquels évoluent les différents pays, mais aussi à

leurs situations économiques et démographiques très

distinctes.

218 km3 d'eau sont prélevés dans l'Union Européenne

chaque année4. La France, l’Allemagne, l'Italie et

l'Espagne totalisent plus de la moitié des prélèvements

totaux. En termes de prélèvement par habitant, le

Danemark, la Suède, le Luxembourg, les Pays Bas et le

Royaume Uni comptent parmi les pays dont les

prélèvements d'eau par habitant sont les plus bas. Alors

que l'Italie, le Portugal et l'Espagne arrivent en tête

devant l’Allemagne et la France.

Dans certains pays comme le Danemark, le

Luxembourg, ou le Royaume Uni, plus de 40 % des

prélèvements sont effectués pour l'approvisionnement

en eau potable et la consommation domestique. Dans

d’autres pays c’est pour le secteur de l’énergie que les

prélèvements sont les plus importants, notamment pour

la production d'électricité par exemple en Belgique, en

Allemagne, en France et aux Pays Bas. Citons

également les pays du Sud tels que l'Italie, l'Espagne, la

Grèce ou encore le Portugal, où l'agriculture est plus

consommatrice en eau.

Ce n’est pas le cas dans les pays d'Europe du Nord : La

Finlande et la Suède, par exemple, prélèvent très peu

d'eau pour l’agriculture, mais énormément d’eau pour

l’industrie (notamment pour la production de cellulose

et de papier).

Globalement, l'Europe consomme chaque année 180

km3 d'eau dont 80 km

3 en Europe de l'Ouest. La

demande en eau par habitant y est également plus

faible comparée à l’Asie. Cette relative faiblesse résulte

essentiellement des pratiques agricoles mieux maitrisée

(cultures moins gourmandes en eau, irrigation moins

utilisée…).

9

ET DANS LE MONDE

Au cours du siècle dernier, la consommation d'eau dans

le monde a été multipliée par six, soit deux fois plus vite

que le taux de croissance démographique. Cela dit, la

croissance de la demande en eau varie fortement d'un

pays à l'autre. Elle dépend de plusieurs facteurs comme

le développement économique des pays ou le nombre

de leur population ainsi que de la ressource elle-même.

On constate que les pays les plus consommateurs d'eau

l’utilisent d'avantage pour l'irrigation et l'industrie.

»» Selon la FAO (Food and Agriculture Organization),

en 2012, le volume d'eau douce prélevé au niveau mondial

était de 3 890 km3 (représentant 555m3 /habitant/an).

Les prélèvements d'eau sont fortement concentrés

puisque les cinq pays les plus utilisateurs cumulent 60 %

du total mondial. L'importance de leur population ainsi

que les activités économiques du pays (agriculture et

industrie) expliquent cette prédominance.

Chine (1,240 milliard habitants) 525 km3/an

Inde (970 millions habitants) 500 km3/an

USA (270 millions habitants) 467 km3/an

Pakistan (146 millions habitants) 155 km3/an

Russie (146 millions habitants) 77 km3/an

En termes d’usages, l’agriculture arrive en tête. En effet,

environs 70% de l'eau prélevée est utilisée pour

l'irrigation. Ce taux peut atteindre 90% dans certaines

régions du globe. Les usages industriels représentent

quand à eux 20%, les usages domestiques 10%.

De nos jours, l’agriculture est donc l'activité humaine

utilisant la plus grande quantité d'eau. Elle est

majoritairement consacrée à l'irrigation des cultures6.

En réalité, c’est avec près de 20% de terres irriguées (310

millions d'hectares) dans le monde (5% en Afrique et

35% en Asie) que l’on produit près de 40% de

l'alimentation mondiale.

4 Source Eurostat

5 Source : World Resources Institute 2011

6 Les terres irriguées assurent une productivité 2,7 fois supérieure à celles des terres arrosées par la pluie. Plus des deux tiers des terres

irriguées se trouvent en Asie dans les territoires à forte densité de population où la forte croissance démographique a justifié une intensification de la riziculture. Actuellement, sur 1,5 milliard d'hectares de terres cultivés, on compte 310 millions d'hectares irrigués. Depuis 1960, les surfaces irriguées ont environ doublé dans le monde et le recours à l'irrigation va devenir de plus en plus indispensable dans l'agriculture pour répondre à l'augmentation des besoins alimentaires et nourrir les 9 milliards d'individus qui peupleront la terre en 2050. Source Aquastat – Base de données : http//fao.org/nr/aquastat– FAO 2012.

Page 21: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

21

Les variations en fonction des régions sont très

importantes, en raison du climat, des techniques

d'irrigation utilisées, du type de cultures et du

rendement des récoltes. 32% des prélèvements vont à

l'agriculture en Europe contre 84% en Afrique et 88% au

Moyen-Orient. Tous ces chiffres traduisent le rôle très

important de l'irrigation et ses enjeux stratégiques

croissants. Mais les secteurs de l’industrie et de l’énergie

ne sont pas en reste. A l’échelle mondiale, les

prélèvements d'eau à des fins industriels et énergétiques

représentent près de 800 km3/an, soit 20% des

prélèvements totaux. Dans les pays d’Europe ou

d’Amérique du Nord, où l’usage industriel et

énergétique est dominant, plus de 60 % des

prélèvements en eau y sont destinés. Ces mêmes

prélèvements sont en constante hausse dans les pays du

Sud dont l’essor économique s'accentue.

