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Droit International Public PRESENTATION GENERALE Droit gouvernant la société international. Là, on va voir le Droit gouvernant la société des Etats d’une manière générale. Droit international général par opposition au Droit international spécial (humanitaire, de la guerre,…). On voit ici les rapports proprement étatiques. C’est le volet classique du Droit international qui est traité ici. 1. Une société sans pouvoir central Société internationale est une société organisée à partir d’un modèle opposé à celui qu’on rencontre dans les ordres internes. Il y a bien sûr des organisations créatrices de Droit International, des organismes chargés d’appliquer ce Droit, mais ces mécanismes ne sont pas aux mains d’une autorité supérieure. Ces mécanismes sont dispersés entre les Etats sur une base égalitaire. C’est parce que les Etats sont souverains. Ils n’ont pas en droit de supérieur. La souveraineté est consubstantielle à l’Etat. Un Etat ne peut pas détenir sur un autre la moindre autorité en Droit. Rien ne peut être imposé à un Etat sans son accord. Les Etats ne peuvent se lier en Droit qu’entre eux (conventions, traités,…). Le pouvoir normatif est donc partagé entre Etats souverains . La différenciation que l’on trouve entre le droit produit unilatéralement et le droit produit par les particuliers (contrats, …) en droit interne n’existe pas dans le Droit international. Le Droit International est un Droit de type privé. Il encadre les rapports entre sujets égaux (les Etats). Tout repose sur l’autolimitation des Etats sans qu’il y ait un droit unilatéral supérieur. La société internationale n’est toutefois pas un état de nature dans lequel les Etats décideraient à souhait de leur conduite car tout Etat est tenu par ce à quoi il a consenti. La souveraineté garantit à l’Etat de pouvoir ou non s’engager mais elle implique que l’Etat soit tenu à son engagement. 1

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Cours de Droit International Public, Master 1

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PRESENTATION GENERALE

Droit gouvernant la société international. Là, on va voir le Droit gouvernant la société des Etats d’une manière générale. Droit international général par opposition au Droit international spécial (humanitaire, de la guerre,…). On voit ici les rapports proprement étatiques. C’est le volet classique du Droit international qui est traité ici.

1. Une société sans pouvoir central

Société internationale est une société organisée à partir d’un modèle opposé à celui qu’on rencontre dans les ordres internes. Il y a bien sûr des organisations créatrices de Droit International, des organismes chargés d’appliquer ce Droit, mais ces mécanismes ne sont pas aux mains d’une autorité supérieure. Ces mécanismes sont dispersés entre les Etats sur une base égalitaire. C’est parce que les Etats sont souverains. Ils n’ont pas en droit de supérieur. La souveraineté est consubstantielle à l’Etat. Un Etat ne peut pas détenir sur un autre la moindre autorité en Droit. Rien ne peut être imposé à un Etat sans son accord. Les Etats ne peuvent se lier en Droit qu’entre eux (conventions, traités,…). Le pouvoir normatif est donc partagé entre Etats souverains.

La différenciation que l’on trouve entre le droit produit unilatéralement et le droit produit par les particuliers (contrats,…) en droit interne n’existe pas dans le Droit international. Le Droit International est un Droit de type privé. Il encadre les rapports entre sujets égaux (les Etats). Tout repose sur l’autolimitation des Etats sans qu’il y ait un droit unilatéral supérieur.

La société internationale n’est toutefois pas un état de nature dans lequel les Etats décideraient à souhait de leur conduite car tout Etat est tenu par ce à quoi il a consenti. La souveraineté garantit à l’Etat de pouvoir ou non s’engager mais elle implique que l’Etat soit tenu à son engagement.

2. Un droit relatif

Le Droit ne s’applique qu’aux Etats qui ont consenti à son engagement. On parle de relativité des énoncés. Il y a également réciprocité du Droit instauré. Les règles internationales n’existent que pour ceux qui ont acceptés de se les rendre efficaces. Ces règles n’existent de plus que dans les rapports qu’ils ont avec des Etats ayant eux aussi accepter de se rendre les règles efficaces (donc avec les autres Etats ayant signé un traité par exemple). Les énoncés existent intersubjectivement dans les relations qu’entretiennent les Etats entre eux. Le Droit international est la somme de ces relations bilatérales. Il y a donc des régimes internationaux partiels qui s’enchevêtrent, qui lient des cercles d’Etats et qui en laissent d’autres de côté (tout le monde n’a pas adopté les mêmes choses).

Au moment de la mise en œuvre de ce Droit, il y a également intersubjectivité.

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3. Un objet en expansion ; une logique qui se diversifie

L’objet du Droit international est en expansion, et du coup la logique se diversifie. Le Droit international public a longtemps été assimilé aux Droits interétatiques, formellement comme matériellement. Le DIP était créé par les Etats, et pour les Etats. Il s’agissait de réguler l’action des Etats dans l’ordre international et de laisser une marge de manœuvre inconditionnelle lorsqu’il s’agissait de son ordre interne. L’Etat était une sorte d’interface entre deux mondes cloisonnés. C’est ce caractère monolithique du DI qui est aujourd’hui remis en cause.CIJ avis rendu en 2010 : Sur la déclaration d’indépendance du Kosovo. L’ONU a mis au point un dispositif dit « dispositif constitutionnel » pour l’administration interne du territoire kosovaque. Une des questions était de savoir si ce dispositif adopté par l’ONU relevait du DI ou si on était en présence du Droit interne. La Cour répond que le DI peut réglementer des questions relevant du Droit interne plutôt que du Droit International ! On ne peut pas identifier le DI par son objet ! Le dispositif est donc du DI parce qu’il est contraignant du fait des résolutions de la Charte des NU. L’origine du droit est interétatique (la Charte), même si l’objet est constitutionnel d’un ordre interne.

A la logique classique vient se superposer une logique nouvelle. L’objet et les sujets du DI ont évolué. Les Etats créent du Droit qui vient réglementer des matières internes et non seulement internationales. Ils s’obligent à agir dans un sens donné dans leur ordre interne. En Droit pénal par exemple. Les Etats s’accordent par exemple à définir un comportement constitutif d’une infraction. Uniformisation du droit interne. L’action unilatérale de chaque Etat se trouve encadré dans leur ordre interne. Convention sur la torture, sur la lutte contre le terrorisme. Il faut transposition de la règle internationale en droit interne.

Les Etats vont mettre de plus au point des règles dont les particuliers (citoyens) sont destinataires. Le DI est alors dit « immédiat ». Ces règles vont modifier la situation juridique des particuliers plus besoin du canal du droit interne. Les sujets du DI a donc changé (droit de l’homme). Les sujets vont directement pouvoir se prévaloir de règles internationales, leur donnant parfois droit à une action dans l’ordre international, ou parfois se voir opposé ce droit international dans le cadre par exemple des crimes internationaux. On a une co-législation des Etats pour les particuliers. Les particuliers sont soumis à un Droit unilatéral pour eux, il n’y a donc intersubjectivité qu’au niveau des Etats. Et ce Droit n’est international que par son origine, et non son objet. Depuis la fin des années 60, on a pu voir l’émergence d’une idée de communauté internationale constituée autour d’intérêts commun. On voit un début d’ordre public international. On voit en effet des règles dites de « jus cogens » qui sont des règles impératives de DI qui viennent règlementer l’étendue du pouvoir contractuel des Etats (les Etats ne peuvent pas établir des conventions venant contredire ces règles). C’est comme s’il y avait un ordre public avec un organe supérieur (il n’y en a pas toutefois).Obligations dites « erga omnes » existent également (obligation « à l’égard de tous ». Piraterie, génocide, esclavage,…). On a des règles impératives, mais il n’y a toutefois personne pour dire quelles sont ces règles impératives... La publicisation du DI vient de la mise au point par l’action conjointe des Etats de règles qui sont objectives pour les particuliers. Ce sont les Etats qui ont étendu le domaine du DI à des manières relevant par nature du Droit interne et a fait accéder les particuliers au rang de sujet du DI. Cette double extension brise le côté monolithique du DI.

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PARTIE 1 LA COEXISTENCE DES SOUVERAINS

La coexistence des Etats souverains demeure l’objet principal du DI même si les Etats ont perdu le monopole de l’action internationale (agence de notation, ONG, multinationales,…). L’Etat est le cadre institutionnel est le point de départ de la répartition du pouvoir au sein de la société internationale. Dimension institutionnel et dimension spatiale.

SECTION 1. DIMENSION INSTITUTIONNELLE : LE PHENOMENE ETATIQUE

L’Etat est un phénomène social et historique de régulation des comportements. Dans le Droit, l’Etat est la reconstitution juridique de ce phénomène. L’Etat est une catégorie juridique qui attache aux collectivités un régime, un statut particulier.

§ 1. Les éléments d’identification de l’Etat

La qualité d’Etat repose sur une règle. Elle énumère les critères d’appartenance. Toute communauté remplissant ces règles peut être déclarée comme constituant un Etat.

A. Conditions nécessaires à l’existence de l’Etat

1. Conditions matérielles :

(i) « territoire »

Toute collectivité ne se confondant pas à un espace donnée (peuple dispersé, église transnationaleles juifs ?,…). Le DI n’est toutefois pas exigeant dans la définition. L’assiette spatiale doit être globalement identifiable. Il faut donc que les voisins soient d’accord pour définir globalement l’Etat. Il n’y a pas besoin d’avoir une définition exacte (plein de pays se disputent encore des territoires). Pas de condition quant à l’étendue, la continuité, à sa géologie,… Les caractères de l’espace sont sans aucune importance. Monaco avec ses 2km², le Pakistan était avant la création du Bengladesh divisé en deux (l’Inde entre les deux).

(ii) « collectivité »

Le nombre d’individu, leur homogénéité,… n’ont pas d’importance. La population s’identifie par rapport au territoire. Lien consubstantiel.

2. Condition organique :

Il n’y a Etat que lorsqu’un pouvoir est exercé sur une collectivité localisée au moyen des règles créées et appliquées selon des procédures régulières et constantes. L’organe exerçant ce pouvoir sur cette collectivité ne doit pas être soumis à une puissance étrangère. L’organisation politique du gouvernement doit être effective à l’intérieur et indépendante à l’extérieur.

(i) effectivité

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Le gouvernement contrôle la collectivité politiquement et administrativement. Il peut y avoir des contestations internes momentanées. La raison d’être d’une telle condition est qu’il faut que les Etats remplissent leurs engagements au niveau international. Du coup, l’ONU n’a que faire de la façon dont l’Etat soit organisé dans son ordre interne. Un Etat a la liberté de choisir son organisation politique,… L’effectivité ne se double pas d’une exigence démocratique.

(ii) indépendanceL’indépendance signifie que les fonctions étatiques sont exercées en toute autonomie. Soit la collectivité adopte sa réglementation et la fait appliquer par ses propres moyens, soit elle est soumise au droit d’un tiers et alors il lui manque son indépendance. Par exemple une collectivité locale, un gouvernement fantoche, un état fédéré,… Il faut que la collectivité soit émancipée en fait d’une quelconque puissance étrangère.

B. Acquisition de la qualité étatique

1. Existence objective de la qualité étatique

La réunion des 3 conditions de fait : territoire, population, gouvernement sont auto-suffisantes. La survenance de ces faits opère institution automatique de l’Etat. L’institution de l’Etat est un fait juridique. Il n’y a pas besoin d’un acte juridique (constitution, déclaration d’indépendance, reconnaissance par les autres Etats,…). La constitution d’un Etat est souvent accompagnée de ces actes juridiques mais ils ne sont pas nécessaires. C’est la différence entre les Etats et les autres organisations de DI.

On remarque aussi que certains Etats se modifient, si bien que certains ne remplissent plus forcément les conditions ayant permis leur institution en tant qu’Etat (gouvernement bancal,…). La qualité se maintient plus facilement qu’elle ne s’obtient.

2. Établissement subjectif de la qualité étatique :

a) Caractère subjectif de la reconnaissance ;Si l’Etat existe de manière objective, comment connaître les entités qui se sont constituées en Etat ? Il faut que bien que la qualité objective existant de fait soit reconnue pour que les effets de Droit produits par cette qualité (la souveraineté) s’appliquent de manière effective ! Ce sont les Etats qui reconnaissent les autres Etats.

Il y a bien sûr des actes juridiques de reconnaissance. Mais certains comportements peuvent valoir pour reconnaissance. Par exemple établir des relations diplomatiques, conclure un traité. La reconnaissance est le mécanisme principal permettant d’établir une qualité étatique préexistante. Rôle fondamental !

b) Effets de la reconnaissance :

(i) opposabilité de la situation étatique ;

Reconnaissance rend opposable la qualité étatique à son auteur. L’Etat en reconnaissant une collectivité comme constituée en Etat, alors cette collectivité est un Etat pour celui ou ceux (reconnaissance collective) qui l’ont reconnu. On voit bien ici le caractère subjectif de la reconnaissance. Il se peut qu’une collectivité soit reconnue en tant qu’Etat sans pourtant remplir les 3 conditions. Cette collectivité est alors un Etat pour ceux qui l’ont reconnue comme tel !

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(ii) activation du statut étatique ;

L’Etat n’a pas besoin d’être reconnu pour avoir un statut étatique. Mais s’il veut user de ce statut hors de son ordre interne. Un Etat qui n’est pas reconnu ne pourra pas exposer aux tiers sa législation extra-territoriale, exercer sa capacité international (conventions, traités,…), faire valoir son statut (action en justice,…). La reconnaissance permet la mise en œuvre de ses prérogatives d’Etat. Sans reconnaissance, les Etats ont une existence virtuelle !

c)Encadrement de la reconnaissance :

(i) liberté de reconnaître ;

La reconnaissance n’est quasiment pas réglementée. La reconnaissance a un caractère purement discrétionnaire. Le pouvoir de reconnaître n’est pas un pouvoir conditionné à l’existence de l’Etat. Mobile de pure opportunité. Par la reconnaissance les Etats ne créent pas les Etats (puisque la réunion des conditions suffit), mais ils pèsent dans le processus qui fonde socialement les Etats (sorte de mécanisme de cooptation). On a ainsi des reconnaissances prématurées dès 88 pour faciliter l’avènement d’une situation (palestine). Les auteurs savaient que les conditions n’étaient pas réunies. Idem pour le Kosovo. Sans soutien, difficile d’être effectivement dépendant de la Serbie.

(ii) limites

Interdiction de reconnaître une situation territoriale acquise par la force. Résolution 26/25/25 de l’ONU. Nul acquisition territoriale ainsi obtenue ne pourra être reconnue comme légale. Obligation de ne pas reconnaître les situations issues de l’utilisation illégale de la force. 1932 Doctrine Stinson (Manchourie, Etat fantoche du Japon). Plusieurs fois utilisée par la suite (Jérusalem avec annexion de la partie orientale), Koweït par Irak,…

§ 2. La condition étatique : le statut d’État

A. Situation statutaire de l’Etat

1. L’État, personne capable

L’Etat est un sujet (titulaire d’une situation juridique, droit, obligation, pouvoir,…). C’est à la fois un sujet de droit interne et aussi un sujet de droit international (sujet corporatif, immédiat et de plein droit). Il est corporatif, ie c’est une personne morale, qui donc ne peut agir que par le biais d’un appareil organique qui le représente. C’est un sujet de plein de droit, sa personnalité internationale est immanente à sa qualité d’Etat. C’est un sujet immédiat du DI. Il n’en est jamais l’objet. Il en est toujours le destinataire (même si une proposition va s’adresser aux sujets internes va définir le comportement des Etat vis-à-vis des nationaux, notamment pour qu’il respecte les propositions en question).L’Etat a une capacité normative, qui s’accompagne d’une capacité délictuelle. Il a également un pouvoir de légation (diplomatie avec ambassadeurs,..).L’Etat a une capacité procédurale. Il dispose d’actions contentieuses.

2. L’État, personne souveraine

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En général la souveraineté nationale, c’est la puissance du souverain dans son ordre interne. La souveraineté internationale, c’est la négation de toute entrave. 4 avril 1928 île de palmas, le Tribunal arbitral affirme que la souveraineté dans les relations entre Etats signifie l’indépendance. L’Etat est insoumis à une autorité supérieure. Consécration de la condition d’indépendance pour la constitution d’un Etat. Egalité souveraine, tous les Etats sont égaux en Droit.

3. L’État, personne libre :

(i) liberté d’agir

Liberté est statutaire. C’est un élément de sa condition. La liberté est inconditionnée. Ca n’est pas une liberté accordée. L’Etat est initial par rapport aux règles auxquelles il a souscrit. C’est l’Etat qui va restreindre sa liberté primitive en s’imposant de respecter les règles auxquelles il a souscrit.Affaire du Lotus (arrêt du 1927 par la CPJI) : Erreur de navigation d’un navire français, « le Lotus », qui avait abordé un navire Turc (morts,…). Accident survenu en haute mer. Le capitaine français est condamné par un tribunal turc (ils étaient arrivés dans un port turc). La France conteste la compétence de la Turquie pour juger cette affaire. La France présente le DI comme un ensemble de règles permissives qui confèrent des habilitations à agir. La Turquie dit que tant qu’aucune règle ne lui interdit, l’Etat peut faire ce qu’il veut (DI = règles prohibitives).Solution de la CPJI : Le DI régit les rapports entre des Etats indépendants, les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci, volontés manifestés dans des conventions ou dans des usages (…). Des limitations de l'indépendance des États ne se présument pas. L’Etat est présumé libre ! L’Etat est autorisé à agir au nom d’une présomption de liberté qui ne cède qu’en présence d’une règle prohibitive.

(ii) s’engager

A partir du moment où la souveraineté est reconnu à tous les Etats, alors un Etat ne peut rien se voir imposer, mais dans un même temps, il ne peut rien produire tout seul (il faut que les autres Etats consentent). Cela applique un vis-à-vis. La souveraineté se confond avec l’autolimitation. Affaire du Vapeur Wimbledon 1923 (CPJI) : La conclusion d’une convention dans lequel un Etat s’oblige à faire ou à ne pas faire quelque chose n’est pas un abandon de souveraineté. La faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l’Etat. Dans cette affaire, c’est le traité de Versailles qui est en cause. Allemagne est obligée de laisser ouvert le canal de Kiel aux navires étrangers. Un conflit entre la Russie et la Pologne éclate et un navire britannique transportant des armes pour la Pologne se présente au canal. L’Allemagne bloque le navire en invoquant sa neutralité dans le conflit. Pour elle, l’article 380 du traité de Versailles ne l’oblige que dans la mesure où l’application ne la conduise pas à remettre en cause son pouvoir à garder la neutralité dans un conflit. Ce pouvoir de neutralité est le revers du pouvoir de faire la guerre. C’est pour l’Allemagne un droit imprescriptible. C’est la théorie des droits fondamentaux (définition matérielle de la souveraineté : certains pouvoirs seraient indisponibles car directement attachés à l’essence même de l’Etat). La Cour va rejeter cette interprétation faite par l’Allemagne. Se limiter même dans domaines considérés comme fondamentaux, c’est exercer sa souveraineté et non y renoncer. L’Etat renonce, sur la base de sa souveraineté, à sa liberté d’action initiale. Il peut même aller jusqu’à anéantir son indépendance (par exemple transfert de pouvoirs et prérogatives à un OI). La souveraineté formelle fait produire son effet à une décision de s’anéantir lui-même en fusionnant par exemple avec un autre Etat, à partir du moment où c’est un sujet autonome qui prend cette décision. Il faut donc identifier le moment où l’Etat disparait.

B. Droits statutaires de l’Etat

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1. « Droit » au respect du territoire :

a) Inviolabilité du territoire

Cela signifie l’exclusivité de la compétence de l’Etat territorial. 4 avril 1928 île de Palmas. Seul l’Etat territorial peut mettre en œuvre ses activités étatiques dans le territoire donné. Interdit donc l’intervention ainsi que toute activité d’un autre Etat dans ce territoire. Cette interdiction ne tombe pas devant ce la « nécessité humanitaire ». L’exception d’humanité a déjà été mise en avant par certains Etats. La jurisprudence a refusé d’y trouver un titre juridique d’intervention.

CIJ 86 : intervention américaines au Nicaragua. Pas de titre juridique.Dans la grande majorité des cas, les Etats qui interviennent à l’Etat s’appuient plutôt sur la notion de légitime défense qu’ils vont essayer d’étirer. La seule intervention d’humanité concevable en droit est celle décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU. C’est la seule autorité apte à autoriser des interventions armées en considération de la situation humanitaire. Par exemple la crise libyenne (Mars 2011). Cette habilitation reste discrétionnaire. L’intervention humanitaire est donc dans les autres cas licite qu’avec l’accord des autorités territoriales (même lorsque l’intervention vient d’une NGO).

