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131 J Chir 2005,142, N°3 • © Masson, Paris, 2005 Éditorial « Évitons » les infections nosocomiales… A. Carbonne CCLIN Paris-Nord. http://www.ccr.jussieu.fr/cclin Correspondance : A. Carbonne, 15 rue de l'école de médecine, F 75006 Paris. L’infection nosocomiale, du latin nosocomium (hôpital) et du grec nosos (maladie) et komein (soigner), est couramment dé- finie comme “toute infection contractée à l’hôpital”. D’après les « 100 recommandations » publiées par le ministère de la santé en 1999 [1], “une infection est dite nosocomiale si elle apparaît au cours ou à la suite d’une hospitalisation et si elle était absente à l’admission à l’hôpital”. Ce critère est applica- ble à toute infection. Un délai d’au moins 48 heures après l’ad- mission (ou un délai supérieur à la période d’incubation lors- que celle-ci est connue) est communément accepté pour distinguer une infection d’acquisition nosocomiale d’une in- fection communautaire. Toutefois, il est recommandé d’ap- précier, dans chaque cas douteux, la plausibilité du lien entre hospitalisation et infection. En 2002, le code de la santé publique (art. L. 1142-1-A. ) définit comme « infection nosocomiale, toute infection qui apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation alors qu'el- le était absente à l'admission dans l'établissement de santé. » Pour les infections du site opératoire, on considère comme nosocomiales les infections survenues dans les 30 jours suivant l’intervention ou, s’il y a mise en place d’une prothèse ou d’un implant, dans l’année qui suit l’intervention”. Le diagnostic d’infection du site opératoire est clinique, le critère essentiel étant la présence d’un écoulement purulent. La bactériologie ne fait pas le diagnostic d’infection, elle ne fait qu’identifier éventuellement l’agent responsable de l’infection. Certaines complications chirurgicales, comme les fistules digestives par exemple, se compliquent quasi systématiquement d’infection. D’après les définitions, cette infection est nosocomiale, il fau- dra alors en discuter l’évitabilité compte tenu de l’accident médical initial en cause. En France, on estime entre 500 000 et 800 000, le nombre de patients qui contractent chaque année une infection noso- comiale. L’enquête nationale de prévalence 2001 des infec- tions nosocomiales [2] a montré que 7 % des patients présents un jour donné à l’hôpital étaient atteints d’une infection no- socomiale. Lors de cette enquête, les infections les plus fré- quentes étaient les infections urinaires (40 % environ), puis les infections respiratoires (20 %) suivies des infections du site opératoire (10 %) et des bactériémies (4 %). Une immuno- dépression, un âge élevé et la présence d’une pathologie sous- jacente, menaçant le pronostic vital, étaient associés de façon significative à une fréquence accrue d’infection chez ces pa- tients. Les infections nosocomiales ont très longtemps été consi- dérées comme un aléa thérapeutique dont les conséquences pour le patient étaient plus ou moins sévères : décès du pa- tient, incapacité fonctionnelle, allongement de la durée d’hos- pitalisation, traitements supplémentaires médicaux et parfois chirurgicaux… La nécessité d’indemniser les patients victimes d’infections nosocomiales a fait évoluer très rapidement la jurisprudence vers une obligation de sécurité puis, récemment, vers une obli- gation de résultat en matière d’infection nosocomiale. Parallèlement, la notion de faute, qui est le principe géné- ral de la responsabilité, a été remplacée par celle de « pré- somption » de faute ou de responsabilité sans faute, la pré- somption de faute ayant pour conséquence le renversement de la charge de la preuve. Depuis la « Loi Kouchner » de mars 2002 [3], qui a pour vocation de traduire les revendications nouvelles des malades : « Les professionnels de santé… ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ». « Les établissements, services et organismes dans les- quels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins… sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’il rapportent la preuve d’une cause étrangère ». Cette Loi a été complété par la loi du 30 décembre 2002 qui prévoit la prise en charge des cas les plus graves par l’Of- fice National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) dans le cadre de la solidarité nationale. Les infec- tions nosocomiales ne sont donc plus considérées, en droit, comme un aléa thérapeutique, alors qu’elles correspondent le plus souvent à des évènements effectivement aléatoires sur le plan médical ; elles font partie des risques inhérents aux soins. La notion d’évitabilité de la survenue de ces infections est à développer, tenant compte en particulier de l’état antérieur du patient. Actuellement, un objectif de cette Loi qui était de rééqui- librer la relation médecin – malade est loin d’être atteint, en particulier à cause de la notion de responsabilité sans faute difficile à accepter par les professionnels, les établissements et les assureurs. Références 1. Comité technique national des infections nosocomiales.- 100 recom- mandations pour la surveillance et la prévention des infections no- socomiales.- Paris : Ministère de la santé, 1999. 2. Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales (RAISIN). Enquête nationale de prévalence des in- fections nosocomiales 2001 – Résultats. Editions InVS, 2003, 84 p. 3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. JO du 5 mars 2002;54:4118.