Enfin, l'eau domestique ne représente qu'un dixième des

prélèvements au niveau mondial. Ce taux varie de

quelques pour cent dans les pays les plus pauvres et

n’atteint que 20% pour certains pays développés.

QUALITE DE L’EAU

A l’échelle mondiale, l’approvisionnement en eau

potable n’est pas homogène : dans les pays d’Europe et

les pays développés cet approvisionnement est

satisfaisant. Mais dans beaucoup de pays

(particulièrement en Asie et en Afrique) l’eau n’est pas

toujours potable. Les risques pour la santé sont liés à la

présence d'agents infectieux, de produits chimiques

toxiques ou encore à des dangers de nature

radiologique. Louis Pasteur avait affirmé que « nous

buvons 90% de nos maladies ». En effet, l’eau non

potable cause diarrhée, choléra, fièvre typhoïde, et dans

beaucoup de cas entraine la mort.

Ainsi, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé :

près d’un milliard de personnes n’ont pas accès à une source d’approvisionnement en eau améliorée.

chaque année, deux millions de décès sont attribuables à l’insalubrité de l’eau et à l’insuffisance de

l’assainissement et de l’hygiène.

plus de 50 pays notifient encore des cas de choléra à l’OMS.

l’utilisation croissante des eaux usées en agriculture offre certes des possibilités de revenu, mais est également

associée à des risques importants pour la santé publique.

Du fait de la pollution, l’eau naturelle n’est pas

directement consommable. Avant d’être redistribuée,

elle doit être analysée et traitée.

La présence de polluants chimiques dans les

écosystèmes aquatiques est largement documentée.

Les pouvoirs publics ont déployé un certains nombre de

plans pour suivre et maîtriser les contaminations. La

recherche dans ce domaine est très active. Les

connaissances sur la bioaccumulation et les transferts de

contaminants dans les systèmes aquatiques ont permis

de définir des seuils de gestion des eaux et des

sédiments contaminés (PCB, Composés perfluorés,

alkylphénols, etc). Aujourd’hui, des biomarqueurs

permettent aisément de détecter et de caractériser les

effets des contaminants chimiques.

Pour autant, les questions adressées à la recherche

restent nombreuses. Parmi ces interrogations, celles

relatives aux contaminants dits « émergents ».

En effet, des inquiétudes sont apparues concernant la

présence de certains polluants dans l’eau potable et les

écosystèmes aquatiques. Ces substances sont soit de

nouvelles molécules (récemment synthétisées), soit des

molécules que l’on vient seulement d’être capable de

détecter et d’analyser. Du fait des lacunes concernant le

comportement de ces polluants « émergents » dans

l’environnement (eaux, sols, organismes vivants, etc.) et

leur impact sur la santé et la vie des écosystèmes, de

nombreuses questions restent adressées à la recherche.

D’après l’OMS une eau est considérée comme « potable » ou « salubre », dès qu’il est possible de la consommer sans

risque. Elle répond donc à des normes microbiologiques, physiques et chimiques très précises.

Page 22: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

22

Les résidus pharmaceutiques représentent également

un défi majeur pour la recherche scientifique. Ils sont

aujourd’hui omniprésents dans notre environnement

(eaux profondes, eaux de surfaces, eaux de boisson,

mais aussi dans les organismes vivants : poisson,

oiseaux, etc.). Ces résidus proviennent de l’industrie

pharmaceutique (usines de formulation ou de

conditionnement), des élevages (dont les rejets sont

souvent chargés en résidus pharmaceutiques) mais

également des effluents des stations d’épuration

urbaines7. Une gestion optimisée des effluents

hospitaliers doit donc être développée et l’identification

de ces résidus ainsi que l’étude de leur potentiel nocif

(notamment écotoxicité) doivent être réalisés.

GESTION DE L’EAU10

Le prix de l'eau dépend de différents facteurs, et

particulièrement de celui de la qualité de la source dans

laquelle l’eau est puisée. Le prix dépend également de la

densité de la population, de la performance du réseau

de distribution et des choix des collectivités (niveau de

service proposé aux consommateurs, investissement

dans les infrastructures, etc.).

Le marché français de l’eau et de l’assainissement est

dominé par les groupes français Veolia Environnement

et Suez Environnement. Ces deux groupes réalisent à

eux deux près des deux tiers du chiffre d’affaires

sectoriel. Bien positionnés auprès des collectivités, ils

assurent la production, la distribution et

l’assainissement de l’eau. Ils interviennent également

dans l’entretien et la modernisation des réseaux.

Le marché français étant atone, les grands groupes tels

que Veolia Environnement et Suez Environnement ont

opté pour une croissance à l’international. Suez

Environnement a ainsi signé en juin 2013 un contrat de

28 millions d’euros avec la commune tchèque de

Benešov. Le contrat portait sur la gestion durant 10 ans

10

des services d’eau et d’assainissement de la

municipalité. Veolia Environnement a pour sa part

décroché, en avril 2012, un contrat (36 millions de

dollars) portant sur l’optimisation de la performance des

services de distribution et d’assainissement d’eau avec

les autorités de New York. En mai 2013, le groupe a

remporté un contrat (130 millions d’euros) pour la

construction de trois unités de traitement des eaux

brutes et usées pour l’usine brésilienne du groupe

papetier chilien CMPC.

