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1 a mycologic medicale etudie les mycoses de I’homme dont certaines sont communes a I’animal. Elle s’interes- se aux causes et aux consequences du parasitisme humain par les champignons microscopiques. A ce propos, elle se dis- tingue de la mycotoxicologie qui etudie plus specifiquement les consequences d’une intoxication alimentaire par les macro-champi- gnons : cette derniere est plutot du ressort des reanimateurs des centres anti-poisons. Une population opportuniste Au debut du XXe siecle, la pratique mycolo- gique se bornait a I’identification des agents des teignes dont la frequence elevee en France etait intimement lice au niveau d’hygiene. A ces dem-ratophytes, il convenait d’ajouter quelques rares mycoses “ tropicales ” comme les myce- tomes. Avec I’arrivee des antibiotiques en 1945, I’attention a ete athree par le “ muguet ” buccal dir a Candida albicans, de meme les nouveaux antituberculeux tres efficaces ont pour leur part favorise I’implantation d’Aspergillus dans les poumons au niveau des cavernes detergees, generant les classiques aspergillomes. Cutilisation egalement des corti- costerdides a permis l’emergence de nouvelles mycoses comme les mucormy cases et les toruloses lmmunod6pression et mycoses Le point de depart de ces nouvelles mycoses est I’immunodepression engendree par les therapeutiques immunosuppressives (corti- co’ides et molecules antirejet par exemple). Dans les an&es 1980, I’apparition et la diffu- sion du syndrome d’immunodeficience acqui- se (sida) a modifie le profil clinique des candi- doses et a permis I’emergence de nouvelles especes de levures (non Candida). La pres- sion medicamenteuse, notamment de cer- taines azoles, a ainsi contribue a la selection d’especes jusque la peu isolees (C. glabrata). Le Candida (en particulier C albicans) s’est ainsi solidement implante dans les unites de soins intensifs, et occupe actuellement la troi- sieme place pour le triste score des septice- mies d’origine nosocomiale. De la meme facon, Aspergillus fumigates a vu son spectre se modifier. Si les aspergillomes sont devenus rares aujourd’hui, il n’en est pas de meme pour I’aspergillose pulmonaire invasive, au pronostic t&s sombre, veritable hantise des medecins des services d’onco-hematologie. II est triste de constater que les progres therapeutiques assurant la guerison de maladies jadis incu- rables ont eu comme consequence la survenue de certaines mycoses (aspergilloses, fusa- rioses) dont le pronostic reste souvent sombre. A I’aube de l’an 2000, le profil des mycoses (aujourd’hui appe a ainsi considerablement change. Mycologic et biotechnologies invasive reste redoutable malgr6 Cactivite mycologique des labora- toires de parasitologie a progresse depuis 40 ans de plus de 500 %, depassant largement les activites de diagnostic liees aux seules parasitoses autochtones (comme la toxoplasmose) ou d’importation (paludisme, amoe- les progrks thkrapeutiques. Depuis les annees 1950, les mycoses n’ont cesse de se developper a la fois quantitative- ment et qualitativement. De quelques dizaines d’especes a I’origine, nous pouvons identifier aujourd’hui plus de 400 especes au compor- tement opportuniste (especes qui profitent d’une ” opportunite ” pour s’implanter chez leur h&e). En effet, le developpement d&s le debut des an&es 1960 de la chimiotherapie anticancereuse, I’utilisation concomitante de catheterismes centraux, puis ensuite dans les 1970, les pratiques de transplantations d’or- ganes (rein au debut, cceur-poumon ensuite, foie enfin) ont eu comme consequence I’emer- gence de nouvelles moisissures jusque la meconnues dont les effets pathogenes sont regroup& sous les vocables de hyalohypho- mycoses et de phaeohyphomycoses. hose...). De ce fait, beaucoup de parasito- logues, en particulier dans les hopitaux uni- versitaires, sont devenus de veritables mycologues t&s attentifs g ces u nouveaux champignons n, dont la liste continue de s’al- longer et a ces u nouvelles n mycoses desor- mais plus precocement diagnostiquees. Au niveau environnemental, la mycologic de l’an 2000 apprehendera mieux le biotope des champignons, en particulier ceux d’importance medicale (maitrise de I’aero-contamination) en milieu urbain ou rural (flare responsable d’aller- gie) ou hospitaliere (risque nosocomial). A ce sujet, I’utilisation d’outils de biologie moleculaire (gknotypage) devrait favoriser la comprehen- sion de I’epidemiologie de ces champignons en milieu hospitalier. Concernant le diagnostic, la mycologic profitera aisement des nouvelles biotechnologies : utili- sation de nouveaux bio-produits (milieux chro- mogeniques, antigenes circulants, anticorps monoclonaux), de techniques de biologie mole- culaire (sonde genomique specifique, PCR,. . .), et de techniques serologiques faisant appel a la determination d’isotypes specifiques (IgA, IgE). De m&me la realisation d’antifongigrammes (determination des CMI) devrait aboutir dans un delai assez proche a la mise en place de tech- niques standardisees et aisement reproduc- tibles. Thirapeutique, privention, formation, recherche Dans le domaine therapeutique, la mycologic reste pour I’instant largement sous-dotee en medicaments efficaces contre les agents de mycoses, en particulier profondes. La frequen- ce, tout comme la gravite, de ces affections devraient inciter I’industrie pharmaceutique a investir dans la recherche de nouveaux anti- fongiques. Quant a la prevention, les mycologues devront etre presents au c&e des hygienistes, en parti- culier dans les CLIN (Comites de lutte contre les infections nosocomiales) pour proposer de nouvelles strategies de lutte, voire de nouveaux outils d’epidemiologie moleculaire (caryotypa- ge) ou enzymatique (isoenzymes) pour typer les souches d’interet epidemiologique. Au niveau de la formation et . . . de la recherche, la mycologic, au debut de ce XXle siecle, devra s’affirmer comme une discipline medicale a part entiere au sein du cursus des etudes medicales et pharmaceutiques et ceci jusqu’au 3e cycle (DEA). Le mycologue est necessairement present pour animer ou participer a des reunions interdiscipli- naires, a des enseignements post-universitaires avec les cliniciens, a des seances de bio-forma- tion avec les biologistes du secteur prive. Le mycologue est le partenaire et I’interlocu- teur privilegie du medecin ou du biologiste, il est le referent privilegie aupres des labora- toires d’analyses medicales confront& a un diagnostic de mycologic. De nombreuses equipes mycologiques vont enfin profiter efficacement de I’environnement hospitalier pour etendre leurs poles de recherche a la comprehension du pouvoir pathogene (facteurs de virulence) des cham- pignons d’interbt medical et des mecanismes physiopathologiques qui concourent aux inter- actions hates-champignons. II faut cwvrer pour que ces equipes s’etoffent, tra- vaillent en veritable reseau metropolitain et euro- p++en, obtiennent la reconnaissance de leur tutel- le et les financements necessaires a leurs travaux. Dominique Chabasse 20 Revue Franpise des Laboratoms, ]anvier/f&rier 2000, N” 319