Inviolabilité du territoire ne se limite pas à la prohibition d’une intervention. Est interdit de manière plus large tout acte d’autorité exercé par les agents d’un Etat ou d’une OI sur des personnes en territoire étranger, même lorsque ses ressortissants sont concernés, et même lorsqu’il n’y a pas exercice de la contrainte. Interdiction de mener des enquêtes, réaliser des saisies ou perquisition, enlèvement de personne, établissement d’acte juridique.

b) Intégrité du territoire

Interdiction de modifier l’assiette spatiale d’un Etat que ce dernier n’aurait pas voulu.

2. « Droit » à l’indépendance des autorités – principe de non-ingérence :

A vocation à protéger l’Etat des interférences qui pourrait remettre en cause son domaine de liberté et remettre en question l’indépendance de ses autorités. Résolution du 24 oct 1970 Ass générale de l’ONU. Article 2 §7 de la charte des NU : Interdiction concerne également les OI.

La jurisprudence a précisé que l’ingérence porte sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté de l’Etat permet à chacun d’entre eux de se décider librement. 27 juin 86 CIJ.Les affaires intérieures correspondent au domaine l’Etat n’est pas lié sur le plan international. Il n’y a pas de domaine relevant par nature des affaires intérieures. Peut dépendre des Etats et notamment des engagements pris par ces Etats.

7 février 23 CPJI décret de nationalité en Tunisie et Maroc : La question de savoir si une certaine matière rentre ou non dans le domaine d’un Etat est relative. Dépend des engagements !

Le principe de non-ingérence est plus large que le non intervention. L’ingérence garantie l’exercice de pouvoirs inconditionnés contre des interpositions visant à influer sur la manière dont l’Etat use de sa liberté, sans considération des mesures constituant cette ingérence (jugement de valeur sur comportement réalisé, immixtion dans le processus de décision par l’émission d’orientations,…).

L’intervention est une modalité de l’ingérence, qui elle peut prendre une forme immatérielle.

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Une menace d’emploi de la force est une ingérence s’il méconnait la sphère de liberté de l’Etat . Le principe de non intervention est mobilisé à chaque fois que le territoire est mis en danger. C’est donc le principe de non intervention qui prévaut sur le principe de non-ingérence (plus restreint mais du coup plus spécialisé pour le territoire).

Le principe de non-ingérence va jouer que pour les comportements ne relevant pas de la non-intervention. En général comportements non-verbaux. Par exemple critique verbale : il y a interférence, mais il n’y a pas de fait illicite. Il manque en effet l’élément de contrainte. il faut donc pour que l’ingérence soit illicite qu’elle s’accompagne d’une contrainte. Deux conditions supplémentaires : il faut que l’interférence vise à porter atteinte à la stabilité de son gouvernement (aide à des rebelles Soutien financier, renseignement, entrainement,…), et l’interférence doit priver l’Etat d’un droit. Ainsi, rien n’interdit un Etat à user de son pouvoir discrétionnaire pour accorder une aide gracieusement à un comportement donné dans un autre Etat (aide à association, groupe politique ?,…).

3. « Droit » à l’indépendance dans l’exercice des fonctions souveraines :

Le Droit interne d’un Etat est la manifestation de sa puissance. Le DI aménage à tout Etat, à ses biens, ses locaux, ses agents, un régime particulier qui comporte les privilèges de l’Etat dans les ordres internes étrangers.

a) Consistance

D’un côté l’Etat et ses figures sont partiellement exemptés de l’application des règles substantielles étrangères incompatibles avec l’exercice des fonctions étatiques. Inviolabilité personnelle des agents de l’Etat. Interdiction d’exercice de la contrainte sur les personnes protégées (arrestation, détention,…). Les locaux étatiques sont aussi inviolables (peut pas rentre dans une ambassade).

Immunités : immunités de juridiction (irrecevable les actions en justice contre l’Etat et ses figures), immunités d’exécution (contre les opérations matérielles de l’autorité étatique étrangère). Ces deux formes d’immunités revêtent un caractère procédural. Elles viennent déterminer la façon dont l’Etat territorial peut exercer ses pouvoirs normatifs et opérationnels, les limitant, sans préjudicie de la licéité des comportements en cause, ni de l’obligation de l’Etat d’en répondre. Immunité ne signifie pas impunité. C’est juste que les moyens internes ne sont pas les moyens appropriés pour mettre en cause la responsabilité de l’Etat et de ses agents. Le droit des immunités applicables s’applique au moment de la procédure et non au moment des faits. Immunité n’a pas de caractère substantiel. Juste procédural.

b) Bénéficiaires

Protège l’Etat, par-delà les personnes et les locaux qui bénéficient de l’immunité. Les organes de l’Etat et ses agents jouissent d’une immunité de juridiction et d’exécution seulement s’ils exercent des fonctions de représentation sur le plan international. Appréciation se fait au cas par cas, par les juridictions internes qui reconnaissent ou non l’immunité. Le DI pose une présomption de représentabilité aux agents occupant une place élevée dans l’Etat (Président, PM, MAE, diplomates,…).

c)Étendue

L’étendue des privilèges dépend du degré de protection qu’exige la fonction. Protection parfois des activités privées de l’agent quand il faut une liberté totale (protection absolue). Lorsque la fonction

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n’appelle pas une protection d’une activité privée, alors la protection est relative (juste quand il agit en représentation de l’Etat). La protection de l’Etat personne morale est relative. Les procédures dirigées contre l’Etat sont exclues lorsqu’il y a mise en cause de prérogatives de puissance publique.Agents de l’Etat : seuls ceux qui assument des fonctions de représentation à titre principale bénéficient d’une protection absolue. Les pouvoirs de l’Etat étranger s’exerçant sur le représentant pris dans sa qualité privée pèseraient sur les décisions qu’il prend dans le cadre de sa fonction. Arrêt CIJ mandat d’arrêt République Congo/Belgique : il n’est pas possible de dissocier les actes officiels d’un ministre que les actes privés. Idem pour les actes accomplis avant ou pendant l’exercice de ses fonctions.jure imperii : ce sont les actes ou activités qui relèvent de l'exercice de la puissance souveraine

jure gestionis : sont des actes ou activités dits de gestion qui relèvent généralement des transactions de droit privé qui ne bénéficient en général pas de l’immunité, sauf quand fonction de représentation à titre principal.Mais si représentation à titre accessoire, alors pas de protection absolue. Par exemple ministre de l’économie,…

d) Exceptions ?

Nature de certains crimes ou normes méconnues pourraient justifier que l’immunité soit levée ? En l’état actuel, aucune exception. Même en présence de crimes internationaux.

Immunité de l’Etat allemand mise en question par l’Italie car les actes incriminés, quoi que jure imperii, constituaient des violations des plus graves du DI (meurtres, déportations,…). Un Etat n’est pas privé de l’immunité au seul motif que les comportements soient illicites au vu du DI des droits de l’homme ou des conflits armés. Attention, c’est bien une immunité vis-à-vis des procédures de droit interne ! Pas d’immunité devant les juridictions pénales.Le jus cogens (sorte de droit naturel) n’implique pas en tant que tel le rejet de l’immunité car pour les tribunaux d’un Etat donné, la décision de ne pas juger ces crimes n’est pas dérogé au droit impératif. Le droit impératif continue de s’appliquer. C’est le caractère procédural de l’immunité qui mène à une telle décision.

§ 3. La vie de l’État : ses éléments constitutifs

A. Apparition de la collectivité étatique

1. Apparition par sécession

La sécession consiste dans l’établissement d’une nouvelle collectivité à partir d’un élément du territoire d’un autre Etat. Ce dernier, le prédécesseur, survit à cette amputation.

a) Dans le cadre de la décolonisation

(i) reconnaissance du « droit des peuples » à l’autodétermination

Cette reconnaissance stimule la sécession repose bien plus sur les circonstances historiques de la décolonisation que sur le texte même de la Charte des NU (article 1 §2). La résolution 15/14/15 du 14 décembre 1960 sur l’octroi de l’indépendance des peuples coloniaux affirme la contrariété à la Charte de la suggestion des peuples, à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangère. Droit à la libre détermination entendue comme un droit à l’indépendance dans les limites spatiales des territoires concernés.

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Les titulaires du droit à l’autodétermination ne sont pas les peuples (lesquels n’ont pas de personnalité morale). Ce droit est reconnus aux Etats avec en réflexe l’obligation de chacun de veiller à son respect. C’est donc le droit des Etats à voir des peuples obtenir leur indépendance… Les peuples jouissent d’une protection de fait. Ils ne sont que l’objet de cette réglementation (la règle parle d’eux mais ne fait pas d’eux les sujets d’un droit). L’autodétermination ne bénéficie donc qu’aux seules collectivités qui sont administrativement et géographiquement distincte des pays qui les administrent. C’est l’engagement entre Etats de garantir aux collectivités colonisées une libre détermination de leur sort. C’est une obligation dont le destinataire principal est l’Etat colonial qui doit rendre possible l’expression par le peuple de se volonté.Le principe d’autodétermination n’attend pas l’indépendance de la collectivité et donc son institution en Etat. Il ouvre le choix entre se constituer en Etat ou s’incorporer dans un Etat existant. Par référendum, le peuple du Cameroun septentrional s’est rattaché au Nigéria, Mayotte a décidé de rester incorporée à la France.

b) Hors cadre de la décolonisation

(i) défaut de « droit » à la sécession obligation d’abstention des tiers

La déclaration 26/25/25, précise que le droit à l’autodétermination reconnu aux populations non autonomes ne sera pas interprété comme autorisant une action qui démembrerait, ou menacerait totalement ou partiellement l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un Etat. Les pays ayant reconnu l’existence du Kosovo ont insisté sur le caractère exceptionnel de la situation. On ne stimule la sécession que dans l’hypothèse de domination coloniale.

(ii) défaut d’interdiction de la sécession : licéité d’une sécession accomplie

Mais cela n’empêche pas non plus les collectivités de se constituer en Etat quand les conditions sont réunies. Les autres pays reconnaissent, ils constatent une situation de fait (ou constatent qu’une situation va irrémédiablement survenir).Si une prétention à l’indépendance se fonde sur un recours illicite à la force, la sécession est impossible (avis du 22 juillet 2010 CIJ sur le Kosovo).

2. Apparition par substitution

L’ancien Etat fait place à un ou plusieurs nouveaux Etats au profit du ou desquels son territoire est redistribué.(i) fusion et scission

Fusion = 2 ou plusieurs Etats fusionnent en un Etat. Par exemple les USA avec une fusion de 13 Etats.

Scission = 1 Etat se désagrège et donne naissance à plusieurs Etats nouveaux se substituant à l’Etat subdivisé (Tchécoslovaquie). Aucun Etat ne peut prétendre être le continuateur de l’ancien Etat.

(ii) incertitudes

Remembrement autour d’un Etat moteur. Traité 31 aout 1990 entre la RDA et RFA réalise l’absorption de la première par la seconde. La réunification est une réintégration d’un Etat dans un autre.

Dans le cas de l’Ex-URSS, la Russie est la continuation de l’URSS. C’est le même Etat, avec un nom différent et un territoire réduit en conséquence de la cession. Cela a permis notamment à la Russie

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de rester sur le siège du conseil de sécurité. Mais ça n’a été possible que parce que personne ne contestait. Pour la Yougoslavie, la Serbie Monténégro voulait être la continuation alors que les autres disaient que c’était une cession en 4 nouveaux pays. C’est cette solution qui a été retenue . C’est plus l’appréciation par les tiers qui finalement détermine la solution retenue. L’intérêt de continuer la personnalité morale de l’ancienne Etat est notamment qu’on peut passer la procédure d’admission aux OI, qu’on doit être reconnu par les autres Etats,…

B. Mutation de la collectivité étatique

1. Transformation

(i) mutations territoriales

En cas de transformation de l’Etat, le principe de continuité s’applique. Malgré les mutations territoriales ou organiques, l’Etat reste le même. Les puissances coloniales sont restés les mêmes malgré les changements. La Russie a été considérée comme la continuation de l’URSS.

(ii) mutation organiqueIl y a quand même contraintes de fait. Lorsque le changement de régime se fait dans le cadre constitutionnel en vigueur, l’Etat est maintenu. Il répond des actes illicites opérés sous les gouvernements précédents. Les relations nouées avec l’ancien gouvernement sont maintenues. Mais lorsque le changement s’opère en dehors du cadre constitutionnel, l’Etat est maintenu mais une double difficulté émerge. Les régimes issus d’une rupture révolutionnaire sont selon l’interprétation des pays tiers, se substituent complètement aux anciens. Même si l’identité de l’Etat est inchangée, la rupture révolutionnaire bouleverse les relations nouées par l’ancien gouvernement.

2. Disparition

(i) présomption de maintien

Moins difficile de se maintenir que de se constituer. Tendance conservatrice du DI (but de stabilité). Vient notamment du fait qu’on ne contrôle pas sans arrêt si un Etat remplit ou non les conditions qui ont été nécessaires à sa constitution. Remettre en cause la présence ou non de ces conditions par les tiers constituerait en effet une ingérence !

(ii) protection de l’Etat d’évènements volontaires

Participation à une confédération d’Etat ou à un OI ne saurait être perçue comme le signe légal de renoncer à sa qualité même si l’intégration en cause aménage une intégration de son ordre juridique à celui de ses membres (UE). Atteinte volontaire à l’indépendance, présomption de maintien protège. On a vu d’ailleurs que la décision de porter une atteinte à son indépendance est la manifestation de sa souveraineté.

(iii) protection de l’Etat d’évènements involontaires

1° État « défaillant »Un Etat inapte à s’acquitter des charges afférant à la fonction étatique est dit défaillant . Comme cette défaillance bute sur la souveraineté attachée pleinement à toute l’entité étatique. Défaillance est réputée temporaire même si les troubles intérieurs son majeurs (guerre civile,…).

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Même si la défaillance de l’Etat implique l’intervention d’un tiers pour le rétablissement de son autorité, la présomption dure. Cette intervention, qu’elle soit sollicitée par un état défaillant, ou qu’elle soit autorisée par le Conseil de sécurité, peut déboucher sur mise sous tutelle de l’Etat défaillant. Ou bien le gouvernement recouvre une autorité suffisante, son indépendance est sauve. Ou bien le gouvernement n’y parvient pas et il reste durablement sous la dépendance d’un Etat étranger. C’est seulement à ce moment, atteinte décisive à son indépendance, qu’il y a dislocation.

2° État « contraint »

Atteinte forcée à l’indépendance.

Menace d’usage de la force contraint l’Etat d’accepter un régime conventionnel inégalitaire. Mais c’est illicite donc cela exclue la dissolution de l’Etat

L’Etat est l’objet d’utilisation de la force. Occupation ou annexion. L’occupation militaire constitue en une présence militaire à l’issue d’une phase de belligérance. La situation d’occupation ne constitue aucune revendication de titre territoriale. C’est une occupation de fait. Administration provisoire du territoire (principalement maintien ordre public). Ces pouvoirs doivent être exercés dans le respect du droit interne, du DI des droits de l’homme, et les engagements internationaux de l’Etat… L’occupation n’affecte pas le sort du titre territorial. Il y a continuité de l’Etat malgré la privation d’indépendance.L’annexion exprime une prétention dont l’objet est la constitution d’un titrer de souveraineté sur le territoire occupé. Si l’annexion est complète, elle prive l’Etat d’une assise spatiale conduisant à sa disparition. Aujourd’hui, l’annexion est strictement encadrée par le DI contemporain. Elle est illégale quand utilisation illicite de la force. Il y aura refuse de reconnaissance de la disparition de l’Etat. Koweit par l’Irak. Donc aujourd’hui, seule l’annexion sans guerre est valable.

SECTION 2 DIMENSION SPATIALE : LA DELIMITATION DES SPHERES DE LIBERTE ET DE POUVOIR

Espace est un objet concret mais aussi une étendue. Tout Etat dispose de son espace, le reste est un espace partagé, non susceptible d’appropriation (espace internationalisé). Cet équilibre n’a jamais été bouleversé. L’Etat est au cœur de la répartition de l’espace, et la répartition de cet espace va fixer le cadre dans lequel les Etats peuvent exercer leur pouvoir.

§ 1. Répartition de l’espace

A. Distribution de l’espace

1. Espace de type territorial

Le territoire est l’assise spatiale de l’Etat. Est territorial l’espace qu’un Etat s’est approprié comme chose par la possession d’un titre (il peut donc en disposer comme bon lui semble. Il en dispose comme un bienC’est le côté « objet » du territoire). Est territoriale l’étendue à raison de laquelle l’Etat déploie l’ensemble de ses pouvoirs. C’est l’aire d’exercice d’une autorité. Le territoire est un espace sur lequel un Etat dispose de pouvoirs réels (dans le sens « objet ») et dans lequel il exercice une autorité sur des personnes spatialement rattachées à lui.

1° territoire terrestre

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Inclut le sol et le sous-sol des terres émergées. Inclue les voies d’eau internationales et les cours d’eau intérieurs. Fleuves et lacs internationaux. Eaux intérieures maritimes, qui baignent les côtes de l’Etat (inclut entre le rivage et la ligne de base du territoire maritime). La ligne de base est une ligne qui va séparer le territoire terrestre de l’Etat de l’ensemble de son territoire maritime. Les ports et les rades relèvent du territoire terrestre de l’Etat. S’il y a des îles et échancrures profondes, la ligne de base va se dissocier du rivage. Les eaux comprises dedans vont donc aussi relever du territoire terrestre de l’Etat.

2° territoire maritime (mer territoriale)

Zone de mer adjacente aux eaux intérieures. C’est la mer territoriale. Pour assurer sa sécurité, l’Etat riverain se voit reconnaitre vers 1800 des compétences s’étendant sur une zone allant jusqu’à 3 miles marins au-delà de ses eaux intérieures. Une mer territoriale est créée à 12 miles marins de la ligne de base par la convention de 1982.

3° territoire aérien

Convention de Chicago du 7 décembre 1944. L’Etat jouit d’une souveraineté complète et exclusive de l’espace aérien au-dessus de son territoire terrestre et au-dessus de sa mer territoriale (énoncé à valeur de droit coutumier). Valable sur toute la couche atmosphérique.

2. Espace de type international

Ils se définissent en creux. Ils n’appartiennent à aucun Etat et sont libre de toute compétence territoriale. Impossibilité d’y constituer un titre territorial. Partage de son usage sur une base individuelle (négative), collective (positive) ou quasi-territoriale.

a) Internationalisation négative

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(i) eaux de la haute mer

Depuis la fin du 17ème, on admet le fait qu’aucun pouvoir domanial ne puisse être exercé. En même temps, pour la pêche ou la navigation, chaque Etat régit ses nationaux selon les règles qu’il établit (rattachement personnel. En gros, il régit l’activité de ses nationaux non pas parce qu’ils sont sur le territoire mais parce qu’ils sont ses nationaux). Les ressources sont des res nullis « choses sans maître » et deviennent donc la propriété de ceux qui les capturent.

(ii) espace aérien international

Traité comme une dépendance des eaux sous-jacentes, libre de tout titre territorial, et les Etats y régissent les activités de leurs nationaux à l’appui d’une compétence fondée sur un rattachement personnel. Dans l’air comme sur l’eau la navigation relève de la compétence des Etats nationaux (lien de l’immatriculation pour aéronef ou du pavillon pour les navires).

(iii) espace extra-atmosphérique

Traité de 1967. Même Etats non partie au traité ont accepté. L’espace extra-atmosphérique est libre d’accès et impropre à la propriété.

b) Internationalisation positive

Avec évolution du DI, certains espaces ont continué à être considéré comme internationaux, mais on ne souhaitait plus qu’ils soient libres de toute appropriation. Autrement dit, on ne veut plus qu’ils n’appartiennent à personne mais plutôt qu’ils appartiennent à tout le monde. Gestion collective.

(i) Antarctique

Continent recouvert par la glace. Il est l’objet de compétition territoriale entre 7 pays dont la France et l’Angleterre. On rajoute 5 autres pays dans un traité de 59 dont la Russie et USA. Un régime commun applicable à l’antarctique voit le jour. Il est relativement libre d’accès mais se ressources ne peuvent être exploitées que par les 12 pays parties au traité. Il est démilitarisé, activité sont aujourd’hui principalement d’ordre scientifique. L’internationalisation est positive, fondée sur une base conventionnelle restreinte. Ca n’est pas du droit coutumier. Beaucoup d’autres pays contestent cette convention.