Les impératifs économiques, le changement climatique

ainsi que les pénuries en eau dans certaines régions du

monde ont initié le recours à des solutions alternatives :

récupération des eaux de pluie avec double circuit

ménager, récupération de l’humidité et du phénomène

de condensation (Warka water), captation des nuages

en altitude, transfert de l’eau par bateaux citernes, etc.

Cela dit les moyens les plus répandus restent

l’édification de structures de traitement ou de rétention

d’eau (tels que les usines de traitement et de

dessalement ou les barrages).

7 Il est aujourd’hui établi que les stations d’épuration sont globalement peu efficaces pour le traitement des résidus pharmaceutiques.

En particulier, ceux issus de l’activité hospitalière.

Page 23: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

23

I3 ce sont trois interrogations pour échanger avec un expert sur l'environnement de

l'entreprise.

Nous nous intéressons dans cette édition à cette ressource vitale qu’est l’eau. Nos invités aujourd’hui sont David Cohen-Tanugi, chercheur au département Materials Science and Engineering au Massachusetts Institute of

Technology ; Philippe Moulin, président du Club Français des Membranes ; Edna Nakati, System Marketing Manager chez ITRON ; Adèle Wudtavee, Chargée de communication chez INDURA et PASCAL BOULANGER, Président fondateur de NaWaTechnologies. Ces experts nous présentent les travaux de recherches qu’ils soutiennent et les innovations qu’ils portent au sein de leurs structures.

Kamitis: The future security of freshwater resources around the world is of increasing concern. Can you present us

your research concerning desalination?

D. COHEN-TANUGI: I am using nanotechnology to make

water desalination more energy-efficient, accessible and

economical. While we traditionally had access to

groundwater and surface water (e.g. rivers) to meet all

our needs, these resources are becoming increasingly

scarce as well as polluted. As a result, many countries

are starting to look at desalination, which involves

obtaining fresh water from a saltwater source like the

ocean. In the past, only desert countries such as Saudi

Arabia relied on desalination, but nowadays cities as

diverse as Mumbai, Beijing and San Diego are also

resorting to large desalination plants to meet their

water needs.

I am in the fourth year of my Ph.D. studies in the

Department of Materials Science & Engineering at MIT.

Together with my adviser, Professor Jeffrey Grossman,

and two fellow graduate students, Shreya Dave and

Brendan Smith, we are working to design, produce and

test new membranes that would desalinate water more

efficiently. In 2012, we predicted using computer

simulations that a material called nanoporous graphene

would reject salt thanks to sub-nanometer pores while

letting water flow at 1000 greater permeability than

conventional polymer membranes. This prediction was

followed by an avalanche of new interest in water

purification applications among physicists and materials

science, which is very good news.

Since 2012, we have made significant progress in

understanding how such a membrane would work and in

exploring the best pathways to produce this material

and fully leverage its benefits for society.

I3

ADVANCED MEMBRANE TECHNOLOGY

DAVID COHEN-TANUGI Ph.D. Candidate Department of Materials Science and Engineering, Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, Massachusetts 02139, United States.

CONTACT: [email protected]

http://www.mit.edu/~dctanugi

” I am using nanotechnology to make water desalination more energy-efficient,

accessible and economical.”

Page 24: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

24

Kamitis: You also studied nanostructures like graphene for water desalination. Are nanomaterials a strategic lever for

next generation membranes for clean water technology?

D. COHEN-TANUGI: I believe we need several revolutions

in the water sector in the 21st century. We are going to

need important changes in the policy, economics and

public behavior regarding water production, pricing and

usage. At the same time, I believe nanomaterials have a

critical role to play in the future of clean water.

Since my work has been focused on nanomaterials for

advanced membranes, I can talk about this opportunity

more specifically. My group has shown that a

desalination membrane that is just three times more

permeable to water would allow for up to 15% less

energy consumption. This goal is within reach of

contemporary materials science, especially because the

academic fields of materials science and applied physics

have traditionally ignored clean water applications. In

other words, I believe there is a lot of low-hanging fruit

for nanomaterials science to improve the clean water

sector.

Kamitis: Your research suggest that advances in membrane science will continue to make desalination increasingly

competitive as an option for fresh water supply in coming decades. In your opinion, what are the issues and

challenges that membrane technology can meet tomorrow?

D. COHEN-TANUGI: Innovative membrane technologies

will continue to enable greater efficiencies in existing

water applications, and they will also enable new

applications altogether. In my opinion, the biggest

challenges that membrane technology can meet

tomorrow are the treatment of highly polluted waters,

for example from shale gas production with hydraulic

fracturing, as well as continuing to fill the growing gap

between supply and demand for fresh water around the

world.

More innovations are still needed, however. Membranes

today are still too prone to organic fouling and to

mineral scaling, leading to lower fluxes, shorter

membrane lifetimes, and much more complex

pretreatment steps than would be needed otherwise.

RO membranes are also insufficiently selective to

uncharged species like boron.

Overall, the future of membrane technologies is bright.

The field of nanotechnology has much to contribute to

the development of next-generation membranes, and

greater R&D initiatives around membrane technology

worldwide can help us innovate towards a better,

cleaner tomorrow.

Page 25: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

25

Kamitis : Vous présidez le Club Français des Membranes. Ce club est un lieu d’échange entre les acteurs académiques

et industriels, et joue un rôle majeur dans la promotion des procédés membranaires. Quelles sont les réalisations de

ce réseau ?