… et mycologie médicale

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1 a mycologic medicale etudie les mycoses de I’homme dont certaines sont communes a I’animal. Elle s’interes- se aux causes et aux consequences du

parasitisme humain par les champignons

microscopiques. A ce propos, elle se dis- tingue de la mycotoxicologie qui etudie plus

specifiquement les consequences d’une intoxication alimentaire par les macro-champi-

gnons : cette derniere est plutot du ressort des reanimateurs des centres anti-poisons.

Une population opportuniste

Au debut du XXe siecle, la pratique mycolo- gique se bornait a I’identification des agents des teignes dont la frequence elevee en France etait intimement lice au niveau d’hygiene. A ces dem-ratophytes, il convenait d’ajouter quelques rares mycoses “ tropicales ” comme les myce- tomes. Avec I’arrivee des antibiotiques en 1945, I’attention a ete athree par le “ muguet ” buccal dir a Candida albicans, de meme les nouveaux antituberculeux tres efficaces ont pour leur part favorise I’implantation d’Aspergillus dans les poumons au niveau des cavernes detergees, generant les classiques aspergillomes. Cutilisation egalement des corti- costerdides a permis l’emergence de nouvelles mycoses comme les mucormy cases et les toruloses

lmmunod6pression et mycoses

Le point de depart de ces nouvelles mycoses est I’immunodepression engendree par les therapeutiques immunosuppressives (corti-

co’ides et molecules antirejet par exemple). Dans les an&es 1980, I’apparition et la diffu-

sion du syndrome d’immunodeficience acqui- se (sida) a modifie le profil clinique des candi-

doses et a permis I’emergence de nouvelles especes de levures (non Candida). La pres-

sion medicamenteuse, notamment de cer- taines azoles, a ainsi contribue a la selection d’especes jusque la peu isolees (C. glabrata).

Le Candida (en particulier C albicans) s’est

ainsi solidement implante dans les unites de soins intensifs, et occupe actuellement la troi- sieme place pour le triste score des septice- mies d’origine nosocomiale. De la meme facon,

Aspergillus fumigates a vu son spectre se modifier. Si les aspergillomes sont devenus rares aujourd’hui, il n’en est pas de meme pour I’aspergillose pulmonaire invasive, au pronostic t&s sombre, veritable hantise des medecins

des services d’onco-hematologie. II est triste de constater que les progres therapeutiques assurant la guerison de maladies jadis incu- rables ont eu comme consequence la survenue

de certaines mycoses (aspergilloses, fusa- rioses) dont le pronostic reste souvent sombre.