(ii) grands fonds marins (« Zone »)

Zone extérieure au plateau continental (sous les eaux internationales). Principalement à cause des ressources. Les Etats ont voulu les soustraire à la libre appropriation. Cette portion d’espace internationale (appelée par la convention de 82 « la Zone »). Cet espace a été dissocié des eaux sur-jacentes que sont les eaux internationales. Cette Zone est un patrimoine commun de l’humanité (art 136). Aucun Etat ne peut revendiquer de souveraineté sur une partie quelconque de la zone. Sa gestion revient à l’autorité internationale des fonds marins (une OI).

c) Internationalisation « territorialisée »

(i) zone contiguë

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Elle est contiguë à la mer territoriale. Née en 1930. USA voulait lutter contre l’importation de d’alcool (période de prohibition) et avait besoin d’aller au-delà de leur mer territoriale. Convention de 58 puis 82, ne peut pas aller au-delà de 24 miles marins de la ligne de base. De plus, uniquement les eaux, pas les fonds marins. Aujourd’hui la zone contiguë prolonge la mer territoriale. Zone contiguë donne lieu à des pouvoirs de police et des pouvoirs sécuritaires.

(ii) plateau continental étendu et zone économique exclusive (ZEE)

Pouvoirs en termes d’exploitation des richesses à l’égard des Etats côtiers. Concerne géologiquement le lieu où se sépare l’ensemble continental des grands fonds marins. C’est un lieu riche en ressources biologiques et hydro métalliques. Avant c’était dans les eaux internationales.Le plateau continental est constitué des fonds marins et de leur sous-sol au-delà de la mer territoriale sur toute l’étendue du prolongement naturel terrestre de cet état (jusqu’à 350 miles marins), ou jusqu’à 200 miles marins des lignes de base (si la marche terrestre est à moins de 200 miles marins). Donc au minimum 200 miles, au maximum 350 miles.La ZEE ne s’étend pas au-delà des 200 miles marins de la ligne de base. S’applique les fonds et sur les eaux sur-jacentes. Ces espaces ne sont pas territorialisés. Ils restent des espaces de type internationaux mais sont fonctionnalisés au profit de l’Etat riverain. Les Etats riverains y détiennent des droits souverains « finalisés ». Ils peuvent explorer et exploiter les ressources qui s’y trouvent (ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent non plus). Rattachement fonctionnel ou matériel (et non territorial, ni personnel).

B. Acquisition du titre territorial

Le titre territorial permet à un Etat de s’approprier un espace. Tous les titres territoriaux ne s’acquièrent pas selon le même mode. Pour les territoires terrestres, c’est un titre principal qui va se constituer. Les éléments périphériques comme la mer territoriale, le plateau continental et l’espace aérien vont se constituer un titre accessoire. Ces titres se constituent ipso facto.

Ces modes d’acquisition ne concernent que les accroissements de territoire et non son espace originaire. Ce dernier est en effet celui sur lequel la collectivité s’est fondée en Etat. Il n’est donc pas détachable de l’Etat lui-même. Ce titre principal est celui qui est acquis sur un espace terrestre venant élargir l’assise de l’Etat. Soit l’accroissement a pour objet un espace qui est libre de tout statut territorial. Le titre vaudra alors incorporation de ce territoire dans son espace. Soit l’accroissement a pour objet un espace qui est déjà le territoire d’un autre Etat. Le titre s’acquière en conséquence d’un transfert du territoire d’un Etat à un autre.

1. Mode d’acquisition du titre sur un espace non étatique

Toute la surface de la terre est aujourd’hui soit appropriée, soit inappropriable (internationalisée). Avant, il existait plusieurs modes d’acquisitions (attribution pontificale, découverte,…). Aujourd’hui, ces modes n’ont plus vraiment d’intérêt car ils ont été soit annulés, soit renforcés par ce qu’on appelle « l’occupation effective d’un territoire sans maître » (à partir du 19ème siècle, seul moyen de constituer un titre initial). Seules les terres sans maîtres sont ouvertes à une revendication territoriale initiale. Au départ, un espace sans maître est un espace qui exempt de toute forme d’organisation sociale. Il suffit qu’il y ait un minimum de vie social pour qu’il n’y ait pas constitution d’un titre initial.

Les puissances européennes vont traiter tous les espaces non contrôlés par un Etat civilisé (maître européen) comme des terres sans maître, donc ouverte à la constitution d’un titre initiale. Il suffit donc de les occuper, de manière effective. L’Etat revendiquant un titre doit régir juridiquement

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l’ensemble des activités qui s’y déploient. Il faut donc le déploiement d’une compétence normative et opérationnelle. Néanmoins le degré attendu d’effectivité n’est pas figé. Varie en fonction de considérations géographique, du régime politique, social et économique, des caractères de la population, de la densité, de la stabilité. On peut considérer que si les lieux sont faciles d’accès, que la vie sociale est dense, alors l’effectivité n’est établi que si se conjuguent des aspects normatifs et opérationnels de l’autorité de l’Etat. Dans des milieux hostiles,… exercice intellectuel de l’autorité n’a pas besoin d’être appuyé par des mesures concrètes. Ile de Clipperton française (simple atoll) contre le Mexique, Groenland pour Danemark contre Norvège. CIJ 17 dec 2002 : île à la Malaisie contre l’Indonésie car la première avait pris les dispositions administratives et réglementaires les plus convaincantes pour les protéger des excès des activités touristiques.

2. Mode d’acquisition du titre sur un espace étatique

D’un Etat à l’autre, le titre ne peut être réalisé que par transfert d’un Etat à un autre.

(i) transfert volontaire

Le transfert est volontaire dans le cas d’un traité. Il n’y a pas forcément de contrepartie financière. Elle était fréquente autrefois (monnayée : lousiane, alaska,… ou non : savoie,...). L’Etat dispose de son tirte territorial, et sous réserve de son consentement, il est complètement libre d’aliéner une partie de son territoire. Aucune présomption ne le protège d’ailleurs. Selon la jurisprudence, un Etat qui laisse un tiers s’emparer de son territoire, sans s’y opposer, est réputé y avoir renoncé. Le détenteur du titre est en effet appelé à réagir. Soit il conteste Arrêt 10 oct 2002 : frontière terrestre et maritime entre Cameroun et Nigeria. Les activités du Nigéria ne remettent pas en cause le titre territorial du Cameroun dans la mesure où celui-ci n’y a jamais renoncé. Soit il ne proteste pas Le droit voit dans son abstention la volonté de transférer son titre à son rival.

(ii) transfert forcé

En pratique, la cession forcée résulte d’un traité de pays avec des dispositions imposées au vaincu. Son caractère forcée le rapproche de l’annexion, mais s’en différencie au vu de son caractère conventionnel. Tout traité réalisé sous la contrainte est aujourd’hui nul. Exclu le transfert forcé aujourd’hui. En l’état du droit positif, seule l’annexion sans emploi de la force est légale. Si l’illégalité de l’annexion par la force est indiscutée, son application conduit à sa dilution. Compte tenu tant de l’impossibilité pratique d’assurer le respect des limitations de l’emploi de la force, que de l’impossibilité de réaliser les règles qui invalident les situations fondées sur l’usage illicite de la force. Bien sûr certaines annexions se sont heurtées à la ferme opposition des NU (israël en jordanie, koweit et irak). En dehors d’une action du conseil de sécurité, c’est aux Etats qu’il revient d’apprécier si l’annexion prolonge un emploi licite ou illicite de la force. Il n’y a pas de contrôle international… Les faits finissent souvent par devenir définitifs… L’URSS a fini par obtenir des Etats occidentaux, la reconnaissance des annexions faites après la WWII.

C. Délimitation des espaces

La délimitation a pour objet de déterminer ou commencent les différents segments d’un espace et où ils fissent. Souvent, frontières entre Etats. D’autres délimitations séparent les portions d’espace à l’intérieur du territoire d’un Etat unique ou séparent le territoire d’un espace international.

1. Frontières entre États

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Fixe soit les territoires terrestres ou maritimes des Etats, soit les zones maritimes dans lesquels les Etats côtiers détiennent certains droits fonctionnels. Opération de délimitation est concertée, réalisée entre deux Etat. Lorsque le territoire terrestre de deux Etats est adjacent, ils doivent trouver un arrangement. Lorsque pour les territoires maritimes, les côtes de deux Etats se font face, ou qu’ils sont trop proches pour posséder tout l’espace que le droit international leur reconnaît, ils sont conduits à s’arranger. L’arrangement frontalier est à la fois permanent et objectif. Il est permanent car la solution convenue ne peut être remise en cause que par les Etats concernés. De plus, la frontière perdure même si le traité cesse d’être en vigueur (existence juridique propre selon la jurisprudence). L’arrangement est objectif car il est opposable à tous les tiers (erga omnes). Les délimitations frontalières entre Etats ne sont pas encadrées par le DI. Le DI ne dit quasiment rien sur la façon dont les Etats doivent fixer leurs frontières terrestres entre eux. Les intéressés peuvent s’appuyer sur des données artificielles (longitudes, latitudes), naturels, historiques…

Pour la définition des frontières maritimes entre deux Etats, il y a une règle : celle de l’équidistance. La frontière entre les deux mers territoriales doit correspondre à la ligne médiane de cette espace commun. Mais les Etats sont libres de choisir un autre système prenant en compte par exemple la configuration des côtes, la facilité de la navigation. Pour la délimitation des plateaux continentaux, la règle de l’équidistance n’existe pas.Principe de l’uti possidetis veut que soit transmis au nouvel Etat, tant les limites internes imposées par le colonisateur que les frontières externes établies entre empires coloniaux. Principe né de la décolonisation. Les Etats africains vont retenir les frontières administratives des anciennes colonies pour éviter les revendications territoriales. L’uti possidetis a été étendu à la dissolution de l’URSS et de l’ex-Yougoslavie (préserver intégrité des anciennes entités fédérées). Le poids du principe ne doit pas être surévalué. Il ne joue quand dans le cas d’Etats nouveaux. De plus, fonctionne si les limites coloniales étaient déjà établies. L’uti possidetis n’a qu’un caractère supplétif. Les nouveaux Etats sont libres de modifier le tracé d’un commun accord.

2. Frontière de l’État

L’acte de détermination est nécessairement unilatéral (lorsqu’il n’y a aucun autre territoire riverain). En revanche, la validité de la délimitation à l’égard des Etats tiers dépend du DI. Acte unilatéral, mais devant respecter les règles du DI. Les tiers dont les droits sont en cause pourront refuser de se voir opposer la délimitation s’ils estiment que cette délimitation est contraire aux règles substantielles du DI. Si la frontière se fait à deux, la frontière de l’Etat est posée par le seul Etat concerné, mais sous contrôle du DI. Tous les espaces maritimes délimités de manière unilatérale ont pour point de départ la ligne de base (voir le schéma pour voir les distances p.13).

§ 2. Espace et pouvoirs de l’État

A. Pouvoirs de l’Etat dans l’espace : les droits d’utilisation

1. Pouvoirs de l’État territorial

Le territoire de l’Etat est l’espace dans lequel il dispose d’une aptitude à régir les personnes, les objets dans lesquels ils sont localisés. Ces derniers sont soumis au Droit édicté par l’Etat (compétence normative), et aux opérations matérielles réalisées par ces agents (compétence opérationnelle). Attachés au titre territorial, ces pouvoirs que l’Etat exerce sur son espace sont exclusifs de tout pouvoir de même nature. La compétence est exclusive mais aussi générale. Il peut utiliser tous les moyens matériels pour organiser sa collectivité humaine, fixer la condition des êtres qui en relève, favoriser ou limiter les conditions d’entrée dans son territoire. L’interdépendance des Etats vont

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cependant lier leurs pouvoirs par le DI. Ces limitations interviennent dans plusieurs domaines. Par exemple l’organisation constitutionnelle (Bosnie-Herzégovine), la participation à une OI dite d’intégration (UE).Tout Etat tire de son titre territorial des pouvoirs, mais sur une base paritaire. La prétention de l’un à exercer seul l’intégralité de ses pouvoirs, se heurte à la prétention correspondante de tout autre Etat fondé sur un titre équivalent. Tout Etat est tenu de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits des autres Etats. C’est la limite élémentaire s’imposant à l’Etat. Exigence logique liée à la coexistence d’entités également souveraines. Obligation d’abstention. L’Etat territorial doit prévenir la réalisation de tout dommage média : à travers la personne des nationaux de l’Etat étranger (action dite en protection diplomatique). L’Etat doit prévenir tout dommage immédiat : dommage directement constitué dans la personne même de l’Etat tiers (personnes représentants l’Etat qui subiraient un dommage, est un dommage immédiat). L’Etat ne doit pas tolérer des activités se déployant sur son territoire ayant pour but de renverser un gouvernement étranger, ou autre (par exemple lutte contre le terrorisme). Affaire existant entre les USA et Canada (usine canadienne laissait échapper des fumées de plomb rendant les terres américaines adjacentes inexploitables. Responsabilité du Canada).

Aujourd’hui, la CIJ a établi le 25 septembre 97 que les Etats sont tenus par le DI de l’environnement de veiller à ce que les activités réalisées sous leur contrôle où dans le cadre de leur juridiction, respectent l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale (donc pas uniquement Etats riverains).

2. Communications dans les espaces maritimes

a) Pouvoirs partagés dans les espaces communs

Tout Etat, qu’il dispose ou non d’une façade maritime a le droit de faire naviguer en haute mer des navires battant son pavillon. Liberté de navigation s’étend aux espaces quasi-territoriaux que sont la zone économique exclusive et la zone contiguë, en dépit des droits souverains exercés sur ces zones. Loi du pavillon comporte un aspect normatif et opérationnel. Sur le plan normatif, il appartient aux Etats nationaux d’édictées les règles applicables à leurs navires et sur le plan opérationnel, il appartient aux Etats de faire réaliser cette réglementation, et ce à titre exclusif. Ce sont leurs navires de guerres ou assimilés qui peuvent effectuer leur arraisonnement, visite, inspection, perquisition à bord. L’Etat du pavillon et lui seul a autorité pour le détourner vers un de ses ports et exercer sa compétence pénale à l’égard des individus se trouvant à bord. L’Etat est tenu de veiller au respect des règles de navigation, sécurité (état des bateaux,…) et assistance en mer. C’est la contrepartie de son pouvoir exclusif. Ces obligations s’appuient sur la loi du pavillon. Il y a deux limites à la liberté de navigation de l’Etat du pavillon :

- Répression d’infractions internationales (lutte contre le trafic des esclaves, piraterie, stupéfiants, terrorisme,…) Tous les Etats peuvent utiliser leurs bâtiments de guerre ou assimilés pour faire appliquer ces règles internationales en haute mer dans le cas de piraterie. La loi du pavillon s’efface alors (compétence universelle reconnu dans ce cas). Dans les autres cas, il faut que l’Etat soit partie à une convention.

- Défense par l’Etat riverain de ses droits et intérêts à proximité de son territoire. L’Etat riverain tire du DI un droit de poursuite en haute mer aux fins de la répression des activités réalisées dans un espace relevant de sa compétence territoriale ou fonctionnelle. Dans ce cas, la compétence qu’il a dans sa zone contiguë et ZEE est étendue à la haute mer même si le navire ne bat pas son pavillon.

b) Pouvoirs encadrés dans l’espace territorial

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Dans l’espace territorial, les pouvoirs sont encadrés. Dans la mer territoriale, le principe de la libre navigation est inversé. Tout navire qui pénètre dans la mer territoriale est soumis à la compétence territoriale de l’Etat riverain (voies de navigation, tout acte exercé par l’Etat riverain sur le navire… on est dans son territoire). La compétence de l’Etat riverain est exclusive mais n’est pas illimitée. Elle ne doit pas compromettre la liberté de naviguer reconnue à tous. L’Etat doit laisser les navires utiliser son espace territorial pour exercer leur liberté de naviguer, mais ces derniers ne sauraient attenter à la sécurité de l’Etat riverain dans l’utilisation qu’ils font de leur liberté de navigation. C’est le droit de passage inoffensif reconnu aux navires étrangers militaires comme commerciaux. Ce droit de passage inoffensif est le prolongement limité de la liberté de navigation dans les mers territoriales (ne peut pas rentrer dans les eaux intérieures). Le passage doit être continu et rapide. Une liste des activités portant atteinte à l’Etat riverain a été dressée (pollution grave, manœuvre militaire, activité de pêche, toute activité sans lien avec le passage fait perdre son caractère inoffensif au passage. L’Etat côtier peut alors l’entraver si navire commercial…). Si navire militaire, les pouvoirs de l’Etat côtier sont restreints.

Eaux intérieures sont l’objet de la souveraineté exclusive et plénière de l’Etat riverain. Situation différente en fonction que ce soit un navire de guerre ou un navire commercial ou privée. Les navires de guerre ont interdictions d’entrer dans les eaux intérieures, sauf autorisation expresse. C’est la contrepartie du fait que le navire de guerre reste toujours soumis à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon. Le navire privé est entièrement soumis à la souveraineté de l’Etat côtier pendant son séjour dans les eaux intérieures. Le statut de Genève de 1923 a affirmé la liberté d’accès aux ports. C’est un instrument peu ratifié. Dans les faits, c’est plus une nécessité commerciale qui admet le principe.

B. Pouvoirs de l’Etat sur l’espace : les droits d’exploitation

1. Pouvoirs de l’État territorial

Le territoire est un objet concret sur lequel il possède des pouvoirs. Par son exploitation, par lui-même, il peut constituer un dommage pour les tiers. Deux principes : principe de l’utilisation non dommageable du territoire et le principe de l’exploitation équitable de ses ressources.

a) Principe de l’utilisation non dommageable du territoire

(i) obligation d’information

Obligation d’informer les tiers de la présence sur son territoire d’éléments de nature à leur porte préjudice. CIJ 9 fev 49 (détroit de courfou) : un champ de mine avait été déposé dans les eaux territoriales albanaises. Elles n’avaient pas averti des dangers et un navire britannique avec explosé. Lorsque les Etats procèdent à des expériences (nucléaires, polluantes,…), ils sont tenus de les avertir. Cette obligation perdure même en cas d’accident produit sur un Etat.

(ii) obligation d’abstention

Si un Etat veut effectuer dans son intérêt exclusif des travaux à l’usage hydraulique d’un cours d’eau, diminuant les ressources hydrauliques du ou des pays en aval, il a obligation de s’abstenir. En contrepartie de l’exclusivité sur son territoire, l’Etat répond aux dommages excédant les inconvénients normaux de voisinage (USA/Canada usine de plomb).

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(iii) obligation de prévention des dommages à l’environnement

Principe de l’utilisation non dommageable du territoire devait régler les problèmes de voisinage. Mais petit à petit, le principe a été incorporé dans ce qu’on appelle l’obligation de prévention des dommages irréversibles à l’environnement. CIJ Argentine VS Uruguay : usine de pâte à papier construite sur la rive uruguayenne. Uruguay doit payer les dommages.

b) Ressources naturelles partagées

Certaines ressources intéressent parfois plusieurs Etats. Le caractère partagé d’une ressource détermine l’usage que peut en faire chaque Etat territorial. Utilisation équitable et raisonnable. Interdiction de tout détournement par un Etat à son profit d’une ressource naturelle partagée. La CIJ a établi en 25 sept 1997, qu’en prenant de manière unilatérale le contrôle d’une ressource partagée (par la construction d’un barrage sur le Danube), la Tchécoslovaquie avait privé la Hongrie de son droit à recevoir une partie équitable de cette ressource naturelle.

2. Exploitation des ressources maritimes

a) Droits exclusifs de l’État côtier sur les ressources quasi territoriales

(i) droits de l’État côtier

Les revendications de nature territoriale au-delà de la mer territoriale n’ont été juridiquement consacrées que lorsqu’elles ne convoitaient plus l’espace lui-même mais ses ressources. Exclusivité de droits sur TOUTES les ressources de sa ZEE et de son plateau continental (sol et sous-sol). La pêche est placée sous son entière autorité et le droit d’exploitation des tiers est défini par ce dernier seulement. L’exercice d’une telle compétence fonctionnelle est canalisé par plusieurs contraintes.

(ii) encadrement de l’État côtier.

L’Etat côtier doit garantir le respect du régime de liberté de communication dans les eaux comme dans les airs. Il doit assurer que l’exercice de ses droits souverains ne compromet pas la liberté de navigation. Les grandes puissances maritimes ont accepté d’abandonner leurs prétentions sur les ressources des différents Etats côtiers à la condition que la liberté de navigation soit garantie. Il y a donc un droit exclusif d’exploitation qui doit être optimal. C’est-à-dire une exploitation respectueuse des tiers et protectrice de l’activité elle-même. Cette exploitation doit être fondée sur les données scientifiques les plus fiables. Les droits dévolus à l’Etat riverain le sont en vue de la satisfaction du bien commun.

b) Partage des ressources internationales :

(i) internationalisation négative : haute mer

La haute mer n’appartient à personne. Tous les Etats peuvent jouir de ces ressources extraites par leurs nationaux. Principe de liberté de la pêche. Si la compétence de l’Etat est exclusive pour réglementer et discipliner les comportements de ses nationaux, les considérations environnementales liées à la volonté de renouveler les ressources biologiques ont conduit les Etat à se soumettre à des règles communes. La convention de 82 oblige les participants à adopter des mesures de conservation applicables à ses nationaux. Des traités viennent compléter la convention, régissant la pêche dans certaines zones, la pratique de pêche, protection d’espèces menacées,

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prévention de la pollution. Il n’y a aucun régime coutumier (tous les Etats n’appartiennent pas à tous les traités).