Philippe Moulin : Créé en 1996*, le Club Français des

Membranes (CFM) est, depuis octobre 2011, une

association à but non lucratif régie par la loi de 1901. Il

regroupe les compétences nationales dans le domaine

des procédés membranaires. C’est un lieu privilégié

d’échanges entre chercheurs, industriels et acteurs des

centres techniques. Les membres du club apportent une

complémentarité d’approches et de compétences au

service de la promotion de ces technologies :

fabrication, développement, génie des procédés,

ingénierie, utilisation...

L’objectif du CFM est de favoriser :

l’utilisation des membranes et des procédés

membranaires, de les promouvoir et les rendre

accessibles à tous ;

l’échange entre les différents acteurs

académiques et industriels de la communauté

française et francophone des membranes et

procédés membranaires,

les actions de formation et de communication

concernant la recherche et les développements

dans ces domaines,

les actions visant à impliquer les membranes

dans le secteur industriel.

Le club regroupe aujourd’hui un peu moins de 200

adhérents dans le domaine académique et industriel (les

laboratoires et les industriels qui travaillent dans le

domaine des membranes, fabricants de membranes,

utilisateurs, …).

Le CFM est organisé en groupes de travail (GTs)**

. Ce

sont des lieux d’échange et de réflexion sur les

problématiques des membranes, les procédés

membranaires, leurs atouts et leurs limites dans les

intégrations industrielles. Ces groupes ont un rôle

d’information mais également de formation. Des

actions ciblées peuvent être déployées en support

(rédactions de documentations spécialisés, cahiers de

vulgarisation, ouvrages de synthèses, animations de

journées thématiques ou colloques).

Chaque groupe de travail organise à minima une journée

thématique par an, où des intervenants viennent

présenter des retours d’expérience. Ces rencontres sont

suivies de discussions sur les innovations et les nouveaux

concepts relatifs aux membranes. Les prochaines

journées déjà programmées porteront sur, pour la

première, la modélisation moléculaire et filtration

membranaire (un domaine mal connu encore

aujourd’hui). La deuxième journée est consacrée à la

caractérisation des membranes, avec notamment des

intervenants qui développent des techniques de

caractérisation ou qui sont confrontés à des

problématiques de caractérisation de membranes ou de

colmatage.

Le CFM est un lieu d’échange et de partage très

dynamique. On y trouve par exemple des offres

d’emploi, des retours d’expérience concernant les

congrès et les salons, les laboratoires partenaires y

présentent les résumés des thèses soutenues afin de

donner un aperçu aux industriels des dernières

recherches effectuées et de créer.

Autour des technologies des membranes

PHILIPPE MOULIN

PRÉSIDENT DU CLUB FRANÇAIS DES MEMBRANES

CONTACT : [email protected]

06 67 14 14 18

PHILIPPE MOULIN

PRÉSIDENT DU CLUB FRANÇAIS DES MEMBRANES

CONTACT : [email protected]

06 67 14 14 18

* Le Club Français des Membranes a été créé conjointement par l’Agence de l’Environnement et la Maîtrise de l’Energie (ADEME),

le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l’Electricité de France (EDF), l’Institut Français du Pétrole (IFP) et l’Institut National pour la Recherche Agronomique (INRA). **

Les différents groupes de travail sont : GT eau effluent et fluides alimentaires, GT Modélisation, GT Développement durable, GT Chimie

et Energie, GT Formation, GT Analyse, Caractérisation et Normalisation.

” Les membres du Club Français des Membranes apportent une complémentarité

d’approches et de compétences au service de la promotion de ces technologies.”

Page 26: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

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Kamitis : Quels constats faites vous concernant le marché des membranes en France, en Europe et dans le monde ?

P. Moulin : Les technologies des membranes sont

aujourd’hui matures. Elles existent depuis longtemps, et

nous avons des retours d’expérience depuis plusieurs

décennies sur des procédés comme, par exemple, la

dialyse pour l’insuffisance rénale ou la production d’eau

potable à partir d’eau de mer ou d’eau douce. Le secteur

des procédés membranaires connait un taux de

progression de 12% par an. Concernant les domaines

relatifs au traitement de l’eau, ce taux atteint plus de

20% par an. Dans le contexte de crise que nous vivons

aujourd’hui au niveau mondial, on peut dire que le

marché se porte très bien.

Notre pays bénéficie d’un potentiel de recherche très

important et compte des utilisateurs stratégiques dans

différents secteurs notamment en environnement

(Veolia et Suez) et en agroalimentaire, où les

membranes sont incontournables (Filtration du lait).

Au niveau européen, des efforts restent à faire afin de

développer et coordonner les connexions entre les

actions européennes et les pôles de compétitivité

français.

Philippe Moulin mène des travaux de recherche au sein de l’équipe procédés membranaires du laboratoire de Mécanique, Modélisation & Procédés Propres. Il nous présente cette activité dans les quelques lignes qui suivent.

Les recherches menées au sein de l’Equipe Procédés Membranaires (EPM) du laboratoire de Mécanique, Modélisation & Procédés Propres ont pour objectif

d’optimiser les procédés membranaires par une meilleure compréhension des mécanismes mis en jeu. Les travaux concernent principalement le traitement

des effluents et leur réutilisation, la production d’eau potable ou d’eaux purifiées et la purification et la production de molécules à hautes valeurs ajoutées. Le

développement de nouveaux tests d’intégrité, d’unités industrielles (i) de traitement d’hydrocarbure (ii) de recyclage d’eff luents en électronique, (iii) de

fabrication de médicaments à domicile (iv) de production d’eau potable pour les marins pompiers ou (v) de dessalement d’eau de mer par énergie solaire sans

batterie sont autant d’exemples qui illustrent la pertinence et l’originalité de ces travaux.

