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VAC N°163 | JUILLET/AOÛT/SEPTEMBRE 2017 20 Xavier Rouillon, artiste lyrique et ténor, est né en France en 1983. Fils d’un chanteur d’opéra et frère d’un baryton, cette vocation lui est venue tout naturellement dès son plus jeune âge. C’est à Rouen qu’il fait ses premiers pas dans le rôle-titre de Faust dans « Faust et Hé- lène » de Lili Boulanger. Suite à cela, Metz l’invite à incarner la sorcière dans « Hänsel und Gretel ». En 1999, Xavier Rouillon et sa famille déménagent en Belgique. L’Opéra royal de Wallo- nie va l’engager en tant que choriste dans un premier temps et lui confiera ses plus grands rôles (voir encart). Plus tard, le Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles offrira au jeune ténor un rôle dans « Nabucco » ainsi que dans « Les Huguenots » de Meyerbeer, qu’il reprendra à Strasbourg et à Nuremberg. Dès 2005, il se lance dans une carrière internationale et interprète des rôles mythiques tels que l’Incredibile d’Andrea Chénier au Gewandhaus dans la célèbre salle de Leipzig, sous la direction de Günther Neuhold, une référence dans le milieu. Xavier Rouillon réside aujourd’hui à Embourg où il espère séjourner encore de longues années. xavier rouillon Le ténor de Chaudfontaine Avez-vous toujours voulu devenir ténor à l’Opéra ? Quels sont vos modèles ? Mon père est chanteur d’opéra et mes parents m’emmenaient très souvent avec eux. À partir de l’âge de 6 ans, je pas- sais tous mes étés au festival autrichien de Bregenz d’abord en tant que figurant puis comme choriste et enfin en tant que so- liste. Cette merveilleuse et immense scène est installée sur le lac de Constance, il y avait énormément d’enfants figurants ger- manophones. C’était un terrain de jeu ma- gnifique où on avait le bonheur d’entendre de l’opéra et d’apprendre l’allemand sans même sans rendre compte. L’année du baccalauréat, nous avons quit- té la France. Je me suis alors inscrit aux cours par correspondance et j’ai suivi mes parents d’Amsterdam à Berlin, en passant par Tel-Aviv et Milan... Travail scolaire le matin, répétitions le soir. Comment ne pas rêver de devenir chan- teur d’Opéra ? Mes modèles ? Mon père et tous les mer- veilleux ténors que j’ai croisés sur ma route. Comment fait-on pour percer dans ce métier ? Mon parcours pour devenir chanteur est à la fois simple et compliqué. Simple car j’ai été élevé dans ce milieu et compliqué parce que c’est un métier très difficile. Une production coûte toujours très cher, les intérêts en jeu sont colossaux et les directeurs préfèrent engager un chanteur confirmé (sans risque pour eux) plutôt qu’un jeune débutant. De plus, la concur- rence internationale est énorme depuis une quinzaine d’années. On voit arriver des chanteurs de tous les pays – notamment de Corée – qui chantent très bien (et qui acceptent souvent des ca- chets dérisoires) même si la prononciation n’est pas toujours idiomatique. Il faut de l’audace, beaucoup de courage, de la persévérance et... de la chance pour percer dans ce métier. Et surtout, il ne faut pas oublier le soutien familial ! J’ai la chance d’avoir une épouse passionnée de musique classique qui m’a toujours soutenu ainsi que des parents qui m’ont toujours aidé au maximum. Comment êtes-vous arrivé à l’Opéra royal de Wallonie ? Lorsque nous avons quitté la France, nous avons d’abord passé l’après-mi- di à Bruxelles. Les rues étaient tellement embouteillées qu’on s’est demandé si ça valait la peine d’avoir quitté Paris. À 21 heures, dégoûtes, nous avons filé à Liège où Jean-Louis Grinda, directeur de l’Opéra de Liège de l’époque et ami de mon père, donnait une réception. Nous sommes très vite tombés amoureux de la région et nous nous y sommes installés. Peu de temps après, J.-L. Grinda nous a engagés, mon frère (baryton) et moi, comme cho- ristes puis très vite comme solistes. Je ne L’Opéra royal de Wallonie de Liège lui confie : le rôle de Babylas dans « Monsieur Choufleuri restera chez lui » d’Of- fenbach ; le rôle de Gustave dans « Pomme d’Api » d’Offenbach ; le rôle-titre dans « Lupus in fabula » de Sargenti ; le rôle de Pietro dans « Stradella » de Franck ; le rôle-titre de Verner dans « L’offi - cier de Fortune » de Grétry ; le rôle de Tybalt dans « Roméo et Juliette » de Gounod ; le rôle-titre de Azor dans « Zémire et Azor » de Grétry. - GALERIE DES PORTRAITS -