A I’aube de l’an 2000, le profil des mycoses

(aujourd’hui appe

a ainsi considerablement change.

Mycologic et biotechnologies

invasive reste

redoutable malgr6

Cactivite mycologique des labora-

toires de parasitologie a progresse depuis 40 ans de plus de 500 %, depassant largement les activites de

diagnostic liees aux seules parasitoses autochtones (comme la toxoplasmose)

ou d’importation (paludisme, amoe-

les progrks

thkrapeutiques.

Depuis les annees 1950, les mycoses n’ont cesse de se developper a la fois quantitative- ment et qualitativement. De quelques dizaines d’especes a I’origine, nous pouvons identifier aujourd’hui plus de 400 especes au compor- tement opportuniste (especes qui profitent d’une ” opportunite ” pour s’implanter chez leur h&e). En effet, le developpement d&s le debut des an&es 1960 de la chimiotherapie anticancereuse, I’utilisation concomitante de catheterismes centraux, puis ensuite dans les 1970, les pratiques de transplantations d’or- ganes (rein au debut, cceur-poumon ensuite, foie enfin) ont eu comme consequence I’emer- gence de nouvelles moisissures jusque la meconnues dont les effets pathogenes sont

regroup& sous les vocables de hyalohypho-

mycoses et de phaeohyphomycoses.

hose...). De ce fait, beaucoup de parasito- logues, en particulier dans les hopitaux uni- versitaires, sont devenus de veritables mycologues t&s attentifs g ces u nouveaux champignons n, dont la liste continue de s’al- longer et a ces u nouvelles n mycoses desor-

mais plus precocement diagnostiquees.

Au niveau environnemental, la mycologic de l’an

2000 apprehendera mieux le biotope des champignons, en particulier ceux d’importance

medicale (maitrise de I’aero-contamination) en milieu urbain ou rural (flare responsable d’aller- gie) ou hospitaliere (risque nosocomial). A ce sujet, I’utilisation d’outils de biologie moleculaire (gknotypage) devrait favoriser la comprehen-

sion de I’epidemiologie de ces champignons en milieu hospitalier.

Concernant le diagnostic, la mycologic profitera aisement des nouvelles biotechnologies : utili-

sation de nouveaux bio-produits (milieux chro-

mogeniques, antigenes circulants, anticorps monoclonaux), de techniques de biologie mole- culaire (sonde genomique specifique, PCR,. . .), et de techniques serologiques faisant appel a la determination d’isotypes specifiques (IgA, IgE).

De m&me la realisation d’antifongigrammes

(determination des CMI) devrait aboutir dans un delai assez proche a la mise en place de tech-

niques standardisees et aisement reproduc-

tibles.

Thirapeutique, privention, formation, recherche

Dans le domaine therapeutique, la mycologic

reste pour I’instant largement sous-dotee en medicaments efficaces contre les agents de mycoses, en particulier profondes. La frequen-

ce, tout comme la gravite, de ces affections devraient inciter I’industrie pharmaceutique a

investir dans la recherche de nouveaux anti- fongiques.

Quant a la prevention, les mycologues devront etre presents au c&e des hygienistes, en parti-

culier dans les CLIN (Comites de lutte contre les infections nosocomiales) pour proposer de nouvelles strategies de lutte, voire de nouveaux outils d’epidemiologie moleculaire (caryotypa-

ge) ou enzymatique (isoenzymes) pour typer les souches d’interet epidemiologique.

Au niveau de la formation et . . . de la

recherche, la mycologic, au debut de ce XXle siecle, devra s’affirmer comme une discipline

medicale a part entiere au sein du cursus des etudes medicales et pharmaceutiques et ceci jusqu’au 3e cycle (DEA).

Le mycologue est necessairement present pour animer ou participer a des reunions interdiscipli-

naires, a des enseignements post-universitaires avec les cliniciens, a des seances de bio-forma- tion avec les biologistes du secteur prive.

Le mycologue est le partenaire et I’interlocu- teur privilegie du medecin ou du biologiste, il est le referent privilegie aupres des labora- toires d’analyses medicales confront& a un

diagnostic de mycologic.

De nombreuses equipes mycologiques vont enfin profiter efficacement de I’environnement

hospitalier pour etendre leurs poles de recherche a la comprehension du pouvoir pathogene (facteurs de virulence) des cham- pignons d’interbt medical et des mecanismes physiopathologiques qui concourent aux inter-

actions hates-champignons.

II faut cwvrer pour que ces equipes s’etoffent, tra- vaillent en veritable reseau metropolitain et euro-

p++en, obtiennent la reconnaissance de leur tutel- le et les financements necessaires a leurs travaux.

Dominique Chabasse

20 Revue Franpise des Laboratoms, ]anvier/f&rier 2000, N” 319