Les activités de recherche de notre équipe sont divisées en cinq axes de recherche :

Bioréacteur à membranes : ce procédé, qui a connu une forte croissance en France et en Europe ces dernières années, présente l’avantage

d’atteindre une haute qualité de traitement des eaux usées. Il est particulièrement adapté pour répondre à des exigences de qualité élevées,

demandées comme pour les effluents industriels ou émanant des hôpitaux.

Caractérisation de membranes et Eau potable : cet axe de recherche s’inscrit dans une volonté de développement des procédés membranaires qui

est limité par deux phénomènes directement liés au dimensionnement et à l’exploitation des procédés (le colmatage et le vieil lissement des

membranes). L’objectif est de mettre en place une démarche de caractérisations optique, microscopique et dynamique à différentes échelles afin

d’expliquer les dérives des procédés (chute de flux, perte de sélectivité...). En parallèle de nouveaux procédés de production d’eau potable ou d’eaux

ultrapures sont développés.

Industrialisation de procédés et CFD (Computational Fluid Dynamics) : Il s’agit ici de limiter le prototypage par l’utilisation de l’outil numérique qui

permet de mieux appréhender les aspects fluidiques tout en prenant en considération les échelles nanométriques des pores, millimétriques des

membranes et métriques des modules. Les champs de pressions et de vitesses dans des modules membranaires industriels de production d’eau

potable ainsi déterminés ont permis de montrer l’hétérogénéité des rétrolavages sur ces modules.

Propriétés de transport et métrologie : L’objectif est de relier les propriétés de transport en écoulement aux propriétés géométriques des structures

des membranes (taille de pore, porosité, tortuosité…). Les très petites échelles auxquelles nous sommes confrontés (micro à nano) limite les

disponibilités de données expérimentales à l’échelle locale et nécessitent par conséquent de développer de nouvelles méthodes de mesures. Un

intérêt particulier est apporté à l’appropriation de nouvelles techniques métrologiques de pointe au domaine des membranes.

Intégration de procédés membranaires : cet axe est consacré à l’intégration de chaînes de procédé membranaire dans des chaînes de production ou

des chaînes de traitements. Dans le cas du traitement des effluents, ces recherches portent sur l’étude des propriétés de transport dans les milieux

poreux, en termes d’écoulement poreux ou de transfert de masse, etc. Les procédés membranaires se placent clairement dans une stratégie de

valorisation de matière, de concentration d'effluents et de recyclage des effluents afin de retarder le moment où la valorisation énergétique des

effluents sera la seule issue. La diffusion de procédés membranaires industriels à visée curative passe par des progrès sur trois points essentiels: (i)

Envisager des couplages de procédés, (ii) Optimiser la consommation énergétique, (iii) Améliorer la durée de vie des membranes afin de limiter les

déchets et coûts induits.

Les problématiques scientifiques évoquées sont complexes et multiples. Dans ce cadre, les activités de recherche sont pour la majorité en partenariat avec des

industriels (contrat de collaboration de recherche). A partir d’une idée développée au laboratoire (test d’intégrité – eau potable) ou d’une problématique

industrielle (élimination de COV dans des effluents industriels gazeux ou liquides), il s’agit de développer de nouveaux procédés et de mettre au point de

nouvelles membranes.

Page 27: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

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Kamitis : Itron est le leader mondial du marché des compteurs d’eau pour tout ce qui concerne les technologies de

comptage et de transmission de données. Pouvez-vous nous présenter votre positionnement sur ce marché ?

E. NAKATI : Quand on regarde la situation de la plupart

des Distributeurs d’Eau dans le monde, nous constatons

qu’il s’agit d’une industrie qui subit encore avec un

niveau de pertes qui dépassent largement 20%. La

moyenne mondiale est de l’ordre de 34% (Source : GWI

– Global Water Intelligence/ WBD – World Bank

Database). C'est-à-dire que environs 0.4 milliard de m3/

jour d’eau (sur un total de 1.15 milliard des m3/ jour) sont

perdus avant d’être livrés chez les consommateurs.

Parmi ces 34%, il y a ce que nous appelons les pertes

physiques (ou réelles, à savoir les fuites d’eau sur le

réseau avant le compteur chez le consommateur) et ce

que nous appelons les pertes apparentes ou

commerciales, liées surtout à l’imprécision des

compteurs (effets d’usures accélérés, fraudes de la part

des consommateurs, …)

Le tableau ci-dessous représente le modèle préconisé

par l’International Water Association pour le calcul du

Bilan d’Eau (ou, Rendement du Réseau d’Eau). Les

parties en rouge sont celles où nous sommes fortement

impliqués.

Notre offre consiste à réduire au maximum les pertes

liées au compteur en proposant des équipements dotés

d’une excellente précision (un des nos modèles phare

compte des goutes) et des systèmes de télé-relève

(automatique et à distance) qui éliminent tout risque

d’erreurs liées à la relève manuelle.

Quand les réseaux intelligents intègrent le comptage de l’eau

EDNA NAKATI

SYSTEM MARKETING MANAGER – ITRON

CONTACT : [email protected]

www.itron.com

" Les enjeux soulevés par les technologies de l’Internet des Objets sur l’activité de conception et plus particulièrement sur le travail du designer sont immenses. "

” environs 0.4 milliard de m3/ jour d’eau (sur un total de 1.15 milliard de m

3/ jour)

sont perdus avant d’être livrés chez les consommateurs.”