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Page 1: - GALERIE DES PORTRAITS - xavier rouillon Le ténor de ... · Xavier Rouillon réside aujourd’hui à Embourg où il espère séjourner encore de longues années. xavier rouillon

VAC N°163 | JUILLET/AOÛT/SEPTEMBRE 201720

Xavier Rouillon, artiste lyrique et ténor, est né en France en 1983. Fils d’un chanteur d’opéra et frère d’un baryton, cette vocation lui est venue tout naturellement dès son plus jeune âge. C’est à Rouen qu’il fait ses premiers pas dans le rôle-titre de Faust dans « Faust et Hé-lène » de Lili Boulanger. Suite à cela, Metz l’invite à incarner la sorcière dans « Hänsel und Gretel ».En 1999, Xavier Rouillon et sa famille déménagent en Belgique. L’Opéra royal de Wallo-nie va l’engager en tant que choriste dans un premier temps et lui confiera ses plus grands rôles (voir encart). Plus tard, le Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles offrira au jeune ténor un rôle dans « Nabucco » ainsi que dans « Les Huguenots » de Meyerbeer, qu’il reprendra à Strasbourg et à Nuremberg. Dès 2005, il se lance dans une carrière internationale et interprète des rôles mythiques tels que l’Incredibile d’Andrea Chénier au Gewandhaus dans la célèbre salle de Leipzig, sous la direction de Günther Neuhold, une référence dans le milieu. Xavier Rouillon réside aujourd’hui à Embourg où il espère séjourner encore de longues années.

xavier rouillonLe ténorde Chaudfontaine

Avez-vous toujours voulu devenir ténor à l’Opéra ? Quels sont vos modèles ? Mon père est chanteur d’opéra et mes parents m’emmenaient très souvent avec eux. À partir de l’âge de 6 ans, je pas-sais tous mes étés au festival autrichien de Bregenz d’abord en tant que figurant puis comme choriste et enfin en tant que so-liste. Cette merveilleuse et immense scène est installée sur le lac de Constance, il y avait énormément d’enfants figurants ger-manophones. C’était un terrain de jeu ma-gnifique où on avait le bonheur d’entendre de l’opéra et d’apprendre l’allemand sans même sans rendre compte. L’année du baccalauréat, nous avons quit-té la France. Je me suis alors inscrit aux cours par correspondance et j’ai suivi mes

parents d’Amsterdam à Berlin, en passant par Tel-Aviv et Milan...Travail scolaire le matin, répétitions le soir. Comment ne pas rêver de devenir chan-teur d’Opéra ? Mes modèles ? Mon père et tous les mer-veilleux ténors que j’ai croisés sur ma route.

Comment fait-on pour percer dans ce métier ? Mon parcours pour devenir chanteur est à la fois simple et compliqué. Simple car j’ai été élevé dans ce milieu et compliqué parce que c’est un métier très difficile. Une production coûte toujours très cher, les intérêts en jeu sont colossaux et les directeurs préfèrent engager un chanteur confirmé (sans risque pour eux) plutôt qu’un jeune débutant. De plus, la concur-rence internationale est énorme depuis une quinzaine d’années.On voit arriver des chanteurs de tous les pays – notamment de Corée – qui chantent très bien (et qui acceptent souvent des ca-chets dérisoires) même si la prononciation n’est pas toujours idiomatique.

Il faut de l’audace, beaucoup de courage, de la persévérance et... de la chance pour percer dans ce métier.

Et surtout, il ne faut pas oublier le soutien familial ! J’ai la chance d’avoir une épouse passionnée de musique classique qui m’a toujours soutenu ainsi que des parents qui m’ont toujours aidé au maximum.

Comment êtes-vous arrivé à l’Opéra royal de Wallonie ? Lorsque nous avons quitté la France, nous avons d’abord passé l’après-mi-di à Bruxelles. Les rues étaient tellement embouteillées qu’on s’est demandé si ça valait la peine d’avoir quitté Paris. À 21 heures, dégoûtes, nous avons filé à Liège où Jean-Louis Grinda, directeur de l’Opéra de Liège de l’époque et ami de mon père, donnait une réception. Nous sommes très vite tombés amoureux de la région et nous nous y sommes installés. Peu de temps après, J.-L. Grinda nous a engagés, mon frère (baryton) et moi, comme cho-ristes puis très vite comme solistes. Je ne

L’Opéra royal de Wallonie de Liège lui confie : le rôle de Babylas dans « Monsieur

Choufleuri restera chez lui » d’Of-fenbach ;

le rôle de Gustave dans « Pomme d’Api » d’Offenbach ;

le rôle-titre dans « Lupus in fabula » de Sargenti ;

le rôle de Pietro dans « Stradella » de Franck ;

le rôle-titre de Verner dans « L’offi-cier de Fortune » de Grétry ;

le rôle de Tybalt dans « Roméo et Juliette » de Gounod ;

le rôle-titre de Azor dans « Zémire et Azor » de Grétry.