(ii) internationalisation positive : Zone

Dans les années 60, les grands fonds marins deviennent accessibles. L’exploitation des grands fonds marins doit servir le développement des Etats les plus démunis. Résolution du 17 dec 70, l’Ass général de l’ONU déclare les grands fonds marins patrimoine commun de l’humanité (repris dans convention de 82 art 136). Autorité centralisée agissant au nom de l’humanité. Création de l’organisation de l’autorité des fonds marins. Personne moral de DI qui tire de la convention de 82 des pouvoirs de type domaniale sur les zones concernées. Ass plénière, conseil exécutif restreint, un secrétariat, organisme commercial et une juridiction. L’exploitation doit être conduite par l’organisme commercial et peut l’être par un Etat partie à la convention sur autorisation, sur contrat… La France a eu une licence d’exploitation.

Les grands fonds marins devaient sont affectés à un usage commun en 82. L’exploitation doit avoir une perspective distributive, tenant compte des besoins des Etats en développement. Mais cette logique solidariste a été contestée (USA, Canada, France et Allemagne, sont les seuls pays capables d’exploiter les grands fonds marins). Ils refusent de signer cette partie (partie 11) de la convention. Négociations, puis amendement en 94 : limitation des coûts de fonctionnement, droit de véto collectif, activités dans la zone soumises au principe de saine gestion commerciale. Logique de redistribution des richesses est écartée au profit de l’économie de marché.

PARTIE II LA REALISATION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

La réalisation du DI s’organise autour de deux principes :

- Présomption de respect de leurs engagements par les Etats (celui qui invoque un manquement doit l’établir et établir que son dommage résulte de ce manquement).

- Réalisation est décentralisée entre Etats sur une base égalitaire.Sauf cas particuliers, le contrôle international de l’exécution des engagements ne correspond pas à un pouvoir de garantir le respect de la légalité internationale comme le fait l’administration dans l’Etat. Ce contrôle est borné aux situations contentieuses, en vue de les régler. En résulte une profonde instabilité entre le stade de la formation du Di et celui de sa réalisation.

CHAPITRE I. EXECUTION

Lorsque les destinataires de l’engagement et ceux qui le mettent en œuvre coïncident, la réalisation est spontanée (on parle d’exécution). Le terme application est réservé à l’hypothèse dans laquelle la prévision est réalisée par un tiers extérieur (une juridiction appliquant le droit par exemple). L’exécution internationale des engagements implique aussi une exécution par l’Etat dans son Etat. Cette exécution interne du DI est une modalité particulière de l’exécution internationale.

SECTION 1. L’ « ADMINISTRATION » DU DROIT INTERNATIONAL

§ 1. Les Etats-administrateurs

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Les Etats contrôlent la mise en œuvre des engagements qui les lient. Il n’y a pas d’être supérieur, et ne peut donc y avoir d’administration internationale jouant le rôle assimilé à celui de l’Etat dans son ordre interne.Le respect de la légalité international est garanti par le contrôle mutuel opéré par les Etats. L’exécution est :

- décentralisée (diffusée entre Etats sur une base paritaire)- réciproque (les Etats les uns à l’égard des autres)- subjective (ne s’exerce qu’en fonction de la perception par chaque Etat de ses intérêts)

L’exécution du DI ne se distingue pas organiquement de sa formation. Les Etats créent le DI et en même temps l’exécutent. Chaque Etat est responsable au premier titre de l’exécution de ses propres engagements.

La société internationale comporte des règles impératives, règles auxquelles les Etats ne peuvent déroger. Mais cette indérogeabilité des énoncés internationaux restent l’exception. Ils sont par principe dispositif (supplétif). La décentralisation de la réalisation a pour conséquence qu’elle est un terrain d’exercice par les Etats de leur aptitude à déroger entre eux aux droits qu’ils ont précédemment créé pour eux. Ils peuvent modifier le Droit qui s’applique entre eux, au moment de sa réalisation. Cela ruine toute idée de Droit incontestable. Il n’y a pas de clôture stricte entre la formation du Droit et la réalisation de ce Droit. Il n’y a pas de distinction organique. La négociation entre Etat est donc perpétuelle (au moment de la formation et de l’application). Les sanctions sont de plus relatives. Si le manquement apparaît au moment de la fabrication d’un acte juridique, la sanction est normalement l’invalidité de l’acte. Mais les modes permettant d’établir une telle invalidité n’est pas juridictionnelle. Il revient aux Etats de décider si les actes passés entre eux sont valables. S’ils n’arrivent pas à s’entendre, un différend naîtra entre eux. La validité ou l’invalidité ne pourra être prononcée par un organe juridictionnel que si les deux Etats y ont consenti. Lorsque le manquement est issu d’un agissement illicite. L’auteur engage sa responsabilité. Il y a un mécanisme décentralisé des voies d’exécutions, permettant à l’Etat qui s’estime victime du fait illicite de réagir contre l’auteur afin de contraindre celui-ci à lui octroyer la réparation qui lui est due selon son appréciation.Depuis un siècle, des mécanismes de contrôle non contentieux se sont développés pour extraire l’exécution des engagements internationaux de la sphère individuelle de leur dentinaires. On a un embryon d’administration internationale.

§ 2. Une « administration internationale » ?

1. Mise en place d’un mécanisme de suivi : l’organe commun

Les Etats partis à un traité mettent en général en place un organe commun (conventionnel), par l’intermédiaire duquel les Etats partis au traité agissent, et qui a pour fonction de les aider à exécuter leurs engagements. Aucun sujet de droit distinct des Etats n’est créé. C’est un organe qui est l’organe de tous les Etats partis au traité. Les actes adoptés par l’organe sont rapportés à chaque Etat. Leurs effets dépendent du traité, ou dans le silence, du régime général des actes unilatéraux étatiques. Ces mécanismes (mécanismes de suivis) ont connu un renouveau avec l’apparition de domaine spécifiques du DI (protection de l’environnement, des droits de l’homme,…). Permet de garantir une coopération souple entre les Etats, moins couteux que la création d’une OI personnifiée.

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2. Mise en place d’une organisation internationale personnifiée

Elle est chargée, en son nom propre de contrôler l’exécution par les Etats de leurs engagements . Une telle organisation est un sujet de Droit. Elle jouit d’une personnalité juridique distincte des Etats membres qui la compose. Mais, étant créée par un traité, elle est dérivée l’activité juridique des Etats et n’existe donc que par eux. Chaque OIP est un être unique qui ne détient que des compétences fonctionnelles, circonscrites à la réalisation d’un objet et d’un but défini par le traité. Ces OIP jouent pour certaines les fonctions d’administration internationale du traité constitutif, ou même des traités conclus sous les auspices de l’organisation. Le premier modèle est fourni par l’OIT au lendemain de la WWI (Procédure périodique du contrôle du respect par ses membres des conventions de travails conclus sous les auspices de l’organisation). Après 45, le phénomène s’étend : ONU, organisation de l’aviation civile internationale, OMS, UNESCO ou encore l’OMC (GATT). Le contrôle de l’application du traité est ainsi réalisé par un être distinct des Etats, devant représenter la collectivité des Etats membres au traité.Parfois, les Etats sont invités à rendre des comptes par la production de rapports. Il arrive aussi que l’OI rédige elle-même des rapports publics concernant l’exécution des engagements par les Etats membres. Mais un manquement ne peut amener à une sanction. Son intervention n’est qu’un moyen de pression. C’est un moyen diplomatique malgré tout assez efficace, puisque sortant malgré tout du système consistant à s’en remettre à l’appréciation exclusive par chaque Etat, et pour son compte, des nécessités qu’implique l’exécution de ses engagements. Rares sont les OI disposant d’un pouvoir de décision externe, ie vis-à-vis de leurs membres.

L’OI adopte des décisions, constituant son Droit dérivé. Les attributions du conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix par exemple sont exemplaires à cet égard. Leur caractère contraignant à l’égard de ces Etats fait assumer au conseil de sécurité une fonction de directoire de la société internationale. AIEA dispose de pouvoirs d’enquête et de contrôle des installations nucléaires des EM. L’OMC qui comporte une mécanisme contraignant de règlement des différends (ORD) ou la CPI qui assure la représentation des crimes des individus au nom de l’OI créée par le statut de Rome dont les intérêts sont représentés par un procureur.Cette centralisation de l’exécution est aussi spectaculaire qu’elle est exceptionnelle. Elle cantonnées à des secteurs biens particuliers, et parfois limités régionalement.

SECTION 2. MODE D’ETABLISSEMENT DES FAITS ET DU DROIT

Maître de l’administration de leurs propres engagements, les Etats établissent entre eux l’état de la légalité. En cas de conflit, un tiers appelé à intervenir ne substituera par à leur appréciation pour leur appliquer un droit objectif. Ce tiers cherchera à établir l’admission des Etats et ne se prononcera sur le jeu objectif de la règle que sur le désaccord de ce qui fait droit entre eux. Les Etats tirent un pouvoir conjoints de déterminer des faits et questions de Droit du caractère supplétif des règles.

§ 1. Détermination des faits

La preuve des faits obéit à un modèle accusatoire. Il appartient aux parties de prouver les faits au tribunal. Son but est d’arbitrer entre des présentations divergentes fournies par les parties. Ce qui est particulier au système international est que les éléments de preuve ne sont pas indispensables à l’appui de chaque allégation. La preuve des faits repose en grande partie sur la faculté qu’ont les Etats d’établir la vérité aux fins de l’application des règles qui les lient. Ainsi les tribunaux tiendront pour établis les faits mutuellement admis par les parties. Si les parties concordent pour considérer

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que tel fait est avéré, les tribunaux se contenteront d’en tirer les conséquences. Dans l’affaire du Détroit de Corfou (mines en Albanie qui font sauter un bateau). Les parties étaient d’accord pour ne pas imputer le mouillage à l’Albanie (le fait de poser les mines). La vérité est intersubjective. C’est un rapport entre Etats. Cela prive le tribunal du pouvoir de décider si les faits sont établis. Ce n’est qu’en l’absence d’accord entre les parties sur ce qui est vrai, que le tribunal décide si tel ou tel fait est avéré.

Cet enfermement du tribunal est limité. Le tribunal peut opposer aux parties leur admission. L’Albanie disait par exemple qu’elle ne savait pas qu’il y avait des mines dans cet endroit mais dit que le mouillage était récent. Cette affirmation a permis à la Cour de l’invraisemblance de la déclaration de l’Albanie visant à dire qu’elle ne savait pas qu’il y avait des mines… La déclaration d’une des parties peut donc se retourner contre elle…

§ 2. Détermination du droit

1. Les intéressés déterminent le droit applicable à leur relation

On a vu les conditions objectives de la formation d’un Etat. Toutefois, il suffit que deux Etats tiennent une collectivité pour un Etat dans leur relation pour qu’elle existe comme telle dans leurs rapports (ils se comportent vis-à-vis de lui comme si c’était un Etat). Elle existe comme telle même si elle n’est pas un Etat au sens du Droit objectif. Ce pouvoir d’appréciation des Etats de déterminer ce qui est valable joue également en ce qui concerne ce qui leur est applicable. Il suffit que deux Etats considèrent qu’un traité est applicable à une situation pour que ce dernier soit applicable, même si à la lecture du traité, la situation concernée ne semble pas tomber dans le cadre du traité (affaire de l’italienne qui récupère ses biens après la guerre alors qu’elle n’est pas résidente en Tunisie et que cela faisait partie des conditions pour les récupérer ; affaire du temple Preah Vihear entre le Cambodge et la Thailandeles deux Etats estiment que la frontière est conforme au traité (même si elle ne l’est pas de façon objective), donc cela devient la règle applicable pour la juridiction chargée de régler le litige).Le mode de résolution juridictionnel des conflits est assez extraordinaire. La technique objective (recours à un tiers appliquant le droit objectif) est subsidiaire. Lorsque le juge est appelé à se prononcer cherchera à trouver le consentement des parties et non à appliquer une règle objective détachée de la volonté des parties. Donc les parties déterminent bien, de façon fondamentale, le droit qui leur est applicable. Le juge ne se substitue aux parties qu’en cas de désaccord. Dépend de la relation des parties.

2. Les intéressés déterminent les actes valables dans leur relation

Si deux Etats tiennent un acte pour valable entre eux, alors cet acte sera valide en Droit (traités ou actes unilatéraux). La plupart des actes unilatéraux des Etats sont encadrés par des règles (coutumière ou conventionnelle). La validité de l’acte, comme son efficacité (opposabilité à un Etat donné), dépend de sa conformité objective à la règle en question.

Affaire des pêcheries anglo-norvegienne : La Cour dit que « si l’acte de délimitation est nécessairement unilatéral, en revanche, la validité de la délimitation à l’égard des Etats tiers dépend du DI » (distance établie par le DI). Ce principe doit toutefois être concilié avec un autre principe qui vient en limiter sa portée. C’est le principe selon lequel ce sont les Etats qui déterminent pour eux-mêmes si l’acte en question est valide ou non (c’est-à-dire conforme à la règle ou non). La Cour ne va pas en premier lieu vérifier si l’acte est conforme ou non, elle va s’en remettre à l’appréciation des Etats, et notamment ici à celle du RU. La Cour note d’abord que la délimitation retenue par la

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Norvège ne s’est pas heurtée à l’opposition des autres Etats et relève la tolérance générale dont elle a bénéficié, ce qui aboutit à une consolidation historique la rendant opposable à tous les Etats. Ces derniers ne l’ont pas considéré comme étant contraire au DI. La Cour va examiner l’attitude du RU. Selon la Cour « la position du RU dans la mer du Nord, son intérêt propre dans la question, son abstention prolongée permettait à la Norvège d’opposer son système de délimitation au RU ». La délimitation est opposable au RU dans la mesure où il ne l’a pas contestée, la tenant donc pour valable.Un acte unilatéral n’est en définitive jamais contraire ou conforme au DI, il n’est que tenu pour tel par un Etat agissant pour son compte… L’opposabilité est donc relative acceptée par certains et refusée par d’autres, sur les mêmes fondements apparemment supérieurs…

Pour accepter la compétence de la CIJ, un Etat dispose de plusieurs moyens parmi lesquels figure la possibilité d’émettre un acte unilatéral par lequel il déclare accepter la compétence de la Cour pour les contentieux à venir. Cet acte doit être conforme au statut de la Cour (annexé à la Charte des NU), car c’est ce dernier qui donne des effets à l’acte. Les Etats ont la possibilité dans cet acte d’assortir ce consentement de restriction. La France avait accepté la juridiction de la Cour avec une restriction qui excluait les différends relatifs à des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale telle qu’elle est entendue par le gouvernement de la République française (retirée depuis). Or la restriction semble incompatible avec le statut. Principe de la compétence de la compétence (En cas de désaccord sur sa compétence, la Cour décide si elle est compétente ou non). Mais dans l’affaire opposant la France et la Norvège, la France comme la Norvège vont considérer que la restriction de l’acte unilatéral de compétence fait par la France était valide. Il n’appartient pas à la Cour de contrôler la validité de la restriction dès lors que les deux parties convergent dans leur appréciation.

CHAPITRE II INEXECUTION

Les effets attachés à l’inexécution par l’Etat de ses engagements diffèrent selon que la prévision méconnue est une norme prescriptive ou selon qu’elle gouverne la production du Droit. Les prescriptions restreignent des libertés ou facultés d’agir. Elles ne peuvent être violées que par des agissements matériels, des comportements, qui sont des faits illicites. L’ordre juridique attache à leur survenance deux types de conséquences : d’un côté l’Etat défaillant voit sa responsabilité engagée et d’un autre côté, l’Etat victime à la possibilité de déclencher des mesures afin d’obtenir la cessation du fait illicite s’il est continue, et l’exécution par l’Etat défaillant de réparer les préjudices subis . Les règles sur la production opèrent dans un registre différent, qui est celui des opérations juridiques. Ces opérations juridiques sont rendues possibles par les règles sur la production du Droit si elles sont reconnues comme valables. La réalisation des règles sur la production du Droit consiste donc en une remise en cause de l’engagement illégal. La réalisation des énoncés normatifs a pour objet tantôt la réparation des conséquences du manquement, tantôt la cessation du manquement.

SECTION 1. MISE EN CAUSE DES ENGAGEMENTS : NULLITE ET EXTINCTION

La mise en cause des engagements recherche une mutation du traité, dont elle met en cause la validité ou l’applicabilité. Elle repose sur des motifs et repose sur une procédure.

§ 1. Motifs de mutation unilatérale

La remise en cause unilatérale repose sur deux vices : un vice originaire et un défaut ultérieur.

A. Motifs affectant la validité originaire

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1. Motifs d'invalidité externe : les vices du consentementC’est la convention de Viennes qui réglemente ces questions en DI.

a) Consentement faussé (dol, corruption, erreur)L’Etat a cru vrai ce qui ne l’était pas, ou alors il a été trompé par une conduite frauduleuse de son partenaire, ou de son représentant. Le dol ou la corruption du représentant de l’Etat sont des conduites frauduleuses destinées à obtenir un consentement. Les accords de Munich en 38, (annexion des sudètes), sont un exemple de situation où il y a eu un dol. L’Allemagne avait en fait déjà prévu, selon les archives, d’annexer le reste de la Tchécoslovaquie, alors que les alliés y avaient vu un moyen de calmer les prétentions territoriales d’Hitler. Le dol et la fraude sont rarement évoqués, car très difficile à prouver. L’erreur, est plus facile à faire valoir. Elle fait l’objet d’une pratique plus consistante, même si la pratique à laquelle elle a donné lieu est généralement limitée à la contestation de cartes de délimitation dans lesquelles il y avait des erreurs.

b) Consentement contraintLa contrainte peut être exercée sur le représentant de l’Etat ou sur l’Etat lui-même. Dans le premier cas, il est clair que l’on est dans le cas d’un vice de consentement. C’est ainsi qu’a été annulé le traité germano-tchécoslovaque de 39 (pression sur le président). Pour le second cas, il faut y voir une extension au droit des traités de la réglementation de l’emploi de la force en DI. C’est un motif d’invalidité des traités. La contrainte à l’origine du vice peut être exercée par un Etat tiers au traité. La contrainte ne joue comme motif d’invalidité que si elle consiste en emploi de la force, ou menace d’emploi de la force. c) Consentement constitutionnellement irrégulierUne irrégularité interne dans la procédure de conclusion des traités (une autorité interne incompétente) n’affecte normalement pas l’engagement international. Le DI est en effet indifférent à l’organisation interne de l’Etat. Mais cette indifférence fléchit si la violation de la règle interne est manifeste et qu’elle constitue la violation d’une règle fondamentale (constitutionnelle). Pas violation manifeste, la convention de viennes entend une irrégularité constitutionnelle, objectivement évidente pour tout Etat se comportant en la matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi. Appartient-il alors à chaque représentant étatique de vérifier la compétence interne de ses homologues étrangers ? Selon la convention de viennes, certaines autorités bénéficient d’une présomption de compétence interne (chef d’Etat, ambassadeur, ministre des AE,…). Tout accord conclu par ces autorités sera immédiatement attribué à l’Etat en question au nom de cette présomption de représentativité. On a pu voir ce problème dans une affaire opposant le Cameroun au Nigéria pour la délimitation d’un territoire maritime. Le chef de l’Etat nigérien avait conclu un traité, mais dans l’ordre interne constitutionnel, il était obligé de requérir l’accord du conseil militaire suprême. En l’espèce, il avait conclu le traité de délimitation sans s’en remettre à l’habilitation du conseil militaire. Le Cameroun devait-il se renseigner sur les dispositions constitutionnelles nigériennes ou la violation n’est-elle que manifeste que si le Cameroun avait été tenu informé des dispositions particulières du Droit nigérien. La Cour choisit cette dernière option. Seules les règles internes ayant fait mesure de publicité adéquate donne lieu à une violation manifeste. Cela réduit considérablement les cas d’invocation… Le consentement de l’Etat est vicié par son propre fait. La stabilité des relations conventionnelles ne supporterait qu’il suffise à un Etat d’invoquer après coup des dispositions un peu équivoques de son droit interne pour se libérer d’un engagement devenu pesant.