Page 28: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

28

Kamitis : en quoi consistent ces innovations ?

E. NAKATI : Différents types des compteurs existent chez

Itron afin de proposer une gamme adaptée à la variété

des conditions de terrain et de service et qui jouent sur

la durabilité d’un compteur. Les Distributeurs d’Eau ne

font pas le choix uniquement en fonction des aspects

techniques mais aussi en fonction des aspects financiers

ou budgétaires.

La transmission des données à partir de la relève des

compteurs reste très variée : sur un même parc de

compteurs, nous pouvons avoir la coexistence de

méthodes de relève manuelles (en visuel), et

automatique, avec ou sans la présence d’un releveur.

Itron privilégie l’utilisation de la technologie de

transmission par Radio Fréquence et GPRS car cela

nécessite moins d’éléments physiques à gérer et

présente moins de contraintes au niveau de l’installation

surtout dans des constructions existantes. Il s’agit d’un

module qui s’accroche au compteur d’eau, en mode

« plug & play ».

Les données relevées à partir d’un module ne

concernent pas seulement le volume consommé, mais

également d’autres informations qui nous permettent

d’analyser le comportement de chaque compteur et

d’ajouter des fonctionnalités comme la détection de

fuites, la présence de débits anormaux, des anomalies

d’installation (compteur monté en inverse, etc). Dans

l’ensemble, cela donne une autre dimension à la relève

de compteurs : il y a tellement plus d’informations

pertinentes qui permettent aux distributeurs d’eau

d’anticiper et d’agir rapidement en cas de problème.

La quantité d’informations est bien sûr beaucoup plus

importante qu’auparavant. Aujourd’hui, sur certaines de

nos solutions, la granularité des données peut passer de

mensuel à journalier, et dans des cas spécifiques, les

alertes sont remontées en temps réel.

La mise au point des infrastructures informatiques pour

le stockage des données à des prix abordables (comme

les services hébergés ou Cloud) associées à des outils de

traitement de données très agiles, nous permettent

aujourd’hui d’avoir une compréhension beaucoup plus

riche et intéressante d’un réseau de distribution d’eau.

Du point de vue de nos clients, cela se traduit par une

amélioration significative de la qualité de service

puisque l’information est disponible pour chaque

compteur, ce qui assure un contrôle plus précis des

volumes d’eau dans les canalisations.

Kamitis : Quels sont les axes prioritaires de développement à moyen et à long terme concernant ce marché de l’eau

potable ?

E. NAKATI : Les axes prioritaires visent à trouver des

solutions efficaces de réduction des pertes. Nous

développons également des solutions qui formeront un

vrai réseau intelligent dans lequel les informations

provenant, soit des capteurs de pression ou de

température, corrélées aux informations provenant des

compteurs d’eau seront traitées efficacement et

exploitées au profit des services de distribution d’eau

comme des consommateurs.

Nous sommes également présents dans des projets

internationaux visant à résoudre des problèmes

spécifiques liés à la distribution d’eau :

https://www.itron.com/Pages/Itron-Customers-Testimonials.aspx

https://www.itron.com/fr/Pages/default.aspx.

Page 29: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

29

Kamitis : Quels constats faites vous concernant le marché du comptage de l’eau en France, en Europe et dans le

monde ?

E. NAKATI : La France est bien placée, tout comme

l’Espagne, l’Allemagne, les Pays Bas et Singapore (qui

affiche les meilleurs performances de contrôle des

pertes avec moins de 25% du volume total produit).

Dans le marché mondial de l’eau, des sociétés comme

Veolia, Suez, Aqualia, Agbar, PWN sont présentes dans

les pays où la gestion des réseaux d’eau potable n’a pas

encore atteint un niveau acceptable. Ce marché est

encore très vaste car plus de 60% des pays sont encore à

un niveau de perte en eau potable supérieur à 30%.

Un autre aspect qui changera la façon comme l’eau est

gérée est la formation des villes intelligentes ou « smart

cities » - ce fait nous demandera des solutions pour

comprendre de mieux en mieux les réseaux d’eau et les

consommateurs.

Kamitis : Comment définissez-vous le positionnement de NaWaTechnologies sur le marché français ?

NAWATechnologies est une toute jeune start-up mais

sur un secteur qui a été très à la mode il y a à peine trois

ans. Aujourd’hui la mode de nanotubes est retombée et

c’est tant mieux car nous allons pouvoir faire valoir de

véritables propriétés d’un matériau et non de supposées

propriétés des nanotubes individuels. En effet, les

nanotubes tels qu’ils ont été produits par les entreprises

jusqu’à présent, dont certains gros leaders de l’industrie

chimique, l’ont été sous forme de poudres. Cette mise

en forme a rencontré deux problèmes : un problème de

mise en œuvre avec une difficulté majeure de réaliser

une mélange homogène de nanotubes de carbone dans

divers matrices polymères et ensuite des performances

qui ne se sont pas révélées à la hauteur des attentes car

en mélangeant simplement les nanotubes vous ne

profiter pas du fait que c’est intrinsèquement un

matériau anisotrope. En effet toutes ses propriétés du

nanotube sont selon son axe, elles ne sont pas utilisées

de manière optimale dans un mélange aléatoire qui

désorganise les axes de force des propriétés électriques,

thermique ou chimiques. Chez NAWATechnologies

nous mettons en oeuvre les nanotubes sous forme de

« tapis » où tous les nanotubes sont parallèles les uns

aux autres. Le matériau final obtenu « récupère » ainsi

de manière beaucoup plus efficace les propriétés

intrinsèques des nanotubes. Autre gros avantage, nous

n’avons pas besoin de les disperser, c’est d’ailleurs

l’inverse que nous recherchons, c’est à ne pas les

disperser, ce qui est finalement plus facile.