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l’ai jamais regretté. D’ailleurs, c’est sur la scène de l’Opéra de Liège que j’ai ren-contré mon épouse. Elle faisait de la fi-guration alors que j’étais toujours choriste supplémentaire. Aujourd’hui, elle tient « La Théière Céleste », un salon de thé à Tilff et moi, je suis devenu soliste à L’Opéra royal de Wallonie.

Quel rôle mythique rêveriez-vous d’in-carner ? Je rêve de chanter Hoffmann (« Les contes d’Hoffmann » d’Offenbach). Le person-nage est passionnant et la musique est tout simplement superbe. Il y en a bien d’autres encore, comme Cavaradossi dans « Tosca » ou encore le rôle de Canio dans « I Pagliacci ».

Quel est votre plus beau souvenir sur scène ? Mon meilleur souvenir remonte à mes 17 ans. J’avais l’amour de l’opéra chevillé au corps mais encore aucune compétence professionnelle. J’ai reçu un coup de fil

d’un ami qui montait un spectacle au Tro-cadéro de Liège. Il s’agissait de toute une série d’airs mis en scène avec différents chanteurs… mais le ténor lui faisait défaut. Ne sachant quoi faire, j’ai demandé l’avis de mes parents. Mon père jouait alors à Hambourg. Effaré, il m’a répondu que je

ne savais pas encore chanter. Quant à ma mère, elle m’a dit de saisir cette opportu-nité et de foncer, ce que j’ai fait. Le soir du spectacle, j’étais pétrifié par le trac mais je me suis quand même lancé. C’est à ce moment que j’ai pris conscience que je plaisais au public. Quel merveilleux souve-nir ! Ce fut un triomphe. Mon père, revenu exprès d’Hambourg, n’en revenait pas. Ma mère a juste dit qu’elle savait que je serais formidable.

Pouvez-vous nous raconter une anec-dote insolite qui s’est produite lors d’un opéra ? Il y a un événement que je ne suis pas près d’oublier ! Il s’agit de la réouverture de l’Opéra de Liège où nous présentions « Stradella », mis en scène par JacoVan Dormael. Pour l’occasion, la scène était transformée en canal étant donné que l’opéra se dé-roulait à Venise. Lors des répétitions, l’eau n’était pas chauffée et je devais chanter en nageant. C’était une horreur de chan-ter dans ces conditions. J’ai alors deman-dé à ce que l’eau soit chauffée pour le spectacle. Le soir de la première s’est très bien passé mais lors de la représentation suivante, un technicien a oublié d’action-ner le chauffage. Or un chanteur doit se chauffer longuement la voix avant une performance. C’est ce qui lui donne cette fluidité et cette aisance. Un bain d’eau gla-

cée resserre la gorge, j’ai bien cru que je n’irai pas jusqu’au bout de la prestation mais nécessité a fait loi.

Pensez-vous que l’opéra est démodé au-jourd’hui ? Je ne peux même pas imaginer que l’opé-ra puisse se démoder. Cependant, il faut penser à former nos jeunes et à leur don-ner le goût de ce type de musique. Pour cela, il faut penser à les inviter aux géné-rales de l’opéra ou encore aux après-midis lyriques organisées pour les enfants. Je me souviens d’avoir emmené ma fille aînée (elle avait 4 ans à l’époque) à l’Opé-ra d’Amsterdam voir « L’amour des trois Oranges », elle a adoré. Elle a vu la gé-nérale et elle est ressortie en chantant les airs de la soprano. Elle m’a ensuite supplié de l’emmener deux jours plus tard voir la première. C’est ce que j’ai évidemment fait. Je viens d’emmener ma seconde fille de quatre ans à Liège voir « Orphée aux enfers ». Je n’avais malheureusement pas eu le temps de lui expliquer l’histoire, mais le lendemain c’est elle qui la racontait avec passion en chantonnant des bribes de l’opéra. Alors, initions les jeunes et ven-dons-leur des places à bas prix, c’est l’ave-nir de l’opéra.

Quels sont vos projets ? Comme tout chanteur d’opéra j’ai beau-coup d’auditions et de négociations en cours. Par superstition, tant que ce n’est pas signé, je n’aime pas trop en parler. Vous aurez la surprise très bientôt, j’es-père.

Si vous désirez écouter les performances du jeune ténor, vous pouvez vous procu-rer le CD de l’Opéra d’Adelia dans lequel il interprète Comino : Discographie : Ade-lia (Donizetti) : rôle de Comino (direction : Gustav Kuhn) chez Sony.

« J’ÉTAIS PÉTRIFIÉ PAR LE TRAC MAIS JE ME SUIS QUAND MÊME LANCÉ »

- G A L E R I E D E S P O R T R A I T S -