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L’ensemble de ces motifs sont sanctionnés par une nullité relative. Ces motifs d’invalidité externe mettent en cause non pas la validité du traité par lui-même mais la validité de l’acte individuel, par lequel l’Etat dont le consentement est vicié s’engage à l’égard du traitement. La validité du traité entre l’ensemble des Etats parties mais la validité de la relation conventionnelle entre deux ou plusieurs parties qui est mise en cause.La nullité est relative également du point de vue des titulaires de l’action. Seul l’Etat dont le consentement est vicié a qualité à invoquer cette invalidité.Elle est relative dans la mesure où elle n’a pas caractère d’ordre public. L’invalidité externe de l’engagement peut être couverte par l’Etat dont le consentement est vicié (art 45 convention sur le droit des traités). Un Etat ne peut plus invoquer une cause de nullité d’un traité s’il a explicitement accepté de considérer que le traité est valide ou s’il doit à raison de sa conduite être considéré comme ayant acquiescé à la validité du traité. C’est une renonciation au droit de contester la validité de l’engagement. L’abstention du Nigéria à contester la validité du traité pendant de longues années constitue une acceptation tacite de la validité du traité.

2. Motif d'invalidité interne : l’objet du consentement

a) Statut des règles impératives : indérogeabilité conventionnelleLes traités sont des actes juridiques équivalents. Mais leurs objets ne sont pas illimités. Art 53 convention Viennes : Est nul tout traité qui au moment de sa conclusion est en conflit avec une norme impérative du DI général. Le jus cogens a été reconnu par la Cour le 3 février 2006 (activités armées sur le territoire du Congo), non plus seulement en tant que catégorie virtuelle mais en tant qu’institution matérialisée dans une norme identifiée comme relevant d’une norme impérative (prohibition du génocide). L’introduction du droit impératif dans le DI est une véritable révolution. Avant, à partir du moment où il y a consentement entre les Etats, les traités ont valeur juridique. Aujourd’hui, l’objet des traités entre en jeu. L’Etat souverain se trouve assujetti à des exigences matérielles réputées supérieures, en particulier supérieures à sa volonté. Ca n’est pas aux Etats qu’il appartient de dire quelles sont les normes supérieures. Cela revient à un être distinct : la communauté internationale.

b) Institution d’une règle en règle impérativeLa communauté internationale est l’autorité qui a le pouvoir de définir quelles sont les règles impératives. Sa décision fait d’un énoncé qui était jusque-là supplétif, une règle impérative. A condition toutefois que cette décision porte sur une règle de DI général. Ne peut accéder au rang de règles impératives, qu’une prévision déjà formalisée en droit positif et universellement acceptée comme une règle de droit. A partir du moment où la communauté internationale fait d’une règle donnée une règle impérative, cette dernière est automatiquement soustraite à la volonté des Etats. Cette règle est imposable à tous, même à ceux qui la refusent. Le jus cogens est autoritaire, il opère de lui-même, objectivement. Aucun Etat n’en dispose, aucun Etat ne peut refuser la qualité de règle impérative et aucun Etat ne peut tenir pour valable un traité contraire au droit impératif . A l’image de l’autorité publique étatique, la communauté internationale est élevée en personne morale capable d’imposer le respect de règles d’intérêt collectif, y compris à l’encontre d’intérêt étatique. Mais la reconnaissance d’un pouvoir législatif à la communauté internationale ne s’accompagne d’aucune garantie institutionnelle. La communauté internationale n’a pas d’organe propre exprimant sa volonté. Aucun juge chargé de la représenter n’intervient sur une base obligatoire pour identifier les règles qu’elle aurait faite impérative. La volonté de la communauté ne peut s’exprimer que par l’entremise des Etats, ou par l’entremise de juridictions qui sont « spéciales », chacune dans les limites de leur engagement juridictionnel. Interdiction du recours à la force, prohibition de la torture, de l’esclavage, de la piraterie,… sont admis par la communauté internationale. Mais pour le reste, le

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contenu est très incertain,… On assiste depuis quelques années à une prolifération des identifications juridictionnelles de règles impératives que la communauté internationale ne parait pourtant pas traité comme règle impérative. Cela ne contribue pas à l’unité de la catégorie et donc à la force statutaire des règles reconnues comme impératives.

B. Motifs affectant l’applicabilité de l’engagement

1. Exécution inéquitable

a) Changement fondamental de circonstancesC’est un motif d’extinction, ou de suspension du traité qui traduit l’idée que l’Etat ne s’engage que pour autant que les choses restent en l’état. Si la modification des circonstances qui ont déterminé à un Etat à s’engager, conduit à une rupture de l’équilibre contractuel. Cet Etat doit pouvoir être délié de l’exécution du traité. La convention de viennes chercher toutefois à en limiter le jeu. Si le déséquilibre n’est pas permanent, l’Etat ne peut solliciter que la suspension du traité. Les circonstances qui ont changé doivent avoir été une base essentielle du consentement à être lié. Leur changement doit être extérieur à l’Etat, imprévisible et fondamental. Il faut que ce changement ait transformé radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter.

b) Violation substantielle du traitéC’est l’autre cas d’exécution inéquitable du traité, qui peut conduire à la suspension de son effet obligatoire (mécanisme d’exception d’inexécution). Nul n’est tenu d’exécuter envers qui n’exécute pas. A condition toutefois que le traité instaure bien une réciprocité de droit et d’obligation (art 60 convention). Les traités de caractère humanitaire sont donc soustraits au jeu du mécanisme. Ce mécanisme n’opère que si la violation est substantielle. Soit qu’elle consiste en un rejet du traité, en la violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de son objet et de son but. La violation doit affecter les fondements même du traité.

2. Exécution contraire à une règle impérativeCette hypothèse est envisagée par l’article 64 de la Convention de Viennes : Dans l’hypothèse de la survenance d’une nouvelle règle impérative, tout traité en conflit avec elle devient nul et prend fin. Il ne s’agit pourtant pas de nullité mais d’extinction ou de caducité. Le traité était valable au moment de la formation mais devient caduque suite à la survenance d’un évènement postérieur.

Les parties sont libérées du lien conventionnel, seulement à l’issue de l’opération de mutation.

§ 2. L’opération de mutation

A. Conditions de l’opération

1. Procédure de droit commun (codifiée à l’article 65 CV)Sur cette question, l’état du droit coutumier est fixé assez clairement depuis la déclaration de Londres de 1871. La Russie avait alors dénoncé le traité de 1856 sur la mer Noire. Les parties avaient réagi en affirmant (la déclaration) que le principe essentiel du droit des gens est qu’aucune puissance ne peut se délier d’un traité ni en modifier les stipulations qu’à la suite de l’assentiment des parties

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contractantes, au moyen d’une entente amicale. Un Etat qui souhaite se libérer d’un engagement conventionnel ne peut le faire de façon unilatérale. Il doit se plier à une procédure dont la première étape est la notification de ses prétentions à ses partenaires. Seule une acceptation expresse ou tacite (à défaut d’objection) permet la réalisation de l’effet escompté. Un nouveau traité pourra entériner cet accord informel. La nullité ou l’extinction dépend donc de l’accord des parties. La nullité ou l’extinction du traité ne concernera que les parties s’étant accordées pour définir un traité comme tel, et ce, dans leurs rapports (et ne sera pas opposable aux autre parties au traité) L’objection d’un Etat partie à la prétention du premier Etat fait naître un différend entre eux, et cela soulève la question du mode de règlement. Le DI général n’apporte pas de réponse véritable. La seule obligation est de chercher une solution par des moyens pacifiques, sans aucune obligation de résultat… La CV n’ajoute rien à ces obligations coutumières… à part l’article 66 CV…

2. Procédure de règlement supplémentaire (CV, art. 66)Si le dispositif de l’article 65 CV ne permet pas d’aller au bout du litige, l’article 66 CV organise un mécanisme subsidiaire de règlement. Pour l’ensemble des différends relatifs à l’invocation d’un motif d’extinction ou de nullité à l’exception de ceux qui concerne l’application du droit impératif, l’article 66 B organise un mécanisme de conciliation. Cette procédure n’a jamais été mise en place. La procédure de l’article 66 A est relatif aux nullités ou extinctions issues de l’application du droit impératif. Elle prévoit le règlement juridictionnel de ces différends. L’un des deux Etats peut soumettre la question à la compétence de la CIJ ou à l’arbitrage en cas de commun accord.

L’article 66 offre donc deux techniques de règlement qui sont inégalement satisfaisantes, qui sont de nature à policer l’usage que les Etats seraient tentés de faire des motifs qui menacent la stabilité des relations conventionnelles. Cette disposition est supplétive. Elle s’applique seulement les parties ne trouvent pas d’arrangement à l’amiable. De plus, la plupart des Etats parties à la CV ont fournis des réserves tendant à écarter l’application de l’article 66. D’ailleurs elle n’a jamais été mise en œuvre. L’Etat doit continuer à remplir ses obligations tant que le traité n’est pas déclaré comme étant nul ou caduque.

B. Nature de l’opération

Les règles sur les conditions de validité et d’applicabilité sont des règles de fond. Elles indiquent les éléments auxquelles la validité ou l’applicabilité d’un traité sont subordonnées et les motifs dont les Etats peuvent se prévaloir pour mettre en cause leurs engagements. Ces règles indiquent les motifs, mais ne désignent pas les traités qui les remplissent. Qu’un traité soit objectivement contraire aux conditions posées par la règle de fond à sa production, son invalidité a beau être objective, elle ne permet pas en elle-même que son défaut de validité soit établi. Le fait pour un traité d’être reconnu comme invalide n’existe pas de lui-même. Il faut pour cela un acte de qualification.

1. Etablissement de la nullité et de l’extinctionL’assertion d’invalidité, qu’elle soit contenue dans l’accord entre deux Etats ou dans un jugement établi, établit l’extinction ou la nullité dans le chef d’un traité donné. L’engagement passe du statut d’engagement contesté à celui d’engagement nul ou éteint. Il y a deux conséquences :

Tant que la nullité n’est pas établie, le traité bénéficie d’une présomption de validité. L’assertion d’invalidité renverse la présomption de validité du traité. Ce dernier n’est plus exécutoire. L’établissement de la nullité permet l’annulation des effets constitués sur la base de la présomption. Cela permet de mettre en œuvre la nullité.

2. Mise en œuvre de la nullité

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C’est l’opération qui consiste à anéantir les effets juridiques constitués sur la base d’un traité, tenu jusqu’alors pour un acte valable. Les Etats parties à un traité dont la nullité est établie déterminent conjointement les conséquences de cette nullité. Les actes accomplis de bonne fois avant que la nullité ait été invoqué ne sont pas rendus illicites du seul fait de la nullité du traité. Ces situations juridiques sont épargnées par la rétroactivité. Solliciter une remise en l’état est une faculté et non une obligation. Rien n’oblige une autre partie à donner suite à une demande de retour au statu quo ante. Les parties à un traité dont la nullité est pourtant établie dans leurs rapports, tire un pouvoir de consolidation des effets nés de ce traité. Les Etats ont la latitude pour s’entendre pour déterminer si un traité qui les lie est nul dans leur rapport, mais ils peuvent décider de l’étendue d’une telle nullité. Cette solution parait assez étrangère à l’idée même de nullité… Cette intersubjectivité est la seule concevable dans un univers qui est fait de relativité. Elle est parfaitement compatible avec l’esprit du droit des traités qui admet des relations différenciées entre Etats parties avec le système des réserves.Dans le cas de traités contraires au jus cogens, les parties sont tenues de tirer toutes les conséquences de la nullité ou de l’extinction du traité. Les parties sont contraintes de revenir au statu quo ante et annuler ainsi tous les actes constitués sur ce traité.

SECTION 2. REPARATION DES MANQUEMENTS DOMMAGEABLES : RESPONSABILITE INTERNATIONALE

La responsabilité qui nous intéresse ici est celle de l’Etat pour fait illicite, ou pour les dommages résultant d’activités non interdites par le DI. Cette responsabilité sans faute ou pour risque est exceptionnelle. Elle repose sur des arrangements particuliers dans le domaine des activités dangereuses notamment. La responsabilité pour faits illicites relève du DI général. Cette dernière obéit à un régime unique. La responsabilité est exclusivement civile, centrée sur la réparation des conséquences dommageables du fait illicite. La responsabilité internationale de l’Etat pour fait illicite est donc l’ensemble des mécanismes qui gouvernent l’obligation de réparer, mise à la charge de l’Etat responsable. Ces mécanismes ont fait l’objet d’un travail de codification qui a donné lieu à l’adoption d’un texte en 2001 par la commission du DI des NU. Ce texte est resté à l’Etat de projet d’article. L’assemblée générale des NU en a pris note mais n’a pas conduit à la tenue d’une conférence internationale de codification. Ce texte n’a donc aucune valeur juridique !

§ 1. Situation d’Etat responsable

A. Consistance de la responsabilité

1. Ce qui en relève

a) Obligation secondaire de réparer

La responsabilité consiste d’abord dans une obligation de réparer. Cette dernière ne se confond pas avec la réparation elle-même. Dire que la responsabilité d’un Etat est engagée signifie que l’Etat est débiteur d’une obligation nouvelle. Selon le dictum de l’arrêt de la CPJI 13 sept 1928, c’est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d’un engagement comporte une obligation de réparer. La réparation est le complément indispensable au manquement à l’application d’une norme international sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la norme même. Le CPJI ne dit rien d’autre que les normes internationales contiennent l’obligation de réparer. Chaque norme internationale contient donc deux obligations. Il y a une obligation primaire, énonçant le modèle de conduite à prendre et une obligation secondaire (l’obligation de réparer), qui ne s’active que lors d’une violation de l’obligation primaire.

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Il y a substitution de l’obligation secondaire à la primaire lorsque cette dernière est violée. Cette substitution est automatique.

b) Cessation de l’illicite et maintien en vigueur de l’obligation initiale

Obligation de cesser le fait illicite. L’obligation primaire reste en vigueur. Donc l’Etat doit continuer à respecter cette obligation primaire (si c’est encore possible). Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite, n’affecte pas le maintien du devoir de respecter l’obligation violée.

2. Ce qui n’en relève pas :

a) Responsabilité pénale

La responsabilité est une technique de réparation des préjudices. Elle se distingue de la responsabilité pénale qui a un but dissuasif et punitif, et qui ne concerne que les individus en Droit international (auteurs de crimes internationaux). Mettre en place une responsabilité pénale de l’Etat reviendrait à remettre leur défense à eux-mêmes, l’abandonnant aux dérives des Etats les plus puissants. Aussi, même si cette idée a déjà été envisagée, on a décidé de faire reporter ces responsabilités sur les individus.

b) Rétablissement de la légalité

La responsabilité de l’Etat a donc vocation à réparer et non à punir. Elle n’a pas vocation non plus à rétablir la légalité. Elle doit se distinguer des sanctions au sens strict qui sont des mesures destiné à réaliser les obligations méconnues. Ce n’est que lorsque l’Etat défaillant ne s’est acquitté ni de son obligation primaire, ni son obligation secondaire que l’Etat victime peut activer des mécanismes visant à faire cesser le préjudice et obtenir réparation. La victime du fait illicite n’a cependant pas les moyens de contraindre l’Etat défaillant de renoncer à sa conduite déviante et de respecter son obligation primaire. On voit là l’insuffisance du mécanisme. Cela dépend de celui qui n’a pas respecté ses engagements initiaux qu’il appartient d’agir pour rétablir la légalité qu’il a lui-même mis en cause… L’effectivité de l’obligation de réparer dépend donc essentiellement des voies d’exécution qui la complète. Mais ces voies d’exécution ne se confondent pas avec la responsabilité.

B. Modalités de la responsabilité

La responsabilité est une alternative à l’exécution de l’obligation primaire.

1. Réparation

a) Restauration (restitutio in integrum)

Selon l’arrêt de la CPJI du 16 juillet 1927 (usine de chorzo) : la réparation doit autant que possible effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si le dit acte n’avait pas été commis. La restitution doit être recherchée par principe, sauf si elle impose à l’état responsable une charge hors de proportion avec l’avantage qui résulte d’une restitution, plutôt que d’une indemnisation. Ce tempérament résulte de la pratique. Arrêt CIJ 3 février 2012 immunités juridictionnelles de l’Etat allemand.

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La restauration ne peut pas toujours être pratiquée. Si le fait générateur du dommage est un agissement matériel, la remise en état n’est possible que si le dommage est réversible. La restauration est hors d’atteinte pour certains dommages à l’environnement. Si le fait à l’origine du dommage est un acte juridique, la restauration suppose que cet acte puisse être retiré ou déclaré nul, et pas seulement abrogé pour l’avenir. Or l’annulation des actes internationaux est délicate car dans la plupart des cas, elle ne dépend pas du seul Etat responsable mais de l’accord entre les deux Etats parties à une convention. L’annulation par l’Etat responsable des effets produits par un acte de son droit interne est toutefois envisageable. Ainsi, dans l’affaire de 2012 sur les immunités, la CIJ énonce l’obligation de l’Italie de mettre fin par les moyens qui lui paraissent le mieux adaptés, aux décisions de justice et mesures contraires à l’immunité de l’Allemagne, ainsi que d’en rapporter les effets. Principe de la resitutio in integrum.

b) Satisfaction

C’est une réhabilitation de la victime dans ses droits méconnus, qui peut consister en une reconnaissance de la violation, excuses formelles, dommages/intérêts symbolique, sanction contre l’agent public à l’origine du dommage. C’est le mode privilégié de réparation du préjudice moral. Le préjudice moral se prête assez mal à la remise en l’état. Il n’est pas rare que les tribunaux soient saisis pour la reconnaissance de la violation. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire du Rainbow warrior, coulé par les agents français dans les eaux néo-zélandaises. La condamnation de la France à raison des violations de ses obligations envers la Nouvelle Zélande, rendue publiques par la décision, constitue dans les circonstances une satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux subis par la Nouvelle-Zélande.Si on est dans le cas d’un dommage matériel où ni la remise en l’état, ni la satisfaction possible, on a recours à l’indemnisation.

c) Indemnisation

L’indemnisation a un caractère subsidiaire. La réparation devant couvrir l’intégralité du préjudice, l’indemnisation couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière, celui-ci incluant la perte réalisée ainsi que le manque à gagner. Mais le calcul de l’indemnité est parfois délicat (environnement,…).

2. Cessation du fait illicite et garanties de non-répétition

Selon l’article du texte de la commission du DI : l’Etat responsable du fait internationalement illicite a l’obligation d’y mettre fin si ce fait est continu. La cession relève de la responsabilité en ce sens que l’Etat responsable est tenu d’une obligation de le faire cesser. L’exigence de cette cessation est en réalité nécessaire au calcul de la réparation intégrale qui est impossible à opérer tant que l’illicéité perdure. Ca n’est donc pas un élément de la réparation mais plutôt la condition de la réparation. Le même article 30 ajoute que l’Etat responsable a l’obligation d’offrir des assurances et garanties de non répétition appropriées si les circonstances l’exigent. Ces garanties sont une assurance donnée formellement par l’Etat du fait illicite. Le fait illicite ne se reproduira pas. Ces garanties sont étrangères à la réparation proprement dite. Elles ne font que réitérer la nécessaire exécution de l’obligation primaire qui reste due par-delà la réparation. Ces garanties relèvent donc de l’obligation primaire, et non de la responsabilité.

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§ 2. Qualité d’Etat responsable

On parle de fait générateur du dommage. Pour mettre en jeu une responsabilité, un fait doit présenter 3 caractéristiques :

- il doit être internationalement illicite- il doit être imputable à un Etat- il doit être à l’origine d’un dommage (lien de causalité)

A. Fait internationalement illicite

Seule l’association des 3 éléments constitue le fait générateur. Le fait dommageable doit résulter de la violation d’une obligation internationale, qui ne peut se faire que si ce fait peut être rapporté à un sujet destinataire de cette obligation.

L’article 1er du projet d’article : tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa responsabilité.

1. Consistance de l’illicéité internationale

Le fait illicite est un fait juridique. Seul un fait juridique est générateur d’un dommage. Il peut arriver que la conclusion même d’un acte ou l’exécution même de cet acte soit contraire à une obligation de l’Etat. Mais la responsabilité ne concerne pas la légalité de cet acte, mais la conformité à la norme de conduite de l’agissement matériel qui soutient la conclusion ou l’exécution de l’acte. C’est le fait même de sa conclusion ou de son exécution qui peut donner lieu à une illicéité internationale.

Le fait illicite est la méconnaissance objective d’un énoncé normatif. Le DI n’attend pas de son auteur une intention fautive. Il s’attache au seul résultat. Il y a une économie faite de la preuve des mobiles qui facilite l’établissement de la responsabilité. Il suffira de confronter la conduite effective à la conduite attendue. Le comportement de l’Etat doit être apprécié au regard de ses obligations internationales. Le Droit interne est sans pertinence aux fins de l’établissement d’une illicéité internationale.