Nous sommes uniques au niveau européen par la

technologie que nous développons mais surtout aussi

par le procédé de fabrication que nous envisageons, ce

qui va nous permettre de développer des produits plus

performants au même niveau de prix que les

technologies concurrentes.

La seconde révolution des nanotubes

PASCAL BOULANGER

Président fondateur de NaWaTechnologies

" Nous travaillons à fabriquer une membrane qui soit la plus poreuse

possible et qui se positionne en rupture avec les membranes actuelles."

CONTACT : [email protected]

http://www.nawatechnologies.com/

Page 30: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

30

Kamitis : en quoi consistent ces innovations ?

La vision de notre innovation est clairement

orthogonale à ce qui existe aujourd’hui : c’est en

associant nano-objet, nano-organisation et nano-

engineering que nous pensons être à même de proposer

de nouveaux produits plus performants que les produits

actuels. Nous exploitons ainsi un savoir faire très

complet, générique et unique pour développer nos

produits. C’est sur cette base commune de savoir faire

que nous basons nos innovations et que nous les

adaptons de manière spécifique aux marchés que nous

visions. Ainsi le procédé de synthèse de tapis de

nanotubes est le même quelque soit l’application, ce qui

va changer sera le substrat sur lequel nous les faisons

croître, les différents matrices ou revêtements que nous

allons utiliser et la façon dont nous allons les mettre en

œuvre. Notre idée aussi est de jouer sur ce caractère

générique pour pouvoir fabriquer des produits avec des

solutions de stockage intégrées au cœur des produits

comme par exemple des éléments de carrosserie de

voiture ou d’ailes d’avions qui embarquent du stockage ,

ou des panneaux solaires photovoltaïques avec un

stockage intégré. Nous déployons notre technologie

d’abord dans le domaine du stockage, pour lequel nous

recherchons à nouer des partenariats avec différents

pour réaliser des démonstrateurs ou des adaptations

spécifiques.

Kamitis : Quelles sont les prochaines échéances pour NaWaTechnologies concernant ce marché de l’eau?

A court terme nous travaillons à démontrer

l’industrialisation de notre procédé de fabrication de

tapis de nanotubes de carbone alignés fonctionnalisés,

en grande surface pour une application spécifique qui

est celle des supercondensateurs. Nous espérons l’avoir

démontré d’ici deux ans et pouvoir utiliser cette

application comme vitrine de notre technologie et de

notre savoir faire pour d’autres applications.

Dans le domaine de l’eau, nous travaillons à fabriquer

une membrane qui soit la plus poreuse possible et qui se

positionne en rupture avec les membranes actuelles.

Nous recherchons là aussi des partenaires pour adresser

des applications spécifiques car le marché de la filtration

est très large et disséminé. Au delà du coût les

applications qui seraient susceptibles de bénéficier des

propriétés spécifiques des nanotubes de carbone, très

stables, sont des applications de filtration en

environnements sévères, en température en pH ou

autre. Nous sommes spécialistes de matériaux et nous

recherchons des spécialistes de membranes pour nous

accompagner.

Une fois l’industrialisation des électrodes de

supercondensateurs démontrée d’un point de vue

industriel, il sera alors possible de transposer le procédé

à la fabrication de membranes et de développer des

membranes de plus grandes surfaces. A long terme

l’application de dessalement d’eau de mer nécessitera

des surfaces gigantesques de production et nous en

sommes encore loin.

Page 31: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

31

Kamitis : INDURA (Infrastructures Durables Rhône-Alpes) est un cluster français référent pour les enjeux du

développement des infrastructures de transport et de production d’énergie. Quels sont ses objectifs prioritaires, qui

sont ses membres et quel intérêt trouvent-ils à en faire partie ?

INDURA rassemble et accompagne les acteurs des

Travaux Publics sur les enjeux de demain, pour favoriser

le développement de projets innovants dans le domaine

des infrastructures de transport et de production

d’énergie. C’est en quelque sorte la table ronde qui

réunit l’ensemble de la chaîne de valeur : entreprises

(des PME aux grands groupes, des industriels aux

ingénieristes), organismes professionnels, écoles,

centres de recherche et instituts de formation. Nous

accompagnons nos membres principalement dans le

montage de projets innovants et la recherche de

financement, mais aussi la recherche de partenaires et

l’aide à la rédaction. Afin de faire émerger de nouvelles

idées, nous organisons régulièrement des groupes de

travail.

L’animation de réseau tient également une place très

importante et appréciée dans notre action, toujours

dans l’objectif de stimuler et promouvoir l’innovation.

Ainsi nos membres peuvent participer à de nombreuses

conférences techniques, soirées thématiques de style

« afterwork », visites de chantier, etc. Par exemple,

cette année nous avons organisé une soirée sur

l’auscultation des ouvrages avec EDF et une sur la

réparation des ouvrages hydrauliques avec la

Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Nos membres

ont également pu visiter le chantier majeur de la

centrale hydroélectrique de Romanche-Gavet, la PCH

(petite centrale hydroélectrique) de Rochemaure, ainsi

que divers chantiers d’assainissement.