« Évitons » les infections nosocomiales…

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J Chir 2005,142, N°3 • © Masson, Paris, 2005

Éditorial

« Évitons » les infections nosocomiales…

A. CarbonneCCLIN Paris-Nord. http://www.ccr.jussieu.fr/cclin

Correspondance : A. Carbonne, 15 rue de l'école de médecine, F 75006 Paris.

L’infection nosocomiale, du latin nosocomium (hôpital) et dugrec nosos (maladie) et komein (soigner), est couramment dé-finie comme “toute infection contractée à l’hôpital”. D’aprèsles « 100 recommandations » publiées par le ministère de lasanté en 1999 [1], “une infection est dite nosocomiale si elleapparaît au cours ou à la suite d’une hospitalisation et si elleétait absente à l’admission à l’hôpital”. Ce critère est applica-ble à toute infection. Un délai d’au moins 48 heures après l’ad-mission (ou un délai supérieur à la période d’incubation lors-que celle-ci est connue) est communément accepté pourdistinguer une infection d’acquisition nosocomiale d’une in-fection communautaire. Toutefois, il est recommandé d’ap-précier, dans chaque cas douteux, la plausibilité du lien entrehospitalisation et infection.

En 2002, le code de la santé publique (art. L. 1142-1-A. )définit comme « infection nosocomiale, toute infection quiapparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation alors qu'el-le était absente à l'admission dans l'établissement de santé. »

Pour les infections du site opératoire, on considère commenosocomiales les infections survenues dans les 30 jours suivantl’intervention ou, s’il y a mise en place d’une prothèse ou d’unimplant, dans l’année qui suit l’intervention”. Le diagnosticd’infection du site opératoire est clinique, le critère essentielétant la présence d’un écoulement purulent. La bactériologiene fait pas le diagnostic d’infection, elle ne fait qu’identifieréventuellement l’agent responsable de l’infection. Certainescomplications chirurgicales, comme les fistules digestives parexemple, se compliquent quasi systématiquement d’infection.D’après les définitions, cette infection est nosocomiale, il fau-dra alors en discuter l’évitabilité compte tenu de l’accidentmédical initial en cause.

En France, on estime entre 500 000 et 800 000, le nombrede patients qui contractent chaque année une infection noso-comiale. L’enquête nationale de prévalence 2001 des infec-tions nosocomiales [2] a montré que 7 % des patients présentsun jour donné à l’hôpital étaient atteints d’une infection no-socomiale. Lors de cette enquête, les infections les plus fré-quentes étaient les infections urinaires (40 % environ), puisles infections respiratoires (20 %) suivies des infections du siteopératoire (10 %) et des bactériémies (4 %). Une immuno-dépression, un âge élevé et la présence d’une pathologie sous-jacente, menaçant le pronostic vital, étaient associés de façonsignificative à une fréquence accrue d’infection chez ces pa-tients.

Les infections nosocomiales ont très longtemps été consi-dérées comme un aléa thérapeutique dont les conséquencespour le patient étaient plus ou moins sévères : décès du pa-

tient, incapacité fonctionnelle, allongement de la durée d’hos-pitalisation, traitements supplémentaires médicaux et parfoischirurgicaux…

La nécessité d’indemniser les patients victimes d’infectionsnosocomiales a fait évoluer très rapidement la jurisprudencevers une obligation de sécurité puis, récemment, vers une obli-gation de résultat en matière d’infection nosocomiale.

Parallèlement, la notion de faute, qui est le principe géné-ral de la responsabilité, a été remplacée par celle de « pré-somption » de faute ou de responsabilité sans faute, la pré-somption de faute ayant pour conséquence le renversementde la charge de la preuve.

Depuis la « Loi Kouchner » de mars 2002 [3], qui a pourvocation de traduire les revendications nouvelles des malades :« Les professionnels de santé… ne sont responsables des conséquencesdommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’encas de faute ». « Les établissements, services et organismes dans les-quels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnosticou de soins… sont responsables des dommages résultant d’infectionsnosocomiales, sauf s’il rapportent la preuve d’une cause étrangère ».

Cette Loi a été complété par la loi du 30 décembre 2002qui prévoit la prise en charge des cas les plus graves par l’Of-fice National d’Indemnisation des Accidents Médicaux(ONIAM) dans le cadre de la solidarité nationale. Les infec-tions nosocomiales ne sont donc plus considérées, en droit,comme un aléa thérapeutique, alors qu’elles correspondent leplus souvent à des évènements effectivement aléatoires sur leplan médical ; elles font partie des risques inhérents aux soins.La notion d’évitabilité de la survenue de ces infections est àdévelopper, tenant compte en particulier de l’état antérieurdu patient.

Actuellement, un objectif de cette Loi qui était de rééqui-librer la relation médecin – malade est loin d’être atteint, enparticulier à cause de la notion de responsabilité sans fautedifficile à accepter par les professionnels, les établissements etles assureurs.

Références

1. Comité technique national des infections nosocomiales.- 100 recom-mandations pour la surveillance et la prévention des infections no-socomiales.- Paris : Ministère de la santé, 1999.

2. Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des InfectionsNosocomiales (RAISIN). Enquête nationale de prévalence des in-fections nosocomiales 2001 – Résultats. Editions InVS, 2003, 84 p.

3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades età la qualité du système de santé. JO du 5 mars 2002;54:4118.