Le fait illicite est tantôt instantané, tantôt continu (la méconnaissance de l’obligation dure dans le temps). Cet étalement dans temps du fait illicite peut avoir des implications contentieuses. Notamment à chaque fois que l’engagement juridictionnel pose des limites ratione temporis à la compétence de la juridiction. (Affaire de l’enlèvement, détention et meurtre au Guatemala. En qualifiant le fait comme continu permet à la Cour d’être compétente).

2. Circonstances excluant l’illicéité internationale

(i) consentementLa circonstance neutralise l’illicéité du fait générateur du dommage (il peut en effet y avoir dommage malgré tout, dû au fait de l’Etat). Dérivé du relativisme des énoncées internationaux qui ne lient pas un Etat objectivement mais dans les rapports qu’il a lié avec un autre Etat.

(ii) fait illicite (contremesure)Le comportement d’un Etat contraire à ses obligations n’est pas illicite s’il est lui-même une réaction à un fait illicite initial de l’autre Etat. Ce procédé est étendu à l’agression armée. La règlementation de l’emploi de la force prévoit l’exception de légitime défense.

(iii) force majeure

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C’est une situation dans laquelle une force irrésistible, ou un évènement imprévisible et extérieur à la volonté de l’Etat rend hors d’attentive l’exécution de son obligation internationale. La force majeure est une pure application du principe selon lequel, nul n’est tenu à l’impossible. En pratique, les situations de force majeure sont rares.

(iv) détresseMenaces ou autres périls pesant sur un agent de l’Etat ou d’autres fonctionnaires. La détresse neutralise l’illicéité d’un fait de l’Etat, pris par un agent pour sauver sa propre vie ou celle de personnes qu’il a la charge de protéger. Cette circonstance est très peu pratiquée.

(v) état de nécessité.Situation dans laquelle l’Etat, bien qu’en mesure d’exécuter son obligation, ne peut le faire qu’en compromettant ses intérêts fondamentaux. La jurisprudence a trouvé une cause d’atténuation de la responsabilité, et non exclusive de responsabilité. Mais avec l’arrêt du 25 sept 97, la CIJ y voit une base reconnue par le DI coutumier, d’exclusion de l’illicéité d’un fait non conforme à une obligation internationale. A condition que la mesure constitue pour l’Etat le seul moyen de protéger l’intérêt essentiel contre un péril grave et imminent.

B. Fait de l’Etat

1. Faits résultant d’une action de l’Etat

a) Imputation à l’Etat des faits de ses organes et agents selon le droit interne de l’EtatCe renvoie au droit interne est général. Peu importe la nature de l’activité exercé (législative, exécutive, judiciaire), peu importe la position de l’agent, peu importe le caractère interne ou international, il suffit que la personne soit investie par le droit interne de la qualité d’organe ou d’agent de l’Etat pour que le DI tienne les comportements de cette personne comme ceux de l’Etat. Peu importe que ces personnes, agents ou organes de l’Etat aient agis hors de leur compétence, ou en contrevenant même aux instructions. Le principe d’imputation est maintenu, même concernant les faits ultra vires (au-delà des pouvoirs). L’Etat est responsable de toute action de ses agents ou organes exercés sous couvert de fonction officielle. Cela a pour conséquence de laisser hors du champ de la responsabilité d’un Etat, les comportements de personnes n’étant ni ses organes, ni ses agents au regard du droit interne.

b) Extension : faits rattachables à l’EtatLe DI prend en considération des rattachements, de manière à considérer les faits de ces personnes rattachées, comme les faits de l’Etat. Sont imputables à un Etat, les faits des agents mis à sa disposition par un autre Etat ou OI. Sont imputables à un Etat les faits des membres d’un mouvement insurrectionnel, si ce mouvement devient le nouveau gouvernement de l’Etat. Les faits de particuliers agissant sur les instructions de cet Etat, ou ceux que l’Etat a reconnu comme étant les siens. Ils sont considérés comme des fonctionnaires de fait. Arrêt du 24 mai 80 CIJ (personnel consulaire USA à Téhéran) : attaque armée menée en 79 par des militants islamistes contre l’ambassade américaine. Prise d’otage qui a impliqué séquestration du personnel. Attaque non imputable à l’Etat iranien, mais sa prolongation l’est (l’Etat iranien avait apporté sa caution à la prise d’otage, et il avait même posé des exigences à la libération des otages). L’Etat iranien est considéré comme ayant investi les islamistes comme des fonctionnaires de fait par la CIJ.

2. Faits résultant de la carence de l’Etat : responsabilité de l’Etat pour défaut de diligence

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Par leur passivité les agents d’un Etat rendent parfois possibles les comportements de particuliers contraire aux obligations internationales de ces Etats. L’action en tant que telle ne peut être imputée à l'Etat, les abstentions de l’Etat peuvent lui être imputées. L’attaque n’est pas imputable à l’Etat iranien comme on a pu le voir, mais la carence des autorités iraniennes dans la prévention et leur inaction consécutive sont une méconnaissance par l’Etat son obligation de protection des agents diplomatiques et consulaire d’un état étranger.

C’est ce mécanisme qui est employé pour le laxisme des Etats dans la lutte contre le terrorisme ou les pollutions transfrontalières du fait des particuliers.

C. Fait dommageable

1. Place du dommageLe dommage a longtemps été considéré comme une condition d’existence de la responsabilité. Cette conception a été mise en cause par la commission du DI qui le traite comme une condition de mise en œuvre de la responsabilité. Tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa responsabilité, indépendamment du dommage. Ce dernier va déterminer seulement les victimes du fait illicite et ainsi les titulaires du droit d’action en responsabilité. Cette présentation de la commission n’est pas véritablement soutenue par la pratique qui ne connait pas une responsabilité sans dommage.

2. Consistance du dommage

a) Atteinte à un droit subjectifLe dommage propre à ouvrir droit à réparation consiste à une atteinte à un droit, entendu comme un intérêt légalement protégé. Affaire de la Barcelona traction 70, CIJ : la responsabilité n’est pas engagée si un simple intérêt est touché. Elle ne l’est que si un droit est violé. L’Etat envers lequel une responsabilité est engagée est celui dont le droit subjectif propre est méconnu par un fait illicite. Seul cet Etat personnellement victime d’un dommage a qualité pour demander réparation au titre de la spécialité de son intérêt.

b) Atteinte matérielle ou moraleCe dommage peut consister en une atteinte matérielle ou morale. La première est concrète, et donc quantifiable en termes monétaires. Souvent les atteintes sont doubles. Pour les atteintes uniquement morales, on peut citer l’offense au drapeau. En présence d’un dommage matériel, il y a toujours à un dommage moral qui réside dans l’atteinte propre au droit de chaque Etat de voir respecter le DI à son égard. Avec cette notion, toute violation du DI est par elle-même un dommage… Cela vient donc réduire grandement l’intérêt du débat sur la place du dommage (puisque tout acte illicite crée au moins un dommage moral !).

c) Dommage immédiat ou médiatLes dommages immédiats sont ceux qui se réalisent directement dans la personne de l’Etat ou de ses agents et organes. L’Etat sera immédiatement affecté par une atteinte à sa souveraineté, une ingérence dans ses affaires intérieures, une méconnaissance de sa compétence territoriale, une atteinte à son territoire, une intervention illicite sur son espace, la violation à son égard d’un engagement ou encore les dommages subis par ses agents dans l’exercice de leur fonction.Les dommages médiats sont les dommages subis par les ressortissants ne bénéficiant pas le statut d’agent de l’Etat. C’est le droit de l’Etat à voir ses ressortissants traités selon un standard minimum.

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SECTION 3. CESSATION DES MANQUEMENTS : VOIES D’EXECUTION

Elle recherche l’exécution d’une obligation. Elles sont tantôt coercitives et tantôt substitutives. Les premières servent à contraindre l’Etat défaillant à s’acquitter d’une obligation qu’il tarde à remplir (obligation de réparer ou obligation primaire dans le cas d’un fait illicite continu). Il s’agit d’exercer sur l’Etat une pression : c’est une procédure d’exécution forcée.Avec les sanctions substitutives, l’Etat lésé cherche à réaliser lui-même, à la place du débiteur, la situation que ce dernier n’a pas réalisée. Cette exécution qui est alors d’office, peut avoir pour objet l’exécution de l’obligation primaire du débiteur (fait illicite continu) ou de réaliser l’obligation de réparer qui lui est due, en saisissant des avoirs de l’Etat défaillant par exemple.Les voies d’exécutions sont normalement individuelles, prises par chaque Etat. Il n’existe aucune autorité supérieure à l’Etat apte à décider le déclenchement des voies d’exécution et contrôler leur mise en œuvre. Le pouvoir de sanction est ainsi réparti entre chaque Etat sur une base paritaire.

Si leurs mesures coercitives ou substitutives sont contraires à une obligation qui les lie, elles ne peuvent être justifiées en droit que par référence à la violation par l’Etat défaillant d’une obligation internationale antérieure selon le mécanisme propre aux représailles qu’on appelle « contre-mesures » (l’emploi de la force pour répondre à un emploi antérieur de la force par exemple). La mesure, bien qu’inamicale ou particulièrement discourtoise peut aussi être par elle-même licite (rupture des relations diplomatiques ou privation d’un avantage commercial non conventionnel), on parle de mesure de rétorsion. Contrairement aux contre-mesures, les mesures de rétorsion ne supposent aucune violation d’une obligation internationale, ni dans l’acte initiale, ni dans la réaction qui en dérive. Ces mesures de rétorsion ne mettent en cause aucune droit ou intérêt juridique, et contrairement aux contre-mesures, ne sont l’objet ni de réglementation, ni de contestation juridiques.Le mode individuel de sanction est le mode de droit commun. Une centralisation des voies d’exécution ou un encadrement institutionnalisé de celles-ci n’est possible qu’en la présence d’un traité qui l’institut. Ce phénomène s’observe principalement dans le cadre des OI qui peuvent détenir un pouvoir de sanction ou être habiliter à contrôler les sanctions de leurs EM. Tout dépend du traité institutif. Une OI peut recevoir des Etats le pouvoir de décider de sanctions, privant ces derniers de leur propre pouvoir, ces sanctions collectives sont alors imputables à l’organisation et seront exécutées selon le cas par l’organisation elle-même ou par les EM agissant alors en exécution des décisions de l’OI comme par exemple le font les EM des NU lorsqu’ils emploient la force sur décision du Conseil de sécurité. Il arrive également qu’une organisation ne dispose pas en tant que telle d’un pouvoir de sanction. Les Etats prennent individuellement des sanctions, mais l’exercice de ce pouvoir étatique est encadré par l’OI qui en contrôle à la fois le déclanchement et la mise en œuvre. C ’est le modèle mis en place dans l’OMC puisque l’adoption par les EM et en leur nom de sanctions commerciales, est subordonnée à une autorisation de l’organe de règlement des différends. Ces sanctions, individuelles ou collectives, d’office ou forcées, peuvent comporter ou non l’emploi de la force.

§ 1. Sanction individuelles sans emploi de la force armée : les contre-mesures

A. Notion

La contre-mesure a pour objet la poursuite coercitive ou substitutive de l’exécution d’une obligation. Elle complète l’obligation de réparer (la responsabilité). Mais la contre-mesure est aussi une circonstance excluant l’illicite, cela l’intègre donc à la responsabilité.

1. Effet : exclusion de l’illicite

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La contre-mesure sous-entend l’existence de deux faits illicites : un fait illicite initial, et un autre fait illicite pris en réaction du fait illicite initial. L’illicéité de ce deuxième fait est exclue précisément en tant qu’il se présente comme une réponse au premier. Conformément à une pratique bien établie, l’article 22 du texte de la commission du DI fait figurer les contre-mesures parmi les circonstances excluant l’illicéité. Ces contre-mesures trouvent donc leur motif dans un fait internationalement illicite antérieur. Cette certitude est toutefois ébranlée par un facteur caractéristique de la société internationale : jugement du tribunal arbitral de 1978 opposant la France et les USA l’a d’ailleurs rappelé. Le pouvoir de tout Etat d’apprécier pour lui-même sa situation juridique au regard des autres Etats, implique qu’en présence d’une situation qui comporte à son avis la violation d’une obligation internationale par un autre Etat, il a le droit sous la réserve des règles générales du DI relatives aux contraintes armées de faire respecter son droit par des contre-mesures. La violation du droit par les contre-mesures est une violation alléguée. Dans l’ordre international, l’Etat est à la fois juge et autorité d’exécution de sa propre cause. L’auteur de la contre-mesure pourra donc toujours se retrancher derrière son appréciation de la situation, appréciation étant par elle-même inopposable aux tiers, et qui peut faire l’objet d’un contrôle international si les engagements juridictionnels des parties le prévoient. Mais l’emploi de telles contre-mesures ajoute de l’insécurité juridique dans l’ordre international.

2. Objet : exécution de l’obligation secondaire

La contre-mesure est une sanction, puisqu’il s’agit d’une poursuite coercitive ou substitutive de l’exécution d’une obligation. Dans la théorie classique, elle n’est pas ouverte à l’Etat lésé au moment de la réalisation du fait illicite mais seulement à la suite d’une sommation restée infructueuse (tribunal arbitral du 31 juillet 1928). Cette théorie classique a été un instant remise en cause par la pratique en donnant directement le droit à l’Etat lésé le droit d’avoir recours aux contre-mesures dès la réalisation du fait illicite initial, aux fins non plus de l’exécution de la responsabilité mais de l’exécution des obligations primaires de l’Etat défaillant. Ce faisant, la contre-mesure était réintégrée à la responsabilité. Elle fait partie de la responsabilité et n’a plus seulement pour but d’assurer l’exécution de cette responsabilité. Mais la CIJ a maintenu la conception restrictive de la responsabilité de l’Etat. La demande en réparation et en cessation du fait illicite constitue le préalable obligatoire à la contre-mesure. Cette dernière n’est disponible que si l’Etat tarde à exécuter son obligation secondaire, ce qui fait d’elle une voie d’exécution de la responsabilité. Le texte de la commission du DI voit pour cette raison les contre-mesures comme le moyen de mettre en œuvre l’exécution de la responsabilité.

B. Régime

Les contre-mesures ne sont licites qu’à la réunion de conditions qui déterminent leur but, leur contenu et limitent leurs auteurs.

1. But

Le but des contre-mesures est gouverné par leur caractère subsidiaire. Les contre-mesures sont destinées à assurer l’exécution des obligations secondaires. Elles sont donc réversibles, sont limitées dans le temps et cessent dès que l’Etat responsable s’est acquitté de son obligation secondaire. Ce point est incorporé au texte de la CDI à l’article 53. Si le litige a été porté devant une juridiction, la contre-mesure n’est pas disponible. De même, leur adoption dépend d’une demande préalable de cessation du fait illicite continu et de réparation qui doit être restée infructueuse pour que la contre-mesure soit disponible.

2. Contenu

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Les contre-mesures ne sauraient porter atteinte au droit des tiers. Les effets des contre-mesures doivent être proportionnés aux dommages, compte tenu des droits en cause. La CIJ a considéré que la Tchécoslovaquie en prenant unilatéralement le contrôle d’une ressource partagée, et en privant ainsi la Hongrie de son droit à une part équitable des ressources naturelles du Danube, n’a pas respecté la proportionnalité exigée par le DI. Cette exigence est établie en pratique. Elle n’attend pas une équivalence entre le dommage causé par la contre-mesure et le dommage causé par le fait illicite initial. La proportionnalité vient sanctionner le caractère excessif de la contre-mesure. Le dommage qu’elle cause est sans proportion avec les dommages qui l’ont motivée (Le but n’est pas de faire subir à l’autre ce qu’il nous a fait subir mais de mettre en place les mesures suffisantes, sans plus, pour mettre fin au dommage.). Certaines contre-mesures sont prohibées à raison des normes qu’elles méconnaissent. Les contre-mesures qui consistent en un emploi de la force (représailles armées) sont exclues, leur incompatibilité avec l’interdiction du recours à la force interdit que ces représailles armées jouent comme circonstances excluant l’illicite, sauf si elles interviennent dans en réponse à une agression, mais dans ce cas on parle de légitime défense. Les contre-mesures qui méconnaissent les obligations de caractère humanitaire et de protection des droits de l’homme n’excluent pas leur caractère illicite, et même si elles ont été faites en réponse à des atteintes de ce type. La CDI a ajouté qu’une contre-mesure portant atteinte à une règle impérative ne peut exclure l’illicéité du fait qu’elle constitue.

3. Auteurs

La licéité d’une contre-mesure dépend également de l’auteur. Seul l’Etat créancier d’une obligation de réparer a qualité pour déclencher une contre-mesure. La violation d’une obligation erga omnes méconnait les droits subjectifs de tous les Etats. Chaque Etat peut en effet dans le cas d’une violation erga omnes demander à voir son droit respecté, y compris si le fait incriminé intervient dans une relation entre tiers. Il y a une universalisation du rapport de responsabilité qui ouvre en théorie un droit universel de déclencher des contre-mesures. La CDI a cherché à limiter ce droit universel en restreignant la catégorie des Etats lésés aux Etats « spécialement atteints » par la violation d’une obligation erga omnes. La restriction est prudente et a pour but de limiter les tentations que pourraient avoir certains Etats de faire appel à leur pouvoir de sanction.

§ 2. Sanctions comportant l’emploi licite de la force armée

Au XIXème, on voit émerger les premières restrictions du droit souverain de faire la guerre, restrictions confirmées au XXème. Avec la SDN, interdiction des guerres d’agression, pacte Briand-Kellog de 1928 interdit la guerre comme moyen de règlement des conflits. Dans la Charte des NU est ainsi intégré le principe selon lequel : « Les membres de l’organisation s’abstiennent dans leurs RI de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des NU ». Deux hypothèses d’emploi de la force licite sont envisagées :

- légitime défense (réponse à une agression)- autorisée par le conseil de sécurité agissant au titre du chapitre 7 de la charge

Ces deux hypothèses interviennent comme des mesures d’exécution.

A. Police des Nations Unies

1. Cadre institutionnel de la sécurité collective

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Cette dernière repose sur la différentiation de deux organes politiques : le conseil de sécurité et l’assemblée générale. Le premier prédomine. Il tire de l’article 24 de la Charte, la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Il se substitue dans la prise de décision aux Etats membres dans ce domaine. Le conseil est un organe puissant dont l’action doit être efficace, d’où le choix d’en restreindre la composition (15 membres) avec des membres permanents (5 nominativement désignés par la Charte) et membres non permanents (élus pour 2 ans par l’AG sur une base géographique équilibrée). Les membres permanents sont titulaires d’un véto et peuvent ainsi empêcher la prise de décision.

Dans l’AG, chaque membre des NU est représenté et disposent d’une voie. Les votes sont acquis par majorité des deux tiers. Les résolutions n’ont pas de portée juridique pour ses membres (pas de portée externe). Seules les résolutions émises dans le cadre interne à l’organisation s’imposent aux organes de celle-ci. L’AG respecte donc, à la différence du conseil de sécurité, une logique égalitaire fidèle à la souveraineté et préservant la plénitude des pouvoirs étatiques.

2. Sphère d’action

a) Qualification requise : « menace contre la paix », « rupture de la paix », « acte d’agression »

L’article 39 (chap 7) exige du conseil qu’il constate l’existence d’une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression. Lors de l’invasion du Koweït, cela constituait une rupture de la paix. Cette qualification est nécessaire car le pouvoir du conseil de sécurité n’est pas générale mais concerne bien le maintien de la paix.

b) Liberté de qualification

La qualification n’est toutefois pas encadrée. Elle est tout à fait discrétionnaire. Le conseil de sécurité n’est pas lié par des critères d’ordre juridique sur lesquels il devrait appuyer ces qualifications. Il n’est pas une juridiction tenue de faire appliquer le DI. Il n’est pas une autorité publique chargée de garantir l’ordre de la société internationale. Il est un organe politique de police chargé de rétablir la paix, et l’exercice de sa responsabilité n’est pas déterminé par l’exigence de constater la violation d’une obligation internationale, qu’elle soit ou non liée à l’emploi de la force.

c) Extension

Cette liberté d’appréciation permet au conseil d’étendre son champ d’action, comme de le restreindre… Cela affaiblit certes son autorité morale. Mais les rédacteurs de la Charte ont délibérément refusé d’introduire une définition matérielle des cas d’ouverture du chapitre 7. La menace contre la paix est la qualification ordinaire sur laquelle s’appuie le conseil de sécurité. La notion de paix se qualifie traditionnellement par une définition négative (absence de violence physique directe). Le conseil a progressivement donné à la paix une acception extrêmement large, faisant dépendre la paix de la stabilité économique, sociale, humanitaire ou écologique. Il a pu intervenir dans des situations nouvelles. Une des premières résolutions allant dans ce sens fut adoptée le 3 avril 91 à propos du flux massif de réfugiés vers les frontières internationales en conséquence de la politique de répression des minorités kurdes menées par le gouvernement irakien. La résolution considère que cette situation constitue une menace à la paix et à la sécurité internationale dans la région. En 94, le conseil estime que la violation des DH en Haïti, la détérioration de la situation humanitaire et à la démocratie constituent une menace contre la paix et à la sécurité. Dans le cas de l’ex-Yougoslavie, les résolutions sont ponctuées par les condamnations

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de violations massives et systématiques des DH et libertés fondamentales (nettoyage ethnique). Création d’un TPI : le retour à la paix passe aussi par la justice pénale.