Kamitis : Quelles sont les actions entreprises au sein du cluster INDURA pour soutenir l’innovation dans le domaine

de l’hydraulique ?

Dans le domaine de l’hydraulique, INDURA œuvre à

faire émerger des solutions innovantes pour la

production d’énergie « verte » (partie génie civil) et la

sécurité des ouvrages de protection (barrages,

digues…), incluant l’auscultation et la réparation. Sur ces

sujets, plusieurs projets sont en cours, à différents

stades d’avancement, notamment pour concevoir la

centrale hydroélectrique du futur. Il y a quelques mois,

grâce à notre collaboration avec le pôle de compétitivité

Axelera, nous avons eu l’immense satisfaction de voir

labelliser notre projet BOREAL au FUI 16 avec la

notation maximale A+. Ce projet traite du bio-

renforcement des ouvrages en remblais, autrement dit il

met les bactéries au service de la protection des vies

humaines face au risque sismique. En effet, la

multiplication des catastrophes naturelles et le décret

de 2007 sur la sécurité des barrages durcissent les

normes de sûreté des ouvrages hydrauliques. BOREAL a

pour objectif de développer une technique de

confortement des digues en terre immergées dans l’eau

moins invasive et plus écologique. Si l’utilisation des

bactéries en tant que bio-calcificateurs est déjà avérée,

la nouveauté de ce projet consiste à valider ce procédé

en présence d’eau. Une formulation innovante permet

aux bactéries de fabriquer un squelette de calcite

solidifiant la matière, tout en conservant la perméabilité

nécessitée par l’ouvrage. La résistance et la cohésion

ainsi obtenues diminueront les risques de liquéfaction

lors des séismes et d’érosion interne, sans écoulement

dans la nappe phréatique. BOREAL mobilise huit

partenaires : le porteur du projet Soletanche Bachy, les

groupes CNR et EDF, les PME Geophyconsult et Enoveo,

les laboratoires LTHE et 3SR et l’Université d’Angers.

Soutenir l’innovation dans le domaine de l’hydraulique

ADELE WUDTAVEE

CHARGEE DE COMMUNICATION

CONTACT : [email protected]

http://www.indura.fr/

" C’est dans la confrontation des idées et des points de vue que naissent les

projets les plus innovants."

Page 32: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014

32

Les procédés de géotechnique actuellement disponibles

pour prévenir ces risques sont très intrusifs et peuvent

avoir un impact écologique négatif. BOREAL

débouchera donc sur un procédé de rupture, et

permettra de créer une nouvelle filière française

d’excellence. Les résultats seront facilement

transposables en France et à l’international, et

d’importantes retombées économiques sont attendues.

Kamitis : INDURA supporte l’innovation notamment en croisant différentes technologies comme l’illustre le projet

exposé plus haut. Comment se fait la sélection des projets soutenus par ce cluster ?

INDURA fait émerger et soutient des projets qui

répondent à de véritables enjeux sociétaux et qui

présentent un fort potentiel de retombées

économiques, par la commercialisation d’un produit ou

procédé innovant. Nous nous efforçons également de

changer l’image du génie civil et des travaux publics,

domaines trop souvent perçus comme peu innovant. A

tort, j’en veux pour preuve les 40% de projets rhônalpins

acceptés au FUI en relation avec les thèmes de notre

cluster !

INDURA dispose d’un Conseil Scientifique, composés

d’experts reconnus dans leur domaine, qui évalue les

projets pur s’assurer de leur qualité scientifique et

technique, ainsi que de la faisabilité des projets. Après

expertise, ce conseil peut décider de soutenir et

labelliser des projets en lien avec les thématiques du

cluster. En outre, c’est dans la confrontation des idées et

des points de vue que naissent les projets les plus

innovants. Ceci, INDURA l’a bien compris, en stimulant

les échanges et les liens avec des métiers et des

territoires différents, représentés par d’autres pôles et

clusters. Les biotechnologies, comme exposé plus haut,

mais également la chimie, la réalité virtuelle, les

nanotechnologies... Les synergies sont le plus souvent

naturelles, nous n’hésitons pas à nous solliciter entre

pôles lorsque nos compétences nécessitent d’être

croisées, pour des innovations encore plus probantes.

Nous avons également signé des conventions de

partenariat avec les pôles Advancity (ville et mobilité

durables) et LUTB (transport et systèmes de mobilité).

Kamitis : INDURA propose un accompagnement notamment dans le domaine des ouvrages hydrauliques, pouvez-

vous nous présenter cet axe là?

Le Conseil Scientifique d’INDURA a identifié lors de son

séminaire stratégique annuel les thèmes prioritaires,

parmi lesquels figurent la rupture des ouvrages par

affouillement ou érosion, la résistance des ouvrages

soumis aux séismes et les biotechnologies et

dépollution. Un des projets qui nous mobilise le plus en

ce moment concerne le traitement biotechnologique

des ouvrages de pompage d’eau, c’est-à-dire l’utilisation

de bactéries pour lutter contre le colmatage des champs

captants. Pour des ouvrages hydrauliques plus sûrs et

des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

Page 33: L'Eau : Enjeux et stratégies - publication kamitis juillet 2014