Après une période de relance des NU au début des années 90, accompagné à un étirement du cadre de la sécurité collective, on assiste à un retour des interventions unilatérales au détriment de la sécurité collective (intervention de l’OTAN au Kosovo, intervention en Irak,…). La guerre en Lybie a toutefois réactivé une conception élargie de la nécessité de la paix et de la sécurité. Le conseil de sécurité a pointé les violations flagrantes et systématiques des DH et du droit humanitaire par le gouvernement Libyen à l’égard de sa population civile. L’autorisation donnée par la suite aux EM de prendre toutes les mesures nécessaires s’est ensuite exclusivement fondé sur la volonté de protéger les populations et zones civiles menacées d’attaque.

3. Moyens d’action

Les moyens d’action du conseil de sécurité ont été accrus.

a) Mesures coercitives sans emploi de la force :

Article 41 de la Charte (chap 7) : cette disposition offre un arsenal très ouvert de mesures possibles (embargo sur les armes, relations commerciales, relations aériennes,…). Ces mesures sont adoptées selon son appréciation et visent à contraindre l’Etat défaillant à faire cesser ses menaces ou atteintes à la paix. Mais la mise en œuvre de ces mesures nécessite le concours de tous les autres Etats membres. L’article 103 de la Charte les oblige à faire valoir les obligations au titre de la Charte sur leurs obligations conventionnelles incompatibles (un accord commercial par exemple).

A partir du moment où le conseil de sécurité s’est intéressé à la dimension structurelle de la paix, il a adopté des mesures allant au-delà de sa fonction spécifiquement sécuritaire. Il a par exemple institué des tribunaux chargés de juger les criminels en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Il a pris contre l’Irak des mesures considérables en matière de désarmement. Ces mesures ne sont pas seulement des mesures spéciales liées à une situation précisément identifiée. Dans ce contexte, le conseil de sécurité à même mêler maintien de la paix (peace keeping), rétablissement de la paix (peace making), et construction de la paix (peace building) dans le cas des PKO dont les fonctions juridiques se sont diversifiées.

Ces PKO sont établies sur la base du chapitre 6 de la Charte. Il s’agit d’assister les parties en conflit pour les aider à rétablir la paix. La fonction du conseil de sécurité est une fonction de médiateur, d’assistance à exécution, et non pas de police. Ces PKO se réalisent en accord avec les intéressés (on n’est pas dans le cadre du chapitre 7). Mais il y a eu un phénomène de télescopage, car au moment où le conseil de sécurité était bloqué durant la guerre froide, il ne pouvait pas adopter des mesures coercitives du chapitre 7. Il a donc fait un usage élargi de ces PKO. Par la suite, elles ont donc fait l’objet d’une mutation car elles associent recommandation prise au titre du chap 6 et décision obligatoire du chap 7. L’objet s’est également transformé. On est passé d’une assistance des parties au rétablissement de la paix à des opérations purement internes (action humanitaire, construction ou reconstruction de structures étatiques,…) et comportant des mesures adoptée dans le cadre du chap 7. Pour le Kosovo, d’un côté l’OTAN est chargé de maintenir la paix, appuyée par une décision des NU et de l’autre, l’ONU établi une mission intérimaire des NU au Kosovo (MINUK) pour établir une administration civile et transitoire au Kosovo (construction de la paix et de l’Etat).

b) Mesures coercitives avec emploi de la force :

(i) d’un pouvoir d’action a un pouvoir d’autorisation

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Article 42 du chapitre 7, le conseil de sécurité peut décider et entreprendre toute action militaire s’il la juge nécessaire au maintien de la paix. Il n’existe toutefois pas une armée directement placée sous la direction du conseil de sécurité. La Charte prévoit en effet que les EM mettent à disposition des contingents nationaux, mais le EM doit pour cela conclure des accords spéciaux, lesquels n’ont jamais pu être conclus. Concrètement, le conseil peut décider et entreprendre tout action mais ne dispose pas de moyens propres ! Ne pouvant faire un usage direct de la force armée, le conseil de sécurité a su tirer parti de la souplesse de la Charte en requérant le concours des Etats qu’il autorise à user eux-mêmes de la force. On a glissement d’une action directe du conseil de sécurité vers une action indirect, transformant le pouvoir du conseil en pouvoir d’habilitation. C’est ce qui a été fait pendant la guerre de Corée, la guerre du Golfe,… Ces autorisations ont été depuis à de nombreuses reprises accordées.

(ii) objet de l’autorisation

Normalement, le conseil décide de l’emploi de la force en fonction de nécessités qu’il apprécie librement. Mais depuis quelques années, un des motifs qui déterminent l’autorisation du recours à la force réside dans la violation par l’Etat contraint de ses obligations internationales, et en particulier des décisions du conseil de sécurité (Libye par exemple). C’est l’inexécution par le gouvernement Libyen des obligations contenues dans les résolutions antérieures qui a débouché sur l’autorisation d’employer la force. Le fait que les Etats recourent eux-mêmes à la force sur habilitation, accompagné du fait que cette habilitation intervienne en réaction à des violations de résolutions antérieures a pu laisser croire certaines Etats qu’ils tiraient des résolutions existantes une habilitation implicite à les faire respecter. L’action de l’OTAN au Kosovo en 99 ou de la coalition en Irak en 2003 ont bien illustré cette évolution. La coalition a argué qu’elle s’était bornée à mettre en œuvre l’ensemble des résolutions précédentes du conseil de sécurité qui faisait état des principes bafoués par l’Irak. Cela a participé à la mise à l’écart de l’organisation par des actions mises en œuvre en dehors d’elle.

Le système centralisé de sécurité collective n’a pas fait disparaitre la légitime défense lorsqu’il est agressé. C’est un droit naturel de l’Etat, càd qu’il découle de cette qualité même d’Etat. Inhérent, ce droit relève du Droit coutumier et l’article 51 ne fait que le reconnaître. Mais ce droit est subsidiaire. L’intervention du conseil de sécurité au titre du chapitre 7 se substitue à la légitime défense car le conseil détient la responsabilité principale du maintien de la paix.

B. Mode subsidiaire : légitime défense

C’est une réserve qui permet aux Etats qui se font agressé, de se défendre, individuellement ou collectivement en faisant emploi de la force. Ce sont les emplois de la force contraire aux buts des NU parmi lesquelles figure l’agression.

1. Déclenchement : l’agression, condition de la légitime défense

La légitime défense est moins une exception à une interdiction générale de recourir à la force, qu’une mesure d’exécution de l’interdiction de l’agression. C’est pourquoi la légitime défense répond à de strictes conditions d’exercice. Elle est conditionnée par la réalisation d’une agression et doit être une mesure adéquate pour repousser une telle agression. Dans son arrêt du 27 juin 86 (USA au Nicaragua), la CIJ affirme que le droit de légitime défense ne peut être exercé que si l’Etat intéressé a été victime d’une agression armée. Une agression est un fait réalisé. La légitime défense n’est pas invocable en cas d’agression imminente. Un Etat ne peut recourir à la force en premier en invoquant

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la légitime défense. Les justifications tirées de l’efficacité de la défense pour appuyer une légitime défense préventive ne sont pas nouvelles. L’Etat israélien est le premier à s’y être référé en 67 avec l’Egypte. Idem pour les USA. Cette guerre préventive apparaît comme seule adaptée pour arrêter une agression imminente. Mais étant donné que l’appréciation se fait par les parties, l’anticipation d’une agression ne peut pas se prêter à un établissement objectif. La CIJ a dû se positionner sur cette question plus récemment et s’est montrée prudente face aux risques d’interprétation unilatérale qui pourrait vider de tout contenu l’interdiction de recours à la force. Elle a donc refusé d’admettre ce principe de légitime défense préventive. Notamment dans l’arrêt du 6 novembre 2003 entre les USA et l’Iran sur les plates-formes pétrolières, et l’arrêt du 9 juillet 2004 à propos de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé.

Si l’article 2 de la Charte vise les menaces contre la paix, l’article 51 s’attache au cas d’une agression réalisée. La menace d’une agression doit être établie par le conseil de sécurité. C’est la seul autorité apte à décider des mesures préventives qu’appellent, dans le cadre de la mise en œuvre de sa responsabilité principale en matière de sécurité, un risque d’agression imminente.

L’agression doit avoir un caractère interétatique. Le cas de légitime défense n’est admis que dans le cas d’une agression armée d’un Etat contre un autre Etat. Sur cette base, la CIJ a refusé de trouver dans la construction du mur en Cisjordanie une mesure de légitime défense d’Israël en réaction aux attaques terroristes. Les violences dont Israël est victime ne résultent pas d’un Etat étranger. L’agression armée est plus étroite que la force prohibée. Pour qu’il y ait agression, il faut un certain degré de gravité. Un simple emploi de la force ne pourra entrainer que des mesures proportionnées. L’agression consiste dans un emploi de la force d’un Etat, d’une particulière gravité, visant l’intégrité et l’indépendance d’un autre Etat. La pratique reconnaît toutefois l’hypothèse de l’agression indirecte qui consiste par l’envoi par un Etat de forces armées irrégulières qui se livrent à des actes de violence contre un autre Etat d’une particulière gravité (ou le fait pour un Etat de s’engager de manière substantielle dans ces actes). L’Etat a rendu possible ces actes. Mais l’interprétation pour reconnaitre une agression indirecte est exigeante : Il faut que le contrôle de l’Etat place le groupe sous sa dépendance intégrale pour justifier l’usage contre celui-ci du droit de légitime défense.

2. Exercice

La présence d’une agression conditionne l’exercice du droit de légitime défense. Les moyens doivent être proportionnées et nécessaires pour y riposter. Les moyens ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour repousser l’agression. L’emploi de la force est nécessaire, et donc licite, que s’il est le seul moyen compte tenu des circonstances pour faire repousser l’agression. Si des mesures alternatives semblent suffire à repousser l’agression, alors l’emploi de la force ne sera pas licite . Ces conditions montrent bien que la légitime défense est une mesure de police. Elle poursuit le but exclusif de contraindre l’agresseur à renoncer à son comportement et la menace que l’Etat fait peser sur l’indépendance politique ou territoriale d’un autre Etat. C’est pourquoi l’emploi de la force doit être immédiat et cesser lorsque le but est atteint. L’annexion à l’issue de l’exercice de la légitime défense est ainsi considérée comme nulle. En gros il faut imaginer la chose comme dans l’ordre interne où la police ne va pas s’amuser à faire la même chose à un criminel que ce qu’il a fait à un collègue. L’emploi de la force prend fin une fois le criminel appréhendé.

CHAPITRE III - CONTESTATION

La contestation désigne les situations dans lesquelles un différend émerge suite à un défaut d’exécution. Le DI comporte des mécanismes qui permettent de résoudre ces différends. On pense

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souvent au procès international. Mais dans un système où la juridiction est facultative, les techniques contentieuses non juridictionnelles occupent une place primordiale.

SECTION 1. ORGANISATION D’ENSEMBLE DU CONTENTIEUX INTERNATIONAL

Les techniques contentieuses sont variées et ne tendent pas toutes à la stricte réalisation du Droit. Leur logique d’ensemble réside dans leur fonction. Elles doivent permettre d’épuiser un différend grâce à une solution qui n’est pas forcément en tous points l’application du Droit.

§ 1. Le « contentieux international »

A. Identification

Selon la CPJI, un différend est un désaccord sur un point de droit ou de faits, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre deux personnes. Cette définition a été posée par un arrêt du 30 août 1924. La jurisprudence ultérieure, et notamment un arrêt de la CIJ de 62, a précisé cette définition : Pour établir l’existence d’un différend, il faut démontrer que la déclaration de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre. Le différend est l’association entre une réclamation et sa contestation. Il met en présence des prétentions contradictoires, à l’occasion d’une situation concrète. C’est une divergence d’appréciation entre deux parties sur une conduite à tenir n’est par exemple pas un différend. Pas plus que l’opposition de thèses opposées qui ne manifestent qu’un conflit abstrait.

B. Statut du contentieux international

1. Obligation de « règlement pacifique »

Les parties confrontées à un différend international sont tenues de les régler de manière pacifique . La paix internationale et la Justice ne doivent pas être mises en danger. C’est le principe de la paix par la procédure (SDN, Briand-Kellog, Charte). Cette obligation exprime aujourd’hui un principe incontesté. C’est un corolaire de l’interdiction de l’usage de la force armée. L’obligation de règlement pacifique est une obligation de négocier de bonne foi sur l’objet du différend en vue de parvenir à un accord. Les parties sont tenues de se comporter d’une façon qui rende possible la recherche d’une solution tant que l’obtention d’un accord n’est pas raisonnablement hors de portée. Elle n’est qu’une obligation de moyen qui n’oblige en rien les parties à trouver un règlement du différend.

2. Libre choix des moyens

Les parties ne peuvent se voir imposer les moyens de règlement des différends. Dans son avis de 1923 rendu à propos du statut de la Carélie orientale, la CPJI affirme que : aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses différends avec les autres Etats, soit à la médiation, soit à l’arbitrage, soit à n’importe quel procédé de solution pacifique sans son consentement. L’article 33 de la Charte reprend ce principe. Il propose aux Etats toute une gamme de moyens.

Article 33

1. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix.

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2. Le Conseil de sécurité, s'il le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de tels moyens.

Ce principe du caractère volontaire, et donc facultatif du règlement des différends est l’un des principes les mieux établis du DI. En l’absence d’accord des parties, sur le règlement possible de leur litige, soit sur un mode pour le régler, le litige reste en l’état. La majorité des différends internationaux n’est d’ailleurs pour la plupart jamais réglée ! Lorsqu’ils sont réglés, c’est essentiellement par des modes diplomatiques.

§ 2. Modes de règlement du contentieux international

A. Mode diplomatique, mode de droit commun

1. Critères

Le mode diplomatique est une technique contentieuse. Elle intervient le plus souvent en dehors de tout cadre institutionnel et a pour objectif de permettre l’adoption d’une solution satisfaisante et acceptable pour les deux parties. Ces dernières sont libres de déterminer les fondements du règlement de leur litige. Elles pourront invoquer le droit ou l’écarter à la faveur d’un marché. Ainsi, les modes diplomatiques ne sont pas impropres au règlement d’un différend justiciable. En revanche, ils sont les seuls disponibles pour régler des différends qui ne sont pas justiciables (cas où aucune règle de droit n’est applicable, domaine réservé des Etats). Le mode diplomatique n’impose aucune solution aux parties au différend. Ces dernières décident du sort à réserver à la solution retenue. Elle n’a pas valeur de vérité légale pour eux. Les parties ont toute liberté pour convenir à l’avance de se rendre opposable comme définitive et obligatoire, le résultat de leur négociation, ou la solution donnée par un organe tiers. Un des cas les plus connu est celui du règlement du secrétaire général des NU entre la France et la Nouvelle Zélande concernant le Rainbow warrior. Même si elle est obligatoire, la transaction n’est pas l’application du droit. On n’est pas en présence d’une solution juridictionnelle à proprement parler.

2. Variétés :

a) Négociation directe

Cette négociation désigne le tête à tête bilatéral entre les parties. Elle est informelle, totalement soustraite au Droit. Le Droit n’intervient dans le processus que pour prendre acte le cas échéant de la solution. Il s’agit alors de formaliser la solution par un traité par exemple.

b) Bons offices et médiation

Les parties peuvent aller au-delà de la négociation directe et mettre en place un tiers. Le tiers qui prête ses bons offices se limite à permettre la communication entre les parties. Il suggère un mode de règlement. Le recours aux bons offices d’un tiers est très utile quand les rapports des parties sont conflictuels ou lorsqu’elles n’ont plus de relation diplomatique.

Lorsque les tiers recherchent une solution au fond, on est dans le cas d’une médiation. On passe alors d’une négociation bilatérale à une négociation triangulaire. Les parties continuent de négocier. Le tiers est chargé de les mettre en présence et de rapprocher progressivement leur point vue jusqu'à l’émergence d’un compromis acceptable. En pratique, la différence entre « bons offices » et « médiation » n’est pas stable. Les deux procédures sont informelles, et il est assez fréquent qu’un tiers intervienne à un titre puis à un autre.

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c) Conciliation

La conciliation comporte elle une organisation procédurale beaucoup plus poussée. Elle consiste pour les parties à faire intervenir une commission de conciliation (5 membres ou 3). La commission fonctionne selon une procédure organisée par un traité et organisé sur le principe du contradictoire. Comme une juridiction, la commission est indépendante vis-à-vis des parties. La commission suspend la négociation directe entre les parties, contrairement aux modes de règlement précédemment étudiés. Le tiers propose une solution. Il ne s’agit pas d’assister les parties dans leur négociation mais d’évaluer les propositions antagonistes et de proposer une transaction globale entre les prétentions. Les membres de ces commissions sont souvent des techniciens. La solution préconisée n’est qu’un conseil diplomatique, il s’agit d’une recommandation, souvent exposée sous forme de rapport, et qui n’a pas de valeur obligatoire pour les Etats. En outre, cette solution peut être une application du droit mais peut aussi s’en écarter. L’objectif est d’aboutir à un marché. C’est en ce point qu’elle se distingue du mode juridictionnel.

B. Mode juridictionnel, mode accessoire

1. Critères d’identification

La dénomination qui est donné à l’organe par le texte qui met l’organe en place n’est pas toujours un critère fiable pour savoir s’il s’agit d’un organe juridictionnel. Par exemple, la commission dite « arbitrale » pour l’ex-Yougoslavie n’était pas une juridiction arbitrale. Il peut arriver qu’un organe unique exerce plusieurs types de mission. La CIJ exerce des fonctions juridictionnelles, consultatives et également administratives. Le secrétaire générale d’une OI ou un chef d’Etat qui sont des organes exécutif peuvent se voir attribuer des fonctions juridictionnelles. Lorsqu’ils adoptent des fonctions juridictionnelles, ces organes sont des juridictions. Ce qui est déterminant, ce sont donc les actes qu’il adopte. La fonction d’une juridiction est de s’interposer dans un différend pour le trancher par une décision obligatoire prise en application du droit. Ce sont les 3 éléments caractéristiques de la juridiction :

- la juridiction est contentieuse (elle s’exerce sur des différends) : la fonction juridictionnelle consiste à se prononcer sur les prétentions des parties afin de les trancher

- le règlement juridictionnel résulte de l’application du droit (c’est une technique de réalisation du droit)

- la juridiction écarte la prétention de l’une des parties qu’elle juge mal fondée. Cette autorité se concrétise par l’obligation d’exécuter ce que le dispositif a établi entre elles.

Elle signifie que ce que la décision a établi a force de vérité légale entre les parties, et ce de manières définitive lorsque la décision est insusceptible de voie de recours. Les tribunaux internationaux ont autorité de chose jugée et leur décision, lorsqu’il n’y a plus de voie de recours, ont force de chose jugée. Or comme l’organisation juridictionnelle repose sur des tribunaux qui ne s’emboitent pas les uns dans les autres selon une logique hiérarchique, le système des voies de recours est fortement lacunaire. Sauf prévision particulière, autorité de chose jugée et force de chose jugée se confondent.

2. Variétés :

a) Mode arbitral

Les tribunaux arbitraux ne sont pas préconstitués. Ils s’opposent aux juridictions judiciaires qui sont vouées à la permanence et qui peuvent mener une politique judiciaire indépendante d’un litige

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donné (la jurisprudence, avis,…). Les tribunaux arbitraux sont eux institués pour régler un litige dont l’apparition est antérieure à leur création. Ils ont un caractère éphémère.

Les parties au procès en tire des pouvoirs renforcés puisqu’elle en détermine la création, la composition, la procédure et décide le droit applicable par le tribunal. Ce rôle des parties sur la juridiction arbitrale. Cette maîtrise des parties sur l’organe arbitrale explique son importance actuelle dans le cadre du contentieux transnational (notamment dans le domaine des investissements à l’étranger). Les parties déterminent la création d’un tribunal arbitral soit par un compromis, soit pas une clause compromissoire. Le premier est conclu après la naissance d’un différend. La clause compromissoire est une disposition d’un traité qui envisage les différends susceptibles de survenir. La clause envisage sa procédure de création en indiquant les actes permettant de la déclencher.

b) Mode judiciaire

Le tribunal judiciaire est un organe permanent, constitué par un acte antérieur à l’apparition du différend qu’il va régler. Cet organe judiciaire tient sa compétence pour connaitre d’un contentieux donné d’un engagement juridictionnel des Etats au litige. Le tribunal judiciaire tire ses pouvoirs de son statut qui est opposable aux parties. Les parties ne maîtrisent pas la composition, création, droit qu’il applique,… Ainsi, l’apparition du premier tribunal judiciaire est relativement récente : 1920 avec la création de la CPJI (dissoute en 46 pour devenir la CIJ). Les organes judiciaires sont en général créés par traités. On a aujourd’hui par exemple la CIJ à La Haye, à vocation universelle et compétence générale, créée par les NU ; le tribunal international du droit de la mer à Hambourg, créé par la convention des NU de 82 ; ORD (organe de règlement des différends) mis en place par les accords de Marrakech au sein de l’OMC pour les questions commerciales,…Les Etats peuvent aussi recourir à l’instrument conventionnel pour créer des juridictions ouvertes à des sujets internes. Ainsi, les organes judiciaires régionaux, tel la CEDH ou la Cour interaméricaine des DH. Ils peuvent créer des juridictions devant lesquelles des tiers à l’accord (souvent des particuliers) seront jugées, ainsi de la CPI créée par le statut de Rome en 98, qui juge des actions introduites par l’OI contre des particuliers.

Des juridictions judiciaires ont pu être créées également par des résolutions d’OI dans deux situations :

- les fonctions des juridictions instituées sont internes à l’organisation (tribunaux administratifs internationaux qui jugent des litiges de travail entre l’administration et ses agents)

- les fonctions des juridictions instituées sont externes. Leur jugement à une autorité de chose jugée à l’égard des EM ou tiers. Ces juridictions n’ont pu être créées par les OI que dans les domaines où celles-ci disposent d’un pouvoir de décision à l’égard de ses membres (tribunaux pénaux internationaux par les NU).

SECTION 2. CONDITIONS DE LA JURIDICTION

§ 1. L’habilitation à juger

A. Attribution de la juridiction : l’engagement juridictionnel

Pour être habilité à juger, la juridiction doit se fonder sur un engagement juridictionnel qui lui attribue un pouvoir juridictionnel.

1. Principes régissant l’attribution

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La confection d’un jugement suppose qu’à un organe donné, ait été dévolu le pouvoir d’adjuger les prétentions des parties. Cette dévolution du pouvoir juridictionnel résulte de l’engagement juridictionnel. Elle obéit en DI à deux principes dont le premier est l’un des principes les mieux établi du droit coutumier : le caractère volontaire de la juridiction. L’Etat ne peut être attrait en justice que s’il a consenti à la constitution de l’organe saisi. La juridiction est nécessairement consensuelle. La juridiction n’est donc pas tenue d’examiner à titre liminaire si elle a compétence, dès lors que les parties à l’instance s’accordent sur cette habilitation. L’Etat peut soumettre à la juridiction les êtres qui sont dans une position d’assujetti. L’Etat peut ouvrir des actions en justice aux sujets internes (CEDH par exemple) mais peut disposer du consentement des êtres en leur imposant la juridiction international (la CPI par exemple). Ces actions internationales introduites par les sujets internes ou contre eux n’impliquent leur consentement. Ces actions sont aujourd’hui majoritaires. On ne peut plus dire que la juridiction internationale est consensuelle puisque les êtres qui y sont soumis n’y consentent pas toujours. Cette affirmation n’est valable que pour une part désormais marginale : le contentieux interétatique. Mais ces juridictions restent consensuelles du point des modes de formation de l’engagement juridictionnel. Le pouvoir de juger du tribunal vient des Etats !

2. Techniques d’attribution

a) Différend actuel: technique conventionnelle

L’attribution d’un pouvoir de juger un différend déjà survenu se réalise par la technique conventionnelle (le compromis). Au moment où l’accord est conclu, les parties sont à même d’apprécier les avantages comme les risques du recours au mode juridictionnel. Cette dévolution est ainsi privilégiée dans la pratique. b) Différend à venir

Il est également possible de conférer compétence à un tribunal pour l’ensemble des catégories de différends qui pourraient survenir. On est alors dans l’hypothèse dite de la juridiction obligatoire. La juridiction obligatoire ne signifie pas qu’un Etat serait obligé de porter en tant que demandeur un différend qui le concerne devant le tribunal. Cela veut juste dire qu’il devra s’y soumettre comme défendeur. La juridiction obligatoire repose sur le consentement de l’Etat. L’Etat a accepté à l’avance et une fois pour toute la juridiction du tribunal à chaque fois que se réaliseront les conditions envisagées. Il renonce à sa liberté de choisir le moment venu, le mode de règlement qui lui paraîtrait le plus approprié à ses intérêts, d’où la réserve que cette formule suscite en pratique. L’Etat n’accepte la juridiction future d’un tribunal que dans ses relations avec ceux qui ont consenti à cette même renonciation.

Deux techniques permettent la mise en place d’une juridiction conventionnelle

(i) technique conventionnelle : juridiction 1° générale, 2° spéciale

Les intéressés conclus un traité. La portée de la dévolution peut être générale ou spéciale. Dans le premier cas, les Etats conclus un traité indépendant de toute réglementation matérielle particulière. L’objet exclusif de ce traité est la mise au point d’un engagement juridictionnel de portée générale. Cette formule est en pratique rare. Les Etats y préfèrent l’engagement juridictionnel de portée spéciale. On introduit alors une clause compromissoire dans un accord, qui attribue à un tribunal le pouvoir de connaitre des différends relatifs à l’application de cet accord. La plupart des traités internationaux comporte une telle clause (la juridiction est judiciaire ou arbitrale). Ces clauses compromissoires peuvent en général faire l’objet de réserve (pour ne pas bloquer tout le traité).

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(ii) technique unilatérale

Un traité international est conclu, il ne pose pas lui-même l’engagement mais il renvoie aux futurs actes unilatéraux de ses Etats parties le soin de le faire pour eux-mêmes. Ce traité subordonne donc l’attribution du pouvoir de juridiction à une déclaration unilatérale facultative à venir d’un EM, rendant la juridiction internationale opposable à son auteur. Les Etats parties pourront à n’importe quel moment déclarer reconnaitre comme obligatoire de plein droit et son convention spécial à l’égard de tout autre état acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique. C’est le mécanisme de la « clause facultative de la juridiction obligatoire ». Il faut donc la réunion des actes unilatéraux des deux Etats entre lesquels le différend est apparu, sinon la Cour n’est pas compétente. Mais les Etats sont assez peu ouverts à cette formule. A l’heure actuelle seulement 67 Etats ont fait une telle déclaration. Parmi ceux-là, seul le RU est membre permanent du conseil de sécurité. La France et les USA ont retiré leur déclaration comme le statut le permet. La plupart du temps, les pays ayant adopté la « clause facultative de la juridiction obligatoire » ont limité la portée de la compétence de la Cour les concernant en la limitant à certains différends.

B. Sphère de la juridiction : la compétence

La question est de savoir de quel différend la juridiction peut connaitre.

1. Applicabilité de l’engagement

Les engagements juridictionnels reposent sur des actes juridiques. Ils ne sont donc applicables que s’ils sont valables et n’ont pas fait de mutation.

a) Validité

La validité de l’acte dépend des règles du Droit commun. Elles tiennent tout d’abord de l’auteur de l’acte. L’engagement doit émaner d’un sujet qui a le pouvoir de le souscrire. Une limite importante figure au statut de la CIJ, car elle n’est ouverte qu’aux Etats membre des NU ou autorisés par le conseil de sécurité. Le consentement de l’auteur doit être réel. L’acte doit-il répondre à des questions de fonds ? La question s’est posée dans le cas des emprunts norvégiens à propos de la faculté reconnue aux Etats d’aménager leur acceptation de la compétence par des restrictions. L’Etat peut-il valablement se réserver le droit d’exclure du champ de la compétence de la cour les affaires relevant de sa compétence nationale telle qu’il l’apprécie ? La France avait fait une telle restriction. La Norvège s’était prévalue de cette restriction, au nom du principe de la réciprocité. Le différend porté devant la Cour relève de la compétence nationale de la Norvège au sens de la restriction française ! Cette réserve automatique permet à l’Etat d’opposer en cour d’instance une objection péremptoire, privant la juridiction de son aptitude à établir sa compétence. Certains juges ont conclu à sa nullité si cette restriction est contraire à l’objet et au but de la déclaration à laquelle elle se rapporte. La Cour s’est contentée de prendre acte de l’accord de la France et de la Norvège sur sa validité.

b) Mutation

Ces mutations sont dépourvues d’effet sur les instances pendantes mais ne s’appliquent qu’aux actions nouvelles. Un Etat est donc libre de retirer ou modifier sa déclaration d’acceptation de la

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compétence de la CIJ, mais cette mutation ne vaut que pour l’avenir et des limites viennent restreindre le pouvoir unilatéral d’abroger ou modifier sa déclaration. Il faut un délai raisonnable entre la notification de la décision et son effet. Le cas échéant, il faut le respect par l’Etat des conditions qu’il a fixé lui-même dans sa déclaration. La question s’est posée dans l’affaire USA, activité paramilitaire au Nicaragua. Les USA s’étaient imposé un préavis. Celui-ci s’est vu imposé sa propre clause pour empêcher l’abrogation.

2. Application de l’engagement

a) Compétence

(i) matérielle Les différends soumis au juge sont toujours des différends à régler en application du Droit. Du champ d’application matérielle des règles dépend donc la compétence matérielle des tribunaux. La corrélation est particulièrement nette quand la compétence est limitée à l’application d’un texte donné. Les parties ont toutefois la possibilité quasi sans limite d’écarter certains différends du champ de la compétence. Certains différends qui relèvent déjà de la compétence d’un autre tribunal, certains différends qui portent sur les conventions multilatérales si les autres parties concernées par les différends ne sont pas parties à l’instance, compétence nationale de l’Etat (excessif selon la prof),… L’Etat peut laisser le soin à la juridiction de vérifier si la restriction est applicable au litige. L’Etat peut apprécier lui-même si la juridiction est compétente ou non.

(ii) personnelle

En général, les engagements juridictionnels de l’Etat ne la limite pas. Mais la restriction est possible, et un Etat est libre d’exclure de la compétence d’un tribunal les différends entre lui et d’autres Etats, identifiés tels quels ou appartenant à un certain groupe. Israël avait par exemple dans une déclaration aujourd’hui caduque exclue la compétence de la CIJ dans les litiges l’opposant à un Etat qui ne la reconnaissait pas.

(iii) temporelle

La compétence temporelle des tribunaux internationaux est gouvernée par l’entrée en vigueur immédiate de l’engagement juridictionnel. Le tribunal peut alors connaitre de tous les litiges naissant à partir du jour même de l’engagement juridictionnel, même s’ils se rapportent à des faits antérieurs. Cette entrée en vigueur immédiate n’emporte pas la rétroactivité des règles de fonds. Cela pose problème lorsque l’engagement est postérieur au fait litigieux. S’il permet au tribunal de connaitre ses faits, le droit qui leur est applicable est celui-ci qui était en vigueur au moment de leur survenance. Si on a : fait litigieux texteengagement juridictionnel, principe de non rétroactivité, le droit n’était pas encore applicable. Mais si on a : textefait litigieuxengagement juridictionnel, alors le droit était applicable et l’Etat est condamné même s’il reconnait la compétence du tribunal postérieurement au fait.

b) Réciprocité des engagements juridictionnels

Il faut que les deux parties aient souscrit à un engagement au procès. Mais cette condition n’est pas suffisante. Il faut que les engagements des deux parties soient similaires formellement et substantiellement au titre de la réciprocité des engagements juridictionnels. La réciprocité des engagements interdirait qu’une juridiction établisse sa compétence si elle était saisie par une

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requête fondée sur une clause compromissoire aux fins de l’application d’un texte donné par laquelle le défendeur n’est pas lié. De même, lorsqu’une juridiction est saisie sur la base d’une acception unilatérale de sa juridiction, sa compétence n’est établie que si l’autre partie est également liée par une déclaration d’acceptation. Cela réduit considérablement le champ de la juridiction obligatoire. Si l’une des deux parties a restreint son acceptation, et que l’autre n’y a posé aucune limite, le principe d’égalité entre Etats interdit que celui qui a accepté la juridiction sans condition, se voit attrait par celui qui a opéré une limitation sur un différend relevant de cette limitation. Cela permet aux parties de se prévaloir des restrictions de l’autre partie (d’où l’affaire de la Norvège). Il faut donc soustraire toutes les modulations opérées par les deux parties…

§ 2. L’aptitude à juger

La compétence du tribunal est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Il faut que le tribunal soit apte à juger du différend qui relève de la sphère de sa compétence. Ce qui est en cause, c’est la recevabilité des demandes. Là où la compétence dépend de l’accord des parties, la recevabilité dépend des règles qui régissent le tribunal. Le tribunal doit être saisi d’un différend qu’il puisse trancher par une décision obligatoire rendue en application du Droit. Les parties peuvent soulever une exception d’irrecevabilité. Mais les conditions générales de recevabilité sont indisponibles. La juridiction internationale doit donc préliminairement vérifier 3 points :

- qu’un différend divise vraiment les parties- que le différend peut être régler en droit- refus de faire droit à une demande qui l’inviterait à faire emploi d’un pouvoir qu’elle ne

détient pas.

A. Existence d’un différend

Le tribunal est chargé de garantir le caractère contentieux de sa juridiction. Le tribunal est invité à trancher un différend né à la date de l’acte introductif d’instance. Le tribunal ne peut se prononcer sur des situations non contentieuses ou sur des éventuels litiges à venir. Il faut que les parties fassent la preuve de leurs prétentions et contestations. Il faut que le différend soit réel et actuel. Dans son arrêt du 2 déc 63 (Cameroun septentrional), la CIJ a affirmé que son rôle n’était pas de clarifier une situation juridique entre les parties, mais de dire le droit à l’occasion de cas concret, dans lesquels il existe au moment du jugement un litige réel impliquant un conflit juridique entre les parties. Il refuse d’admettre l’utilisation par les parties de la procédure juridictionnelle pour obtenir une déclaration ou un avis sur une question abstraite. Le RU qui colonisait le Niger et le Cameroun avait proposé au Cameroun septentrional de rejoindre le Nigeria. Une fois son indépendance prise, le Cameroun avait formé une requête pour se plaindre de cet acte fait par le RU. Mais il ne demandait pas le rétablissement de la situation ou autre. Il n’y avait donc pas de différend réél. La Cour ne peut pas rendre un arrêt effectivement applicable avec de telles demandes… Le différend doit être actuel, il doit encore diviser les parties au moment du jugement. Il arrive que l’auteur de la prétention initial obtienne satisfaction avant le prononcé du jugement alors que l’instance est pendante. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire des essais nucléaires opposant la France à l’Australie et la Nouvelle Zélande (Arrêt 74). La France s’était engagée à mettre un terme à ses essais nucléaires, vidant le différend de toute actualité.

B. Possibilité d’appliquer le droit

Le tribunal doit vérifier que le différend peut être réglé en droit.

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1. Justiciabilité du différend

La juridiction ne saurait se prononcer sur des conclusions et des moyens insusceptibles d’une appréciation juridique. Un tribunal refusera d’exercer sa fonction si l’aspect politique ou l’opportunité est seul soumis à son examen ou si les demandes ne visent qu’à solliciter un examen d’ordre moral. Toute demande qui l’invite à poser une nouvelle obligation est également rejetée.

2. L’intérêt pour agir du demandeur

(i) principe : spécialité de l’intérêt

Les tribunaux ne sauraient reconnaitre à une partie un droit qu’elle ne détient pas. Le tribunal doit vérifier que le demandeur est bien titulaire du droit subjectif qu’il fait valoir. L’intérêt pour agir est spécial. L’intérêt juridique à l’action établi la qualité pour agir du demandeur. La qualité pour agir du demandeur repose toujours sur l’intérêt qu’il détient personnellement à ce que l’obligé observe l’obligation dont il invoque la violation. Un Etat ne peut introduire de réclamation que si c’est bien lui qui a pâti du dommage. Il faut qu’il existe entre lui et le défendeur un lien de droit et que sa méconnaissance soit à l’origine d’un dommage. Il n’a pas d’intérêt à agir pour la défense objective de la légalité internationale.

(ii) extension de l’intérêt : obligations erga omnes

Le DI admet un cas dans lequel l’intérêt reste spécial mais est étendu à l’ensemble des Etats. Le 5 février 70, la CIJ identifie des règles qui posent des « obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble ». Tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés. Les obligations erga omnes instaurent des relations qui se concrétisent en des rapports juridiques universels. Ces obligations sont contractées à l’égard de tous. A l’obligation d’un Etat ne correspond pas le droit d’un autre Etat mais de tous les autres Etats. L’existence d’obligations erga omnes n’aboutit aucunement à la reconnaissance d’un droit pour chaque membre de la collectivité internationale d’intenter une action pour la défense d’un intérêt public. Chaque Etat détient un intérêt subjectif propre à ce que les droits dus au titre d’obligations erga omnes soient respectées. Ces obligations élargissent le cercle des titulaires de la qualité pour agir sans modifier l’exigence d’un intérêt spécial (en gros elle ne donne pas un droit mais un intérêt à agir).

(iii) exception à la spécialité de l’intérêt

Le seul cas où le DI admet une hypothèse d’intérêt général pour agir est un cas qui repose sur un arrangement spécial, résultant du statut de Rome de 98 mettant en place une CPI. La procédure devant la CPI est une action publique. Qui sur le modèle du procès national qui confère au procureur, organe de la cour, une fonction de gardien du droit et un pouvoir de déclencher l’action juridictionnelle dans l’intérêt de la collectivité qui le représente. Le procureur est gardien de l’ordre pénal posé par le statut de Rome.

C. Possibilité de rendre une décision obligatoire

Les tribunaux préservent le caractère obligatoire de leur décision. C’est pour cela qu’ils refusent de donner droit à une demande qui les inviterait à exercer un pouvoir qu’ils ne détiennent pas.

1. Impossibilité tenant à l’acte litigieux

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Une demande est irrecevable si elle invite la juridiction à modifier la un acte international ou à poser une règle générale. La juridiction n’a pas pouvoir de créer du droit. Son office est l’application du droit. Une des figures particulières de cette impossibilité est l’irrecevabilité qui s’attache aux demandes d’annulation d’un acte interne. La validité des actes internes dépend du droit interne… Cette limite n’exclue pas les conclusions tendant à ce que la juridiction déclare internationalement inopposable un acte interne. Elle ne fait pas échec aux conclusions tendant à ce que la juridiction établisse au titre de l’obligation de réparer, l’obligation de l’Etat d’abroger ou retirer un acte interne qui serait constitutif d’un fait internationalement illicite. La juridiction ne pourra pas elle-même annuler mais pourra tenir pour obligatoire l’annulation de cet acte par l’Etat.

3. Impossibilité tenant aux droits des tiers

Ces tiers sont protégés par la relativité qui s’attache au jugement. La relativité de l’autorité des jugements protège l’intérêt juridique des tiers au procès et met en échec toute les conclusions qui l’amèneraient à se prononcer sur les droits des tiers. La juridiction adopterait une décision dépourvue de force obligatoire, puisqu’elle ne lierait pas les tiers au titre de la chose jugée. Arrêt du 14 février 2002 (affaire du mandat d’arrêt). La Belgique avait émis un mandat d’arrêt à l’encontre du MAE congolais en méconnaissance des immunités le protégeant. Le Congo invitait la cour à dire et à juger que les violations du Di dont procède le mandat interdisent à tout Etat tiers d’y donner suite. La Cour a jugé que cette demande était irrecevable. Les Etats tiers ne sont pas définition par liés par l’arrêt à rendre (c’est l’effet relatif !). « Une demande est irrecevable si elle implique que la juridiction, pour rendre sa décision entre les parties, doivent statuer au préalable sur la situation d’un tiers à l’instance qui n’y a pas consenti ». Affaire du Timor, arrêt du 30 juin 95. Un juge refuse de statuer lorsque les intérêts du tiers ne sont pas simplement touchés mais en constitue l’objet même. Dans ce cas, le tribunal est inapte à rendre une décision dotée de l’autorité de la chose jugée entre les parties au procès elles-mêmes, puisque sa décision ne déploierait ses effets que si elle était obligatoire pour les tiers. Le principe dit de la partie indispensable n’a pas pour but de protéger le tiers qui est déjà protégé par le principe de la relativité qui s’attache à l’autorité du jugement mais a pour but de permettre à la juridiction de garantir le règlement juridictionnel du différend entre les parties au procès.

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